Construction de modèle du thorax respirant Chapitre 4. Construction d'un modèle dynamique anthropomorphique de thorax 101 Construction de modèle du thorax respirant 4.1 Introduction Dans notre objectif de création d’un modèle entièrement numérique dédié à l’évaluation, il est nécessaire d’envisager de pouvoir simuler des images de différentes modalités d’imagerie. Quelle que soit la modalité envisagée, un modèle des structures thoraciques et de leur dynamique au cours de la respiration est requis. Nous avons dans ce but réalisé l’acquisition de données thoraciques en même temps que les données cardiaques avec cependant quelques contraintes pratiques. La construction de ce modèle suit dans son principe la même démarche que pour la construction du modèle de cœur. Nous présentons également notre stratégie pour la superposition et la synchronisation temporelle des deux modèles pour n’en obtenir qu’un unique. 4.2 Données médicales 4.2.1 Anatomie thoracique La cage thoracique (Figure 4-1), entourée par les côtes, avec le sternum à l’avant et la colonne vertébrale à l’arrière, maintient et protège les organes vitaux que sont le cœur et les poumons. Elle se compose de 3 régions : les 2 hémithorax droit et gauche, qui contiennent respectivement les poumons droit et gauche; et le médiastin, entouré du péricarde, qui comporte le cœur et quelques vaisseaux (l'œsophage, la trachée, des nerfs, des vaisseaux lymphatiques et sanguins). Trachée Poumon droit Poumon gauche Côtes Emplacement du cœur Diaphragme Figure 4-1. Anatomie du Thorax Le poumon est découpé en lobes par de profonds sillons, les scissures. Le poumon droit comporte trois lobes, le poumon gauche deux lobes (supérieur et inférieur) seulement en raison de la place nécessaire au cœur. Les poumons droit et gauche ne sont donc pas symétriques (700g contre 600g), cette différence étant due à la position du cœur qui déborde sur la gauche. Le volume total des deux poumons est en moyenne de 4.5 litres (Figure 4-2). 102 Construction de modèle du thorax respirant Chaque poumon est enveloppé par la plèvre qui comporte un feuillet pariétal et un viscéral (accolé au poumon). La plèvre est une mince membrane qui tapisse, à la fois, la paroi intérieure du thorax et le côté externe des poumons. Entre les deux feuillets de la plèvre, une infime quantité de liquide permet aux poumons de glisser doucement à l'intérieur de la cage thoracique. Les cavités abdominale et thoracique sont séparées par le diaphragme. Il recouvre toute la partie inférieure du thorax et s’appuie étroitement sur les viscères de la partie supérieure de l'abdomen, prenant la forme de deux coupoles, droite et gauche. Ce muscle joue un rôle important dans la respiration. Inspiration maximale 6 -Volume de réserve inspiration 1,5 litres 5 -- Capacité Inspiratoire Capacité vitale 3,5 litres 4 -- Capacité pulmonaire totale 5 litres Volume courant 0,5 litres 3 -- Inspiration de repos Volume de réserve expiration 1,5 litres 2 -- Expiration de repos 1 -- Capacité résiduelle fonctionnelle Volume résiduel Expiration maximale Volume résiduel 0 -Temps Figure 4-2. Évolution des volumes des poumons au cours de la respiration 4.2.2 Notions de physiologie respiratoire La fonction respiratoire a pour mission d'assurer la transformation du sang veineux en sang artériel, c'est à dire l'enrichissement du sang en oxygène et le rejet des déchets gazeux dont il est chargé, notamment le gaz carbonique. Le caractère le plus remarquable des mouvements respiratoires est leur automatisme : ils sont en effet indépendants de la volonté, se poursuivant pendant le sommeil. Les poumons sont ventilés par les mouvements thoraciques lors du cycle respiratoire constitué des phases d'inspiration et d'expiration. L'air passe par le nez (la voie habituelle au repos) ou par la bouche, pour traverser le pharynx et le larynx, qui constituent les voies aériennes supérieures. Il parvient ensuite au niveau de la trachée qui se divise en deux, pour se subdiviser de nombreuses fois, jusqu'à former les bronchioles terminales. Jusqu'à ce niveau, il n'y a aucun alvéole, d'où son nom de partie conductrice. Ensuite s'embranchent les bronchioles respiratoires, point de départ de la partie respiratoire. Celle-ci contient les alvéoles, où peuvent avoir lieu les échanges gazeux. 103 Construction de modèle du thorax respirant En même temps, les alvéoles reçoivent du sang pompé par le cœur droit. Au repos, 4 litres d'air et 5 litres de sang traversent les poumons par minute. Lors d'un effort, ces quantités peuvent varier de manière importante (jusqu'à 160 litres d'air et 30 litres de sang par minute). Ces apports permettent aux alvéoles de remplir leur rôle d'échanges gazeux, à travers de fines membranes qui séparent les alvéoles des capillaires sanguins. Les mouvements respiratoires sont causés par différents muscles, le plus important étant le diaphragme : en se contractant, il descend, comprimant la partie abdominale et augmentant le volume des poumons, créant ainsi un appel d’air. Le diaphragme (Figure 4-3) peut bouger de bas en haut d’une amplitude de 10 cm pendant les respirations forcées et se déplace d’environ 2cm pendant un cycle respiratoire normal. Les autres muscles impliqués dans la respiration sont les muscles intercostaux qui en se contractant pendant l’inspiration tirent les côtes vers l’avant et le haut, augmentant le diamètre transverse du thorax, et d’autres muscles auxiliaires (les muscles abdominaux, les muscles du cou …). L'expiration est le retour sur elle-même de la cage thoracique qui chasse l'air en dehors des poumons. Elle ne réclame, dans la respiration normale, l'intervention d'aucune puissance musculaire active. C'est, en effet, un phénomène purement passif. Les muscles inspirateurs n'interviennent que dans l'expiration forcée. Diaphragme au moment de l’expiration Diaphragme au moment de l’inspiration Figure 4-3. Déformation du diaphragme pendant la respiration. L’image présente une radiographie des poumons en fin d’expiration forcée et au maximum d’inspiration Nous pouvons distinguer quatre types respiratoires selon le mode de distension et d'affaissement du thorax pendant la respiration : 1. Le type costal supérieur dans lequel les côtes supérieures ont une action prépondérante 2. Le type costal inférieur où seules les côtes inférieures et le diaphragme semblent respirer 3. Le type abdominal normal où les côtes sont à peu près immobiles, le gonflement se faisant essentiellement dans le sens vertical (abaissement du diaphragme). A l'inspiration, le ventre se gonfle, à l'expiration le ventre rentre 104 Construction de modèle du thorax respirant 4. Le type abdominal paradoxal ou inversé dans lequel le ventre se rétracte à l'inspiration et se gonfle à l'expiration. Au repos, un sujet sain a besoin de 10 à 15 respirations par minute pour l'approvisionnement en O2 et l'élimination du CO2. Cette fréquence respiratoire est maintenue automatiquement par une régulation nerveuse complexe dépendant du taux d'O2 et de CO2 dans le sang. Chaque poumon varie d’un volume d’environ 0.5 litre pendant un cycle respiratoire qui peut être modélisé par une sinusoïde, la phase d’inspiration étant plus courte que la phase d’expiration (Figure 4-4). Figure 4-4. Variation du volume des poumons pendant le cycle respiratoire ([Segars-01a]) Le cycle respiratoire dure environ 5 secondes contre moins d’une seconde pour le cycle cardiaque. Des études ont été conduites pour rechercher s’il existait une synchronisation entre les deux cycles mais, bien qu’ils paraissent s’influencer, seules de courtes et rares périodes de synchronisation ont pu être observées et dans des conditions particulières (respiration très régulière notamment) [Lotric-00, Hu-06]. 4.3 Méthode de construction du modèle de thorax respirant Dans cette partie, je vais détailler les étapes de construction du modèle de thorax respirant. Le principe de construction des composantes anatomique et dynamique est globalement le même que celui qui a été proposé pour la construction du modèle de cœur et qui est détaillé au Chapitre 3. Une étape supplémentaire consiste en l’intégration du modèle de cœur battant qui pose le problème de la synchronisation temporelle. Le principe est illustré sur le schéma suivant (Figure 4-5). 105 Construction de modèle du thorax respirant Données IRM du thorax (3 instants du cycle respiratoire) Segmentation manuelle des contours Estimation du mouvement respiratoire Reconstruction 3D Déformation du modèle 3D Modèle 3D géométrique des structures thoraciques Thorax anatomique Modèle de thorax respirant 4D (3D+temps) Thorax Dynamique Intégration du modèle de cœur battant dans le thorax respirant Simulation d’images (IRM et TEP) Figure 4-5. Principe de construction du modèle de thorax respirant avec intégration du cœur battant 4.3.1 Données Nous disposons de trois séries d’images acquises en imagerie par RM (Philips Medical Systems, INTERA 1.5T, Hôpital Neuro Cardiologique), chez le même volontaire sain et au cours de la même séance d’acquisition des images cardiaques (section Erreur ! Source du renvoi introuvable.). Les images thoraciques sont acquises en fin d’une inspiration normale, en fin d’une expiration normale et en un instant intermédiaire. Cet instant a été acquis pendant que le sujet respire et inspire d’une façon régulière non forcée. Chaque série couvre entièrement les poumons, Ainsi, les séries intermédiaire et en fin d’expiration comportent moins de niveaux de coupe que la série en fin d’inspiration. Les coupes sont acquises en mode transverse avec les paramètres suivant: Type de séquence : écho de gradient Temps de Répétition (TR) : 3.488 ms Temps d’Écho (TE) : 1.74 ms Angle de bascule: 90° Espacement entre coupes : 10 mm Épaisseur de coupes: 10 mm Matrice : 256 × 256 Résolution spatiale : 1.25 × 1.25 mm² Champ de vue (FOV) :320 × 320 mm² 106 Construction de modèle du thorax respirant Un exemple de coupes acquises est visible sur la Figure 4-6. Figure 4-6. Trois coupes extraites des données IRM thoraciques à l’instant de fin d’inspiration Les données acquises sont interpolées en 3D et les volumes résultants font l’objet des traitements décrits dans la section suivante. 4.3.2 Construction du modèle anthropomorphique du thorax La segmentation de chaque structure thoracique est réalisée manuellement dans toutes les coupes thoraciques à l’instant de fin d’inspiration. Cette opération nous fournit pour chaque structure, un ensemble de points définissant les contours polygonaux de cette structure. Au vue de la faible résolution spatiale des images par RM dynamiques, bien inférieure à celle des images CT ou IRM statique, nous décidons de ne segmenter que les structures suivantes : le contour extérieur du thorax (incluant peau, graisse et côtes), le contour intérieur du thorax (muscles), les deux poumons droit et gauche, la colonne vertébrale et la moelle épinière. En effet, des structures comme les côtes ou le diaphragme sont peu visibles. Les incursions que nous laissons dans les poumons correspondent à la vascularisation (Figure 4-7 (c)). 107 Construction de modèle du thorax respirant Ensuite, à partir des contours, nous avons reconstruit des surfaces 3D pour les différentes structures segmentées en utilisant le logiciel NuagesErreur ! Signet non défini.. Des maillages surfaciques de chaque structure sont ainsi obtenus (Figure 4-7 (b)). Enfin, les différentes structures sont assemblées pour obtenir un modèle anatomique du thorax qui contient les poumons droit et gauche, la colonne vertébrale, la moelle épinière et l’extérieur du thorax. Sur la Figure 4-7 (c), nous montrons le modèle de thorax 3D après une étape de lissage, par remaillage selon la technique préalablement décrite (Section 3.4, Amélioration du modèle), afin d’améliorer l’aspect visuel et la régularité du modèle (Figure 4-8). Figure 4-7. Étapes de construction du modèle anatomique 3D de thorax. (a) exemple de contours segmentés, (b) exemple de surface 3D reconstruites et (3) modèle résultant de l’assemblage des différents structures. Figure 4-8. Remaillage des structures 108 Construction de modèle du thorax respirant 4.3.3 Estimation du mouvement des structures thoraciques Il s’agit de déterminer les mouvements et déformations des différentes structures thoraciques entre trois instants du cycle respiratoire. Cette estimation est réalisée par le calcul de champs de déplacement 3D par la même méthode de recalage non rigide que celle mise en œuvre pour estimer le mouvement cardiaque (section 3.5.3). Tout d’abord, des volumes de données sont interpolés spatialement selon la direction z. Les résultats de l’interpolation par un noyau de B-splines cubiques (voir section 3.3.2) sont illustrés sur la Figure 4-9. Figure 4-9. Données IRM après interpolation en 3D avec un noyau B-splines (degré 3) à l’instant de fin d’inspiration À partir de ces données interpolées (3 volumes à 3 instants du cycle respiratoire), nous réalisons deux estimations de champs de déplacement : entre l’instant intermédiaire et l’instant de fin d’inspiration et entre l’instant intermédiaire et l’instant de fin d’expiration. La méthode s’appuie sur l’estimation de transformations FFD entre deux images et une décomposition multi-échelle pour les transformations et multi-résolution pour les images (section 3.5.3). Le fait de partir de l’instant intermédiaire vers l’un ou l’autre des extrêmes permet d’obtenir des résultats meilleurs lors de l’application du mouvement estimé sur les surfaces anatomiques. La Figure 4-10 montre les résultats de la déformation des poumons à partir des deux modèles de mouvement estimés. 109 Construction de modèle du thorax respirant (a) Configuration déformée en fin d’inspiration (b) Poumons segmentés à l’instant intermédiaire (c) Configuration déformée en fin d’expiration Figure 4-10. Application des transformations calculées aux modèles 3D des poumons (droit en bleu) et gauche en rouge)) issus de la segmentation (b) entre (a) l’instant intermédiaire et l’instant de fin d’inspiration et (c) l’instant intermédiaire et l’instant de fin d’expiration 4.3.4 Intégration du modèle du cœur au modèle de thorax Dans cette partie, nous expliquons comment nous avons interpolé temporellement entre les instants respiratoires afin d’établir une correspondance avec le cycle cardiaque. Nous allons supposer qu’un cycle cardiaque dure 1 seconde contre 5 secondes pour le cycle respiratoire complet. Disposant de 15 phases pour le cycle cardiaque, nous allons, à chaque phase de ce cycle, créer le thorax correspondant, soit au total 75 instants « thorax respirant – cœur battant » sur le cycle respiratoire complet. Pour réaliser cette opération, nous introduisons un modèle de variation du volume des poumons au cours de la respiration. Le modèle retenu, aussi utilisé par Segars et al. [Segars01a, Segars-01], est une sinusoïde dissymétrique avec 2 secondes pour la phase d’inspiration et 3 secondes pour la phase d’expiration (Figure 4-4). La position de l’instant intermédiaire dans le cycle respiratoire est déterminée en calculant les volumes des poumons (Figure 4-11). Instant 1 (inspiration) Instant 3 (expiration) Instant 3 (expiration) Instant 2 (intermédiaire) Figure 4-11. Courbe de la variation du volume des poumons au cours de la respiration. Les 3 instants pour lesquels on dispose d’images sont indiqués 110 Construction de modèle du thorax respirant Nous créons T modèles intermédiaires à partir d’une courbe de respiration sinusoïdale en appliquant comme paramètre de déformation entre le maillage original et le maillage déformé à l’instant t l’équation (4-1) suivante: (4-1) πt sin( ) × Trans 2T avec 0 < t < T et Trans la transformation originale. La courbe de respiration est séparée en quatre parties selon la transformation effectuée (Figure 4-12). 2 3 2 1 2 1 2 3 Début d’un nouveau cycle cardiaque Figure 4-12. Synchronisation des cycles respiratoire et cardiaque Il reste à intégrer spatialement le cœur battant pour qu’il prenne sa place dans l’enceinte des poumons. Nous connaissons sa position à chacun des trois instants originaux (expiration, intermédiaire et inspiration) grâce au logiciel Visu3D1. Entre ces instants, nous effectuons une translation rigide progressive du cœur pour qu’il rejoigne sa position suivante. De plus, nous avons développé un script permettant de régler indépendamment les rythmes des cycles cardiaque et respiratoire pour simuler différents cas physiologiques. Nous obtenons à la fin du processus un modèle animé de l’ensemble thorax/cœur. Les premières observations visuelles montrent que le mouvement d’ensemble est plutôt réaliste : dans le cas de l’inspiration, le diaphragme se déplace vers le bas, le cœur vers le bas et en avant, et la cage thoracique se gonfle également vers l’avant dans sa partie supérieure (Figure 4-13). 1 Logiciel développé à CREATIS qui permet de superposer des maillages surfaciques (extension .vtk) à des images 3D et d’effectuer des opérations manuelles de translation et rotation sur les maillages. 111 Construction de modèle du thorax respirant Figure 4-13. Déplacement du cœur et déformations des poumons pendant l’inspiration La Figure 4-14 montre quelques instants du cycle respiratoire (CR) et du cycle cardiaque (CC). Nous pouvons observer les variations du diaphragme au cours du cycle respiratoire (la flèche horizontale permet de situer son niveau). On constate qu’il suit une évolution réaliste : il est en position basse durant la phase d’inspiration et en position haute pendant la phase d’expiration. Par ailleurs, la variation du volume des poumons est bien sinusoïdale et synchronisée au cycle cardiaque à la fréquence prescrite (5 cycles cardiaques/cycle respiratoire, Figure 4-15). Ces premières remarques et observations seront complétées par des données plus quantitatives dans les chapitres 5 et 6 qui portent sur l’évaluation du modèle et la simulation d’images. Figure 4-14. Déplacement du cœur et déformations des poumons pendant les cycles respiratoire et cardiaque 112 Construction de modèle du thorax respirant Volume (mm3) Poumon Droit Poumon Gauche Ventricule Gauche Figure 4-15. Volumes des structures représentatives au cours des cycles respiratoire et cardiaque 113