Endocardite à Coxiella Burnetii sur valve native aortique chez un patient d’origine marocaine porteur de prothèse valvulaire mitrale Ghita Saghi1*, Loubna Salaheddine1, Diae Mahjoubi1, Hicham Benyoussef2, Rochdi Sayeh2, Jamila Zarzur1, Mohamed Cherti1 RÉSUMÉ Mots clés : Coxiella Burnetii, prothèse valvulaire cardiaque, endocardite. L’endocardite infectieuse à Coxiella Burnetii est extrêmement rare et représente le chef de file des endocardites infectieuses à hémocultures négatives. Nous rapportons le cas d’un patient d’origine marocaine porteur d’une prothèse mécanique en position mitrale et d’une insuffisance aortique odérée, et chez qui le diagnostic d’une endocardite infectieuse à fièvre Q sur valve native aortique a été posé. Il a été mis sous hydroxychloroquine et doxycycline et a bénéficié une année plus tard, devant l’aggravation de la fuite aortique, d’un remplacement valvulaire aortique. Ce cas clinique est pertinent de par l’absence d’atteinte de la prothèse mécanique. ABSTRACT Keywords: Coxiella Burnetii, heart valve prosthesis, endocarditis. Q fever endocarditis is rare but is considered the most important infective endocarditis with negative blood cultures. We report the case of a Moroccan patient with moderate aortic insufficiency who carried a mechanical prosthesis in the mitral position and was hospitalized for congestive heart failure with fever. The diagnosis of Q fever endocarditis of the native aortic valve was made, and the patient was put on doxycycline and hydroxychloroquine. He underwent aortic valve replacement one year later, due to worsening aortic regurgitation. This case is relevant because the mechanical prosthesis was not affected. 1. INTRODUCTION 2. OBSERVATION La fièvre Q (FQ) est une zoonose ubiquitaire [1] causée par Coxiella Burnetii, petite bactérie intracellulaire gram négatif dotée d’une infectiosité majeure [2]. Son réservoir est très vaste [1] et les humains sont des hôtes accidentels. La fièvre Q provoque le plus souvent une primo-infection asymptomatique et évolue vers la chronicité dans 1 à 5 % des cas (infection durant plus de 6 mois). Ceci se voit particulièrement chez les valvulaires ou les porteurs d’une anomalie vasculaire, les immunodéprimés ou encore les femmes enceintes [3,4]. La forme chronique se manifeste sous forme d’endocardite infectieuse dans 73 % des cas. Cette dernière est mortelle en absence de traitement et sa présentation clinique est caractérisée par un grand polymorphisme [5], d’où l’intérêt de l’évoquer de principe. Nous rapportons l’observation d’un patient porteur d’une prothèse mécanique en position mitrale, et qui a présenté une endocardite à Coxiella Burnetii sur valve native aortique, épargnant la prothèse mécanique. Un patient de 37 ans était hospitalisé au service de cardiologie pour dyspnée de repos et fièvre intermittente à 38,5 °C depuis 5 mois. Il est porteur d’une prothèse mécanique en position mitrale depuis 3 ans et d’une fuite aortique modérée d’origine rhumatismale. L’examen cardiaque objectivait un souffle diastolique d’insuffisance aortique tandis que les bruits d’ouverture et de fermeture de la prothèse mitrale étaient normaux. On notait par ailleurs une hépatomégalie, une splénomégalie, un purpura pétéchial aux jambes et un hippocratisme digital. Sur le plan biologique, on avait rapporté un syndrome inflammatoire franc avec un taux de leucocytes normal et pas de lymphopénie. De plus, le bilan rénal était perturbé : protéinurie positive à 1 g/jour, une hématurie microscopique et une clairance de la créatinine à 40 mL/min. Les hémocultures réalisées (y compris sur milieu de Sabouraud) étaient négatives. L’échocardiographie transthoracique avait mis en évidence une végétation sur le versant ventriculaire de la sigmoïde 1. Service de cardiologie B, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc. 2. Service de cardiologie A, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc. * Auteur correspondant : [email protected] Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec la publication de cet article. 118 CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2014 ; 18(2) : 118-120 cas clinique Figure 1. Coupe parasternale grand axe transthoracique montrant une végétation volumineuse sur la sigmoïde aortique postérieure. Figure 2. ETO : coupe apicale 4 cavités montrant l’absence de végétation sur la prothèse mitrale. Figure 3. Vue chirurgicale de la valve aortique montrant une végétation de 4 mm à travers l’aortotomie. Figure 4. Vue chirurgicale de la prothèse valvulaire mitrale en place qui est sans anomalie. aortique postérieure [figure 1], une insuffisance aortique modérée et un ventricule gauche dilaté mais de bonne fonction systolique. Par ailleurs, la prothèse mitrale fonctionnait correctement et l’échocardiographie transœsophagienne (ETO) n’avait pas retrouvé d’argument en faveur d’une endocardite sur prothèse mécanique [figure 2]. Devant ce tableau d’endocardite infectieuse sur valve native, à hémocultures négatives, plusieurs sérologies (HIV, HVC, HVB, Brucellose, typhoïde…) étaient réalisées, dont celle de Coxiella Burnetii qui était très positive avec un titrage à 4 000 des IgG anti-phase I par la technique d’immunofluorescence indirecte. Un traitement à base de doxycycline (200 mg/jour) et d’hydroxychloroquine (600 mg/jour) était alors instauré. Le contrôle sérologique à 12 mois avait noté une baisse de la dilution d’Ig G à 2048, en faveur d’une bonne réponse aux antibiotiques. Cependant, l’aggravation de la fuite aortique, et la survenue d’une dysfonction ventriculaire gauche avaient motivé la réalisation d’un remplacement valvulaire aortique par prothèse mécanique. L’intervention chirurgicale s’était déroulée sous circulation extracorporelle après sternotomie médiane. L’exploration peropératoire de la valve aortique retrouvait une végétation de 4 mm [figure 3]. La valve aortique native était alors réséquée en monobloc. L’exploration de la prothèse valvulaire mitrale confirmait l’absence de signe d’endocardite infectieuse sur celle-ci et l’absence de fuites paraprothétiques mitrales [figure 4]. Une prothèse mécanique à double ailette avait été implantée en position aortique. Les suites opératoires étaient simples, et l’évolution clinique satisfaisante. Le contrôle échocardiographique postopératoire immédiat était favorable. Le patient est toujours sous biantibiothérapie. 3. DISCUSSION L’endocardite infectieuse à FQ est rare : on dépiste 1 nouveau cas par an et par million d’habitants. Elle représente 8 % de l’ensemble des endocardites à hémocultures négatives, dont plus de 50 % surviennent sur une prothèse valvulaire [6]. Le tableau clinique habituel est celui d’un patient porteur d’une valvulopathie avec des anomalies cliniques aspécifiques : altération de l’état général, frissons, sueurs nocturnes. Les formes diagnostiquées tardivement comprennent une insuffisance cardiaque, une hépatomégalie, une splénomégalie, un purpura des extrémités et un hippocratisme digital [7]. Tous ces signes ont été retrouvés chez notre patient où le diagnostic a été porté avec plusieurs mois de retard. CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2014 ; 18(2) : 118-120 119 endocardite à coxiella burnetii Sur le plan échocardiographique, les végétations peuvent manquer totalement à l’ETT, imposant le recours à l’ETO. Quand elles sont présentes, leur taille n’est pas corrélée à la durée d’évolution. La curiosité de notre observation tient à l’atteinte exclusive de la valve native, épargnant la prothèse mécanique. Le diagnostic biologique de certitude repose sur l’immunofluorescence indirecte : un titre d’IgG supérieur ou égal à 800 contre les antigènes de la phase I suffit à faire évoquer une infection chronique [8]. Par ailleurs, Coxiella Burneti peut être isolée en culture ou mise en évidence par PCR sur sérum. La meilleure thérapeutique actuelle est l’association doxycycline (200 mg/jour) et hydroxychloroquine (600 mg/jour). La durée du traitement est au moins de 18 mois sur valve native et de 24 mois sur prothèse valvulaire. Elle est conditionnée par l’évolution de la sérologie. L’indication du traitement chirurgical est la même que pour les autres EI. On y a recours dans 45 % des cas selon les der- nières études [9]. Le remplacement valvulaire ne sera effectué qu’après 3 semaines d’antibiothérapie. Une surveillance rigoureuse et prolongée après l’arrêt du traitement s’impose car une récidive est toujours possible. 4. CONCLUSION L’endocardite infectieuse à FQ est une maladie rare mais grave en l’absence de traitement. Son expression clinique est peu spécifique. Ainsi, il faut savoir l’évoquer de principe devant tout tableau de maladie systémique chez un valvulaire et a fortiori si les hémocultures conventionnelles sont négatives. Son diagnostic repose sur l’IFI et son traitement se base sur une biantibiothérapie prolongée comprenant l’hydroxychloroquine et la doxycycline, associée parfois à la chirurgie. Enfin, elle nécessite un long suivi clinique, sérologique et échocardiographique afin de guetter une éventuelle rechute, toujours possible plusieurs années après un traitement bien conduit. n RÉFÉRENCES 1. Million M, Lepidi H, Raoult D. Fièvre Q: actualités diagnostiques et thérapeutiques. Médecine et maladies infectieuses 2009;39(2):82-94. 2. Maurin M, Raoult D. Q fever. Clin Microbiol Rev 1999;12:518-53. 3. Raoult D, Tissot-Dupont H, Foucault C et al. Q fever 1985-1998. 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