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PRISE EN CHARGE ACTUELLE DES LUXATIONS ÉPISODIQUES DE LA ROTULE (PLACE DE LA RECONSTRUCTION
DU LIGAMENT FÉMORO-PATELLAIRE MÉDIAL)
G. Demey, E. Servien, R. Debarge, S. Lustig, T. Ait Si Selmi, Ph. Neyret
Sommaire de l'article
INTRODUCTION
EXAMEN CLINIQUE
LES FACTEURS MORPHOLOGIQUES FAVORISANTS
INDICATION
Résultats
Conclusion
Centre Albert Trillat, Hôpitaux Lyon Croix Rousse, 8 rue de Margnolles, 69300 Lyon - Caluire
[email protected]
INTRODUCTION
Nous parlons de luxation épisodique de la rotule lorsque le patient a présenté au moins une luxation de rotule
vraie authentifiée ou une séquelle radiologique de cette luxation (fracture du versant interne de la rotule ou du
condyle externe). Sous l’influence de D. Fithian, ce terme de luxation épisodique a remplacé l’appellation
d’instabilité rotulienne objective ou luxation occasionnelle de la rotule. Il est plus adapté en français comme en
anglais (episodic patella dislocation) pour définir le groupe de patients ayant présenté une ou plusieurs luxations
de la rotule. C’est le mot « instabilité » qui induisait une ambiguïté car il s’agit d’un symptôme.
Après avoir établi le diagnostic, la recherche des facteurs morphologiques favorisants est fondamentale dans la
prise en charge. Comme énoncé par H. Dejour, le traitement chirurgical de la luxation épisodique de la rotule
doit être considéré comme « un menu à la carte » : le but de l’intervention chirurgicale étant de corriger un par
un les facteurs favorisant la luxation de rotule. L’intervention est planifiée : les gestes intéressant les parties
molles et les gestes osseux sont associés ou pratiqués isolément selon les cas.
Longtemps prônée par V. Chassaing, c’est sous l’impulsion de D. Fithian que la reconstruction du ligament
fémoro-patellaire médial (MPFL) s’est progressivement imposée dans notre service comme un geste fiable et
efficace. Cette technique a tout naturellement trouvé sa place dans l’algorithme de prise en charge de la luxation
épisodique.
EXAMEN CLINIQUE
L’examen clinique n’est pas toujours fiable pour le diagnostic de luxation épisodique de la rotule.
• Test de Smilie
Le patient redoute une luxation imminente de la rotule lorsque, allongé en décubitus dorsal avec le genou en
extension, la rotule est forcée en dehors. Le test est positif quand le patient et le médecin ont l’impression d’une
luxation à venir. Il s’agit bien d’une appréhension et non d’une douleur.
• Signe de Fithian
Il s’agit d’une subluxation de la rotule qui survient à 30° de flexion, l’examinateur appliquant une translation
latérale sur la rotule. Il s’agit d’un test plus statique que le test de Smilie.
• Signe du « J » ou de la « virgule »
C’est une subluxation latérale de la rotule à la fin de l’extension due à la position atypique de la rotule pendant
les premiers 30° de flexion.
• Strabisme divergent de la rotule (Lateral “squint” of the patella)
Appelé aussi signe « grasshopper », il s’agit de l’aspect haut et subluxé de la rotule sur le bord externe supérieur
du genou à 90° de flexion.
Les autres aspects de l’examen clinique tels que le gonflement, la sensibilité, le recurvatum et l’alignement de la
jambe sont des signes secondaires ou indirects. Ils contribuent rarement à la décision thérapeutique.
Figure 1 : Radiographie normale.
Figure 2 : Signe du croisement.
Figure 3 : Eperon sus-trochléen.
Figure 4 : Double contour.
Figure 5 : Saillie de trochlée (nulle, positive ou négative).
Figure 6 : Grade A.
Figure 7 : Grade B.
Figure 8 : Grade C.
Figure 9 : Grade D.
LES FACTEURS MORPHOLOGIQUES FAVORISANTS
Avant d’aborder la prise en charge actuelle des luxations épisodiques de la rotule, rappelons les travaux de H.
Dejour et G. Walch datant de 1987 mais toujours très actuels, classant les différents facteurs morphologiques,
principaux (au nombre de 4) et secondaires7.
La dysplasie de trochlée
C’est le facteur fondamental. Elle se traduit par un comblement progressif du fond de la trochlée conduisant à un
effacement plus ou moins marqué de la gorge trochléenne qui devient soit plate soit convexe.
Plusieurs signes radiologiques sont décrits sur une radiographie du genou de profil strict.
• Le signe du croisement
Le signe du croisement est défini sur la radiographie de profil strict par le croisement de la ligne de fond de
trochlée avec le bord antérieur des deux condyles. A ce point précis, et proximalement, la trochlée est
totalement plate (figures 1 et 2).
• L’éperon sus-trochléen
L’éperon sus-trochléen est caractérisé par la présence d’un spicule au-dessus de la trochlée. C’est la traduction
d’une proéminence globale de la trochlée (figure 3).
• Le double contour
Le double contour qui est la projection de l’os sous-chondral de la berge interne de la trochlée (figure 4).
• La saillie de la trochlée
La saillie de la trochlée est mesurée par rapport à une droite tangente aux 10 derniers centimètres de la corticale
antérieure du fémur. Le fond de la trochlée peut être en avant, en arrière ou à l’aplomb de cette corticale. La
saillie peut être positive, nulle ou négative (figure 5).
• La profondeur de la trochlée
Son intérêt est surtout pronostic. Maldague10 a étudié la profondeur de la trochlée à 1cm de son sommet. H.
Dejour et al.6 ont proposé une variante de cette mesure. On trace une droite Y tangente aux dix derniers
centimètres de la corticale postérieure du fémur puis sa perpendiculaire passant par le sommet des condyles
postérieurs. Ces droites se croisent en un point par lequel est tirée une droite formant un angle ouvert de 15° en
avant et en bas. Cette dernière croise la ligne de fond de trochlée en B et la ligne bicondylienne en A. La
distance AB est mesurée. Une valeur seuil de 4 mm est habituellement retenue (pathologique quand < 4 mm).
La dysplasie trochléenne est classée en 4 grades par D. Dejour 5 (figures 6, 7, 8, 9)
• Grade A : signe du croisement avec une morphologie normale des versants trochléens au scanner.
• Grade B : signe du croisement, éperon sus-trochléen, trochlée plate au scanner.
• Grade C : double contour se terminant en dessous du signe du croisement, une hypotrophie du versant
interne et une convexité du versant externe au scanner.
• Grade D : double contour se terminant en dessous du signe du croisement, éperon sus-trochléen, une
hypotrophie du versant interne et une convexité du versant externe au scanner, le raccordement entre les deux
berges se faisant de manière abrupte.
Distance entre tubérosité tibiale antérieure et gorge de la trochlée (TAGT)
Cette distance est mesurée en superposant deux coupes tomodensitométriques (l’une passant par le fond de la
gorge trochléenne là où l’échancrure a la forme d’une arche romane et l’autre par le milieu de la tubérosité
tibiale dans le plan transversal)9. La valeur normale est comprise entre 12 et 20 mm (16 mm +/- 4 mm) (figure
10).
La hauteur rotulienne
Ce facteur peut être observé de façon isolée dans une luxation épisodique de la rotule. Il explique aussi nombre
de récidives s’il est négligé. La rotule s’engage normalement dans la trochlée dès les premiers degrés de flexion.
Elle se retrouve ainsi stabilisée. Si la rotule est trop haute par rapport à la trochlée, son engagement trochléen
sera tardif avec un risque de luxation.
Nous utilisons l’index de Caton et Deschamps3. Un index normal est égal à 1, une rotule haute est définie par un
rapport supérieur à 1,2.
La longueur du tendon rotulien est mesurée sur les radiographies de profil. En cas de doute ou de mesure
difficile, l’IRM ou le scanner (reconstruction 3D) permettent d’affirmer la mesure. Une valeur supérieure à 52
mm est anormale11. La taille du patient peut néanmoins influer sur la valeur seuil (figure 11).
Figure 10 : Mesure de la TAGT (TDM).
Figure 11 : Mesure de la longueur du tendon rotulien (IRM).
Figure 12 : Bascule rotulienne.
La bascule rotulienne
Elle est mesurée par la superposition de deux coupes de scanner, l’une passant par le grand axe de la rotule,
l’autre passant par la coupe de référence trochléenne (coupe où l’échancrure a la forme d’une arche romane).
C’est l’angle que forme le grand axe de la rotule avec le plan bi condylien postérieur. C’est le reflet de la
dysplasie du quadriceps (notamment du vastus medialis) mais également de la dysplasie de la trochlée. Cette
mesure est faite quadriceps décontracté (sur l’acquisition spiralée) et quadriceps contracté (sur des coupes
semi-épaisses réalisées secondairement), ce qui donne une évaluation dynamique de la bascule. La valeur
normale est comprise entre 10 et 20° (figure 12).
Les facteurs favorisants secondaires
Les facteurs secondaires, caractérisés par l’absence de valeur seuil, sont :
• Le genu valgum.
• L’antéversion fémorale excessive.
• Le genu recurvatum.
• Une rotation externe fémoro-tibiale élevée.
• Une rotation dans le genou supérieure à la normale.
• La dysplasie de rotule : Wiberg a classé la rotule en 3 types selon la vue axiale de rotule à 30° de flexion 16 :
Type 1 : la facette interne est concave et presque aussi longue que
Type
2 :
la
facette
interne
est
concave
Type 3 : la facette interne est convexe et courte, ce qui correspond aux
Type 4 (selon Baumgartl) : absence de crête médiale ou de facette interne.
la
facette externe.
et
courte.
rotules dysplasiques.
Plus récemment, la dysplasie de la rotule a été étudiée par E. Servien13 dans le plan sagittal avec l’analyse de la
pointe de la rotule.
INDICATION
Le but du traitement chirurgical est de corriger les facteurs d’instabilité rotulienne principaux. Le traitement est
donc adapté au cas par cas, selon le principe du « menu à la carte » décrit par H. Dejour.
Le traitement des facteurs favorisants secondaires (ostéotomie fémorale ou tibiale de dérotation, de varisation
ou ostéotomie anti-recurvatum) est d’indication exceptionnelle.
- Techniques
L’abaissement de la tubérosité tibiale antérieure (TTA)
Cette technique est indiquée pour corriger une rotule haute. L’objectif est d’abaisser la TTA afin d’obtenir un
indice de Caton-Deschamps proche de 1. Une rotule haute avec indice supérieur à 1.2 sera corrigée par un
abaissement de la TTA jusqu’à l’obtention d’un indice compris entre 0.8 et 1.0.
La ténodèse du tendonrotulien
Une ténodèse du tendon rotulien peut être associée au geste d’abaissement. Dans le cas de tendon rotulien
excessivement long, l’abaissement de la TTA ne permet pas de corriger la longueur du tendon avec notamment
le risque d’un effet essuie glace en présence d’une rotule hypermobile. La ténodèse doit être discutée lorsque la
longueur du tendon est supérieure à 52 mm (figure 13).
Figure 13 : Abaissement de la TTA avec ou sans ténodèse.
La médialisation de la TTA : ostéotomie d’Elmslie-Trillat
Ce geste est indiqué pour corriger une TAGT trop importante. L’objectif est de médialiser la TTA. La TAGT doit
être diminuée jusqu’à une valeur moyenne de 12 mm. Par exemple, chez un patient avec une distance TAGT de
20 mm, il est nécessaire de réaliser une médialisation de 9 mm, ajoutant 1mm pour compenser une éventuelle
perte de correction lors de la fixation. La portion distale de l’ostéotomie est laissée en continuité avec la corticale
antérieure du tibia.
La trochléoplastie de creusement
Ses principes furent établis en 1987 par H. Dejour et G. Walch7. C’est un geste très efficace mais son indication
reste exceptionnelle. La technique est exigeante et difficilement transmissible. Elle est indiquée en cas de saillie
de trochlée importante > 6 mm, de course rotulienne anormale ou d’un échec après chirurgie.
- Gestes sur les parties molles
La plastie du vaste interne
Cette technique est indiquée chez les patients avec une dysplasie du vaste interne, spécifiquement dans sa
partie oblique, le vastus medialis obliquus (VMO). Cette dysplasie participe à la bascule rotulienne mesurée au
scanner supérieure à 20°. Elle est parfois associée à la section de l’aileron externe. Les gestes de la plastie isolée
du vaste interne sont, dans notre expérience, insuffisants pour prévenir une luxation de la rotule. Nous
l’associons toujours à un geste osseux (trochléoplastie ou transfert de la tubérosité tibiale antérieure).
La reconstruction du ligament patello-fémoral médial (MPFL)
Elle tend à remplacer la plastie du vaste interne afin de corriger la bascule rotulienne et surtout constitue un
frein à la luxation ou translation externe de la rotule. De plus il semble que ce geste soit susceptible de diminuer
ou abolir l’appréhension existante lors de la manœuvre de Smillie.
Figure 14 : D’après D. Fithian, Ph. Neyret. Patellar Instability. The Lyon Experience.
Figure 15 : Anatomie du MPFL.
Figure 16 : L’isométrie du MPFL au cours de la flexion (position 1, 2, et 3) est discutée et doit être évaluée lors de sa reconstruction.
Figure 17 : Anisométrie franche.
Figure 18 : L’anisométrie favorable, concept développé par P. Chambat pour le LCA, peut aussi s’appliquer au MPFL.
- Algorithme de prise en charge(Figure 14).
-Technique
Anatomie 8,12
chirurgicale :
la
reconstruction
du
MPFL
La longueur moyenne du MPFL est de 53 mm, sa largeur en son milieu est de 12 mm. Son axe du fémur à la
rotule est oblique de bas en haut d’environ 16°. L’insertion du MPFL est légèrement plus large sur la rotule (17
mm) que sur le fémur (15 mm). Le MPFL s’insère à 9,5 mm au-dessus et à 5mm en arrière du centre de
l’épicondyle médial. Son insertion rotulienne est variable, il occuperait près de la moitié proximale du bord
médial de la rotule. Cette structure est anisométrique (figure 15).
Principe biomécanique 2
Le MPFL est en tension lorsque le genou est en extension complète1. Son rôle est primordial dans les premiers
degrés de flexion puisqu’il va diriger la patella médialement à l’entrée de la trochlée. Il se détend alors, vers 20°
de flexion, dans une trochlée normale. La stabilisation patellaire est alors assurée par le vastus médialis et la
congruence trochléenne. Contraindre la patella tout au long de la flexion pour compenser les anomalies
structurelles du patient risquerait de conduire à des douleurs, des raideurs voir un échec de la plastie15. Alors
que le positionnement patellaire fait l’unanimité, le positionnement fémoral idéal est difficile à obtenir. C’est
précisément ce positionnement qui influe le plus sur l’isométrie du MPFL. Ainsi, 2 théories prédominent : la
recherche d’une isométrie la plus parfaite possible14, et la théorie de l’anisométrie favorable où le ligament est
tendu en position d’extension et se détend avec la flexion15. Dans les deux cas, la tension appliquée au ligament
ne doit pas augmenter en flexion, ce qui laisse libre le travail de récupération précoce des amplitudes articulaires
(figure 16, 17, 18).
Figure 19 : Evaluation de la course rotulienne et bilan cartilagineux.
Figure 20 : Faufilage du tendon demi-tendineux.
Figure 21 : Stripper fermé.
Figure 22 : Transplant.
Figure 23 : Décollement du surtout rotulien.
Figure 24 : Tunnels rotuliens.
Figure 25 : Broche guide.
Figure 26 : Contrôle sous amplificateur de brillance.
Figure 27 : Cliché de contrôle.
Figure 28 : Méchage du tunnel.
Figure 29 : Traction du transplant dans le tunnel fémoral.
Figure 30 : Fixation fémorale par 1 vis.
Figure 31 : Passage des brins du transplant.
Figure 32 : Mise en tension du transplant.
Figure 33 : Suture des brins.
Figure 34 : Reconstruction du MPFL (vue de face).
Figure
des tunnels.
35
:
Positionnement
Figure 36 : Contrôle radiographique.
Figure 37 : Contrôle par IRM.
La technique chirurgicale
• Arthroscopie
C’est le premier temps. L’exploration est assurée par une voie supéro-latérale. Elle recherche des lésions
chondrales et une dysplasie de la trochlée. Elle évalue la course rotulienne et recherche une translation externe
(signe de Fithian sous arthroscopie) (figure 19).
• Reconstruction du MPFL
Trois petites incisions sont nécessaires : une pour prélever le greffon, une deuxième pour assurer son passage et
sa fixation sur la rotule. La troisième est centrée sur l’épicondyle fémoral médial.
• Prélèvement du demi-tendineux
L’incision est faite sur la patte d’oie, dans le sens longitudinal ou oblique. L’incision du fascia du muscle couturier
a la forme d’un « L », dont les bords sont la partie supérieure et médiale de la patte d’oie. Celle-ci est alors
soulevée permettant de découvrir dans le flap tracté sur un fil la face profonde du gracilis (droit interne) et du
semi-tendinosus (demi-tendineux). Ce dernier est plus volumineux et plus bas situé. Le demi-tendineux est
dégagé de l’aponévrose du sartorius (couturier) plus superficielle et de ses expansions au jumeau interne puis
faufilé et enfin strippé. Le stripper utilisé est un stripper fermé (figures 20 et 21).
Un greffon de 16 à 20 cm suffit pour la reconstruction du MPFL. La seconde extrémité est faufilée. Le tendon est
replié sur lui même, autour d’un fil tracteur comme pour constituer une boucle. Il est suturé sur lui même sur 2
centimètres. Les fils utilisés sont des fils type Ercedex 5.0 résorbables. Cette préparation peut être réalisée
facilement par l’aide opératoire. Le transplant obtenu a une forme de « Y » avec deux brins libres faufilés avec
deux fils tracteurs et une extrémité double-brin faufilée avec 1 fil tracteur (figure 22).
• Tunnels rotuliens
Une incision verticale de 3 à 4 cm permet d’exposer le bord médial de la rotule. L’incision verticale sur la rotule
est réalisée avec une lame 15 jusqu’à l’os. Le surtout rotulien est alors décollé. La dissection est prolongée en
interne en sous aponévrotique, entre le MPFL originel et la synoviale.
Deux tunnels distants de 10 mm sont réalisés avec une mèche 3,2 mm puis 4,5 mm dans le 1/3 proximal de la
rotule. Chaque tunnel comporte un point d’entrée au bord médial et un orifice de sortie à la face antérieure de la
rotule à 8-10 mm du bord médial de la rotule (figures 23 et 24).
• Tunnel fémoral
L’incision verticale d’environ 2 à 3 cm est centrée sur la crête de l’épicondyle médial du fémur et le tubercule des
adducteurs. Cette zone est repérée par la palpation, genou en varus. Le tendon du grand adducteur et
l’épicondyle sont généralement faciles à repérer. La dissection est faite jusqu’à l’os. Une broche à chas est
dirigée de dedans en dehors, proximale par rapport à l’épicondyle, en dessous du tubercule du troisième
adducteur, en direction de la métaphyse fémorale externe. Le contrôle fluoroscopique (non indispensable selon
D. Fithian) permet d’éviter les erreurs grossières. En fait, l’important est de tester le bon positionnement à l’aide
de fils enroulés autour de la broche (figures 25, 26, 27, 28, 29, 30).
Une pince de Bonniot est alors glissée de l’incision rotulienne vers la contre incision postérieure. Elle s’immisce
entre les fibres restantes du MPFL en superficie et la capsule en profondeur (entre 2ème et 3ème plan interne
capsulo ligamentaire).
L’isométrie du ligament peut être testée avec un fil non résorbable. Le fil est glissé dans le plan de la pince
Bonniot et passé dans les deux tunnels rotuliens. Si les brins s’allongent en extension, la broche doit être
déplacée dans une position plus proximale, plus proche de l’insertion de l’adducteur. Si les brins s’allongent en
flexion, la broche est déplacée dans une position plus distale, plus proche de l’épicondyle médial.
A l’aide d’une mèche de diamètre 7 mm, perforée, enfilée sur la broche à chas, un tunnel borgne est creusé
dans l’épicondyle médial. Le tunnel doit être suffisamment long (25 mm) pour recevoir l’extrémité pliée et
suturée du greffon (20 mm). Le greffon est alors tracté dans le tunnel grâce au fil passé dans le chas de la
broche. Une fois son impaction vérifiée, il est fixé avec une vis d’interférence Habilis (7 mm) résorbable Phusis
®. La préparation au tarot est inutile.
Les extrémités du greffon sont glissées dans le plan de clivage sous capsulaire et récupérées par l’incision
rotulienne. Le passage de chacun des brins dans les orifices médiaux est souvent délicat. Les orifices doivent
être bien préparés. Les brins une fois passés dans les tunnels, sont suturés à eux-mêmes, avec des fils non
résorbables. Il faut que la rotule soit centrée lorsque la suture est réalisée, de manière à obtenir une bonne
tension du greffon. C’est le temps le moins transmissible et le moins reproductible. Le danger est de trop serrer
la « rotule » : celle-ci doit rester mobilisable mais non luxable. Cette suture est réalisée à 30° de flexion du
genou. Un mouvement latéral entre 7 et 9 mm paraît de bon aloi. Obtenir une rotule horizontale nous paraît plus
difficile qu’avec une plastie du vaste interne (figures 31, 32, 33).
Deux drains de Redon de 3.2 mm sont mis en place (l’un intra-articulaire et l’autre sous-cutané). La fermeture
cutanée est réalisée si possible avec des surjets intradermiques (figures 34, 35, 36 et 37).
• Suites postopératoires
Une antibio-prophylaxie flash sur 24h est faite. La prophylaxie anti-coagulante est réalisée pendant 10 jours. De
la glace est appliquée pendant 5 jours environ.
En cas de reconstruction isolée du MPFL, la marche est autorisée sans attelle. La flexion n’est pas limitée.
L’hospitalisation est courte, de 48 à 72h. Le sport sera interdit pendant 3 mois.
• Rééducation
A l’occasion des 13èmes journées Lyonnaises du genou, un protocole de rééducation a été proposé2 :
La mise en charge est immédiate sous couvert de cannes et d’une attelle en extension jusqu’à récupération d’un
verrouillage satisfaisant du quadriceps. Le travail progressif des amplitudes articulaires est débuté
immédiatement en respectant la douleur et en évitant les postures passives forcées.
L’extension à 0° et la flexion complète peuvent être récupérées rapidement. L’hyper-extension ne doit être
travaillée qu’à partir de la 6ème semaine. La position de repos du genou à 20° de flexion sans attelle est
conseillée.
Un rodage articulaire par vélo peut commencer dès que la flexion est suffisante. La résistance est à intensifier
progressivement.
Le renforcement musculaire est débuté précocement par un travail statique, isométrique du quadriceps (travail
d’ascension active de la rotule) :
• Contractions brèves dites « flash ».
• Contractions de 6 secondes suivies de 6 secondes de repos.
• Contractions de 20 secondes et plus, avec un temps de travail égal au temps de repos.
Un travail actif en chaine cinétique fermée à faible charge entre 0 et 60° est débuté après la 6ème semaine. Le
renforcement progressif des ischio-jambiers en statique puis en excentrique contre résistance est réalisé assez
précocement s’ils ont été affaiblis par le prélèvement. Des étirements des chaînes musculaires postérieures puis
des chaînes musculaires antérieures sont réalisés. La proprioception en charge commence à 6 semaines
initialement en appui bipodal puis en appui monopodal en l’absence de phénomènes douloureux. Le retour au
sport est progressif entre le 3ème et le 6ème mois, en fonction de la récupération musculaire du quadriceps, des
ischio-jambiers et des amplitudes articulaires.
Figure 38 : Résultats de la série globale.
Figure 39 : Résultats des reconstructions isolées du MPFL.
Figure 40 : Chirurgie à la carte (MPFL seul, association avec abaissement/médialisation de la TTA, trochléoplastie...).
Résultats
Debarge et al.4 ont rapporté les résultats préliminaires d’une série de 21 genoux opérés entre juin 2005 et avril
2007 d’une luxation épisodique de rotule par une ligamentoplastie du MPFL aux ischio-jambiers (18 tendons du
demi-tendineux et 3 tendons du droit interne). Les résultats cliniques de la série globale (n=21) et les résultats
radio-cliniques des reconstructions isolées du MPFL (n=9) au recul moyen de 16 mois (12-34) sont représentés
dans les tableaux suivants (figures 38 et 39).
Les complications peropératoires retrouvées sont des fragilisations du tunnel rotulien distal (n=4), des
dysesthésies ou hypoesthésies en regard de la cicatrice antéro-interne (n=5 dont 2 avec transfert de la TTA
associé), des douleurs en regard du tunnel fémoral (n=4), une raideur du genou en flexion nécessitant une
arthrolyse arhroscopique (n=3) ayant permis de récupérer des amplitudes articulaires normales au dernier recul.
Les auteurs concluent qu’il est difficile de positionner de manière anatomique le tunnel fémoral. Il est
recommandé de réaliser un cliché radiographique de profil peropératoire après avoir mis en place une broche
simulant le tunnel fémoral et de tester le comportement isométrique du futur transplant. Cependant les défauts
de positionnement retrouvés n’étaient pas corrélés à un résultat clinique défavorable à court terne.
Conclusion
La reconstruction du MPFL est une technique chirurgicale fiable et efficace. Elle est techniquement facile mais
présente quelques difficultés :
• Le positionnement des tunnels.
• La fixation rotulienne.
• Surtout l’appréciation de la tension appliquée aux deux brins. Une mesure objective peropératoire rendrait
plus reproductible cette technique et permettrait sa plus grande diffusion.
La reconstruction du MPFL fait partie de l’arsenal thérapeutique à notre disposition pour la prise en charge des
luxations épisodiques de la rotule. Le principe de chirurgie « à la carte » de H. Dejour reste d’actualité. La
chirurgie de la luxation épisodique de la rotule ne doit pas se réserver à la seule reconstruction du MPFL (figure
40).
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Maîtrise Orthopédique n°186 - septembre 2009
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