L`Histoire en citations Restauration, Monarchie de Juillet

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L’Histoire en citations
Michèle Ressi
Restauration, Monarchie de
Juillet, Deuxième République
L’Histoire en citations
est une collection de livres numériques.
La Chronique, divisée en 10 volumes, raconte l’histoire de France des origines
à nos jours, en 3 500 citations numérotées, replacées dans leur contexte,
avec sources et commentaires.
Le Dictionnaire recense toutes les citations (et leurs auteurs), regroupées par
mots clés, mots thèmes et expressions, classés par ordre alphabétique
en quelque 6 500 entrées.
Michèle Ressi, auteur et chercheur au CNRS, a publié une vingtaine de titres – dont
L’Histoire de France en 1000 citations (Eyrolles, 2011). L’écriture théâtrale lui a
donné le goût des dialogues, et la passion des citations. CV complet sur Wikipédia.
Sommaire
Restauration
Prologue
Quelques repères
Personnage de Louis XVIII
Personnage de Charles X
Chronique (1814-1830)
∑
Monarchie de Juillet
Prologue
Quelques repères
Personnage de Louis-Philippe
Chronique (1830-1848)
∑
Deuxième République
Prologue
Chronique (1848-1852)
∑
Index par noms
Restauration
6 avril 1814 : Le Sénat fait appel à Louis XVIII
2 août 1830 : Abdication de Charles X
Les Bourbons sont de retour. Mais Napoléon s’ennuie en exil à l’île d’Elbe et l’épopée
napoléonienne semble recommencer avec « le vol de l’Aigle », le ralliement du maréchal
Ney, la fuite éperdue du roi Louis XVIII.
L’aventure ne dure que « Cent Jours » (mars-juin 1815) et laisse la France encore plus faible
en Europe. Napoléon, vaincu à Waterloo, « morne plaine » de triste mémoire, abdique
une seconde fois (22 juin 1815) et part en exil à Sainte-Hélène. Il meurt le 5 mai 1821 et
entrera dans la légende nourrie par les chansons de Béranger, le romantisme de la jeune
génération et le lyrisme de Victor Hugo.
Louis XVIII, l’un de nos rares souverains doués du sens de l’humour, mais podagre, affligé
d’un physique ingrat et devant succéder à un grand premier rôle historique, a du moins un
sage programme : « l’Ancien Régime moins les abus ».
La Charte, tenant compte de certains acquis de la Révolution et de l’Empire, instaure une
monarchie constitutionnelle. Mais le drapeau blanc chasse le tricolore et sur 30 millions
de Français, 100 000 seulement sont électeurs, 10 000 éligibles. Les premières élections
(août 1815) donnent une Chambre « introuvable » (350 ultras sur 402 députés), la suivante
sera moins réactionnaire.
Même s’il est excessif de dire que « la démocratie coule à pleins bords », la France fait
l’apprentissage du régime parlementaire. Non sans mal : les constitutionnels (centristes)
étant sans cesse pris entre deux extrêmes, les ultras plus royalistes que le roi et les
indépendants (libéraux), bonapartistes ou républicains. Non sans drame : assassinat
du duc de Berry, neveu du roi (1820), agitation des sociétés secrètes républicaines (la
Charbonnerie) ou royalistes (les Chevaliers de la foi) qui multiplient les conspirations.
Du moins vit-on en paix, l’économie prospère, la bourgeoisie - classe montante et
ambitieuse - s’enrichit, les idées libérales et socialistes, voire utopistes (Saint-Simon,
Fourier) cheminent, dans une presse plus ou moins libre selon les lois et les rigueurs de
la censure.
« Le roi est mort, vive le roi », ce cri de la monarchie retentit pour la dernière fois le 24
octobre 1824, aux obsèques de Louis XVIII. Charles X succède à son frère. Déjà impopulaire
sous l’Ancien Régime, il va se rendre odieux par sa maladresse d’ex-émigré qui « n’a rien
oublié ni rien appris ». Il veut un retour radical au passé, rétablit le sacre à Reims, instaure
une censure rigoureuse. Les élections de 1827 disent assez le mécontentement du pays :
les libéraux sont majoritaires à la Chambre.
La prise d’Alger (5 juillet 1830) ne sauvera pas le trône. Quand Charles X signe quatre
ordonnances réactionnaires, cette bombe ultra déclenche la Révolution de Juillet : les
trois Glorieuses (27-28-29 juillet 1830) chassent du trône de France la branche aînée
des Bourbons.
Restauration • Prologue
Prologue
Quelques repères
1892. « Retomber de Bonaparte et de l’Empire
dans ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant. »
CHATEAUBRIAND
François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)
Parole d’un génie de notre littérature. En politique, Chateaubriand a surtout une vocation d’éternel
opposant.
Émigré sous la Révolution, sévère pour Napoléon Ier à qui il ne pardonne pas la mort du duc d’Enghien,
il commence par être ultraroyaliste sous les Bourbons revenus, ayant bientôt rang de ministre, pair de
France, ambassadeur, avant de se retrouver dans l’opposition au pouvoir en place, aux côtés des libéraux.
1893. « L’Ancien Régime moins les abus. »
LOUIS XVIII
LOUIS XVIII (1755-1824), formule plusieurs fois énoncée au temps de son exil
Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf
Tel sera son programme de roi restauré.
Plus intelligent que son frère, futur Charles X, il a compris le vœu de la France profonde et pensante.
Ce courant d’opinion est représenté par les « constitutionnels », globalement satisfaits de la Charte
(constitution), octroyée le 4 juin 1814.
Sur l’échiquier politique, ces centristes seront pris entre deux feux, deux extrêmes : les ultras – plus
royalistes que le roi – qui veulent le retour à l’Ancien Régime, et les indépendants ou libéraux, groupe
formé de sensibilités différentes, mais qui rejettent tous le drapeau blanc, la prééminence du clergé et
de la noblesse.
La Restauration se joue dans ce tripartisme dont hériteront tous les régimes politiques de la France,
jusqu’à nos jours. Elle va par ailleurs souffrir de la comparaison avec l’épopée napoléonienne qui entre
dans la légende.
Restauration • Prologue
1894. « Le matin, royaliste,
Je dis : “vive Louis !”
Le soir, bonapartiste,
Pour l’Empereur j’écris,
Suivant la circonstance,
Toujours changeant d’avis,
Je mets en évidence
L’aigle ou la fleur de lys. »
La Girouette (1814), chanson anonyme
Histoire secrète de Paris (1980), Georges Bordonove
Sous-titrée : « Couplet dédié à M. Benjamin Constant, ci-devant royaliste, puis conseiller d’État de
Bonaparte, et en dernier résultat redevenu royaliste. »
Benjamin Constant n’est pas le seul à faire preuve d’opportunisme, en cette époque de changements
de régime. Mais le personnage particulièrement intelligent, irrésolu, faible jusqu’à la lâcheté, romancier
de sa propre vie, célèbre, et brillant orateur, est particulièrement en vue.
Sous la Restauration, il peut être rangé dans l’opposition de gauche, comme libéral et monarchiste
parlementaire.
1895. « J’appartiens à cette génération née avec le siècle, qui,
nourrie de bulletins par l’Empereur,
avait toujours devant les yeux une épée nue et vint la prendre
au moment même où la France
la remettait dans le fourreau des Bourbons. »
Alfred de VIGNY
Alfred de VIGNY (1797-1863), Servitude et grandeur militaires (1835)
Témoignage d’un grand écrivain de ce temps riche en talents, bien plus que ne furent la Révolution et
l’Empire.
Vigny traduit ici l’état d’esprit de toute une génération de jeunes romantiques « bien nés ». Ils rallieront
l’opposition libérale quand la monarchie selon Charles X deviendra plus ultra que royaliste, à la fin de
la Restauration.
Restauration • Prologue
1896. « À moi, mes châtelains,
Vassaux, chassez-moi ces vilains !
C’est moi, dit-il, c’est moi
Qui seul ait ramené le Roi ! [. . .]
Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas. »
BÉRANGER
Pierre Jean de BÉRANGER (1780-1857), Le Marquis de Carabas, chanson de 1816
Poésies révolutionnaires et contre-révolutionnaires (1821), À la Librairie historique, éd
Béranger, prompt à saisir la rumeur publique, comme tout bon chansonnier, dénonce la morgue des
émigrés de retour (sur l’air du roi Dagobert). Ainsi ce marquis : « Son coursier décharné / Clopinclopant l’a ramené. » Et s’il méprise le peuple, il menace aussi le roi : « Mais s’il ne me rend / Les droits
de mon sang / Avec moi, morbleu ! / Il aura beau jeu ! »
1897. « Le peuple, c’est ma Muse. »
BÉRANGER
Pierre Jean de BÉRANGER (1780-1857)
Œuvres complètes de Pierre Jean de Béranger (1840)
Toujours à l’écoute de « l’instinct du peuple », l’auteur en fait sa « règle de conduite » et en cette année
charnière de 1814, il résiste aux conseils, aux pressions de tous bords.
Après la censure si sévère sous l’Empire, la chanson reprend ses droits et redevient reflet de l’opinion
publique. Les satires anticléricales et les pamphlets politiques de Béranger vaudront toutefois la prison
à leur auteur (en 1815, puis en 1828). Il passe même pour un grand homme et un martyr. Devenu plus
prudent, il continuera de manifester indirectement son hostilité au régime, en célébrant le culte de
Napoléon : « Parlez-nous de lui, grand-mère. . . »
1898. « Parler est bien, écrire est mieux ;
imprimer est une excellente chose. »
Paul-Louis COURIER
Paul-Louis COURIER (1772-1825), Pamphlet des pamphlets (1824)
Quelle que soit la censure qui touche d’ailleurs la presse plus que la littérature, la Restauration est une
période de grande activité intellectuelle : des sciences exactes aux courants politiques, en passant par
la poésie, la littérature, le théâtre. En 1825, l’édition française publie de 13 à 14 millions de volumes –
pour 30 millions de Français, dont les trois quarts sont illettrés. On a recensé 2 278 titres de journaux
et périodiques, durables ou éphémères.
Restauration • Prologue
1899. « Toutes les fois que les gouvernements prétendent faire
nos affaires, ils les font plus mal et plus dispendieusement que nous. »
Benjamin CONSTANT
Benjamin CONSTANT (1767-1830), Cours de politique constitutionnelle (1836)
Il parle ici en chef du parti libéral, et député d’une gauche qui défend la monarchie parlementaire. La
Restauration, période de réaction politique et idéologique de plus en plus marquée, va engendrer par
contrecoup le développement des idées libérales et s’achèvera dans une nouvelle révolution. Le débat
public porte avant tout sur des questions politiques – le socialisme n’est le fait que de précurseurs, tels
le comte de Saint-Simon et Fourier.
1900. « La société tout entière repose sur l’industrie. »
Comte de SAINT-SIMON
Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), L’Industrie (revue)
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (arrière-cousin du duc de même nom, célèbre
mémorialiste du règne de Louis XIV), est un philosophe et un économiste admiré d’un petit cénacle
qui, après sa mort, diffusera sa pensée tout en la déformant. Précurseur de la science sociale, il met
tous ses espoirs dans le développement de l’industrie, et fonde en 1816 une revue qui porte ce nom.
1901. « La nation a admis pour principe fondamental
que les pauvres devaient être généreux à l’égard des riches. »
Comte de SAINT-SIMON
Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), L’Organisateur (1819)
C’est « le monde renversé » : l’aristocratie terrienne exploite et domine le monde paysan, mais aussi
l’État et l’administration.
1902. « L’homme a jusqu’ici exploité l’homme.
Maîtres, esclaves ; patricien, plébéien ; seigneurs, serfs ; propriétaires,
fermiers ; oisifs et travailleurs. »
Comte de SAINT-SIMON
Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), Doctrine de Saint-Simon : Exposition. Première année (1829)
Beau résumé de toute l’histoire du monde des origines à nos jours. . . et du socialisme à la française,
aux accents messianiques, vingt ans avant le marxisme. Saint-Simon est mort. Mais avec les saintsimoniens se constitue en France une sorte de mouvement socialiste, à la veille de la Révolution de
1830 : il ne rassemble encore qu’une infime élite, destinée à se diversifier et s’élargir, à Paris comme en
province, dans l’atmosphère des lendemains révolutionnaires.
Restauration • Prologue
1903. « Aimez le travail, nous dit la morale :
c’est un conseil ironique et ridicule.
Qu’elle donne du travail à ceux qui en demandent,
et qu’elle sache le rendre aimable. »
Charles FOURIER
Charles FOURIER (1772-1837), Livret d’annonce du nouveau monde industriel (1829)
Ce philosophe et économiste, critique de l’ordre social, ajoute que le travail « est odieux en civilisation
par l’insuffisance du salaire, l’inquiétude d’en manquer, l’injustice des maîtres, la tristesse des ateliers,
la longue durée et l’uniformité des fonctions. »
Fourier trace les grandes lignes d’une société nouvelle, conforme à ses vœux : le phalanstère en est la
cellule, regroupant les travailleurs associés en une sorte de coopérative. Il doit en résulter l’harmonie
universelle : c’est moins de l’optimisme qu’une utopie, qui fera des adeptes sous la Monarchie de Juillet,
grande époque du socialisme.
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