MISE AU POINT Actualités sur les syndromes neurologiques paranéoplasiques et implications thérapeutiques Highlights on paraneoplastic neurological syndromes and therapeutic guidelines A. Didelot*, J. Honnorat* L * Centre de référence des syndromes neurologiques paranéoplasiques, Hospices civils de Lyon, unité Inserm 842, et université Claude-Bernard Lyon 1. es syndromes neurologiques paranéoplasiques (SNP) associent un cancer et des symptômes neurologiques d’apparition aiguë ou subaiguë qui ne peuvent s’expliquer par une évolution locale du cancer, une métastase, une carence vitaminique ou une toxicité du traitement. Ils sont rares (moins de 1 % des patients développant un cancer présentent un SNP), mais leur diagnostic précoce permet la mise en évidence de tumeurs cancéreuses à un stade préclinique, souvent localisées et donc de meilleur pronostic. Les signes neurologiques précèdent en effet le diagnostic de cancer dans plus de trois quarts des cas. Le concept de SNP est en constante évolution. En effet, ce qui n’était jusqu’à lors qu’une observation rare et aux contours sémiologiques flous a fait l’objet d’un travail de définitions anamnestique et clinique permettant l’individualisation de syndromes précis (1). Des centres de référence sont fédérés sur le plan européen pour colliger l’ensemble des cas rapportés dans une banque de données (Euronetwork). S’il apparaît que tous les étages du système nerveux peuvent être touchés (cerveau, tronc cérébral, moelle, racines, nerfs et même muscles), les SNP s’inscrivent très majoritairement dans le cadre de tableaux cliniques évocateurs. Il s’agit de l’ataxie cérébelleuse subaiguë (ACSA), de l’encéphalite limbique (EL), de l’encéphalomyélite paranéoplasique (EMP), de la neuronopathie sensitive subaiguë de DennyBrown (NSS), du syndrome myasthéniforme de Lambert-Eaton (SMLE), de l’opsoclonus myoclonus, du syndrome pseudo-occlusif et de la rétinopathie 284 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 associée au cancer. De plus, la mise en évidence, dès 1985, d’auto-anticorps onco-neuronaux (AON) spécifiques des SNP (2) permet maintenant un diagnostic paraclinique positif. Les AON sont en effet les témoins ou les acteurs du phénomène auto-immun qui préside à l’apparition des signes neurologiques. Il est désormais établi qu’une réaction du système immunitaire contre la tumeur conduit à une réaction immune non adaptée dirigée contre le système nerveux. La prise en charge diagnostique et thérapeutique d’un patient suspect de SNP dépendra donc largement de la présence ou non d’un AON et du type de ce dernier. Démarche diagnostique Le bilan étiologique s’orientera vers 2 directions : éliminer un diagnostic différentiel et poser le diagnostic positif de SNP. Les SNP surviennent en l’absence de tout autre étiologie pouvant rendre compte des signes neurologiques. Ainsi, la recherche d’un diagnostic différentiel sera d’autant plus poussée qu’il existe un cancer déjà connu. En effet, les causes de syndromes neurologiques sont très nombreuses chez un patient souffrant d’un cancer. Une étiologie métastatique, toxique, infectieuse ou carencielle doit être éliminée. Certaines chimiothérapies, comme avec le cisplatine, peuvent mimer, sur les plans sémiologique et électrophysiologique, une NSS (3). Dans le cas d’un cancer du sein ou d’un cancer bronchique à petites cellules (CBPC), Points forts Mots-clés »» Tout syndrome neurologique subaigu sans cause évidente doit faire évoquer un syndrome neurologique paranéoplasique (SNP) et faire rechercher des anticorps onco-neuronaux qui sont présents dans 80 % des cas. »» Le premier traitement de tout SNP est celui du cancer dont le dépistage est guidé par le type d’anticorps associés. »» Le traitement à visée neurologique doit tenir compte du type d’auto-anticorps mis en évidence : traitement visant l’immunité humorale (immunoglobulines intraveineuses, échanges plasmatiques, corticoïdes) en cas d’auto-anticorps à cible membranaire, traitement visant l’immunité cellulaire (cyclophosphamide) en cas d’auto-anticorps à cible intracellulaire. une méningite carcinomateuse doit toujours être redoutée et recherchée par des ponctions lombaires répétées, associées à un examen cytologique et à une mesure de la glycorachie comparée à la glycémie au moment de la ponction. En effet, la méningite carcinomateuse est difficile à diagnostiquer et peut se résumer à une discrète hypoglycorachie (< 50 % de la glycémie). Une fois les diagnostics différentiels écartés, les éléments du diagnostic positif doivent être réunis. Comme cela a été précisé, certains syndromes neurologiques comme la NSS, le SMLE, l’ACSA et l’EL sont très évocateurs d’un SNP et vont conduire à la recherche systématique d’un cancer. La chronologie d’installation des troubles est également un élément cardinal du diagnostic : la totalité des SNP s’installent sur un mode aigu ou subaigu. La mise en évidence d’un AON affirme le diagnostic de SNP et doit conduire à la recherche d’un cancer. Le bilan carcinologique conduit est alors fonction du type d’AON isolé et du type de SNP (tableau I), mais justifie la réalisation d’une tomographie par émission de positons (TEP) au fluorodéoxyglucose (FDG) si le reste du bilan carcinologique est négatif (4, 5). L’absence d’AON n’exclut pas le diagnostic de SNP si le patient présente un syndrome neurologique compatible et qu’il s’est installé de façon aiguë ou subaiguë sans qu’aucun diagnostic causal évident ait été retrouvé. Près de 20 % des SNP n’ont pas d’AON (6). Dans des cas exceptionnels, la présence d’un AON peut résulter d’un démasquage d’épitopes du système nerveux central au cours d’un autre mécanisme inflammatoire, ce dernier conduisant à une auto-immunisation secondaire (7). L’absence de cancer mis en évidence chez un patient présentant une sémiologie neurologique atypique ou une installation lente et chronique des symptômes doit donc amener à reconsidérer le diagnostic de SNP, y compris lorsqu’un AON a été mis en évidence ; mais ces circonstances sont exceptionnelles. Pour qu’un cancer soit considéré comme potentiellement responsable d’un SNP, il faut que le délai écoulé entre le cancer et les signes neurologiques soit inférieur à 3 ans (1). Les grands cadres sémiologiques Certains syndromes cliniques sont particulièrement évocateurs d’une étiologie paranéoplasique. Une répartition, établie à partir des patients colligés dans la banque de données européenne entre 2000 et 2008, est rapportée dans le tableau II (p. 286). La sémiologie des SNP doit donc être parfaitement connue pour permettre un diagnostic et un traitement précoce du cancer associé. Le traitement du cancer donne le pronostic du SNP. Tableau I. Associations SNP et anticorps guidant la recherche d’un cancer. SNP + AON Tumeur Examens à rechercher complémentaires Remarque Anti-Hu (quel que soit Ie SNP) CBPC TEP au FDG si le TDM TAP est négatif À 5 ans, près de 100 % des patients avec anti-Hu ont développé un cancer ACSA et anti-Yo Ovaire Ovariectomie bilatérale si bilan négatif (avec mammographie, TDM et échographie pelviennes) Syndrome neurologique paranéoplasique Anticorps onco-neuronaux Cancer bronchique à petites cellules Neuronopathie sensitive subaiguë de Denny-Brown Encéphalite limbique Highlights The paraneoplastic neurological syndromes (PNS) are clinically well described thanks to the PNS Euronetwork, where each new case of PNS is reported for ten years. Among these clinical syndromes, the subacute cerebellar ataxia and the subacute sensory neuronopathy represent about fifty percent of the cases. Limbic encephalitis is in third position with 10% of the PNS. Immunological testing provides evidence for the diagnosis of PNS by showing an onconeuronal antibody (ONA) in 80% of PNS. The subtypes of associated ONA lead to tumour identification. In some situations, a surgical exploration is urgently required to identify and treat the tumour associated to the PNS and to give the patient the best chance to recover. The ONA subtypes are currently taken into account for treatment decision. ONA targeting intracellular antigens are thus associated with poor neurological outcome and few or none response to treatment. Conversely, ONA targeting membranar antigens are usually associated with response to immunotherapy and are associated with a good neurological outcome. Keywords Atteinte du diencéphale Testicule et anti-Ma2 Orchidectomie bilatérale si bilan négatif (avec TEP au FDG et échographie testiculaire) Anti-Tr LH TDM TAP + ponction biopsie d’adénopathie Ces AON sont présents de façon fugace EL et anti-NMDAr Tératome de l’ovaire Échographie endovaginale et/ou IRM pelvienne Les tératomes matures sont silencieux en TEP Un kyste “fonctionnel” est un tératome jusqu’à preuve chirurgicale du contraire Paraneoplastic neurological syndrome Onconeuronal antibody Small cell lung carcinoma Subacute sensory neuronopathy Limbic encephalitis Abréviations. SNP : syndrome neurologique paranéoplasique ; AON : anticorps onco-neuronal ; CBPC : cancer bronchique à petites cellules ; TEP au FDG : tomographie par émission de positons au fluorodéoxyglucose ; ACSA : ataxie cérébelleuse subaiguë ; LH : lymphome de Hodgkin ; TDM TAP : tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne ; EL : encéphalite limbique. La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 | 285 MISE AU POINT Actualités sur les syndromes neurologiques paranéoplasiques et implications thérapeutiques Tableau II. Répartition des différents SNP dans la banque de données européenne (Euronetwork) [6]. Chaque syndrome est représenté en fonction de la proportion qu’il occupe (parmi les 979 patients inclus, certains présentent plusieurs syndromes cliniques). Type de SNP Patients (%) Système nerveux central ACSA 24,3 EL 10 EMP 5,6 Atteinte du tronc cérébral 5,6 Opsoclonus/myoclonus 2,3 Maladie du motoneurone 2 Myélopathie nécrotique 0,3 Syndrome de l’homme raide 0,6 européenne. Les critères diagnostiques de NSS sont maintenant bien établis (8). Ils reposent sur l’existence d’une atteinte sensitive aiguë ou subaiguë asymétrique avec ataxie des membres inférieurs ou supérieurs. Dans le cas des SNP, l’atteinte sensitive prédomine le plus souvent aux membres supérieurs et n’est qu’exceptionnellement restreinte aux membres inférieurs. Sur le plan électrophysiologique, il est nécessaire d’identifier au moins 3 potentiels sensitifs pathologiques ou un potentiel d’action absent. Une anomalie de la conduction motrice est habituellement retrouvée dans moins de 2 nerfs des membres inférieurs (8). La présence d’un AON permet un diagnostic positif dans 40 % des cas (8). Il s’agit dans la grande majorité des cas d’un anti-Hu, notamment en présence d’un CBPC qui est retrouvé dans 70 à 80 % des situations. Le deuxième AON le plus fréquemment associé à la NSS est l’anti-CV2/ CRMP5. Système nerveux périphérique NSS 24,3 Dysautonomie 5,2 SMLE 4,4 PRNA 1,6 PRNC 1,3 Neuromyotonie Mononeuropathie 1 0,6 Muscle Dermatomyosite et polymyosite 1,4 Myopathie nécrosante 0,2 Autre 20,8 Abréviations. ACSA : ataxie cérébelleuse subaiguë ; EL : encéphalite limbique ; EMP : encéphalomyélite paranéoplasique ; NSS : neuronopathie sensitive subaiguë de Denny-Brown ; SMLE : syndrome myasthéniforme de Lambert-Eaton ; PRNA : polyradiculonévrite aiguë ; PRNC : poly­radi­ culo­névrite chronique. Ce dépistage précoce est d’autant plus important que le traitement du cancer permet l’amélioration du syndrome neurologique et que plus d’un quart des patients décèdent des complications neurologiques et non du cancer (6). Neuronopathie sensitive subaiguë de Denny-Brown La NSS représente à elle seule près d’un quart des SNP recensés à ce jour dans la base de données 286 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 Ataxie cérébelleuse subaiguë L’ACSA est, avec la NSS, le plus fréquent des SNP (24,3 % des cas européens de SNP recensés). L’atteinte clinique est constamment aiguë ou subaiguë et le syndrome cérébelleux peut être statique et/ou cinétique. L’atteinte se fait parfois sur un mode pseudo-vasculaire, tant elle est brutale. Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est inflammatoire dans plus de 80 % des cas et montre une hyperlymphocytose, une hyperprotéinorachie modérée et/ou des bandes oligo-clonales. L’autoanticorps le plus fréquemment associé à l’ACSA est l’anti-Yo (9), suivi de l’anti-Hu et de l’anti-CV2/ CRMP5 (10). L’anti-Yo et l’anti-CV2/CRMP5 s’associent à un syndrome cérébelleux pur, tandis que l’ACSA associée à l’anti-Hu est rarement isolée et constitue, le plus souvent, un tableau d’encéphalomyélite paranéoplasique. L’ACSA est séronégative dans près de 1 cas sur 2, ce qui ne dispense pas de la recherche d’un cancer associé. L’installation plus progressive d’une ataxie cérébelleuse doit faire évoquer une ataxie cérébelleuse auto-immune associée à un anti-GAD (11). La présence d’un syndrome cérébelleux associé à cet AON est alors rarement paranéoplasique. Si le syndrome cérébelleux survient au cours du traitement de chimiothérapie alors qu’un cancer est déjà connu, il faut aussi évoquer une toxicité médicamenteuse comme ce peut être le cas avec le 5-FU (5-fluorouracile) ou l’ARA-C (cytosine arabinoside). MISE AU POINT Actualités sur les syndromes neurologiques paranéoplasiques et implications thérapeutiques Encéphalites limbiques L’EL représente 10 % des SNP répertoriés dans la base de données européenne. Cette proportion est cependant probablement sous-estimée, car le nombre de cas décrits augmente depuis la découverte des anti-NMDAr (12). L’EL associe de façon aiguë, dans des proportions variables, des troubles de la mémoire antérograde, des crises d’épilepsie et des troubles psychiatriques. La prépondérance relative de chacun de ces symptômes est fonction du type d’AON associé. À ce jour, les auto-anticorps les plus fréquemment rapportés sont les anti-Hu, souvent en association avec une neuropathie sensitive ou une EMP, et les anti-CV2/CRMP5 où l’EL est alors habituellement isolée (10). Les anti-Ma2 viennent ensuite en termes de fréquence (13). L’EL avec anti-Ma2 s’associe à une atteinte du diencéphale ou du tronc cérébral dans trois quarts des cas (14). Les EL associées à ces anticorps sont toujours considérées comme paranéoplasiques, de mauvais pronostic neuro­ logique et associées principalement au CBPC pour les anti-Hu et les anti-CV2/CRMP5, et au cancer du testicule pour les anti-Ma2. Le second groupe d’EL se caractérise par son association à des AON à cible membranaire. Ils ont initialement été identifiés comme se fixant dans le neuropile de l’hippocampe (15). Nombre de ces anticorps ont maintenant pu être individualisés et reconnaissent des récepteurs membranaires dont ils modifient le fonctionnement. À ce jour, des AON dirigés contre les canaux potassiques voltage-dépendants (anti-VGKC) [16], des récepteurs glutamatergiques de 2 types (anti-NMDAr et anti-AMPAr) [12, 17] et des récepteurs au GABA (anti-GABA B) [18] ont été mis en évidence. Le type d’AON présent guide la recherche de la tumeur associée. Ainsi les EL à anti-VGKC ne s’associent à un cancer que dans 15 % des cas environ. Les EL avec anti-NMDAr sont associées à un tératome de l’ovaire dans 60 % des cas (dans la totalité des cas chez des femmes entre 20 et 40 ans). Les formes pédiatriques d’EL à anti-NMDAr sont, quant à elles, exceptionnellement paranéoplasiques bien qu’un cas associé à un neuroblastome ait été décrit. Un petit nombre de cas d’EL avec anti-AMPAr ou anti-GABA B ont été décrits à ce jour. Cependant, ces EL apparaissent paranéoplasiques dans 70 % des cas et s’associent principalement à des CBPC ou à des thymomes malins. Les caractéristiques précises de ces différentes EL ont récemment été décrites dans La Lettre du Neurologue (19). 288 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 Syndrome myasthéniforme de Lambert-Eaton Le SMLE se manifeste par une faiblesse musculaire et une atteinte dysautonomique en lien avec un blocage présynaptique de la jonction neuro-musculaire. Dans la quasi-totalité des cas, des anticorps anticanaux calciques voltage-dépendants (antiVGCC) sont isolés sans qu’ils ne différencient les formes paranéoplasiques des formes non associées à des cancers (20). Le CBPC est le cancer le plus fréquemment rencontré dans les SMLE paranéoplasiques (21). La présence d’un anticorps anti-Sox1 affirme la présence d’un CBPC associé au SMLE. Prise en charge des SNP Le premier objectif, lors de la prise en charge d’un patient atteint d’un SNP, doit être l’identification et le traitement du cancer sous-jacent, car c’est le seul moyen d’arrêter l’évolution du syndrome neuro­ logique. Cependant, un traitement immunologique spécifique est parfois proposé en fonction de l’AON associé au SNP. Traitement carcinologique Il demeure la première étape du traitement de tout SNP. Les symptômes neurologiques précèdent dans 80 % des cas le diagnostic du cancer, qui est souvent à un stade localisé. Le pronostic carcinologique est alors bien entendu meilleur que dans le cas d’un cancer avancé. L’obtention d’une réponse carcinologique complète conditionne également le pronostic neurologique (22). Le tableau III rapporte les différents types de cancers associés au SNP. Le CBPC reste bon premier et 7 types de cancers représentent trois quarts des cas. Les AON sont associés à des cancers dans la quasitotalité des cas et chacun est plus spécifiquement associé à un type de cancer particulier (tableau I). Le bilan carcinologique est donc orienté par le type de SNP et le type d’AON mis en évidence. La présence d’un anti-Hu oriente plus particulièrement vers un cancer pulmonaire (23). La moindre adénomégalie médiastinale mise en évidence doit donc faire suspecter un CBPC jusqu’à preuve chirurgicale du contraire. La TEP au FDG peut aider à la localisation et guider la chirurgie. Par ailleurs, l’association d’une ACSA à un anti-Yo chez une femme doit conduire à la recherche d’un cancer ­gynécologique. MISE AU POINT Tableau III. Cancers associés aux SNP. Les tumeurs reportées en gras représentent les trois quarts des cancers associés aux SNP. Traitement des symptômes neurologiques Type de tumeur En dépit du nombre de cas colligés à ce jour, il demeure une hétérogénéité syndromique et carcino­ logique qui rend difficile la mise en place de règles communes de prise en charge des SNP. Chaque type de SNP ne regroupe, au mieux, que quelques centaines de patients sur une vingtaine d’années, et aucune étude de traitement randomisé n’a été réalisée. Les guides thérapeutiques sont donc actuellement très empiriques. Le type d’AON associé au SNP est un précieux renseignement qui oriente le choix du traitement à visée neurologique. On distingue 3 types d’AON selon la réponse attendue au traitement. ➤➤ Les AON à cible intracellulaire que sont les anti-Hu, anti-Yo, anti-CV2/CRMP5, anti-Ri et antiamphiphysine. Ils regroupent les SNP qui répondent à la définition “historique” : ils sont, dans la grande majorité des cas, peu ou pas répondeurs au traitement immunologique et le pronostic neurologique est mauvais en l’absence de traitement précoce de la tumeur. Ces AON ne semblent pas jouer de rôle pathogène direct. Ils semblent simplement être les témoins d’un mécanisme immunitaire qui met principalement en jeu l’immunité à médiation cellulaire. Il apparaît dès lors plus indiqué de réaliser des traitements visant l’immunité cellulaire, tel le cyclophosphamide. La justification d’un tel traitement, à distance de la chimiothérapie anticancéreuse, sera étayée par la mise en évidence de la persistance de signes biologiques ou iconographiques d’inflammation active (bandes oligoclonales dans le LCR, prise de contraste parenchymateuse sur l’IRM). ➤➤ Dans le cas d’un SNP associé à des AON à cible membranaire, et notamment les EL avec anti-VGKC, anti-NMDAr, anti-AMPAr ou anti-GABA B, le traitement immunologique est beaucoup plus souvent efficace. Les AON ont en effet dans ce cas un rôle pathogène direct très probable. Il existe en effet des arguments expérimentaux, notamment in vitro, qui démontrent un rôle pathogène possible sur le fonctionnement neuronal des anti-NMDAr et des anti-AMPAr (17, 25). Les immunoglobulines intra­ veineuses, les échanges plasmatiques et/ou les corticoïdes sont les traitements de première intention. En cas de résistance à ces traitements, l’administration de rituximab doit être discutée afin de viser spécifiquement l’immunité à médiation humorale. ➤➤ Un dernier groupe “intermédiaire” rassemble les patients dont l’AON est intracytoplasmique, mais pour lesquels il existe des arguments expéri- Patients (%) CBPC 38,4 Ovaire 10,5 Sein 9,7 CBNPC 7,9 LMNH 3,4 LH 3 Thymome 2,7 Prostate 2,6 Primitif inconnu 75,6 % 2 Colorectal 1,8 Œsophage ou estomac 1,8 Testicule 1,7 Rein ou vessie 1,2 Neuroblastome 0,8 Carcinome de Merkel 0,7 Mélanome 0,4 Autre 11,6 Abréviations. CBPC : cancer bronchique à petites cellules ; CBNPC : cancer bronchique non à petites cellules ; LMNH : lymphome malin non hodgkinien ; LH : lymphome de Hodgkin. Si le bilan incluant une mammographie ainsi qu’une exploration pelvienne échographique et scannographique se révèle négatif, une exploration chirurgicale pelvienne, à la recherche d’un cancer ovarien, est justifiée. Une atteinte diencéphalique associée à un anti-Ma2 désigne, chez un homme, un cancer du testicule. Là encore, tant pour le pronostic carcinologique que neurologique, une orchidectomie doit être discutée si le bilan carcinologique est négatif (24). Chez une femme, si aucun cancer n’est retrouvé, une sarcoïdose doit être discutée (7). Dans le cas des EL associées aux anti-NMDAr, les tumeurs associées sont souvent difficiles à mettre en évidence. En effet, les tératomes, s’ils sont matures, sont silencieux à la TEP au FDG. Tout kyste ovarien découvert dans ce contexte est alors un tératome de l’ovaire, jusqu’à preuve chirurgicale du contraire, et ce, quelles que soient ses caractéristiques radiologiques. La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 | 289 MISE AU POINT Actualités sur les syndromes neurologiques paranéoplasiques et implications thérapeutiques mentaux ou cliniques d’efficacité des traitements immunomodulateurs. Ce sont les anti-Ma2, anti-Tr et anti-GAD. À la différence des autres AON à cible intracellulaire, une bonne réponse au traitement immunomodulateur ou suppresseur dans plus d’un tiers des cas est notée. Plus de 40 % des SNP associés aux anti-Ma2 sont améliorés significativement par le traitement immunosuppresseur (14), les syndromes cérébelleux associés aux anti-Tr régressent pratiquement toujours avec le Contact ✓U n avis peut être pris auprès d’un neurologue référent par mail : [email protected] ✓C oordonnées des services appartenant au Centre de référence de diagnostic et de traitement des syndromes neurologiques paranéoplasiques : – Centre de Lyon (coordination) : hôpital neurologique, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon Tél. : 04 72 35 58 42 – Centre de Paris : hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13 Tél. : 01 42 16 04 35 – Centre de Saint-Étienne : hôpital Nord, 42055 Saint-Étienne Cedex 2 Tél. : 04 77 12 78 05 traitement de la maladie de Hodgkin et des arguments expérimentaux forts pour un rôle direct des anti-GAD sont avancés (26). Le traitement à visée immunitaire prend donc pleinement sa place aux côtés du traitement carcinologique dans les SNP associés à ces AON. Conclusion Les SNP sont maintenant cliniquement bien caractérisés et tout tableau neurologique compatible, sans explication étiologique évidente, doit faire évoquer le diagnostic. Les AON sont maintenant mis en évidence dans près de 80 % des cas. Ils permettent le diagnostic de SNP, guident la recherche du cancer sous-jacent et fournissent des arguments pour le choix du traitement immunologique approprié. Afin de progresser dans le traitement des SNP, tous les nouveaux cas sont colligés puis suivis au sein de la banque de données européenne. Trois services situés à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et dans les CHU de Lyon et de Saint-Étienne assurent le diagnostic immunologique et le suivi des patients. ■ Références bibliographiques 1. Graus F, Delattre JY, Antoine JC et al. Recommended diagnostic criteria for paraneoplastic neurological syndromes. 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