L'ASSOCIATIF AU CARREFOUR DES ECONOMIES FORMELLE ET INFORMELLE

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L'ASSOCIATIF AU CARREFOUR DES
ECONOMIES FORMELLE ET INFORMELLE
Jacques DEFOURNY
Département d'Economie
Université de Liège (Belgique)
RESUMÉ
Depuis toujours, la vie associative s’est exprimée à la fois dans des formes
officiellement admises par les gouvernants et dans des cadres informels,
souvent même clandestins. La reconnaissance du statut juridique d’association
sans but lucratif (A.S.B.L.) en 1921 a ouvert la voie à un développement
considérable des structures associatives en Belgique, mais une part
substantielle du phénomème associatif continue à se manifester en dehors de
ce statut. Quant au bénévolat, très important dans de nombreuses
associations, il renforce encore l’ancrage de l’associatif dans l’économie
informelle.
La coexistence de dimensions formelles et informelles ainsi que la pauvreté
des statistiques officielles expliquent pour une bonne part le peu d’intérêt des
économistes pour les associations. Ces dernières années cependant, l’analyse
économique des associations a progressé et quelques enquêtes sont venues
compléter les élémentaires recensements officiels. L’inventaire des données
actuellement disponibles en Belgique montre toutefois l’ampleur du chemin qui
reste à parcourir.
1. La longue marche de la liberté d'association
L'association est aussi vieille que le monde, ou plutôt que la vie en société.
Des corporations et des fonds de secours collectifs existaient déjà dans
l'Egypte des Pharaons. Les Grecs avaient leurs "hétairies" pour se garantir une
sépulture et pour l'organisation rituelle des cérémonies funéraires tandis que
les Romains se groupaient en collèges d'artisans et en "sodalitia", associations
plus politiques 1. Avec l'effondrement de l'Empire romain, ce seront les
associations monastiques qui deviendront partout en Europe les refuges de
l'associationnisme primitif autant que des arts, des sciences et des traditions:
couvents, monastères, abbayes, prieurés, commanderies, chartreuses,
ermitages, etc.
Au IXe siècle, les premières guildes apparaissent dans les pays
germaniques et anglo-saxons, puis à partir du XIe siècle émerge la confrérie,
groupement organisé de laïcs qui s'affirme en dehors des couvents pour
répondre à des besoins pratiques d'assistance, d'entraide et de charité. Quant
aux associations compagnonniques, elles se développent dès le XIVe siècle et,
1
Sur les formes anciennes de l'association, voir par exemple l'excellent ouvrage de J.-C.
Bardout (1991).
progressivement, elles s'assurent dans les métiers les plus qualifiés une
certaine maîtrise du marché du travail.
En fait, la réalité associative de l'époque médiévale est très riche 2. Elle
s'exprime sous des formes et des appellations multiples: confrérie, guilde,
charité, fraternité, hanse, métier, communauté, maîtrise, jurande,... 3. Et il
semble bien que ces pratiques et formes associatives soient universelles: on
pourrait citer les corporations alimentaires de la Byzance médiévale, les guildes
post-médiévales du monde musulman, les castes professionnelles d'Inde ou
encore les confréries d'artisans de l'Afrique primitive et de l'Amérique précolombienne 4.
Pourtant, ce foisonnement associatif ne doit pas faire illusion. Comme
l'écrit J.C. Bardout (1991), "le droit médiéval des associations se résume à un
non-droit: non-droit à une existence autonome, non-droit à une quelconque
libre constitution." En fait, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, un groupement
volontaire ne peut exister en dehors de l'Eglise et de l'Etat que sous des
formes précises dont les règles d'admission et de fonctionnement sont
strictement codifiées. Cette vigoureuse mise sous tutelle s'accompagne de
privilèges pour l'association qui devient alors une corporation d'Etat, une
institution de l'ordre féodal. Cependant, en marge du monopole corporatif aux
structures rigides et hiérarchiques, subsistent ou apparaissent de nomb-reuses
formes associatives qui inquiètent le pouvoir et que celui-ci tente
continuellement de réprimer, d'interdire ou de soumettre. Au point que B.
Gibaud (1989) conclut: "De l'Antiquité à la fin de l'Ancien Régime, l'histoire des
groupements d'entraide est en fait l'histoire d'une interminable coercition".
Au XVIIIe siècle, parmi les sociétés secrètes qui défient les interdits
monarchiques, on voit naître en Angleterre puis en France des loges
maçonniques et des sociétés de lecture. Ces associations, généralement
ouvertes aux idées nouvelles, se trouvent dans un premier temps en harmonie
avec la Révolution de 1789. D'ailleurs, celle-ci voit aussi fleurir les clubs,
comme par exemple celui des Jacobins. Mais l'esprit de 1789 est individualiste
et la souveraineté de la Nation entre rapidement en opposition avec la liberté
d'association 5. S'associer, c'est par référence à ce qui se passait auparavant,
former un corps, c'est-à-dire instaurer des privilèges comme ceux des
corporations et des ordres religieux. C'est pourquoi pratiquement tous les corps
intermédiaires sont finalement balayés par la Révolution et, en 1791, la loi Le
Chapelier interdit toutes les associations de gens de métier, corporations,
compagnonnages et sociétés ouvrières confondues. Quant aux clubs et
sociétés de pensée, ferments de la Révolution, ils apparaissent bientôt comme
des foyers de contestation et de subversion. Aussi la législation révolutionnaire
2
L'historien P. Nourrisson (1920) va même jusqu'à affirmer: "Tous les progrès majeurs de la vie
économique et politique du Moyen-Age reposent sur des formes d'organisation associatives."
3 Le terme "corporation", souvent employé dans un sens assez générique, n'apparaît en fait
qu'au XVIIIe siècle.
4 J. Legoff, "Corporations" in: Encyclopedia Universalis.
5 L'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne laisse pas place à
l'équivoque: "Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps,
nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément".
—2—
va-t-elle sans cesse louvoyer, adoptant à leur égard les attitudes les plus
diverses, allant de la reconnaissance du droit de réunion à la plus sévère
répression.
Sous le Premier Empire, l'hostilité reste entière à l'égard des corps
intermédiaires et le Code pénal napoléonien de 1810, en vigueur en Belgique
lors de la Révolution de 1830, stipule dans son article 291 que "nulle
association de plus de 20 personnes dont le but sera de se réunir tous les jours
ou à certains jours marqués pour s'occuper d'objets religieux, littéraires,
politiques ou autres ne pourra se former qu'avec l'agrément du gouvernement
et sous les conditions qu'il plaira à l'autorité publique d'imposer à la société."
On peut donc dire que les divers régimes qu'a connus la Belgique avant son
indépendance, ont généralement refusé aux associations la liberté qu'ils
accordaient bien plus facilement aux sociétés poursuivant un but lucratif.
Alors qu'en France, tout le XIXe siècle est marqué à de rares exceptions
près par cette prohibition, la liberté d'association commence néanmoins à
percer dans plusieurs pays européens: après les pays anglo-saxons, et tout
particulièrement les Etats-Unis, qui reconnaissent la liberté d'association dès le
XVIIe siécle 6, ce sont notamment l'Allemagne (en 1848), les Pays-Bas (en
1855) et l'Autriche (en 1867) qui font le même pas. En Belgique, le libéralisme
naissant s'accommode mal, du moins formellement, de l'entrave
napoléonienne aux initiatives individuelles et dès 1831, la Constitution du
nouvel Etat stipule en son article 20 : "les Belges ont le droit de s'associer; ce
droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive". Cependant, aucun
cadre légal n'est offert pour exercer cette liberté d'association et il faudra
attendre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle pour que soient votées
des lois accordant un statut précis à certaines formes d'associations sans but
de lucre : seront ainsi successivement reconnues les sociétés mutualistes (en
1894), les unions professionnelles (en 1898), les universités libres (1911), les
associations internationales (1919) et les syndicats (1921) 7. Enfin, en
définissant le statut de "l'association sans but lucratif" (A.S.B.L.), la loi du 27
juin 1921 offrira à toute association la possibilité d'acquérir la personnalité
morale, c'est-à-dire d'avoir une existence propre, des droits et des obligations
distincts de ceux des membres qui la composent.
6
C'est alors aux Etats-Unis que la vie associative est la plus développée et la plus reconnue,
notamment dans l'action philanthropique. Comme l'a montré M.Weber (1920), cette tradition
associative par son côté philanthropique est solidement enracinée dans l'éthique protestante et
notamment, dans l'ascétisme puritain du méthodisme américain. Mais elle est aussi fortement
ancrée dans l'histoire de la démocratie en Amérique, comme le souligne A. de Tocqueville dès
1835 : "Le pays le plus démocratique de la terre se trouve être celui où les hommes ont le plus
perfectionné de nos jours l'art de poursuivre en commun l'objet de leurs communs désirs et ont
appliqué au plus grand nombre d'objets cette science nouvelle. La morale et l'intelligence d'un
peuple démocratique ne courraient pas de moindres dangers que son intelligence et son
industrie, si le gouvernement venait y prendre partout la place des associations... Dans les
pays démocratiques, la science de l'association est la science-mère : le progrès de toutes les
autres dépend des progrès de celle-là". (De la démocratie en Amérique, Gallimard, 1951,
pp.114-116 ; 1ère édition : 1835).
7 La société coopérative a, quant à elle, été reconnue dès 1873. Cette reconnaissance
antérieure dans le cadre des lois coordonnées sur les sociétés commerciales illustre bien le fait
que le mouvement coopératif, dans sa dynamique originelle, se situe à la charnière entre la vie
associative et le monde des entreprises industrielles et commerciales.
—3—
C'est dans ce moule juridique que se créeront jusqu'à aujourd'hui des
dizaines de milliers d'associations, en développant des activités de plus en plus
variées et en mobilisant des moyens sans cesse croissants. Soulignons
toutefois qu'aujourd'hui encore, une part importante de la vie associative reste
extérieure au cadre juridique de l'A.S.B.L. et garde un caractère largement
informel.
2. L'intérêt tardif des économistes
Il y aurait beaucoup à dire sur l'évolution du tissu associatif de notre
pays depuis le début du siècle, tant cette évolution a été intimement liée à celle
de toute la société: les modèles organisationnels des associations, leurs
modes d'action, leurs relations avec les pouvoirs publics, leurs formules de
financement et bien d'autres paramètres ont connu de profonds changements
dont l'analyse serait très instructive .
Pourtant, seules deux disciplines des sciences sociales, le droit et
l'histoire (sociale), semblent s'être assez tôt intéressées au fait associatif : de
nombreux travaux en ces matières datent en effet de la première moitié de ce
siècle 8.
La sociologie des associations, de son côté, a connu un important
développement aux Etats-Unis dès le milieu du XXe siècle, alors qu'en France,
il a fallu attendre les années 60 et les travaux d'A. Meister pour avoir une
première approche spécifique aux associations 9. Les années 70 et 80 ont vu
ensuite une multiplication des recherches sur le fait associatif, qu'il s'agisse de
monographies, d'analyses liées à l'évolution des politiques culturelles et des
politiques urbaines, ou encore d'études sur les rapports des associations avec
les pouvoirs locaux, sur le militantisme, sur l'action sociale, etc. 10
En économie, le décalage est à peine moins grand entre la recherche
anglo-saxonne et les travaux du monde francophone. Au début des années
70, on voit apparaître outre-Atlantique les premières modélisations des nonprofit organizations (NPO), en l'occurence des hôpitaux privés. Puis un certain
nombre de recherches sont suscitées par la Commission on Private
Philanthropy and Public Needs mieux connue sous le nom de Files
Commission 11. En 1976 enfin, est lancé à l'Université de Yale le Program on
Non-Profit Organizations, programme de recherche interdisciplinaire qui va
impliquer quelque 150 chercheurs et qui va devenir un pôle central pour le
développement et la diffusion de l'analyse économique et socio-économique
8
Ch. Bruneau (1988) note toutefois qu'il manque encore une histoire générale des associations
Ses deux principaux ouvrages en la matière seront publiés au début de la décennie suivante:
Vers une sociologie des associations (1972) et La participation dans les associations (1974).
10 Du côté anglo-saxon, voir par exemple la synthèse de W. Seibel et H. Anheier (1990) pour
les approches sociologiques et socio-politiques du nonprofit sector. Du côté français, le principal
inventaire est interdisciplinaire: il a été réalisé par Ch. Bruneau et J.-P.Rioux (1981) et mis à jour
par Ch Bruneau (1988)
11 Cette Commission avait été mise sur pied à l'initiative de John D. Rockefeller pour attirer
l'attention des pouvoirs publics et du monde scientifique sur ce qu'elle appela le troisième
secteur (third sector).
9
—4—
des associations. Ce développement se traduira en particulier par une
multiplication des publications, par la création de revues 12, et par la mise sur
pied de nombreux programmes d'enseignement en économie et gestion des
NPO 13.
Dans le monde francophone, c'est plutôt dans le cadre des travaux sur le
secteur de l'économie sociale qu'un intérêt croissant a été porté à l'économie
des associations. A la fin des années 80, celles-ci apparaissent en effet
comme la grande "terra incognita" de l'économie sociale 14. Aussi, un certain
nombre de chercheurs entreprennent-ils le défrichage de ce champ pratiquement inexploré.
Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement le contexte belge, il faut
reconnaître que l'analyse économique des associations en tant qu'objet central
de recherche est encore très embryonnaire. Jusqu'à présent, la dimension
économique des activités associatives n'a pratiquement été abordée que de
manière indirecte et en général par le biais d'autres thèmes. Ainsi, la littérature
croissante sur le non-marchand couvre une large part des associations, mais
elle est surtout orientée vers des problèmes comme le financement de
l'enseignement ou de la santé 15. D'autres travaux traitent par exemple du
travail bénévole en étudiant l'économie souterraine ou informelle. D'autres
encore analysent la remise au travail de chômeurs dans le cadre de projets
associatifs d'utilité collective ou le rôle des O.N.G. (organisations non
gouvernementales) dans la coopération au développement, etc. Finalement, à
l'instar de ce qu'on constate en France, ce sont sans doute les recherches sur
l'économie sociale qui offrent chez nous les approches les plus globales des
associations 16.
3. L'indigence des statistiques officielles sur l'associatif
La principale raison de l'intérêt tardif et encore très mineur porté par les
économistes aux associations réside sans doute dans le manque
d'informations régulières et fiables sur celles-ci, surtout d'un point de vue
statistique. En Belgique notamment, la situation est à cet égard particulièrement déplorable: les seules données régulières proviennent de l'Institut
National de Statistique (I.N.S.) qui se borne en fait à comptabiliser les actes de
naissance et de décès des "associations sans but lucratif" (A.S.B.L.) publiés
dans les annexes du Moniteur Belge. Mais la relation causale n'est pas à sens
12
Parmi celles-ci, la revue Non-Profit and Voluntary Sector Quarterly (nouvelle mouture du
Journal of Voluntary Action Research) et la jeune revue Voluntas lancée en 1990.
13 Même si elle est surtout américaine, la recherche sur les NPO s'est aussi développée de
façon significative au Royaume-Uni, notamment au sein du National Council for Voluntary
Action et dans le cadre de la Personal Social Services Research Unit à l'Université de Kent
(Canterbury).
14 Rappelons qu'outre les associations, l'économie sociale comprend deux autres grands
ensembles, à savoir les coopératives et les organisations mutualistes.
15 Parmi les publications les plus récentes, citons un livre de B. Meunier (1992) et un numéro
spécial de la revue Reflets et perspectives de la vie économique (1991).
16 A l'exception notable de l'une ou l'autre étude, comme celle de I. Cerrada, M.P. Despret, J.
Flinker et J.-P. Vogels (1987) ou le Rapport de la Commission "Vie associative et fonctions
collectives" au Xe Congrès des économistes belges de langue française (Cifop, 1992).
—5—
unique. Si les données font tellement défaut dans la plupart des pays, c'est
aussi parce que la dimension économique des activités associatives a
longtemps échappé aux économistes et parce qu'elle est encore aujourd'hui
très sous-estimée. On pourrait comparer l'état actuel de l'économie des
associations à celui de l'économie du développement il y a 40 ou 50 ans: la
faiblesse des informations quantitatives qui existaient alors sur les pays du
Tiers-Monde expliquait le simplisme des théories du développement de
l'époque, mais l'apparition de conceptions plus élaborées a été à la fois le
résultat et la cause de progrès statistiques considérables.
a. Quelques données "démographiques"
Pour en revenir aux données disponibles pour la Belgique, celles que
publie chaque année l'I.N.S. concernent, on l'a dit, les créations et les
dissolutions d'A.S.B.L. Cependant, même si on s'en tient à la seule
problématique de la démographie associative, ces données présentent deux
grandes limites. D'une part, de nombreuses associations cessent toute activité
sans se dissoudre officiellement, d'autre part, l'ensemble des associations de
fait (qui n'ont pas de personnalité juridique propre) échappe au recensement
de l'I.N.S. Autrement dit, la natalité comme la mortalité associative s'en
trouvent largement sous-évaluées, sans que l'on puisse savoir lequel des deux
biais est le plus important.
Malgré ces problèmes, essayons de nous faire une idée de l'évolution du
nombre d'A.S.B.L. en Belgique depuis le milieu du siècle. A ce propos, le
Tableau 1 ci-après montre l'accélération du processus de création des A.S.B.L.
au cours des 20 dernières années. On voit notamment que le nombre annuel
de créations d'A.S.B.L. au début des années 50 (+/- 500 créations) n'est
doublé que vers la fin des années 60, alors qu'en 1990, il est multiplié par 6,5.
Par ailleurs, au-delà de certaines variations ponctuelles qui ne correspondent
guère aux tendances lourdes17, on note que l'année et la décennie où
l'accroissement des créations est le plus fort sont respectivement l'année 1971
(+ 32 %) et la décennie 70-80. C'est sans doute là l'expression du renouveau
démocratique qui est lié à la contestation de la fin des années 60 et qui fera
des années 70 la "décennie de la participation".
Tableau 1. Les créations d'A.S.B.L. en Belgique depuis 1950.
1950
1951
1952
1953
1954
1955
547
560
477
514
522
963
1960
1961
1962
1963
1964
1965
861
766
738
861
916
1 075
17
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1 451
1 919
1 849
1 895
1 903
2 097
1980
1981
1982
1983
1984
1985
2 700
2 880
3 327
2 514
1 899
2 967
En particulier, les fortes variations entre 1981 et 1986 tiennent surtout à une raison technique:
les services du Moniteur ont accumulé des retards dans l'enregistrement des A.S.B.L. puis les
ont résorbés, principalement en 1986.
—6—
1956
1957
1958
1959
860
713
642
1 060
1966
1967
1968
1969
960
1 081
1 257
1 320
1976
1977
1978
1979
2 232
2 292
2 460
2 512
1986
1987
1988
1989
1990
6 543
3 657
3 470
3 324
3 657
Source : I.N.S., Annuaire statistique de la Belgique.
Comme l'I.N.S. ventile ses données par province et par catégorie d'activité,
il est également possible d'étudier la dispersion géographique (Tableau 2) et la
répartition sectorielle (Tableau 3) des créations ainsi que de l'ensemble des
A.S.B.L. existantes. Soulignons cependant qu'aucun compte n'est tenu des
nouvelles subdivisions de la Belgique fédérale (régions et communautés) et
que la classification des activités n'a jamais été revue, sauf pour changer
"oeuvres coloniales" en "oeuvres africaines". 18
Tableau 2. Répartition géographique des A.S.B.L. en Belgique.
Nombre annuel
de créations
Nombre total
d'A.S.B.L.
au 31.12.90
Provinces
1950 1960 1970 1980 1990
Chiffres
absolus
%
RépartiNbre
tion de la
moyen
pop.belge d'A.S.B.L.
(en %) au
pour
31.12.90 1000 hab.
Anvers
Brabant
Flandre occidentale
Flandre orientale
Hainaut
Liège
Limbourg
Luxembourg
Namur
74
92
198
423
554
10 326
14,5
16,0
6,5
217
29
27
46
70
18
43
23
359
63
88
70
102
39
21
27
508
133
146
121
171
88
33
53
878
245
275
199
283
202
71
124
1194
281
388
328
409
295
103
165
23 678
5 777
6 991
6 511
8 091
4 716
2 107
2 905
33,3
8,1
9,8
9,2
11,4
6,6
3,0
4,1
22,6
11,1
13,3
12,9
10,1
7,5
2,3
4,2
10,6
5,2
5,2
5,1
8,1
6,4
9,2
6,9
Totaux nationaux
547
861
1451 2700 3657
71 102
100,0
100,0
7,2
Source: I.N.S., Annuaire statistique de la Belgique
Le Tableau 2 montre surtout que le Brabant rassemble un tiers des
A.S.B.L. et que cette province, comme celles de Liège et du Luxembourg,
18
Elle n'est pas reprise dans le Tableau 3 car nous l'avons intégrée dans la catégorie "Autres".
—7—
concentre une proportion d'A.S.B.L. supérieure à celle de sa population, alors
que c'est l'inverse pour les six autres. Ainsi, la province de Liège, pourtant
moins peuplée que le Hainaut et les deux Flandres, a-t-elle à la fois un nombre
total d'A.S.B.L. et des flux annuels de créations plus importants que ces trois
autres provinces. Enfin la dernière colonne du tableau fait apparaître plus
nettement encore les différences entre les densités associatives: on trouve en
moyenne de 8,1 à 10,6 A.S.B.L. pour 1000 habitants en Brabant, Liège et
Luxembourg contre 5,1 à 6,9 A.S.B.L. ailleurs. L'explication de ces variations
ne paraît pas aisée et mériterait assurément une analyse plus approfondie.
En ce qui concerne les secteurs d'activité, le Tableau 3 ci-après fait
clairement ressortir cinq créneaux privilégiés des A.S.B.L.: tout d'abord, les
sports et les oeuvres sociales qui dominent les flux de créations depuis 1970;
ensuite l'éducation où la très forte croissance date en fait de 1988 et est peutêtre liée aux problèmes de l'enseignement qui ont suscité de nombreuses
initiatives en sens divers ces dernières années; enfin les oeuvres
professionnelles et l'agrément qui rassemble l'essentiel des loisirs non sportifs.
A noter aussi pour la dernière décennie un accroissement très sensible des
associations liées à la religion, ce qui s'explique sans doute par le
développement de nouveaux mouvements religieux et par la prise en charge
croissante par les laïcs d'activités auparavant assumées par le clergé des
paroisses. Enfin, la poussée des associations de défense de l'environnement
dans les années 80 apparaît sous la rubrique "tourisme et protection des sites
et monuments" 19.
Tableau 3. Répartition sectorielle des associations
Nombre annuel de créations
Nombre total
d'A.S.B.L.
au 31.12.90
Secteurs d'activité
Sciences
Arts, lettres
Philantropie
Agrément
Phil.et agrément
Education.,enseign.
Oeuvres sociales
Sports,éduc.phys.
Tourisme, protect.
des monum. et sites
Politique
1950
1960
1970
1980
1990
Chiffres
absolus
23
32
34
60
15
45
49
55
48
71
41
28
16
159
99
124
45
188
43
111
4
159
232
276
48
332
29
368
28
197
337
505
58
202
84
437
48
599
608
697
1 847 2,6
6 547 9,2
1 898 2,7
5 776 8,1
990 1,4
6 962 9,8
11 986 16,9
12 124 17,1
21
1
27
2
37
4
38
19
111
9
19
1 784
428
en
%
2,5
0,6
Pour être complet, on peut encore relever une multiplication des associations "patriotiques"
en 1990. Comme nous avons vérifié que le phénomène est limité à cette seule année,
l'explication la plus plausible est sans doute la préparation du double anniversaire royal "40/60"
qui fut célébré en 1991.
—8—
Patriotisme
Oeuvres profession.
Religion (*)
Autres
22
137
34
19
1
123
78
43
5
155
54
138
0
250
57
492
Totaux
547
861
1 451 2 700
76
320
172
296
438 0,6
7 704 10,8
4 872 6,9
7 746 10,8
3 657 71 102
100
(*) L'I.N.S. ventile en fait cette rubrique en 5 catégories : exclusivement religieux, religieux et
pédagogique, religieux et charitable, religieux et social, religieux et autres.
Source : I.N.S., Annuaire statistique de la Belgique.
b. Des statistiques sur les donations et legs
En dehors des données que nous venons de présenter, il n'existe en
Belgique aucun autre relevé statistique régulier concernant spécifiquement les
associations, si ce n'est un inventaire annuel des donations et legs faits aux
"établissements de bienfaisance et des cultes, aux associations culturelles et
scientifiques, etc.". Comme le relevé de type démographique, il est réalisé par
l'I.N.S. sur base des arrêtés royaux qui, au cas par cas, autorisent les A.S.B.L.
à accepter ces libéralités. Cependant, pour certaines catégories d'activités,
notamment le secteur médico-social, l'I.N.S. ne sépare pas les associations
d'autres institutions comme par exemple les Centres Publics d'Aide Sociale et
les fondations. De plus, ces donations et legs ne constituent que deux formes
de dons parmi bien d'autres dont certaines sont beaucoup plus importantes
pour les associations. On pense notamment aux dons directs des particuliers,
exonérés ou non d'impôt, ou encore aux collectes faites dans le cadre
d'opérations diverses. Et que dire de tout le reste de la problématique du
financement des activités associatives?
A titre informatif, nous reprenons dans le Tableau 4 ci-dessous et de
manière synthétique les dernières statistiques publiées par l'I.N.S. concernant
ces donations et legs. Les rubriques ont simplement été réorganisées pour
mettre en évidence ce qui concerne le plus sûrement les associations. Ainsi, il
semble bien que les deux premières catégories rassemblent exclusivement des
A.S.B.L., mais ce sont les oeuvres sociales qui reçoivent de loin les plus gros
montants, sans qu'on puisse affirmer qu'elles sont toutes organisées sous la
forme d'A.S.B.L..
Tableau 4. Libéralités faites aux établissements de bienfaisance et des cultes, aux
associations culturelles et scientifiques, etc. (en 1988)
Nature et valeur des biens (en milliers de FB)
Bénéficiaires
Propriétés immobilières
—9—
Valeurs mobilières
Donations
Ass.culturelles
et scientifiques........
Associations
sportives...............
Oeuvres
sociales................
Etabl.méd.-sociaux et
de bienfaisance .......
Org. et oeuvres
religieuses ............
Etabl. d'enseign. et
fond.de bours.d'étud.
Autres
Legs
Donations
7 324
Legs
10 216
400
2 598
246 771
7 438
642 493
6 401
22 681
350
70 927
7 816
127 173
159
59 941
14 594
28 101
194 349
42 985
69 167
57 136
Source : I.N.S., Annuaire statistique de la Belgique.
c. Une valeur ajoutée impossible à estimer
Il serait particulièrement intéressant de pouvoir évaluer la production de
biens et services par les associations. Pour cela, le concept-clé est celui de
valeur ajoutée qui permet à la Comptabilité nationale de mesurer la contribution
d'une entreprise ou d'une organisation au produit national. Pour une entreprise
commerciale, la valeur ajoutée est égale à la différence entre son chiffre
d'affaires et les facteurs intermédiaires mis en oeuvre, les deux étant évalués
aux prix du marché. Pour les productions non-marchandes, qui comprennent
l'essentiel des activités associatives, l'absence de prix du marché oblige à
adopter une autre approche: comme la valeur ajoutée sert aussi à rémunérer
les facteurs de production, on peut en principe la "recomposer" en additionnant
les frais de personnel (y compris les cotisations sociales), les loyers et intérêts,
les amortissements ainsi que les bénéfices et impôts éventuels. En pratique
cependant, la Comptabilité nationale évalue de manière plus grossière la
valeur ajoutée des organisations du non-marchand, en augmentant la masse
salariale d'un montant imputé pour la location des bâtiments.
Une autre difficulté s'oppose encore, et cette fois de manière beaucoup
plus radicale, à l'estimation de la valeur ajoutée des associations à partir des
comptes nationaux: ceux-ci présentent la répartition de la valeur ajoutée selon
une classification fondée sur la seule nature des biens et services produits,
c'est-à-dire par branche d'activité. Autrement dit, ni le mode de financement
des activités (pour une distinction marchand/non-marchand), ni le caractère
privé ou public de celles-ci n'interviennent dans la présentation des comptes. Il
est donc totalement impossible d'isoler la valeur ajoutée des organisations
privées non-marchandes qui constituerait une approximation intéressante
quoique imparfaite de la production associative 20.
20
Outre le problème d'évaluation évoqué plus haut, l'imperfection d'une telle approche tient au
fait que la production associative comprend aussi des biens et services marchands et que les
— 10 —
4. Une évaluation indirecte et contestable de l'emploi associatif
L'emploi est une des variables économiques qui mérite aussi une attention
particulière. Il n'existe certes aucune statistique officielle sur l'emploi associatif,
mais il est possible d'approcher celui-ci sur base de données fournies par
l'Office National de Sécurité Sociale. L'O.N.S.S. publie en effet une
classification sectorielle des travailleurs assujettis à la sécurité sociale, en
distinguant en plus ceux qui relèvent du secteur privé et ceux qui sont
employés dans le secteur public 21.
On peut penser que les associations opèrent très majoritairement dans les
7 dernières catégories de services répertoriés par l'O.N.S.S. et qu'elles
constituent dans ces activités l'essentiel du secteur privé. Aussi reprenonsnous dans le Tableau 5 ci-après les chiffres concernant le secteur privé dans
ces activités.
Soulignons qu'il ne s'agit là que d'une approximation très grossière de la
répartition de l'emploi associatif et qu'elle appelle de sérieuses réserves. En
premier lieu, on trouve des associations dans d'autres secteurs que ceux
mentionnés ci-dessous. En particulier, pratiquement tout l'enseignement libre
est organisé dans le cadre d'A.S.B.L., mais l'O.N.S.S. intègre l'ensemble du
personnel enseignant dans le secteur public, quels que soient les réseaux
concernés. Il y a aussi des associations dans quelques autres secteurs,
principalement dans les "services fournis aux entreprises", mais elles côtoient
alors une majorité de sociétés commerciales et il est impossible de les isoler.
Tableau 5. Répartition de l'emploi salarié du secteur privé
dans quelques secteurs de services en Belgique (au 30 juin 1990).
Classes d'activité
Nombre de
travailleurs
Recherche et développement
Santé et services vétérinaires
Autres services fournis à la collectivité
Services récréatifs et autr.serv.culturels
Services personnels
Services domestiques
Autres services
4 437
96 824
112 020
20 183
24 595
3 650
20 181
organisations privées non-marchandes ne sont pas toutes des associations (par exemple les
fondations). Nous reviendrons plus loin sur ces limites.
21 Cette distinction entre secteurs public et privé est réalisée au niveau national, mais pas pour
les chiffres concernant les régions.
— 11 —
Total
281 890
Source: Office National de Sécurité Sociale
En second lieu, le secteur privé dans les activités figurant au Tableau 5 ne
comporte pas que des associations. Au côté de celles-ci figurent notamment
des fondations, mais aussi des sociétés commerciales, par exemple des
sociétés organisatrices de spectacles constituées en S.A., S.P.R.L. ou S.C.
Enfin, et cette troisième limite n'est pas la moindre, les statistiques de
l'O.N.S.S. ignorent certaines catégories de travailleurs: tout d'abord les
personnes employées dans le cadre de projets du Troisième Circuit de Travail
en Flandre et à Bruxelles 22 ou dans le cadre du programme PRIME en
Wallonie, mais aussi les travailleurs indépendants, qui peuvent être
relativement nombreux dans des A.S.B.L. opérant dans des activités comme
celles liées à la santé. Or, l'Institut National d'Assurances Sociales pour
Travailleurs Indépendants (INASTI) ne fournit aucune donnée permettant
d'isoler le travail indépendant lié à des associations.
Toutes ces réserves limitent fortement le crédit que l'on peut accorder aux
chiffres de l'O.N.S.S. pour notre propos. Cependant, faute de mieux à ce
stade-ci, il n'est pas interdit de retenir le total du Tableau 5 comme un ordre de
grandeur indicatif, d'autant plus que les différents biais mentionnés ne jouent
pas tous dans le même sens et qu'ils tendent donc à s'annuler dans une
certaine mesure.
5. Vers une statistique de l'associatif formel et informel
A cette première approximation de l'emploi associatif, nous voudrions à
présent comparer une estimation obtenue d'une toute autre manière et
couvrant l'ensemble de la vie associative formelle et informelle. Il s'agit en fait
d'une enquête réalisée en 1989 dans le cadre d'un inventaire de l'économie
sociale en Wallonie 23.
Rappelons d'abord brièvement les grands axes de cette recherche.
Dans un première étape, nous avons récolté un maximum d'informations de
diverses façons. Tout d'abord, un questionnaire portant sur quelques
grandeurs significatives de l'activité (emploi, budget, nombre de membres, etc.)
a été envoyé à 700 associations répertoriées dans le Bottin social, parmi
lesquelles près d'un tiers ont fourni les informations demandées. D'autre part,
un recensement exhaustif des A.S.B.L. et associations de fait a été opéré
dans deux zones géographiquement bien délimitées: la commune rurale de
22
En fait, l'O.N.S.S. comptabilise les travailleurs T.C.T., mais il les inclut en totalité dans le
secteur public. Les travailleurs sous statut PRIME ne sont par contre comptés nulle part.
23 Ce travail, d'abord présenté dans un article (J. Defourny, 1990) puis dans le Rapport du
Conseil Wallon de l'Economie Sociale (1990), a été réalisé avec la collaboration de F. Henrar et
de C. Janvier.
— 12 —
Herve (15.000 habitants) et l'ancienne commune de Rocourt (6.000 habitants)
aujourd'hui intégrée à la ville de Liège. Un inventaire et une statistique assez
précise de la vie associative a pu ainsi être dressée pour ces entités. Enfin,
diverses sources de moindre importance ont, pour certains champs d'activité,
complété les deux principales investigations.
Pour passer de ces informations très parcellaires à une estimation
globale au niveau régional, nous avons suivi deux voies très différentes avec
l'intention d'en confronter les résultats. Sur base de toutes les informations
disponibles pour un maximum d'associations, la première a d'abord consisté à
calculer pour neuf secteurs d'activité et par association, un nombre moyen de
travailleurs salariés (en "équivalents temps-plein"), un budget moyen et un
nombre moyen de membres. En multipliant ces moyennes par le nombre
d'associations wallonnes dans chaque secteur, estimé à partir des données de
l'I.N.S.24, nous avons obtenu une première estimation pour l'ensemble de la
Wallonie. La seconde approche a reposé quant à elle sur les seules enquêtes
réalisées à Herve et Rocourt: les chiffres, en termes absolus et non plus
moyens, obtenus pour ces deux zones ont simplement été projetés à l'échelle
régionale par une règle de trois fondée sur le nombre global d'habitants de
Herve et Rocourt et sur celui de la Wallonie.
Les deux méthodes ont abouti à des résultats étonnamment
convergents tant pour l'emploi que pour le volume d'activité approché par le
budget annuel des associations (moins de 5% d'écart). Cependant comme des
différences plus marquées sont apparues au sein de certains secteurs, nous
avons décidé de retenir pour chacun de ceux-ci la moyenne des deux
estimations. Ces résultats moyens sont présentés dans la partie supérieure du
Tableau 6 ci-dessous Enfin, notons qu'en ce qui concerne le nombre
d'associations, l'I.N.S. recense environ 21.000 A.S.B.L. en Wallonie pour
l'année 1989 tandis que l'extrapolation des résultats de l'enquête sur Herve et
Rocourt donne 23.400 A.S.B.L. en activité et associations de fait.
Tableau 6. Une évaluation des branches d'activités associatives (en 1989)
WALLONIE
Branches d'activité
Social et médico-social
(hôpitaux exclus)............
Hôpitaux (FIHW et AFIS).
Assoc. professionnelles.....
Formation.....................
Culture........................
Tourisme et environnement
Sports.........................
Nombre de membres
456 000
670 000
477 000
130 000
93 000
440 000
24
Emplois
Budget
33 100
11 700
14 400
3 800
3 500
400
600
17 900
36 000
21 300
3 600
3 000
250
1200
Nous avons considéré comme wallonnes une proportion des A.S.B.L. du Brabant égale à
celle de la population wallonne dans cette même province.
— 13 —
Loisirs non sportifs..........
Coopération au dével........
Activités religieuses.........
Totaux régionaux
281 000
2 000
4 000
(**)
180
200
250
68 130
560
250
370
84 430
BELGIQUE
Branches d'activité
Nombre de membres
Social et médico-social
(hôpitaux exclus)............
Hôpitaux......................
Assoc.professionnelles.....
Formation.....................
Culture........................
Tourisme et
environnement.
Sports.........................
Loisirs non sportifs..........
Coopération au dével........
Activités religieuses.........
Totaux nationaux
Emplois
Budget (*)
1 400 000
2 056 000
1 464 000
399 000
285 000
101 600
35 900
44 200
11 700
10 700
1 230
54 900
110 500
65 400
11 000
9 200
770
1 350 000
862 000
6 100
12 300
1 840
550
610
770
3 700
1700
770
1 140
(**)
209 100
259 080
(*) En millions de FB.
(**) Une totalisation n'aurait pas de sens en raison des appartenances multiples de très
nombreuses personnes.
Source: J. Defourny (1990 et 1992a).
Ce sont les résultats obtenus pour les associations wallonnes que nous
avons extrapolés au niveau de la Belgique, avec le même type de règle de trois
et en faisant l'hypothèse assez plausible que la Belgique n'est globalement ni
plus ni moins associative que la Wallonie 25. Nous arrivons ainsi aux
estimations rassemblées dans la partie inférieure du Tableau 6 ci-avant
En ce qui concerne l'évaluation de l'emploi associatif total en Belgique, on
constate qu'avec environ 209 000 travailleurs, on est sensiblement en-dessous
de l'estimation fondée sur les données de l'O.N.S.S., à savoir près de 282 000
travailleurs (voir Tableau 5). Mais on se rappelle que cette approximation était
25
Certes, les données de l'I.N.S. présentées dans le Tableau 2 permettent de calculer une
moyenne de 6,7 A.S.B.L. pour 1000 habitants dans les 4 provinces wallonnes contre une
moyenne nationale de 7,2 (et de 5,8 dans les 4 provinces flamandes), mais cette différence et
surtout les limites des données I.N.S. ne nous semblent pas justifier une autre hypothèse.
— 14 —
vraiment très grossière et il nous semble que le nouveau résultat représente
une indication nettement plus fiable.
Pour ce qui est des volumes budgétaires, les 259 milliards obtenus
représentent au mieux un ordre de grandeur, car nous avons rencontré pour la
variable "budget" de sérieux obstacles. Tout d'abord, certaines personnes
interrogées avaient des réticences ou des difficultés à fournir l'information
demandée. Ensuite, les chiffres du budget ne traduisent pas nécessairement
les moyens mis en oeuvre par les associations: pour le personnel sous statut
PRIME par exemple, le budget n'intègre bien souvent que la quote-part à
charge de l'employeur 26.
Si l'on considère à présent les différents secteurs d'activité associative, il
apparaît clairement comme on pouvait s'y attendre que le secteur social et le
secteur médical se taillent la part du lion avec environ deux tiers des emplois et
des moyens budgétaires. Mais il faut souligner que le poids économique visible
des activités n'est pas un indicateur fiable de l'intensité de la vie associative:
dans certains domaines comme par exemple les sports et les loisirs non
sportifs, le poids économique apparent des associations n'est pas très
important, mais celles-ci n'en rassemblent pas moins des centaines de milliers
de membres. Par ailleurs, notons aussi que le nombre de membres n'est luimême qu'un indice partiel de la dynamique associative puisqu'il ne tient pas
compte du degré d'adhésion ou d'engagement des membres, celui-ci pouvant
notamment se traduire par un travail bénévole plus ou moins important.
6. Le bénévolat, ancrage de l'associatif dans l'économie
informelle
S'il est une dimension essentielle pour une appréciation qualitative de la
vie associative, le bénévolat ou, si l'on préfère, le volontariat est aussi un
paramètre économique incontournable, même s'il est difficile à appréhender.
La non rémunération et la non déclaration de ce type de prestation n'enlèvent
rien au fait qu'il s'agit d'un facteur de production (le travail) mobilisé pour une
activité de production (de biens ou le plus souvent de services). Le bénévolat
réprésente donc bien le point d'ancrage majeur de l'associatif dans l'économie
informelle.
Dans le cadre de l'enquête précitée, C. Janvier (1990) a cherché à
mesurer le volume de travail bénévole presté dans les associations de Herve et
de Rocourt. Elle a ainsi constaté que ces dernières pouvaient compter sur
près de 5.000 bénévoles 27 travaillant en moyenne 3 heures par semaine. Ce
résultat moyen de 3 heures/semaine est particulièrement intéressant car il est
très proche de celui de V. Ginsburgh, S. Perelman et P. Pestieau (1987) qui se
basaient sur une enquête réalisée en 1985 auprès de 1.200 ménages belges
choisis de manière aléatoire. Ces auteurs concluaient en effet qu'environ 23 %
26
Les comptes d'une entreprise font parfois de même pour certains types d'aide publique, mais
la subsidiation par les pouvoirs publics est évidemment beaucoup plus centrale dans le
financement des activités associatives.
27 A noter que dans ce total, une même personne est comptée plusieurs fois si elle effectue du
travail bénévole pour plusieurs associations.
— 15 —
des ménages participent au travail volontaire dans les associations, à raison de
12 heures par mois en moyenne 28.
C. Janvier a aussi calculé que la somme des heures de travail bénévole
prestées à Herve et à Rocourt correspond, en équivalents temps plein, à
environ 210 emplois dans la première commune et à 75 emplois dans la
seconde, soit respectivement 3,2 % et 2,0 % de la population active de ces
localités. Si l'on transpose au niveau régional et au niveau national la moyenne
pondérée de ceux deux pourcentages 29, c'est-à-dire 2,8 %, on obtient une
masse de travail bénévole qui équivaut à 36.000 emplois à temps plein en
Wallonie et à 115.000 emplois à temps plein pour l'ensemble du pays 30.
Les comparaisons internationales sont très délicates en ce qui concerne le
volume global du travail bénévole, car les études menées dans quelques pays
varient considérablement, tant sur le plan des hypothèses de base que sur
celui des méthodes. Il semble toutefois que le volontariat soit particul-ièrement
important dans les pays anglo-saxons. Pour le reste, nous nous contenterons
de renvoyer à quelques synthèses ou comparaisons de ces recherches 31.
28
Une autre enquête réalisée par M. Cannella (1991) sur les associations de la commune
d'Ans a abouti à des résultats un peu supérieurs: 4,2 heures par semaine en moyenne
lorsqu'on interroge les principaux responsables des associations, et 4,8 heures à partir d'une
enquête auprès d'un ensemble de bénévoles. Mais le nombre de personnes interrogées dans
le cadre de cette étude est nettement plus faible que pour les deux autres enquêtes. Notons
encore que selon M. Cannella, la coopération au développement est de loin le secteur dans
lequel les bénévoles offrent en moyenne le plus d'heures de travail.
29 Autrement dit, on fait alors l'hypothèse que le bénévolat associatif dans les deux localités en
question est représentatif de celui qu'on trouve dans l'ensemble de la Wallonie mais aussi dans
la Belgique toute entière.
30 V. Ginsburgh, S. Perelman et P. Pestieau (1987) évoquent plutôt l'équivalent de 80.000
emplois à temps plein au niveau belge, soit +/- 2 % de la population active. La différence entre
les deux résultats provient du pourcentage de personnes identifiées comme bénévoles dans la
population.
31 Voir notamment M. Le Net et J. Werquin (1985), D. Robbins (1991), ainsi que J. Defourny, V.
Boniver et C. Richelot (1991)
— 16 —
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