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CONGRÈS
RÉUNION
coordonné par
le Pr C. Le Feuvre
ACC 2010 : focus sur les études RACE II
et ASCOT-BPLA
P. Attali*
Atlanta, 14-16 mars 2010
Étude RACE II
* Service de cardiologie, CHRU de
Strasbourg.
Les études AFFIRM et RACE nous avaient montré que
le contrôle de la FC était une alternative acceptable
pour le traitement d’une FA permanente. Cependant,
le seuil optimal de contrôle de la FC lors d’une FA
est inconnu. Les recommandations sur le contrôle
de la FC préconisent une FC de repos entre 60 et
80 bpm et une FC lors d’un effort modéré entre
90 et 115 bpm. Les arguments en faveur d’un strict
contrôle de la FC sont une moindre incidence de
l’insuffisance cardiaque et des AVC, une meilleure
survie et une amélioration de la qualité de vie. À
l’inverse, les arguments en défaveur de cette option
sont la persistance d’un rythme irrégulier, les effets
indésirables des médicaments, la nécessité parfois
d’implanter un stimulateur cardiaque, le coût plus
élevé et la plus grande difficulté pour atteindre ce
résultat. Les auteurs ont cherché à déterminer si un
contrôle moins strict de la FC risquait d’entraîner des
résultats inférieurs à ceux obtenus avec un contrôle
cardiaque strict chez des patients en FA permanente,
en termes de morbi-mortalité CV. Les critères d’inclusion étaient les suivants : patient âgé d’au plus
80 ans, durée de la FA d’au moins 12 mois, FC à plus
de 80 bpm, et traitement anticoagulant oral en cours.
Étaient exclus les patients en FA paroxystique ou
transitoire et ceux qui avaient des contre-indications
pour un contrôle strict ou lâche de la FC. Le critère
primaire (composite) incluait la mortalité CV, les
hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les AVC,
les embolies systémiques, les saignements majeurs,
les syncopes, les arrêts cardiaques, les tachycardies
ventriculaires soutenues, les effets indésirables des
médicaments menaçant le pronostic vital, l’implantation d’un stimulateur pour bradycardie ou d’un
DAI pour arythmie ventriculaire. Pour contrôler la
FC, les patients étaient traités par des médicaments
dromotropes négatifs, tels que les bêtabloquants ou
les antagonistes calciques, en excluant les dihydropyridines et la digoxine, seule ou en association. Les
16 | La Lettre du Cardiologue • n° 434 - avril 2010 cibles étaient les suivantes : dans le bras “contrôle
lâche”, la FC était maintenue à moins de 110 bpm
(ECG 12 d) ; dans le bras “contrôle strict”, elle était
maintenue à moins de 80 bpm (ECG 12 d de repos)
et à moins de 110 bpm à 25 % de la durée d’un effort
maximal. Après atteinte de la FC cible, un Holter ECG
était réalisé par sécurité. L’étude RACE II a montré
que les résultats obtenus avec un contrôle lâche de
la FC n’étaient pas inférieurs à ceux atteints avec
un contrôle plus strict (respectivement 12,9 versus
14,9 % ; RRA 2 % ; IC90 : – 7,6 ; – 3,5 ; p < 0,001 pour
la marge de non-infériorité préspécifiée). Le contrôle
lâche convient mieux en raison de la nécessité d’un
nombre plus faible de consultations. Les implications
cliniques sont qu’une stratégie de contrôle lâche de la
FC peut être adoptée en première intention chez les
patients en FA permanente, et cela aussi bien pour les
patients à haut risque que pour ceux à faible risque.
Commentaire
Cette étude va dans le même sens que beaucoup
d’autres comparant actuellement un contrôle strict
et un contrôle lâche. Une fois de plus, il s’avère que
trop… c’est trop ! Un contrôle raisonnable de la FC est
suffisant dans la majorité des cas et il expose à moins
de contraintes et de risques qu’un contrôle plus strict.
L’étude ASCOT-BPLA
Dans l’étude ASCOT-BPLA, le bras amlodipine/périndopril a été plus efficace sur la réduction des événements cardiovasculaires ainsi que sur la réduction
de la mortalité totale, comme vasculaire, que le bras
aténolol/bendrofluméthiazide. Plusieurs hypothèses
sont avancées à ce jour pour expliquer cette supériorité : la réduction plus précoce de la pression artérielle
brachiale, la réduction plus efficace de la pression
artérielle centrale dans le bras amlodipine/périndopril,
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RÉUNION
4,3
Moyenne au sein de la visite CV SBP (IC95)
ou encore en raison d’un effet propre des molécules.
Les auteurs de l’analyse actuelle ont testé l’hypothèse selon laquelle la diminution du risque d’accident
vasculaire cérébral et d’événement coronaire dans le
bras amlodipine/périndopril versus le bras aténolol/
bendrofluméthiazide pouvait être également expliquée
par des différences liées à la variabilité de la pression
artérielle systolique. Les 19 257 patients hypertendus
à risque cardiovasculaire modéré de l’étude ASCOTBPLA ont été randomisés entre un bras amlodipine ±
périndopril et un bras aténolol ± bendrofluméthiazide.
Le suivi a été de 5,5 ans. La variabilité intra-individuelle
de la pression artérielle systolique a été quantifiée à
partir de la déviation standard (SD) et du coefficient
de variation (CV), et de la variation indépendante
des moyennes (VIM) de la pression artérielle systolique provenant des 2e et 3e mesures prises à chaque
visite de suivi (variabilité intra-visite) [figure] et lors
de visites distinctes du suivi pendant les 5 années
d’observation de l’étude (variabilité inter-visites). Les
déviations standard de la pression artérielle systolique intra- et inter-visites ont été des éléments de
prédiction forts des accidents vasculaires cérébraux
et des événements coronariens. L’odd-ratio ajusté
sur l’âge, le sexe et la pression artérielle systolique
moyenne pour les accidents vasculaires cérébraux
dans le décile le plus élevé (par rapport au décile le
plus faible) de la déviation standard inter-visites a
été de 4,06 (IC95 : 2,17-7,60) dans le groupe aténolol/
bendrofluméthiazide et de 3,80 (IC95 : 1,67-8,65) dans
le groupe amlodipine/périndopril. Le hazard-ratio
pour les événements coronaires dans le décile le plus
élevé pour la déviation standard inter-visites a été
de 2,85 (IC95 : 1,56-5,21) dans le groupe aténolol/
bendrofluméthiazide et de 1,99 (IC95 : 1,25-3,18)
dans le groupe amlodipine/périndopril. La déviation
standard inter-visites a été plus élevée (13,42 versus
10,99 mmHg) dans le groupe aténolol/périndopril que
dans le groupe amlodipine/périndopril (p < 0,0001).
Les plus faibles risques d’AVC (HR = 0,78 ; IC95 : 0,670,90) et d’événements coronaires (HR = 0,85 ; IC95 :
0,77-0,94) lors du suivi, pour le groupe amlodipine et
périndopril comparé au groupe aténolol et bendrofluméthiazide, ont été annulés en ajustant sur la PAS
moyenne les variabilités intra- et inter-visites de la
déviation standard de la pression artérielle systolique
(pour l’accident vasculaire cérébral, HR = 0,99 ; 0,851,15 ; pour les événements coronariens, HR = 1,01 ;
0,91-1,12). Des résultats semblables ont été obtenus
pour les analyses effectuées à partir des coefficients
de variation et des variations indépendantes des
moyennes, pour la détermination du risque d’AVC
ou d’événements coronariens lors du suivi. Mille neuf
Aténolol
4,1
3,9
Amlodipine
3,5
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5a
Suivi (années)
Figure. Coefficient de variations moyens intra-visites dans les deux groupes de traitements lors du suivi de l’étude ASCOT-BPLA illustrant une variabilité intra-visites de la
PAS moindre dans le groupe amlodipine/périndopril.
cent cinq patients ont été évalués par MAPA, avec une
moyenne de 3,25 enregistrements et des intervalles
de 6 mois. La pression artérielle systolique diurne était
légèrement plus élevée, mais la pression artérielle
systolique nocturne était légèrement plus basse dans
le bras traité par amlodipine/périndopril. Le pic matinal
était similaire pour les 2 traitements, et seule une faible
corrélation avec la variabilité de la pression artérielle
inter-visites a été observée. Le coefficient de variations
de la pression artérielle systolique intra-MAPA a été
corrélé à la variabilité inter-visites de la pression artérielle systolique mesurée au cabinet (r = 0,38 pour
le groupe aténolol/diurétique thiazidique, et r = 0,29
pour le groupe amlodipine/périndopril ; p < 0,0001).
En fait, la variabilité intra-MAPA de la pression artérielle systolique diurne était prédictive des AVC et des
événements coronariens (mais moins que la variabilité
inter-visites). La variabilité de la PAS inter-visites, plus
que la variabilité intra-visites ou intra-MAPA, a été
un puissant indicateur du risque d’AVC et d’atteinte
coronaire. Elle augmente avec l’âge, le diabète, le
tabagisme et en cas d’artériopathie.
En conclusion, la variabilité de la pression artérielle systolique est un facteur de risque puissant
de survenue d’AVC et d’événement coronaire aigu
qu’il faut prendre en compte dans la prise en charge
des patients hypertendus au-delà de la baisse
moyenne de PAS. D’après les auteurs, la réduction
de la variabilité de la PAS expliquerait les bénéfices,
notamment la prévention des AVC et des événements coronaires, obtenus par le bras amlodipine/
périndopril comparativement au bras aténolol/
bendrofluméthiazide dans l’étude ASCOT-BPLA.■
La Lettre du Cardiologue • n° 434 - avril 2010 | 17 
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