Rythmologie R Y T H M O L O G I E

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Y T H M O L O G I E
Rythmologie
● J.M. Davy*
Points forts
La session rythmologie a comporté trois thèmes principaux :
■ L’utilisation du défibrillateur automatique implantable
dans la prévention de la mort subite, secondaire mais
aussi primaire, et la valeur de nouveaux marqueurs de
risque comme l’alternance de l’onde T.
■ La fibrillation auriculaire dans tous ses aspects : épidé-
miologie, physiopathologie du remodelage électrophysiologique et anatomique, traitements médicamenteux,
ablation des foyers des veines pulmonaires par radiofréquence et même par ultrasons.
■ La génétique des arythmies ventriculaires idiopathiques,
qui permet de décrire des mutations de plus en plus nombreuses, mais qui tente aussi d’expliquer pourquoi ces
mêmes mutations ont une expression si variable (pénétrance).
DÉFIBRILLATION ET ARYTHMIES VENTRICULAIRES
Le thème de la mort subite a été l’occasion d’une session plénière
remarquable, au cours de laquelle le bénéfice du défibrillateur
automatique implantable (DAI) dans la prévention secondaire et
primaire a été analysé par D. Zipes.
Le DAI s’impose dans la prévention secondaire des patients victimes de tachycardie ventriculaire (TV), dès qu’il existe une dysfonction VG (FE < 0,40 %). La méta-analyse de trois études randomisées publiées ces dernières années (AVID, États-Unis ;
CIDS, Canada ; CASH, Allemagne), comparant DAI et médicaments, permet d’affirmer :
* Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier.
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– une supériorité du DAI par rapport à l’amiodarone, qui a été
l’antiarythmique utilisé dans le groupe sous médicament ;
– que cette supériorité n’est pas due à l’utilisation des bêtabloquants, souvent plus importante dans le groupe DAI ;
– qu’elle ne concerne probablement pas seulement les TV symptomatiques (syncopales ou mal tolérées, responsables de chutes
tensionnelles), mais toutes les TV soutenues, même paucisymptomatiques, comme l’étude du registre des patients AVID semble
le suggérer : en effet, le pronostic des patients de ce registre est
le même que celui du sous-groupe médicaments des patients
AVID.
Le retard français dans le domaine devient ainsi de plus en plus
scandaleux : 10 DAI par million d’habitants, contre 40 à 60 dans
le reste de l’Europe occidentale et 120 par million d’habitants
aux États-Unis.
La place du DAI est sans doute majeure dans la prévention
primaire, dès que l’on s’intéresse à la population à risque comportant dysfonction VG et TV non soutenue asymptomatique
dépistée grâce au holter.
Trois études ont, là encore, été publiées. L’étude MADIT était,
certes, positive, mais elle s’adressait à des patients très sélectionnés, après étude électrophysiologique, et dont les TV induites
n’étaient pas supprimées par le traitement antiarythmique ; aussi,
son recrutement avait été très long, et un seul petit groupe de
patients avait finalement été randomisé. L’étude MUSTT, plus
récente, montrait l’intérêt d’un traitement antiarythmique (– 27 %,
p = 0,043), qu’il soit médicamenteux ou par défibrillateur, chez
704 patients randomisés avec TV induite. Toutefois, une analyse
en sous-groupe, portant sur une période plus récente (DAI en position pectorale de morbidité nulle) et sur les centres largement
implanteurs, se révèle nettement en faveur du DAI, confirmant
même un bénéfice identique à celui de l’étude MADIT (LeeDurham, 417 ; Gold, Baltimore, 3385). Une dernière étude, le
CABG-Patch Trial (CPT), s’est révélée négative. Mais une communication de Bigger (New York, 1924) a montré que, dans cette
étude, les patients, randomisés avant une chirurgie de revascularisation coronaire, avaient certainement bénéficié de cette revascularisation sur le plan simplement rythmique, ce qui avait atténué d’autant le bénéfice du DAI chez ceux qui relevaient de ce
sous-groupe.
Au total, D. Zipes pense qu’au terme de 1999, notre attitude doit
être modifiée. Il paraît nécessaire de réaliser plus largement des
explorations (épreuve d’effort, ECG moyenné, étude électroLa Lettre du Cardiologue - n° 323 - janvier 2000
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physiologique) chez ces patients à dysfonction VG et tachycardie ventriculaire non soutenue au holter, notamment chez les
sujets jeunes, et d’envisager un DAI en prévention première dès
que les médicaments (amiodarone et bêtabloquants) ne sont ni
efficaces, ni bien tolérés.
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État basal Sildénafil 30 µM
MÉDICAMENTS ANTIARYTHMIQUES
Un médicament antiarythmique, l’azimilide, était l’objet d’une
présentation en session plénière consacrée aux tout derniers essais
cliniques : l’étude ASAP (Azimilide in Supraventricular Arrythmia Program). Cette étude portait sur 482 patients présentant
essentiellement des arythmies atriales, fibrillation ou flutter (pour
422 patients) et plus rarement des tachycardies jonctionnelles
(pour 60 d’entre eux), recevant un placebo ou 125 mg d’azimilide. Une cardiopathie était présente chez 47 % d’entre eux, avec
27 % de cardiopathies ischémiques, et une insuffisance cardiaque
était observée dans 14 % des cas.
Seule la période d’efficacité était, comme convenu, analysée
(excluant les trois premiers jours nécessaires pour obtenir un taux
sanguin suffisant). L’étude était négative, avec un temps moyen
d’apparition d’une récidive passant de 27 jours sous placebo à
38 jours sous traitement, soit un risque relatif non significatif de
1,14 (p = 0,29).
Les effets secondaires n’étaient pas significativement différents,
et concernaient respectivement, dans le groupe placebo et dans
le groupe azimilide, 6 versus 15 patients pour les arrêts de traitement, 0 versus 1 patient pour les torsades de pointe et 1 versus
3 patients pour les morts subites.
Cet essai ne confirmait pas les résultats d’une première étude portant, elle, sur trois doses d’azimilide (50, 100 et 125 mg), et qui
était positive pour les deux dernières doses. La place exacte de cet
antiarythmique dans le traitement de la FA nécessite d’autres
études pour préciser les posologies efficaces et leur sécurité.
La prévention des dysthyroïdies sous amiodarone est difficile
et la surveillance du taux de TSH (tous les 6 mois) doit être la
règle. B.H. van Huysduynen (Groningue, 3070) a cependant montré que le taux initial de TSH pouvait faire craindre la survenue
d’une dysthyroïdie. Chez 101 patients sous amiodarone pendant
un suivi moyen de trois ans, 9 patients ont présenté une hyperthyroïdie après 21 ± 21 mois et 11 patients une hypothyroïdie
après 30 ± 27 mois. Le taux initial du TSH était significativement
différent dans les trois groupes euthyroïdien, hyperthyroïdien et
hypothyroïdien : 1,32, 0,69 et 2,59, mais toujours dans les valeurs
normales cependant (0,3 à 5,0 unités).
Le sildénafil a été accusé de rares cas de mort subite, qui semblent être principalement d’origine ischémique chez des patients
coronariens. P. Geelen (Sainte-Foy, 1462) a cependant mis en évidence des effets électrophysiologiques de classe III, par bloc du
canal IKR (figure 1).
Cet effet, sans doute absent aux doses usuelles, pourrait se rencontrer en cas de surdosage ou lors d’une interaction médicamenteuse au niveau des cytochromes, responsable d’une métabolisation insuffisante.
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Figure 1. Effet électrophysiologique du sildénafil.
GÉNÉTIQUE DES ARYTHMIES
Alors que le nombre des mutations décrites chez les patients avec
des arythmies ventriculaires héréditaires augmente sans cesse,
l’importance des formes asymptomatiques et l’hétérogénéité des
phénotypes sont de plus en plus soulignées.
S. Priori (Pavie, 408) a étudié la troisième forme du QT long
congénital, portant sur le canal sodique (SCN5A). L’étude systématique de 100 malades atteints de QT long congénital a montré une anomalie de ce canal chez 9 d’entre eux et chez
17 membres de leur famille. Les modifications majeures du QT
déjà décrites dans cette forme n’étaient retrouvées que chez la
moitié des sujets porteurs, quatre d’entre eux n’ayant que des anomalies mineures et 6 présentant un ECG normal.
Pour expliquer l’hétérogénéité des patients porteurs d’une même
mutation, l’existence de mutations associées, dites “modifiantes”,
a été évoquée. C. Napolitano (Pavie, 409) a ainsi étudié systématiquement les trois autres gènes parmi les quatre mutations
connues responsables du QT long congénital chez 20 familles
pourtant déjà génotypées. Il a montré qu’une autre mutation était
présente chez trois des 20 familles ; ainsi, ces doubles mutations,
qui existent isolément chez les parents mais en association chez
les enfants malades, expliquent dans certains cas l’hétérogénéité
de la maladie et de l’ECG.
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L’hétérogénéité paraît également importante dans le cas du syndrome de Brugada. S. Priori (Pavie, 415) a analysé un groupe de
54 patients âgés de 42 ± 18 ans, avec 72 % d’hommes chez
32 familles, définies par les anomalies ECG classiques. Seuls
10 patients sur 54 avaient présenté des FV, 22 sur 54 avaient été
testés à la flécaïne et étaient positifs, et 9 fois sur 22 une FV était
induite par stimulation. La recherche systématique de mutations
sur le canal sodique (SCN5A) n’a été positive que trois fois sur
25 familles (12 %). On retrouvait, dans ces familles, deux morts
subites, une FV et une TV, mais aussi 18 patients porteurs (80 %)
et totalement asymptomatiques, malgré un âge de 40 ± 20 ans.
Cette anomalie ECG est ainsi une entité multiforme, et la mutation du canal sodique, quand elle existe, a une pénétrance très
variable.
De même, D. Klug (Lille, 3063) a évalué la signification des anomalies ECG décrites en cas de syndrome de Brugada : élévation
en selle du segment ST dans les précordiales droites V1, V2, V3.
Les symptômes étaient multiples : arrêt cardiaque, TV, syncopes
ou palpitations pour 8 d’entre eux, mais aussi douleurs thoraciques atypiques pour deux autres. Trois patients étaient asymptomatiques. Après une étude rythmologique et morphologique
extensive, le diagnostic était variable : dysplasie arythmogène
ventriculaire droite chez deux patients, anomalie mineure du VD
chez 7 d’entre eux, cardiomyopathie alcoolique chez un patient,
et seuls trois patients n’avaient aucune anomalie anatomique décelable. L’aspect ECG est donc sans doute un marqueur de l’atteinte
du ventricule droit, et son étiologie n’est pas univoque.
LES MARQUEURS DE RISQUE DE MORT SUBITE
La valeur pronostique du QT est encore largement débattue, avec
de nombreux indices, comme la dispersion, la dynamique ou l’alternance de QT.
Ainsi, en étudiant les patients de l’étude EMIAT (amiodarone
après un infarctus avec FE < 0,40), P. Milliez (Paris, 830) a comparé 60 victimes de mort subite à 60 patients témoins. L’intervalle
QT n’était pas discriminant, respectivement 458 versus 446 ms,
mais la pente d’adaptation QT/RR était plus abrupte, de jour
comme de nuit, et expliquait peut-être le risque rythmique accru.
D. Bloomfield (New York, 2679) a comparé la valeur prédictive
de l’exploration et de l’alternance de l’onde T chez 130 patients
explorés pour lipothymie ou syncopes. Treize pour cent des
patients avaient des TV inductibles et 38 % avaient une alternance
de l’onde T. Après un suivi de 9 mois, 2 morts subites et 7 TV
étaient observées. La valeur prédictive de l’alternance paraît au
moins aussi bonne que celle de l’exploration, avec une survie à
un an sans événement rythmique de 97 % en l’absence d’alternance (versus 81 % - risque relatif 7,1) et de 94 % en l’absence
de TV réduite (versus 79 % - risque relatif 3,4) (figure 2).
T. Klingenheben (Francfort, 831 et 832) s’est aussi interessé à
l’alternance de l’onde T. Cet indice était certes prédictif d’événement rythmique chez 107 patients avec insuffisance cardiaque
et chez 197 patients en post-infarctus, mais sa valeur disparaissait en analyse multivariée, celle-ci ne retenant que la fraction
d’éjection VG et la variabilité sinusale (SDNN).
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Survie sans événement
R
100
TWA -
80
TWA +
60
0
3
6
9
12
Mois
Figure 2. Survie en fonction de la présence ou non d’une alternance de
l’onde T (TWA).
La durée de l’intervalle QT est variable selon le sexe, avec un QT
plus long de 40 ms en moyenne chez la femme, participant peutêtre à la prévalence accrue des torsades de pointe acquises chez elle
(70 % des cas). Le rôle des hormones et notamment de la testostérone a été analysé par H. Bidoggia (Buenos Aires, 815). Le JTmax
était de 214 ± 13 versus 188 ± 1 ms chez respectivement
250 femmes et 250 hommes témoins, alors que des valeurs de
214 ± 3 ms étaient trouvées chez 21 hommes orchidectomisés, et
des valeurs de 189 ± 1 ms chez 11 femmes présentant un syndrome
de virilisation.
FIBRILLATION AURICULAIRE
L’ablation des foyers issus des veines pulmonaires apparaît
comme un traitement prometteur de la fibrillation auriculaire, et
de nombreuses équipes ont présenté leurs travaux. Les risques
sont connus (thrombose et embolie cérébrale, sténose des veines
pulmonaires) et limitent actuellement la méthode. P. Jais (Bordeaux, 4113) a présenté les résultats actuels de l’équipe qui est à
l’origine de ce traitement. Sur un total de 110 patients, des ectopies veineuses pulmonaires ont été mises en évidence chez
105 patients : 1 veine (52 cas), 2 veines (26 cas), 3 veines (25 cas)
et 4 veines (8 cas) sur 211 veines pulmonaires arythmogènes.
Après un suivi de 9 ± 6 mois, la FA était supprimée sans traitement chez 66 % des patients et chez 37 autres patients avec un
traitement antiarythmique, soit un succès de 90 % après ablation
d’une seule veine pulmonaire, de 67 % si deux veines étaient
concernées et de 25 % lorsque plus de trois veines pulmonaires
étaient impliquées. Les complications comportent un accident
vasculaire cérébral, un hémopéricarde et 6 sténoses angiographiques. Un progrès technologique est encore nécessaire pour
pouvoir développer largement ce moyen thérapeutique.
Parmi les nouvelles méthodes, l’utilisation des ultrasons par
D. Wilber (Chicago, 1958) semble intéressante pour l’ablation
des foyers veineux pulmonaires. Le cathéter (UVAC, Atrionix)
comporte un cristal piézoélectrique à sa distalité, dans un balLa Lettre du Cardiologue - n° 323 - janvier 2000
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lonnet gonflé à l’eau permettant un contact circulaire à l’origine
des veines pulmonaires. Après 120 secondes d’application d’un
tir de 12 ± 5 watts, une lésion linéaire circulaire était obtenue,
avec un risque de thrombose et de sténose apparemment très
faible, sur les 14 chiens traités (34 veines pulmonaires).
STIMULATION DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
La cartographie des veines pulmonaires pour identifier les
foyers d’origine des extrasystoles initiatrices est difficile. Pour
orienter le cathétérisme vers les veines droites ou gauches, supérieures ou inférieures, la recherche des électrogrammes veineux
a été proposée :
– à partir des artères pulmonaires droites et gauches, par A. Takahashi (Japon, 2286) ;
– à partir de la séquence d’activation du sinus coronaire, par
M. Ashar (Philadelphie, 2290) ;
C. Varma (Londres, 2713) a étudié l’intérêt de la stimulation multisite dans l’insuffisance cardiaque. Il a utilisé un cathéter micromanomètre intraventriculaire gauche et l’échographie TM pour
reconstruire des courbes pression-volume chez 8 patients dont le
QRS était très large (152 ms en moyenne) et stimulé en aigu alternativement à l’apex VD, à l’infundibulum VD, dans le VG (sinus
coronaire ou endocardique) et en biventriculaire. Une dyssynergie ventriculaire était visible chez tous les patients à l’état de base,
et cette dyssynergie était améliorée par la stimulation, de façon
variable, mais semble-t-il surtout biventriculaire.
■
La Lettre du Cardiologue - n° 323 - janvier 2000
– au sein de la veine cave supérieure, par S. Chen (Taipei, 2289) ;
– simultanément dans le sinus coronaire et dans l’œsophage, par
P. Guerra (San Francisco, 3442).
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