La biologie du comportement (éthologie) Lycée-Collège de la Planta, Sion Biologie

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Lycée-Collège de la Planta, Sion
Biologie
Option spécifique (OS) 3ème année
La biologie du comportement
(éthologie)
Julien Dubuis
TABLE DES MATIÈRES
1. INTRODUCTION
2. HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
2.1
2.2
2.3
2.4
Le courant naturaliste
Le courant philosophique
La psychologie comparative expérimentale
L'éthologie moderne
3. METHODES DE RECHERCHE EN ETHOLOGIE
3.1
3.2
3.3
3.4
3.5
Introduction
Observation d'animaux sauvages
Observation d'animaux apprivoisés
Expériences en laboratoire
Moyens techniques
4. LES CAUSES DU COMPORTEMENT
4.1
4.2
Causes immédiates
Causes ultimes
5. LES COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
5.1
5.2
5.3
5.4
5.5
5.6
5.7
Définition
5.1.1 Caractéristiques
5.1.2 Exemples de comportements innés
Comportements stéréotypés
Comment distinguer la part innée d'un comportement de la part acquise ?
Nature des déclencheurs
5.4.1 Déclencheurs intraspécifiques
5.4.2 Déclencheurs interspécifiques
5.4.3 Les leurres
5.4.4 Le stimulus supranormal
Comportement et stimuli
Un exemple de comportements innés : les taxies
Expériences de privation
6. L'APPRENTISSAGE ET LE COMPORTEMENT
6.1
6.2
6.3
6.4
6.5
6.6
6.7
6.8
Définition
Instinct et apprentissage
Apprentissage et maturation
Habituation
Imprégnation
Conditionnement
6.6.1 Définition
6.6.2 Expérience de Pavlov
6.6.3 Caractéristiques du conditionnement
6.6.4 Conditionnement opérant
Compréhension immédiate (insight)
Apprendre à utiliser des outils
7. LE COMPORTEMENT SOCIAL
7.1
7.2
7.3
7.4
7.5
Introduction
Affrontement et combat
Hiérarchie sociale
Territorialité
7.4.1 Caractéristiques
7.4.2 Fonctions du territoire
Structures sociales
7.5.1 Etat solitaire
7.5.2 Foules
7.5.3 Groupements
7.5.4 Sociétés
7.5.4.1 Sociétés de vertébrés
7.5.4.2 Sociétés chez les invertébrés
8. LE COMPORTEMENT LIE À LA REPRODUCTION
8.1
8.2
8.3
8.4
8.5
8.6
8.7
8.8
Les différents types de reproduction
L’attraction sexuelle
Les parades nuptiales
Le choix du partenaire
Les instincts sexuels et le comportement général
Les systèmes d’accouplement
8.6.1 Systèmes d’accouplement des mâles
8.6.2 Systèmes d’accouplement des femelles
Vie sexuelle et vie sociale
L’investissement parental
8.8.1 L’investissement maternel
8.8.2 L’investissement paternel
1. INTRODUCTION
Définition :
L'éthologie est la science qui étudie le comportement (ensemble des manifestations motrices
observables d'un individu à un moment et dans un lieu particuliers) des animaux ainsi que ses
déterminants physiologiques, psychologiques et environnementaux.
L'éthologiste étudie donc le comportement naturel de l'animal dans son milieu ou dans un
environnement inhabituel. Il analyse ce comportement, il essaie d'en comprendre les mécanismes : les
comment et les pourquoi, c'est le sujet de ses réflexions et de ses recherches.
Pour se protéger du froid, pour échapper aux prédateurs, pour reconnaître et accéder à leur nourriture,
pour s'apparier et se reproduire, les animaux disposent de plusieurs compétences.
L'adaptation de l'animal à son milieu est constituée de trois formes complémentaires d'organisation car
l'animal exprime ses activités d'une manière ordonnée, organisée :
∗
Ses activités sont organisées en termes de structures : on reconnaît telle façon de
marcher, de chanter ou de butiner.
∗
Elles sont organisées dans l'espace : l'oiseau ne construit pas son nid n'importe où.
∗
Elles sont organisées dans le temps : essaimer (abeilles), migrer (oiseaux), frayer
(poissons) se produisent à la bonne saison.
L'étude du comportement animal est sans doute l'une des branches les plus anciennes de la biologie.
Pour l'humain préhistorique, il était vital de connaître le comportement des animaux. En apprenant les
habitudes des animaux, les premiers humains augmentaient leurs chances de manger et diminuaient les
risques d'être mangés. L'étude du comportement améliorait donc la valeur adaptative de nos ancêtres.
2. HISTOIRE DE L'ETHOLOGIE
2.1 LE COURANT NATURALISTE
L'éthologie n'est pas une science nouvelle, même si son nom est de formation récente puisqu'il est dû à
Isidore Geoffroy Saint Hilaire (1805-1861).
Le premier qui ait écrit dans ce domaine, c'est Aristote (384-322 av. JC). On peut relever, dans
L'histoire des animaux, un certain nombre de traits comportementaux.
L'observation des animaux faisait partie des méthodes employées par les naturalistes classiques, mais
elle aboutissait soit à comparer les animaux aux hommes, soit à les considérer comme de simples
mécaniques.
Dans les manuscrits du Moyen Âge, qui tiennent de la tradition aristotélicienne, on trouve plusieurs
descriptions des comportements et des mœurs des animaux, très précises et très détaillées, mais le but
des auteurs est toujours d'instruire les hommes, sous la forme d'histoires naturelles.
Buffon (1707-1788) écrit une grande encyclopédie sur le modèle aristotélicien traitant des sciences de
la vie et de la terre. Il y raconte l'histoire naturelle de chaque espèce et apporte ainsi beaucoup
d'informations sur les mœurs et le comportement. Il s'intéresse également aux capacités
comportementales des animaux, à l'intelligence, à l'instinct, à l'aptitude à la domestication.
On peut citer également Georges Leroy (1723-1829) qui, sous la forme de Lettres sur les animaux a
donné de nombreuses informations sur leur intelligence et leur affectivité d'un point de vue
philosophique. Il est le premier à décrire le comportement et à pratiquer l'éthologie sous sa forme
moderne. Son objectif est de décrire la biographie complète de chaque animal. Il y a dans sa démarche,
quelque chose de comparable à celle de l'éthologiste qui décrit des éthogrammes (inventaire le plus
complet et le plus précis possible des comportements propres à une espèce animale effectués dans son
milieu naturel) et on peut déceler une tentative d'étude individuelle de l'animal.
Lamarck (1744-1829) introduit pour la première fois clairement l'idée de transformisme; la loi de
« l'usage et du non usage », ainsi que celle de « l'hérédité des caractères acquis » vont marquer
philosophes et biologistes. Lamarck considère l'instinct comme héréditaire, donc transmissible. Mais
dans le système lamarckien l'instinct n'est pas limité à des caractéristiques spécifiques des espèces,
puisqu'il résulte de la pratique des ancêtres. Ainsi, des actions particulières, qu'un animal peut réaliser
au cours de son existence et qui lui sont habituelles, peuvent devenir au moins partiellement
instinctives chez ses descendants. La transformation ou évolution est guidée par l'environnement
auquel l'animal s'adapte en changeant de comportement, ce qui entraîne les modifications des organes.
Voilà le comportement considéré comme moteur de l'évolution.
Etienne Geoffroy Saint Hilaire (1772-1844) défendra le lamarckisme et son fils Isidore Geoffroy
Saint Hilaire (1805-1861) utilisera à partir de 1854 pour la première fois le terme d'éthologie.
Darwin (1809-1882) est un maillon fondamental dans l'histoire de l'éthologie. Selon lui le
comportement est un élément important dans la compétition et la sélection naturelle. Darwin a
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
6
introduit aussi le concept de la sélection sexuelle. Toujours dans L'origine des espèces (1859) apparaît
le concept d'altruisme, en particulier dans les sociétés d'insectes, concept clé de la théorie
sociobiologique actuelle.
Il est clair pour Darwin que le comportement spécifique de l'espèce lui appartient au même titre que
les structures. Il est donc héritable, objet de sélection et instrument de compétition pour la survie. La
plupart des développements plus récents en éthologie dérivent du darwinisme.
2.2 LE COURANT PHILOSOPHIQUE
La fondation de la mécanique au XVII e siècle, le modèle des automates conduisent également à la
vision mécaniste des êtres vivants.
Descartes (1596-1650) formalise cette idée des êtres machines dans le Discours de la méthode (1637).
Il implique des mécanismes réflexes dans les actions animales et les actions inconscientes de l'homme
comme, par exemple, le retrait de la main d'une flamme. L'être vivant, dans ce cadre, fonctionne selon
les lois de la physique. Seule l'âme humaine est épargnée par cette vision réductionniste.
Mais ce n'est que partie remise puisqu'un siècle plus tard, en 1748, de La Mettrie (1709-1751) fait
paraître L'homme machine. La réduction de l'homme, dans sa totalité, à des mécanismes physiques est
alors accomplie.
Toutefois, certains philosophes ne suivent pas la vision réductionniste de l'homme et de ses fonctions
mentales. Bain (1818-1903) développe l'idée d'actions volontaires sous la dépendance du cerveau et
fait intervenir une impulsion interne qui ressemble beaucoup à ce qu'on appellera plus tard, en
éthologie classique, la motivation. Il envisage que les comportements instinctifs peuvent être enrichi
par l'expérience qui procède par essais et erreurs.
Romanes (1848-1894), à la suite de Darwin, fonde la psychologie comparée. Les capacités de l'esprit
sont le résultat de la sélection naturelle.
D'une manière générale la psychologie comparative combine des positions plus ou moins favorables
au mécanicisme et au réductionnisme cartésien, ainsi que d'autres, impliquant de manière plus ou
moins importantes les idées darwiniennes. Il persiste quand même une ambiguïté sur la part de l'inné
et de l'acquis, ainsi que sur l'hérédité de l'acquis.
2.3 LA PSYCHOLOGIE COMPARATIVE EXPERIMENTALE
L’instinct selon Fabre est un plan de vie inné, qui conduit « fatalement » l’animal vers un but dont il
n’a même pas conscience. Pour Fabre, l’instinct est responsable de tous les comportements de
l’animal. De ces convictions découlent deux constatations :
•
la perfection de l’instinct
•
l’aberration de l’instinct
Texte : La processionnaire du pin
Les moutons du marchand Dindenaut suivaient celui que Panurge avait malicieusement
jeté à la mer, et l’un après l'autre se précipitaient, car, dit Rabelais, « le naturel du
mouton, le plus sot et inepte animal du monde, est toujours suivre le premier, quelque part
qu'il aille ». La chenille du pin, non par ineptie, mais par nécessité, est plus moutonnière
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
encore : où la première a passé, toutes les autres passent en file régulière, sans intervalle
vide.
Elles cheminent sur un seul rang, en cordon continu, chacune touchant de la tête l'arrière
de la précédente. Les sinuosités complexes que décrit, en ses vagabonds caprices, la
chenille ouvrant la marche, toutes les autres scrupuleusement les décrivent. Jamais théorie
antique se rendant aux fêtes d'Eleusis ne fut mieux coordonnée. D'où le nom de
processionnaire donné à la rongeuse du pin.
Son caractère se complète en disant qu'elle est funambule sa vie durant ; elle ne marche
que sur la corde tendue, sur un rail de soie mis en place à mesure qu'elle avance. La
chenille en tête de la procession par le hasard des événements, bave son fil sans
discontinuer et le fixe sur la voie que lui font prendre ses mobiles velléités. C'est si menu
que le regard armé d'une loupe le soupçonne plutôt qu'il ne le voit.
Mais la seconde arrive sur la subtile passerelle et la double de son fil, la suivante la triple :
toutes les autres, tant qu'il y en a, engluent le jet de leurs filières, si bien que, lorsque la
procession a défilé, il reste, comme trace de son passage, un étroit ruban dont l'éclatante
blancheur miroite au soleil. Bien plus somptueux que le nôtre, leur système de voirie
consiste à tapisser de soie au lieu de macadamiser. Nous cailloutons nos routes, nous leur
donnons surface égale sous la pression d'un pesant rouleau ; elles déposent sur leurs voies
un doux rail de satin, ouvrage d'intérêt général où chacune apporte sa contribution d'un fil.
A quoi bon tant de luxe ? Ne pourraient-elles, comme les autres chenilles, cheminer sans
coûteux dispositifs ? A leur mode de progression, je vois deux raisons. C'est la nuit que les
processionnaires vont pâturer le feuillage du pin. Dans une profonde obscurité, elles
sortent du nid situé au sommet d'une branche ; elles descendent suivant l'axe dénudé
jusqu’à la prochaine ramification non encore broutée et de plus en plus basse à mesure que
les consommateurs ont tondu les étages d'en haut ; elles remontent le long de ce rameau
intact et s'y disséminent sur les aiguilles vertes.
La réfection prise et la trop vive fraîcheur nocturne venue, il s'agit de regagner l'abri du
domicile. En ligne droite, la distance n'est pas grande, une brassée à peine, mais des
piétons ne peuvent la franchir. Il faut redescendre d'un carrefour à l'autre, de l'aiguille au
ramuscule, du ramuscule au rameau, du rameau à la branche, et de celle-ci, par un sentier
non moins anguleux, remonter au gîte. Comme guide dans ce trajet si long et si changeant,
inutile d'invoquer la vue. La Processionnaire a bien de chaque côté de la tête cinq points
oculaires, mais si minimes, si difficiles à reconnaître sous le verre de la loupe, qu'on ne
peut leur accorder vision de quelque portée. D'ailleurs, à quoi peuvent servir ces lentilles
de myope en l'absence de la lumière, dans la nuit noire ?
Inutile aussi de songer à l'odorat. La Processionnaire a-t-elle, n'a-t-elle pas d'aptitude
olfactive ? Je l'ignore. Sans rien décider à cet égard, je peux du moins affirmer que son
odorat est des plus obtus et nullement propre à l'orienter. Ainsi le témoignent, dans mes
expériences, quelques affamées qui, après un long jeune, passent tout à côté d’un rameau
de pin sans indice aucun de convoitise et d'arrêt. C'est le tact qui les informe. Tant que le
pacage n'est pas fortuitement touché du bord des lèvres, pas une ne s’y installe malgré la
fringale. Elles n'accourent pas à la nourriture flairée ; elles stationnent sur le rameau
rencontré en travers de leur route.
7
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
La vue et l'odorat exclus, que reste-t-il pour guider le retour au nid ? Il reste le cordon filé
en chemin. Dans le labyrinthe de Crète, Thésée se serait perdu sans le peloton de fil dont le
munit Ariane. L’immense fouillis des aiguilles du pin est, de nuit surtout, labyrinthe aussi
inextricable que celui de Minos. La Processionnaire s'y dirige, sans erreur possible, avec le
secours de son brin de soie. A l'heure de faire retraite, chacune aisément retrouve soit son
propre fil, soit l'un quelconque des fils voisins, étalés en éventail par le troupeau
divergent ; de proche en proche la tribu dispersée se rassemble en une file sur le ruban
commun, dont l'origine est au nid, et de façon certaine la caravane repue remonte en son
manoir. …
L'entreprise est de longue durée. Chaque soir,
lorsque le temps le permet, il faut consolider,
amplifier. Il est donc indispensable que la
corporation des travailleurs ne se dissolve pas
tant que durent la mauvaise saison et l’état de
chenille.
Mais, sans dispositions spéciales,
chaque sortie nocturne, à l'heure du pâturage,
serait une cause de dissociation. En ce moment
des appétits du ventre, il y a retour à
l'individualisme. Les chenilles plus ou moins se
dispersent, s'isolent sur les rameaux des
alentours ; chacune broute à part son aiguille de
pin. Comment après se retrouver les unes les
autres et redevenir société ?
Les fils individuels laissés en chemin aisément le permettent. Avec ce guide, toute chenille,
si éloignée qu'elle soit, revient auprès de ses compagnes sans jamais faire fausse route. Il
en accourt d'une foule de brindilles, d’ici, de là, d'en bas, d'en haut ; et bientôt la légion
disséminée se reconstitue en groupe. Le fil de soie est mieux qu'un expédient de voirie :
c'est le lien social, le réseau qui maintient les membres de la communauté indissolublement
unis.
En tête de toute procession, longue ou courte, chemine une première chenille que
j’appellerai chef de marche, chef de file, bien que le terme de chef, employé faute de
meilleur, soit ici un peu déplacé. Rien ne la distingue, en effet, des autres ; les hasards de
l'arrangement l'ont mise au premier rang, et c'est tout. Chez les processionnaires, tout
capitaine est officier de fortune. Le chef actuel dirige ; tout à l'heure il sera dirigé, si la file
se disloque à la suite d'un accident quelconque et se refait dans un ordre différent. Ses
fonctions temporaires lui donnent une attitude à part. Tandis que les autres passivement
suivent bien alignées, lui, capitaine, s'agite, et d'un mouvement brusque projette l'avant du
corps tantôt d'ici et tantôt de là. Tout en progressant, il semble s’informer. Explore-t-il en
effet le terrain ? Choisit-il les points les mieux praticables ? ou bien ses hésitations ne sontelles que le simple résultat de l'absence d'un fil conducteur en des lieux non encore
parcourus ? Les subordonnées suivent, fort tranquilles, rassurées par le cordon qu'elles
tiennent entre les pattes ; lui s'inquiète, privé de cet appui.
La suppression du chef de marche n'amène rien de saillant. Si la chose est faite sans
trouble, la procession ne modifie nullement son allure. La seconde chenille, devenue
capitaine, connaît d'emblée les devoirs de son grade : elle choisit et dirige, ou plutôt elle
hésite, elle tâtonne.
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HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
La rupture du ruban de soie n'a guère d'importance non plus. J’enlève une chenille vers le
milieu de la file. Avec des ciseaux, afin de ne pas ébranler la série, je coupe le tronçon de
ruban qu'elle occupait et j’en efface jusqu'au moindre fil. Par cette rupture, la procession
acquiert deux chefs de marche, indépendants l'un de l'autre. Il est possible que celui
d'arrière rejoigne la file d'avant, dont il n'est séparé que par un faible intervalle ; alors les
choses reviennent à l'état primitif.
Il est plus fréquent encore que les deux parties ne se ressoudent pas. Dans ce cas, il y a
deux processions distinctes, qui errent chacune à sa guise et vont s'éloignant. Malgré tout,
l'une et l'autre sauront revenir au nid en retrouvant tôt ou tard, à force de vagabonder, le
ruban directeur, en deçà de la rupture.
Sur la banquette à couche de sable où sont implantés les nids se trouvent quelques gros
vases à palmiers mesurant près d'un mètre et demi de circonférence à l'embouchure. Les
chenilles fréquemment escaladent la paroi et montent jusqu'au bourrelet qui fait corniche
autour de l'ouverture. Cet emplacement leur convient pour leurs processions, peut-être à
cause de la surface inébranlable où ne sont à craindre les éboulis du sol d'en bas, formé
d'un sable mobile ; peut-être aussi à cause de la position horizontale, favorable au repos
après les fatigues de l'ascension. Voilà toute trouvée la piste circulaire. Il ne me reste qu’à
épier l'occasion propice à mes desseins. Elle ne se fait guère attendre. L'avant-dernier jour
de janvier l896, un peu avant-midi, je surprends une troupe nombreuse qui s'achemine làhaut et commence à gagner la corniche favorite. Lentement, à la file l'une de l'autre, les
chenilles escaladent le gras vase, en atteignent le rebord et s'y avancent en procession
régulière, tandis que d'autres continuellement arrivent et prolongent la série. J'attends que
le cordon se referme, c'est-à-dire que le chef de file, suivant toujours le bourrelet
circulaire, soit revenu au point d'entrée. En un quart d'heure c'est fait. Voilà
magnifiquement réalisé le circuit fermé, très voisin d'un cercle.
Il convient maintenant d'écarter le reste de la colonne ascendante, qui troublerait le bel
ordre de la théorie par un excès d'arrivants ; il importe aussi de supprimer tous les sentiers
de soie, récents ou vieux, qui peuvent mettre la corniche en communication avec le sol. Un
gros pinceau balaye le surplus des ascensionnistes ; une brosse rude, ne laissant après elle
aucune trace odorante qui pourrait devenir plus tard peut-être une cause d'erreur, frotte
avec soin les flancs du vase et fait disparaître tout fil tendu en route par les chenilles. Ces
préparatifs terminés, un curieux spectacle nous attend.
Dans la procession circulaire non interrompue, il n'y a plus de chef de file. Chaque
chenille est précédée d'une autre, qu'elle suit, qu'elle talonne exactement, guidée par la
trace de soie, ouvrage de l'ensemble ; elle est suivie d'une compagne qui la serre de près
avec la même précision. Et cela se répète invariable dans toute l'étendue de la chaîne.
Nulle ne commande, ou plutôt ne modifie la piste au gré de ses caprices ; toutes obéissent,
confiantes dans le guide qui devrait normalement ouvrir la marche, et qui, par mon
artifice, se trouve en réalité supprimé.
Dès le premier tour sur le bord du vase, le rail de soie a été mis en place, bientôt converti
en étroit ruban par la procession qui ne cesse de baver son fil en chemin. Ce rail revient
sur lui-même et n’a nulle part d'embranchement, ma brosse les ayant tous détruits. Que
vont faire les chenilles sur ce fallacieux sentier ferme. Vont-elles, sans fin, déambuler en
rond jusqu’à épuisement des forces ?
Le 30 janvier, vers midi, par un temps magnifique, la procession circulaire commence.
Elles vont d'un pas réglé, chacune contiguë à l’arrière de celle qui précède. La chaîne non
9
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
interrompue exclut le guide à direction changeante, et toutes machinalement suivent aussi
fidèles à leur circonférence que le sont les aiguilles d'un cadran. La série sans tête n'a plus
de liberté, plus de volonté ; elle est devenue rouage. Et cela dure des heures, puis des
heures encore. Le succès dépasse et de beaucoup la hardiesse de mes soupçons. J'en suis
émerveillé. Disons mieux j'en suis stupéfait.
Si la voie est constante, la vitesse ne l'est pas. Comme trajet parcouru, je mesure neuf
centimètres par minute en moyenne. Mais il y a des haltes plus ou moins prolongées, il y a
des ralentissements, surtout lorsque la température décroît. A dix heures du soir, la marche
n'est plus qu'une paresseuse ondulation de croupe. Un arrêt prochain est à prévoir, par
suite du froid, de la fatigue et de la faim aussi sans doute.
Rien de nouveau le quatrième jour, après une nuit glacée pareille aux précédentes ; rien
autre à signaler que le détail suivant. Hier, je n’avais pas effacé la trace laissée par les
quelques chenilles qui avaient pénétré à l'intérieur du vase. Cette trace, avec un
raccordement sur la voie circulaire, a été retrouvée dans la matinée. Une moitié du
troupeau en a profité pour visiter la terre du pot et grimper sur le palmier ; l'autre est
restée sur la corniche, déambulant sur l'ancien rail. Dans l'après-midi, la bande émigrante
rejoint l'autre, le circuit se complète, et les choses reviennent à l'état primitif.
Tout aussi brusquement que le froid, la chaleur est venue. Aujourd'hui, 4 février, journée
superbe et douce. L'animation est grande dans la serre. De nombreuses guirlandes de
chenilles, sorties des nids, ondulent sur le sable de la banquette. Là-haut, à tout instant,
l'anneau se fragmente, se ressoude sur la corniche du vase. Pour la première fois, je vois
d'audacieux chefs de file, qui, enivrés de chaleur et retenus par la dernière paire de fausses
pattes à l'extrême bord du bourrelet de brique, projettent le corps dans l'espace, se
contorsionnent, sondent l'étendue. Bien des fois l'essai se répète avec arrêt de la bande. Les
têtes branlent par brusques oscillations, les croupes se trémoussent.
L’un des innovateurs se décide à faire le plongeon.
Il se glisse sous la corniche. Quatre le suivent. Les
autres, toujours confiantes dans la perfide
trajectoire de soie, n'osent les imiter et continuent
d'avancer par le chemin de la veille. Le court
chapelet détaché de la chaîne générale tâtonne
beaucoup, longtemps hésite sur le flanc du pot ; il
descend à mi-hauteur, puis remonte obliquement,
rejoint la procession et s'y intercale. Pour cette
fois, la tentative a échoué, bien qu'il y eût au pied
du vase, à une paire de travers de main, un
bouquet de ramuscules de pin que je venais de
déposer là dans l'intention d'allécher les affamées.
Le flair, la vue, ne leur ont rien appris. Déjà si voisines du but, elles sont remontées.
N'importe, l'essai ne sera pas inutile. En route, des fils ont été posés qui serviront d'amorce
à de nouvelles entreprises. La voie de délivrance a ses premiers jalons. Le surlendemain,
en effet, huitième jour de l'épreuve, tantôt isolées, tantôt par petits groupes, tantôt encore
par chapelets de quelque longueur, les chenilles descendent de la corniche en suivant le
sentier jalonné. Au coucher du soleil, les derniers traînards ont regagné le nid.
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HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
11
Maintenant un peu de calcul. Sept fois vingt-quatre heures, les chenilles sont restées sur la
margelle du vase. Pour les arrêts dus à la fatigue de l'une ou de l'autre, et surtout pour le
repos aux heures les plus froides de la nuit, défalquons, en faisant bonne mesure, la moitié
de cette durée. Il reste 84 heures de marche. Avec une vitesse moyenne, le trajet est de 9
centimètres par minute. Le parcours total représente donc 453 mètres, presque un demikilomètre, belle promenade Pour ces trotte-menu. La circonférence du vase, périmètre de
la piste, est exactement de l m. 35 Alors le cercle parcouru, toujours dans le même sens et
toujours sans résultat, a été décrit trois cent trente-cinq fois. Ces chiffres m'étonnent, bien
que déjà versé dans la profonde ineptie de l'insecte en général lorsque survient le moindre
accident. Je me demande si les processionnaires n'ont pas été arrêtées si longtemps là-haut
plutôt par les difficultés, les périls de la descente, que par le défaut d'une éclaircie dans
leur pauvre intellect. Les faits répondent : « La descente est aussi facile que l'ascension. »
La chenille a l'échine très souple, apte à contourner les saillies, à se glisser dessous. Elle
chemine avec la même aisance suivant la verticale ou suivant l'horizontale, le dos en bas
ou bien le dos en haut. D'ailleurs, elle n'avance qu'après avoir fixé son fil sur le terrain.
Avec un tel appui serré entre les pattes, nulle chute à craindre dans n’importe quelle
position.
Pendant huit jours, j’en ai la preuve, sous les yeux. La piste, redisons-le, au lieu de se
maintenir dans un même plan, s’infléchit à deux reprises, plonge en un point sous la
corniche du pot et reparaît au-dessus un peu plus loin. Dans une partie du circuit, la
procession chemine donc à la face inférieure du rebord ; et cette position renversée est si
peu incommode, si peu périlleuse, qu'elle se renouvelle à chaque tour pour toutes les
chenilles du commencement à la fin.
Impossible alors d’invoquer la crainte d'un faux-pas sur le bord de la corniche si
prestement contourné à chaque point d'inflexion. Les chenilles en détresse, affamées, sans
abri, transies de froid la nuit, persistent obstinément sur le ruban de soie cent et cent fois
parcouru, parce qu'il leur manque le rudiment de lueur rationnelle qui leur conseillerait de
l'abandonner.
L'expérience et la réflexion ne sont pas de leur domaine. L'épreuve d'un trajet d'un demikilomètre et de trois à quatre cents tours ne leur apprend rien ; et il faut des circonstances
fortuites pour les ramener au nid. Elles périraient sur leur insidieux ruban si le désordre
des campements nocturnes et des haltes dues à la fatigue ne jetait quelques fils en dehors
de la voie circulaire. Sur ces amorces, déposées sans but, quelques-unes s'éloignent,
s'égarent un peu, et de leurs errements préparent la descente, qui s'accomplit enfin par
courts chapelets favorisés du hasard. A l'école en honneur aujourd'hui, si désireuse de
trouver l'origine de la raison dans les bas-fonds de l'animalité, je propose la
Processionnaire du pin.
Loeb (1859-1924) s'intéressa surtout aux invertébrés et tenta de mettre en relation la réponse
comportementale avec la stimulation qui lui a donné naissance. Son ami, le botaniste Sachs l'instruisit
sur les mouvements chez les plantes appelés tropismes. Le phototropisme, par exemple, sous l'action
de la lumière, le géotropisme, en rapport avec la gravité (le tropisme est négatif ou positif suivant que
la plante fuit ou suit le stimulus). Loeb pensa que les animaux ne se conduisaient pas différemment
que les plantes, réagissant positivement ou négativement à des stimulations extérieures. On lui fit
remarquer qu'on ne pouvait pas comparer les plantes et les animaux, les seconds disposant d'un
système nerveux, les premières en étant dépourvues. Mais Loeb, dévoré par son idée fixe en vint à
minimiser l'importance du système nerveux.
Il s'attacha à démontrer que l'ensemble des comportements ne sont que des réponses mécaniques à un
certain nombre de stimuli extérieurs.
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
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Sa célèbre expérience consiste à placer une chenille dans un tube un peu plus large que son corps, tube
fermé à l'une des extrémités et à orienter la partie fermée du tube vers le soleil. La chenille se dirige
vers l'extrémité fermée du tube et ne tarde pas à mourir sous l'effet de la chaleur. Conclusion de Loeb :
phototropisme de la chenille !
La fameuse expérience de la chenille dans son tube n'était qu'un artefact. La chenille était attirée par la
chaleur, mais le tube était trop étroit pour faire marche arrière lorsque la température devenait trop
élevée !
Watson (1878-1958) est le fondateur du béhaviorisme. Ses idées se popularisent et se répandent pour
atteindre leur apogée dans les années 60. C'est la grande époque des rats dans les labyrinthes. Watson
se borne à utiliser uniquement des expériences en laboratoire pour étudier le comportement des
animaux.
Il formule la théorie du stimulus-réponse. Tous les comportements sont des réponses à des stimuli.
Le stimulus désigne toute excitation en provenance du milieu extérieur (ondes lumineuses ou sonores,
chocs, courant électrique). La réponse désigne toute modification des muscles lisses ou striés, toute
sécrétion glandulaire provoquée par l'action du stimulus. La réponse, pour Watson est une réaction
mécanique plus ou moins complexe à une situation donnée. Il généralise le schéma stimulus-réponse à
tous les comportements pour toutes les espèces. Selon celle-ci, toutes les formes complexes du
comportement, émotions, habitudes sont composées d'éléments musculaires et glandulaires simples,
qui peuvent être observés et mesurés.
Watson minimise totalement les données conscientes, les émotions, les sentiments. Il nie l'existence
des instincts, des comportements déterminés génétiquement. Selon lui, tous les comportements
seraient le résultat d'apprentissage fait à un moment ou à un autre de notre vie. Des observations,
des renforcements ou des punitions seraient à l'origine de ces apprentissages.
Ce courant de pensée permet quand même de dégager certaines règles concernant l'apprentissage,
règles qui sont encore d'actualités de nos jours.
Skinner (1904-1990) reprend la succession de Watson en inventant le « conditionnement opérant »,
qui désigne la manière dont l'animal se conditionne lui-même par l'intermédiaire d'ingénieux
dispositifs, « les cages ou les boîtes de Skinner » : une manette manipulable par l'animal déclenche
l'ouverture d'un distributeur de friandises (récompense) ou établit un courant électrique traumatisant
(punition).
Au début de l'expérience, le dispositif mécanique n'a aucune signification pour l'animal, mais c'est en
parcourant au hasard la cage de laquelle il cherche à s'échapper que le rat provoque le déclenchement
fortuit de l'appareillage. La récompense et la punition qui en découlent participent à
l'autoconditionnement, lequel dépend du nombre d'essais réalisés par le sujet observé.
Texte
Thorndike place un chat dans une cage, qui peut être ouverte à l'aide d'un loquet ou d'un
cordon actionné de l'intérieur. Pour inciter l'animal à chercher à sortir de cette cage, de
la nourriture est placée bien en vue, à l'extérieur. Le chat exécute des mouvements
désordonnés et par hasard, actionne l'ouverture de la cage. Au fur et à mesure que
l'expérience est répétée, il apprend à concentrer son activité au voisinage du loquet ou
du cordon, élimine progressivement les gestes inutiles pour sélectionner finalement le
seul mouvement efficace récompensé par la sortie (lois de l'exercice et de l'effet). (Ruwet
1975)
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
13
Un réflexe conditionné est déclenché par un stimulus secondaire non spécifique, grâce à un processus
d’apprentissage. De par la mise en évidence des réflexes conditionnés, Pavlov démontre que l’animal
peut modifier ses activités instinctives (taxies) à la suite d’un apprentissage.
Texte
De la poudre de viande, déposée dans la bouche d'un chien provoque automatiquement,
par une liaison physiologique permanente, le réflexe de salivation. Mais finalement, la
seule vue du garçon de laboratoire qui apporte la nourriture, ou l'audition d'une
sonnerie qui a immédiatement précédé à plusieurs reprises la présentation de poudre de
viande, ont le même effet. Le stimulus spécifique inconditionnel, poudre de viande, a été
associé à un stimulus non spécifique quelconque, et il s'est établi une liaison temporaire
entre ce dernier et la réaction. Cette liaison se défait dès que l'association cesse d'être
utile, c'est-à-dire dès qu'on enlève au stimulus conditionnel sa valeur de signal, en
cessant de le faire suivre (c'est-à-dire de le renforcer) par le stimulus inconditionnel.
Dès les années 1930 les premiers éthologistes européens adressèrent de vives critiques au
béhaviorisme. Ils admettaient donc difficilement que le rat ou le pigeon, étudiés dans des conditions
hautement artificielles, puissent résumer à eux seuls le comportement animal. L'environnement des
animaux et ce qui leur était demandé n'avaient souvent rien à voir avec leurs conditions de vie et leurs
comportements naturels.
Ils contestaient en outre que, chez l'individu, les comportements
se mettent en place essentiellement par voie d'apprentissage :
tout animal s'avère capable de réaliser de manière appropriée un
certain nombre d'actions pour lesquelles il n'a eu aucune
pratique préalable.
2.4 L'ETHOLOGIE MODERNE
Le mot éthologie désigne depuis Geoffroy St Hilaire (1855)
l'étude du comportement animal dans des conditions
naturelles.
Konrad Lorenz (1903-1989) s'oppose aux pratiques de
laboratoire et réhabilite l'observation des animaux dans leur
environnement. Il fonde l'éthologie comparative qui avait pour
but d'étudier les comportements instinctifs considérés comme
des caractères propres aux espèces et résultant de la sélection
évolutive.
Pour Lorenz, les méthodes de l'éthologie sont d'abord
l'observation dans des conditions aussi significatives que
possibles pour les animaux. L'expérimentation joue aussi un
rôle général, particulièrement lorsqu'il s'agira de croiser
génétiquement des animaux pour en étudier les hybrides. Lorenz
étudia plus particulièrement les oiseaux.
Avec le hollandais Niko Tinbergen (1907-1990) l'éthologie
pris une forme plus systématique et rigoureuse. Il rendit
l'éthologie plus expérimentale et quantitative.
•
Expérimentale : dans le cadre d'expériences où des
variations étaient introduites à l'aide de manipulations
HISTOIRE DE L’ETHOLOGIE
14
directes (déplacements d'objets, utilisation de leurres) pendant que d'autres facteurs étaient
bien contrôlés. Il exigea que l'expérimentation soit appliquée dans des conditions qui se
rapprochaient le plus de celles de l'animal en milieu naturel.
•
Quantitative : par l'utilisation de nombres et de tableaux de fréquences des comportements
observés en plus d'une description qualitative.
Il étudia plus particulièrement les poissons et les oiseaux.
Parallèlement à ces travaux de l'éthologie naturaliste, les chercheurs de la physiologie comparée
poursuivaient des travaux définitivement expérimentaux sur la locomotion, le fonctionnement des
sens, sur l'orientation animale. Karl Von Frisch (1886-1983) travailla lui sur l'orientation et le
« langage » des abeilles.
Le 10 décembre 1973 est une date mémorable pour l'éthologie. Ce jour-là, à Stockholm, Karl Von
Frisch, Konrad Lorenz et Niko Tinbergen reçurent conjointement le prix Nobel de médecine et de
physiologie pour leurs travaux sur les causes et l'organisation des comportements. L'éthologie se
trouvait consacrée après un quart de siècle d'existence.
Pour l'éthologie moderne, la connaissance du comportement animal débutait par sa description
(comme le courant naturaliste); cependant, cette connaissance devait s'enrichir par des tentatives visant
à expliquer le comportement. Pour atteindre cette explication, Tinbergen posa en 1963 quatre
questions :
•
•
•
•
Quelles sont les causes d'un comportement ?
Quelle est la raison fondamentale d'un comportement au niveau de la survie de l'espèce ?
Comment se développe dans le temps chez l'individu la capacité d'élaborer ou de produire un
comportement ?
Quelles sont les causes et les conséquences d'un comportement, au niveau de l'évolution ? (On
peut étudier le même comportement chez des espèces apparentées)
Pour l'éthologie, le comportement est considéré comme l'expression de programmes codés
génétiquement dans le système nerveux, mais plus ou moins modifiables par des acquisitions, par
l'exercice, par des expériences, par des apprentissages réalisés par l'individu au cours de sa vie.
Diverses disciplines pourront donc contribuer à l'avancement de l'éthologie puisque des aspects
génétiques, physiologiques, neuronaux, hormonaux, écologiques sont mis en relation avec le
comportement des animaux pour mieux les comprendre.
D'autres éthologistes, comme Wilson (1929 - ) fondent la sociobiologie (en 1975) qui est née des
recherches les plus récentes en éthologie, en écologie et en biologie génétique.
La sociobiologie a pour objet de rechercher les causes et les conséquences de la vie sociale. Elle s'est
beaucoup intéressée aux fourmis et a constaté que la socialité était un phénomène commun à différents
groupes animaux.
Les sociobiologues pensent que les êtres vivants sont en perpétuelle compétition pour essayer
d'améliorer leur situation. Pour Wilson, l'organisme vivant n'existe pas pour lui-même mais pour
permettre la reproduction de ses gènes, la transmission de son génotype, son patrimoine génétique,
dans les meilleures conditions possibles.
3. METHODES DE RECHERCHE
3.1 INTRODUCTION
L'éthologie étudie essentiellement les phénomènes observables, selon des méthodologies qui lui sont
propres.
La méthodologie éthologique s'articule autour de trois grandes étapes :
•
•
•
Observations des fonctionnements singuliers.
Enregistrements des observations dans un éthogramme.
Généralisation sur le mode de la loi.
Il existe plusieurs types possibles d'observations en éthologie.
3.2 L'OBSERVATION D'ANIMAUX SAUVAGES
Depuis une quarantaine d'années, plusieurs éthologues ont observé et étudié de nombreuses espèces
animales dans des conditions naturelles. Avec une patience infinie, ils ont essayé de s'approcher de
groupes d'animaux. Avec le temps, ils ont pu les approcher de plus en plus près sans qu'ils ne
présentent aucun comportement de fuite, d'intimidation ou d'attaque. Finalement, ils ont pu rester au
milieu des animaux qui se comportaient alors tout à fait normalement, ce qui est évidemment essentiel
pour une étude scientifique.
Jane Goodall, Dian Fossey, George Schaller sont des pionniers célèbres de cette observation.
AVANTAGES
INCONVENIENTS
METHODES DE RECHERCHE
16
3.3 L'OBSERVATION D'ANIMAUX APPRIVOISES VIVANT EN LIBERTE
Konrad Lorenz a beaucoup travaillé avec des oies et autres animaux apprivoisés qui vivaient
librement dans leur environnement naturel ou du moins dans un milieu conforme aux conditions
naturelles.
AVANTAGES
INCONVENIENTS
3.4 LES EXPERIENCES EN LABORATOIRE
On place les animaux dans des conditions contrôlées et on leur fait subir différents tests.
AVANTAGES
INCONVENIENTS
METHODES DE RECHERCHE
17
3.5 LES MOYENS TECHNIQUES
Parfois, les observations ne suffisent pas à reconnaître et analyser correctement un comportement
animal. Les actions de ces animaux sont souvent très rapides, constitués de suites de mouvement que
l'œil humain ne peut saisir qu'incomplètement.
On filme ces mouvements pour pouvoir les observer plusieurs fois. La prise de vue au ralenti, par
exemple, permet de décomposer une série de mouvements rapides. Le film accéléré permet de voir en
peu de temps un mouvement très lent.
On peut, avec un éclairage infrarouge, on peut observer des comportements nocturnes. On peut par
exemple, construire des galeries artificielles éclairées pour observer des taupes, des blaireaux. On
peut différencier les animaux individuellement et les reconnaître plus facilement par des marquages
tels que la pose de bague par exemple.
4. CAUSES DU COMPORTEMENT
Pour l'éthologie, le comportement est considéré comme l'expression de programmes codés
génétiquement dans le système nerveux, mais plus ou moins modifiables par des acquisitions, par
l'exercice, par des expériences, par des apprentissages réalisés par l'individu au cours de sa vie.
Devant un comportement, nous pouvons nous poser deux types de questions :
Si nous nous demandons pourquoi l'animal a ce comportement, nous nous interrogeons sur la cause
ultime du comportement, c'est-à-dire sur la raison fondamentale pour laquelle il existe.
Si nous nous interrogeons sur la manière (« comment ? ») dont un animal accomplit un comportement,
nous cherchons une cause immédiate.
4.1 CAUSES IMMEDIATES
Chercher une cause immédiate, dans l'étude du comportement animal, c'est tenter de comprendre les
mécanismes sous-jacents à un comportement.
Selon Lorenz et Tinbergen, la causalité immédiate repose sur deux déterminants :
• le premier, interne, concerne l'état physiologique du sujet (fonctionnement des systèmes
nerveux, musculaire et endocrinien de l'animal)
• Le deuxième, externe, le stimulus déclencheur qu'il perçoit.
Ce double déterminisme a été appelé en éthologie classique, le modèle de la double quantification.
Les causes proximales (=immédiates) peuvent se décomposer en sous-questions qui portent sur l'étude
de la génétique, de l'hérédité, du développement, du déclenchement, de l'intégration neuromusculaire
du comportement.
Exemple : le roulage de l'œuf chez l'oie grise
Les œufs de l'oie doivent être retournés régulièrement pour
ne pas qu'ils collent, il se peut donc qu'un œuf sorte du nid.
Lorenz et Tinbergen décrivent comment l'oie couveuse
ramène sous elle ses œufs, lorsqu'ils roulent par accident
(ou expérimentalement) à l'extérieur du nid, en effectuant
principalement un mouvement du bec et du cou dans le
plan sagittal de son corps auquel s'ajoutent des
mouvements oscillants du bec sur l'œuf pendant toute la
durée de la réalisation de l'acte.
Ce comportement complexe se déroule de la façon suivante :
• L'oie cendrée se dresse et se place entre l'œuf et le nid.
• Elle fait rouler l'œuf sous elle en direction du nid, en
déplaçant son bec d'un côté à l'autre pour éviter que l'œuf
roule hors de sa portée.
CAUSES DU COMPORTEMENT
19
Remarque : Si un œuf roule hors de sa portée (ou si on le lui enlève) en cours de récupération, l'oie
cesse de déplacer la tête à gauche et à droite mais poursuit son mouvement du cou qui rappelle celui
d'une pelle mécanique, comme si elle ramenait encore l'œuf.
Elle ne remarque l'absence de l'œuf qu'après s'être assise, et elle recommence alors sa manœuvre de
récupération. Si on retire l'œuf à nouveau, l'oie recommence encore. De même, si on remplace l'œuf
par un cube ou un petit jouet.
Conclusions :
•
•
•
Le déclencheur : l'œuf ayant roulé hors du nid.
Comportement inné, instinctif, héréditaire : le mouvement de la tête et du cou dans le plan
sagittal de son corps (car celui-ci se poursuit même lorsque le stimulus externe disparaît)
Comportement appris (adaptation) : mouvements oscillants pour contrôler la direction de
l'œuf.
4.2 CAUSES ULTIMES
Dans l'étude du comportement animal, les questions portant sur les causes ultimes sont liées à
l'évolution : nous voulons savoir pourquoi la sélection naturelle a favorisé un comportement et non un
autre.
Par rapport à un comportement on peut se poser les questions suivantes :
• Quel est l'objectif, la fonction du comportement ?
• Comment le comportement permet-il à l'individu de résoudre les difficultés de sa survie et de
sa reproduction ?
• Comment le comportement a-t-il évolué ?
Lorsqu'on étudie les causes ultimes on devra donc s'intéresser à l'origine du comportement et de sa
transformation au fil du temps, et à l'utilité passée et présente du comportement en terme de succès
reproducteur.
Le comment et le pourquoi du comportement animal sont reliés du point de vue de l'évolution : les
mécanismes immédiats produisent des comportements qui se développent parce qu'ils augmentent
l'adaptation d'une certaine manière.
Exemple : le crapet arlequin
C'est un poisson qui, comme bien d'autres animaux, se reproduit au printemps et au
début de l'été. La reproduction donne de meilleurs résultats au printemps. La chaleur de
l'eau et l'abondance de nourriture favorisent la croissance des jeunes. Les poissons qui
se reproduiraient à un autre moment seraient désavantagés du point de vue de la
sélection naturelle. L'augmentation de la photopériode stimule le corps pinéal (petite
masse de tissu épithélial glandulaire située près du centre de l'encéphale) des poissons.
En effet, on peut stimuler la reproduction chez les crapets arlequins en prolongeant
expérimentalement leur période quotidienne d'exposition à la lumière. Ce stimulus
provoque des changements nerveux et hormonaux qui déclenchent la nidification et
d'autres comportements de reproduction.
Distinguez dans cet exemple les causes immédiates et les causes ultimes.
5. COMPOSANTES INNEES
DU COMPORTEMENT
5.1 DÉFINITION
On peut considérer comme comportement inné (héréditaire) celui qui apparaît chez tous les individus
du même âge et même sexe d'une espèce donnée pour un stimulus déterminé, sans expérience
préalable. Même si l'animal est mis dans des conditions d'isolement, qu'il ne voit pas de modèle, il
aura ce comportement.
Les comportements innés apparaissent comme des capacités des organismes vivants à assurer au
mieux les impératifs de conservation de l'individu et de reproduction de l'espèce.
5.1.1 CARACTERISTIQUES
•
•
Ils sont déclenchés par des stimulis externes spécifiques qui peuvent disparaître dès que le
mouvement a commencé.
Ils sont inscrits dans les gènes.
La part de l'inné dans le comportement d'un animal augmente pour les animaux « inférieurs » et
s'amenuise pour les animaux « supérieurs ».
Tous les comportements s'effectuent à travers le système nerveux central (SNC). Chez les animaux
inférieurs, le SNC est peu développé, ce qui signifie qu'il comprend moins de cellules nerveuses et
donc moins de possibilités de créer un nombre important de connexions de cellules nerveuses entre
elles. Ce qui signifie que la palette des comportements qui pourront être exprimés sera forcément
réduite. Ce manque de modification du SNC rend alors inévitable la prépondérance de l'inné dans les
comportements de ces animaux, très limités dans leur possibilité d'apprentissage.
A l'inverse les animaux supérieurs sont dotés d'un SNC développé, dont les possibilités d'établir de
nouvelles connexions nerveuses sont immenses : ils peuvent apprendre, s'adapter aux changements du
milieu.
En fait le développement des facultés psychiques dépend de deux facteurs :
• le nombre de neurones composant le SNC, qui est souvent proportionnel à la taille du cerveau,
ce qui est essentiellement un caractère spécifique.
• la multiplication des connexions neuronales, qui elle, dépend de la richesse du milieu en
stimuli.
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
21
5.1.2 EXEMPLES DE COMPORTEMENTS INNES
Instinct de conservation :
Fuite devant un danger
Parade nuptiale
Succion chez le nouveau-né
Percement de la coquille chez le poussin
Protection des petits au péril de la vie des parents
Le sourire chez le bébé apparaît à environ 6 semaines, même chez un bébé aveugle qui ne voit donc
pas de modèle.
On parle parfois de comportements instinctifs de manière impropre ou abusive, comme dans le cas du
freinage d'urgence en voiture : il s'agit bien d'un réflexe, mais d'un réflexe conditionné, fruit d'un
apprentissage (la maîtrise du véhicule n'est pas inscrite dans les gènes !)
5.2 LES COMPORTEMENTS STÉRÉOTYPÉS
Dès qu'un animal a commencé à exécuter un comportement stéréotypé, il le termine même si d'autres
stimuli lui parviennent et même si le stimulus initial disparaît.
Seuls des facteurs bien déterminés déclenchent des actions instinctives. Ces stimuli déclencheurs,
appelés aussi, stimuli-clés, constituent l'excitation qui agit sur l'animal.
Nous pouvons donc considérer un comportement stéréotypé comme la capacité innée de détecter un
certain stimulus appelé déclencheur, associée à un modèle comportementale inné.
Des expériences utilisant des leurres permettent de distinguer le stimulus déclencheur parmi plusieurs
stimuli.
Pour illustrer l'effet des déclencheurs sur le comportement social, on peut citer l'exemple classique de
l'épinoche mâle. Ce poisson construit un nid dans lequel la femelle vient pondre, puis il protège ses
œufs et ses alevins contre les prédateurs. Dans une situation de défense de son territoire, il manifeste
une posture de menace. Ce comportement est naturellement déclenché par un autre mâle concurrent.
L'abdomen rouge de l'intrus constitue le déclencheur du comportement agressif. L'épinoche mâle
n'attaque pas les intrus dépourvus d'abdomen rouge (même si ceux-ci sont très bien reproduits) mais
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
22
fonce sur tout ce qui porte du rouge, même s'il s'agit d'un leurre extrêmement grossier qui n'a rien à
voir avec la forme d'un poisson.
Le déclencheur du comportement protecteur des dindons est le pépiement qu'émettent les petits. Les
femelles ne tiennent pas compte d'eux si on le place sous une épaisse cloche de verre qui amortit les
sons mais laisse les petits bien visibles. Chose plus étonnante encore, une femelle sourde tue ses petits,
car elle ne peut percevoir le déclencheur de son comportement maternel. Les dindonneaux dont les
pépiements sont inaudibles déclenchent probablement une réaction de prédation chez leur mère.
Certaines guêpes solitaires creusent un trou pour déloger les chenilles qu'elles paralysent par une série
de piqûres. La guêpe transporte ensuite sa proie vers son nid pour pondre ses œufs à côté de la chenille
puis elle commence à boucher son terrier. Si l'expérimentateur ôte la chenille à ce moment et qu'il la
dépose tout à côté sur le sol, la guêpe continuera à boucher le trou même si la chenille est sous ses
yeux.
Ces différents exemples nous montrent que les animaux agissent de manière automatique dans
beaucoup de situations. En ce qui concerne les comportements stéréotypés, les animaux agissent ni
plus ni moins comme des robots.
Si l'épinoche traitait l'information comme le fait un humain, il se rendrait vite compte que les leurres
qu'on lui montre ne sont pas de véritables rivaux, malgré leur ventre rouge. Contrairement à la
majorité des animaux, l'humain réagit à une situation globale, et il fonde ses actions sur de multiples
données.
Il existe quand même des comportements stéréotypés chez l'Humain. Les nourrissons ferment
vigoureusement les mains en réaction à un stimulus tactile. De même ils sourient face à des stimuli
aussi simples qu'un son et qu'une représentation rudimentaire d'un visage composé de deux taches
noires sur un cercle blanc.
5.3 COMMENT DISTINGUER LA PART INNEE D'UN COMPORTEMENT DE LA PART
ACQUISE ?
En règle générale, il suffit d'isoler un ou plusieurs jeunes de tout représentant adulte de son espèce (ce
qui élimine, de fait, toute possibilité d'apprentissage, que ce soit par imitation ou par éducation
parentale) et d'observer dans quelle mesure les sujets peuvent ou non reproduire le comportement
étudié.
Cependant, l’observation du comportement d’un animal isolé ne conduit pas toujours aux conclusions
adéquates. Dans de nombreux cas, les débuts de l'installation de comportements nouvellement formés
paraissent maladroits. C'est seulement graduellement que l'absence initiale de coordination disparaît,
ce qui est le résultat de processus de maturation, d'apprentissage, ou leur combinaison. II n'y a que
l'expérience qui peut trancher pour permettre de savoir si l'amélioration est due à l'apprentissage ou à
la maturation. La simple observation ne permet pas de faire la distinction, car extérieurement les deux
se ressemblent.
Des poussins fraîchement éclos picorent déjà des petits objets, mais au début ils visent mal. Si on leur
donne à picorer un clou enfoncé dans de la pâte à modeler, les coups de bec s'impriment dans l'argile,
et l’on peut voir qu'ils sont dispersés autour du centre du clou ; un peu plus tard, la dispersion sera
moindre. Au 4ème jour les coups de bec sont donnés serrés autour de la tête du clou. E.M. Hess (1956)
a montré qu'il ne s'agit pas ici d'un apprentissage ; il a mis aux poussins des lunettes prismes qui
déplacent l'objet vers la droite, le clou restant à gauche des empreintes du bec. Il n'est donc pas
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
23
question ici d'une amélioration de visée sûrement apprise mais d'une maturation d'un mécanisme de
visée. Les animaux n'apprennent jamais à toucher la tête du clou.
Textes :
A. Un poussin venant d'éclore sait déjà courir et
becqueter, gratter la terre et boire. Il fuit en
direction de sa mère, en présence d'oiseaux de
proie, et pousse des cris s'il perd le contact avec
celle-ci. Il s'ébroue lorsqu'il est trempé. Ces types
de comportement et d'autres encore sont donc déjà
à sa disposition dès l'éclosion. En principe il en est
de même chez les canetons, mais leurs
comportements sont différents. Le caneton court
vers l'eau, nage et plonge, se nourrit en immergeant le bec dans l'eau et huile ses
plumes. Un poussin qui a été couvé et élevé par une cane se comporte comme un
poulet; un caneton couvé par une poule, en dépit de tous les efforts de sa mère adoptive
qui craint l'eau et essaye de l'en éloigner, y va tout droit et nage ça et là, en
immergeant son bec pour s'alimenter.
Quels types de comportement repérez-vous, inné ou acquis ? Justifiez votre réponse.
B. Un chien qui cache un os dans une pièce, fera avec son museau des mouvements
feignant de le couvrir avec de la terre. Et, quand il se couche dans une pièce, il se
tourne plusieurs fois en cercle, pour aplatir le gazon, bien qu'il n'y ait pas d'herbe.
Que démontre cet exemple ?
C. La construction complexe du cocon de la chenille du papillon Platysamia cecropia, se
déroule comme suit. La chenille file trois couches de soie; des expériences de
déplacement montrent qu'elle n'est capable, dans une nouvelle situation, ni de
continuer correctement un cocon déjà commencé, ni de commencer une nouvelle
couche extérieure sur un nouvel emplacement, alors qu'elle avait déjà commencé d'en
faire une sur l’autre. Elle ne peut refaire aucune des trois couches. Chez cette espèce,
le comportement est réglé strictement par l'état de remplissage des glandes séricigènes
(glandes sécrétrices de soie). Si le contenu disponible des glandes est de 60 %,
l’animal commence la construction des couches internes du cocon, avec, dans ce cas,
un changement de la fréquence de rotation autour de l’axe du corps (W .G. Van Der
Kloot et C.M. Williams, 1953).
Quels types de comportement repérez-vous ? Justifiez votre réponse. A quelle théorie
historique aurait-il pu être rattaché ?
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
24
D. Chez la grenouille, avant de happer une proie, elle tourne son corps et dirige la pointe
de son museau exactement dans la direction de la proie. Si la proie est enlevée pendant
que la grenouille se retourne, elle pointera quand même son museau.
Quels types de comportement repérez-vous ? Justifiez votre réponse.
E. En 1932 Z.Y. Kuo publie une recherche sur l’apprentissage du picorage du poussin
dans l’œuf. Sa théorie était la suivante : un poussin « apprend » dans l'œuf la
coordination du mouvement de picorage des grains : la tête de l’embryon de trois jours
est appuyée sur le cœur et est tout d'abord passivement élevée et abaissée par les
battements cardiaques. Simultanément, le sac vitellin provoque une stimulation tactile
de la tête, puisqu'elle est déplacée par les contractions amniotiques qui sont
synchrones avec le battement du cœur. Un jour plus tard l'embryon baisse la tête
activement quand on le touche, et ouvre et ferme le bec. Pendant ces mouvements le
liquide entre dans son bec et il ravale à partir du dixième jour. De cette manière, les
mouvements initialement isolés d'avaler, d'incliner et d'ouvrir le bec, sont de plus en
plus coordonnés et s'intègrent dans un comportement stéréotypé.
En 1961, K. Lorenz posa la question de savoir pourquoi d'autres espèces d'oiseaux qui
devraient avoir dans l'œuf des expériences identiques avec le battement du cœur, ne
picorent pas, mais ouvrent le bec, tandis que d'autres encore, comme les canards,
filtrent la boue ou, comme les pigeons, mettent leur bec dans le gosier de leurs parents.
On sait depuis 1885 grâce aux travaux de W. Preyer qu'au moment ou le battement du
cœur fait remuer passivement la tête du poussin, la connexion entre les neurones
sensoriels et moteurs n'est pas encore établie dans la moelle épinière.
En 1966 R. Oppenheim démontre que I'auto-excitation tactile est inopérante pour le
développement de l’apprentissage du picorage dans l’œuf. Ainsi, par exemple,
l’extraction de la membrane amniotique n'a pas comme conséquence un changement
d'activité.
Que pensez-vous de la théorie de Kuo ? Le picorage du poussin est-il un comportement
inné ou acquis ? Justifiez votre réponse.
F. L'écureuil d'Europe (Sciurus vulgaris L.) adulte enfouit des noix en automne en
employant des séries de mouvements assez stéréotypés. II cueille des noix, descend à
terre et cherche, jusqu'à ce qu'il l'ait trouvé, un tronc d'arbre ou un bloc rocheux. A
la base d'une telle marque, caractéristique et reconnaissable, il creuse un trou, avec
des mouvements alternes des pattes antérieures, et y dépose la noix. Il la fixe en
l'enfonçant par de rapides coups de museau, la couvre par des mouvements latéraux
rapides de l’arrière vers l’avant, avec la terre qu'il avait enlevée et finit en tassant
celle-ci fermement avec ses pattes.
Tous les comportements en caractères gras sont des comportements innés. Imaginez
une expérience permettant de prouver chacun de ces comportements.
5.4 NATURE DES DECLENCHEURS
Les comportements instinctifs sont déclenchés grâce à des stimuli spécifiques provenant de
l'environnement. Au niveau des stimuli un choix est réalisé :
• par les organes sensoriels existants et les limites de leurs performances.
• par le filtrage des stimulations spécifiques au niveau du système nerveux. (tous les stimuli
perçus ne sont pas déclencheurs de réaction).
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
25
Des nombreuses stimulations provenant de l'environnement, un petit nombre seulement est perçu par
l'animal, les récepteurs correspondants faisant défaut.
5.4.1 DECLENCHEURS INTRASPECIFIQUES
Il existe plusieurs types de déclencheurs intraspécifiques :
•
•
•
•
•
mouvements du corps ou de parties du corps (bâillement menaçant des babouins)
structures de formes ou de couleurs (ventre rouge de l'épinoche, postérieur coloré des singes)
expressions sonores (chant territorial chez les oiseaux)
signaux visuels (lucioles et vers luisants émettent de la lumière pour attirer le partenaire
sexuel)
information chimique (phéromone sexuelle)
5.4.2 DECLENCHEURS INTERSPECIFIQUES
Les déclencheurs interspécifiques sont plus rares.
•
•
Une espèce de tortue épie dans les eaux et attire des animaux par un appendice lingual mobile
comme un ver et les happe soudainement.
Le labre nettoyeur incite des poissons assez gros par des mouvements de
danse qui font valoir sa coloration typique, à prendre la « position de
toilette » (ils ouvrent la bouche et écartent les opercules branchiaux) et à
se laisser chercher les parasites.
Ces déclencheurs sont si efficaces que la vipère de mer dont les couleurs
et le comportement sont similaires, convainc également les poissons de
prendre la « position de toilette », mais en profitant alors pour, d'une
morsure rapide, leur arracher des morceaux de peau ou de nageoires.
5.4.3 LES LEURRES
Pour isoler expérimentalement les excitations clefs parmi un ensemble de stimulations, on se sert de
leurres.
La pratique de la méthode des leurres qui consiste à présenter au sujet une attrape, un modèle du
stimulus naturel, dont on peut modifier les caractéristiques à volonté, permet de révéler les paramètres
du stimulus qui sont les plus efficaces.
Il est remarquable, dans la plupart des cas, que la perception d'un aspect limité, souvent grossier, d'un
objet suffit à déclencher le comportement.
Il existe des leurres dans la vie quotidienne : épouvantails, canard en plastique pour attirer les canards,
sifflets pour la chasse aux oiseaux, sucette pour les nourrissons….
Il existe aussi dans la nature des leurres pour tromper des animaux
d'autres espèces en vue de les manger. Certains poissons tropicaux,
par exemple, se confondent de façon incroyablement réaliste avec
les algues et les coraux. Au-dessus de leur bouche, rattachés à un
petit filament, se trouvent des leurres qui imitent à la perfection un
petit poisson ou un petit crustacé, non seulement par la forme
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
26
adoptée, mais aussi par le mouvement approprié insufflé au leurre quand une proie approche.
Pour la pratique de la méthode des leurres on peut citer en exemple les nombreux travaux de
Tinbergen sur les poissons et les oiseaux.
Lors de la défense du territoire, le mâle de l'épinoche n'attaque guère les leurres reproductions fidèles
de leurs congénères à qui le ventre rouge manque; par contre les leurres grossièrement simplifiés, mais
avec une partie inférieure rouge, sont attaqués violemment. Part rapport à ce caractère, tous les autres
perdent de l'importance, bien que l'œil de l'épinoche soit en mesure de les percevoir.
Dans le même ordre d’idée, Tinbergen a étudié les stimuli signaux qui
déclenchent le comportement de quémande du jeune goéland argenté.
Quelques heures après l'éclosion, les organes sensoriels des oisillons sont
fonctionnels. De retour au nid avec la nourriture, le parent lève le cou et
pousse un long cri. Les jeunes réagissent vocalement et ils frappent leur
bec contre le bec du parent, incitant ce dernier à dégorger de la nourriture
(poissons) qu'il conserve dans son jabot.
Le bec du parent est jaune et porte une tache rouge, près de
l'extrémité de la mandibule inférieure, qui est la cible que picore le
poussin.
La présentation successive d'une série de leurres représentant la tête du parent avec des taches de
couleurs variées, sur des fonds de teintes différentes, ou bien avec des becs sans tache mais de diverses
couleurs, fait apparaître le rôle des divers paramètres du stimulus pris isolément.
Est-ce la tache rouge chez le goéland argenté qui est le déclencheur ?
27
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
Résultats :
COULEUR DU BEC
(SANS TACHE)
COULEUR DE LA TACHE
(SUR BEC JAUNE)
CONTRASTE ENTRE BEC ET TACHE
Rouge
100 %
Rouge
100 %
Tache blanche sur bec gris
71 %
Jaune
50 %
Noir
86 %
Tache gris clair sur bec gris
52 %
Bleu
49 %
Bleu
71 %
Tache grise sur bec gris
33 %
Blanc
52 %
Blanc
59 %
Tache gris foncé sur bec gris 44 %
Vert
50 %
Jaune
25 %
Tache noire sur bec gris
•
•
•
50 %
C'est le rouge qui est le plus efficace, mais un leurre complètement blanc est encore un bon
déclencheur.
Si l'on fait varier la couleur de la tache sur un fond jaune identique à la couleur du bec naturel,
le rouge et le noir ont presque la même efficacité, mais le blanc et le même jaune déclenche
encore des quémandes. Une fausse tête grossière avec un point rouge se révéla plus efficace
qu'une vraie dont on avait couvert de jaune la tache rouge.
Le contraste de la tache sur le bec apparaît comme un paramètre important, les contrastes
maximums étaient les meilleurs signaux.
Conclusions :
•
•
•
Le rouge n'est pas déterminant, car toute tache faisant un contraste peut susciter dans une
bonne mesure la réaction de picorage, y compris une tache blanche sur un bec gris foncé.
La couleur de la tête n'a aucune importance.
La forme de la tête n'a aucune importance (elle peut même manquer).
Contrairement à ce que pensait Tinbergen en général ce ne sont pas les configurations totales (par
exemple : la position relative de la tache, du bec ou de la tête chez le goéland) qui sont déclenchantes.
Les stimuli sont plutôt à comprendre comme composés de différentes dimensions indépendantes dont
les valeurs déclenchantes se combinent de manière essentiellement additive. Ainsi, pour le goéland, en
plus des éléments de couleur contrastée, c'est l'amplitude du mouvement de la tache rouge qui compte,
et même si la tache est placée sur le front, elle sera fortement déclenchante pour peu que son
mouvement soit un grand arc.
Remarque : En modifiant expérimentalement les déclencheurs, les éthologistes présentent aux
animaux des situations à peu près impossibles dans la nature. Si des objets ovoïdes se trouvaient
fréquemment à proximité des nids d'oies, la sélection naturelle aurait vraisemblablement produit un
mécanisme de discrimination qui permettrait aux oies de reconnaître leurs œufs.
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
28
5.4.4 LE STIMULUS SUPRANORMAL
Il arrive que l'exagération du stimulus produise une amplification de la réaction. Plus les oisillons
ouvrent grand le bec, plus leurs parents les nourrissent. Et comme les oisillons ouvrent le bec d'autant
plus largement qu'ils ont faim, les plus affamés ont ainsi plus de chances d'être nourris. Cet aspect des
déclencheurs ressort d'expériences simples lors desquelles on présente aux animaux un stimulus
supranormal.
On parle d'hypernormalité lorsqu'un stimulus artificiel ou naturel provoque une réaction plus forte que
celle que suscite n'importe quel stimulus.
Exemples :
•
Le petit du goéland argenté sera beaucoup plus attiré par une fine baguette rouge ornée à son
extrémité de trois bandes blanches que par une reproduction fidèle d'une tête de goéland
adulte.
Les stimuli supranormaux sont aussi utilisés avec succès dans la nature :
•
Le bec ouvert (avec des taches plus grandes situées au fond du bec) d'un jeune coucou dans un
nid de passereaux agit sur ceux-ci comme un stimulus supranormal. Ses parents adoptifs vont
le nourrir au détriment de leurs propres petits.
•
Chez certaines espèces de poissons, la femelle pond ses œufs puis les prend dans sa bouche.
Le mâle possède près de sa nageoire anale « une tache ovulaire » plus grande et plus colorée
que les œufs normaux : elle constitue un stimulus supranormal et la femelle veut également la
prendre dans sa bouche. A ce moment-là, le mâle déverse ses spermatozoïdes sur les œufs.
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
Texte :
Lors d'une étude sur le comportement de couvaison, on présente différents leurres à une
femelle afin de déterminer les caractéristiques de l'œuf (tâche, forme, taille) qui
déclenchent le comportement d'incubation. On remarque alors que la femelle préfère
systématiquement couver un œuf artificiel nettement plus gros que la normale plutôt
qu'un œuf naturel. L'équation Œuf gros = Œuf bon à couver, dans le milieu naturel, est
un moyen de sélectionner l'oisillon qui sera probablement le plus fort, et donc, le plus
apte à survivre. Par contre, dans un milieu artificiel, cela conduit la femelle à privilégier
un œuf trop gros par rapport à ses possibilités de couvaison.
De la même manière, le stimulus supranormal de l'œuf de grande taille sur l'oie cendrée
(Ancer ancer), entraîne la femelle à préférer un œuf trop gros, qui gène significativement
son comportement de couvaison.
29
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
30
5.5 COMPORTEMENT ET STIMULI
Il existe d'étroites corrélations entre la sensibilité d'un animal aux stimuli en général et les
déclencheurs spécifiques auxquels il réagit.
Les grenouilles, par exemple, possèdent des cellules rétiniennes particulièrement sensibles au
mouvement, et c'est le mouvement d'un objet qui déclenche la projection de la langue chez les
grenouilles en train de s'alimenter. Une grenouille meurt de faim au milieu de mouches mortes ou
immobiles; par ailleurs, elle attaque la première qui bouge.
L'aptitude d'un animal à percevoir un stimulus dépend étroitement de son équipement sensoriel
(organes des sens : vue, odorat, goût, toucher, ouïe). C'est lui qui détermine l'environnement de
l'animal, généralement spécifique.
Les modifications de l'environnement d'un animal sont souvent très nombreuses et simultanées, mais
toutes ne revêtent pas la même importance. La plupart d'entre elles sont, soit non perçues par l'animal,
soit ignorées, c'est-à-dire qu'elles ne stimulent aucune réponse, que ce soit comportementale ou
physiologique. Les stimuli externes sont donc des modifications du milieu (ce qui comprend aussi bien
l'environnement que d'autres animaux, congénères ou non) perceptibles et significatives (dans le sens
de porteuse d'un signal) pour l'individu.
Tous les stimuli significatifs ne sont pas des déclencheurs, c'est à dire qu'ils n'engendrent pas
obligatoirement une réponse comportementale.
5.6 UN EXEMPLE DE COMPORTEMENTS INNES : LES TAXIES
Dans les comportements innés, les réactions les plus parlantes sont les tropismes et les taxies.
Les tropismes sont des réactions comportementales à des stimulations du milieu (lumière, électricité,
pesanteur, chaleur, substances chimiques diffusant dans le milieu.). L'idée de tropisme s'applique aux
plantes. On parle plutôt de taxie pour les animaux.
Les taxies sont donc des réponses orientées et obligatoires d'un organisme animal à un stimulus
déclencheur externe. Elles peuvent pousser l'animal à s'approcher de la source de stimulation (taxie
positive) ou à s'en éloigner (taxies négatives).
Exemples :
Les soirs d'été, quand la nuit est tombée, que la fenêtre est ouverte et que la lumière est allumée, des
myriades d'insectes nocturnes s'agglutinent autour des ampoules allumées. C'est de la phototaxie.
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
31
C'est un comportement instinctif, qui pousse l'animal à se rapprocher de la source lumineuse, malgré le
danger mortel que cela lui fait courir.
A l'inverse, le simple fait d'allumer la lumière met en déroute les blattes qui courent se réfugier dans
les coins obscurs de l'habitation. On dit alors que les blattes sont lucifuges, c'est à dire qu'elles fuient la
lumière : il s'agit d'une phototaxie négative. Les blattes sont aussi hygrotropiques, elles se dirigent en
priorité dans des zones jouissant d'une humidité susceptible de leur convenir et thermotropiques, elles
recherchent une chaleur suffisante. En fait, instinctivement, les blattes cherchent à vivre dans un
milieu dont les caractéristiques sont proches de leur milieu naturel d'origine : les zones tropicales de la
planète. Ces connaissances éthologiques des blattes nous permettent de savoir à coup sûr d'où il faut
chercher à les déloger : dans les recoins sombres, humides et chauds de l’appartement, comme sous
l'évier, la baignoire, derrière le réfrigérateur.
Les taxies peuvent donc se classer selon les stimuli-déclencheurs qui sont à la source de la réponse
comportementale :
•
•
•
•
La phototaxie
La phonotaxie
La géotaxie
L'hygrotropisme
:
:
:
:
•
Les chimiotaxies
:
•
Le thermotropisme
:
réaction à la lumière
orientation en fonction d'une source sonore (criquet).
générée par le sens de la pesanteur.
recherche de la région dont l'humidité convient le mieux à la
plante.
elles
déclenchent
des
réactions très variées et sont
souvent impliquées dans le
déclenchement
de
comportements
de
reproduction ou de nutrition.
Il s'agit de comportements
induits par la détection de
substances
chimiques
(hormones) dissoutes dans le milieu ambiant (air ou eau). Le
comportement le plus connu de chimiotaxie est celui du mâle du
bombyx du mûrier, sensible à des doses infinitésimales de
bombycol, substance sécrétée par la femelle vierge et qu'il peut
détecter à plusieurs kilomètres de distances. Une seule molécule
de bombycol suffit à exciter les récepteurs olfactifs des antennes
du bombyx mâle et à déclencher le comportement de localisation
de la femelle.
orientation en fonction de la température la mieux adaptée.
La part des tropismes et des taxies dans les comportements d'une espèce, dépend du niveau de
développement psychique de cette espèce. C'est-à-dire que les comportements instinctifs jouent un
plus grand rôle dans les espèces à faible développement psychique que chez les animaux supérieurs.
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
32
5.7 EXPERIENCES DE PRIVATION
Le fait qu'un comportement soit très stéréotypé et spécifique à une espèce ne suffit pas à le définir
comme une séquence comportementale fixe. Les chants de la plupart des espèces d'oiseaux sont
stéréotypés et permettent d'identifier précisément le chanteur. Cependant, chez de nombreuses espèces,
l'apprentissage est essentiel pour l'acquisition du chant.
Si les œufs du moineau sont mis à éclore dans un incubateur et que les jeunes mâles sont élevés
isolément, lorsqu'ils auront atteints la maturité sexuelle, leur chant sera un assemblage inhabituel de
sons. Cette espèce ne peut exprimer son chant spécifique si elle ne l'a pas entendu lors de la
nidification.
Pour qu'un comportement soit reconnu comme séquence comportementale fixe, il doit
s'exprimer avant toute expérience et donc tout apprentissage.
L'expérience de privation, consistant à élever un animal afin qu'il ne soit jamais en contact avec ses
parents ou d'autres membres de son espèce ou encore son environnement naturel, est une méthode
pour démontrer qu'un comportement est ou n'est pas une séquence comportementale fixe.
L'exemple du moineau mentionné ci-dessus est un exemple montrant par une expérience de privation
qu'un comportement stéréotypé spécifique d'une espèce n'est pas forcément une séquence
comportementale fixe.
Le résultat opposé est obtenu dans une expérience de privation dans laquelle un éthologiste a élevé un
écureuil avec un aliment liquide et dans une cage où il n'y avait ni terre ni litière. Quand on donne une
noisette à ce jeune écureuil, il la met dans sa bouche et court autour de sa cage. De temps en temps, il
va dans un coin de la cage et commence à creuser, place la noisette dans ce coin, et accomplit les
mouvements pour l'enterrer et termine cette séquence en tapant sur le sol imaginaire avec son nez.
L'écureuil n'avait jamais tenu un objet solide et n'avait jamais été en contact avec de la terre, cependant
il est capable d'exprimer des séquences comportementales fixes.
Il existe des expériences de privation naturelle. Beaucoup d'espèces, spécialement parmi les insectes
vivants dans des environnements où les saisons sont bien marquées, ne vivent qu'une année. Il n'y a
donc pas chez ces espèces de chevauchement des générations, c'est-à-dire que les adultes pondent
leurs œufs et meurent avant même que ces œufs n'éclosent. Chez ces espèces, l'apprentissage à partir
de l'expérience des adultes est donc impossible et les comportements complexes indispensables à la
survie de l'espèce sont donc génétiquement programmés.
Le comportement de cour de l'araignée est un exemple qui illustre ce qui vient d'être expliqué. Le mâle
doit approcher la femelle dans son nid. S'il avance simplement dans le nid, il est perçu comme une
proie prise au piège de la toile et la femelle le tue et le mange. Afin d'éviter un tel sort, le mâle est
génétiquement programmé afin d'approcher le fil et de le tirer d'une certaine façon, ce qui constitue un
signal bien spécifique pour la femelle. Si le message est correct le mâle peut alors pénétrer dans le nid
et s'accoupler avec la femelle au lieu de lui servir de repas. Chez quelques espèces la femelle dévore
quand même le mâle après l'accouplement.
Certains comportements innés ne sont pas déclenchés pendant des expériences de privation.
Pourquoi ?
•
Si un comportement n'est pas exprimé pendant une expérience de privation, cela ne veut pas
dire qu'il ne soit pas génétiquement programmé. Il est en effet possible que les conditions pour
COMPOSANTES INNEES DU COMPORTEMENT
33
déclencher ce comportement ne soient pas réunies. Comme la noisette qui entraîne le
comportement d'enfouissement de l'écureuil, des stimuli déclencheurs spécifiques sont
généralement nécessaires à la mise en route de la plupart des comportements innés. Si le
stimulus déclencheur fait défaut pendant l'expérience, le comportement ne sera pas déclenché.
•
Un comportement inné ne s'exprimera pas lors d'une expérience de privation si l'animal n'a pas
le stade physiologique ou le développement approprié.
Les animaux juvéniles n'exhibent pas de comportements de cour, même si les déclencheurs
sont présents. Un animal adulte peut ne pas présenter ni comportement d'agression, ni
comportement de cour en dehors de sa période de reproduction. Les mêmes animaux peuvent
être soit très agressifs lors de la saison de reproduction, soit ignorer complètement les autres le
reste de l'année.
6. APPRENTISSAGE ET
COMPORTEMENT
6.1 DÉFINITION
L'apprentissage (comportement acquis) est défini scientifiquement comme une modification du
comportement par l'expérience. C'est un comportement qui présente des différences entre individus du
même sexe, du même âge, dans le même état motivationnel et soumis aux mêmes conditions externes.
Ce sont donc des comportements que l'animal doit apprendre pour pouvoir les faire.
Ce sont des comportements que l'animal n'a pas à la naissance.
Ce sont des comportements que les animaux font après avoir vu un adulte, par exemple, le faire ou à
force d'essais et d'erreurs.
Caractéristiques :
•
•
Les comportements appris sont perfectibles.
Ils ne sont pas héréditaires.
C'est un processus d'origine nerveuse centrale qui modifie les mécanismes neurologiques sous
l'influence du monde extérieur. Le genre, le nombre et la jonction des neurones déterminent
héréditairement les possibilités d'apprentissage. La part de l'acquis dans le comportement d'un animal
augmente, au fur et à mesure que cet animal est doté d'un système nerveux central complexe.
L'acquis est le produit des informations, des apprentissages et des expériences qui sont stockés dans la
mémoire individuelle et qui influenceront les comportements ultérieurs.
Les comportements acquis permettent à l'individu de s'adapter rapidement aux changements de
l'environnement de l'espèce. Cependant, les aptitudes d'apprentissage d'une espèce, sa plasticité, sont,
elles déterminées de manière innée, elles sont inscrites dans son patrimoine génétique.
Il existe différents modes d'apprentissage :
•
•
•
•
•
•
l'habitude et l'accoutumance
l'apprentissage par des exercices (perfectionnement du vol)
l'apprentissage par essais et par erreurs (vache face aux barrières électriques)
l'apprentissage par imitation (chant des oiseaux)
l'apprentissage par empreinte
le conditionnement
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
35
6.2 INSTINCT ET APPRENTISSAGE
La majorité des biologistes contemporains conviennent que tout comportement résulte d'influences
génétiques et d'influences extérieures. La plupart des comportements stéréotypés, en effet,
s’améliorent avec le temps, à mesure que les animaux apprennent à les exécuter de manière plus
efficace.
Le chant des oiseaux illustre bien cette constatation. En effet, chez les oiseaux, le chant va de
l'entièrement inné à l'entièrement appris.
Pour vérifier cela on isole le petit oiseau déjà avant l'éclosion. Si une fois adulte, il a le chant normal
des adultes, alors le chant est codé génétiquement (inné) puisque l'oiseau n'a jamais entendu ce chant.
Chez le coucou
:
Le chant est très simple et il est entièrement inné. Le coucou
n'apprend rien de ses parents adoptifs.
Chez le merle
:
Si on isole un merle et qu'on le fait ensuite chanter, on reconnaîtra
que c'est un merle; mais son chant sera loin d'être parfait. Il y a un
précodage général, mais l'apprentissage fin se fait d'après un
modèle
Chez le pinson
:
Un petit isolé n'a pas de chant spécifique. Si on lui présente
plusieurs modèles à choix, il choisira toujours celui qui est le plus
proche de son chant spécifique. La reconnaissance du vrai chant est
précodée.
Chez le shama
:
(oiseau apparenté au rossignol) Très beaux chants. Le mâle apprend
des chants non seulement dans sa jeunesse, mais chaque printemps,
il apprend de nouveaux motifs. Ses chants sont donc totalement
appris. L'apprentissage va très loin et n'est pas limité à une période
sensible. Avec ses chants, le mâle appelle sa femelle. La femelle ne
chante pas, mais elle reconnaît les chants de son époux.
Chez le bouvreuil
:
Il imite le chant de son père. Si un petit bouvreuil est élevé avec un
canari, il chantera comme un canari.
Chez le moqueur polyglotte :
Répertoire d'au moins 150 chants, parmi lesquels on trouve des
imitations fidèles de chants d'autres oiseaux, de cris d'animaux et
même des sonneries de téléphones.
Chez le moucherolle phébi :
Si on le rend sourd au début de sa vie, bien avant qu'il ne
commence à chanter, il apprend à chanter normalement.
On s'explique mal la diversité des modalités d'apprentissage du chant chez les oiseaux.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
36
6.3 APPRENTISSAGE ET MATURATION
Le comportement peut aussi s'améliorer par suite du développement du système neuromusculaire, un
processus appelé maturation.
On dit dans le langage courant que les oiseaux apprennent à voler, et on voit effectivement les
oisillons voleter maladroitement, comme s'ils s'exerçaient. Or, des chercheurs ont fait porter à des
oisillons, jusqu'à l'âge où ils auraient normalement volé, des appareils qui les empêchaient de battre
des ailes. Lorsque les chercheurs ont libéré les oiseaux, ils se sont immédiatement mis à voler
normalement. Les chercheurs en ont déduit que l'amélioration reposait sur la maturation
neuromusculaire et non sur l'apprentissage.
Les jeunes goélands argentés picotent la tâche rouge sur le bec de leurs parents. Les oisillons naissants
picotent indifféremment une variété d'objets, mais les oisillons âgés d'une ou deux semaines réagissent
mieux à des modèles réalistes d'un bec adulte. S'agit-il là d'un exemple de maturation ou
d'apprentissage ? Les expériences qui consistent à faire élever des mouettes à tête noire par des
goélands argentés et vice versa révèlent qu'il s'agit bel et bien d'apprentissage. Une jeune mouette à
tête noire qui a été élevée par un goéland argenté, et vice versa, réagit plus fortement au bec de son
parent adoptif qu'à celui d'un adulte de sa propre espèce. On voit donc que l'apprentissage peut
modifier un comportement fondamentalement instinctif.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
37
6.4 HABITUATION
L'habituation est l'apprentissage le plus simple. C'est donc est une forme élémentaire d'apprentissage
qui consiste en une diminution graduelle et relativement permanente de l'intensité ou de la fréquence
d'apparition d'une réponse ou d'un comportement, par suite de la présentation répétée d'un stimulus.
L'habituation existe dans tout le règne animal depuis les protozoaires. Elle existe en réponse à des
stimuli non nociceptifs : illuminations, chocs légers, bruits, leurres visuels ou auditifs de prédateurs.
Elle n'apparaît pas avec des chocs électriques ou des stimuli douloureux. Elle se produit généralement
quand l'organisme apprend que le stimulus n'a pas de signification particulière pour l'activité en cours.
Cela permet l'élimination de réponses inutiles.
On peut interpréter l'importance de ce type d'apprentissage en faisant intervenir la notion de survie :
l'animal réagit à tout stimulus inédit, potentiellement dangereux ou intéressant, par un comportement
de défense ou de curiosité. Si ce stimulus se répète, sans danger ou sans utilité véritables, il devient
familier et d'autres événements peuvent retenir l'attention de l'animal.
Textes
L'écureuil gris, comme bien d'autres animaux, reconnaît les cris d'alarme que poussent
ses congénères menacés par un prédateur, mais il cesse de réagir aux appels s'ils ne sont
pas suivis par une attaque réelle.
Beaucoup d'espèces d'orchidées ressemblent à des femelles d'abeilles ou de guêpes. Les
mâles pollinisent ces fleurs en tentant de s'accoupler avec elles, mais ils ne reçoivent pas
tous les stimuli d'une copulation normale. Les mâles finissent par apprendre que les
fleurs ne sont pas de véritables femelles et cessent d'y réagir.
L'habituation a une valeur adaptative; ainsi, pour un insecte, tenter de copuler toute la
journée avec des fleurs ne favorise pas beaucoup son succès reproductif !!!!
Un escargot qui effectue un parcours le long d'une planche réintègre immédiatement sa
coquille lorsqu'on tape un coup sur la planche. Mais, renouvelée 6 fois, cette expérience
n'a plus aucun effet.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
38
6.5 IMPREGNATION
L'imprégnation est un cas particulier de l'apprentissage au cours duquel la connaissance du facteur de
déclenchement permettra l'acquisition d'une action instinctive.
On regroupe sous le terme empreinte tous les phénomènes d'attachement, chez les oiseaux et les
mammifères, qui s'expriment ensuite dans le développement de préférences filiales (attache entre
jeune et mère et réciproquement) et sexuelles (fixe les caractéristiques du partenaire sexuelle).
6.5.1 L'EMPREINTE FILIALE
Elle est définie comme le processus de développement par lequel le comportement social d'un jeune
animal se restreint à un objet particulier ou une classe d'objets. Elle a été étudiée principalement chez
les oiseaux nidifuges (canetons, poussins...).
Chez les oiseaux, par exemple, l'apprentissage de la reconnaissance des parents est très court et très
précoce. Il se traduit, peu après l'éclosion, par un comportement d'approche et de suivi de l'objet le
plus visible de l'environnement proche. Dans la nature ce sont évidemment les parents ou les frères et
sœurs qui deviennent objets d'attachement.
Comme il s'agit d'un apprentissage, on peut remplacer les parents naturels par d'autres oiseaux, voire
même par une personne. Le petit associera ses réactions filiales au stimulus qu'on lui a présenté
pendant la période sensible pour l'imprégnation.
Les canetons, les oisillons, par exemple, suivent leur mère à la queue leu leu. Ce comportement nous
paraît adaptatif, car l'adulte sait mieux que les jeunes où trouver la nourriture, comment éviter les
prédateurs, bref, se débrouiller.
Mais comment les jeunes reconnaissent-ils ceux qu'ils doivent suivre ?
Dans son étude la plus célèbre, Konrad Lorenz laissa à une oie cendrée quelques-uns de ses œufs et
plaça les autres dans un incubateur. Les jeunes élevés par l'oie eurent un comportement normal, c'està-dire qu'ils suivirent leur mère et, une fois devenus adultes, s'accouplèrent avec d'autres oies cendrées.
Les oisons couvés en incubateur passèrent les premières heures de leur vie avec Lorenz et non avec
leur mère. Ils suivaient fidèlement le chercheur et ne reconnaissaient ni leur mère, ni les autres adultes
de leur espèce. Devenus adultes, ces individus préféraient la compagnie de Lorenz, et d'autres humains
à celle de leurs congénères.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
39
L'objet que l'on choisi pour l'expérience d'imprégnation doit bouger et émettre des cris, c'est une
condition indispensable. Les petits canards ou des oies apprennent à reconnaître qui ils doivent suivre.
L'imprégnation se caractérise par les critères suivants :
•
•
•
Existence d'une période critique
Apprentissage extrêmement rapide.
Irréversibilité du processus, c'est-à-dire que l'acquis ne sera en principe plus oublié de toute la
vie.
L'imprégnation est un processus de reconnaissance basée sur un apprentissage perceptif spécifique. Ce
qui est appris, c'est la reconnaissance d'un stimulus donné (odeur, cris….).
Pour chaque espèce il y a une période optimale pour l'imprégnation : période où la peur n'est pas
encore trop grande, mais où la locomotion est suffisante pour que le petit puisse s'approcher du
stimulus. Par exemple le caneton se fixe sur l'«objet» qu'il va suivre environ dix-sept heures après sa
sortie de l'œuf, à la vingtième heure, une telle opération n'est déjà plus possible. Lorenz découvrit que
les oies qu'il isolait complètement de tout objet mobile pendant les deux premiers jours de leur vie, soit
la période critique, ne subissaient aucune empreinte par la suite.
Le canard colvert, lui, ne se laisse imprégner que pendant les 36 premières heures de sa vie.
L'imprégnation est la plus efficace entre la treizième et la seizième heure après l'éclosion. Après 36
heures, les jeunes canards colverts qui n'ont pas été imprégnés réagissent par un comportement de fuite
devant l'objet qui aurait provoqué une imprégnation pendant la période critique. Il n'est ensuite plus
possible d'imprégner les animaux à une mère. Ils ne suivent plus aucun objet.
Des différences notables distinguent les espèces dans les procédures par lesquelles le phénomène se
constitue. Les petits de l'oie cendrée s'attachent au premier objet rencontré au cours de leur période
sensible, alors que ceux du colvert doivent de plus impérativement cancaner comme un canard pour
avoir une chance d'être retenus.
Apparemment, la reconnaissance de la mère n'est pas innée chez les oies cendrées. Ces oiseaux
réagissent et s'identifient au premier objet qu'ils rencontrent, pour peu qu'ils possèdent certaines
caractéristiques simples. La capacité de réagir de ces oiseaux fait partie de l'inné et le monde extérieur
fournit le stimulus d'empreinte, c'est-à-dire l'objet vers lequel les oiseaux dirigeront leur réaction. Le
principal stimulus d'empreinte, pour les oisons de Lorenz, était le mouvement d'un objet éloigné d'eux.
Bien que l'effet s'accentue quand l'objet émet un son, il n'est pas nécessaire que le son ressemble à
celui d'une oie. Lorenz s'aperçut que les oiseaux pouvaient prendre pour leur "mère" une boîte
contenant une horloge sonore.
Un modèle visuel qui, en plus, émet des sons est donc davantage suivi qu'un modèle silencieux. Si
deux modèles, visuellement identiques mais émettant des sons différents, sont présentés, celui qui
produit le son familier est suivi de préférence à l'autre.
Chez les poussins et les canetons, comme chez plusieurs espèces d'oiseaux il peut se former une
empreinte auditive prénatale induisant des comportements d'approche et de poursuite après l'éclosion.
Il reste toutefois que le modèle auditif est toujours plus faible que le visuel, lui-même plus faible que
celui d'une empreinte visuelle sur un objet sonore.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
40
Si l'on présente au jeune deux modèles différents dont l'un est sa mère, il va bien entendu s'imprégner
sur sa mère.
Si le jeune est mis en présence de nombreux modèles humains successivement pendant la période
d'imprégnation (sans être mis en présence de sa mère), la fixation sur un individu ne pourra pas se
faire, et cela va amener des troubles psychologiques chez l'animal.
On a longtemps cru que l'empreinte concernait uniquement les très jeunes animaux et que la période
critique était brève. Mais on sait aujourd'hui qu'un processus d'apprentissage semblable a lieu chez les
animaux adultes et que la durée de la période critique peut varier.
Ainsi, tout comme les oisillons envers leurs parents, les adultes reconnaissent leurs petits à la suite
d'une empreinte. Pendant les deux jours qui suivent l'éclosion, les goélands argentés adultes acceptent
et même défendent un oisillon étranger introduit dans leur territoire de nidification. Après l'empreinte,
qui repose probablement sur des signes variables comme les notes des cris des petits, les adultes tuent
et dévorent tout oisillon étranger.
Exercice : Expériences de Hess pour l'étude de l’empreinte (Hess, E. H., 1959 Imprinting, an Effect of
Early Experience. Science, 130 : 133-141)
Situation expérimentale : les
poussins ou canetons sont
maintenus dans une boîte obscure
à partir de l'éclosion pendant des
périodes de temps variant de 1 à
35 heures, puis sont mis
directement de la boîte dans
l'enceinte tournante où un leurre
de canard Colvert muni d'un hautparleur est déplacé circulairement
par un mécanisme d'horlogerie.
Chaque animal reste une heure
avec le modèle. Après 1 heure, ils
étaient capables de suivre un
modèle de canard Colvert mâle
qui était muni d'un haut-parleur et
émettait des cris d'appel. Les
résultats sont visibles dans le graphique de gauche.
On les replaça alors dans le noir. Pour l'expérience, Hess replaça les canetons une seconde fois dans
l'appareil, et ils pouvaient choisir entre un modèle mâle et un modèle femelle. Les deux modèles
restèrent d'abord silencieux; après une minute ils commencèrent d'émettre des cris, le modèle mâle
faisant un « go go go go » artificiel, le modèle femelle par contre émettant le vrai cri d'appel d'une
cane, enregistré sur bande magnétique.
Dans la troisième phase de l'expérience, seul le modèle femelle fit des appels et pendant la quatrième
période, ce modèle, en même temps se déplaçait, le modèle mâle restant toujours stationnaire. Si les
canetons imprimés au modèle mâle l'approchaient, dans les quatre cas l'imprégnation était égale à 100
%. Les résultats sont visibles dans le graphique de droite.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
•
•
•
41
Analyser les expériences.
Analyser les graphiques.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces résultats ?
6.5.2 L'EMPREINTE OLFACTIVE
On connaît aujourd'hui beaucoup d'autres exemples d'empreinte. Les saumons, par exemple, éclosent
dans des cours d'eau et migrent ensuite vers la pleine mer, où ils atteignent la maturité. Certaines
espèces de saumon restent en mer plusieurs années. Néanmoins, chaque individu retourne dans son
cours d'eau d'origine pour y frayer. Il doit trouver l'embouchure du fleuve approprié, repérer chaque
confluent….
La recherche a montré que cette capacité repose sur une empreinte olfactive. Les jeunes saumons
expérimentalement exposés à une substance appelée morpholine s'engagent dans un cours d'eau, lors
du frai, si on y déverse de la morpholine. Dans des conditions normales, les poissons s'imprègnent de
l'odeur complexe propre à leur lieu de naissance et, même après un long séjour au loin, ils restent
capables de la reconnaître et de se diriger vers elle.
6.5.3 L'EMPREINTE SEXUELLE
Il s'agit d'un phénomène sensiblement différent de l'empreinte filiale. Il intervient plus tard, après une
période d'exposition beaucoup plus longue.
Lors d'une étude sur deux espèces de bruants étroitement apparentées, par exemple, les jeunes mâles
d'une espèce furent élevés d'abord avec des membres de leur espèce puis, pendant les quelques
semaines de la période critique d'empreinte sexuelle, avec des membres de l'autre espèce. Lorsque ces
mâles furent mis en contact avec des femelles de leur propre espèce, ils s'accouplèrent de mauvais gré.
Mais ils copulaient volontiers avec les femelles de l'autre espèce, même s'ils n'avaient pas vu de
membre de cette espèce depuis huit ans. L'identification à la deuxième espèce avait l'objet d'une
empreinte permanente.
Chez de nombreuses espèces de canards, les femelles reconnaissent les mâles à leur plumage arborant
les teintes typiques de l'espèce, et elles ne s'accouplent qu'avec eux. Les mâles, en revanche, n'ont
aucune représentation innée des femelles de leur espèce, qui se différencient peu des femelles
d'espèces voisines, à cause des colorations de camouflage si importantes pour la nidation. Les canards
mâles sont sexuellement imprégnés à l'âge de huit à dix semaines. Dès le début de leur maturité
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
42
sexuelle, ils séduisent les femelles avec lesquelles ils ont été en contact pendant la période critique.
Dans des conditions naturelles, il s'agit de leur mère ou de leurs sœurs.
On reconnaît aujourd'hui que la période critique et l'irréversibilité, bien que caractéristiques de
l'empreinte, ne sont pas absolues. Ainsi, un mâle de diamant mandarin élevé par une femelle de
bengali va orienter sa parade vers un oiseau de type de sa mère adoptive. Mais s'il est mis en présence
durant trois mois d'une femelle de mandarin, il inversera sa préférence sexuelle, revenant à un choix
pour une partenaire de son espèce. Toutefois, s'il a une expérience sexuelle complète avec une femelle
de bengali, il maintiendra sa préférence pour des femelles de son espèce adoptive. L'expérience
sexuelle consolide donc la tendance apprise.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
43
6.6 CONDITIONNEMENT
6.6.1 DEFINITION
Le conditionnement est la création de réflexes conditionnés, c'est-à-dire de réactions à des stimulations
primitivement sans action sur le sujet.
Par extension, c'est la création par un dressage approprié de nouveaux types de réactions.
6.6.2 Expérience de Pavlov (conditionnement répondant =classique)
En 1887, le physiologiste russe Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936, Prix Nobel 1904) découvrit que
les réflexes ou les réponses instinctives de l'animal à une stimulation externe étaient loin de rendre
compte à eux seuls de son adaptation au milieu extérieur.
Ses premières expériences portèrent sur l'étude des différentes phases réflexes de l'assimilation
alimentaire chez le chien.
Le réflexe inné de la salivation
Pavlov avait établi que la salive et les sucs gastriques sont sécrétés dès que les papilles gustatives sont
stimulées par un aliment. Au tout premier contact de l'aliment considéré avec les papilles gustatives,
celles-ci transmettent l'excitation aux centres encéphaliques, ce qui provoque une cascade de
sécrétions (salive) indispensables à la constitution du bol alimentaire; celui-ci, parvenu dans l'estomac,
détermine les sécrétions de sucs gastriques.
En même temps, d'autres récepteurs, totalement neutres du point de vue alimentaire, vont être
stimulés, notamment ceux de la vision et éventuellement ceux de l'olfaction ou du tact. Dès lors, la
salivation peut se produire à la simple vue, à la seule odeur ou à l'unique toucher de l'aliment.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
44
Le réflexe conditionnel
Simultanément à la stimulation du récepteur spécifique d'une réaction innée donnée (stimulus absolu) est
associée la stimulation d'un récepteur sensoriel n'ayant aucune influence sur la réaction considéré (stimulus
neutre). Quand cette association se répète un certain nombre de fois, il s'établit un conditionnement.
Dès lors le stimulus neutre devient un stimulus conditionnel des réactions considérées : il les déclenche seul avec
des résultats presque équivalents à ceux qui sont déterminés par le stimulus absolu.
De la viande placée dans la gueule d'un chien provoque la salivation. La simple odeur de la viande, voire un
excitant neutre comme une sonnerie ou une lumière, pourvu qu'il ait été régulièrement associé à la présentation
de l'aliment, provoquera la même réponse.
Exemple détaillé :
Si l'on place de la poudre de viande ou quelques gouttes de solution acidulée sur la langue d'un chien,
celui-ci salivera : c'est la réponse automatique et innée à un stimulus. Elle se produit chez tous les
chiens, même privés de leurs hémisphères cérébraux.
Les battements d'un métronome (ou une sonnerie, ou le tintement d'une cloche) sont déclenchés
quelques secondes avant qu'une goutte de solution acidulée soit déposée sur la langue du chien. Il y a
immédiatement sécrétion salivaire.
Répétons plusieurs fois l'association entre le signal sonore, habituellement sans action sur la sécrétion
salivaire bien que l'organisme le perçoive (stimulus neutre), et la solution acidulée (stimulus absolu).
Après plusieurs essais (de 5 à 10), l'émission du signal sonore suffit pour déclencher la sécrétion
salivaire. Le bruit du métronome, par exemple, initialement neutre vis-à-vis de la sécrétion salivaire, a
constitué une condition de la réalisation de la réponse sécrétoire. Au cours du conditionnement, il est
devenu capable de déclencher, à lui seul, la sécrétion salivaire.
Le signal sonore est alors appelé stimulus conditionnel et la réponse comportementale obtenue est un
réflexe conditionnel.
EXPERIENCES
RESULTATS
1° Il fait entendre le son du métronome
Le chien devient attentif.
2° Il fait entendre le son du métronome, puis il
donne quelques secondes plus tard un aliment
inconnu que le chien met en bouche
Le chien devient attentif et il se met à
saliver
3° Il répète l’expérience une dizaine de fois
Le chien salive chaque fois.
4° Il fait entendre le son du métronome mais cette
Le chien salive.
fois il ne donne plus de viande
5° Il refait cinq fois la même expérience qu’en 4° Le chien salive.
6° Il refait dix fois la même expérience qu’en 4°
Le chien ne salive plus.
7° Il recommence les expériences 1°, 2° 3° et 4°
cette fois en allumant une lampe,
Les résultats sont identiques.
Le conditionnement classique (pavlovien) existe dans toute la série animale, depuis les vers (par exemple les
planaires qui se rétractent sous l'effet d'un choc électrique) jusqu'à l'homme.
Modalités de mise en place du conditionnement
Le stimulus conditionnel doit être absolument proactif, c'est-à-dire que le conditionnement ne s'installe que si le
stimulus conditionnel précède le stimulus absolu (avec un écart de 30 secondes à 3 minutes)
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
45
Le son émis par le métronome, stimulus neutre pour la sécrétion salivaire, n'est cependant pas totalement
indifférent pour l'animal. Celui-ci oriente la tête en direction de la source sonore. Mais, après plusieurs
répétitions, la réaction d'orientation disparaît par habituation et c'est alors que s'installe la réaction salivaire.
Si les battements du métronome sont émis plusieurs fois sans nouvelle association avec le stimulus absolu, la
sécrétion salivaire diminue rapidement d'importance puis disparaît.
Pour se maintenir, le réflexe conditionnel doit donc être entretenu par une association régulière des deux
stimuli.
Lorsque le réflexe est régulièrement entretenu, la reconnaissance du stimulus conditionnel s'affine par rapport à
des stimuli voisins; ainsi, l'animal est capable de réagir à un stimulus de fréquence ou d’intensité parfaitement
définie (nombre de battements du métronome par exemple) alors que les stimulations de fréquence ou d'intensité
très voisines, d'abord efficaces, deviennent neutres par rapport à la réponse réflexe.
Conclusion :
L'analyse des expériences de Pavlov permet d'affirmer qu'une voie nerveuse nouvelle est devenue
fonctionnelle entre le récepteur du stimulus conditionnel et l'effecteur (cellules sécrétrices de salive). Dans
ce cas précis, les hémisphères cérébraux interviennent dans l'établissement de cette nouvelle voie nerveuse.
Caractéristiques du conditionnement
Il est acquis, individuel et temporaire.
Non entretenu, il s'atténue et disparaît.
Il conduit chez l'animal à une réponse stéréotypée.
Il nécessite la création d'une nouvelle liaison nerveuse fonctionnelle entre organes récepteurs et
effecteurs intervenant dans la réponse conditionnée.
Lorsque les voies nouvelles sont devenues fonctionnelles, l'activité réflexe se déroule sans effort.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
46
En résumé :
La présentation d'un stimulus neutre (la cloche) n'entraîne aucune réponse salivaire chez le
chien (figure a).
Figure a : Présentation d'un stimulus neutre
Figure b : Présentation d’un stimulus inconditionnel
La présentation d'un stimulus inconditionnel ou inné (= la nourriture) entraîne une réponse salivaire
dite inconditionnelle ou innée chez le chien (figure b).
La présentation simultanée des deux stimuli (nourriture + bruit de la cloche) entraîne une réponse
dite inconditionnelle chez le chien (figure c).
Figure c : Présentation simultanée d'un stimulus
neutre et inconditionnel
Figure d : Présentation d’un stimulus conditionnel
Après avoir répété un certain nombre de fois la présentation simultanée des deux stimuli, on
constate que la présentation du stimulus neutre seule entraîne une réponse salivaire. On dit
alors que la réaction conditionnelle est établie: le stimulus initialement neutre est devenu un
stimulus conditionnel capable de provoquer une réaction salivaire qualifiée de réponse
conditionnelle (figure d).
Remarque : La présentation pendant une longue période du stimulus conditionnel seul entraîne la disparition de
réponse (phénomène d’extinction)
6.6.3 CONDITIONNEMENT OPERANT OU PAR ESSAIS ET ERREURS
Dans le conditionnement classique l'animal est passif, dans le conditionnement opérant l'animal doit
apprendre une tâche ou résoudre un problème par essais et erreurs.
Le conditionnement opérant, aussi appelé apprentissage par essais et erreurs, est donc une autre
forme d'apprentissage associatif qui influe directement sur le comportement. C'est un apprentissage
qui résulte d'une action ou d'une réaction de type accidentel.
Dans le conditionnement opérant, l'animal apprend à associer l'un de ses propres comportements à une
récompense ou à une punition, puis il tend à répéter ou à éviter ce comportement.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
47
Le psychologue américain Skinner (XXe siècle) a mené l'expérience de laboratoire la plus connue sur
le conditionnement opérant. L'expérience consiste à placer un rat ou un autre animal dans une cage
(« boîte de Skinner ») où, en appuyant sur certains leviers, il obtient une ration de nourriture. Au
début, l'animal appuie sur les leviers au hasard, mais il a tôt fait d'apprendre lesquels fournissent de la
nourriture.
Le comportement ainsi observé n'a pas de relation avec un réflexe inné préalable; il n'est pas non plus
la réponse à une variation de facteurs de l'environnement: Après plusieurs répétitions, appuyer sur la
pédale devient un geste automatique dès que l'animal aperçoit celle-ci. Ce comportement se poursuit
un certain temps, même en l'absence de réponse.
Le dressage d'animaux de cirque, par exemple, qui consiste à récompenser un animal chaque fois
qu'il présente le comportement désiré, repose en grande partie sur le conditionnement opérant. Au bout
d'un certain temps, l'animal manifeste le comportement quand il en reçoit l'ordre, même s'il n'obtient
pas toujours la récompense.
Comme dans le conditionnement classique (Pavlov), une liaison nerveuse nouvelle est devenue
fonctionnelle entre un récepteur sensoriel (l'œil qui voit la pédale) et l'effecteur (les muscles moteurs
de la patte qui appuie sur la pédale).
Le conditionnement opérant est fort répandu dans la nature. Beaucoup d'animaux apprennent
rapidement à associer la consommation d'un aliment à une sensation gustative agréable ou
désagréable, et ils modifient leur comportement en conséquence.
Un exemple intéressant de conditionnement opérant fut observé en Angleterre au début des années
1950. Certaines mésanges apprirent à percer du bec le bouchon de papier des bouteilles de lait laissées
aux portes des maisons et à boire le lait.
Il semble qu'une mésange ait découvert que le fait de becqueter lui valait une récompense si elle le
faisait sur les bouteilles de lait.
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
48
Exception : apprentissages aversifs
Certains apprentissages ne répondent pas au schéma habituel du conditionnement opérant ou
pavlovien. Un exemple est l'aversion conditionnée chez le rat : si l'on associe une boisson sucrée avec
une irradiation aux rayons X, l'animal sera malade après quelques heures. Après avoir guéri, l'animal
va refuser de boire à nouveau cette boisson, même après un seul essai (apprentissage à essai unique).
Ce n'est pas un simple conditionnement pavlovien car il y a un très long délai entre le stimulus
conditionnel et les manifestations du stimulus inconditionnel.
On observe le même phénomène pour les appâts empoisonnés chez le rat où l'animal goûteur se
méfiera toujours de l'appât, et transmettra même sa réticence aux autres.
6.7 LA COMPREHENSION SOUDAINE (INSIGHT)
Wolfgang Köhler (1887-1967) est un psychologue allemand qui fonda avec deux collègues l'école de
la Gestalt. Sa théorie de l'apprentissage par insight l'amènera à s'engager dans un débat épistolaire avec
le célèbre physiologiste russe Pavlov qui prétendait que le comportement des singes qui découvraient
subitement la réponse à un problème (base de la théorie de l'insight de Köhler) n'était qu'une forme
d'apprentissage par essai et erreurs dont certains aspects n'étaient pas observables.
Cette divergence de point de vue entre Pavlov et Köhler servira à illustrer le fait que la psychologie de
la Gestalt accordait beaucoup de place à l'existence de mécanismes innés, ce qui la mettait en conflit
direct avec les croyances du modèle dominant en Amérique, le béhaviorisme de Pavlov et Watson.
La perception est plus importante que l'apprentissage pour les théoriciens de la gestalt de l'Allemagne,
alors qu'en Amérique, c'est le contraire. L'insight est un mode intelligent d'apprentissage.
La compréhension soudaine (sans essais, ni erreurs) est la capacité d'exécuter un nouveau
comportement de manière adéquate dès le premier essai.
Ce comportement suppose l'établissement d'une représentation mentale plus complexe qu'un simple
établissement d'habitudes.
Si un chimpanzé se trouve dans une cage contenant des boîtes et une banane suspendue hors de sa
portée, il "réfléchit" à la situation et finit par empiler les boîtes pour atteindre la nourriture. De même
il pourra enfiler des baguettes pour aller chercher des fruits hors de la cage.
Les différentes étapes par lesquelles le singe doit passer sont observées et notées :
•
•
•
le tâtonnement
la phase de réflexion
la vision instantanée de la
solution.
La compréhension soudaine s'observe
surtout chez les mammifères et
particulièrement chez les primates mais,
d'une situation ou d'une espèce à l'autre,
son degré varie considérablement. La
majorité des animaux semble donc
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
49
pratiquement incapable de compréhension soudaine.
Ce phénomène existe chez certaines personnes qui ont une compréhension éclair du nombre
d'allumettes renversées sur un tapis, du nombre de mots prononcés dans une pièce de théâtre, qui
mémorisent tous les détails de la façade d'une maison vue quelques heures auparavant ou un jeu de
cartes entier, mais sont incapables de dire bonjour à bon escient.
6.8 APPRENDRE À UTILISER DES OUTILS
Certains animaux savent se servir d'outils rudimentaires. Mammifères, oiseaux, insectes, poisson,
arthropodes, gastéropodes y recourent. Il n'y a guère que les reptiles chez lesquels ces pratiques sont
inexistantes ou presque.
Prenons l'exemple du percnoptère d'Egypte. C'est un
oiseau pas plus gros qu'un poulet. Il utilise une
technique ingénieuse pour déguster le contenu d'un
œuf. Si l'œuf est assez petit, il le prend dans son bec
et le brise en le laissant tomber sur une pierre qui,
pour l'occasion, lui sert d'enclume. Si l'œuf est trop
gros, il s'arme d'un caillou, pesant en moyenne 100
g, se dresse au dessus de l'œuf et laisse tomber sa
pierre sur l'épaisse coquille jusqu'à ce qu'elle se
brise.
Notons que seuls quelques groupes isolés appliquent cette technique. Elle ne semble donc pas relever
de l'instinct, mais bien d'un phénomène d'imitation, une compétence acquise.
La loutre utilise elle aussi des outils rudimentaires. Pour briser la carapace des crustacés ou ouvrir les
coquillages qu'elle pêche, elle choisit soigneusement une pierre plate qu'elle pose sur son ventre en
nageant sur le dos. Il ne lui reste plus qu'à frapper des proies contre cette enclume et à en déguster le
contenu.
Le pinson des Galápagos s'aide d'une brindille pour traquer les larves dissimulées sous l'écorce des
arbres. Soit il excite l'insecte pour le tirer de son trou, soit il empale la proie immobile, soit il
aiguillonne une victime particulièrement remuante ou récalcitrante. L'oiseau, qui prend alors son outil
dans l'une de ses pattes gobe aussitôt l'insecte tiré de sa cachette.
Le chimpanzé sonde les termitières avec une
petite branche en guise de canne à pêche, qu'il
remonte couverte d'insectes dont il se régalera
d'un coup de langue. Il ébarbe sa "gaule". Les
chimpanzés vont casser les branches, ils vont
retirer les feuilles en s'aidant de leurs lèvres.
Certains animaux ne se contentent donc pas
d'utiliser des outils, mais les fabriquent euxmêmes en fonction de leurs besoins.
La pêche aux termites comme la pêche aux
fourmis ne constituent pas des activités que le
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
50
chimpanzé effectue « instinctivement ». Un apprentissage est requis, ainsi qu'une certaine maturation
du système nerveux.
En 1970 Jane Goodall décrit l'apprentissage
de la pêche aux termites chez les chimpanzés
sauvages de Gombe. Avant deux ans, le jeune
joue parfois avec des outils, mais il ne les
utilise jamais pour attraper les termites. Il ne
commence à le faire qu'à partir de deux ou
trois ans. A ce moment-là, les outils se
révèlent rarement adéquats. Les bâtons
utilisés sont trop courts, trop épais… La
technique employée est par ailleurs
maladroite. Les jeunes chimpanzés doivent
attendre d'avoir quatre ans pour devenir
efficaces, mais leurs outils restent plus courts
que ceux des adultes. Sur un autre site, un
jeune chimpanzé a été suivi par deux autres
scientifiques. Jusqu'à un an et 5 mois il n'a jamais été en contact avec des outils préfabriqués par sa
mère ou par un autre chimpanzé. Il a 32 mois lorsqu'il utilise pour la première fois un outil. Il met 7
minutes pour le fabriquer et attrape alors un ou deux termites par tentatives. Il se perfectionne ensuite
peu à peu.
Beaucoup de comportements ayant recours aux outils ne sont observés que sur certains sites, comme
au Sénégal, où des chimpanzés sauvages utilisent des protections pour se protéger les pieds et le corps
quand ils cueillent des fruits sur des arbres épineux. Ceci prouve bien que ces comportements ne sont
pas innés.
Textes complémentaires :
Système D chez le chimpanzé
Victime des mauvais traitements d'un propriétaire peu scrupuleux, édentée, puis
abandonnée au zoo de Madrid, Linda avait bien du mal à se nourrir. Sept mois après son
arrivée, pour contourner son handicap, ce chimpanzé femelle de 5 ans a inventé son propre
presse-purée en écrasant pommes ou oranges contre un mur pour en récupérer la bouillie
et le jus... Très vite, les autres chimpanzés se sont mis à l'imiter, excepté le couple
dominant. Aujourd'hui la quasi-totalité du groupe reproduit ce comportement qui
représente plus un divertissement dans la vie captive des singes qu'un réel besoin. Et cette
attitude est récurrente chez les deux générations suivantes. Samuel Fernandez-Carriba,
primatologue à l'université de Madrid, qualifie cette adaptation de « rite culturellement
transmis ». De tels cas de transmission de savoir existent dans la nature, notamment parmi
les chimpanzés qui utilisent des brindilles pour piéger les termites ou ceux qui cassent des
noix au moyen de pierres. En tout, 39 comportements différents ont été identifiés dans
quelques groupes vivant en Afrique. Cependant, aucune transformation de nourriture n'a
été observée jusqu'ici chez des singes vivant en liberté. (Sciences et Avenir octobre 2000)
La violence serait un comportement acquis ?
La violence n’est pas un réflexe inné, mais plutôt un comportement acquis, estime Robert
H. Durant, de l’Université Wake Forest, aux États-Unis. Selon le chercheur, qui publie ses
résultats dans le Journal of Pediatrics, il existe un rapport très étroit entre l’exposition des
jeunes adolescents à des actes violents et la tentation d’avoir soi-même recours à la
APPRENTISSAGE ET COMPORTEMENT
violence. Ce rapport est plus marqué que celui existant avec d’autres facteurs de risque,
comme la toxicomanie ou l’appartenance à un gang de rue.
L’étude a été conduite auprès de 722 jeunes de 11 et 12 ans habitant à Augusta, en
Géorgie. La majorité d’entre eux étaient de race noire et habitaient dans des logements
subventionnés. Ils ont été soumis à un questionnaire portant sur la violence dont ils avaient
été témoins et celle dont ils étaient les auteurs. Les actes violents retenus : avoir participé à
un combat ayant mené l’un des protagonistes chez le médecin, avoir attaqué quelqu’un
avec une arme, avoir utilisé une arme pour extorquer de l’argent ou des biens, avoir
transporté un couteau ou une arme à feu.
Seulement 1,4% des répondants n’avaient été ni témoins, ni victimes de violence dans les
derniers trois mois. La majorité, 54,1%, avaient été témoins ou victimes d’actes violents.
Les autres étaient des agresseurs ayant commis un ou deux actes de violence (24,5%), de
trois à six actes (12%) ou plus de sept actes (5%). En tout, 30% des répondants avaient
porté une arme blanche au moins une fois au cours des derniers mois. Les réponses
suggéraient que les jeunes apprenaient la violence au contact de leurs pairs.
Le chercheur a tenté de déterminer quelles étaient les variables permettant de déterminer
avec le plus de certitude les chances qu’un individu donné soit violent. L’usage de
drogues, l’appartenance à un gang de rue, la cigarette, le sexe masculin et les symptômes
de dépressions montraient tous un certain degré de corrélation avec la violence, mais la
plus forte corrélation demeurait
l’exposition à la violence elle-même. Certains
comportements, comme la pratique religieuse, atténuaient au contraire le risque.
(Philippe Gauthier http://www.cybersciences.com/cyber/3.0/3_0.asp)
51
7. COMPORTEMENT SOCIAL
7.1 INTRODUCTION
En termes généraux, le comportement social se définit comme l'ensemble des rapports
qu'entretiennent deux animaux ou plus, habituellement de la même espèce.
Puisque les membres d'une population occupent la même niche écologique, les risques de conflit sont
élevés, particulièrement au sein des espèces dont la densité se maintient normalement près de la
capacité limite du milieu.
7.2 FONCTIONS DE LA SOCIALITE
7.2.1 DEFENSE CONTRE LES PREDATEURS
Vivre en groupe pour un individu apporte des avantages pour la défense contre les prédateurs.
1. Pour de nombreux prédateurs, le succès dépend de la surprise. Si la victime potentielle est
alertée, la chance de succès du prédateur diminue largement. L'augmentation du nombre de
sujets attentifs, accroît d'autant les chances de détection du chasseur par les proies, permettant
une observation de tous les côtés à la fois ainsi qu'une identification plus précoce et à plus
grande distance.
Ceci a été vérifié chez les vautours qui chassent les pigeons : les rapaces ont d'autant moins de
succès dans leurs captures que les groupes de pigeons sont importants. Ceci est principalement
dû au fait que les proies s'envolent beaucoup plus tôt, lorsque le chasseur est encore assez
éloigné. Si chacun des pigeons regarde occasionnellement le ciel, plus la bande à laquelle il
appartient est grande, plus la probabilité de détection est accrue.
2. Un autre avantage de la vie en groupe pour la défense contre les prédateurs est de diluer la
prédation. L'exemple classique est celui des étourneaux pourchassés par un épervier. La
formation serrée décourage l'attaquant, car celui-ci risque de se blesser s'il heurte une proie en
essayant de pénétrer dans le groupe. En outre, il est plus difficile de suivre un individu donné
dans un groupe qui se déplace rapidement. Un autre exemple est celui des chevaux de
Camargue. Durant l'été, au moment des attaques importantes de taon, le nombre de mouches
par animal est moindre lorsqu’elles sont réparties, diluées, entre un nombre plus élevés de
cibles.
Dans un groupe, il y a des sujets qui se tiennent plus au centre que d'autres. Pour ceux-là, la probabilité
d'être capturé est beaucoup plus faible que ceux qui sont à la périphérie. C'est une des explications, par
exemple, de la présence de jeunes isards (chamois) au milieu des groupes d'adultes.
COMPORTEMENT SOCIAL
53
Les comportements anti-prédateurs des animaux sociaux sont divers.
Les gnous, par exemple, se regroupent face à la hyène et éventuellement la poursuivent. Ensuite, ils
peuvent émettre des grognements qui alertent tout le troupeau. Finalement le gnou peut échapper aux
hyènes par la course, en joignant un autre troupeau ou en passant d'un territoire de prédateur à un
autre.
Les antilopes de savane, en milieu ouvert, s'immobilisent totalement, puis si le danger se précise fuient
rapidement. Ceci s'accompagne de petits cris d'alarme et de sauts les quatre pattes tendues. Lorsque
l'attaque est déclenchée, les antilopes sautent dans toutes les directions, générant la confusion pour le
prédateur.
Les bœufs musqués, lorsqu'ils sont attaqués par des loups, forment un cercle à l'intérieur duquel les
jeunes prennent place. Pour les loups, il est très difficile de forcer la barrière des grosses têtes et des
cornes massives des adultes.
En contrepartie, un grand groupe est beaucoup plus facilement détectable pour le prédateur qu'une
unité plus petite ou un sujet isolé. Le bénéfice net reste tout de même en faveur de l'association, car un
groupe se défendra toujours mieux contre un prédateur qu'un individu isolé.
7.2.2 COLLECTE DE NOURRITURE
Dans le cas d'une nourriture distribuée de façon hétérogène, la découverte d'un site riche par l'un des
membres du groupe favorise l'arrivée d'autres individus. Certains sujets, qui n'ont pas réussi par euxmêmes à découvrir de la nourriture, attendent parfois que leurs congénères signalent quelque chose
pour se précipiter et en profiter. La vie en groupe améliore donc globalement la découverte des zones
riches en nourriture. Par ailleurs, manger en groupe diminue les risques de prédation, pour les
herbivores, par exemple.
Chez le moineau domestique, la découverte d'une source de nourriture par un oiseau s'accompagne
d'un cri particulier qui a pour fonction de faire venir ses congénères du même groupe. On pourrait
penser que ce n'est pas un avantage, en raison de l'accroissement de la compétition, mais en même
temps grâce à ce regroupement, l'oiseau se donne les moyens de consacrer plus de temps à la collecte
des graines et moins à la surveillance. En plus, si chaque moineau du groupe fait la même chose, c'est
un investissement avec une réciprocité possible, qui fait que lorsque ce sera un congénère qui
découvrira la source, il appellera de la même manière. Le bénéfice global est certainement plus grand
qu'une action solitaire.
La chasse collective est un autre exemple qui prouve qu'il est plus avantageux de vivre en groupe. Les
hyènes tachetées qui chassent des proies plus grandes qu'elles comme des zèbres, des buffles ou des
gnous doivent les poursuivre en groupe pour pouvoir les tuer. Elles isolent d'abord la proie, la
poursuivent, la mordent au cou et à la tête et la dépècent souvent vivante.
7.2.3 COOPERATION POUR L'ELEVAGE DES DESCENDANTS
On peut observer une coopération des deux parents pour les soins aux jeunes pratiquement dans tous
les groupes. C'est souvent la fonction principale de la mère, chez la plupart des mammifères, puisque
c'est elle qui fournit habituellement alimentation, confort et protection. Mais chez les primates, par
exemple, les deux parents peuvent protéger le jeune. Chez les carnivores, les deux parents collaborent
COMPORTEMENT SOCIAL
54
à l'alimentation des jeunes. Les souris, mâles et femelles, ont un comportement dit maternel et
participent aux soins aux jeunes, les ramenant dans le nid lorsqu'ils se sont égarés.
Chez de nombreux oiseaux, les deux parents peuvent être impliqués dans la couvaison, en alternance.
Chaque parent qui ne couve pas peut alimenter celui qui couve. Parfois, c'est la femelle qui incube les
œufs alors que le mâle nourrit sa partenaire pendant cette période. Les deux parents participent ensuite
au nourrissage des jeunes.
Mais la coopération pour l'élevage et la protection des descendants peut se faire aussi au niveau de
l'ensemble du groupe. Chez l'isard, au printemps, peu après les mises bas, on rencontre souvent des
crèches (nurseries), constituées d'un grand nombre de femelles et de jeunes chevreaux. Chez le
sanglier, le nourrissage des jeunes peut être fait en commun, ce qui rend d'ailleurs l'adoption beaucoup
plus facile. Chez les manchots, les petits qui vivent en communauté dans des crèches sont élevés
collectivement, tandis que chez le manchot empereur, ce sont les œufs qui font l'objet de soins
collectifs.
7.3 AFFRONTEMENT ET COMBAT
L'agression est en rapport avec de nombreux comportements sociaux : reproduction, lutte territoriale,
recherche de nourriture.
Les affrontements prennent rarement la forme de combats réels. Il s'agit souvent de comportements
ritualisés menaçants (avec une tendance au combat) ou imposants (sans tendance au combat, destinés
à intimider le rival). Le rituel est un ensemble de gestes symboliques, et les opposants s'en sortent le
plus souvent sans trop de mal. Le plus souvent le vrai combat est donc évité car les protagonistes
savent très bien apprécier les différences de taille, de sexe, d’âge et en déduire l’issue probable d’une
confrontation violente.
La plupart des animaux intimident et menacent avant de se battre. Le rapport de force est ainsi clarifié
et les animaux les plus faibles se retirent. Les opposants se menacent par des postures et des
vocalisations qui les font paraître redoutables. Au bout d'un certain temps, l'un des adversaires adopte
une attitude d'apaisement ou une posture de soumission et se rend. Le combat n'a lieu que si des
animaux de même force et de même motivation s'affrontent.
Pour manifester leur agressivité, les chiens et les loups par exemple montrent les dents, lèvent les
oreilles et la queue, se hérissent, se tiennent sur les pattes postérieures et regardent leurs adversaires
dans les yeux; toutes ses actions les font paraître gros et féroces. L'animal qui capitule lisse sa
fourrure, baisse la queue et détourne les yeux ; cette attitude d'apaisement clôt la confrontation. Le
vaincu s'enfuit, la tête baissée et la queue entre les jambes. Ces attitudes de soumission signifient
l'arrêt du combat pour le vainqueur.
Ce comportement profite autant au vainqueur qu'au perdant. Le plus faible est ainsi ni sérieusement
blessé, ni tué. Le vainqueur économise ses forces et évite d'être blessé par un adversaire qui
combattrait pour sa survie jusqu'à ses dernières forces.
Cette modalité de résolution des combats est très importante dans la vie d’une société car elle conduit
à des formes de comportements relativement pacifiques, et donc à une coexistence sociale en
définitive assez calme.
COMPORTEMENT SOCIAL
55
Le comportement d'agression vis à vis des individus de la même espèce n'est pas le même que le
combat mené contre les animaux d'une autre espèce. Les serpents venimeux, par exemple, n'utilisent
jamais leurs crochets à venin contre leurs congénères mais les utilisent tout de suite pour se défendre
contre leurs ennemis.
Il existe quand même, chez certaines espèces, des combats à blessure. Dans la nature, ils ne causent
que rarement les blessures mortelles parce qu'il existe presque toujours des possibilités de fuite.
7.4 HIERARCHIE SOCIALE
Les rapports de dominance et de hiérarchie, contribuent, pour l’essentiel, à la constitution de
l’organisation et des structures des sociétés. Au sein d’un groupe, les mécanismes de dominance entre
individus régissent la vie sociale et créent des hiérarchies.
Il s'établit une hiérarchie chez de nombreuses espèces animales qui vivent en société, par exemple les
singes, les loups, les poules ou les choucas.
Elle apparaît souvent dans un groupe préalablement homogène par l'établissement de relations de
dominance. Il s'agit en général d'une hiérarchie linéaire, avec un chef.
Quand deux membres adultes d’une même espèce se rencontrent, ils se comportent conformément à
leur statut dans le groupe et à la hiérarchie qui s’est préalablement établie entre chacun d’eux et le
groupe. Si cette rencontre est la première et s’ils sont étrangers l’un à l’autre, ils entrent souvent en
compétition qui s’exprime par un affrontement rituel, caractéristique de l’espèce.
Un animal de rang élevé est souvent agressif envers les animaux de rangs voisins; il intervient dans les
différends au bénéfice de l'animal de rang inférieur. Ceci empêche que les animaux de rang inférieur
soient excessivement opprimés.
L'importance du sexe dans la hiérarchie est variable. Les mâles et les femelles peuvent être réunis ou
séparés dans la hiérarchie.
La force physique est nécessaire pour atteindre un rang élevé et le garder. Mais cela ne suffit pas
toujours. En plus de cette force physique, le dominant doit aussi avoir d'autres capacités, comme
l'initiative, l'ambition, l'aptitude au contact, la capacité de s'imposer, l'implication au sein du groupe.
COMPORTEMENT SOCIAL
56
Les critères les plus importants dans l’établissement d’une hiérarchie sont donc :
• le degré de combativité : les individus les plus agressifs occupent les premiers rangs.
• l’émotivité : un individu craintif sera rapidement effrayé, perdant ainsi ses capacités de
résistance et d’affirmation. En fonction de leur comportement émotif, certains animaux
peuvent se montrer plus persévérants, plus effrontés ou plus habiles après un coup reçu de
leurs concurrents.
• la force physique (taille, poids…), l’état de santé
• l’ancienneté
• l’expérience, qui dépend du passé de l’animal (ruse, agilité, initiative…)
• les affinités : un couple aura toujours le rang social attribué au plus fort des deux individus
qui le composent.
Des poussins élevés en couveuse, qui n’ont donc jamais vu d’adultes de leur espèce, se battent dès la
septième semaine et établissent vite une hiérarchie. Le comportement d’établissement des
dominances est donc inné. Mais si la tendance est bien innée, l’expérience individuelle, sorte
d’apprentissage social, est indispensable pour en apprendre les modalités.
Les animaux dominants ont bien sûr des avantages, des privilèges :
• Ils sont reconnus et même respectés par tous les membres du groupe.
• Ce sont eux qui prennent les décisions.
• La plupart du temps, ils mangent et boivent avant les autres et ils occupent les meilleures
places.
• Ils ont plus de descendants que les animaux de rang inférieur, ils ont souvent même un
monopole sur la reproduction (exemples : loups, dindons sauvages).
Mais ils ont aussi des obligations, des devoirs envers le groupe. Ils doivent protéger, défendre le
groupe, ils doivent fournir des efforts et dépenser de l'énergie lors des combats pour le maintien du
rang.
7.4.1 LES LOUPS
Il vit au sein d'un groupe d'individus appelé meute (jusqu'à 15 individus) au sein de laquelle règne une
hiérarchie stricte. Deux échelles hiérarchiques se côtoient dans une meute : l'une pour les mâles, l'autre
pour les femelles.
Le sommet de la hiérarchie est occupé par un couple dominant, appelé couple alpha. Le couple alpha
est généralement le couple fondateur de la meute, sur un espace vide de loups : le territoire. Le couple
est le plus souvent fidèle. C'est lui qui prend l'initiative des départs en chasse, des déplacements et du
marquage du territoire. Le mâle et la femelle alpha sont la plupart du temps les seuls à s'accoupler au
sein de la meute. La dominance du couple alpha n'est pas définie une fois pour toute, mais peut être
remise en cause, ce qui peut donner lieu à des violents affrontements.
Le mâle alpha conduit la meute, dirigeants surtout ses déplacements. Même de loin, il est facile à
distinguer dans ses postures : il se déplace la queue raide et à l’horizontale. C’est aussi l’alpha qui
sépare les combattants et réduit l’agressivité entre membres de la meute. Il est le premier à se nourrir
d’une proie après la chasse ; les autres viennent ensuite se servir.
COMPORTEMENT SOCIAL
57
Sous le couple alpha se trouve la classe des subdominants, qui regroupe les individus adultes non
reproducteurs qui participent aux différentes activités de la meute (chasse, élevage des louveteaux…).
Enfin, au bas de la hiérarchie se trouvent les jeunes : ceux de l'année en cours et ceux de l'année
précédente.
Ce type d'organisation favorise la survie du groupe : elle facilite la chasse et améliore les chances de
survie des louveteaux (leur prise en charge est assurée par tous les membres du groupe).
Agés de 2 ans et plus, les loups doivent s'imposer dans la meute en se faisant une place au sein de la
hiérarchie établie. Cela est plus particulièrement vrai à chaque nouvelle saison de reproduction,
puisque, généralement, seuls les dominants ont le droit de s'accoupler. Le comportement du loup est
lié à sa position dans la hiérarchie: soumis quand il est en bas, insouciant quand il n'a pas l'ambition de
grimper, sûr de lui quand il domine. Cependant, quand il n'arrive pas à trouver sa place, il peut quitter
la meute afin d'en fonder une nouvelle sur un nouveau territoire, quand il aura rencontré une partenaire
: c'est le fameux « loup solitaire ».
La structure sociale stricte d'une meute impose une communication très forte entre chaque membre.
Régulièrement, des comportements d'intimidation de la part des dominants et de soumission de la part
des dominés limitent les risques d'apparition de conflits. Cela assure une entende mutuelle
indispensable à la cohésion du groupe.
COMPORTEMENT SOCIAL
58
7.4.2 LES SINGES : LES MACAQUES RHESUS
Depuis fort longtemps on a observé qu’un singe exerce sa dominance sur n’importe quel étranger
introduit après lui dans la cage où il vit, cage qu’il considère comme la sienne.
Les macaques rhésus firent l’objet des premiers travaux éthologiques. En 1964, Bernstein avait montré
que, chez ces animaux, la dominance pouvait s’installer de manière durable. Ainsi, lorsqu’il retirait le
mâle dominant de son groupe et l’en tenait éloigné pendant un mois, les autres mâles prenaient sa
place, occupant les positions les plus élevées. Mais, à son retour, il reprenait sa position privilégiée
initiale. Cependant, il devait, pour la maintenir, déployer de plus grands efforts. Parallèlement, ses
concurrents reprenaient leur ancienne place et leur activité sociale diminuait. Les relations sociales se
maintiennent même après des séparations de plusieurs mois.
Les mâles sont organisés en une hiérarchie linéaire. C’est l’animal alpha qui domine lors des
rencontres agressives et qui détermine aussi les activités de la troupe et la direction des déplacements.
Il doit aussi faire régner la discipline, puisqu’il intervient pour mettre un terme aux combats dans son
groupe. Souvent, il guette les ennemis et protège le groupe en cas d’attaque (mais pas toujours).
Les rapports de dominance-subordination des jeunes macaques rhésus sont très influencés par le rang
de leur mère. Les mères interfèrent dans les disputes. Dans de nombreux cas, les petits,
essentiellement les femelles, prennent rang derrière leur mère. L’ordre hiérarchique entre les filles est
curieusement inverse de celui de l’âge, les plus jeunes venant immédiatement après la mère. Les fils
prennent rang après les filles.
Le poids des animaux joue toujours un grand rôle dans la hiérarchie. Plus l’individu est lourd, plus il
occupe un rang élevé. Mais bien d’autres facteurs interviennent, tels la taille, le sexe, le statut
hormonal, la période de reproduction, etc. Chez certains singes, la hiérarchie se rencontre uniquement
chez les mâles, en période de reproduction.
La hiérarchie d’un groupe est souvent peu détectable par un observateur extérieur parce qu’elle est si
bien établie que seuls quelques gestes discrets ou des postures suffisent à l’exprimer. Chez les
macaques rhésus on a d’abord cru que la hiérarchie existait uniquement chez les mâles, par la suite, on
a découvert que non seulement elle existait chez les femelles, mais qu’elle y était même plus stable.
A l’intérieur d’un même groupe, la formation de coalitions n’est pas rare. Il est assez fréquent de voir
deux macaques rhésus s’associer pour tenter d’en détrôner un troisième, de rang supérieur. Il arrive
même qu’un animal du bas de la hiérarchie appelle un supérieur à la rescousse.
7.4.3 LES BOVIDES
Quand le bétail est parqué en groupe, il s’établit une hiérarchie stable. La concurrence vitale est ici
faible donc la hiérarchie sera stable car ces animaux n’ont guère à lutter pour vivre. Des attitudes
simples - mouvements de la tête ou postures de menace - suffisent à maintenir l’échelle sociale au sein
d’un groupe de vaches.
Ici encore, les toutes premières rencontres sont déterminantes. Quelques dix minutes suffisent pour
que s’établisse le statut hiérarchique de la majorité des individus, et dans un laps de temps d’une heure
au maximum tout le troupeau se structure.
COMPORTEMENT SOCIAL
59
La hiérarchie sociale se maintient au moyen de signaux visuels : une vache situe ainsi immédiatement
son rang social par rapport à celui de ses voisines.
Quand les troupeaux comprennent à la fois des mâles et des femelles, il existe plusieurs ordres de
dominance : l’un parmi les mâles, l’autre parmi les femelles, et un troisième parmi les jeunes. Tous les
mâles dominent toutes les femelles, et celles-ci dominent tous les jeunes. Mais, vers l’âge d’un an et
demi, les jeunes mâles commencent à se battre entre eux et avec les femelles adultes. Vers deux ans et
demi, ils arrivent à les dominer toutes. À ce moment, ils rejoignent la hiérarchie des mâles adultes.
La position dans l’échelle sociale semble s’établir en fonction du poids, de la taille et de la force, mais
aussi de l’agilité. L’ancienneté d’une vache dans un groupe serait également souvent à l’origine d’une
place élevée dans la hiérarchie.
7.4.4 LES POULES
La hiérarchie du poulailler est fondée sur le becquetage (nombre de coups de bec donnés et reçus). En
effet, lorsqu’on place dans un enclos des poussins qui ne se connaissent pas, des combats se
déclenchent aussitôt, et chaque volatile attaque ses voisins dès qu’il les rencontre. Le gagnant de
chaque rencontre établit ainsi sa dominance sur le vaincu. À chaque nouvelle rencontre, le poulet
dominant pourra se permettre de donner un coup de bec à l’autre, sans risquer d’en recevoir un à son
tour. En général, le poulet vaincu cherche d’ailleurs à éviter toute rencontre et se soumet à l’animal
dominant. Parfois plusieurs rencontres sont nécessaires pour que cette dominance se décide
définitivement. Une fois établie, elle persiste longtemps.
On désigne l’animal dominant sous le nom d’alpha (A), le second est bêta (B), puis gamma (C). Au
bas de la hiérarchie, se trouve l’animal oméga. Celui-ci ne mange que lorsque tout le monde est repu.
Il a beaucoup de difficulté à s’accoupler, car, le plus souvent, les femelles le refusent et il est
réprimandé par tous les oiseaux qui lui sont supérieurs dans la hiérarchie.
On a pu établir les règles suivantes :
•
•
•
•
•
•
Le coq peut becqueter toutes les poules (dominance du sexe).
La poule A peut becqueter la poule B, qui peut becqueter la poule C, etc.
La tension entre individus est d’autant plus grande que leurs rangs sociaux sont voisins.
Toute nouvelle arrivante est automatiquement placée au dernier rang social, d’où elle pourra
s’élever graduellement selon sa combativité.
La poule A n’est pas nécessairement la plus forte, mais la plus intelligente, la plus rusée, la
plus vive.
Si plusieurs coqs adultes arrivent dans le poulailler, il s’établit une hiérarchie entre eux,
indépendante de celles des poules (ces oiseaux ne forment pas de couple).
Le nombre de rangs dans la hiérarchie peut être très grand. Ce qui pose évidemment la question de
savoir comment chaque poulet peut reconnaître un si grand nombre de congénères. En effet, toute
hiérarchie animale dépend en grande partie de la capacité des animaux à se reconnaître entre eux.
De nombreuses observations suggèrent que la reconnaissance est basée avant tout sur l’aspect des
plumes de la tête. Ainsi, un oiseau de rang inférieur n’évite pas son supérieur tant que celui-ci n’a pas
levé la tête, peu visible autrement. Des modifications superficielles des plumes de la tête et du cou
provoquent de grands troubles : des poules qu’on a transformées deviennent méconnaissables pour
COMPORTEMENT SOCIAL
60
leurs compagnes. Elles sont alors attaquées comme s’il s’agissait d’étrangères. La crête est également
importante dans cette reconnaissance.
La mémoire est aussi un facteur limitant et donc déterminant dans la hiérarchie. Si l’on enlève des
poules appartenant à un groupe bien hiérarchisé, elles se souviennent de leurs anciennes compagnes
durant environ six semaines. Passé ce délai, elles les considèrent comme des étrangères.
La fréquence des rencontres entre les poulets au sein du groupe renforce naturellement cette mémoire,
et le nombre d’oiseaux en présence, autant que la taille de l’enclos où sont élevés les poulets,
influencent grandement le maintien des réactions de dominance.
7.5 TERRITORIALITE
La plupart des animaux demeurent attachés durant leur existence à des lieux particuliers, le plus
souvent ceux où ils sont nés et ont vécu leur jeune âge.
On définit le territoire comme la région habitée par un animal ou une société, défendue contre les
autres animaux ou groupe d'animaux, en particulier contre les congénères et, plus souvent contre ceux
du même sexe.
7.5.1 CARACTERISTIQUES
Elles englobent entre autres :
•
•
•
•
La taille du territoire qui varie selon les espèces (les couples de bruants chanteurs, par
exemple, occupent un territoire d'environ 3000m2, où ils accomplissent toutes leurs activités.
Certains oiseaux de mer, tels les fous de Bassan s'accouplent et nichent dans un territoire de 1
à 2 m2 environ et se nourrissent à l'extérieur) mais dépend aussi :
La quantité de nourriture nécessaire (donc de la taille de l'animal) : les lézards n'ont besoin
que de quelques m2, les ours de beaucoup de km2.
La nature de cette nourriture : les carnivores et les sténophages (ne tolérant que de faibles
variations dans la nourriture) par exemple les singes qui se nourrissent de fruits ont des
territoires plus étendus que les animaux à tendance omnivore ou que les herbivores.
La productivité du territoire : les lions qui vivent dans des savanes où le gibier est abondant
ont un territoire moins vaste que le tigre sibérien, par exemple.
La structure du territoire montre des différences selon les espèces. On y trouve :
•
•
•
le gîte où l'animal se sent le plus en sécurité, peut être un terrier (renard), un creux d'arbre
(chouette), un nid (oiseau), ou tout simplement un lieu fixe permettant un repos sans danger.
les endroits régulièrement fréquentés par l'animal sont en rapport avec des comportements
définis, en particulier ceux où ils consomment sa nourriture, ceux où ils déposent ses
excréments, ceux où il se repose et ceux qui sont le théâtre des activités reproductrices.
Les voies de déplacement d'importance variable, relient les points fixes : les obstacles en
conditionnent parfois le cours mais c'est plus souvent l'habitude de l'animal qui les détermine.
Même lorsqu'un animal fuit subitement, il le fait presque toujours sur une zone de passage
conventionnelle.
COMPORTEMENT SOCIAL
61
Les limites entre territoires ne sont pas des lignes, mais de larges franges. Leur évolution dépend de
l'état physiologique des deux voisins, bien qu'ils soient souvent marqués par des repères. L'agressivité
très forte à proximité du gîte, décroît au fur et à mesure que l'animal s'en éloigne. Grâce à ses
changements de motivation, les animaux forts ne s'approprient pas de territoire surdimensionné et les
plus faibles peuvent aussi en posséder un. Dans ce cas, il s'agit bien souvent d'un espace de qualité
inférieure. La limite est d'abord établie par des combats, puis elle est maintenue par des rituels
menaçants et imposants.
Le comportement qui consiste à poser des repères fixe assez strictement les limites et réduits les
combats. Il est répandu sous de nombreuses formes :
•
•
•
Marquages olfactifs chez de nombreux mammifères. Parmi les supports odorants, on a mis
en évidence les excréments (renard, rhinocéros, antilope, hippopotames…) et l'urine (chat,
chiens, lynx, guépard, souris...), mais également des sécrétions glandulaires : glandes sousmaxillaires (marmotte), glandes anales (lapin), glandes lacrymales (antilopes), glandes placées
sur le flanc (hamster), glande sous-caudale (blaireaux, fouines)
Cependant les substances odorantes ont tendance à s’évaporer ; les animaux doivent donc
procéder régulièrement à un remarquage. Chez les chevreuils, par exemple, les frontières sont
marquées quotidiennement, parfois même jusqu’à trois fois par jour.
Marquages optiques souvent associés aux précédents : l'ours brun, par exemple, marque les
arbres qu'il se réserve en les frottant de la tête et des épaules. Certains primates exhibent des
organes génitaux vivement colorés pour indiquer leur possession des lieux. Certaines antilopes
possèdent au moins trente modèles de marquages territorial visuel : exécuter des cabrioles, des
bonds, fouiller le sol avec ses cornes, frapper du pied, hocher la tête…
Marquages acoustiques : chez les oiseaux (chants), écureuils (cris), grenouilles
(coassements), sauterelles et grillons (stridulations), alligators (rugissements, beuglements),
lions (rugissements), singes (hurlements)…
7.5.2 FONCTIONS DU TERRITOIRE
La signification écologique de la territorialité réside essentiellement dans le fait que les individus d'une
espèce sont ainsi répartis avec régularité dans leur espace d'expansion, ce qui assure en même temps la
sécurité nécessaire au maintien et à la survie de l'espèce en lui procurant de la nourriture et l'espace.
Avec la territorialité on arrive rarement à une surpopulation ou au stress social qui lui est lié; de plus
les animaux évitent la surexploitation et la destruction des ressources à disposition.
La connaissance de son territoire offre à son possesseur de meilleures opportunités de fuite et de
cachette.
Les territoires des espèces identiques ne se chevauchent généralement pas; ceux des espèces rivales
s'entrecroisent souvent, ce qui ne représente aucun inconvénient quand ces espèces n'entrent pas en
concurrence (leurs niches écologiques étant différentes).
Texte : les animaux en captivité
Au jardin zoologique ou au cirque, la place disponible est souvent réduite et le territoire
ne peut prendre sa pleine superficie naturelle. Pourtant, l’une des fonctions du territoire
dans la nature, étant de fournir une alimentation suffisante, de ce point de vue, l’exiguïté
COMPORTEMENT SOCIAL
du territoire n’aura pas d’inconvénients puisque l’animal reçoit toute la nourriture
nécessaire sans avoir à s’en préoccuper.
Des espèces qui n’avaient aucun rapport entre elles, ou même ne se rencontraient jamais
dans la nature vont entrer en contact au cirque. Il s’en suit l’établissement d’une forme
nouvelle de territoire, inconnue dans la nature. En captivité, ce nouveau territoire fera
abstraction, au moins partiellement, de la différence d’espèces.
La cage, où vit l’animal, ou même celle dans laquelle on le transporte, représente son
territoire principal. La cage de dressage et une place particulière (tabouret…)
représenteront un territoire secondaire. C’est pourquoi, en général, l’animal ne fait pas
de difficulté pour réintégrer sa cage, son territoire, son « chez lui », le territoire
secondaire pouvant alors représenter une sorte de lieu de détente.
Pour le dompteur, la règle essentielle est d’être le chef incontesté du groupe, l’animal
alpha de la hiérarchie. Les meilleurs « numéros » de cirque, ceux qui paraissent les plus
périlleux, sont effectués avec les animaux du bas de la hiérarchie sociale. En effet, les
animaux oméga s’attachent plus facilement à l’homme. Certains de ces résultats seraient
impossibles à obtenir avec des individus dominants. Dominer l’animal ne signifie pas
s’imposer à lui par la simple force physique, qui, d’ailleurs, est souvent bien inférieure
chez l’homme, mais pénétrer véritablement dans sa hiérarchie sociale, à force de
maîtrise de soi, de calme et d’attitudes intimidantes, voire menaçantes.
La dominance du dompteur sur l’animal interfère avec la territorialité : un animal du bas
de la hiérarchie, mais se trouvant sur son territoire, peut se permettre plus d’incartades
qu’un animal haut placé dans la hiérarchie mais loin de son territoire.
Autre conséquence importante des phénomènes sociaux : les animaux en captivité ont
besoin de compagnons, en principe de la même espèce. Dans certains cas, ce besoin est
vital. Curieusement, cette nécessité de vie sociale peut paraître satisfaisante par la
cohabitation d’espèces différentes. On a remarqué que des rhinocéros récemment arrivés
dans leur cage ressentaient très durement leur solitude. On installa alors ces rhinocéros
avec des chèvres et l’expérience fut concluante : chèvres et rhinocéros étaient devenus
d’inséparables compagnons. Bien entendu on ne peut mélanger des espèces différentes
sans prendre certaines précautions, car il existe des incompatibilités manifestes.
Personne ne mettrait dans un même enclos un animal avec son prédateur naturel. Mais il
existe des exceptions. Chiens et chats sont proverbialement ennemis, mais des chiens et
des chats élevés ensemble dès leur plus jeune âge peuvent fort bien cohabiter à l’âge
adulte.
En revanche les conflits sont plus aigus en captivité, car l’animal vaincu ne peut s’enfuir
comme il le ferait en liberté.
Dans la nature, les systèmes sociaux d’espèces différentes fonctionnent tout à fait
séparément, ce qui n’est pas obligatoirement le cas en captivité. Il arrive ainsi que des
animaux d’espèces différentes se situent à des rangs différents d’une hiérarchie mixte. Si
on laisse dans un même enclos des animaux de basse-cour, on remarque que le canard
domine la poule, la poule, l’oie et celle-ci domine à son tour le canard.
62
COMPORTEMENT SOCIAL
63
7.6 STRUCTURES SOCIALES
Des animaux solitaires à une extrémité aux sociétés hautement organisées à l’autre extrémité, on
trouve chez les animaux tout l’éventail possible des rassemblements et de la socialité.
7.6.1 ETAT SOLITAIRE
L’authentique état solitaire se rencontre rarement dans le monde animal. Ainsi, le rouge-gorge,
solitaire invétéré, est particulièrement jaloux de son territoire où il ne tolère aucun de ses congénères.
Mais son état solitaire n’est défini que par le refus des individus de sa propre espèce, puisqu’il accepte
parfaitement la présence de tout autre oiseau, même dans une petite cage.
Certains solitaires ne le sont qu’en des circonstances bien particulières et redeviennent sociaux dans
d’autres. C’est certainement le cas du tigre, qui dans la nature, ne recherche ses congénères qu’en
période de reproduction mais, qui, en captivité, par exemple, entretient en permanence avec eux des
relations tout à fait sociales.
Les animaux solitaires sont les seuls à occuper un lieu géographique qu’ils délimitent de différentes
façons : marquages visuels, sonores, olfactifs…Exemples : la plupart des reptiles, rouge-gorge, ours,
escargot, vers, blaireaux, écureuils roux…
7.6.2 FOULES
Ce sont des rassemblements accidentels ou occasionnels d’animaux (phototropisme par une source
lumineuse, rassemblement à des points d’eau…). Il existe des foules éphémères : mouches autour d’un
aliment, ou des foules durables : insectes sous une pierre.
Les individus n’y exercent aucune influence les uns sur les autres, sauf, toutefois, si la foule est
durable ; auquel cas on pourra observer des effets de masse.
Exemples : deux biologistes français ont étudié la résistance à l’eau douce d’un petit ver d’eau de mer
de la classe des turbellariés, le Convoluta. Ils remarquèrent que lorsque les vers étaient groupés, ils
arrivaient à supporter un mélange à plus de 60% d’eau douce, par contre, isolés, ils ne supportaient pas
l’eau douce, même à très faible concentration et mourraient. Le phénomène s’explique par le fait que
les Convoluta rejettent du calcium quand ils sont groupés. Or ce calcium, forcément plus concentré
autour d’animaux groupés, les protège contre les effets nocifs de l’eau douce. Les sujets isolés ne
disposent tout simplement pas d’une quantité de calcium suffisante pour assurer leur protection.
Les effets de masse ne sont pas toujours liés au rejet d’une substance dans le milieu ambiant : le seul
contact entre individus suffit parfois à assurer la protection. La masse peut agir sur le métabolisme en
l’élevant ou en l’abaissant. Souvent, par exemple, l’intensité respiratoire d’animaux regroupés est
inférieure à celle des individus isolés.
Lorsque les animaux sont réunis dans un espace restreint, qu’il s’agisse d’un regroupement spontané
ou artificiellement provoqué, les métabolismes ou autres processus sont modifiés par les produits
d’excrétion de la masse des individus, par l’effet des substances rejetées ou absorbées, mais pas par
des échanges de stimuli entre individus. On appelle donc ce phénomène effet de masse.
COMPORTEMENT SOCIAL
64
7.6.3 GROUPEMENTS
Ils se caractérisent par une interattraction entre individus de la même espèce. Isolé, un individu va
chercher à rejoindre des congénères qu’il perçoit (exemple : un poisson derrière une vitre vient se
placer le plus près possible du groupe qu’il voit).
Les groupes peuvent être transitoires ou permanents. Les possibilités d’évolution en sociétés plus
structurées sont favorisées dans le second cas.
Exemple de groupes temporaires : les bancs de poissons. Un banc de poissons, c’est un groupement
temporaire d’individus, appartenant généralement à la même espèce qui sont à peu près tous dans la
même phase du cycle de vie, qui maintiennent activement un contact mutuel et peuvent manifester des
actions organisées, le plus souvent utiles à tous les membres du groupe. Celui-ci peut parfois
comprendre plusieurs milliers ou millions d’individus. Il n’y a ni système de dominance, ni leader
permanent. Dès que le banc tourne d’un côté ou de l’autre, les poissons du côté de la rotation prennent
la tête du mouvement. Les poissons, individuellement, recherchent une position qui leur assure un
contact aussi étroit que possible avec leurs voisins.
La structure en banc présente de nombreux avantages. Elle assure, en plus de l’effet de dilution, une
meilleure protection contre les prédateurs puisqu’elle permet une alarme collective limitant les
surprises. Il n’est pas exclu non plus que le prédateur perçoive un banc de petits poissons comme un
animal grand et effrayant. La structure en banc améliore les possibilités nutritionnelles, par la chasse
en groupe, puis limite les pertes d’énergie ; enfin elle facilite la rencontre des sexes et la reproduction.
Lorsque les groupes sont plus stables, dans le cas des animaux plus souvent et plus longtemps
ensemble, il s’établit entre les sujets un réseau hétérogène de relations. Cette organisation concerne les
groupements spontanés naturels, comme les hardes d’ongulés ou les troupes de singes, mais aussi tous
les rassemblements contraints par la captivité (zoo…) ou l’élevage (poulailler, troupeau de vaches…).
Dans les groupes, on constate une série de modifications métaboliques, physiologiques et
comportementales.
Exemples chez les invertébrés :
• Chez les papillons les chenilles sont différentes selon le degré de groupement. Parfois, il s’agit
de changements de couleurs, mais de façon certes moins spectaculaire, le poids, le
développement, l’activité et l’appétit s’accroissent également en cas de groupement.
• Chez les grillons le groupement a une forte incidence. Il entraîne notamment l’éclaircissement
des téguments par l’inhibition de la synthèse du pigment noir : les isolés sont donc toujours
plus foncées que les groupés.
Exemples chez les vertébrés :
• Chez les pigeons on a pu constater qu’une pigeonne isolée ne pouvait pondre. Si elle se trouve
à nouveau parmi ses congénères, ses ovaires se remettent à fonctionner normalement. Mais le
résultat est identique si on se contente de la placer devant un miroir qui lui renvoie sa propre
image ! Ses centres cérébraux recueillent alors une image spécifique « pigeon » et stimulent à
leur tour l’hypophyse qui sécrète la gonadostimuline.
La même réflexion vaut pour les oiseaux vivant en groupes (sternes, mouettes….) qui ne
peuvent pondre que lorsque le groupe comprend un nombre suffisant d’individus.
COMPORTEMENT SOCIAL
•
65
Chez les batraciens les têtards groupés produisent une substance inhibant la croissance des
congénères. Cette substance n’étant pas sécrétée par les isolés, si on isole des têtards
initialement groupés leur croissance redevient normale.
7.6.4 SOCIETES
Superstructure visant à harmoniser les comportements des individus dont elle est constituée, la société
animale tend vers la réalisation de buts répondant aux impératifs fondamentaux de la vie, et plus
particulièrement à la perpétuation de l'espèce. La socialisation vraie apparaît comme une tendance
innée, héréditaire ou «instinctive», qui est loin d'affecter toutes les espèces. Ainsi, les félins y sont fort
peu soumis, tandis qu'elle est pratiquement la règle chez les primates.
7.6.4.1 Sociétés de vertébrés
L'organisation des sociétés de vertébrés est caractérisée par un comportement hiérarchique marqué,
inconnu de la majorité des sociétés d'invertébrés. Ainsi, le phénomène du meneur se manifeste chez la
plupart des vertébrés.
On ne connaît guère de société de reptiles, ni d'organisation sociale chez les amphibiens, bien qu'ils se
regroupent pour l'accouplement. Les poissons, en se constituant parfois en bancs, ne font que du
«panurgisme». Leur structure sociale est simple, et les relations entre les différents membres d'un
groupe sont peu complexes.
Les mammifères sociaux
En général, dès qu'il y a constitution d'un groupe, l'un de ses membres s'impose; parfois
psychiquement plus doué, mais plus généralement doté d'une nature robuste, il accapare délibérément
la meilleure nourriture et se réserve les partenaires sexuels les plus attrayants, voire leur totalité.
Ainsi chez les pinnipèdes (phoques, morses ou otaries) se constituent de véritables harems. Un
éléphant de mer des régions subantarctiques s'empare, après de rudes combats, d'un nombre de
femelles qui peut avoisiner la centaine, qu'il s'attribue exclusivement, en pacha, jusqu'à ce qu'il soit
supplanté par un nouveau venu ou par l'un de ses propres descendants.
Si les félins montrent peu de dispositions au grégarisme, il n'en est pas de même des canidés. Les
loups sont nettement sociaux, ils se rassemblent sous la domination d'un mâle aussi fort qu'intelligent.
On note même, chez les lycaons, qui vivent en Afrique tropicale, des cas d'altruisme. Ces derniers
forment des groupes d'une quinzaine d'individus qui chassent toujours ensemble et qui ont un sens
aigu de la coopération. Leur nature grégaire est particulièrement évidente lors de la reproduction et
dans l'éducation des jeunes; ceux-ci sont élevés, dans un terrier commun, par les femelles, qui se
partagent les soins de leur nutrition et de leur apprentissage.
Chez les grands singes, bien qu'infiniment moins rapides et moins spectaculaires, les progrès sociaux
n'en sont pas moins réels, comme l'ont observé Jane Goodall, chez les chimpanzés, et Diane Fossey,
chez les gorilles. Des colonies de singes ont également réussi à améliorer leurs conditions de vie, grâce
à des innovations individuelles, lesquelles, après avoir été adoptées par leurs congénères, deviennent
de véritables «traditions», transmises de génération en génération.
COMPORTEMENT SOCIAL
66
7.6.4.2 Sociétés chez les invertébrés
A. Les guêpes
Les guêpes sociales se divisent en deux genres, Vespa et Poliste. Le
premier, qui correspond à la guêpe commune, fait son nid dans le sol,
tandis que le second suspend le sien aux branches ou éventuellement aux
poutres des greniers. Le frelon, qui appartient au genre Vespa, installe le
sien dans un creux d'arbre. Le nid des guêpes est fait à base de bois, dont
les fibres sont malaxées avec de la salive pour obtenir une pâte, qui est
mise en forme. Le second genre est le mieux étudié. À l'observation
directe, les polistes sont peu différents morphologiquement des autres
espèces.
L'organisation sociale d'une colonie repose sur une division en trois castes:
• la femelle fondatrice est sexuée, sa fonction est la ponte ;
• les ouvrières, normalement stériles, ont des ovaires non développés, elles sont néanmoins
capables de pondre exceptionnellement.
• les mâles (faux bourdons) sont saisonniers.
Un guêpier ne dure qu'une seule saison, mais à la fin de la période chaude une fondatrice, pleine
d'œufs, se réfugie dans des cavités profondes et passe l'hiver en hibernation.
Au printemps, après avoir trouvé un endroit convenable, cette guêpe amorce l'édification du nouveau
nid par la construction d'une première cellule de «papier mâché», de forme ronde, où se fait la ponte
des œufs. Ainsi vont naître les ouvrières pionnières, constructrices de cellules hexagonales propres à
recevoir de nouveaux œufs. Le guêpier constitué s'agrandit; à mesure que se multiplient les
contingents de travailleuses, il gagne des rayons parallèles, horizontaux, d'une seule rangée.
En saison avancée naîtront les mâles en même temps que les fondatrices filles, qu'ils pourvoiront en
spermatozoïdes avant de disparaître, leur fonction sociale accomplie.
À l'approche de l'automne, les ouvrières, qui jusque-là ont subvenu aux besoins alimentaires et œuvré
à la construction multipliée des cellules et à l'élevage des larves, deviennent moins actives. La reine
continue de pondre, mais comme le nombre des cellules ne s'accroît plus, la carence alimentaire
s'installe, et le couvain avorte; les larves meurent peu avant ou après la nymphose, quand elles ne sont
pas systématiquement massacrées, dernier acte des ouvrières avant leur disparition. Les juvéniles
fondatrices, bien approvisionnées en liquide spermatique, gagnent leur refuge automnal; au printemps
suivant, tout le cycle recommence.
COMPORTEMENT SOCIAL
67
B. Les abeilles
Le nombre des espèces d'abeilles, de toutes tailles – de la grosseur d'une petite mouche à celle des
énormes bourdons –, est actuellement supérieur à 20’000. Les neuf dixièmes de ces espèces sont
solitaires. En ce qui concerne les espèces sociales, le niveau d'organisation va du plus simple au plus
complexe (sans jamais atteindre la sophistication des sociétés de fourmis, et même de termites,
pourtant plus anciens du point de vue de l'évolution).
Le type d'organisation d'une société d'abeilles classique, c'est-à-dire de la ruche, a été tout
particulièrement étudié chez Apis mellifica, à laquelle les hommes prennent une bonne part de sa
production de miel; à l'intérieur des ruches construites par l'homme, cette abeille, prétendument
domestique, se comporte de manière aussi naturelle que ses congénères «sauvages».
On qualifie de reine l'individu
femelle indispensable à la
société (la ruche) et qui est
l'élément
biologique
fondamental
pour
la
perpétuation de l'espèce. De
fait, la reine, dans les sociétés
d'hyménoptères et d'isoptères
(termites), n'est que l'ovaire de
la colonie. La reine a donc un
rôle de pondeuse. Elle dépose
au fond des alvéoles, pendant
toute la belle saison, des œufs
qui peuvent être fécondés ou
non. S’ils ne sont pas fécondés, ils donnent naissance à des mâles (haploïdes). S’ils sont fécondés, ils
peuvent produire, soit des reines soit des ouvrières (diploïdes), suivant l’alimentation reçue pendant la
vie larvaire.
De multiples interactions entre elle et les ouvrières (toujours stériles), individus très actifs,
principalement assurées par des transmissions, de proche en proche, de phéromones spécifiques de
chaque ruche, coordonnent les comportements d'ensemble.
Les fonctions des ouvrières changent avec l’âge :
• de 1 à 10 jours : veiller à la propreté de la ruche (nettoyeuses); prendre soin du couvain
(nourrices), grâce au développement spécial des glandes céphaliques (glandes nourricières)
• de 10 à 20 jours : construire les rayons de cire, de nouvelles alvéoles (cirières), grâce au
développement des glandes cirières. À la fin de cette période, prendre le service de garde à
l’entrée da ruche.
• de 20 à 30 jours environ, jusqu’à la fin de leur existence : sortir à la recherche de la nourriture,
c'est-à-dire du pollen des fleurs, le repérer, revenir à la ruche pour la communication des
informations adéquates et finalement butiner (butineuses); faire vibrer leurs ailes pour aérer la
ruche et la maintenir à température constante (ventileuses); monter la garde au trou d'aération
et de passage pour en éloigner les intrus (sentinelles). Quelques ouvrières semblent
relativement inoccupées; ce sont en fait des assistantes de la reine, qui pond de 1’500 à 2’000
œufs quotidiennement, en déposant un œuf dans chaque alvéole vide.
Ce partage des tâches au cours de la vie de la vie de l’abeille n’est cependant pas rigide et la quantité
d’ouvrières accomplissant une certaine activité dépend des nécessités de la colonie. Si, par exemple,
on constitue une ruche expérimentale avec seulement des ouvrières âgées, donc des butineuses, les
COMPORTEMENT SOCIAL
68
glandes nourricières et cirières fonctionnent à nouveau et les abeilles peuvent assurer le travail
effectué habituellement par des jeunes.
Une ruche type se compose de quelque 40’000 à 50’000 membres, y compris quelques centaines de
mâles. Ils sont nourris par les ouvrières. Leur seul rôle est d'être les transmetteurs - pourvoyeurs de la
semence; nombre d'entre eux féconderont successivement la reine au cours du vol nuptial. À l'issue de
ce dernier, les mâles, considérés comme des parasites inutiles se bornant à mendier du miel, sont
éliminés par les ouvrières ou chassés de la ruche.
Au rythme des pontes, la population de la ruche s'accroît rapidement, notamment les unités
travailleuses, dont le nombre est doublé en une saison. Instinctivement, les cirières fabriquent quelques
alvéoles de dimensions supérieures aux normes habituelles, dans lesquelles les larves sont gavées de
gelée royale; ces larves donneront naissance à de nouvelles reines. L'une d'entre elles, qui aura
échappé à la destruction par les ouvrières ou la reine mère, qui ne tolère pas la concurrence, suivie par
la moitié des ouvrières, forme un essaim, base d'une nouvelle colonie.
À la mort d'une reine (les ouvrières vivent une saison, une reine jusqu'à cinq ans), ou à la suite de sa
disparition accidentelle, les ouvrières agrandissent une alvéole, qui contient un œuf quelconque: la
larve issue de cet œuf puis la nymphe seront nourries «à la royale», comme cela est indiqué plus haut.
Une fois formé, l'adulte femelle, après un vol nuptial au cours duquel il reçoit un stock de
spermatozoïdes, prend la succession.
Sitôt qu'une butineuse, en exploration à l'extérieur de la ruche, a découvert, grâce à un premier
prélèvement de pollen, une source suffisamment abondante de nectar, elle rentre au nid, apparemment
très excitée, et effectue, sur les rayons de cire, les fameuses danses. La « cérémonie » se déroule au
milieu de la foule de ses congénères, qui, par contagion semble-t-il, se mettent à l'unisson: elles
s'efforcent d'entrer en contact, en s'aidant de leurs antennes, avec l'abdomen de l'informatrice. Ensuite
a lieu l'envol de toutes les ouvrières pour atteindre rapidement l'endroit de la récolte.
COMPORTEMENT SOCIAL
69
C. Les fourmis
Les fourmis, dont aucune des milliers d'espèces recensées aujourd'hui n'est solitaire, et qui sont
répandues sur toute la surface terrestre, sont organisées en sociétés fortement structurées, bien plus
sophistiquées et diverses dans leurs types que ne le sont celles des abeilles. Les plus petites ne
dépassent pas 8 mm de longueur, les plus grandes atteignent 4 cm. La plupart ont la morphologie des
fourmis de nos régions: taille fine et silhouette élancée; d'autres sont plates comme des cafards. Il en
est de plus trapues et plus rondes, hérissées de piquants comme des hérissons, et même de plus
filiformes que les «nôtres».
Les castes sont nettement plus accusées que chez les abeilles, avec de notables différences
anatomiques, physiologiques et morphologiques: jusqu'à une demi-douzaine de types chez Feidole
instabilis, fourmi d'Amérique.
Les fourmis sont donc socialement organisées en castes :
• En général, il n’existe qu’une reine par colonie (= monogynie). Il existe, chez certaines
espèces, des fourmilières où règne la polygynie. La reine vit recluse dans la fourmilière et est
plus grosse que les individus des autres castes. C'est la seule à pouvoir pondre des œufs. A sa
naissance, la reine a des ailes, qu’elle perdra après le vol nuptial. Elles vivent 10 à 15 ans.
• Les mâles, ailés, sont inactifs. Ils séjournent dans le fond de la fourmilière, jusqu’au jour du
vol nuptial, où, là, on les voit hors de la fourmilière. Ils ont pour unique rôle de féconder les
futures reines. Peu après l’accouplement ils meurent.
• La grande majorité de l’effectif est constitué par la caste des ouvrières, elles sont stériles et
sans ailes. Les ouvrières se chargent de la défense (soldats), l’entretien de la colonie qui
comprend la construction de la fourmilière, les soins apportés aux jeunes, la quête de
nourriture ; elles assurent donc le fonctionnement de la colonie.
Un polymorphisme marqué peut caractériser les ouvrières d’une espèce, qui sont alors
regroupées en sous–castes, les formes externes étant les majors (les soldats) et les minors.
La division du travail se fait entre les ouvrières du service extérieur (les plus âgées, on les
reconnaît grâce a leur chitine rayée, abîmée par leur travail), qui rapportent la nourriture et
protègent le nid, celles du service intérieur (les plus jeunes) qui prennent soin de la reine,
s’occupent des larves et entretiennent le
nid.
Chez les espèces où un grand nombre
d'ouvrières peuvent coopérer afin de
récolter la nourriture, de nouveaux
comportements
alimentaires
sont
apparus comme la chasse en groupe,
l'élevage des pucerons ou la culture des
champignons microscopiques. Cette
diversification des modes de vie
explique le grand succès écologique des
fourmis qui représentent 10 à 15 % de
la biomasse animale.
COMPORTEMENT SOCIAL
70
Une ou deux fois par an, la société donne naissance à des femelles et à des mâles sexués, qui, au stade
imago, sont ailés et vivent en parasites, se gorgeant des jus sucrés que régurgitent les ouvrières, jusqu'à
l'année suivante et lors d’une belle journée, légèrement humide, déclencheront leur vol nuptial. En
nuées épaisses, un peu partout sur le sol aussi bien que dans l'air ambiant, les accouplements se
multiplient. Les femelles recueillent, à la chaîne, de plusieurs partenaires, les spermatozoïdes de leur
vie entière. À la fin de la cérémonie, dont la durée et les rituels varient selon les espèces, ces femelles
fécondées soit rentrent à la fourmilière natale, soit fondent une nouvelle colonie. Les mâles, épuisés,
errent quelques jours dans la nature avant de trépasser, car aucun individu hyménoptère social ne
saurait vivre en solitaire, même pourvu de tout le nécessaire alimentaire. Au moment de la création,
seule la reine fondatrice d'une fourmilière est totalement isolée, et n'a pour tout aliment que les
réserves de son jabot. En premier lieu, elle sectionne ses ailes, puis se creuse une logette de ponte,
dans laquelle se développeront les premières ouvrières capables de construire une fourmilière, car la
reine va pondre au rythme d'une cinquantaine d'œufs par jour.
Développement d’une larve de fourmi :
Les œufs minuscules, blancs ou
jaunâtres, éclosent de deux à six
semaines après leur ponte par la
reine et donnent naissance à des
larves blanches. Après une
période de quelques semaines à
plusieurs mois, les larves
deviennent
nymphes,
communément
mais
incorrectement appelées œufs de
fourmis. Chez certaines espèces,
les nymphes sont nues, mais
chez d'autres elles se trouvent à
l'intérieur d'un cocon tissé à
partir d'une substance sécrétée à la fin du stade larvaire.
Les adultes succèdent finalement au stade nymphal. Tout au long de leur développement, les fourmis
immatures sont nourries, nettoyées et protégées par les ouvrières adultes.
Contrairement à de nombreuses espèces d'insectes à métamorphose complète, la fourmi atteint sa taille
maximale à la fin du stade nymphal.
COMPORTEMENT SOCIAL
71
C'est cet accroissement en taille de leurs sociétés qui a permis à ces insectes de modifier
progressivement leur mode de vie et de développer des techniques de travail très performantes.
Les individus semblent reliés entre eux par des chaînes de stimuli relativement simples, mais dont
l'ensemble s'adapte remarquablement bien aux circonstances. L'essentiel des modes de communication
entre fourmis n'est pas gestuel, comme chez l'abeille; il y domine d'intenses attouchements antennaires
réciproques et, sans aucun doute, des échanges constants de molécules biochimiques, lesquels
intéressent principalement le domaine olfactif.
Structure d’une fourmilière
Certaines fourmilières, faites de «carton-pâte», pendent aux arbres, d'autres sont installées dans des
murailles ou des anfractuosités rocheuses, mais la plupart des nids sont souterrains et comportent un
réseau complexe de galeries, avec une ou plusieurs entrées, des chambres d'élevage, des greniers à
provisions.
La fourmilière compte de nombreux étages ayant chacun une fonction spécifique.
On rencontre donc plusieurs types de chambres comme le dépotoir, le magasin, le grenier, la salle
commune, la pouponnière à œuf, larves et nymphes qui sont situées dans la partie la plus obscure de la
fourmilière. Ceci dit la répartition des chambres est très variable, le plus souvent la répartition des
chambres est due aux conditions de température et d'humidité de leur milieu (en Europe souvent une
forêt de conifères).
Les matériaux de déblai accumulés à l'extérieur de la fourmilière forment un monticule en forme de
dômes. Ce dôme est constitué avec des aiguilles de pins et des branchettes d'arbres, de cette manière
qu'il neige ou qu'il pleuve la fourmi est toujours au sec car l'eau ruisselle sur le dôme sans y pénétrer ;
la neige et les aiguilles de pins piègent la chaleur dégagée par l'activité des fourmis et la fourmilière
reste toujours à une température supérieure à 20°C.
COMPORTEMENT SOCIAL
Organisation d’une fourmilière de fourmis des bois :
72
COMPORTEMENT SOCIAL
73
Alimentation des fourmis :
Les fourmis sont la plupart omnivores, et leur régime alimentaire est relativement varié. En effet la
fourmi peut adapter son régime alimentaire aux ressources du milieu.
La fourmi est particulièrement friande du sucré, du nectar, des baies, des graines et du riz. Elle est
également friande d’insectes qu’elle mord et tue en l’empoisonnant à l’acide formique, par
l’intermédiaire de son aiguillon. Elle l’emporte ensuite dans la fourmilière pour le partager avec les
autres. On sait également qu’une colonie peut manger, en un jour, un poids équivalent à celui d’une
vache.
La fourmi possède deux estomacs, le gésier et le jabot. Le plus proche de la bouche, le jabot est
« l’estomac social ». Cet estomac est un véritable réservoir de nourriture. Une fois son estomac rempli,
elle va retourner à la fourmilière où elle va régurgiter son contenu. Elle effectue une sorte de bouche à
bouche, appelé trophallaxie afin de nourrir ses compagnes et également leurs larves. Lorsque la
régurgitation s’effectue, la substance contenue dans le jabot, remonte le long de l’œsophage pour être
régurgitée, et une autre partie va dans le gésier, assurant donc également l’alimentation propre à la
fourmi. Cette trophallaxie n’est pas seulement un échange de nourriture, mais c’est un acte social
permettant des stimulations chimiques qui sont génératrices de complaisance sociale. Il en découle un
resserrement des liens sociaux.
Certaines espèces ont développé des habitudes remarquables, très spécialisées :
•
La fourmi moissonneuse rouge du centre des Etats-Unis, d’Amérique du sud et du Mexique
récolte les graines dans la prairie. Chez cette espèce, les ouvrières ramassent les graines tandis
que les soldats les coupent en morceaux à l’aide de leurs puissantes mandibules. Les fourmis
moissonneuses ne construisent pas de fourmilières visibles, mais récoltent, et accumulent dans
des greniers souterrains, parfois très étendus, les graines de diverses plantes, légumineuses en
particulier. Mastiqué par les ouvrières, l'intérieur des graines est transformé en boulettes
farineuses qui servent d'aliment à la colonie.
COMPORTEMENT SOCIAL
74
•
Des fourmis du sud-ouest des Etats-Unis
comme les fourmis défoliatrices Atta, cultivent
dans leur fourmilière, une espèce de
champignon dont elles se nourrissent : ce sont
les fourmis champignonnistes.
Elles découpent les feuilles des arbres en
minuscules vignettes qu'elles ramènent à la
fourmilière pour constituer un compost sur
lequel elles font pousser de minuscules
champignons qui serviront à leur alimentation.
Très à la mode actuellement dans les
insectariums
européens,
parce
que
spectaculaires, ces fourmis sont de grandes défoliatrices. Elles occasionnent des dégâts
importants aux arbres et sont considérées comme des ravageuses.
•
Chez les fourmis à miel (« fourmis réservoirs ») du sud-ouest des Etats-Unis, certaines
ouvrières sont utilisées comme réserves vivantes pour emmagasiner le miellat. Dans les zones
désertiques d'Australie et d'Amérique du sud, afin de résister aux très longues périodes de
sécheresse, ces fourmis ont développé une manière très originale pour conserver et stocker
leurs liquides nutritifs. Certaines ouvrières sont nourries de quantités énormes de miellat et
leur corps se distend tellement qu’elles deviennent incapables de bouger. Elles se tiennent
immobiles dans la fourmilière, dégorgeant des gouttelettes d’aliments à la demande pour
nourrir les autres membres de la colonie.
•
Elevage de pucerons : De nombreuses espèces de fourmis ont développé l'élevage d'autres
insectes pour leurs besoins personnels. C'est ainsi que les Pheidole megacephala comme bien
d'autres espèces, ont mis au point l'élevage de pucerons.
Les pucerons sont des Hémiptères, dont la bouche est transformée en un stylet piqueur qu'ils
enfoncent dans la plante pour se nourrir de sa sève. Les fourmis, très friandes des exsudats
qu'ils rejettent par l'anus, les rassemblent sur leurs plantes hôtes et les protègent contre les
coccinelles qui veulent les dévorer. C'est pour ces raisons que l'on peut souvent observer sur
certaines plantes des pucerons et des fourmis
qui vivent ensemble, en très bonne
compagnie. Le miellat est un excrément
liquide, riche en sucres et en acide aminés,
sécrété au niveau de l’anus. C’est un apport
nutritif très complet utilisé pour le bon
développement des larves. En échange de
nourriture, les fourmis protègent les pucerons
des prédateurs, les bichonnent, les lavent et
prennent grand soin de leurs œufs. Elles vont
même jusqu’à les abriter à l’aide de parois
constitué de terre ou de carton. Parfois elle
COMPORTEMENT SOCIAL
75
les emporte dans leur nid pour les traiter comme les membres de la colonie (symbiose).
L’échange de nourriture est contrôlé par la fourmi elle-même. La fourmi en touchant avec ses
antennes ou ses pattes antérieures le puceron, déclenche la sécrétion de miellat.
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