DOSSIER Les pathologies ovariennes bénignes Kyste de l'ovaire : quand demander d'autres explorations ?" Ovarian cysts: which other investigations are mandatory? Laurent Catala* L' échographie pelvienne reste l'examen de référence pour l'analyse d'un kyste ovarien. Le plus souvent, la nature du kyste est quasi déterminée après cette exploration et ne nécessite aucun examen complémentaire. Ainsi, pour un kyste fonctionnel caractéristique, un geste chirurgical ou une surveillance sera proposé sans exploration complémentaire. En présence d'un kyste évocateur d'endométriose, la prescription d'examens pour cartographier la maladie sera adaptée en fonction de la symptomatologie (imagerie par résonance magnétique [IRM], coloscopie, etc.). Deux autres situations imposent néanmoins la prescription d'examens complémentaires dont nous discuterons ici la performance : le kyste à haute probabilité de malignité et le kyste de nature indéterminée. Échographie pelvienne en faveur d'un kyste à haute probabilité de malignité Dans cette situation, il est impossible de surseoir à une exploration chirurgicale, mais les explorations complémentaires permettront de faire le bilan d'extension de la maladie en recherchant des sites extrapelviens qui devront faire l'objet de prélèvements au cours de l'intervention. Ces examens peuvent également aider à l'évaluation de la faisabilité d'une cytoréduction optimale. Évaluer l'extension de la maladie * Service de chirurgie gynécologique, CHU d’Angers. Le scanner est un examen performant pour la détection des nodules de carcinose avec une sensibilité de 92 % et une spécificité de 82 % (1) ; la sensibilité 20 | La Lettre du Gynécologue • n° 377 - décembre 2012 chutant néanmoins entre 25 et 50 % pour les lésions de moins de 1 cm (2). Certains sites sont également mal explorés par le scanner, avec une difficulté pour évaluer leur atteinte. C'est le cas du mésentère, de l'intestin grêle, du péritoine diaphragmatique et de l'atteinte de la paroi pelvienne (3). L'IRM ne semble pas être plus performante que le scanner dans cette indication. Ainsi, dans l'étude de Tempany et al. (1), la sensibilité de l'IRM était de 40 % pour l'évaluation de l'atteinte rétrohépatique, et de 38 % pour l'atteinte ganglionnaire. L'IRM a de nombreuses contraintes, dominées par un délai et une durée de réalisation beaucoup plus longs que le scanner, et surtout par le fait que l'exploration est limitée au pelvis. La tomographie à émission de positon (TEP) au fluorodéoxyglucose (FDG) [TEP-FDG] ne fait pas partie du bilan d'extension de routine des cancers de l'ovaire, mais des études récentes laissent à penser que cet examen augmente le taux de détection des lésions de carcinose et des lésions extrapelviennes (4). Cela est confirmé par une méta-analyse de Yuan et al. (5) avec sensibilité du scanner, de l'IRM et de la TEP-FDG pour l'évaluation de l'atteinte ganglionnaire, qui est respectivement de 42 %, 54 % et 73 % . Évaluer la faisabilité de la cytoréduction La chirurgie de cytoréduction complète n'omettant aucun résidu macroscopiquement visible reste le gold standard du traitement chirurgical dans le cancer de l'ovaire. Ce concept de cytoréduction nécessite parfois des exérèses multiviscérales en s'aidant, si besoin, de compétences chirurgicales variées (chirurgiens digestifs, vasculaires, etc.). C'est dire combien l'évaluation préopératoire est capitale, permettant d'anticiper les gestes chirurgicaux et, Points forts Mots-clés »» Kyste de l’ovaire suspect de malignité : – les explorations permettent d’évaluer l’extension de la maladie et la faisabilité de la cytoréduction optimale ; – le scanner et l’IRM ont une bonne sensibilité dans cette situation, mais ne peuvent se substituer à l’exploration cœlioscopique. »» Kyste de l'ovaire de nature indéterminée : – l’utilisation de scores échographiques associée au taux de CA 125 a une bonne valeur prédictive de la nature d’un kyste ; – l’IRM paraît intéressante dans certaines situations et doit être préférée au scanner. Là encore, la chirurgie est indispensable pour ne pas méconnaître une tumeur maligne ou borderline. Kyste de l’ovaire Cancer de l’ovaire Scanner IRM Cytoréduction CA 125 s'il le faut, de référer la patiente dans des centres spécialisés. À ce jour, l'exploration par laparoscopie reste la méthode la plus performante pour évaluer la résécabilité tumorale et pour sélectionner les patientes relevant d'une chimiothérapie néo-adjuvante suivie d'une chirurgie intervallaire (6). La laparoscopie présente néanmoins des limites, notamment pour l'exploration rétrohépatique, l'évaluation du hile hépatique ou de l'arrière cavité des épiploons. Bristow et al. (7) ont développé un modèle fondé sur 13 critères scannographiques permettant le calcul d'index de prédiction de chirurgie suboptimale. Cet index prend en compte l'atteinte du mésentère, du péritoine, des coupoles diaphragmatiques, la présence de nodules de carcinose sur la capsule hépatique ou de métastases intrahépatiques et l'atteinte massive de l'épiploon prédit, dans cette étude, le succès de la chirurgie optimale dans 94 % des cas. Ces résultats encourageants n'ont pas été confirmés dans une autre série (8). L'association de ces critères au Performance Status augmente la concordance entre l'évaluation par scanner et les constatations peropératoires (3). Il en est de même lorsque le volume estimé de l'ascite est supérieur à 5 litres (9). L'imagerie préopératoire permet aussi d'anticiper les gestes de résections digestives. Ainsi, dans une série de 33 patientes ayant un cancer de l'ovaire à un stade avancé, Kato et al. (10) ont évalué la performance du coloscanner pour prédire l'atteinte de la charnière rectosigmoïdienne. La sensibilité de cet examen serait de 100 %, supplantant dans cette indication la coloscopie. Le dosage plasmatique du CA 125 (carbohydrate antigen) est également pris en compte par certains auteurs pour évaluer la faisabilité d'une chirurgie de réduction optimale. Ainsi, pour Eltabbakh et al. (11), un taux de CA 125 inférieur à 200 UI/ml est associé à une probabilité de chirurgie optimale dans plus de 80 % des cas. Un taux supérieur à 500 UI/ml serait, quant à lui, prédictif de chirurgie suboptimale et d'extension sus-mésocolique plus fréquente (12). À l'opposé, dans des séries plus récentes et de plus grands effectifs, aucune valeur seuil de CA 125 n'a été identifiée pour prédire la qualité de résécabilité (13). La cinétique du CA 125 en cours de chimiothé- rapie serait un facteur pronostique indépendant et prédirait la résécabilité de la chirurgie intervallaire. Dans une série rapportée par Rodriguez et al. (14), 38 des 47 patientes (80 %) ayant bénéficié d'une chirurgie optimale avaient un taux de CA 125 inférieur à 100 U/ml après la chimiothérapie adjuvante. L'échographie ne permet pas de déterminer la nature du kyste Il existe des situations où il est impossible de déterminer avec précision la nature de la lésion annexielle, soit par une impossibilité de localiser la lésion (ovaire ? utérus ? trompes ?) soit par une impossibilité de classer la lésion en bas ou haut risque de malignité. Le diagnostic préopératoire doit être le plus fiable possible, conditionnant ainsi les modalités de prise en charge mais aussi le pronostic de la patiente. De nombreux scores et indices échographiques ont été établis dans le but d'affiner le diagnostic des masses ovariennes. L'étude multicentrique IOTA (International Ovarian Tumour Analysis), publiée en 2000, a permis de définir un consensus sur la méthodologie pour caractériser une masse annexielle. Dans ce travail, les critères échographiques étaient applicables à 76 % des cas et le modèle de régression logistique utilisé avait une sensibilité de 93 % (15). La performance diagnostique de l'échographie varie également en fonction de la nature et du site de la lésion. La sensibilité est plus faible pour les kystes mucineux et les cystadénomes et plus élevée pour les endométriomes et les hydrosalpinx (15). Les résultats de la méta-analyse de Kinkel et al. (16) démontrent l'apport de l'évaluation doppler pour la précision diagnostique préopératoire avec, en revanche, une absence de gain par l'étude des résistances artérielles. Ces résultats ne sont pas influencés par le statut ménopausique des patientes. L'IRM peut être d'une grande aide lorsqu'une masse annexielle reste de caractérisation indéterminée. Dans une méta-analyse incluant 1 267 masses ovariennes, il apparaît que l'IRM a une sensibilité de 92 % et une spécificité de 85 % pour le diagnostic des tumeurs borderline ou invasives (17). L'IRM de diffu- Highlights »» O v a r i a n c y s t s w i t h suspicion of malignancy: – Explorations enable to assess the staging of the disease and the outcomes of cytoreductive surgery. – The CT scan and MRI have a high sensitivity in this circumstance but cannot replace laparoscopic exploration. »» O v a r i a n c y s t s o f undetermined nature: – Ultrasound scores combined with CA 125 serum level have a good predictive value of the nature of the cyst. MRI scan appears to be useful in some circumstances and should be preferred to CT scan. – Once again, surgery is essential not to misjudge a malignant or borderline tumor. Keywords Ovarian cyst Ovarian carcinoma CT Scan RMI Cytoreduction CA 125 La Lettre du Gynécologue • n° 377 - décembre 2012 | 21 DOSSIER Les pathologies ovariennes bénignes Références bibliographiques 1 . Te m p a n y C M , Z o u K H , Silverman SG, Brown DL, Kurtz AB, McNeil BJ. 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Eur J Radiol 2012;81(5):1002-6. sion optimise la caractérisation des masses annexielles complexes où l'absence d'hypersignal de la portion solide a une excellente valeur prédictive positive (VPP) en faveur de la bénignité (18). Les lésions les plus difficiles à différencier sont les tumeurs borderline et celles à forte composante solide. La TEP ne doit pas être utilisée en routine pour caractériser une masse annexielle. Castellucci et al. (19), dans une série de 50 masses ovariennes, rapportent une VPP de 100 %, une valeur prédictive négative (VPN) de 81 % et un taux de concordance avec les résultats postopératoires de 92 % . Le dosage du CA 125 associé à l'échographie est d'utilisation courante pour tenter de prédire la nature des lésions ovariennes. Cependant, plus de 20 % des tumeurs infiltrantes n'expriment pas le CA 125 (50 % des tumeurs de stade 1) et ce marqueur biologique peut être élevé dans de très nombreuses pathologies non tumorales (endométriose, cirrhose, inflammation péritonéale, menstruations, etc.). Dans une métaanalyse de Medeiros et al. (20), la sensibilité du dosage du CA 125 pour le diagnostic de cancer est de 80 % et la spécificité, de 75 % avec un taux de faux positifs d'autant plus élevé en préménopause. Avec un seuil à 35 U/ml, la sensibilité est de 78,3 %, la spécificité, de 82 % ; avec un seuil à 65 U/ml, la sensibilité est de 71,7 %, la spécificité, de 92,5 % (21). Moore et al. (22) ont étudié un panel de marqueurs et ont démontré que l'association du CA 125 avec le dosage de l'HE4 (Human Epididymis protein) détient la meilleure sensibilité. Avec ce dosage combiné, 94 % des patientes ayant une tumeur maligne étaient classées à haut risque avant la chirurgie et 75 % des patientes avec une tumeur bénigne étaient classées à bas risque. Les auteurs concluent que cette méthode diagnostique permettrait de sélectionner les patientes qui doivent être orientées vers un centre expert. Jacobs et al. (23) ont proposé l'utilisation d'un algorithme associant le CA 125, les critères échographiques et le statut ménopausique. Avec un score supérieur à 50, la spécificité était de 76,5 % et la sensibilité de 95,1 %. La performance de cette méthode ne semble pas supérieure à l'utilisation combinée du CA 125 et de l'HE4. Conclusion L'échographie reste l'examen de choix dans l'analyse d'une masse annexielle. Elle permet de prédire avec une bonne sensibilité la nature de la lésion, mais peut nécessiter des examens complémentaires dans certaines situations. En cas de kystes très suspects, le scanner associé au dosage du CA 125 est performant pour préciser l'extension et la résécabilité de la maladie. En présence d'un kyste de nature indéterminé, l'IRM doit être préférée au scanner. L'utilisation d'algorithme prenant en compte le dosage du CA 125, les critères échographiques et le statut ménopausique, semble intéressante pour sélectionner les patientes, mais ne doit en aucun cas se substituer à l'exploration chirurgicale. ■ Références bibliographiques (suite) 6. Vergote I, Tropé CG, Amant F et al. European Organization for Research and Treatment of Cancer-Gynaecological Cancer Group; NCIC Clinical Trials Group. Neoadjuvant chemotherapy or primary surgery in stage IIIC or IV ovarian cancer. N Engl J Med 2010;363(10):943-53. 7. Bristow RE, Duska LR, Lambrou NC et al. A model for predicting surgical outcome in patients with advanced ovarian carcinoma using computed tomography. Cancer 2000;89(7):1532-40. 8. 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