ACTUALITÉS SCIENCES Coordonné par E. Bacon (clinique psychiatrique, Strasbourg) // Bipolar Disorders // Journal of Affective Disorders // BMC Psychiatry // Psychological Medicine L’amélioration précoce sous traitement peut prédire l’évolution future des épisodes maniaques ou mixtes associés au trouble bipolaire de type I : une analyse post hoc révèle un avantage pour l’asénapine Whitehouse Station (États-Unis) Les troubles bipolaires de type I ont des coûts économiques et sociaux très élevés. Parallèlement à l’évolution de la sévérité de la manie chez les patients bipolaires, on observe une augmentation progressive des répercussions sociales, familiales et professionnelles de leur pathologie. Il a été démontré que l’amélioration rapide des symptômes à la suite d'un traitement pharmacologique était d’un bon pronostic clinique dans le cas du trouble bipolaire, de la dépression unipolaire et de la schizophrénie. La capacité à prédire de manière précoce si un patient répondra ou non au traitement joue donc un rôle particulièrement important pour les patients qui souffrent d’un trouble bipolaire de type I et qui présentent des épisodes maniaques ou mixtes. C’est dans cette optique qu’une équipe de chercheurs a réalisé des analyses post hoc (1), en rassemblant des données issues de 2 essais cliniques menés sur 3 semaines, randomisés et en double aveugle. Ces essais avaient comparé l’asénapine (Sycrest®) [5 ou 10 mg x 2/j ; n = 372] au placebo (n = 197), en utilisant un comparateur actif comme contrôle, l’olanzapine (Zyprexa®) [5 à 20 mg/j, n = 391] (2, 3). Les patients inclus étaient âgés de 18 à 64 ans et diagnostiqués maniaques (score Young Mania Rating Scale [YMRS] ≥ 20) ou mixtes (30 %) selon le DSM-IV. L’éventuelle amélioration précoce était évaluée par l’échelle de manie YMRS lors de visites à 2, 4 et 7 jours, et l’évolution de l’état, ou la rémission (score YMRS ≤ 12) l'étaient également au terme de 3 semaines. Les chercheurs ont calculé la sensibilité, la spécificité, ainsi que les valeurs prédictives positive (PPV, Positive Predictive Value) et négative (NPV, Negative Predictive Value). Les résultats révèlent qu’une proportion importante de patients traités avec l’asénapine ou l’olanzapine ont bénéficié d’une amélioration précoce des symptômes maniaques. La présence de cette amélioration était fortement associée à une évolution positive de la pathologie et à la rémission. À l’inverse, l’absence d’amélioration dans les premiers jours de traitement permettait de prédire une mauvaise efficacité ainsi qu’une absence de rémission à 3 semaines. L’association entre amélioration précoce et évolution positive de la pathologie était plus importante chez les patients traités avec l’asénapine (figure). * 9,1 10 Asénapine 5 à 10 mg x 2/j (n = 372) Olanzapine 5 à 20 mg/j (n = 391) Placebo (n = 197) Odds-ratio 8 6 * 4,1 4 2 * 2,2 1,4 1,6 * * 3,7 3,5 * 1,8 1,9 0 Jour 2 Jour 4 Jour 7 * Effet statistiquement significatif. Figure. Probabilité d’une réponse au traitement à 3 semaines en fonction de la réduction précoce du score YMRS (réduction ≥ 15 %). 10 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012 En effet, l’amélioration rapide au traitement était corrélée à la réponse à 3 semaines, dès le deuxième jour pour l’asénapine, alors qu’il faut attendre 4 jours pour l’olanzapine. Globalement, cette corrélation était également plus étroite pour l’asénapine (4). Ainsi, la réponse au traitement au terme de 2 à 4 jours peut être cliniquement utile pour prédire si un patient bénéficiera effectivement au long cours d’un traitement instauré récemment. Références bibliographiques 1. Zhao J, Ha X, Szegedi A. Early improvement predicts later outcome in manic or mixed episodes associated with bipolar I disorder: post hoc analyses of asenapine studies. Bipolar Disorders, Special Issue: Abstracts of the Ninth International Conference on Bipolar Disorder 2011;13,S1:107. 2. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J, Alphs L, Macek TA, Panagides J. Asenapine for long-term treatment of bipolar disorder: a doubleblind 40-week extension study. J Affect Disord 2010;126(3): 358-65. 3. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J, Alphs L, Macek TA, Panagides J. Asenapine versus olanzapine in acute mania: a double-blind extension study. Bipolar Disord 2009;11(8):815-26. 4. Szegedi A, Zhao J, van Willigenburg A, Nations KR, Mackle M, Panagides J. Effects of asenapine on depressive symptoms in patients with bipolar I disorder experiencing acute manic or mixed episodes: a post hoc analysis of two 3-week clinical trials. BMC Psychiatry 2011;11:101. Obésité, statut émotionnel et comportement alimentaire : le rôle de l’inflammation Bordeaux (France) L’obésité constitue aujourd’hui un réel problème de santé publique. Les personnes obèses présentent un risque significativement augmenté de développer des pathologies cardiovasculaires, un diabète ou d’autres maladies chroniques, mais également des troubles neuropsychiatriques. Ainsi, certaines études rapportent une prévalence de troubles dépressifs de l’ordre de 30 % chez le sujet obèse. Le surpoids et l’obésité se caractérisent également par une inflammation chronique à bas bruit avec production continue de facteurs inflammatoires par le tissu adipeux. Cette inflammation chronique systémique est également présente dans le système nerveux central sous la forme d’une micro-neuro-inflammation. Compte tenu des effets connus des cytokines sur le cerveau, il apparaît donc probable que l’inflammation chronique à bas bruit caractéristique de l’obésité puisse contribuer à la prévalence élevée de troubles dépressifs observés chez les patients obèses. Deux équipes françaises se sont associées pour explorer cette hypothèse. Une centaine de femmes souffrant d’obésité sévère ou morbide et en attente d’une chirurgie bariatrique ont participé à cette étude. Elles ont été évaluées avant la chirurgie, puis 1 an après. À chaque étape de l’étude, elles ont été soumises à des prélèvements sanguins destinés au dosage des marqueurs de l’inflammation, comme l’interleukine-6, et des adipokines. Elles ont également eu à répondre à un entretien psychologique qui comprenait un questionnaire de comportement alimentaire (Three Factor Eating Questionnaire [TFEQ]), des mesures du névrosisme et de l’extraversion (Neuroticism Extraversion Openness Personality Inventory [NEO-PI-R]). Le névrosisme est une dimension de personnalité caractérisée par une disposition aux émotions négatives comme la colère, la tristesse, l’anxiété, la dépression ou la culpabilité. Les personnes présentant un score de névrosisme élevé ont plus souvent tendance à percevoir les événements comme négatifs ou néfastes. Cette dimension de la personnalité a été identifiée comme un puissant facteur de vulnérabilité aux troubles émotionnels, et elle a été associée à diverses altérations du comportement alimentaire. Les résultats de l’étude montrent, comme les chercheurs s’y attendaient, une relation significative entre l’adiposité et le statut inflammatoire avant la chirurgie bariatrique. Plus l’indice de masse corporelle (IMC) est élevé, plus l’inflammation est importante. Il a été observé − c’est un résultat particulièrement original rapporté par cette étude − que l’inflammation systémique mesurée avant la chirurgie bariatrique était associée à l’état psychologique des patientes, notamment aux dimensions dépressives et anxieuses du névrosisme, et ce indépendamment de l’âge, du statut diabétique et de l’IMC. La perte de poids induite par la chirurgie bariatrique entraînait à la fois une amélioration significative du profil inflammatoire des femmes, et une nette diminution des scores dans les échelles de névrosisme et de comportement alimentaire. Là aussi, la diminution des concentrations des marqueurs de l’inflammation était significativement associée à l’amélioration des scores de névrosisme, notamment dans sa dimension anxieuse. Les résultats de cette étude confortent ainsi le rôle de l’inflammation liée à l’adiposité dans les altérations émotionnelles observées chez les individus obèses. D’une façon plus générale, l’association observée entre adiposité, névrosisme et comportement alimentaire, et la modulation de cette relation par l’inflammation renforcent l’idée que l’obésité représente une situation de vulnérabilité aux troubles émotionnels et suggère que l’inflammation contribue pour une part non négligeable à cette vulnérabilité. L’état inflammatoire semble constituer un médiateur important de la détresse émotionnelle et des caractéristiques psychologiques des individus obèses. >> Capuron L, Poitou C, Machaux-Tholliez D et al. Relationship between adiposity, emotional status and eating behaviour in obese women: role of inflammation. Psychol Med 2011;41:1517-28. La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012 | 11