biblio-opinion Biblio-Opinion Synthèse thématique d’articles commentés Parkinson hors consensus S. Sangla* La maladie de Parkinson et les autres syndromes parkinsoniens D leuse). En effet, 70 % des PSP et 80 % des MSA-C sont reconnues comme telles et classées correctement (aussi bien avec une IRM de 0,5 Tesla qu’avec 1,5 Tesla). Le diagnostic radiologique est plus délicat lorsqu’il s’agit de MSA-P (ancienne dégénérescence striato-nigrique, avec seulement 50 % de bon classement). Dans le cas de DCB, les auteurs n’ont pas mis en évidence d’anomalie bien évocatrice, l’atrophie corticale diffuse ne pouvant être considérée comme spécifique. Dans ans “Biblio-opinion”, nous vous exposons chaque mois, la bibliographie non exhaustive et commentée d’articles parus sur un thème donné de la neurologie. Les hasards du calendrier ont fait coïncider, à quelques semaines près, le choix de la maladie de Parkinson, avec une conférence de consensus qui lui a été consacrée le 3 mars dernier. Pour passionnant qu’il soit, le compte rendu d’une telle manifestation n’entre pas dans le cadre d’une rubrique plus orientée vers l’actualité factuelle. C’est donc, par propos délibéré, et non par omission, que nous avons choisi de n’en point parler. Le diagnostic de maladie de Parkinson est un diagnostic clinique, puisque nous ne disposons à l’heure actuelle d ’ a u c u n ex a m e n d e routine qui nous permette d’avoir une certitude diagnostique. Si le plus souvent, pour le neurologue, le diagnostic ne pose pas de problème, il est des cas où les atypies cliniques font mettre en doute le diagnostic. Certains examens, comme l’étude des mouvements oculaires ou l’électromyographie sphinctérienne anale, peuvent l’orienter mais parmi les examens facilement accessibles, il y a l’IRM dont l’indication reste discutée. L’article de A. Schrag (1), sur les anomalies IRM que l’on peut voir dans les syndromes parkinsoniens autres que la maladie de Parkinson, est fort intéressant, car il refait le point sur 35 cas de paralysie supranucléaire progressive (PSP), 54 cas d’atrophie multisystématisée (MSA) et 5 cas de dégénérescence cortico-basale (DCB). Les principales anomalies retrouvées et discriminantes sont rassemblées dans le tableau ci-contre. D’après les auteurs, les signes IRM sont plus dicriminants pour différencier PSP et MSA-C (ancienne atrophie olivopontocérébel- Tableau. Anomalies de l’IRM dans les syndromes parkinsoniens. PSP MSA-P MSA-C Diamètre des pédoncules < 17 mm sur coupes axiales Hypersignal putaminal (bord externe) Dilatation du 4e ventricule Hypersignal pédonculaire Hypersignal putaminal* Atrophie du bulbe, noyau dentelé, pédoncules cérébelleux moyens pont, olives Dilatation du 3e ventricule Atrophie du noyau dentelé Hypersignal dans le cervelet, pédoncules cérébelleux moyens, pont (aspect en croix), olives Atrophie temporale ou frontale Dilatation du 4e ventricule Hypersignal dans le pallidum* Augmentation du signal dans le cervelet, les pédoncules cérébelleux moyens, le pont (en forme de croix) Atrophie ou hypersignal du noyau rouge * Service de neurologie, hôpital Delafontaine, Saint-Denis. Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 2, mai 2000 * visible sur un 0,5 Tesla uniquement. PSP : Paralysie supranucléaire progressive. MSA-P : MSA avec signes parkinsoniens prédominants. MSA-C : MSA avec signes cérébelleux prédominants. 63 biblio-opinion Biblio-Opinion l’étude, il y avait trop peu de cas de DCB (5 cas) pour tirer des conclusions. Cet article a le mérite de nous rappeler qu’il existe tout de même quelques anomalies que l’on peut facilement voir sur une simple IRM et qui peuvent nous orienter vers un diagnostic plutôt qu’un autre. Bien que le plus rare des syndromes parkinsoniens atypiques (incidence exacte inconnue), la dégénérescence corticobasale est très en vogue, car elle fait la jonction entre les démences et les syndromes parkinsoniens. C. Özsancak (2), dans la Revue neurologique, a fait un excellent travail de synthèse de littérature sur le sujet, depuis 1968, date de la première description par Rebeiz, en étudiant les 398 cas colligés depuis lors. L’affection débute vers 60 ans, avec une présentation asymétrique, dans deux tiers des cas, au membre supérieur, le plus souvent décrite comme une maladresse. Les signes cardinaux sont présents en 2 à 5 ans, associant des signes corticaux et sous-corticaux qui restent toujours asymétriques (le syndrome parkinsonien étant clairement doparésistant). L’évolution se fait vers un état grabataire et un décès en 6 à 8 ans. Aucun examen complémentaire n’est réellement discriminant, seul l’examen anatomopathologique du cerveau permet le diagnostic, mais trop tard pour que le patient puisse en retirer un bénéfice ; de toute façon, les médicaments proposés sont généralement inefficaces. L’article de Özsancak est une bonne synthèse où l’on trouvera les réponses aux questions posées sur cette affection. P.S. Mathuranath et coll. (3) ont étudié la DCB à partir de deux cas cliniques atypiques qui en imposaient pour une démence fronto-temporale et qui ont été affirmés par l’autopsie (l’autopsie a permis de redresser un AS). Cet article permet de voir la DCB par son aspect démentiel et non extrapyramidal avec une étude nosologique des différentes Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 2, mai 2000 démences non-Alzheimer et une approche nosologique des affections neurodégénératives et de leurs frontières. 1. Schrag A., Good D.C., Miszkiel K. et coll. Differentiation of atypical Parkinsonian syndromes with routine MRI. Neurology 2000 ; 54 : 697-702. 2. Özsancak C., Auzou P., Hannequin D. La dégénérescence corticobasale. Rev Neurol 1999 ; 155 : 12, 1007-20. 3. Mathuranath P.S., Xuereb J.H., Bak T., Hodges J.R. Corticobasal ganglionic degeneration and/or frontotemporal demential ? A report of two overlap cases and a review of the literature. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2000 ; 68 : 304-12. Influence de la grossesse sur la maladie de Parkinson Les patientes parkinsoniennes en âge de procréer sont rares mais pas exceptionnelles et, surtout dans les Parkinson juvéniles, elles ont toutes les chances d’avoir déjà un traitement antiparkinsonien que l’on pourra être amené à modifier. L’article de L. Shulman (4) rapporte l’histoire d’une grossesse chez une femme de 33 ans avec une maladie de Parkinson évoluant depuis 3 ans, traitée par carbidopa/lévodopa. Le déroulement de la grossesse ainsi que l’accouchement n’ont pas été mentionnés, l’enfant est dit normal à 2 ans. La maladie, quant à elle, s’est aggravée durant la grossesse. Elle a eu une dépression du postpartum nécessitant un traitement spécifique. Quinze mois après l’accouchement, elle n’a pas retrouvé son état antérieur à la grossesse. L’association carbidopa/lévodopa ne semble pas avoir d’effet sur le fœtus, le bensérazide et la carbidopa ne passent pas la barrière fœtomaternelle, la lévodopa est métabolisée par le fœtus sans retentissement apparent. L’amantadine est 64 tératogène, surtout en début de grossesse, malgré le petit nombre de cas publiés (4), elle est à éviter. Le pergolide, la bromocriptine, le lisuride n’ont pas montré de risque particulier chez des femmes traitées mais qui n’étaient pas parkinsoniennes. Le mécanisme de l’aggravation clinique de la maladie de Parkinson n’est pas connu. On sait que les œstrogènes entraînent une baisse des besoins en dopamine du fait de l’inhibition de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT), mais cela n’expliquerait qu’une aggravation du postpartum. D’après l’article, la grossesse aurait donc un effet aggravant non réversible sur la maladie de Parkinson, la dopathérapie et les agonistes dopaminergiques peuvent être poursuivis sans risque tératogène particulier. 4. Schulman L.M., Minagar A., Weiner W.J. The effect of pregnancy in Parkinson’s disease. Movement disorders 2000 ; 15 : 132-5. Une possibilité thérapeutique dans les douleurs de la maladie de Parkinson L’apomorphine est le plus puissant des agonistes dopaminergiques, mais c’est un antiparkinsonien mal aimé. Est-ce son nom qui rappelle la morphine (avec laquelle il n’a rien à voir) qui fait peur, ou le fait qu’elle soit injectable, et que les médecins, comme leurs patients, n’aiment pas les piqûres ? Toujours estil que c’est un excellent médicament et qu’il a une place dans le traitement de la maladie, comme nous le rappelle Steward Factor (5). Dans cet article, il rapporte l’efficacité d’injections quotidiennes d’apomorphine sur les douleurs rebelles et tenaces chez une patiente de 75 ans ayant une maladie de Parkinson évoluant depuis treize ans. Elle présen- biblio-opinion Biblio-Opinion te des douleurs thoraciques atroces durant certains épisodes off, évoluant depuis sept ans et ayant résisté à tous les changements thérapeutiques dans le cadre de la maladie, mais aussi aux très nombreux traitements antalgiques proposés. On ne comprend pas bien la physiopathologie de ses douleurs, ni la logique des traitements proposés puisque initialement, c’était un sevrage en dopa et en fin de compte un agoniste dopaminergique. On est aussi un peu étonné qu’il ait fallu sept ans pour proposer l’apomorphine. Mais seul compte le résultat, car la patiente était suicidaire, avec des attaques de panique liées aux douleurs et avec le traitement, elle a pu reprendre une vie sociale. Trois ans et demi après, les douleurs sont toujours là, mais calmées en quelques minutes par l’apomorphine. Face à des douleurs en phase off, même très inhabituelles, après avoir optimisé le traitement antiparkinsonien, il faut penser à la possibilité d’une amélioration par l’apomorphine. 5. Factor S.A., Brown D.L., Molho E.S. Subcutaneous apomorphine injections as a treatment for intractable pain in Parkinson disease. Movement disorders 2000 ; 15 : 167-9. Parkinson : retour de bistouri Le traitement de la maladie de Parkinson a d’abord été chirurgical, avec, dans les années 50, le développement de la chirurgie lésionnelle, thalamotomies, pallidotomies et même subthalamotomies. L’avènement de la dopathérapie, à la fin des années 60, entraîna un net déclin de la chirurgie, car on pensait alors avoir trouvé le traitement de la maladie de Parkinson. La survenue de complications à distance de la maladie traitée et les difficultés à gérer celles-ci au fil du temps, la découverte d’un modèle expérimental de la maladie avec le MPTP ont permis à la chirurgie de retrouver une place dans la thérapeutique de la maladie de Parkinson. Il a fallu néanmoins attendre les années 90 pour voir réapparaître des publications sur la chirurgie de Parkinson avec des techniques lésionnelles, mais aussi des stimulations cérébrales profondes, elles aussi thalamiques initialement, puis pallidales internes et sous-thalamiques. La polémique entre les partisans de la chirurgie lésionnelle et ceux de la stimulation est toujours d’actualité dans la littérature anglo-saxonne. Pour ce qui est de la France, l’équipe grenobloise semble avoir convaincu tout le monde de la suprématie de la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique par rapport aux autres méthodes. D. Caparros-Lefebvre (6) a essayé de comprendre pourquoi les résultats cliniques sur le tremblement et les dyskinésies provoquées par la L-Dopa de deux équipes (à Grenoble et à Lille) étaient différents, alors que les techniques de stimulation chronique du thalamus semblaient identiques. C’est en fait que la position des plots actifs des électrodes ne sont pas les mêmes ; les plots lillois stimuleraient le noyau centro-médian et parafasciculaire, alors que les grenoblois stimuleraient le noyau ventral intermédiaire. Le rôle du noyau parafasciculaire et ses connexions avec le noyau sous-thala- 65 mique sont évoqués, expliquant ainsi les meilleurs résultats lillois sur les dyskinésies. L’intérêt pour la compréhension de la physiopathologie des dyskinésies de milieu de dose de cet article est certain ; pour ce qui est de la cible à choisir, la polémique n’est sûrement pas au sein du thalamus, car la stimulation sous-thalamique donne de meilleurs résultats sur les dyskinésies mais également sur la triade de la maladie, avec l’avantage de pouvoir être bilatérale. A. Schrag (7), encore lui, dans un autre article, rapporte les résultats à un an de la pallidotomie unilatérale chez 20 patients. L’amélioration des dyskinésies controlatérales à la lésion persiste, avec encore 55 % de bons résultats à 1 an. Toutefois, les autres paramètres améliorés à 3 mois ont perdu leur pertinence à 1 an. La morbidité (4 complications graves et 10 mineures) et la mortalité (2 décès) sont assez élevées, ce qui, compte tenu du bénéfice qui a perdu 12 % en neuf mois, ne nous encourage pas à proposer cette solution thérapeutique. Cela dit, il est important de publier les résultats de toutes les études, afin de nous permettre de proposer à chaque patient la chirurgie qui lui sera la plus bénéfique. 6. Caparros-Lefebvre D., Blond S., Feltin M.P. et coll. Improvement of levodopa induced dyskinesias by thalamic deep brain stimulation is related to slight variation in electrode placement : possible involvement of the centre median and parafascicularis complex. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1999 ; 67 : 308-14. 7. Schrag A., Samuel M., Caputo E. et coll. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1999 ; 67 : 511-7.