M ise au point ●●M. Altieri*, E. Saloux**, E. Salamé* Comment réduire la morbi-mortalité cardio-vasculaire après transplantation hépatique ? D urant ces 20 dernières années, la transplantation hépatique (TH) a évolué, passant d’une procédure expérimentale à un possible traitement optimal de l’hépatopathie terminale. L’amélioration régulière de la survie après TH est le fait de nombreux facteurs, parmi lesquels : une meilleure compréhension de la conservation des organes prélevés, les progrès de la technique chirurgicale, la meilleure sélection des patients, l’évolution de l’immunosuppression, le contrôle des infections, mais également la meilleure gestion des complications métaboliques. Les maladies cardio-vasculaires sont l’un des facteurs pronostiques majeurs dans la plupart des études de morbi-mortalité après TH (1, 2). Ce sont des facteurs modifiables, dont l’importance est fonction des protocoles d’immunosuppression utilisés. La prévalence des maladies coronariennes chez les patients porteurs d’une hépatopathie terminale est probablement supérieure à celle de la population générale. La maladie coronarienne préexistante est un facteur prédictif de mauvais pronostic post-TH à 5 ans (3). La mortalité tardive (au-delà de 3 ans) d’étiologie cardio-vasculaire post-TH varie de 14 à 21 % (2, 4). Elle est probablement sous-estimée, car les rapports détaillés de mortalité issus de la littérature sont souvent incomplets ou indéterminés. Dans la série de S. Chinnakotla et al. (5), qui a analysé les causes de décès après TH sur une cohorte de 649 patients greffés, 344 sujets (17,5 %) ont survécu au-delà de 10 ans. La mortalité cardio-vasculaire a été de 12,8 % entre 2 et 5 ans et de 25,8 % entre 6 et 10 ans. D. Vogt et al. (6) rapportent une mortalité plus importante, atteignant 42 % à 1 an malgré un greffon hépatique fonctionnel, dans une série de 542 patients. S. Johnston et al. (7) font état, quant à eux, d’une surmortalité d’origine cardio-vasculaire dans une série appariée à un groupe contrôle (risque relatif [RR] = 2,56). L’objectif de cette revue de la littérature est de proposer une stratégie de prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires fondée sur le niveau de preuve qui permettra de réduire la surmortalité cardio-vasculaire dans ce groupe de patients. La première – et la plus simple – des approches est de changer le mode de vie des sujets (alimentation, exercice). Les principaux avantages sont une compliance acceptable et l’absence de traitements ajoutés. Si ce changement de mode de vie est insuffisant, d’autres alternatives pourront être proposées : poursuivre le même protocole immuno­suppresseur (IS) en traitant spécifiquement les compli­cations métaboliques (diabète, hypertension artérielle [HTA], dys­lipidémie) ; changer le protocole IS, avec le risque toujours possible ­d’exposer le patient à d’autres complications. Ces deux approches sont également légitimes, le choix pour l’une ou pour l’autre étant guidé par la compliance du patient. En cas d’échec, des associations sont toujours possibles. HYPERTENSION ARTÉRIELLE L’HTA est un facteur de risque cardio-vasculaire bien établi, qui entraîne au long cours des atteintes rénale et cardio-­vasculaire. Elle est très rare en pré-TH (8). L’apparition d’une HTA post­ opératoire précoce, mais également à long terme, est un phénomène fréquent en post-transplantation et son incidence varie entre 36 et 70 % chez les patients greffés (7, 9-14). Plusieurs mécanismes physiopathologiques sont impliqués : ● l’activation du système rénine-aldostérone-angiotensine, avec une réponse très augmentée à la noradrénaline et à l’angiotensine II ; ● la sécrétion de l’endothéline vasculaire, avec une hyporéactivité vasculaire ; ● l’augmentation de la production de vasoconstricteurs de type thromboxane A2 ; ● une activité diminuée du système vasodépresseur (kinine, kallikréine et endothelial derived relaxing factor [EDRF]) ; ● la diminution significative de la production de prosta­cycline (PGI2) ; ● une production augmentée de radicaux libres – également à signaler ; ● les différents changements du tonus vasculaire, essentiellement au niveau rénal, entraînent une diminution de la filtration glomérulaire et, par conséquent, une augmentation de la réabsorption du sodium. Le rapport vasoconstricteurs versus vasodilatateurs se déplace vers la vasoconstriction aboutissant à une HTA. Plusieurs études ont montré une incidence élevée de l’HTA lors de l’utilisation de la ciclosporine comme anticalcineurine. R. Dikow et al. ont montré, en mesurant la pression artérielle avec un holter dès 24 heures, que l’incidence initiale de l’HTA passait de 56,6 % à 76,4 % (15). Les nouveaux hypertendus correspondaient en majorité au groupe des sujets traités par ciclosporine. Par ailleurs, ils ont observé un meilleur équilibre * Département de chirurgie digestive et de transplantation hépatique, CHU de Caen. ** Service de cardiologie, CHU de Caen. 178 Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 M ise au point FACTEURS DE RISQUE DU DIABÈTE POSTGREFFE de la tension artérielle dans le groupe qui recevait du tacrolimus. M. Lucey et al. (16) ont également montré, dans une étude multicentrique ayant inclus 1 065 transplantés hépatiques entre 1997 et 1998, que la pression artérielle systolique était plus basse dans le groupe traité par tacrolimus, avec, pour corollaire, un recours moins important aux antihypertenseurs. M. Stegal et al. (10) ont comparé l’incidence de l’HTA de patients sans stéroïdes et recevant une association soit de ciclosporine + mycophénolate mofétil (MMF), soit de tacrolimus + MMF. Ils ont constaté une incidence plus élevée d’HTA dans le groupe prenant l’association ciclosporine + MMF (30,3 %) que dans celui recevant celle de tacrolimus + MMF (12 %). Après TH, la pression artérielle doit être surveillée et l’HTA doit être traitée avec les mêmes cibles thérapeutiques que celles attribuées à la population générale (120/80 mmHg). Pour les patients restant hypertendus malgré un changement de mode de vie (perte de poids, activité physique), il conviendra d’ajouter un antihypertenseur ou de modifier le protocole IS. Le sevrage puis l’arrêt des corticoïdes sont à envisager en premier lieu, suivis d’une minimisation de la dose de l’anticalcineurine, MMF en monothérapie ou conversion vers les inhibiteurs de mTOR (mammalian Target Or Rapamycin). Pour les patients hypertendus sans protéinurie, le premier choix sera un anticalcique. En cas de protéinurie, on utilisera un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II. L’utilisation d’un IEC associé à des diurétiques doit être prudente en cas d’insuffisance rénale. Certains cas nécessitent une thérapie combinée : on pourra ajouter d’autres molécules, comme les α-bloquants si besoin. D’autres alternatives sont possibles, tels les β-bloquants, seuls ou en association avec un thiazidique, ou un α et/ou β-bloquant comme le carvédilol. Les facteurs de risque sont génétiques mais aussi environnementaux, liés à l’âge, à l’origine ethnique, à l’obésité, aux infections VHC et CMV, aux traitements IS et à l’utilisation de bolus de stéroïdes. Les inhibiteurs de la calcineurine (ICN) et les stéroïdes exercent leur effet hyperglycémiant par 2 mécanismes : l’insulinorésistance et la toxicité directe sur les cellules β. Le diabète est plus fréquent chez le patient transplanté hépatique pour VHC (VHC+ : diabète dans 33 à 64 % des cas, VHC– : diabète dans 5 à 28 % des cas) [19, 21, 23]. Plusieurs études révèlent que l’incidence du diabète est supérieure chez les patients sous tacrolimus. G. Lévy et al. (24), dans une étude randomisée comparant ciclosporine (250 patients) versus tacrolimus (245 patients) et tenant compte du statut VHC, trouvaient une différence significative à 9 mois post-TH entre les groupes VHC+ et VHC– : 14 % des patients sous tacrolimus avaient développé un diabète de novo (New Onset Diabetes Mellitus [NODM]) versus 6 % de ceux sous ciclosporine (p < 0,05). O. Heisel et al. (25), dans une revue systématique de la littérature portant sur 16 études prospectives randomisées et comparant l’incidence du NODM chez des patients adultes ayant reçu une greffe d’organe, constataient une incidence du diabète supérieure dans le groupe traité par tacrolimus (15,9 %) versus ciclosporine (4,9 %). La présence d’un diabète pré-TH (10 à 30 % des patients cirrhotiques) est associée à une surmortalité globale, secondaire à une majoration des complications cardio-vasculaires infectieuses, neurologiques, néphrologiques et ophtalmologiques. Dans une étude cas-contrôle, P. John et al. (26) ont montré que la mortalité à 1 et 2 ans post-TH était comparable entre sujets diabétiques et non diabétiques. En revanche, la mortalité à 5 ans était significativement plus élevée chez les diabétiques (66,6 % versus 22,6 %). DIABÈTE POST-TH L’incidence rapportée dans la littérature varie entre 7,2 % et 28 % (10-14, 17-21). M. Kahlili et al. (22), dans une étude comportant 555 transplantés hépatiques sans diabète préexistant et recrutés dans 3 centres américains, retrouvent 209 cas de diabète avéré (nécessité d’antidiabétiques oraux et/ou d’insulinothérapie) : 28,3 % présentaient un diabète transitoire, 9,4 % présentaient un diabète persistant. Dans cette étude, les facteurs prédictifs de survenue d’un diabète persistant étaient l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC), l’âge plus élevé et un traitement par tacrolimus. Entre 5 et 50 % des patients candidats à une greffe sont diabétiques en prégreffe. L’étude multicentrique et prospective LIS2T, qui a inclus 495 patients de 17 pays dans 50 centres, a retrouvé une incidence du diabète prégreffe de 22 % (23). Le risque de développer un diabète se majore progressivement tout au long de la greffe, en particulier lors des premiers mois, mais il faut signaler que l’hyperglycémie peut être transitoire lors de cette période. Les critères de diagnostic pour le diabète post-TH sont ceux préconisés par G. Villanueva et al. (27) : ● patients symptomatiques : glycémie > 11,1 mmol/l ; ● patients asymptomatiques : • glycémie > 11,1 mmol/l lors de 2 prélèvements • ou une glycémie à jeun > 7 mmol/l • ou un test d’hyperglycémie provoquée > 11,1 mmol/l. Sur 347 patients TH traités par tacrolimus + stéroïdes versus 351 patients traités par tacrolimus + daclizumab, O. Boillot et al. (28) ont montré une diminution de l’incidence du diabète, qui passait de 15,3 % à 5,7 %. G.P. Pageaux et al. (29) ont montré une diminution drastique du recours au traitement antidiabétique oral dans un groupe de 84 patients traités par ciclosporine + basiliximab + stéroïdes arrêtés précocement (J14), versus un groupe de 90 patients ayant bénéficié du même traitement mais sans l’arrêt précoce des stéroïdes. Le taux de recours aux antidiabétiques oraux est passé de 11 % à 2 %. 179 Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 M ise au point La prévention du diabète postgreffe se fonde sur l’utilisation du protocole d’IS sans stéroïdes ou sur l’arrêt précoce de ces molécules. La conversion du tacrolimus vers la ciclosporine pourrait être une option. Les fibrates (gemfibrosil) ont montré leur efficacité dans une série après transplantation cardiaque et rénale (32) : ils diminuent significativement les triglycérides et augmentent le HDL-cholestérol. Associés à la fluvastatine ou à la pravastatine en transplantation rénale, ils sont sûrs et efficaces. La niacine et la cholestyramine ne sont pas souhaitables, au moins en première ligne. Elles peuvent être utilisées en thérapie combinée, mais la littérature concernant les transplantés hépatiques est insuffisante et leur efficacité reste incertaine dans ce cadre. L’ézétimide est efficace en transplantation rénale en diminuant le LDL-cholestérol et le cholestérol total. Bien que sa toxicité ne soit pas rapportée lors de son association avec la ciclosporine, il a été observé une élévation des concentrations de l’ézétimide nécessitant des contrôles biologiques fréquents. DYSLIPIDÉMIE La dyslipidémie est très rare avant TH, sauf l’hypertriglycéridémie, classiquement observée chez le patient alcoolique. L’incidence de dyslipidémie post-TH varie entre 27,4 % et 66,2 % (7, 10, 12-14, 30-32). Plusieurs étiologies ont été impliquées : facteurs génétiques, habitudes alimentaires, obésité, insuffisance rénale, IS (hautes doses de stéroïdes), perturbation du métabolisme lipidique du greffon hépatique et du métabolisme lipidique périphérique du receveur. L’existence d’un diabète et/ou la présence d’autres facteurs de risque cardio-vasculaires associés devraient être prises en considération au moment de formuler les cibles thérapeutiques pour la prise en charge de la dyslipidémie. Le LDL-cholestérol est l’un des plus puissants facteurs de risque associés à une majoration du risque cardio-vasculaire. C. Manzarbeitia et al. (33) ont constaté une moindre incidence des dyslipidémies chez les patients traités par tacrolimus comparativement à ceux traités par ciclosporine. M. Lucey et al. (16) ont montré que les hypolipémiants étaient moins utilisés dans le groupe tacrolimus. Une majoration de l’incidence des dyslipidémies lors de l’association sirolimus + ciclosporine comparativement à l’association sirolimus + tacrolimus a été mise en évidence par J. Trotter et al. (34). Les modifications des protocoles IS devraient privilégier les schémas thérapeutiques suivants : ● peu ou pas de stéroïdes ; ● une réduction ou un arrêt des anticalcineurines ; ● le remplacement de la ciclosporine par le tacrolimus (33, 37) ; ● le remplacement des ICN par le MMF ; ● le remplacement d’un inhibiteur de mTOR (sirolimus et évérolimus) par d’autres immunosuppresseurs. HYPERURICÉMIE D.I. Feig et al. (38), dans une mise au point récente de la littérature concernant l’acide urique, rapportent sa relation avec l’HTA et avec les maladies rénales et cardio-vasculaires, mais en insistant sur le fait qu’il n’y a pas actuellement de niveau de preuve suffisant pour justifier le traitement des hyperuricémies asymptomatiques. Ils suggèrent en revanche d’attendre la réalisation d’études cliniques afin de confirmer ou non la réduction des complications cardio-vasculaires et rénales lors du traitement des hyperuricémies. Traitement de la dyslipidémie : régime L’effet du régime sur les hyperlipidémies post-TH n’a pas été rapporté, mais les patients doivent être conseillés. La consommation de cholestérol journalière doit être limitée à 200-300 mg ; la part de graisse totale doit représenter seulement 25 à 30 % de l’apport calorique total, avec moins de 7 % de graisses saturées, une faible quantité d’acides gras trans et une majoration de la part des fibres (35). OBÉSITÉ ●● Objectifs Lorsque les modifications du régime alimentaire sont inefficaces, l’introduction d’un traitement est nécessaire. Plusieurs médicaments ont été utilisés : statines, inhibiteurs de l’absorption du cholestérol, séquestrants des sels biliaires, fibrates, niacine. Les statines sont les médicaments de premier choix (pravastatine, fluvastatine). Elles présentent un risque accru de myosite et de rhabdomyolyse dû à l’interaction entre anticalcineurine et statine. La pravastatine est efficace et sûre chez les transplantés hépatiques (36) ; elle diminue le LDL-cholestérol. Il n’y a pas de rhabdomyolyse car il n’y a pas d’interaction avec le cytochrome P450 (CyP450) 3A. Il n’existe aucune étude concernant la combinaison des thérapies hypolipémiantes. L’obésité représente un facteur de risque cardio-vasculaire très important. Vingt à 30 % des patients adressés pour TH sur hépatopathie terminale sont obèses, avec un index de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m2. La prévalence de cette pathologie dans la période post-TH varie entre 17 et 42 % (39, 40). Dans une étude portant sur 597 patients réalisée entre 1996 et 2001, J. Richards et al. (41) ont observé que le taux d’obésité (IMC > 30 kg/m2) à 1 an post-TH était de 24 % et de 31 % à 3 ans. Cette augmentation de poids a été observée plus fréquemment chez les patients âgés de plus de 50 ans présentant une hépatopathie chronique terminale, par rapport à ceux ayant une hépatite aiguë fulminante. S. Nair et al. (40) ont rapporté, sur 23 675 patients transplantés hépatiques, 14 % 180 Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 M ise au point de patients obèses avec un IMC entre 30 et 35 kg/­m2, dont 7 % d’obésités sévères avec un IMC supérieur à 35 kg/­m2. Plusieurs facteurs sont impliqués dans la physiopathogénie de l’obésité : des facteurs génétiques ; l’absence, ou presque, d’activité physique ; les effets secondaires des IS stimulant l’appétit ; le diabète ; la sensation de bien-être après une longue maladie ; les habitudes alimentaires. Plusieurs études montrent que le taux d’obésité est majeur chez les sujets traités par ciclosporine. La prise en charge du patient obèse inclut une approche multidisciplinaire associant des mesures diététiques et des activités physiques et thérapeutiques (évaluation insuffisante après TH). Dans ce cadre, D. Cassiman et al. (42) ont montré l’intérêt de l’utilisation de l’orlistat. glomérulaire (DFG) au sein d’une population d’insuffisants rénaux chroniques (1 120 295 patients) recrutés entre 1996 et 2000, qui ne bénéficiaient ni de dialyse ni de transplantation rénale. Ils ont évalué le rapport entre le niveau de DFG, d’une part, et le risque de décès (toutes étiologies confondues), la survenue d’événements cardio-vasculaires et des hospitalisations, d’autre part. Ils ont observé que les risques étaient significativement plus élevés à partir d’un DFG inférieur à 60 ml/mn/1,73 m2 et que ceux-ci étaient substantiellement majorés lorsque le DFG chutait à 45 ml/mn/1,73 m2. Dans une étude multicentrique portant sur 2 102 patients adultes greffés d’un rein, B. Fellström et al. (45) ont rapporté une corrélation entre la créatinine et la mortalité pour causes cardio-vasculaires et non cardio-vasculaires ainsi qu’une corrélation avec la survenue d’événements cardio-vasculaires majeurs non mortels, indépendamment des facteurs de risque habituels (sauf pour les accidents vasculaires cérébraux et l’infarctus du myocarde non fatal isolé). Sur le plan des IS, la prévention primaire ou secondaire de l’insuffisance rénale est fondée sur l’utilisation de nouvelles molécules dénuées de néphrotoxicité, comme le MMF et les inhibiteurs de mTOR, tout en diminuant jusqu’à l’arrêt les anticalcineurines (tacrolimus et ciclosporine). Bien que des améliorations notables de la fonction rénale soient constatées avec ces deux molécules (31), il ne faut pas sous-estimer le risque de survenue d’un rejet aigu, surtout lorsque ces nouvelles molécules sont utilisées en monothérapie. Le risque de survenue d’un rejet aigu reste non négligeable pour le MMF sans anticalcineurine (6-33 % des cas), comme pour les inhibiteurs de mTOR (0-5 %) [48]. D’autres mesures utiles pour préserver la fonction rénale sont à envisager, avec la correction de l’HTA, du diabète et de la dyslipidémie. En cas de progression de la maladie, la transplantation rénale a sa place. SYNDROME DYSMÉTABOLIQUE M. Laryea et al. (43) ont montré, dans une population de 118 patients transplantés hépatiques suivis pendant 58 mois, une incidence de syndrome dysmétabolique (44) de 58 % (69/118 patients). Dans cette étude, le syndrome dysmétabolique était associé à un risque majeur d’événements vas­culaires. Ils ont constaté 7 infarctus dans le groupe syndrome dysmétabolique versus 0 dans le groupe témoin, 9 syndromes coronariens aigus dans le groupe syndrome dysmétabolique versus 2 dans le groupe témoin, 4 accidents ischémiques transitoires dans le groupe syndrome dysmétabolique versus 1 dans le groupe témoin, et 1 accident vasculaire cérébral dans chaque groupe. En pratique, l’incidence des événements vasculaires post-TH chez les patients du groupe syndrome dysmétabolique est de 30 % versus 8 % dans le groupe témoin. L’incidence du syndrome dysmétabolique post-TH est supérieure à celle de la population générale. Pour cette raison, le protocole IS doit privilégier l’absence ou la très faible dose de stéroïdes et de tacrolimus. La chirurgie bariatrique, qui a un impact sur l’absorption des IS, ne vient qu’en dernier recours et sur des cas très sélectionnés ; du reste, elle n’a fait l’objet jusqu’à présent d’aucune évaluation clinique. HOMOCYSTÉINÉMIE G. Bianchi et al. ont montré, dans une série de 230 patients hépatiques suivis depuis 6 mois, une incidence plus élevée d’événements artériels, coronariens ou artériels périphériques, qui se majore de 10 % pour chaque augmentation de 5 mmol/l d’homocystéine (49). Cette augmentation suggère que cet acide aminé peut être impliqué dans la physiopathogénie des événements cardio-vasculaires après TH. INSUFFISANCE RÉNALE L’insuffisance rénale est un facteur majeur de risque cardiovasculaire également associé à un risque de décès : RR : 4,55 (extrêmes : 4,38 à 4,74) [8, 45]. Les facteurs de risque d’insuffisance rénale sont : le diabète, l’HTA, l’utilisation d’anticalcineurine, l’âge et le VHC. A. Ojo et al. (46) ont rapporté, dans une étude menée entre janvier et décembre 2000, que l’incidence cumulative de l’insuffisance rénale chronique après TH était de 8,0 % ± 0,1 % à 1 an, de 13,9 % ± 0,2 % à 3 ans, et de 18,1 % ± 0,1 % à 5 ans. A. Go et al. (47) ont analysé le débit de filtration TABAGISME Les observations de A. Di Martini et al. (50) démontrent clairement que le tabagisme post-TH doit être considéré comme un facteur de risque d’athérosclérose, au même titre que la dyslipidémie, le diabète, l’hypertension, l’obésité et le vieillissement. S. Punpapong et al. (51) ont constaté des conséquences spécifiques du tabagisme après TH, à savoir 181 Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n o 4 - octobre-novembre-décembre 2009 M ise au point une fréquence plus élevée de thromboses de l’artère hépatique et une majoration de l’incidence du cancer (13,5 % des cancers chez les fumeurs versus 4,8 % chez les nonfumeurs). A. Di Martini et al. ont observé que 27 % des patients étaient des fumeurs actifs avant la TH et que 15 % le restaient après (50). J. Leithead et al. ont rapporté, dans une étude rétrospective portant sur 132 patients transplantés hépatiques entre 1996 et 2000 avec un suivi moyen de 8,8 ans (6,4 à 11,3 ans), que les fumeurs assidus représentaient 23 % de la population, les ex-fumeurs 18 %, et les non-fumeurs 58 % (52). Il n’y avait aucune différence pour la survie du greffon à 10 ans entre fumeurs et non-fumeurs. En revanche, le taux de mortalité du patient fumeur a été 2 fois supérieur à celui des non-fumeurs. La mortalité était due à un sepsis à point de départ pulmonaire et à des causes cardio-vasculaires. L’addiction au tabac est un trouble chronique récidivant qui nécessite une approche structurée et éclectique visant à interrompre la consommation et diminuer la récidive. Une approche de l’arrêt du tabac doit faire partie de l’évaluation prétransplantation (53). 6. Vogt D et al. The long term survival and causes of death in patients who survive at least 1 year after liver transplantation. 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Il est donc nécessaire de : ● réaliser un dépistage spécifique pré-TH rigoureux ; ● éviter l’utilisation de stéroïdes à long terme ; ● contrôler la pression artérielle, l’IMC et la glycémie à chaque consultation, et insister sur le changement de mode de vie, modifier les habitudes alimentaires et, si besoin, recommander une activité physique ainsi que l’arrêt du tabac. Le recours aux traitements spécifiques se fera au cas par cas. Il est conseillé de réaliser un bilan lipidique tous les 6 mois, et de vérifier la protéinurie et la micro-albuminurie. ■ R é f é R e n c e s 17. Steinmuller T et al. Liver transplantation and diabetes mellitus. Exp Clin Endocrinol Diabetes 2000;108:401-5. 18. Baid S et al. Post-transplantation liver diabetes in liver transplant recipients: risk factors, temporal relationship with hepatitis C virus allograft hepatitis and impact on mortality. Transplantation 2001;72:1066-72. 19. Marchetti P et al. New onset diabetes after liver transplantation. 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