REVUE DE PRESSE Efficacité à long terme du renforcement musculaire coordonné par

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REVUE DE PRESSE
coordonné par
le Pr B. Combe
Efficacité à long terme du renforcement musculaire
dans la polyarthrite rhumatoïde
Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) ont une activité physique particulièrement faible, à l’origine d’une amyotrophie et d’un déconditionnement. Certaines études
suggèrent que le renforcement musculaire est bien toléré et permet d’améliorer la plupart des
critères d’évaluation de la PR à court terme. Cependant, il n’est pas certain que les patients
conservent une activité physique régulière à l’issue de l’étude et que l’effet positif sur les
critères d’évaluation persiste. En 2009, A. Lemmey et al. avaient montré qu’un programme
de renforcement musculaire intensif de 6 mois permettait d’augmenter significativement
la masse musculaire et de diminuer la masse graisseuse tout en améliorant la fonction de
patients atteints de PR établie (1). Dans cette nouvelle étude (2), les auteurs ont mesuré
l’impact du programme sur le long terme en utilisant les mêmes critères : 18 patients atteints
de PR et ayant bénéficié du programme de renforcement musculaire ou d’une prise en charge
conventionnelle ont été évalués 3 ans après la fin des exercices. Les patients ayant participé
au programme étaient significativement plus minces à 3 ans. Ils avaient perdu en moyenne
1 kg en 3 ans, alors que les patients du groupe témoin avaient grossi de 2,4 kg. De plus,
les sujets ayant bénéficié du programme d’exercices conservaient à 3 ans une vitesse de
marche supérieure à celle du groupe témoin (8,5 ± 1,8 s contre 9,0 ± 3,5 s pour réaliser le
test de marche sur une distance de 9 m ; p = 0,03). En revanche, l’amélioration de la force
musculaire constatée après 6 mois d’intervention n’était plus significative à 3 ans.
A. Baillet (Grenoble)
Anti-TNFα et prévention du diabète :
une nouvelle vertu ?
Commentaire
La rémanence de l’effet positif des programmes
d’exercice dans la PR reste controversée. Van den
Ende et al. rapportent dans leur étude (3) que
le programme d’exercices dynamiques offre un
effet d’une durée de quelques semaines, alors que
Hakkinen et al. (4) suggèrent un bénéfice à plus
long terme. Le faible nombre de patients limite la
portée de cette étude, qui suggère un effet positif
du renforcement musculaire à long terme sur le
poids et la fonction des membres inférieurs. Bien
que statistiquement significative, il n’est toutefois
pas certain que l’amélioration de la vitesse de
marche soit cliniquement pertinente.
Références bibliographiques
1. Lemmey AB, Marcora SM, Chester K et al. Effects of highintensity resistance training in patients with rheumatoid
arthritis: a randomized controlled trial. Arthritis Rheum
2009;61:1726-34.
2. Lemmey A, Williams SL, Marcora SM et al. Are the benefits
of a high-intensity progressive resistance training program
sustained in rheumatoid arthritis patients? A 3-year follow-up
study. Arthritis Care Res 2012;64:71-5.
3. Van den Ende CH, Breedveld FC, Le Cessie S, Dijkmans BA,
De Mug AW, Hazes JM. Effect of intensive exercise on patients
with active rheumatoid arthritis: a randomised clinical trial.
Ann Rheum Dis 2000;59:615-21.
4. Hakkinen A, Sokka T, Hannonen P. A home-based two-year
strength training period in early rheumatoid arthritis led to
good long-term compliance: a five-year followup. Arthritis
Rheum 2004;51:56-62.
Si l’inflammation chronique joue un rôle direct dans le développement de l’athérosclérose,
l’augmentation des facteurs de risque cardiovasculaire intervient également. Or, l’inflammation
favorise probablement aussi leur développement, comme le diabète. Ainsi, la résistance à
l’insuline paraît associée au TNF, à l’IL-6 et à la CRP.
Le risque de diabète a été évalué dans le psoriasis et la PR. Logiquement, les traitements de
fond, dont les biothérapies anti-TNF, seraient donc susceptibles de le réduire. Des résultats
ont d’ailleurs été publiés concernant l’efficacité :
➤➤ de l’infliximab sur l’insulinorésistance dans les rhumatismes inflammatoires chroniques ;
➤➤ de l’hydroxychloroquine dans la prévention du diabète chez des patients atteints de PR ;
➤➤ de l’hydroxychloroquine et des anti-IL-1 dans le traitement du diabète de type 2.
Dans ce contexte, une étude de cohorte a été menée, de janvier 2006 à juin 2008, pour
analyser les liens entre traitements de fond et risque de diabète chez les patients atteints de
PR ou de psoriasis, l’hypothèse étant que l’utilisation d’un anti-TNF et de l’hydroxy­chloroquine
diminue le risque comparativement aux autres traitements de fond (1).
Sur les 121 280 patients ayant une PR ou un psoriasis issus des bases de données d’assurances
maladie canadiennes et américaines, 13 905 sujets sans diabète préexistant ont été sélectionnés et
inclus au moment du premier changement de traitement de fond (période de 12 mois avant confirmation diagnostique), ce qui correspond à un total de 22 493 nouvelles séquences thérapeutiques.
Quatre groupes thérapeutiques exclusifs ont été définis : anti-TNF, méthotrexate (MTX),
hydroxychloroquine et groupe comparateur comportant d’autres traitements de fond non
biologiques (dont le léflunomide et la sulfasalazine).
Les patients pouvaient entrer plus d’une fois dans l’étude (analyse), l’inclusion dans un groupe
étant définie par une période de prescription prolongée de 30 jours.
L’analyse des caractéristiques des patients montre notamment une cohorte essentiellement
composée de PR (≥ 93 % des séquences thérapeutiques, quel que soit le groupe), un groupe
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Incidence cumulée du diabète (%)
5
DMARD
Patients à risque
Événements
Hydroxychloroquine
Patients à risque
Événements
Méthotrexate
Patients à risque
Événements
Anti-TNF
Patients à risque
Événements
DMARD
Anti-TNF
Méthotrexate
Hydroxychloroquine
4
6
2
1
0
0
3
3 993
0
1 232
45
561
50
310
51
196
53
5 682
0
2 055
34
1 215
39
865
42
633
43
8 195
0
3 338
66
1 994
68
1 383
72
977
75
4 623
0
3 331
44
2 412
55
1 832
60
1 413
63
6
9
Délai d’apparition du diabète (mois)
12
Figure. Incidence cumulée du diabète au cours du temps.
psoriasis intégrant également des rhumatismes psoriasiques et, de façon étonnante, une
utilisation importante de l’hydroxychloroquine (25,9 %) dans le groupe PR, ainsi qu’une
faible utilisation antérieure du MTX (18,0 %) dans le groupe anti-TNF, contrairement au
groupe hydroxychloroquine (63,1 %).
Deux cent soixante-sept cas de diabète (essentiellement de type 2, seuls 10 % des patients
étant traités par insulinothérapie) ont été notés, soit 80, 82, 50 et 55 cas (sur 4 623, 8 195,
5 682 et 3 993 épisodes thérapeutiques) dans les groupes respectifs, avec un suivi moyen de
5,8 mois, correspondant à des taux d’incidence (nombre de diabètes pour 1 000 personnes
par année) de 19,7, de 23,8, de 22,2 et de 50,2.
L’évolution dans le temps de l’incidence cumulée du diabète montre une nette différence
entre le groupe comparateur et les 3 autres groupes (p = 0,05 ; p = 0,001 et p = 0,001
respectivement) [figure].
Dans le modèle d’ajustement le plus complet, prenant en compte différents paramètres
(diagnostic, âge et sexe, index de comorbidité, nombre de visites médicales, traitements
antérieurs dont la corticothérapie, année d’entrée dans l’étude), le risque relatif de diabète
apparaît significativement diminué dans les groupes anti-TNF et hydroxychloroquine,
soit, respectivement, 0,62 (IC95 : 0,42-0,91) et 0,54 (IC95 : 0,36-0,80), contre 0,77 (IC95 :
0,53-1,13) dans le groupe MTX.
Les analyses de sensibilité faisant varier la définition de l’exposition au traitement (une
seule entrée dans l’étude contre 180 jours d’exposition), la durée d’exposition pour retenir
le diabète (90 premiers jours contre au-delà), l’utilisation antérieure ou non d’une corticothérapie montrent que :
➤➤ l’utilisation du MTX n’est pas associée à une réduction significative du risque de diabète ;
➤➤ le risque est significativement réduit sous anti-TNF et hydroxychloroquine les 90 premiers
jours suivant l’instauration du traitement, en cas d’utilisation antérieure d’une corticothérapie,
et uniquement sous hydroxychloroquine pour une exposition de 180 jours.
J.D. Cohen (Montpellier)
Commentaire
Cette étude observationnelle sans randomisation
des groupes thérapeutiques n’a pas pris en compte
certains facteurs de risque de diabète (indice de
masse corporelle, régime alimentaire, antécédents
familiaux, sédentarité, tabac, alcool) ni la sévérité
de la pathologie, ni fait de distinction entre les
2 types de diabète.
Les résultats semblent cependant concorder
avec ceux déjà publiés, une possible explication
pharmacologique pour l’hydroxychloroquine (diminution de la clairance de l’insuline) étant apportée
par les études animales.
Le risque de diabète semble donc réduit chez les
patients sous anti-TNF, comme cela vient d’être
récemment rapporté (2), et sous hydroxychloroquine comparativement aux autres traitements
de fond.
Cette propriété suggérée des anti-TNF est intéressante pour, d’une part, stimuler notre réflexion
sur la morbimortalité d’origine cardiovasculaire
dans la PR et, d’autre part, reconsidérer le rapport
bénéfice/risque de ces agents biologiques. Quant
à l’hydroxychloroquine, dont les nombreuses propriétés ont notamment été démontrées dans le
lupus, elle témoigne en outre de cet effet “préventif” du diabète confirmé dans la PR.
Références bibliographiques
1. Solomon DH, Massarotti E, Garg R et al. Association
between disease-modifying antirheumatic drugs and diabetes
risk in patients with rheumatoid arthritis and psoriasis. JAMA
2011;305:2525-31.
2. Antohe JL, Bili A, Sartorius JA et al. Diabetes mellitus risk
in rheumatoid arthritis: reduced incidence with anti-tumor
necrosis factor therapy. Arthritis Care Res 2012;64:215-21.
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Échec thérapeutique et ostéoporose :
facteurs de risque d’une mauvaise réponse
aux bisphosphonates
L’ostéoporose postménopausique est une maladie chronique fragilisant l’os dont la conséquence est la survenue de fractures par fragilité. L’objectif thérapeutique est la réduction
du risque de fractures sévères responsables d’un handicap et d’un excès de mortalité.
L’évaluation de la stratégie thérapeutique comprend 2 volets. Le premier est l’observance,
qui regroupe la persistance (durée de prise) et la compliance (respect du rythme et des règles
de prise). Comme pour toutes les maladies chroniques, l’observance dans l’ostéoporose est
faible. La persistance à 1 an est ainsi estimée à moins de 50 % dans la population générale.
C’est seulement après s’être assuré d’une bonne observance qu’il est possible d’évaluer le
deuxième volet : l’efficacité intrinsèque de la molécule.
A. Diez-Pérez et al. (1) ont mis en place une étude prospective multicentrique au sein de
12 centres espagnols de référence en ostéoporose. Ils ont inclus des femmes ménopausées
ostéoporotiques présentant un T-score ≤ −2,5 DS et traitées par antirésorptifs (bisphosphonates). Le traitement devait être instauré depuis 12 mois, et seules les patientes témoignant
d’une bonne observance (> 80 %) pouvaient être incluses dans l’étude. L’observance était
évaluée par l’interrogatoire et par un test de Morisky-Green. Le traitement devait être poursuivi
pour une durée totale de 5 ans (60 mois). Les patientes ayant une mauvaise observance,
une ostéoporose secondaire (corticothérapie, endocrinopathie, immobilisation, néoplasie ou
malabsorption) ou une autre cause de fragilité osseuse étaient exclues de l’étude. À l’issue
du traitement, les patientes ayant présenté une fracture entre le 12e et le 60e mois constituaient le groupe “mauvaises répondeuses”, tandis que les autres composaient le groupe
témoin. Dans chaque groupe, l’évaluation portait sur les facteurs de risque cliniques, les
antécédents de chute au cours de la dernière année, la densitométrie osseuse, l’analyse de
structure à partir de radiographies numérisées haute définition de l’extrémité supérieure du
fémur (ImaTx) et du radius distal (DiagnosticPRO® Advantage par Vidar).
Résultats
Cent soixante dix-neuf patientes ont été recrutées. Soixante-seize patientes (42 %) étaient des
“mauvaises répondeuses”. L’âge moyen des patientes (68 ans) ne différait pas d’un groupe
à l’autre. L’analyse univariée a montré des différences significatives entre cas et témoins,
avec, chez les premiers, plus d’antécédents de fracture par fragilité, plus de chutes dans les
12 derniers mois, plus de carences en vitamine D (< 20 ng/ml), une densitométrie lombaire
plus basse et un index de rupture à la charge plus bas. Dans l’analyse multivariée, seuls
3 paramètres sont restés significativement associés à l’échec thérapeutique : un antécédent
personnel de fracture (odds-ratio [OR] = 3,60 ; IC95 : 1,47-8,82 ; p = 0,005), une carence
en vitamine D (OR = 3,85 ; IC95 : 1,55-9,77 ; p = 0,004) et une augmentation de la charge
à la rupture à la hanche (ImaTx) [OR = 0,96 ; IC95 : 0,93-0,99 ; p = 0,006].
C. Confavreux (Lyon)
Commentaire
Cette étude montre que la carence en vitamine D
et la sévérité de la maladie exposent à un risque
sévère d’échec thérapeutique chez les patientes
ayant une bonne observance. La sévérité de la
maladie est ici reflétée par les antécédents fracturaires et l’index de charge à la rupture, ce qui
permet d’englober la détérioration de la structure osseuse et pas seulement la masse osseuse. Le
taux de non-réponse observé ici chez des patientes
suivies en centres de référence – potentiellement
plus sévèrement atteintes − est de 42 %. Dans
l’étude ICARO (2), ce taux est de 25 %. Ces taux
concordent avec la réduction du risque fracturaire
observée dans les études pivots. Le développement
de nouveaux traitements encore plus efficaces dans
l’ostéoporose reste d’actualité.
Ce travail de A. Díez-Pérez et al. (1) souligne la difficulté de définir l’échec thérapeutique. Plusieurs
définitions ont été proposées dans la littérature.
Certaines ne reposent que sur la densitométrie
osseuse ou que sur la survenue d’une fracture,
d’autres associent les 2 (3, 4). Même le critère de
fracture seule, très conservateur, a ses limites. Ainsi,
par exemple, la survenue d’une fracture vertébrale
de grade I en lieu et place d’une cascade fracturaire chez une patiente chez qui l’on attendait
plusieurs fractures vertébrales sévères n’est-elle
pas forcément à considérer comme un échec
thérapeutique ? Pour le chercheur, comme pour
le clinicien, cette étude pose la question de l’évaluation de la réduction du risque fracturaire sous
traitement pour guider la décision thérapeutique.
De nouveaux outils, telle l’analyse de la structure
de l’extrémité supérieure du fémur utilisée ici par
les auteurs, sont à mettre en place.
Références bibliographiques
1. Díez-Pérez A, Olmos J, Noguès X et al. Risk factors for
prediction of inadequate response to antiresorptives. J Bone
Miner Res 2012;27(4):817-24.
2. Adami S, Isaia G, Luisetto G et al. Fracture incidence and
characterization in patients on osteoporosis treatment: the
ICARO study. J Bone Miner Res 2006;21:1565-70.
3. Confavreux CB, Paccou J, David C et al. Defining treatment failure in severe osteoporosis. Joint Bone Spine
2010;77(Suppl. 2):S128-32.
4. Díez-Pérez A, González-Macías J. Inadequate responders
to osteoporosis treatment: proposal for an operational definition. Osteoporos Int 2008;19:1511-6.
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Dénosumab et survie sans métastase osseuse
chez les hommes atteints d’un cancer
de la prostate hormonorésistant
Les métastases osseuses constituent une cause majeure de morbidité et de mortalité chez
les patients atteints d’un cancer de la prostate. L’os est souvent le seul site métastatique.
Les événements liés aux métastases osseuses, comme la survenue de douleurs osseuses,
d’hypercalcémies ou de fractures pathologiques avec, parfois, une compression médullaire,
sont source d’une altération importante de la qualité de vie. La prévention de ces métastases
représente un enjeu majeur en onco-rhumatologie.
La fabrication des ostéoclastes nécessite une coopération entre ostéoblastes et préostéoclastes par l’intermédiaire du système RANK (Receptor Activator of Nuclear Factor κ B)-RANK
ligand (RANKL). Le RANKL, produit par les ostéoblastes, vient agir sur le récepteur RANK
des préostéoclastes, induisant leur fusion et leur différenciation en ostéoclastes matures.
Actuellement, on considère que la cellule tumorale n’est pas capable de résorber l’os
directement mais qu’elle produit des cytokines et des facteurs de croissance (PTHrp, IL-1,
IL-6, VEGF, etc.) favorisant la production de RANKL par l’ostéoblaste. Le dénosumab est un
anticorps monoclonal humain qui bloque le RANKL et inhibe la formation des ostéoclastes
et la résorption osseuse.
L’étude présentée par M.R. Smith et al. est une étude multicentrique de phase III, randomisée, en double aveugle, contre placebo, réalisée chez des patients atteints d’un cancer
de la prostate hormonorésistant non métastatique. Les patients inclus devaient présenter
un risque élevé de métastase osseuse, défini par un taux de PSA d’au moins 8 µg/l et/ou un
temps de doublement du PSA inférieur ou égal à 10 mois. Les patients ayant déjà reçu un
traitement par bisphosphonate durant les 5 dernières années étaient exclus. Les patients
du bras traité recevaient une injection sous-cutanée de dénosumab 120 mg toutes les
4 semaines. Le critère de jugement principal était la survie sans métastase osseuse.
Résultats
Mille quatre cent trente-deux patients, dont 716 sous dénosumab, ont été randomisés entre
février 2006 et juillet 2008 ; 84 % des patients avaient plus de 65 ans, et le PSA moyen était
de 12,2 µg/l. Le diagnostic de cancer de la prostate était posé depuis 6 ans en moyenne,
et le score de Gleason lors du diagnostic était inférieur ou égal à 7 pour 60 % des patients.
Durant l’étude, 705 événements sont survenus : 100 décès et 605 métastases osseuses,
dont 165 symptomatiques. Le dénosumab a prolongé la survie sans métastase osseuse de
4,2 mois (médiane de 29,5 mois sous dénosumab [IC95 : 25,4-33,3] contre 25,2 mois sous
placebo [IC95 : 22,2-29,5]), ce qui représente une diminution significative du risque de 15 %
pour toutes les métastases osseuses (HR = 0,85 ; IC95 : 0,73-0,98 ; p = 0,028) et de 33 %
pour les métastases osseuses symptomatiques (HR = 0,67 ; IC95 : 0,49-0,92 ; p = 0,01).
Il n’y avait pas de différence de survie globale. Sous dénosumab, la résorption était diminuée
de 68 % par rapport à l’inclusion. Neuf patients sous dénosumab (1 %) ont présenté une
hypocalcémie et 33 (5 %), une ostéonécrose de la mâchoire (aucun sous placebo). À la fin
de l’étude, l’ostéonécrose était résolue chez 13 patients.
C. Confavreux (Lyon)
Commentaire
Le gain de survie sans métastase osseuse de 4 mois
reste faible en valeur absolue, mais c’est la première fois qu’un bénéfice en prévention primaire
est rapporté. Ce bénéfice est d’autant plus important si l’on regarde les métastases symptomatiques.
L’étude n’a pas pu évaluer correctement la survie
globale sous traitement ni le délai d’apparition des
symptômes après la constatation de métastases
osseuses, car, une fois le diagnostic de métastase
posé, les patients recevaient le traitement de référence par bisphosphonate. On retrouve également,
dans cette étude, un risque d’ostéonécrose de la
mâchoire avec le dénosumab comparable à celui
déjà rapporté dans son indication oncologique.
Pour expliquer le bénéfice observé avec le dénosumab, on peut évoquer la rupture du cercle
vicieux entre les cellules tumorales et le remodelage osseux occasionnée par le dénosumab. En
effet, la résorption osseuse libère moins de facteurs de croissance pour stimuler la prolifération
tumorale. Une autre hypothèse est celle de l’action
antitumorale directe du dénosumab sur les cellules
tumorales prostatiques. Une troisième hypothèse
concerne le chimiotactisme et le homing tumoral
intraosseux. La diminution du remodelage osseux
libère moins de chimiokines susceptibles de guider
les cellules tumorales circulantes vers le site osseux,
ce qui expliquerait bien le retard d’apparition des
métastases osseuses dans cette étude. Ces 2 dernières hypothèses restent à étayer au laboratoire.
Référence bibliographique
Smith MR, Saad F, Coleman R et al. Denosumab and bonemetastasis-free survival in men with castration-resistant
prostate cancer: results of a phase 3, randomised, placebocontrolled trial. Lancet 2012;379(9810):39-46.
Liens d’intérêts. L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec
Amgen (conférences ponctuelles).
Chers abonnés, chers lecteurs,
L’équipe Edimark vous souhaite un très bel été
d’évasion et de réflexion,
et vous donne rendez-vous dès la rentrée
pour vous accompagner dans votre pratique !
La Lettre du Rhumatologue • No 383 - juin 2012 | 11
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le Pr B. Combe
Les estrogènes équins et le cancer du sein
chez les femmes ménopausées et hystérectomisées :
une extension du suivi de l’étude WHI
Entre 1993 et 1998, 10 739 femmes ménopausées ont été incluses dans l’étude WHI
(Women’s Health Initiative). Il s’agissait d’une étude randomisée en double aveugle visant
à évaluer, chez des femmes âgées de 50 à 79 ans hystérectomisées, l’efficacité d’un traitement substitutif par estrogènes. Les patientes ayant déjà eu un cancer du sein étaient
exclues de l’étude. Les patientes incluses ont, quant à elles, reçu soit 0,625 mg/j d’estrogène
équin conjugué (EEC), soit un placebo. L’objectif était d’évaluer l’incidence des pathologies
coronariennes, des infarctus et du cancer du sein. Un index global de risque était calculé,
incluant ces risques primaires associés aux risques d’accidents vasculaires cérébraux (AVC),
d’embolies pulmonaires, de cancers colorectaux, de fractures de hanches et de décès.
En février 2004, la phase interventionnelle de l’étude a été arrêtée prématurément par la National
Institutes of Health (NIH). En effet, il existait un excès de risque pour les patientes, notamment
d’accidents coronariens et de mortalité, même si l’on retrouvait un bénéfice concernant les
fractures de la hanche. Au final, en comparant les EEC au placebo, les hazard-ratios étaient
de : 0,91 (IC95 : 0,75-1,12) pour les pathologies coronariennes, avec 376 cas ; 0,77 (IC95 :
0,59-1,01) pour le cancer du sein, avec 218 cas ; 1,39 (IC95 : 1,10-1,77) pour les AVC, avec
276 cas ; 1,34 (IC95 : 0,87-2,06) pour les embolies pulmonaires, avec 85 cas ; 1,08 (IC95 :
0,75-1,55) pour le cancer colorectal, avec 119 cas ; 0,61 (IC95 : 0,41-0,91) pour les fractures
de hanches, avec 102 cas.
Il y avait en particulier un excès de risque pour les AVC, avec 12 cas de plus que le nombre attendu,
comparativement à un bénéfice pour la fracture de la hanche avec 6 cas de moins que le nombre
attendu pour 10 000 personnes-année (1). À la suite de ces résultats et malgré des controverses
concernant le type d’estrogènes utilisés aux États-Unis, le traitement hormonal de la ménopause
n’a plus été indiqué en France pour prévenir les événements fracturaires ostéoporotiques.
En ce qui concernait le risque de cancer du sein, les résultats n’étaient pas significatifs.
En 2011, une nouvelle publication des mêmes auteurs retrouvait un risque diminué de
A
B
Estrogène
Placebo
HR = 0,77 (IC95 : 0,62-0,95)
p = 0,02
0,05
HR = 0,68 (IC95 : 0,49-0,95)
p = 0,02
0,030
0,015
Estrogènes et progestérone
Placebo
HR = 1,25 (IC95 : 1,07-1,46)
Estrogène seul
Placebo
HR = 0,77 (IC95 : 0,62-0,95)
0,04
Incidence cumulée
Incidence cumulée
0,045
0,03
0,02
0,01
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Années depuis la randomisation
Patients à risque (n)
5 310 5 166 5 007 4 840 4 261 3 620 1 696 5 310 3 513 2 752 1 862 1 506 1 270 571
5 429 5 280 5 106 4 915 4 301 3 678 1 771 5 429 3 752 2 883 1 937 1 571 1 355 582
Figure 1. Courbe de Kaplan-Meier estimant les risques cumulés de cancer invasif
du sein dans l’étude WHI. Analyse en intention de traiter (A) et en fonction d’un
ajustement selon l’adhésion au traitement (B).
0
8 506
8102
5310
5429
1
2
8 329
7 914
5 166
5 280
3
4 5
6
7
8
9 10 11 12 13
Années depuis la randomisation
8 109
7 721
5 007
5 106
7 796
7 466
4 840
4 915
7 009
6 692
4 261
4 301
6 189
5 889
3 620
3 678
2 914
2 648
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Figure 2. Risques cumulés, ajustés pour l’âge et l’ethnie, du
cancer invasif du sein selon le traitement.
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REVUE DE PRESSE
cancer du sein (HR = 0,77 ; IC95 : 0,62-0,95), qui était cette fois significatif (2). Au cours
de l’étude interventionnelle, les patientes avaient des mammographies annuelles de suivi
et jusqu’en 2011 pour celles qui ont accepté de poursuivre l’étude. Au total, en 2011, la
moyenne de suivi était de 11,8 ans (9,1 à 12,9) ; 3 778 femmes du groupe traité (77,9 %)
et 3 867 du groupe placebo (78,4 %) ont participé à l’étude d’extension. Dans ce cadre,
81,2 % du groupe estrogènes et 81,3 % du groupe placebo ont eu encore au moins
1 mammographie au cours du suivi.
Les résultats montrent que, globalement, avec le temps, celles qui avaient été exposées au
traitement par estrogène présentaient un risque de cancer du sein qui diminuait comparativement à celles traitées par placebo (figures 1 et 2) [3]. Le traitement par estrogènes
pris pendant 5,9 ans était associé à une plus faible incidence des cancers invasifs du
sein (151 cas ; 0,27 % par an) comparativement au placebo (199 cas ; 0,35 % par an).
L’analyse de sous-groupes de patientes montre que ce sont surtout celles n’ayant pas
d’antécédent de pathologie mammaire bénigne ni de cancer du sein dans la famille qui
voient diminuer le risque incident de cancer du sein. Parmi celles ayant eu un cancer du
sein au cours de l’étude, les auteurs rapportent moins de décès dans le groupe traité par
EEC que dans le groupe placebo.
Ainsi, dans un sous-groupe particulier de patientes ayant bénéficié d’une hystérectomie, un
traitement par estrogène pour une durée moyenne de 5 ans n’entraîne pas de majoration
du risque de cancer du sein.
V. Devauchelle-Pensec (Brest)
Commentaire
Le traitement estroprogestatif de la ménopause
(THM) est indiqué pour les troubles du climatère.
Cette étude apporte des éléments rassurants quant
au risque de cancer du sein chez des patientes hystérectomisées. Ces données vont dans le sens des
recommandations actuelles du GRIO, qui autorise
à proposer un THM s’il existe des troubles du climatère, une ménopause récente avec une fracture
mineure ou un T-score bas, ou encore après une
fracture vertébrale, s’il y a une intolérance ou un
échec des autres traitements.
Références bibliographiques
1. Anderson GL, Limacher M, Assaf AR et al.; Women’s Health
Initiative Steering Committee. Effects of conjugated equine
estrogen in postmenopausal women with hysterectomy:
the Women’s Health Initiative randomized controlled trial.
JAMA 2004;291(14):1701-12.
2. LaCroix AZ, Chlebowski RT, Manson JE et al.; WHI Investigators. Health outcomes after stopping conjugated
equine estrogens among postmenopausal women with
prior hysterectomy: a randomized controlled trial. JAMA
2011;305(13):1305-14.
3. Anderson GL, Chlebowski RT, Aragaki AK et al. Conjugated
equine oestrogen and breast cancer incidence and mortality
in postmenopausal women with hysterectomy: extended
follow-up of the Women’s Health Initiative randomised
placebo-controlled trial. Lancet Oncol 2012;13(5):476-86.
Dkk1 : facteur prédictif de la progression
structurale dans la spondylarthrite ankylosante ?
L’apparition de syndesmophytes semblerait indépendante de l’effet puissant des anti-TNFα
sur les douleurs inflammatoires et les signaux inflammatoires IRM des enthèses dans la
spondylarthrite ankylosante (SA).
Les auteurs se basent sur les résultats de la voie de signalisation des protéines Wnt qui
interviennent dans la différenciation des ostéoblastes. Le blocage de l’inhibiteur naturel
de Wnt, dickkopf 1 (Dkk1), entraîne chez la souris une fusion des sacro-iliaques sans effet
sur la sacro-iliite (1). Plusieurs études ont déjà démontré qu’un faible taux de sclérostine,
un autre inhibiteur de Wnt, est prédictif de la formation de syndesmophytes dans la SA.
Cette étude (2) évalue la relation entre les taux de Dkk1, de sclérostine, de CRP et la
formation de syndesmophytes chez 65 patients atteints de SA non traités par biothérapie
à l’inclusion, à 1 an et à 2 ans, en utilisant les données de la cohorte allemande GESPIC.
Le score radiographique rachidien mSASSS est établi à l’inclusion et à 2 ans, et l’apparition
de syndesmophytes est évaluée afin d’établir des sous-groupes liés à la présence ou non
de syndesmophytes à l’inclusion et à la progression structurale.
Bien que la différence ne soit pas statistiquement significative, des taux moyens de Dkk1
plus élevés à l’inclusion ont été observés chez les patients sans syndesmophytes. De manière
intéressante et concordante avec les résultats d’autres études sur la sclérostine, les 12 patients
atteints de SA “progresseurs” à 2 ans avaient des taux de Dkk1 plus faibles que les patients
sans progression structurale. Les taux de Dkk1 étaient fortement corrélés aux taux de sclérostine, mais non à ceux de CRP, ce qui pourrait conforter le concept de scission entre les
phénomènes inflammatoires et de formation osseuse.
Commentaire
La littérature est contradictoire concernant les
taux de Dkk1 dans la SA lorsqu’ils sont comparés
à ceux de témoins sains, probablement parce que
les groupes atteints de SA ne différencient pas les
patients “progresseurs” des patients “non progresseurs” structuraux. Cette étude est la troisième à
s’intéresser au Dkk1 dans la SA. Les effectifs sont
faibles, mais l’étude de Heiland et al. est la première à établir une relation entre des taux faibles
de Dkk1 et la progression structurale dans la SA.
Dkk1 devient, tout comme la sclérostine, un candidat au titre de biomarqueur prédictif de la formation de syndesmophytes dans la SA.
Références bibliographiques
1. Uderhardt S, Diarra D, Katzenbeisser J et al. Blockade of
Dickkopf (DKK)-1 induces fusion of sacroiliac joints. Ann
Rheum Dis 2010;69:592-7.
2. Heiland GR, Appel H, Poddubnyy D et al. High level of
functional dickkopf-1 predicts protection from syndesmophyte formation in patients with ankylosing spondylitis. Ann
Rheum Dis 2012;71(4):572-4.
C. Prati (Besançon)
La Lettre du Rhumatologue • No 383 - juin 2012 | 13
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