ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE // Coordonné par S. Faivre

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ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
// Nat Med
Résistance au cétuximab :
du nouveau du côté
du récepteur de l’EGF !
> Montagut C, Dalmases A, Bellosillo B et al. Identification of a
mutation in the extracellular domain of the Epidermal Growth
Factor Receptor conferring cetuximab resistance in colorectal
cancer. Nat Med 2012;18:221-3.
L
es mutations du gène KRAS au niveau des
codons 12 et 13 ont clairement été identifiées
dans le cancer colorectal métastatique comme des
marqueurs de résistance aux anticorps anti-EGFR
(cétuximab et panitumumab), de telle sorte que
leur présence au niveau tumoral contre-indique
d’emblée l’utilisation de ces thérapies. Cependant,
même chez les patients à KRAS sauvage répondeurs aux anti-EGFR, l’apparition d’une résistance
secondaire est observée fréquemment. Les mécanismes impliqués dans cette résistance acquise
n’ont jamais été explorés. Le but de cette étude
publiée dans Nature Medicine par une équipe
barcelonaise était d’identifier des marqueurs
susceptibles d’expliquer l’apparition d’une telle
résistance au cétuximab.
Des clones cellulaires résistants au cétuximab…
mais sensibles au panitumumab !
Les auteurs de cette étude ont mis au point
3 clones cellulaires de cancer colorectal résistants
au cétuximab, dérivés de la lignée DiFi (phénotype KRAS/BRAF/PI3K sauvage avec amplification
du gène EGFR), habituellement très sensible au
cétuximab et ayant acquis une résistance secondaire à cet anticorps après 5 mois de traitement.
Les auteurs ont ensuite vérifié que la prolifération,
l’apoptose et l’activation d’ERK (voie RAS/MAPK)
et d’AKT (voie PI3K/mTOR/AKT) via l’activation
de l’EGFR étaient intactes dans ces clones résistants, dénommés DCR (DiFi-derived CetuximabResistant).
Les clones DCR restaient, tout comme les cellules
parentales DiFi, sensibles au géfinitib (inhibiteur
de tyrosine kinase d’EGFR), ce qui suggère qu’ils
restent dépendants de l’EGFR pour leur croissance
et leur survie. Les auteurs ont eu effectivement la
surprise d’observer que ces clones résistants au
cétuximab restaient sensibles au panitumumab.
Une mutation du gène EGFR bloquant spécifiquement la fixation du cétuximab sur sa partie
extramembranaire
Ces observations ont conduit à l’hypothèse selon
laquelle une modification de l’EGFR au niveau
250 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 5 - mai 2012
de son site de fixation spécifique au cétuximab
pouvait être survenue au niveau tumoral et expliquer la résistance à cet anticorps. Après vérification de l’absence de mutations de KRAS, BRAF
et PI3K, le séquençage de l’ADN tumoral a révélé
la présence d’une mutation faux-sens (S492S)
dans la région codante du gène EGFR (au niveau
de la partie extramembranaire) dans les 3 clones
DCR, cette mutation n’étant pas retrouvée dans
la lignée cellulaire parentale DiFi. Les auteurs ont
pu ensuite vérifier dans la lignée fibroblastique
NIH 3T3 que la mutation S492R d’EGFR conférait
bien une résistance au cétuximab sans altérer la
sensibilité au panitumumab alors que la lignée
EGFR sauvage restait sensible aux 2 anticorps
anti-EGFR. L’analyse en cytométrie de flux a
montré que le cétuximab et le panitumumab se
fixaient bien à l’EGFR sauvage alors que seul le
panitumumab était capable de se fixer à l’EGFR
muté S492R.
Hypothèse confirmée chez l’homme ?
Aucune mutation S492R n’a été détectée dans une
série de 156 tumeurs de patients ayant un cancer
colorectal métastatique naïfs de tout traitement
(chimiothérapie ou thérapie ciblée). En revanche,
l’analyse de biopsies tumorales avant et après
traitement chez 10 patients ayant présenté une
progression tumorale sous cétuximab après une
réponse initiale a révélé l’apparition d’une mutation S492R de EGFR chez 2 patients. Un de ces
2 patients (l’autre étant décédé entre-temps) a
pu recevoir du panitumumab et a présenté une
réponse objective (> 50 %) à ce deuxième antiEGFR.
Cette mutation S492R acquise du gène EGFR
modifierait donc la conformation du domaine
extracellulaire du récepteur, empêchant ainsi
spécifiquement la fixation du cétuximab, mais
pas celle du panitumumab. C’est la première fois
qu’un facteur moléculaire expliquant une réponse
dissociée au cétuximab et au panitumumab est
mis en évidence et offre un rationnel au bénéfice
potentiel du panitumumab chez des patients ayant
progressé sous cétuximab. Cela reste bien sûr à
démontrer à plus grande échelle.
A. Lièvre,
hôpital Ambroise-Paré,
Boulogne-Billancourt.
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Merck
Serono.
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