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à
c o n n a î t r e
Étude du risque de dégénérescence des condylomes de l’anus
● L.
Abramowitz*
H
1. Mork J, Lie K, Glattre E et al.
Human papillomavirus infection
as risk factor for squamous-cell
carcinoma of the head and neck.
N Engl J Med 2001 ; 344 : 112531.
2. Frisch M, Grimelius B, Vanden
Brule AJC et al. Sexually transmitted infection as a cause of anal
cancer.
N Engl J Med 1997 ; 337 :
1350-8.
3. Sobhani I, Vuagnat A,
Walker F et al. prevalence of
high-grade dysplasia and cancer in the anal in human papillomavirus-infected individuals.
Gastroenterology 2001 ; 120 :
857-66.
* Service d’hépato-gastroentérologie
et de nutrition,
GH Bichat-Claude-Bernard, Paris.
uman Papillomavirus (HPV) est un virus oncogène que l’on retrouve dans les cancers épidermoïdes
ORL (1), de l’œsophage, des poumons, mais aussi et surtout du col utérin et de l’anus.
Le virus HPV semble effectivement très souvent associé au cancer de l’anus, puisqu’il a été détecté par PCR
sur 88 % des biopsies de 388 cancers de l’anus (2).
Cette découverte et les thérapeutiques qu’elle laisse présager est importante pour un cancer qui reste rare dans
la population générale, mais dont l’incidence s’accroît chez les homosexuels HIV+ et immunodéprimés (2).
En effet, ces patients ont vu leur espérance de vie augmenter notablement depuis l’émergence des thérapies
antivirales, laissant le temps de dégénérer les lésions précancéreuses.
L’étude d’Iradj Sobhani et al. (3) permet de mieux comprendre la physiopathologie des cancers de l’anus qui
se développent sur des lésions condylomateuses.
Ils ont suivi 174 patients (deux tiers HIV+ et un tiers HIV-) après destruction complète par électrocoagulation
de condylomes anaux, sur une période de 3 à 65 mois (médiane : 16 mois). La surveillance était régulière,
consistant en un examen proctologique avec anuscopie.
Durant ce suivi, 86 patients sur 114 HIV+ (75 %) et 6 sur 60 HIV- (10 %) ont vu récidiver leurs condylomes.
Les 3 facteurs indépendants de récidive des condylomes étaient la séropositivité HIV (OR [95 % intervalle de
confiance] : 10,3 [8,8-12,9]), le sexe masculin (OR [95 % intervalle de confiance] : 2,86 [1,9-7,2]) et une baisse
locale de l’immunité cellulaire (OR [95 % intervalle de confiance] : 1,1 [0,9-2,1]).
La séropositivité HIV favorisait également la gravité de la récidive, puisqu’une seule (2,5 %) récidive condylomateuse avec dysplasie de haut grade (DHG) était observée chez les patients HIV- , comparée à 19 (19,5 %)
chez les HIV+.
De plus, parmi ces 19 patients HIV+, 16 (84,2 %) présentaient déjà une DHG avant l’inclusion.
Les deux facteurs de risque indépendants de récidive sous la forme de DHG étaient donc la séropositivité HIV
et l’antécédent de DHG avant le début de la surveillance.
Il a également été observé un cas de carcinome épidermoïde invasif chez un patient HIV+, 5 ans après l’inclusion, alors qu’il avait échappé à toute surveillance et tout traitement antiviral.
Enfin, chez les patients HIV+, la charge virale élevée était un facteur de risque important de DHG, ce qui n’était
pas le cas du nombre de lymphocytes CD4.
Il semble donc que la séropositivité HIV soit le principal facteur de risque identifié : il agirait, selon les auteurs,
en diminuant l’immunité cellulaire locale et favoriserait la récidive des condylomes. Le fait que la charge
virale élevée, et non un taux abaissé de lymphocyte CD4, soit un facteur de risque indépendant de récidive
sous forme de DHG laisse supposer une action directe du virus HIV sur la carcinogenèse, non médiée par les
lymphocytes.
Dans cette étude, le risque de dégénérescence des lésions condylomateuses paraît préoccupant, mais il est possible qu’il soit encore sous-estimé par un suivi relativement faible (la moitié des patients n’ont pas été revus
après 1 an), au vu du délai d’apparition du cancer observé dans cette série (5 ans).
Le principal message de ce travail est la nécessité de dépister les condylomes par un examen proctologique
avec anuscopie, parce que ces lésions doivent être considérées comme précancéreuses. Peut-être serait-il utile
d’y associer un frottis (comme le font les gynécologues sur le col utérin) afin d’augmenter la sensibilité du
dépistage des dysplasies, mais cela nécessiterait une validation de faisabilité et d’intérêt pratique avant de le
recommander sur une large échelle.
Bien évidemment, les patients HIV+ sont la population cible de ce dépistage : des biopsies systématiques des
condylomes sont nécessaires à la recherche de dysplasie, a fortiori lorsque leur charge virale est élevée.
De toute façon, que ces lésions condylomateuses soient dégénérées ou non, elles doivent être détruites par électrocoagulation. Ce traitement des condylomes est cependant responsable de douleurs anales et d’une destruction partielle de la muqueuse sensible de l’anus, avec un risque potentiel de troubles de la continence chez des
patients jeunes. Or, ces lésions étant d’origine virale, elles pourraient être accessibles à une thérapeutique médicamenteuse. À l’heure actuelle, les laboratoires pharmaceutiques ne semblent pas très intéressés par ce développement. Espérons que cela puisse changer dans un avenir proche.
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Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 2 - juin 2001
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