COUP D’ŒIL Médecine & enfance EXAMEN ELIOTT Eliott, dix ans, est amené aux urgences pédiatriques pour une douleur en avant de l’oreille droite, associée à la présence d’une tuméfaction inflammatoire sous-cutanée. L’examen retrouve la masse sous-cutanée, rouge, chaude, dure, non mobile, non pulsative. On retrouve également un petit orifice sur la branche ascendante antérieure de l’hélix. D’après les parents, cet orifice est présent depuis la naissance. Quel est votre diagnostic ? EXAMEN DAMIEN Damien, six mois, est amené en consultation de pédiatrie car il présente depuis la naissance une tuméfaction supraorbitaire gauche qui va en grossissant avec l’âge. L’examen clinique nous apprend qu’il s’agit d’une formation dure, non pulsative, mobile, indolore. Elle ne présente aucun caractère inflammatoire. Il n’y a pas d’adénopathie périphérique et l’aspect n’est pas modifié par la position de la tête, les cris ou les efforts de toux. Quel est votre diagnostic ? A. Chabin, A. Mosca, service de pédiatrie, centre hospitalier Sud francilien, Evry Rubrique dirigée par A. Mosca, alexis.mosca@ ch-sud-francilien.fr Voir les diagnostics page 93 ➝ février 2010 page 91 Médecine & enfance DIAGNOSTIC ELIOTT : FISTULE PRÉAURICULAIRE ABCÉDÉE La fistule préauriculaire est une pathologie fréquente en pédiatrie. Il s’agit d’une malformation embryonnaire résultant de la mauvaise suture du premier et du deuxième arc branchial. Sa prévalence est mal connue en France. Dans le monde, elle varie entre 1/1 000 dans certaines régions des Etats-Unis et 10 % dans certaines régions d’Afrique. Elle est beaucoup plus fréquente chez les sujets noirs et asiatiques. Dans 25 à 50 % des cas, la fistule est bilatérale. Lorsqu’elle est unilatérale, elle se situe plus souvent à droite. Les fistules préauriculaires sont habituellement sporadiques. Parfois, on retrouve une origine génétique (transmission autosomique dominante à expression variable). Elles sont alors isolées ou associées à certains syndromes polymalformatifs. Le plus connu de ces syndromes est le syndrome brachio-oto-rénal (BOR syndrome), associant fistule préauriculaire, malformations de l’oreille entraînant une perte d’audition, malformations rénales, sténose des glandes lacrymales et fistules latérocervicales. Dans la grande majorité des cas, l’orifice fistulaire se situe au niveau de la marge antérieure de la branche ascendante de l’hélix, mais il est possible de le trouver le long de la marge postérosupérieure, au niveau du lobe ou bien du tragus. Cet orifice fistulaire peut être la seule marque visible de la maladie, mais il peut cacher un sinus de taille et de localisation variable, parfois après un trajet très tortueux. Ce sinus n’est pas en rapport avec les structures parotidiennes ou le nerf facial, contrairement aux anomalies du premier arc branchial. La principale complication est la surinfection du trajet fistuleux, évoquée devant un écoulement d’un liquide purulent par l’orifice fistulaire. En cas d’infection profonde avec collection, on observe une tuméfaction inflammatoire et douloureuse. Le staphylocoque est alors le germe le plus souvent en cause. La recherche d’une malformation rénale par échographie est justifiée devant la fréquence de l’association d’une fistule préauriculaire et d’une malformation rénale, surtout si le patient présente d’autres malformations, une histoire familiale de surdité, ou si la mère a fait un diabète gestationnel. En revanche, la présence d’une fistule préauriculaire isolée n’est pas associée à un risque plus élevé de surdité par rapport à la population générale. La fistule isolée non compliquée ne nécessite pas de traitement particulier. Les surinfections infectieuses devront être traitées par une antibiothérapie adaptée, active sur le staphylocoque. En cas de collection, un drainage chirurgical devra être réalisé. En cas d’infections récidivantes, la cure chirurgicale totale de la fistule pourra être proposée, à distance d’un épisode infectieux. Le risque de récidive est alors nul si la cure a été totale. DIAGNOSTIC DAMIEN : KYSTE DERMOÏDE DE LA QUEUE DU SOURCIL Les kystes dermoïdes sont des tumeurs bénignes congénitales, dysembryoplasiques, formées d’une association variable de sébum, de cristaux de cholestérol, de poils, de kératine, de follicules pileux et de glandes sudoripares plus ou moins bien différenciées. Ils résultent de la séquestration, lors de l’embryogenèse, de peau ou de bourgeon de peau dans des sutures embryonnaires osseuses. Ils se rencontrent chez l’enfant ou le sujet jeune et touchent indifféremment les deux sexes sans facteur ethnique favorisant. 7 % sont visibles dès la naissance et 50 % sont découverts avant l’âge de quinze ans. La localisation « à la queue du sourcil » est très évocatrice du diagnostic puisqu’elle se rencontre dans 70 % des cas de kyste dermoïde orbitaire. Il est rare que ces kystes se développent à l’intérieur de l’orbite (5 % des cas). février 2010 page 93 La clinique est ici tout à fait typique. Il s’agit d’une masse palpébrale dure, non douloureuse, non inflammatoire à l’état basal, mobile par rapport à la peau (ce qui permet de la différencier d’un kyste sébacé) et le plus souvent accolée au périoste sous-jacent, d’un diamètre qui varie de 1 à 4 cm et qui augmente peu à peu de volume. En cas de localisation intraorbitaire, les circonstances de découverte sont alors plus inquiétantes, dominées par des troubles visuels et une exophtalmie unilatérale. Le diagnostic est clinique. Le scanner orbitaire permet d’apprécier l’extension du kyste, son éventuelle localisation intraorbitaire ou intracrânienne et le cas échéant ses rapports avec les structures osseuses, musculaires et nerveuses. L’IRM ne sera réalisée qu’en cas de doute diagnostique ou d’extension locale inhabituelle, afin d’apprécier les rapports du kyste avec le nerf optique et la dure-mère. Les problèmes diagnostiques se posent essentiellement en cas de localisation intraorbitaire : diagnostic différentiel avec les atteintes néoplasiques, nerveuses, vasculaires ou les autres kystes, notamment lacrymaux. L’évolution spontanée des kystes dermoïdes est lente et peut être émaillée de complications : 첸 la rupture, spontanée ou traumatique, entraîne une réaction inflammatoire locale pouvant entraîner des dommages sur l’œil (restrictions motrices, hémorragies intraoculaires, cellulites oculaires, infections) qui compliquent le traitement ; 첸 en cas de localisation intraoculaire, une augmentation de la masse kystique peut entraîner une exophtalmie, des paralysies oculomotrices ou d’accommodation par compression des nerfs crâniens III, IV et VI, ainsi que des troubles visuels par compression du nerf optique ; 첸 l’extension intracrânienne ou sinusienne du kyste. Le traitement est chirurgical. Sans être urgent, il doit être réalisé rapidement du fait du risque de complications. La chirurgie consiste en une dissection douce, plan par plan, en évitant la rup- Médecine & enfance ture du kyste. Si l’ablation est totale, le risque de récidive est nul. En cas de lo- calisation intraorbitaire, les complications propres à toute orbitotomie (pto- sis, diplopie, perte de la vue) peuvent survenir. 첸 TAN T. et al. : « The preauricular sinus : A review of its aetiology, clinical presentation and management », Int. J. Pediatr. Otorhinolaryngol., 2005 ; 69 : 1469-74. CHARRIER J.B., GARABEDIAN E.N. : « Kystes et fistules congénitaux de la face et du cou », Arch. Pédiatr., 2008 ; 15 : 473-6. Sur les kystes dermoïdes orbitaires : EL AFRIT M.A., TROJET S., KAMMOUN H. et al. : « Kystes der moïdes : études épidémiologique, clinique et anatomopathologique », J. Fr. Ophtalmol., 2003 ; 26 : 618-21. BOUGUILA H., MALEK I., NACEF L. et al. : « Kyste dermoïde intraorbitaire, à propos d’un cas », J. Fr. Ophtalmol., 1999 ; 22 : 438-41. TRIKTI N., ZAHOUM A., LAMARI H. et al. : « Les kystes dermoïdes orbitaires », La Chronique Ibn Rochd, 2007, 2 : 4-9. Pour en savoir plus Sur les fistules préauriculaires : DUTAU G. : « Association entre déficit auditif permanent et fistules préhélicéennes et enchondromes préauriculaires », Méd. Enf., 2009 ; 29 : 27-9. HUANG X.Y., TAY G.S., WANSAICHEONG G.K., LOW W.K. : « Preauricular sinus. Clinical course and associations », Arch. Otolaryngol. Head Neck Surg., 2007 ; 133 : 65-8. février 2010 page 94