Actualités au 38e ESMO Actualités gynécologiques Current gynecologic news P. Pautier*, C. Lhommé* L e congrès de l’ESMO était particulièrement intéressant en gynécologie cette année, surtout pour ce qui concernait la prise en charge du cancer de l’ovaire. En effet, 4 late-breaking abstracts ont été présentés en séance plénière, de même que des études positives à la session orale. Angiogenèse et cancers de l’ovaire L’efficacité de l’approche antiangiogénique dans le cancer de l’ovaire, que ce soit en première ligne ou en cas de rechute sensible, a été confirmée par l’arrivée de 2 nouvelles molécules. L’effet réel du bévacizumab sur la survie en première ligne ou en rechute semble se préciser grâce à l’étude de sous-groupes. Bévacizumab en cas de récidive résistante au platine D’après Witteveen P et al., abstr. LBA5 * Institut Gustave-Roussy, Villejuif. Les résultats de SG de l’étude AURELIA ont été présentés. Cette étude de phase III randomisée pose la question de l’intérêt de l’adjonction du bévacizumab (15 mg/kg) à la CT (paclitaxel hebdomadaire, topotécan hebdomadaire ou doxorubicine) chez les patientes qui présentent un carcinome ovarien en rechute résistant au platine (récidive moins de 6 mois après la CT à base de platine), l’objectif principal étant l’augmentation de la SSP (selon les critères RECIST). Il y avait une stratification en fonction de la CT associée au bévacizumab, de l’utilisation antérieure d’un antiangiogénique et de l’intervalle libre sans platine (0-3 mois et 3-6 mois). Les premiers résultats de l’étude ont été présentés au congrès américain en oncologie clinique de 2012 et ont montré globalement un doublement de la SSP avec le bévacizumab ; même si la puissance de l’étude n’a pas été choisie pour 462 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 11 - décembre 2013 détecter une différence en SG, d’une part, et si 40 % des patientes du bras sans bévacizumab en ont reçu lors de la progression, d’autre part, les résultats de SG nous ont été présentés. Sur l’ensemble de la population, la médiane de SG est de 13,3 mois avec la CT seule, et de 16,6 mois avec le bévacizumab (RR = 0,85 ; p = 0,174), sans différence, mais si l’on s’intéresse uniquement aux patientes qui ont reçu du paclitaxel hebdomadaire (n = 115), la survie passe de 13,2 à 22,4 mois (HR = 0,65). La SG dans les 3 bras avec CT seule étant la même, l’effet du bévacizumab semble supérieur avec le paclitaxel hebdomadaire. Bévacizumab en première ligne D’après Oza AM et al., abstr. LBA6 On attendait également avec impatience les données de SG de l’étude ICON7, qui étudiait le bévacizumab (7,5 mg/kg) en association avec la CT, puis en entretien chez 1 528 patientes qui présentaient un cancer de l’ovaire initialement traité par chirurgie. L’étude a été construite pour montrer une différence de SSP, mais également de SG. La médiane de SSP augmente significativement de 17,5 à 19,9 mois (+ 2,4 mois) sur la population globale, mais surtout dans la population dite “à haut risque” (502 patientes atteintes de cancers de stade III ou IV et ayant une maladie résiduelle), où elle passe de 10,5 à 16 mois (p = 0,001). De la même façon, alors qu’il n’y a pas d’allongement significatif de la SG avec l’adjonction du bévacizumab dans la population globale de l’étude (58,6 [CT seule] versus 58 mois [CT + bévacizumab]), il existe une amélioration nette de la médiane de survie dans le groupe des patientes à haut risque (de 30,3 à 39,7 mois). Ces résultats confirment que les patientes qui semblent le plus bénéficier du bévacizumab en première ligne sont celles qui ont une maladie avancée, soit inopérable, soit avec un résidu tumoral important. L’augmentation de Résumé Mots-clés Le congrès de l’ESMO, cette année, s’est particulièrement intéressé aux cancers de l’ovaire. Les études ICON 6 et TRINOVA-1 ont montré l’importance d’une approche antiangiogénique de ces cancers, dans lesquels, en outre, l’effet sur la survie du bévacizumab se précise. Inhibiteurs de PARP et vintafolide ont aussi été évoqués, ainsi que les liens entre traitements hormonaux substitutifs combinés et risque de cancer de l’endomètre. Cancer de l’ovaire Traitements antiangiogéniques Traitement hormonal substitutif Risque de cancer la SSP sur la population globale ne se traduit pas par une augmentation de la SG, probablement en raison de l’adjonction du bévacizumab lors des lignes ultérieures. Autres antiangiogéniques D’après Ledermann JA et al., abstr. LBA10 ; Monk BJ et al., abstr. LBA41 L’étude OVAR 14 nous avait montré que d’autres antiangiogéniques anti-VEGF anti-ITK utilisés en maintenance seule étaient actifs dans le cancer de l’ovaire en première ligne. L’étude ICON 6, présentée par J.A. Ledermann (abstr. LBA10), qui étudie le cédiranib, et l’étude TRINOVA-1, présentée par B.J. Monk (abstr. LBA41), qui étudie le trébananib, ont montré que l’approche antiangiogénique, qu’elle utilise une action anti-VEGF ou d’autres voies, est une démarche essentielle dans la prise en charge du cancer de l’ovaire. L’étude ICON 6 a subi différents changements : amendements multiples ; changement d’objectif principal en cours d’étude (SSP plutôt que SG) ; modification de la dose de cédiranib après l’inclusion des 30 premières patientes (de 30 à 20 mg) ; changement de schéma en cours d’étude. Cependant, elle nous a apporté une importante confirmation en cas de rechutes sensibles. En effet, en ajoutant du cédiranib, un puissant inhibiteur oral de VEGFR-2 (inhibiteur d’ITK), ICON 6 a confirmé les résultats précliniques et ceux, prometteurs, d’études de phase II en monothérapie. Dans cette étude de phase III internationale qui a inclus 456 patientes en rechute sensible au platine, les patientes étaient randomisées (2:3:3) entre CT à base de platine (carboplatine + paclitaxel, carboplatine + gemcitabine ou carboplatine ou cisplatine seuls) + placebo suivis de placebo en entretien, versus CT + cédiranib suivis de placebo en entretien versus CT + cédiranib suivis de cédiranib en entretien pendant 18 mois. L’objectif était d’étudier l’intérêt de la molécule en association avec la CT, puis en entretien. Les patientes qui avaient reçu du bévacizumab antérieurement pouvaient être incluses. Les résultats montrent que l’adjonction de cédiranib à la CT et en entretien augmente la SSP d’environ 3 mois (de 9,4 à 12,6 mois), et la SG de 2,7 mois (de 17,6 à 20,3 mois ; HR = 0,70) chez les patientes qui présentent une rechute de cancer de l’ovaire sensible au platine. L’augmentation de la SSP est également significative lorsque le cédiranib n’est utilisé qu’en concomitance avec la CT (2 mois). Une augmentation significative des effets indésirables habituels des ITK (diarrhées, hypothyroïdie et fatigue) et vasculaires (hypertension artérielle, hémorragies et protéinurie) est associée à l’utilisation du cédiranib, mais c’est la première étude qui, en utilisant des antiangiogéniques dans le cancer de l’ovaire, a démontré un gain en SG dans la population générale. Les résultats de l’étude TRINOVA-1 étaient également attendus, puisque celle-ci testait l’efficacité d’un inhibiteur des angiopoïétines 1 et 2, autre voie de l’angiogenèse tumorale. Les résultats de l’étude de phase II randomisée dans une population en rechute étaient très encourageants, et sont confirmés par les résultats de cette étude de phase III qui teste l’adjonction du trébananib (15 mg/kg/sem. i.v. en continu) ou d’un placebo au paclitaxel hebdomadaire (80 mg/m2/sem., 3 semaines sur 4) chez des patientes qui présentent un cancer de l’ovaire en rechute moins de 12 mois après une dernière ligne de platine (stratification selon intervalle libre sans platine, maladie mesurable et topographie) jusqu’à progression. Au total, 919 patientes ont été incluses dans cette étude, dont l’objectif principal était l’augmentation de la SSP : 50 % des patientes environ présentaient une rechute résistante (intervalle libre sans platine [ILP] inférieur à 6 mois). Les résultats sont positifs, avec une augmentation de 33 % de la SSP (la médiane passe de 6 à 8 mois) avec le trébananib, et une augmentation du taux de réponse (de 30 à 38 %) ; les données ne sont pas matures sur la survie (actuellement : 17,3 mois sans trébananib, et 19 mois avec). L’étude est positive dans tous les sous-groupes étudiés (ILP inférieur ou supérieur à 6 mois, par exemple). Le profil de toxicité est différent de celui du bévacizumab. L’atout de cette molécule est l’absence d’effets indésirables de type vasculaire (pas d’hypertension artérielle, pas de protéinurie et pas de perforations digestives) ; les principaux effets indésirables sont des œdèmes (57 versus 26 %). Summary This year, the ESMO Congress took a particular interest in ovarian cancers. The ICON 6 and TRINOVA-1 studies have shown the importance of an antiangiogenic approach to these cancers. Moreover, in these patients, the effect on survival of bevacizumab treatment is being confirmed. PARP inhibitors and vintafolide were also discussed, as well as the relation between combined hormone replacement therapies and the risk of endometrial cancer. Keywords Ovarian carcinoma Antiangiogenic therapy Hormonal substitutive therapy Risk of cancer La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 11 - décembre 2013 | 463 Actualités au 38e ESMO Actualités gynécologiques Le problème majeur réside dans l’utilisation hebdomadaire par voie veineuse, qui constitue bien sûr un obstacle lorsqu’il s’agit de l’utiliser en entretien, ce qui est actuellement testé en première ligne (en association avec la CT, puis en entretien seul dans l’étude TRINOVA-2). Inhibiteurs de PARP D’après Oza AM et al., abstr. 3002 C’est une classe de médicaments très intéressants dans la prise en charge des cancers de l’ovaire de haut grade et, surtout, lorsqu’il existe une anomalie d’un des gènes de réparation BRCA1 ou BRCA2 (qu’elle soit somatique ou germinale, ou qu’il y ait une inactivation épigénétique de BRCA1 ou des anomalies de la voie de la recombinaison homologue indépendantes de BRCA1 et de BRCA2, ce qui représente environ 50 % des tumeurs de haut grade). A.M. Oza a présenté les résultats de l’étude concernant l’association CT + olaparib, suivie d’olaparib en entretien dans les cancers de l’ovaire de haut grade en rechute sensible dans le groupe des patientes qui présentaient une anomalie de BRCA. L’olaparib a montré son efficacité chez les patientes porteuses d’un cancer de l’ovaire en rechute, et qui présentaient une mutation germinale d’un gène BRCA (1). Cette étude de phase II randomisée, dont les résultats ont déjà été présentés lors du congrès américain en oncologie clinique de 2012, comparait une association de carboplatine (AUC6) + paclitaxel pendant 6 cycles, puis arrêt, à une association de même type carboplatine (AUC4) + paclitaxel + olaparib, suivie d’olaparib en entretien jusqu’à progression (400 mg/j), dans une population de patientes qui présentaient une tumeur de l’ovaire de haut grade en rechute sensible avec une augmentation significative de la SSP. Le statut BRCA était connu chez 35 patientes sur 162 à l’inclusion. Le statut tumoral de BRCA a été déterminé rétrospectivement chez 91 patientes sur des blocs de tumeur. Le statut BRCA était ainsi finalement connu chez 107 patientes sur les 162, parmi lesquelles 41 (38 %) présentaient une anomalie de BRCA ; dans 7 cas, il s’agissait d’une mutation de BRCA de signification inconnue. Chez les 41 patientes mutées, la médiane de SSP était de 9,7 mois dans le bras CT seule, et n’était pas atteinte dans le bras avec olaparib (HR = 0,21 ; p = 0,0015), démontrant ainsi une nouvelle fois l’efficacité de cette molécule dans cette population de patientes avec une mutation d’un gène BRCA. 464 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 11 - décembre 2013 Des études sont en cours en première et deuxième lignes (études SOLO) dans une population de patientes porteuses d’une mutation de BRCA afin d’obtenir une AMM. Il reste qu’une partie de la population des patientes atteintes de cancers de l’ovaire de haut grade qui ne présentent pas une mutation germinale de BRCA, mais des modifications somatiques, pourrait bénéficier de cette molécule : il est donc urgent de trouver les moyens simples de les identifier pour les faire bénéficier de ces inhibiteurs. Vintafolide et cancers de l’ovaire D’après Naumann RW et al., abstr. 3001 Les résultats de l’étude de phase II randomisée PRECEDENT comparant doxorubicine + vintafolide et doxorubicine seule chez les patientes qui présentaient une rechute d’un carcinome ovarien montrent un bénéfice en termes de SSP à l’adjonction de vintafolide à la doxorubicine dans cette situation, ce qui a conduit à mettre en place une étude de phase III (PROCEED), en cours dans la même indication. Dans l’étude PRECEDENT, une scintigraphie à l’acide folique marqué était systématiquement réalisée, et les premiers résultats suggéraient qu’une expression importante de la tumeur était corrélée à une meilleure efficacité de l’association. Les résultats de l’étude en fonction de la répartition de la fixation selon la tumeur (100 % de la tumeur ou moins) ont été présentés à l’ESMO. Il est clairement établi que le bénéfice de l’association est plus important dans le sous-groupe FR 100 %, patientes dont 100 % de la tumeur fixe à la scintigraphie, et que l’expression des récepteurs aux folates est un facteur de mauvais pronostic (les FR 100 % dans le bras doxorubicine seule vont moins bien). L’étude PROCEED prévue initialement quel que soit le statut d’expression scintigraphique du RF (récepteur aux folates) a été finalement réservée aux patientes présentant une expression des RF détectée à la scintigraphie. Traitements hormonaux substitutifs combinés et risque de cancer de l’endomètre D’après Chlebowski RT et al., abstr. LBA13 R.T. Chlebowski a rapporté les résultats d’une étude randomisée en double aveugle contre placebo du Actualités au 38e ESMO Women’s Health Initiative (WHI). Les 16 608 femmes ménopausées issues de 40 centres américains incluses avaient entre 50 et 70 ans, n’avaient pas subi d’hystérectomie, avaient une biopsie endométriale normale et recevaient soit une association estroprogestative (0,625 mg d’estrogène équin + acétate de médroxyprogestérone 2,5 mg), soit un placebo. L’étude montre tout d’abord une relation étroite entre obésité et cancer de l’endomètre : les femmes avec un IMC supérieur à 35 kg/m2 ont en effet un risque multiplié par 7 de développer un cancer de l’endomètre. Elle montre également que l’utilisation continue d’estrogènes et de progestatifs réduit le risque de cancer de l’endomètre de façon significative (35 %), et ce, d’autant plus que l’IMC est élevé, mais augmente le risque de cancer du sein, d’accidents DIAPORAMA d’après le 11e congrès de ® l’ ASCO thromboemboliques et d’événements cardiaques. En revanche, lorsqu’on utilise les estrogènes seuls (deuxième étude du WHI, non présentée ici, mais dont a parlé le discutant, qui a randomisé plus de 10 000 femmes aux antécédents d’hystérectomie entre estrogènes et placebo), on augmente le risque de cancer de l’endomètre, mais on réduit le risque de cancer du sein. La solution serait peut-être d’utiliser chez les patientes n’ayant pas subi d’hystérectomie des estrogènes en continu (aux plus petites doses possibles) associés à du lévonorgestrel en dispositif intra-utérin (stérilet Mirena®), ce qui réduirait probablement le risque des cancers du sein et de l’endomètre, tout en ayant un THS. Le temps d’utilisation devrait cependant rester limité pour ne pas augmenter le risque des autres pathologies ■ associées. Référence bibliographique 1. Ledermann J, Harter P, Gourley C et al. Olaparib maintenance therapy in platinum-sensitive relapsed ovarian cancer. N Engl J Med 2012;366(15):1382-92. P. Pautier déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. C. Lhommé n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts. Actualités sur le cancer du pancréas GI San Francisco, 16-18 janvier 2014 Expert : Éric François (Nice) Sous l’égide de ဓ www.edimark.fr/diaporamas/ASCOGI/2013 Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson Rédacteur en chef : Pr Jean-François Morère (Bobigny et Villejuif) Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.Le contenu est sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité. Avec le soutien institutionnel de La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 11 - décembre 2013 | 465