GÉOCARREFOUR Bernard BOUREILLE CREUSET Université de Saint-Étienne Nicole COMMERÇON CNRS - UMR 5600 Lyon "Environnement-VilleSociété" Myriam NORMAND CREUSET Université de Saint-Étienne RÉSUMÉ A partir de l'exemple du réseau de soins ONCORA (Oncologie Rhône-Alpes), sont soulignés les effets territoriaux d'un mode de fonctionnement innovant en matière de prise en charge des soins de cancérologie. En repérant les trajectoires des patientes des échantillons retenus, il est montré que si la hiérarchie hospitalière et urbaine demeure, elle n'en est pas moins réduite par une meilleure diffusion des compétences médicales entre tous les partenaires du réseau. L'effet réseau se traduit à la fois par un gain d'efficience économique du système de soins et par une plus grande accessibilité à une thérapeutique appropriée, quel que soit le lieu de résidence des patientes de Rhône-Alpes. MOTS CLÉS Réseau de soins, oncologie, ONCORA, recomposition territoriale, trajectoires de patientes. ABSTRACT Using the example of the ONCORA network (oncology in Rhône-Alpes), this article outlines the territorial effects of an innovative way of providing cancer treatment. By identifying the trajectories of female patients in the sample used, it is shown that although hierarchies of urban centres and hospitals still exist, this phenomenon is reduced by a better diffusion of medical skills between the different partners of the network. The effect of the network is to provide a more economically efficient healthcare system V O L 78 3/2003 255 Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes Il convient de rompre avec l'idée simpliste selon laquelle l'accélération des mobilités permises par le développement technologique des communications viderait les lieux de leur sens en les rendant parfaitement substituables. Au contraire, la diversité des mutations des modes de produire aboutit à une redécouverte du rôle "actif" et structurant que jouent les territoires dans la dynamique économique actuelle, en particulier les nouvelles organisations réticulaires, y compris au sein du service public. Dans ce domaine, le secteur de la santé apparaît davantage pertinent. En effet, il a développé récemment maintes mutations qui ont conduit à dépasser les découpages territoriaux pré-existants. Le principal changement se résume dans la substitution d'une offre de soins de plus en plus technique à une médecine davantage clinique, dans un contexte de nécessaire maîtrise des dépenses de santé, mais aussi de développement de l'accès équitable aux services de soins ; aussi des innovations organisationnelles sont-elles élaborées, qui mobilisent de plus en plus des formes diverses de partenariat entre les prestataires de soins, entre ces prestataires et d'autres acteurs tels que les collectivités territoriales et le milieu associatif. Ces partenariats, parfois anciens, initient des relations territoriales dont les configurations s'émancipent des frontières institutionnelles - et notamment urbaines -, pour participer à la dynamique de recomposition des espaces urbains. En France, au cours de ces dernières années, sous l'impulsion d'une redéfinition de la méthodologie de la planification sanitaire - introduction de critères qualitatifs dans une logique purement quantitative de la carte sanitaire -, fleurissent des formes réticulaires d'offre de soins, en réponse à un impératif réglementaire introduit par la loi hospitalière du 31 juillet 1991 et renforcé notamment par les ordonnances de 1996. Certains de ces réseaux de soins se développent à l'intérieur des frontières traditionnelles de la ville ; d'autres s'étendent sur des échelles territoriales qui dépassent le strict cadre urbain ; ainsi, en est-il, plus particulièrement, des traitements en oncologie qui, dans la région Rhône-Alpes, s'organisent sur ce mode autour d'une institutionpivot, le Centre Léon Bérard (CLB) localisé à Lyon1. Celui-ci met en relation, en particulier à travers le réseau Oncologie Rhône-Alpes (ONCORA), divers acteurs de santé des secteurs ambulatoire et hospitalier à statut public, privé, ou privé participant au service public, localisés dans une vingtaine de villes de la région Rhône-Alpes et de sa périphérie (fig. 7). Dans ce cas spécifique, le réseau structure l'oncologie au sein des disciplines médicales, en la situant à la croisée des spécialités verticales (d'organes) et, tout en lui donnant sa lisibilité disciplinaire, concourt à la recomposition des territoires par le biais des villes concernées, de la métropole aux villes de taille intermédiaire. Le réseau participe aussi à une logique de construction d'une nouvelle culture médicale en amenant à travailler ensemble des prestataires de soins formés dans des "écoles" jusque-là relativement indépendantes. Ces innovations organisationnelles en matière de santé sont donc amenées à terme à redessiner le paysage sanitaire français : à un système à éléments hiérarchisés, centralisés et cloisonnés, se substituerait une mosaïque d'unités "cellulaires" à compétences diverses mais coordonnées. Cette étude vise, à partir de la structuration du réseau ONCORA autour du CLB, à analyser les recompositions spatio-médicales en matière d'offre de soins que cette innovation organisationnelle a favorisées. La méthode de statique comparative adoptée ici part des données recueillies par le CLB. Celles-ci sont organisées selon trois types de documents (Brunet, 2 000). Le premier : le "dossier papier" est le plus traditionnel et potentiellement le plus exhaustif en termes d'informations, car il devrait inclure les diverses correspondances médicales et les comptes-rendus des examens propres au patient ; mais il est aussi le plus lourd à utiliser et le moins bien systématiquement organisé. Le deuxième : le "dossier patient informatisé", mis en place à partir de 1992, est bien renseigné et bien organisé, mais à usage clinique avec des procédures de protection qui en interdisent la consultation. Le troisième : la "fiche EPC" est créée pour chaque patient lors de sa première venue au CLB et a pour vocation d'alimenter "l'Enquête Permanente Cancer" menée à l'échelle nationale et de ce fait recense principalement les variables qui décrivent les caractéristiques des lésions et de leur traitement. Cependant, elle contient également des informations relatives à l'origine, au motif de la première consultation du patient au CLB et à sa localisation géographique dont l'exploitation est utile pour la constitution des échantillons. La méthode consiste à analyser, dans un premier temps, les fiches EPC qui ont été créées au CLB en 1992 - année antérieure à la naissance d'ONCORA - et en 1999 - année postérieure à la création de ce réseau -, pour permettre de décrire la population des nouvelles patientes du CLB consultant pour une tumeur maligne du sein à ces deux dates2. On se dote ainsi des éléments nécessaires à la construction de deux échantillons de population dont les individus seront ensuite caractérisés par des variables plus complètes que celles des fiches EPC, puisqu'extraites par enquête des dossiers médicaux papiers. Ce qui permettra, dans un second temps, d'exploiter les données des échantillons pour repérer la dynamique des trajectoires médico-spatiales présente entre 1992 et 1999. 256 VOL 78 3/2003 Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes en 1992 en 1999 and improved accessibility to an appropriate therapy irrespective of where the patient resides in the RhôneAlpes region. KEY WORDS Healthcare network, oncology, ONCORA, territorial restructuring, patients' treatment trajectories. Figure 1 : Répartition des nouvelles patientes selon leur zone d'habitation, en 1992 et en 1999 A terme, ces analyses de statique comparative conduisent à révéler certains effets réticulaires au niveau territorial et médical. RECOMPOSITION DU BASSIN DE SANTÉ ET DES MODALITÉS DE SAISINE DU CLB Les informations extraites des fiches EPC de 1992 et 1999 sont de nature spatiale ou médicale. Elles portent sur la localisation géographique des patientes nouvellement accueillies au CLB ou caractérisent la cause de leur première consultation, en termes de modalités d'entrée et d'objectifs demandés. Évolution de la provenance géographique des patientes du CLB La provenance géographique des patientes est indiquée dans les fiches EPC par le nom de la commune (et de son code postal) de leur résidence. Ces informations permettent, à un premier niveau, de décrire la répartition de ces patientes par départements d'origine, puis, à un second, d'affiner l'analyse de la localisation de celles-ci en zones urbaines d'habitation puisque la dénomination de la commune permet de retrouver son code INSEE et son aire urbaine de rattachement. Les nouvelles patientes du CLB résident principalement dans les départements de la Région Rhône-Alpes. En effet, ce sont, 83% et 85% de ces malades qui habitent respectivement en 1992 et en 1999 dans l'un des huit départements de RhôneAlpes. Seulement 11% de l'effectif en 1992, voire 5% en 1999, provient des départements limitrophes à cette dernière Région. Parmi ces derniers, la Saône-et-Loire est l'origine prépondérante. Ce premier constat des états de la répartition résidentielle des patientes conduit à ne conserver, pour la suite de l'étude, que l'ensemble des malades provenant de la région Rhône-Alpes et du département de la Saône-et-Loire ; ce qui représente un effectif de 985 individus en 1992 (soit 91% du total des personnes nouvellement accueillies) et un effectif de 1270 en 1999 (soit 88% du total des personnes nouvellement accueillies). Le détail de la répartition de la localisation des nouvelles patientes du CLB exprimée en termes d'aires urbaines est présenté dans le tableau 1 cidessous où l'on remarque notamment, entre 1992 et 1999, la baisse de l'effectif originaire des zones de Mâcon et d'Annecy et à l'inverse la croissance de celui qui est issu de l'aire de Grenoble. Le regroupement de ces zones d'habitation en trois grandes catégories : l'aire urbaine de Lyon, les autres aires urbaines et les communes rurales laisse apparaître, entre 1992 et 1999, une légère réduction spatiale de l'attractivité du CLB. En effet cet établissement accueille parmi ses nouvelles patientes en 1999, par rapport à 1992, proportionnellement plus de résidentes de l'aire de Lyon et moins de celles des autres aires urbaines et des communes rurales (fig. 1). Ce premier résultat de l'analyse, en termes de statique comparative, de la localisation des patientes nouvellement accueillies au CLB en 1992 et en 1999 peut être interprété comme conséquence d'un effet réseau. La constitution du réseau ONCORA, son extension spatiale par le biais de l'adhésion de nouveaux partenaires et l'élaboration en commun de protocoles de soins, qui participent à l'accroissement cumulatif et à la généralisation dans ce milieu réticulaire des compétences des acteurs, font que les malades trouvent plus à proximité de leur domicile en 1999, qu'en 1992, les offreurs capables de répondre à un certain niveau à leur demande de santé. Ainsi le CLB renforce-t-il relativement son rôle d'établissement de proximité. Cette évolution du système localisé de l'offre de soins en oncologie amène à formuler une nouvelle hypothèse de travail. En effet, le CLB se voit décharger par les établissements du réseau 1 - Les auteurs remercient vivement le Professeur Thierry Philipp, directeur du Centre Léon Bérard et le Docteur Fadila Farsi, responsable du réseau ONCORA, pour leur active collaboration. 2 - Le sein étant le siège de localisation le plus fréquent des cancers. En 1992, 5148 fiches EPC ont été créées dont 3511 indiquent le site de la tumeur qui est pour 1082 cas le sein (soit environ 31 % des cas renseignés) ; en 1999, 6906 fiches ont été créées, dont 5894 sont renseignées quant au siège qui est pour 1445 cas le sein (soit 24,5% des cas renseignés). Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes Figure 2 : Répartition des nouvelles patientes selon l'origine de la première consultation, en 1992 et en 1999 en 1992 Tableau 1 : Répartition des nouvelles patientes selon leur zone d'habitation V O L 78 3/2003 257 en 1999 de la nécessité de l'accueil de certaines patientes ; dès lors n'a-t-il pas la possibilité de substituer au sein de son activité, à une partie devenue banale, une partie de pointe, c'est-à-dire une offre de soins plus en phase avec la sophistication de son plateau technique et les hautes compétences de ses ressources humaines ? La vérification de cette hypothèse passe par une analyse de l'évolution des modalités des premières consultations effectuées au CLB. Évolution de la saisine médicale du CLB Les fiches EPC renseignent, à l'aide de deux variables, sur deux des caractéristiques de la première consultation des patientes au CLB. La première variable, dénommée "origine", précise l'acteur qui a l'initiative de la demande ; la seconde, appelée "but", désigne la nature de la ou des investigations souhaitées par le demandeur de la consultation. Les initiateurs de la première consultation Les modalités de la variable "origine" sont regroupées pour les besoins de J'analyse en trois catégories : Patiente, Médecin et Établissement. Globalement, on assiste à une double évolution structurelle (fig. 2), qui se manifeste, d'une part, par le renforcement du rôle, déjà important, d'initiateurs que les médecins du secteur ambulatoire jouent en adressant au CLB 50% (en 1992) puis 62% (en 1999) de ses nouvelles patientes ; et d'autre part, par le recul du recours au CLB en première intention : la proportion des nouvelles patientes venant consulter d'ellesmêmes décroît de 30% à 18%, entre 1992 et 1999 Spatialement, l'évolution de cette pratique n'a pas la même intensité (fig. 3). L'origine de la consultation diffère sensiblement selon le lieu de résidence des patientes. Le mode de saisine, nettement indirect, du CLB par les ruraux change très peu au cours de la période considérée. En revanche, celui des patientes de l'aire urbaine de Lyon se modifie radicalement. En 1992, 38% des patientes lyonnaises sont venues consulter de leur propre initiative alors que cette fréquence est réduite à moins de 25% pourcelles résidant en dehors de cette zone urbaine. En 1999, les comportements tendent à s'uniformiser, la part des patientes consultant en première intention se réduit considérablement quelle que soit l'origine géographique des patientes, les patientes étant alors plus souvent adressées au CLB par un médecin. 258 VOL 78 3/2003 Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes Autrement dit, on assiste globalement, entre 1992 et 1999, à une nette tendance à l'allongement de la filière de soins amont des nouvelles patientes urbaines, et surtout de l'aire de Lyon, du CLB. Ce qui tend à infirmer l'hypothèse de l'accroissement de la fonction d'établissement de proximité du CLB au cours de la période. Évolution des modalités de la demande de la première consultation au CLB Tableau 2 : Description de l'échantillon Figure 3 : Évolution de l'origine de la première consultation entre 1992 et 1999 selon le lieu de résidence des patientes La figure 4 décrit la répartition des premières consultations effectuées au CLB en 1992 et 1999 suivant les modalités de leur finalité. Le dépistage est une activité très marginale du CLB, il concerne environ 1% des demandes de consultation. L'examen spécial est un but beaucoup plus présent en 1999 avec 10% des consultations contre seulement 1% en 1992, ce sont principalement les médecins et les établissements qui en sont les prescripteurs. La plupart des consultations, environ 90%, se distribue selon trois modalités : avis diagnostique, avis thérapeutique et traitement regroupant traitement initial, complémentaire et secondaire. Une évolution notable s'est produite entre 1992 et 1999 avec une nette augmentation des consultations pour avis thérapeutique. La figure 5 montre que l'évolution du but des consultations observée ci-dessus dépend du statut du demandeur. Les établissements adressent leurs patientes principalement pour traitement, il n'y a pas de véritable évolution entre 1992 et 1999. En revanche, pour les patientes envoyées par un médecin ou venant d'elles-mêmes, la consultation se fait pour avis thérapeutique plus fréquemment en 1999 qu'en 1992. Il convient donc de souligner la tendance à l'allongement amont des filières de soins des nouvelles patientes du CLB que permettent l'existence et le renforcement du réseau ONCORA en termes d'acteurs de santé et de compétences accrues et plus diffusées dans le milieu réticulaire. Ce qui permet de décharger le CLB d'actes devenus standardisés, puisque pouvant être faits par d'autres agents en d'autres lieux, pour qu'il puisse se focaliser sur des activités plus innovantes. L'évolution, ci-dessus décrite, de la nature de la demande des premières consultations des nouvelles patientes du CLB confirme, à un premier niveau, le renforcement de l'activité médicale de pointe de cet établissement. En effet,on assiste, proportionnellement, à une montée des examens spéciaux, des avis thérapeutiques, mais à une réduction des avis diagnostiques, et à une demande par des établissements de traitements dont on peut penser qu'ils sont de plus en plus sophistiqués. Il convient, dès lors, d'affiner l'analyse en essayant de repérer et de décrire plus précisément les Figure 4 : Répartition des consultation de 1992 et 1999 selon leur finalité Figure 5 : Évolution de la finalité de la première consultation entre 1992 et 1999 selon le statut du demandeur Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes Tableau 3 : Déplacements du patient vers le prescripteur Tableau 4a : Détails des déplacements entre la patiente et le prescripteur en 1992 Tableau 4b : Détails des déplacements entre la patiente et le prescripteur en 1999 VOL 78 3/2003 259 260 VOL 78 3/2003 Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes Tableau 5 : Comparaison de la part des patientes traitées au CLB selon le type de traitement et la zone d'habitation. Tableau 6 : Répartition des patientes résidant en zone rurale et traitées au CLB selon le type de traitement et la distance kilométrique entre le lieu de résidence et le CLB. trajectoires médico-spatiales des patientes accueillies au CLB pour la première fois en 1992 ou en 1999. ANALYSE DES TRAJECTOIRES MÉDICOSPATIALES ENTRE 1992 ET 1999 Afin de décrire l'évolution des trajectoires médicospatiales entre 1992 et 1999, un échantillon de patients a été constitué, à partir du fichier EPC, pour lesquels des données plus précises que celles des fiches EPC ont été extraites des dossiers médicaux papier du CLB. Cet échantillon est constitué de deux sous-échantillons extraits des dossiers des nouvelles patientes accueillies en 1992, pour l'un et en 1999, pour l'autre. Les échantillons ont été constitués de façon à ce que soient représentées les trois possibilités d'origine géographique que sont l'aire urbaine de Lyon, les autres aires urbaines et les communes rurales (tabl. 2). Pour ces 208 individus, ont été saisies les variables suivantes, organisées en trois grandes rubriques : 1 - l'identification du patient à l'aide de : son année et de son lieu de naissance, du code INSEE de son domicile, de sa profession, de sa situation familiale, son état de morbidité ; 2 - les modalités de la première consultation au CLB: la date, l'origine (avec les mêmes modalités que celles de la fiche EPC), le nom et la localisation de l'adressant, le but (avec les mêmes modalités que celles de la fiche EPC), la décision prise au cours de la consultation ; 3 - l'histoire pathologique du patient : la nature, la date des actes effectués au CLB la nature, la date des actes effectués hors CLB et dans ce cas le nom, la qualité et la localisation des producteurs de ces soins. Le traitement de l'enquête permet d'analyser l'évolution des trajectoires médico-spatiales des patientes en trois moments qui correspondent à trois segments de la filière de soins : le parcours conduisant à la première entrée au CLB, les traitements et le suivi à l'aide des consultations de contrôle réalisés au CLB Parcours de la patiente vers le prescripteur Les dossiers des malades indiquent, dans le cas où la patiente ne s'adresse pas directement au CLB, la localisation de l'acteur de santé qui prescrit cette première consultation. Cette information permet d'observer l'évolution des déplacements entre les différentes zones spatiales considérées (tabl. 3). Ainsi, par exemple, en 1992, parmi les 23 patientes habitants une commune rurale et qui n'ont pas consultées le CLB en première intention, 9 se déplacent vers une aire urbaine (dont 1 vers Lyon) pour consulter l'offreur de soins qui les orientera vers le CLB. On constate la quasi-absence de déplacement lorsque les patientes résident dans une aire urbaine. La plupart des déplacements concernent celles qui habitent dans une commune rurale. L'étude de ces mouvements (tabl. 4) fait apparaître qu'ils se font majoritairement vers une aire urbaine proche où la patiente sollicite un médecin, généraliste ou spécialiste, ou un établissement. Les trajets plus longs (supérieurs à 40 km) sont peu nombreux, la patiente consultant alors plutôt un spécialiste qu'un généraliste ou étant accueillie par un établissement hospitalier. Parcours liés au traitement et au suivi des patientes Le tableau 5 permet de comparer les deux échantillons selon les proportions de patientes traitées au CLB par grand type d'actes thérapeutiques (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie) et par zone d'habitation. Moins d'un tiers des patientes résidant dans l'aire urbaine de Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes V O L 78 3/2003 261 Lyon sont traitées par chimiothérapie au CLB même, alors que la radiothérapie concerne presque la moitié d'entre elles en 1992 et atteint les deux tiers des nouvelles patientes de 1999. La part des nouvelles patientes habitant dans une autre aire urbaine et traitées au CLB par chimiothérapie est nettement en baisse entre 1992 et 1999. En ce qui concerne le traitement des patientes résidant en zone rurale, l'éloignement au CLB n'a aucune influence en 1992, contrairement à ce qui se passe en 1999 où les hospitalisations au CLB pour chimiothérapie ou radiothérapie sont moins fréquentes dans l'échantillon des patientes éloignées du centre (tabl. 6). La proportion des patientes traitées chirurgicalement au CLB varie peu entre 1992 et 1999 et concerne plus de 50% des patientes. La zone d'habitation n'a aucune incidence sur ce phénomène. S'agissant de l'ampleur du suivi au CLB, la figure 6 décrit l'évolution de la proportion des patientes de l'échantillon de 1992 ayant consultées au moins une fois au CLB dans les années suivant la première consultation. Ainsi, au cours de la première année, 83% des patientes habitant l'aire urbaine de Lyon ont consulté au moins une fois dans la première année suivant la consultation initiale, cette proportion est de 69% pour les patientes résidant dans une autre aire urbaine. La différence s'accentue significativement à partir de la quatrième année du suivi laissant supposer que celui-ci s'effectue en dehors du CLB pour les patientes résidant dans une autre aire urbaine. Conclusion Adresse des auteurs : Bernard BOUREILLE Myriam NORMAND CREUSET Université Jean-Monnet 34 rue Francis Baulier 42023 SAINT-ETIENNE cedex 2 E.mail : [email protected] [email protected] Nicole COMMERÇON CNRS UMR 5600 "Environnement, Ville, Société" 18 rue Chevreul 69362 LYON cedex 07 E.mail : [email protected] Les analyses de statiques comparatives ainsi menées, à partir des données issues des fiches EPC ou extraites des dossiers médicaux du CLB, révèlent quelques effets liés à l'existence du réseau ONCORA. L'organisation territoriale permet par une répartition spatiale de partenaires médicaux mieux formés aux problèmes de l'oncologie, grâce à la constitution collective et à la diffusion des protocoles ou thesaurus, de modifier les trajectoires médico-spatiales des patientes accueillies pour la première fois au CLB Figure 6 : Comparaison du suivi des patientes de 1992 selon la zone d'habitation (allongement de l'accès au CLB du fait de la généralisation de l'intermédiation d'un prescripteur mais aussi réduction des déplacements) ; cette organisation conduit aussi à réorienter les activités du CLB vers une médecine davantage de pointe, les autres partenaires du réseau ayant acquis les compétences pour assurer des soins devenus plus standardisés tels que les examens diagnostiques, les cures de chimiothérapie, les visites de suivi... Ce qui se traduit en définitive par une meilleure allocation des diverses ressources et une plus grande facilité d'accès aux soins. Ces premiers résultats doivent être approfondis par des études portant sur des institutions hospitalières membre du réseau ONCORA, afin de repérer plus précisément, à la fois, la nouvelle donne que distribue ce réseau oncologique et sa morphologie : réseau organisé spatialement par emboîtement de micro réseaux locaux ou pas. BIBLIOGRAPHIE BOUREILLEB.,COMMERÇON N. (éds.), 2002, Ville et santé : des recompositions territoriales en cours, rapport ISH, Lyon, 28 p. BRUNET A., 2000, Exploitation des informations contenues dans le dossier médical dans un but de recherche épidémiologique, document ronéoté, ONCORA, 19 p. BONGIOVANI I., NOGUES M., Réseaux de santé et aménagement du territoire, in VIGNERON E., (éd.), Santé et territoires, une nouvelle donne, Paris, éd. de l'Aube-DATAR, p. 145-170. 262 V O L 78 3 / 2 0 0 3 Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes Figure 7 : Réseau de cancérologie en Rhône-Alpes