MISE AU POINT Les infections maternofœtales Materno-fetal infections C. Vauloup-Fellous*, A.G. Cordier** L es infections maternofœtales, fréquentes, posent de délicats problèmes de diagnostic et de conduite thérapeutique. Différents virus, bactéries et parasites peuvent être transmis d’une femme enceinte à son fœtus, et être à l’origine (selon l’agent responsable et le terme de la grossesse où survient l’infection) d’un avortement spontané, d’une embryopathie (malformation congénitale), d’une fœtopathie, d’atteintes du nouveau-né (naissance d’un enfant mort-né ou maladie néonatale clinique), ou avoir des conséquences postnatales différées de quelques mois à quelques années, alors que l’infection était inapparente à la naissance. Les circonstances du diagnostic de l’infection maternelle ou fœtale varient selon l’agent infectieux : dépistage systématique obligatoire ou recommandé, constatation de signes cliniques maternels évocateurs ou d’anomalies échographiques. Les techniques diagnostiques à notre disposition ont récemment connu des développements importants. Enfin, la prise en charge des infections virales materno­ fœtales, souvent difficile, repose sur l’évaluation des risques encourus par le fœtus et par le nouveau-né, et doit être assurée par une équipe pluridisciplinaire ayant l’agrément nécessaire. Nous proposons un focus sur la toxoplasmose, le cytomégalovirus (CMV) et les herpès simplex virus (HSV). Toxoplasmose Caractéristiques de l’agent infectieux, épidémiologie et prévention La toxoplasmose est une zoonose parasitaire due à un parasite très répandu, Toxoplasma gondii. L’ingestion du parasite est le mode d’infection le plus courant dans la toxoplasmose humaine. Chez la femme enceinte, les principaux facteurs de risque sont les suivants : ➤➤ la consommation de viande crue ou insuffisamment cuite (ingestion de toxoplasmes enkystés) ; ➤➤ une hygiène non optimale des mains et des ustensiles de cuisine, la consommation de crudités mal nettoyées (ingestion de denrées alimentaires d’origine végétale, ou contact avec de la terre où des oocystes ont été disséminés par les déjections de chats infectés). Cependant, la persistance d’incertitudes sur les sources de contamination ne permet pas de préciser actuellement en France la part respective des différentes modalités d’infection par ingestion de toxoplasmes. En revanche, l’identification de ces facteurs de risque de contamination permet de proposer une prévention et une information aux patientes enceintes séronégatives. Les enquêtes épidémiologiques récentes montrent une baisse de la séroprévalence de la toxoplasmose chez les femmes enceintes en France : le taux d’immunisation, d’environ 80 % dans les années 1960, autour de 66 % dans les années 1980, est estimé à 43,8 % en 2003 (1). L’origine de cette diminution est multifactorielle, mais la modification des comportements alimentaires y joue un rôle déterminant : congélation des viandes, diminution de la consommation de crudités maraîchères et de viande ovine, etc. Chaque année, on estime que le toxoplasme infecterait 1 000 femmes enceintes, entraînant une vingtaine de fœtopathies sévères (2). Dépistage et diagnostic biologique de l’infection maternelle En France, le décret no 92-143 du 14 février 1992, relatif aux examens prénataux, précise le caractère obligatoire du dépistage de la toxoplasmose avant la fin du premier trimestre de la grossesse, en l’absence de résultats écrits permettant de considérer l’immunité comme acquise. La sérologie doit être répétée chaque mois à partir du deuxième examen * Laboratoire de virologie, hôpitaux universitaires Paris-Sud, Villejuif. ** Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclère, Clamart. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 | 63 Mots-clés Résumé Cytomégalovirus (CMV) Les infections maternofœtales, fréquentes, posent de délicats problèmes de diagnostic et de conduite thérapeutique. Au cours de la grossesse, la transmission de l’agent infectieux (virus, bactérie ou parasite) au fœtus et son retentissement embryofœtal sont très variables selon l’agent causal, le terme de la grossesse et l’état immunitaire de la mère. La plupart des conséquences délétères pour le fœtus sont observées au cours des primo-infections maternelles : avortement prématuré, mort in utero, embryopathies, fœtopathies, mais également atteintes du nouveau-né ou conséquences apparaissant plus tardivement. Les circonstances du diagnostic de l’infection maternelle ou fœtale varient selon l’agent infectieux. Certaines pathologies infectieuses font l’objet de programmes de dépistage prénatal obligatoire, d’autres sont diagnostiquées à la suite d’anomalies échographiques évocatrices ou de signes cliniques chez la mère. L’objectif de cet article est de faire le point sur les infections maternelles suivantes : toxoplasmose, herpès simplex virus et cytomégalovirus. Herpès simplex virus (HSV) Toxoplasmose Infection maternelle Infection congénitale Summary Infections are common during pregnancy, and their potential transmission to the foetus raises significant diagnostic and management issues. Primary infection during pregnancy may lead to severe damage for the foetus or the newborn, depending on the infectious agent and the term of pregnancy. Antenatal screening plays an important role in the prevention and management of vertically transmissible infections. However, in some circumstances, the diagnosis is secondary to the observation of maternal/neonatal clinical symptoms or abnormal ultrasound findings. In this article we focused on toxoplasmosis, herpes simplex virus and cytomegalovirus infections during pregnancy. Keywords Cytomegalovirus (CMV) Herpes simplex virus (HSV) Toxoplasmosis Maternal infection Congenital infection prénatal si la patiente n’est pas immunisée. Ces dispositions ont été reconduites par la Haute Autorité de santé en 2009, et le dépistage sérologique s’inscrit actuellement dans un algorithme général détaillé dans la figure 1 (3). Il n’existe pas d’autre tableau sérologique permettant de diagnostiquer avec certitude une infection acquise en cours de grossesse. La maturation de l’avidité des immunoglobulines G (IgG) antitoxoplasmiques est en général lente, et il est donc courant qu’une faible avidité persiste plusieurs années après la primo-infection (4). En revanche, la recherche de signes cliniques, bien qu’ils soient rares et non spécifiques (adénopathies, syndrome grippal), peut aider à la datation. Prise en charge, surveillance échographique et traitement Une fois que l’infection maternelle acquise en cours de grossesse est établie par les examens sérologiques, la prise en charge comprend 3 aspects : ➤➤ la recherche de l’infection fœtale par amniocentèse ; ➤➤ la surveillance échographique ; ➤➤ le traitement. L’infection fœtale survient dans environ 30 % des primo-infections maternelles, tous termes de grossesse confondus. Toutefois, le risque d’infection croît régulièrement et de façon importante avec l’âge gestationnel, tandis que le risque de forme grave avec lésions cérébrales diminue au fur et à mesure qu’approche le terme de la grossesse. Ainsi, pour une infection survenue après 13 semaines d’aménorrhée (SA), le risque de transmission n’est que de 6 %, mais l’incidence des signes cliniques chez l’enfant infecté est de 61 % au cours des 3 premières années de vie. À l’inverse, en cas de primo-infection maternelle après 36 SA, l’infection se transmet dans 72 % des cas mais le risque de signes cliniques n’est que de 9 % chez les enfants infectés (5). L’amniocentèse est réalisée à partir de la dixhuitième SA et au moins 4 semaines après l’infection maternelle. Son indication, en l’absence de lésions échographiques évidentes, peut être discutée pour les infections maternelles précédant la huitième SA, compte tenu du faible risque de transmission à ce terme (6). La recherche de toxoplasmes se fait par Polymerase Chain Reaction (PCR), examen dont la sensibilité et la valeur pronostique négative sont respectivement de 88 et 98 %. La mise en évidence d’ADN parasitaire dans le liquide amnio- Détermination du statut immunitaire maternel (première consultation prénatale) IgG– IgM– IgG– IgM+ IgG+ IgM– IgG+ IgM+ Suivi sérologique mensuel et à l’accouchement Prévention primaire Contrôle sérologique à 15 jours Patiente immunisée : arrêt de la surveillance Datation : avidité des IgG IgG– IgM Fausse réaction en IgM Suivi sérologique mensuel et à l’accouchement IgG+ IgM Séroconversion Forte : infection > 4 mois IgG stables : infection > 2 mois Figure 1. Surveillance sérologique de la toxoplasmose au cours de la grossesse. 64 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 Faible : contrôle sérologique à 3 semaines-1 mois IgG × 2 : infection < 2 mois MISE AU POINT tique prouve définitivement ­l’infection ­congénitale mais ne renseigne pas sur la forme clinique de cette infection. Toutefois, l’estimation de la charge parasitaire peut être utile à l’évaluation du pronostic fœtal : il a été montré qu’une infection maternelle acquise avant 20 SA associée à une charge parasitaire supérieure à 100/ml était prédictive à presque 100 % d’une fœtopathie sévère, alors même que l’échographie pouvait être normale au moment de l’amniocentèse (7). La surveillance échographique repose sur un examen mensuel jusqu’à l’amniocentèse ; puis une surveillance plus rapprochée peut être instaurée en cas de PCR positive (toutes les 2 à 3 semaines). L’atteinte fœtale peut être suspectée devant des signes échographiques d’infection non spécifiques à la toxoplasmose, comme une hépatosplénomégalie, des calcifications digestives ou hépatiques, une augmentation de la taille du placenta, des épanchements des séreuses (pleurale, péricardique, ascite), susceptibles de s’intégrer dans une myocardite parasitaire avec anasarque. Le pronostic sera surtout lié à l’atteinte cérébrale et à la précocité de l’infection et pourra justifier une demande d’interruption médicale de grossesse (IMG) par le couple. Les lésions évocatrices sont les dilatations ventriculaires, souvent bilatérales et symétriques, d’évolution rapide et d’origine obstructive, et des calcifications parenchymateuses arrondies périventriculaires. Plus rarement, on pourra observer une porencéphalie correspondant à des foyers de nécrose et une microcéphalie. Devant ces lésions, l’opportunité d’une IRM peut se discuter. Classiquement, le traitement anténatal était administré le plus tôt possible afin de prévenir la transmission de la mère à l’enfant et réduire les manifestations cliniques chez les enfants infectés. Cependant, une étude publiée dans le Lancet en 2007 (SYROCOT) a remis en question l’efficacité de ces traitements et a justifié la mise en œuvre, en 2010, d’un essai thérapeutique randomisé, multicentrique et national, TOXOGEST. Il a pour objectif de comparer l’efficacité de la spiramycine et celle de l’association pyriméthamine + sulfamide. L’attitude actuelle, en attendant les résultats, est de commencer le traitement par spiramycine dès le diagnostic de l’infection maternelle et de le continuer jusqu’à l’accouchement en cas de PCR négative dans le liquide amniotique. En cas de PCR positive, le relais par pyriméthamine et sulfamide est instauré. Une supplémentation en acide folinique est nécessaire pendant la durée de ce traitement, et l’apparition de réactions cutanées sévères peut justifier son arrêt. L’utilité de l’amniocentèse et le choix du traitement dans les infections survenant au troisième trimestre restent discutés. Virus de l’herpès simplex Caractéristiques de l’agent infectieux, épidémiologie et prévention Les HSV sont des virus neurotropes de grande taille, à ADN, et enveloppés. On en distingue 2 types : le HSV de type 1 (HSV-1) et celui de type 2 (HSV-2), qui peuvent tous 2 être responsables de l’herpès génital et, par conséquent, d’une infection fœtale ou du nouveau-né. La contamination par ce virus fragile et strictement humain (l’homme est son seul réservoir) se fait par contact direct étroit avec un sujet excrétant du virus à l’occasion d’une primo-infection, d’une récurrence ou d’une excrétion virale asymptomatique, ou par contact indirect (objets souillés). La primo-infection entraîne une réaction immunitaire, mais le virus persiste toute la vie. De plus, l’infection préalable par 1 des 2 types d’HSV n’empêche pas une infection par l’autre type. Après contamination et réplication virale, le virus migre par voie axonale vers le corps cellulaire du neurone sensitif innervant le territoire correspondant. Dans le noyau de ce dernier, le génome se circularise et persiste sans réplication virale. Cette latence peut être interrompue et provoquer des réactivations. Le virus migre alors vers le même territoire muqueux par voie axonale. Ces réactivations sont associées à une réplication et à une excrétion locale de virus. L’incubation est brève, et les symptômes sont dus au tropisme cutanéomuqueux et neurologique du virus. Au décours d’une primo-infection, la durée de l’excrétion est en moyenne de 8 jours mais peut atteindre 20 jours ; lors d’une récurrence, elle est de 2 à 4 jours. La prévalence en France des anticorps anti-HSV-1 est de l’ordre de 60 % (elle varie suivant le niveau d’hygiène des populations), et celle d’HSV-2 est d’environ 15 %. Toutefois, les herpès génitaux sont dus, dans 15 à 40 % des cas, à HSV-1 et, dans 60 à 80 % des cas, à HSV-2. L’incidence de l’herpès néonatal est estimée à 1 à 3 cas pour 100 000 naissances, soit environ 20 cas annuels en France ; il est dû à HSV-2 dans 2/3 des cas. Toutefois, cette incidence est étroitement liée aux antécédents maternels (tableau, p. 66) [8]. On estime que 0,1 à 1 % des femmes enceintes ont une excrétion génitale asymptomatique d’HSV. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 | 65 MISE AU POINT Les infections maternofœtales Tableau. Conséquences du statut de la mère vis-à-vis des virus de l’herpès simplex (HSV), et conduite à tenir. Situation maternelle vis-à vis de l’HSV Fréquence des situations à l’origine de la contamination du nouveau-né Risque d’herpès néonatal pour l’enfant Primo-infection au moment de l’accouchement ou dans le mois précédant l’accouchement Rare 75 % Césarienne Traitement de la mère par aciclovir ou valaciclovir Récurrence d’herpès génital au moment ou dans les jours précédant l’accouchement + 2-5 % Césarienne Traitement de la mère par aciclovir ou valaciclovir Antécédents d’herpès génital chez la femme enceinte ou son partenaire ++ 1/1 000 Accouchement par voie basse après application de povidone iodée À terme, pas de prélèvement systématique des voies génitales de la femme en l’absence de lésions suspectes En cas de recherche positive, traitement de l’enfant à discuter +++ (2 cas sur 3) 1/10 000 Dépistage sérologique systématique non recommandé Traitement de l’herpès néonatal dès son diagnostic Aucune manifestation d’herpès génital Présentation clinique chez la mère, le fœtus et le nouveau-né Ces infections sont fréquentes et le plus souvent bénignes. Certaines formes sont particulièrement graves par leurs complications (méningoencéphalite, atteintes systémiques, syndrome de Kaposi-Juliusberg et érythème polymorphe) ou sur certains terrains (nouveau-né, femme enceinte, sujet immuno­déprimé). Les symptômes cliniques sont cependant moins sévères lors d’un épisode initial non primaire (c’est-à-dire chez un patient déjà infecté par l’autre HSV) que lors d’une primoinfection. Les primo-infections génitales dues à HSV-1 sont plus symptomatiques que celles dues à HSV-2 (qui peuvent passer inaperçues au niveau génital). La primo-infection symptomatique au niveau génital (20 à 60 % des cas seulement) est caractérisée par une éruption vésiculeuse douloureuse (génitale et/ ou anale), inflammatoire, associée à une fièvre, des adéno­pathies inguinales, une dyspareunie et, éventuellement, des signes méningés. Des complications à type de paresthésies en selle et de rétention d’urine peuvent apparaître. Après ulcération rapide des vésicules, la guérison est spontanée. Les récurrences génitales, possibles sous l’effet d’un stress, d’une infection, des ultraviolets, des menstruations etc., se présentent sous la forme d’une éruption vésiculeuse en bouquet survenant toujours au même site, précédée de brûlures avec, en général, une symptomatologie moins intense que celle de la primo-infection, et une guérison spontanée. Les réactivations peuvent être asymptomatiques et s’accompagner d’une excrétion virale. 66 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 Conduite recommandée La transmission de la mère à l’enfant s’effectue très rarement par voie transplacentaire. Lors d’une contamination avant la vingt-huitième SA (virémie chez la mère), une fausse couche est possible, voire une embryopathie. Une fœtopathie peut également apparaître avec retard de croissance intra-utérin, microcéphalie, microphtalmie, cataracte, calcification intracrânienne, choriorétinite et retard psychomoteur. La transmission maternofœtale s’effectue, dans 90 % des cas, au moment de l’accouchement, lors d’un passage du nouveau-né dans la filière génitale concomitant à une excrétion virale (qui peut être asymptomatique). Le risque de transmission est majeur lorsqu’il s’agit d’une primo-infection après la trente-cinquième SA (75 %), et plus faible en cas de simple récurrence dans les 8 jours précédant l’accouchement (5 %). Dans 66 % des cas, la mère ne présente pas de symptômes ni d’antécédent connu d’herpès génital. Les facteurs favorisant la contamination du nouveau-né sont la prématurité, une rupture prolongée des membranes (> 6 heures), une blessure du scalp (due à l’utilisation d’électrodes ou d’un forceps), d’importantes lésions cervico­vaginales d’herpès. Une contamination postnatale, directe ou indirecte, est également possible. Même s’il est rare, l’herpès néonatal est redoutable et représente un risque d’infection gravissime pour le nouveau-né, avec une mortalité de 50 à 85 %. Il est presque toujours dû à l’HSV-2, affection qui peut toucher jusqu’à 10 % des femmes en âge de procréer. On distingue 3 formes d’herpès néonatal : les formes systémiques disséminées, les formes neurologiques et les formes cutanéomuqueuses (peau, œil, bouche). MISE AU POINT Les formes disséminées se manifestent en général dès la première semaine de vie par des symptômes non spécifiques (refus de boire, apnée, léthargie, dyspnée, ictère, fièvre, etc.). En l’absence d’éruption vésiculaire (50 % des cas), le diagnostic est difficile, mais les signes sont plus spécifiques en cas d’atteinte du système nerveux central (SNC) [50 % des formes disséminées], notamment en cas de convulsions. Le tableau est celui d’un sepsis néonatal grave avec éruption vésiculeuse et nécrotique diffuse, hépatite nécrosante, hémorragie cutanéomuqueuse diffuse avec thrombopénie, pneumopathie interstitielle grave, myocardite, entérocolite nécrosante, œsophagite, kératite, etc. Le pronostic, qu’il y ait ou non atteinte du SNC, est catastrophique en l’absence de traitement : 80 % de mortalité, et de lourdes séquelles chez plus de la moitié des survivants. Sous aciclovir, le taux de mortalité chute à 50 %, mais la moitié des survivants souffre de lourdes séquelles. Les formes localisées au SNC se manifestent plus tardivement (11 jours à 4 semaines après la naissance), par une méningoencéphalite. Le pronostic est également sombre, puisque, même sous traitement, le risque de décès ou de séquelles graves est d’environ 50 %. Les formes localisées cutanéomuqueuses sont les plus caractéristiques mais restent rarement isolées (seulement 10 % des cas) : la maladie de 70 % des enfants infectés commence par ce type d’atteinte (conjonctivite, kératite ou choriorétinite, lésions vésiculaires, gingivostomatite) avant d’évoluer vers une forme généralisée ou localisée au SNC. Avec un traitement spécifique, 85 % des enfants présentant isolément le tableau d’atteinte cutanéomuqueuse guériront sans séquelles. Toutefois, le risque principal de cette forme localisée est la survenue de récurrences susceptibles de se manifester pendant plusieurs années. Dépistage et diagnostic biologique L’isolement du virus constitue la méthode de référence. Toutefois, les tests de biologie moléculaire sont plus rapides et plus sensibles que la culture virale. Dans la mesure où les antiviraux disponibles limitent la progression de l’infection vers le SNC et la dissémination, ils modifient nettement le pronostic de l’infection herpétique néonatale. Un diagnostic rapide permettra donc l’instauration précoce du traitement. Le virus de l’herpès étant fragile, il convient d’effectuer les prélèvements avant l’application d’un désinfectant puis de les placer immédiatement dans un milieu de transport adéquat avant l’acheminement au laboratoire qui réalisera l’analyse. Chez la mère, il s’agit du prélèvement des lésions génitales. En cas d’antécédents d’herpès génital, un prélèvement au niveau de la vulve ou du col utérin peut également être pratiqué quelques jours avant l’accouchement ou le jour de l’accouchement, à la recherche d’une excrétion virale asymptomatique. À l’entrée en travail, devant des lésions suspectes, il faut réaliser un diagnostic virologique rapide par PCR. Chez le nouveau-né, plusieurs sites de prélèvements sont possibles : lésions cutanées, urines, pharynx, yeux, liquide céphalorachidien (LCR), etc. Les prélèvements doivent être réalisés entre 48 et 72 heures de vie. Il est possible de réaliser des sérologies spécifiques de type HSV-1 ou 2, mais les performances des tests utilisés sont variables en termes de sensibilité et de spécificité, tandis que le délai d’apparition des anticorps peut varier de 3 semaines à 3 mois. De plus, la recherche des anticorps spécifiques ne présente pas d’intérêt pour le diagnostic des infections génitales. Prise en charge, traitement et prévention Les propositions de prise en charge ont été formulées au cours d’une conférence de consensus (2001). En matière de diagnostic, l’interrogatoire de la patiente et de son partenaire est fondamental. Une sérologie pour le dépistage systématique des couples sérodifférents n’est pas recommandée. En cas d’épisode clinique évocateur pendant la grossesse, un examen virologique est souhaitable afin de confirmer le diagnostic. Le traitement antiviral en cours de grossesse est recommandé pour des indications restreintes, lorsqu’un bénéfice est attendu pour le fœtus ou la mère. En cas de primo-infection durant le dernier mois, un traitement par aciclovir (200 mg × 5/j) ou valaciclovir (500 mg × 2/j) sera instauré, par voie orale ou, éventuellement, par voie veineuse (i.v.) dans les formes les plus sévères (d’autant qu’il existe dans cette situation un risque d’apparition d’une forme grave disséminée de l’infection herpétique avec hépatite chez la mère) et sera poursuivi jusqu’à l’accouchement. En cas de primo-infection avant le dernier mois, le même traitement sera instauré pendant 10 jours, puis un traitement par aciclovir (400 mg × 3/j) de la trente-sixième SA jusqu’à l’accouchement est recommandé pour diminuer le nombre de récurrences au moment du travail. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 | 67 MISE AU POINT Les infections maternofœtales Ce traitement a fait la preuve de son efficacité sur la douleur, le délai de guérison et la durée du portage viral. Les traitements locaux n’ont pas fait la preuve de leur utilité clinique. Si des lésions sont constatées au moment du travail, la césarienne est alors recommandée. Enfin, si la primo-infection date de plus de 1 mois au moment de l’accouchement, celui-ci peut être envisagé par voie basse si l’épisode a été traité. En cas de récurrence, un traitement par aciclovir (200 mg × 5/j pendant 5 jours) ou valaciclovir (1 000 mg/j pendant 5 jours) est recommandé. Il n’y a pas d’argument en faveur de l’administration systématique d’un antiviral pendant le dernier mois en l’absence de lésions à ce moment. L’accouchement par voie basse est recommandé s’il n’y a pas de lésions ou si le début de la récurrence date de plus de 7 jours et qu’elle a été traitée. En cas d’antécédents d’herpès génital chez les femmes enceintes et leurs partenaires, la confirmation virologique est recommandée si des lésions génitales évocatrices sont constatées chez la femme enceinte. Lorsque le partenaire a des antécédents d’herpès génital, la prévention par l’utilisation de préservatifs peut être proposée. En l’absence de symptômes cliniques, un examen minutieux du col et du périnée sera effectué, au terme de la grossesse, à la recherche de lésions. S’il y a une notion de récurrence durant la grossesse, un traitement peut être proposé pour éviter celles qui surviendraient près du terme, et des prélèvements “à l’aveugle” au niveau du col utérin à la recherche du virus seront effectués en complément de l’examen clinique au début du travail. Dans ces 2 cas, en l’absence de lésions évocatrices, l’accouchement peut s’effectuer par voie basse. S’il a été signalé ou observé une récurrence d’herpès génital proche du terme de la grossesse, un traitement de la mère par voie orale est indiqué. La césarienne sera envisagée uniquement en présence de lésions génitales au moment du travail. Le traitement de l’herpès néonatal déclaré repose sur l’administration en urgence d’aciclovir par voie i.v., à la dose de 20 mg/kg toutes les 8 heures durant 10 à 14 jours (jusqu’à 21 jours pour les formes disséminées). Sa gravité impose de traiter rapidement, sans attendre la confirmation virologique. L’intérêt d’un traitement de consolidation par aciclovir par voie orale, en vue de diminuer l’incidence des reprises de l’infection à l’arrêt du traitement, reste à évaluer. L’allaitement est contre-indiqué en cas de lésions herpétiques mammaires ou mamelonnaires chez la mère. Les lésions situées à distance doivent être protégées. 68 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 Cytomégalovirus Caractéristiques de l’agent infectieux, épidémiologie et prévention Le CMV est un virus enveloppé à ADN, strictement humain, et sa pathogénicité est généralement faible, sauf chez les patients immunodéprimés et chez le fœtus. Il est la principale cause de handicaps neurosensoriels consécutifs à une infection congénitale dans les pays développés ; en France, 0,5 à 1 % des nouveaunés auraient acquis une infection à CMV in utero. Globalement, en Europe de l’Ouest, 50 % des femmes en âge de procréer sont immunisées contre le CMV, mais la prévalence varie en fonction du statut socio­ économique, de l’âge, de la profession, de la parité et de l’origine ethnique. La moitié des femmes enceintes sont donc exposées au risque de primo-infection par le CMV. Il a également été rapporté, en particulier dans les populations à forte prévalence, des cas d’infection congénitale par le CMV, symptomatiques ou non, consécutifs à une infection maternelle secondaire (réinfection ou réactivation). Les femmes les plus exposées sont les femmes séronégatives travaillant au contact de très jeunes enfants ou dont le premier enfant est accueilli en crèche, car la circulation de ce virus est extrêmement fréquente au sein des collectivités de très jeunes enfants (9). La transmission s’effectue par contacts étroits d’individu à individu (via les urines, les sécrétions oropharyngées, le lait, les larmes, les sécrétions génitales, etc.). En France, le rapport de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) de 2004 préconise que les femmes enceintes soient informées des mesures d’hygiène universelles, à respecter pendant leur grossesse (encadré, p. 69). Il est couramment admis que le risque d’une transmission maternofœtale du CMV résulte le plus souvent d’une primo-infection maternelle péri- ou postconceptionnelle. L’incidence de la primo-infection durant la grossesse est estimée à 0,5 à 2 %. Trente à 50 % de ces femmes transmettront le virus à leur fœtus, mais ce taux de transmission varie en fonction du terme de la grossesse où est contractée l’infection : si la mère est infectée lors du premier trimestre, le virus est transmis dans 30 à 40 % des cas ; lors du deuxième, dans 50 % des cas, et, lors du troisième, dans 70 à 80 % des cas. La transmission au fœtus s’effectue alors par voie hématogène trans­ placentaire lors de la virémie maternelle concomitante à la primo-infection. MISE AU POINT Plus rarement, le fœtus peut contracter l’infection à la suite d’une réactivation ou d’une réinfection maternelle. On estime que 10 à 30 % des femmes immunisées excréteront du virus au cours de leur grossesse et qu’environ 0,2 % des enfants nés de mères qui étaient séropositives pour le CMV avant leur grossesse seraient infectés à la naissance. La transmission maternofœtale du CMV après une infection maternelle secondaire est difficile à estimer, dans la mesure où le diagnostic de la réinfection ou de la réactivation, très difficile, n’est pas réalisé en pratique. Enfin, la période néonatale est une période à haut risque de contagion (par les sécrétions cervico­ vaginales, le lait maternel, les contacts rapprochés), mais n’est pas suivie de séquelles neurologiques. Cette infection périnatale est très fréquente : on retrouve globalement 12 à 15 % de nouveau-nés viruriques à 1 mois de vie alors qu’ils étaient négatifs à la naissance. Présentation clinique et surveillance échographique Les signes cliniques de la primo-infection par le CMV chez la femme enceinte, s’ils sont relativement fréquents, sont en général peu spécifiques (fatigue, fièvre, maux de tête, syndrome grippal, etc.). Souvent recueillis a posteriori, ils ne suffisent généralement pas à alerter sur l’éventualité d’une primo-infection par le CMV. Les conséquences d’une transmission maternofœtale du CMV sont variables mais classiquement plus sévères après une primo-infection maternelle qu’après une réactivation ou une réinfection. Le risque de séquelles pour le fœtus est maximal (20 à 30 %) lorsque la primo-infection maternelle survient avant la vingtième SA et diminue par la suite. Les manifestions cliniques observées peuvent alors être une microcéphalie, des déficits de l’audition et des atteintes neurologiques mineures. C’est lors d’une primo-infection maternelle précoce au cours de la grossesse que l’on observe les atteintes fœtales les plus graves, qui se traduisent par la maladie des inclusions cytomégaliques (MIC). La MIC est la conséquence d’une réplication virale dans les organes vitaux du fœtus, qui régresse spontanément mais induit des dommages qui peuvent persister et occasionner de lourdes séquelles à long terme. Parmi les enfants présentant un tableau de MIC, 10 à 20 % décéderont dans les premières semaines de vie et, parmi les survivants, 80 à 90 % • Se laver fréquemment les mains • En cas de contact avec un enfant en bas âge, prendre des précautions particulières, notamment s’il fréquente une collectivité (crèche, garderie), car cet enfant a pu être contaminé au contact des autres enfants. Dans ce cas, le virus reste présent dans sa salive et ses urines pendant plusieurs mois • Ne pas utiliser les mêmes ustensiles de repas, ne pas finir le repas d’enfants de moins de 3 ans. Ne pas “goûter” les biberons ou les cuillerées d’aliments et ne pas sucer les tétines • Ne pas partager les affaires de toilette (gant, serviette, brosse à dents) des enfants de moins de 3 ans • Limiter le contact buccal avec les larmes et la salive des enfants de moins de 3 ans ; ne pas les embrasser sur la bouche • Se laver soigneusement les mains à l’eau et au savon après chaque change ou contact avec les urines (pot, pyjama, couche, etc.) • Ces précautions doivent être appliquées lors de contacts professionnels avec un ou plusieurs jeunes enfants • Ces règles d’hygiène doivent également être suivies par le conjoint À respecter jusqu’à l’accouchement Encadré. Conseils de prévention de la primo-infection par le CMV au cours de la grossesse. développeront des séquelles neurosensorielles ainsi qu’un retard psychomoteur. En ce qui concerne la France, ces chiffres couramment avancés dans la littérature sont en réalité surestimés. En effet, les situations où le doute subsiste quant au pronostic de lésions gravissimes deviennent rares lorsque la grossesse est correctement suivie et, plus particulièrement, lorsque ce suivi est effectué dans un centre spécialisé. L’amélioration de la qualité des échographes et de la résolution de l’IRM permet maintenant de diminuer le nombre de cas où la gravité de l’atteinte neurologique ne peut pas être appréciée. La souplesse quant au délai de recours à l’IMG dans notre pays contribue également à diminuer fortement le nombre d’enfants naissant atteints de la MIC. À côté de ce tableau gravissime, on estime que, dans plus de 90 % des cas, l’infection congénitale par le CMV est asymptomatique à la naissance. Néanmoins, une surveillance clinique reste indispensable, car 5 à 10 % des enfants atteints de ces formes initialement silencieuses développeront des séquelles neurosensorielles, le plus souvent une surdité. Partielle ou totale, cette surdité peut ne pas se manifester dès la naissance et se développer ultérieurement, au cours des premières années de vie. On recherchera des signes échographiques évocateurs, comme le retard de croissance in utero (RCIU), qui peut être la seule anomalie échographique témoignant de l’infection par le CMV dans 28,5 % des cas (10). Il est souvent inharmonieux et prédomine sur le pôle céphalique (microcéphalie). La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 | 69 MISE AU POINT Références bibliographiques 1. Berger F, Goulet V, Le Strat Y, Desenclos JC. Toxoplasmose chez les femmes enceintes en France : évolution de la séroprévalence et de l’incidence et facteurs associés, 1995-2003. BEH 2008;1415:117-21. 2. King L, Villena I, Ancelle T et al. La toxoplasmose congénitale ; mise en place d’un dispositif de surveillance en France. BEH 2008;14-15:122-4. 3. Haute Autorité de santé. Surveillance sérologique et prévention de la toxoplasmose et de la rubéole au cours de la grossesse. 2009. 4. Cozon GJ, Ferrandi J, Nebhi H et al. Estimation of the avidity of immunoglobulin G for routine disgnosis of chronic Toxoplasma gondii infection in pregnant women. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1998;17:32-6. 5. Dunn D, Wallon M, Peyron F et al. Mother to child transmission of toxoplasmosis: risk estimates for clinical counselling. Lancet 1999;353:1829-33. 6. Wallon M, Franck J, Thulliez P et al. Accuracy of real-time polymerase chain reaction for Toxoplasma gondii in amniotic fluid. Obstet Gynecol 2010; 115(4):727-33. Les infections maternofœtales Le pronostic dépend en général de l’atteinte cérébrale (11). On observe souvent une ventriculo­ mégalie (12), mais on peut également constater des anomalies clastiques (porencéphalie, calcifications), des anomalies de la giration et des hyperécho­ génicités périventriculaires (13). On peut proposer de réaliser une IRM cérébrale fœtale vers 32 SA en complément de l’échographie (14). La principale caractéristique échographique et pronostique est l’évolutivité. On observe également de nombreuses atteintes extracérébrales : atteinte rénale (diminution de la quantité de liquide amniotique, ou oligoamnios, reins hyperéchogènes), hépatosplénomégalie avec éventuelle ascite, intestin hyperéchogène (iléus méconial pouvant se compliquer d’une perforation digestive avec péritonite méconiale). Des épanchements des séreuses peuvent apparaître de façon isolée et transitoire (épanchement péricardique ou pleural, ascite). Dépistage et diagnostic biologique Le dépistage systématique de l’infection par le CMV pendant la grossesse n’est actuellement pas recommandé dans la plupart des pays européens (dont la France), et seules des mesures d’hygiène 7. Romand S, Chosson M, Franck J et al. Usefulness of quantitative polymerase chain reaction in amniotic fluid as early prognosis marker of fetal infection with Toxoplasma gondii. Am J Obstet Gynecol 2004;190:797-802. 8. Huraux JM, Huraux-Rendu C, Blanchier H, Sainte-Croix Le Baleur A, Moutouh L. Herpès simplex virus et grossesse. Mesures préventives. In : Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Montrouge : John Libbey Eurotext 1999:195-213. 9. Fowler KB, Pass RF. Risk factor for congenital cytomegalovirus infection in the offspring of young women: exposure to young children and recent onset of sexual activity. Pediatrics 2006;118:e286-92. 10. Ville Y, Picone O, Makridemas G, Leruez -Ville M. Prenatal diagnosis of cytomegalovirus congenital infection. In: Kurjak A, Chervenak F. Textbook of perinatal medicine. Informa Healthcare, 2nd edition, 2006. ... / ... peuvent être proposées pour réduire significativement l’incidence des infections maternelles par le CMV (15). Néanmoins, la recherche d’IgG en début de grossesse est parfois pratiquée afin de déterminer le statut sérologique de la mère, notamment lorsque les patientes exercent une profession à risque (personnel de crèche, infirmière, puéricultrice, etc.) ou ont déjà des enfants. Le diagnostic de l’infection maternelle peut également être effectué en cas de symptômes maternels. Enfin, de nombreuses infections par le CMV au cours de la grossesse passent inaperçues, mais, en présence d’anomalies échographiques évocatrices, une infection maternelle/congénitale par le CMV doit être envisagée et recherchée. La virémie, chez l’individu immunocompétent, serait un marqueur d’une primo-infection récente mais n’est pas utilisée dans la pratique courante à des fins diagnostiques. La virurie maternelle n’est pas un bon outil pour le diagnostic de primo-infection par le CMV, puisqu’elle est aussi souvent positive à l’occasion de réactivations, qui ne sont à l’origine que de très rares cas d’infections congénitales sympto­ matiques. Le diagnostic de la primo-infection par le CMV chez la femme enceinte repose donc essentiellement sur la sérologie (figure 2). La présence d’IgG spécifiques signe un contact avec le virus mais, interprété isolément, leur titre n’est en aucun cas Sérologie CMV IgG– IgG+ IgM– IgM+ Absence d’immunité Risque de primo-infection récente : à confirmer par l’examen d’un second prélèvement 10 jours plus tard IgG– IgG+ Fausse réaction positive en IgM Primo-infection récente : à confirmer par la mesure de l’avidité des IgG IgM– IgM+ Patiente immunisée : absence de marqueur de primo-infection récente** Mesure de l’avidité des IgG Avidité élevée : primo-infection > 3 mois* * Résultat à interpréter en fonction du terme de la grossesse et de la technique utilisée. ** Attention, si la sérologie est pratiquée au moment de la constatation des anomalies échographiques, les IgM peuvent avoir disparu ! Figure 2. Algorithme d’interprétation de la sérologie du cytomégalovirus. 70 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 Avidité faible : primo-infection < 3 mois* MISE AU POINT indicatif de la date de survenue de la primo-infection maternelle. Quant à la détection des IgM spécifiques, elle n’est pas nécessairement corrélée à une infection récente. En effet, même si les IgM sont pratiquement toujours mises en évidence dans les primo-infections récentes, elles peuvent également être détectées du fait de réactions croisées (avec le virus d’Epstein-Barr, par exemple) mais également au cours d’infections secondaires, ou à l’occasion d’une stimulation polyclonale non spécifique du système immunitaire. Il est donc clairement établi que la détection des IgM spécifiques est insuffisante pour faire le diagnostic de primo-infection, et que leur présence peut être difficile à interpréter. Pour ces raisons, le recours à la mesure de l’avidité des IgG spécifiques et à l’étude comparative des sérums antérieurs et/ou ultérieurs est donc le plus souvent nécessaire pour préciser le caractère éventuellement post-conceptionnel de l’infection. Le diagnostic d’infection fœtale est réalisé par la mise en évidence du génome viral (par PCR) dans le liquide amniotique. La spécificité de la PCR est proche de 100 %, et sa sensibilité est supérieure à 95 %, si l’amniocentèse est réalisée au moins 6 semaines après l’infection maternelle et à partir de la vingt-deuxième SA (terme à partir duquel la maturation du système urinaire fœtal est acquise), ou dès la constatation des anomalies échographiques. Une meilleure sensibilité de la PCR par rapport à la culture dans ce contexte a clairement été démontrée dans la littérature (16). La recherche du génome viral est constamment positive si le CMV est responsable des anomalies échographiques observées. Cependant, même si la détection du CMV dans le liquide amniotique est étroitement corrélée à l’infection fœtale (la valeur prédictive positive du diagnostic anténatal étant proche de 100 %), la présence du virus dans le liquide amniotique ne préjuge en rien du degré de l’atteinte clinique du fœtus. À la naissance, la recherche des IgM dans le sang du nouveau-né n’est positive que dans la moitié des infections congénitales par le CMV. Plus couramment, la recherche de CMV est effectuée par culture et/ou PCR dans les urines. C’est un examen d’une excellente sensibilité et spécificité si le prélèvement est effectué dans les 10 à 15 jours qui suivent l’accouchement. Le prélèvement de salive peut s’avérer plus pratique à réaliser, mais toute positivité salivaire doit être confirmée par une recherche de virus dans les urines (le prélèvement de salive peut avoir été contaminé par le lait maternel infecté, en cas d’allaitement maternel). Les infections périnatales étant très fréquentes, lorsque des anomalies (notamment la surdité) sont constatées plusieurs mois après la naissance, ni la sérologie, ni la détection du virus dans les urines ne permettent d’incriminer le CMV comme agent responsable de ces manifestions cliniques. Il faut alors avoir recours à une recherche rétrospective du génome viral par PCR à partir du sang séché conservé sur les cartes de Guthrie (17). Prise en charge, traitement et prévention La prise en charge de l’infection par le CMV chez la femme enceinte est un problème complexe du fait, notamment, qu’il n’existe pas, pour l’instant, de traitement efficace et dénué d’effets indésirables qui puisse être administré au cours de la grossesse. Quelques essais cliniques évaluant l’efficacité de l’injection d’immunoglobulines hyperimmunes ou de valaciclovir dans la prévention ainsi que le traitement de l’infection fœtale à CMV sont en cours. Lorsqu’une primo-infection maternelle par le CMV est diagnostiquée avec certitude, le fœtus doit bénéficier d’une surveillance échographique morphologique étroite et répétée (en général mensuelle, ou bimensuelle si la PCR du CMV dans le liquide amniotique est positive) dans un centre spécialisé en médecine fœtale, car l’échographie reste un examen performant pour détecter les atteintes fœtales, l’existence et l’évolution des signes échographiques ayant une bonne valeur pronostique. Cette surveillance doit être poursuivie jusqu’à la fin de la grossesse, les signes échographiques pouvant apparaître tardivement. Le traitement antiviral néonatal par le ganciclovir serait bénéfique sur l’évolution de la surdité chez des enfants présentant une infection congénitale sévère avec, notamment, une atteinte du SNC. En raison de la toxicité du ganciclovir et de son utilisation par voie i.v., sa seule indication consensuelle actuelle reste l’utilisation chez des nouveau-nés présentant une atteinte du SNC. L’évaluation du valganciclovir (prodrogue du ganciclovir) est en cours, sa bio­disponibilité par voie orale lui conférant une efficacité équivalente à celle du ganciclovir par voie i.v. chez l’adulte et le nouveau-né. Enfin, les enfants asymptomatiques excrétant le virus dans leurs urines aux premiers jours de vie doivent faire l’objet d’une surveillance clinique (fond d’œil, examens auditifs, etc.) attentive jusqu’à leur sixième année. ■ ... / ... 11. Benoist G, Salomon LJ, Jacquemard F, Daffos F, Ville Y. The prognostic value of ultrasound abnormalities and biological parameters in blood of fetuses infected with cytomegalovirus. BJOG 2008;115:823-9. 12. Nigro G, La Torre R, Sali E et al. Intraventricular haemorrhage in a fetus with cerebral cytomegalovirus infection. Prenat Diagn 2002;22:558-61. 13. Guibaud L, Attia-Sobol J, Buenerd A et al. Focal sonographic periventricular pattern associated with mild ventriculomegaly in foetal cytomegalic infection revealing cytomegalic encephalitis in the third trimester of pregnancy. Prenat Diagn 2004;24:727-32. 14. Picone O, Simon I, Benachi A, Brunelle F, Sonigo P. Comparison between ultrasound and magnetic resonance imaging in assessment of fetal cytomegalovirus infection. Prenat Diagn 2008;28:753-8. 15. Vauloup-Fellous C, Picone O, Cordier AG et al. Does hygiene counseling have an impact on the rate of CMV primary infection during pregnancy? Results of a 3-year prospective study in a French hospital. J Clin Virol 2009; 46:S49-53. 16. Revello MG, Sarasini A, Zavattoni M, Baldanti F, Gerna G. Improved prenatal diagnosis of congenital human cytomegalovirus by a modified nested polymerase chain reaction. J Med Virol 1998;56:99-103. 17. Vauloup-Fellous C, Ducroux A, Couloigner V et al. Evaluation of cytomegalovirus (CMV) DNA quantification in dried blood spots: retrospective study of CMV congenital infection. J Clin Microbiol 2007;45:3804-6. C. Vauloup-Fellous déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - no 2 - mars-avril 2014 | 71