Tunis, le 21 Novembre 2011 Projet de constitution pour la République Tunisienne Ce projet a été élaboré par un comité d’experts1 présidé par le professeur Yadh Ben Achour. Nous présentons, ci-dessus, les caractéristiques générales et les principes directeurs qui ont animés ce projet, en termes de méthodologie et de contenu. Méthodologie 1-Partir de la réalité historique de la Tunisie Les spécialistes qui élaborent des projets constitutionnels peuvent procéder de deux manières: soit s’inspirer directement des expériences constitutionnelles comparées, puis élaborer un projet à partir de cette base; soit partir de l’expérience constitutionnelle nationale, pour la réviser, en cas de besoin, par recours aux expériences étrangères. La méthode adoptée dans ce projet consiste à se baser sur l’histoire constitutionnelle de la Tunisie, les évènements politiques actuels et passés ainsi que sur les aspirations et visions du futur. Sur ces bases, a été rédigé le premier texte du projet. Ce texte a été vérifié et révisé, par la suite, du point de vue technique, à partir des données tirées des expériences et théories constitutionnelles comparées. 2-Rompre avec l’ancienne constitution et le système politique qui en dérive Ce projet est destiné rompre définitivement avec le système politique engendré par la précédente constitution, mais en tenant compte de l’histoire constitutionnelle de la Tunisie. En ce faisant, le projet se caractérise par une inspiration libérale confirmée, au niveau des principes politiques fondamentaux et de l’équilibre entre les pouvoirs. 3-Se limiter aux principes fondamentaux A ce propos, il importe de rappeler que la constitution n’est pas un code juridique et, de ce fait, devrait se limiter aux principes fondamentaux et aux règles générales, sans entrer dans les détails. Ces derniers relèveront de la Commission constitutionnelle : Yadh Ben Achour, (Président), Lamia Naji, Salsabil klibi, Salma Smiri, Amin Mahfoudh, Ghazi Ghraïri, Amor Boubakri. 1 Commission plénière : Yadh Ben Achouch (Président), Lamia Naji, Salsabil klibi, Wasila Kaabi, Hafidha Chékir, Najat Yaakoubi, Asma Nouira, Yosra Frawes, Salma Smiri, Farhat Horchani, Mohamed Ridha Jenayeh, Slim Laghmeni, Mustapha Beltaïf, Hamadi Zribi, Ghazi Ghraïri, Mohamed Chafik Sarsar, Mounir Snoussi, Amin Mahfoudh, Mootaz Gagouri, Amor Boubakri, Slim Kammoun. 1 compétence du pouvoir législatif. En conséquence, le projet a été réduit à 91 articles 4-Simplifier le paysage des institutions constitutionnelles Compte tenu des révisions multiples apportées à la constitution de 1959, celle-ci est devenue une matière complexe du point de vue de ses structures, comme de ses procédures et mécanismes. A partir de là, nous avons procédé à la simplification des institutions et des procédures constitutionnelles. Cela a touché la deuxième chambre parlementaire, l’ancienne Chambre des conseillers ou le Conseil économique et social. Nous avons veillé également à rétablir la clarté et l’unité de la règle de droit en abandonnant la distinction entre la loi organique et la loi ordinaire. 5-Uniformiser les procédures et les structures A coté de la réunification de la règle de droit sus-indiquée, ce projet intègre une nouvelle idée fondamentale, n’ayant pas d’équivalent en droit constitutionnel comparé. L’idée consiste à unifier dans un ordre unique les juridictions de jugement de l’Etat. Cette idée, destinée à renforcer l’Etat de droit, de manière globale et effective, est reprise dans la seconde section du Chapitre V relatif au « Conseil juridictionnel de l’Etat ». Ce dernier regroupe la Cour constitutionnelle, le Tribunal administratif et la Cour financière. Contenu 1-Déclaration des droits et libertés A coté du préambule qui rappelle les principes politiques fondamentaux de la Révolution du 14 janvier, ce projet, dans son Chapitre premier (18 articles), proclame les droits et libertés fondamentales, visant à protéger les droits de l’homme et du citoyen dans notre pays. 2-Principes fondamentaux En plus de la déclaration des droits et des libertés, ce projet reconnait quelques principes fondamentaux auxquels devraient obéir le développement et l’organisation des affaires de l’État. Ces principes sont : -Le caractère civil et démocratique de l’État. -Les engagements des partis politiques vis-à-vis de l’Etat démocratique. -L’interdiction d’exploiter le culte et les sentiments religieux à des fins politiques. -Le respect des droits de l’opposition -L’impartialité de l’administration. 2 -La protection des biens publics et la transparence des revenus des responsables politiques 3-Devoirs fondamentaux du citoyen Le projet confirme les devoirs fondamentaux du citoyen, en particulier, l’obéissance à la loi, l’acquittement de l’impôt et du service militaire, l’obligation de défendre la patrie contre l’agression extérieure et d’assurer sa protection et son intégrité. 4-Nature du système politique Le projet adopte un système politique équilibré et homogène se situant entre le régime parlementaire et le régime présidentiel. Il s’inspire du système présidentiel par l’élection du Président de la république au suffrage universel direct et en lui reconnaissant d’importantes prérogatives de souveraineté. Il emprunte au système parlementaire la répartition de l’action politique et de l’activité gouvernementale entre la Chambre des députés et le gouvernement présidé par « le chef du gouvernement ». 5-État de Droit et « Conseil de juridiction de l’État » Le projet vise à instaurer l’État de Droit, sur le plan constitutionnel. Pour cela, il crée le « Conseil de juridiction de l’État ». Son rôle consiste à assurer le contrôle de la constitutionnalité des lois, de la légalité des décisions administratives et de la régularité de la gestion financière et de la comptabilité publique. Au sein de cette organisation, la Cour constitutionnelle représente le plus haut degré des juridictions de l’Etat, afin de garantir à la fois l’unité des juridictions de l’État, la suprématie de la règle constitutionnelle et la consolidation de l’État de droit. 6-Position du gouvernement. Stabilité Ce projet a pour objectif de faire du gouvernement et de son chef le pivot du système constitutionnel et le premier responsable devant la Chambre des députés. Ce projet sauvegarde la stabilité du gouvernement, par le biais de mécanismes rationnels de responsabilité, tels que la question de confiance (Article 63), la motion de censure (Article 64) ou encore la dissolution de la Chambre des Députés (Article 64). 7-Position du Président de la République Ce projet reconnait au président de la République une mission d’arbitrage entre les autorités publiques, en particulier entre le gouvernement et le parlement. De même, le projet veille à attribuer quelques prérogatives classiques de souveraineté en faveur du Président de la république, sans pour autant l’impliquer dans l’exercice de la gestion politique quotidienne laissée au gouvernement et à son chef, sous le contrôle du Parlement. Rappelons , à ce propos, que le Président de la république constitue une autorité élue suffrage universel, direct et secret. 3 La Constitution Préambule Nous, représentants du peuple tunisien, membres de l’Assemblée Nationale Constituante, proclamons : - Notre fidélité aux principes sur lesquels s’est basée la révolution de la dignité, révolution qui, ayant mis fin à un régime despotique et corrompu, s’inscrit dans le sillage des principes du mouvement national tunisien qui a libéré le pays du joug colonial. -Notre rejet catégorique du despotisme, de l’oppression, de l’inégalité, du déséquilibre régional, de la corruption, du népotisme et du pouvoir personnel -Notre engagement à garantir les libertés fondamentales individuelles et collectives sans discrimination aucune en raison du sexe, de la langue, de la religion ou de l’appartenance régionale, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme. -Notre attachement à la suprématie de la loi et aux valeurs démocratiques ayant en vue une société moderne, libre, juste et fraternelle. -Notre attachement aux règles du droit international public. -Notre volonté de réaliser un développement économique, social et culturel harmonieux et d’assurer une répartition équitable des ressources nationales. -Notre attachement au renforcement de l’unité nationale, des valeurs humaines partagées par tous les peuples attachés au respect de la dignité humaine, de la justice et de la liberté et qui aspirent à la paix et à la sécurité internationales, ainsi qu’à la libre coopération avec tous les pays et les peuples sur la base de l’égalité, des valeurs universelles et des intérêts communs. -Notre attachement aux valeurs de la civilisation islamique qui constitue l’une des sources essentielles de la civilisation mondiale. -Notre attachement à l’union maghrébine arabe, à l’action arabe commune et à la solidarité africaine en vue de favoriser un avenir meilleur. -Notre solidarité avec tous les peuples luttant pour la liberté et la justice et contre la tyrannie, le despotisme et le racisme. -Notre attachement à l’instauration d’une république garantissant la liberté, le pluralisme, la tolérance et la justice sociale, fondée sur la souveraineté du peuple et la séparation des pouvoirs. 4 Chapitre premier. Déclaration des droits et des libertés fondamentaux Article premier : Tout individu a le droit sacré à la vie. La loi protège ce droit contre toute violation. La peine de mort est abolie. Article 2 : L’intégrité physique et la dignité inhérente à la personne humaine sont garanties. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour quelque motif que ce soit. Ces actes sont considérés comme des crimes imprescriptibles. Les ordres émis ne constituent pas une cause d’exonération de la responsabilité personnelle de celui qui les a commis. Article 3 : Tous Les citoyens sont égaux en droits et en devoirs, sans distinction de race, de religion, de sexe, d’appartenance régionale ou linguistique. Article 4 : Les hommes et les femmes sont égaux en ce qui concerne leurs droits et leurs devoirs. L’État veille à rendre cette égalité effective en adoptant les lois et les mesures nécessaires pour sanctionner la violence contre les femmes et pour consacrer le principe de l’égalité et de la parité dans les domaines politique, économique et social, et en matière de statut Personnel. Article 5 : La liberté de pensée, de conviction et de conscience est absolue. La pratique des cultes est garantie à tous, sans distinction aucune. Article 6 : Tout individu jouit de la liberté d’opinion et d’expression, d’association pacifique, de manifestation, ainsi que de la liberté de réunion sous toutes ses formes. Nul ne peut être inquiété en raisons de ses idées, ses opinions ou de ses inclinations, sauf dans les cas déterminés par la loi. La constitution d’organisations et d’associations civiles, politiques et syndicales, ainsi que la liberté de l’information et de l’édition ne peuvent être soumises à aucune restriction. Il est toutefois interdit de se regrouper en vue d’appeler à la violence morale ou physique ou à la discrimination, quelle que soit sa forme, ou à l’incitation à la haine. Article 7 : Le droit syndical est garanti. La grève est un droit légitime ssi elle ne porte pas atteinte à un intérêt public fondamental. Article 8 : Les libertés académiques et universitaires sont garanties. Le pouvoir exécutif n’intervient pas dans les affaires scientifiques et pédagogiques revenant aux universités. Article 9 : Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès équitable lui garantissant le droit de plaider sa cause, au cours des poursuites et du procès. 5 La peine est personnelle. Elle ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi antérieure au fait punissable, hormis le cas d’un texte plus clément. La garde à vue est soumise au contrôle judiciaire. Il ne peut être procédé à la détention préventive que sur ordre d’une juridiction. Sont prohibées la garde à vue et la détention arbitraires. Article 10 : Tout citoyen a le droit de résister à l’oppression et à la discrimination par toutes les formes de moyens pacifiques. Article 11 : La loi garantit l’inviolabilité de la vie privée et du domicile ainsi que le secret de la communication personnelle, sous toutes ses formes. Ces droits et libertés ne peuvent être limités que dans l’intérêt général et sous contrôle judiciaire. Article 12 : Tout citoyen a le droit de circuler librement à l’intérieur et à l’extérieur du territoire et de choisir son lieu de résidence. Article 13 : Aucun citoyen ne peut être banni du territoire national ni empêché d’y revenir. Il est interdit d’extrader les réfugiés politiques. Article 14 : L’État veille à la sauvegarde du patrimoine culturel du peuple et à la protection de ses ressources naturelles contre toutes tentatives de dégradation ou de dilapidation. Article 15 : Le droit de propriété et la liberté du commerce et de l’industrie sont garantis dans les limites prévues par la loi. Article 16 : Toute personne a droit à un environnement sain et à un niveau de vie qui lui préserve sa dignité et répond à ses besoins essentiels. L’État assure les conditions appropriées à cet effet. Article 17 : Tout individu a le droit de plaider sa cause devant un tribunal indépendant et équitable qui lui garantit le respect de ses droits et libertés fondamentaux. Article 18 : Les droits et libertés prévus dans ce chapitre sont inaliénables et opposables à tous, en particulier aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Leur exercice ne peut être limité que par des restrictions nécessaires au sein d’une société démocratique et en vue de la protection des droits d’autrui, des exigences de la sécurité publique, de la défense nationale, de la santé publique ou pour garantir un intérêt économique, social ou national clair et urgent. Ces restrictions ne peuvent être apportées que par une loi votée à la majorité de deux tiers des membres de la Chambre des députés. Chapitre II. Principes fondamentaux Article 19 : La Tunisie est un État civil, libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime la république. 6 Article 20 : Le drapeau de la République Tunisienne est rouge, il comporte, dans les conditions définies par la loi, en son milieu, un cercle blanc où figure une étoile à cinq branches entourée d'un croissant rouge. La devise de la République est: Libertéd,dignité, justice. Article 21 : La Tunisie est une république démocratique fondée sur la souveraineté du peuple. Elle garantit le pluralisme, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que la séparation des pouvoirs. Article 22 : La souveraineté appartient au peuple tunisien, qui l’exerce par l’intermédiaire de ses représentants élus au suffrage universel, secret et direct, ou par la voie du référendum. Le respect de la loi est l’un des devoirs de la citoyenneté. Article 23 : Le paiement de l’impôt sur la base de l’équité constitue un devoir pour tous. Le service militaire, la défense de la patrie et la protection de la sureté interne du pays constituent des devoirs fondamentaux de la citoyenneté. Article 24 : Les partis politiques concourent à l’expression de la volonté politique du peuple. Ils exercent leurs activités dans le respect de l’indépendance du pays et de son unité. Ils s’engagent, dans leurs activités, au respect des principes démocratiques, du pluralisme et de l’alternance aux responsabilités politiques. Ils sont tenus de respecter la transparence de leur financement ainsi que de la gestion de leurs biens. En outre, ils s’engagent au respect des valeurs et des principes fondamentaux figurant dans le premier et le deuxième chapitre de cette constitution. Il est interdit à tout parti politique de se constituer sur une base religieuse, linguistique, régionale, raciale ou sur toute autre base de communauté ou de classe. Article 25 : L’État veille à la séparation du domaine religieux et de l’activité politique. Il est interdit d’exploiter les cultes et les sentiments religieux à des fins politiques. Article 26 : L’obligation de respecter les droits de l’opposition s’impose à tous les responsables des instances politiques représentatives, à quelque niveau qu’ils appartiennent, ainsi qu’à toutes les structures gouvernementales. Article 27 : Dans ses rapports avec les citoyens l’administration est tenue respecter une totale neutralité. Aucune discrimination n’est permise en raison de la race, des croyances religieuses ou philosophiques, des choix politiques, ou des appartenances régionales. L’activité politique est interdite dans les institutions administratives. 7 Article 28 : Tous les citoyens ont le droit d’accès aux informations et aux documents qui touchent leurs intérêts, auprès de toutes les administrations, établissements et services publics, sous réserve des informations relevant du secret de la défense nationale ou de la sureté de l’État. Article 29 : La loi protège les biens et deniers appartenant à la communauté nationale contre l’abus, la dilapidation, le détournement et la corruption. Elle garantit leur utilisation au seul service de l’intérêt général et en assure le contrôle. Sont publiées au Journal officiel de la République tnisienne, toutes les lois, règlements et décrets relatifs aux salaires et primes de tous les responsables exerçant des fonctions présidentielles, gouvernementales, parlementaires, militaires, ou à la tête des établissements et entreprises publics. Sont également publiés tous leurs privilèges en nature ou de service, de quelque nature qu’ils soient. Chapitre III. Le pouvoir législatif Article 30 : Le peuple exerce le pouvoir législatif par l’intermédiaire de ses représentants à la Chambre des députés ou par la voie de référendum. Article 31 : Les membres de la Chambre des députés sont élus au suffrage universel, libre, direct et secret. Le scrutin doit garantir la transparence et la loyauté conformément aux conditions) fixées par la loi électorale. Article 32 : Peut être élu à la Chambre des députés tout électeur non soumis à un cas d’inéligibilité et âgé au moins de vingt trois ans accomplis le jour de la présentation de sa candidature. Article 33 : Les membres de la Chambre des députés sont élus pour un mandat de cinq années,² au cours des trente derniers jours de la législature. En cas d’impossibilité de procéder dans les délais prescrits aux élections, pour cause de guerre ou de péril imminent, le mandat est prorogé par une loi. Article 34 : La Chambre des députés élabore son règlement intérieur et l’adopte à la majorité absolue de ses membres. Article 35 : Aucune poursuite ne peut être engagé contre un membre de la Chambre des députés et celui-ci ne peut être arrêté ou jugé, en raison de ses opinions ou de propositions émises ou d’actes accomplis dans l’exercice de son mandat. Aucun député ne peut, pendant la durée de son mandat, être poursuivi ou arrêté pour crime ou délit, tant que la Chambre n’aura pas levé son immunité. Toutefois, en cas de flagrant délit, il peut être procédé à son arrestation. L’Assemblée en est informée sans délai. La détention du député est suspendue si l’assemblée le requiert. 8 Article 36 : L’initiative des lois appartient concurremment aux membres de la Chambre des députés et au Chef de gouvernement. Article 37 : La Chambre des députés adopte les projets de loi à la majorité absolue de ses membres. La Chambre des députés adopte la loi du budget de l’Etat au plus tard le 31 décembre. Si, passé ce délai, le budget n’a pas été approuvé, les dispositions du projet de la loi de finances peuvent être mises en vigueur, par tranches trimestrielles renouvelables, par décret gouvernemental. Article 38 : Sont pris sous forme de lois les textes relatifs : -à l’application de la Constitution; -à l’état d’urgence et aux lois martiales; -aux droits civils et aux garanties fondamentales permettant au citoyen l’exercice de ses libertés publiques ; -aux devoirs fondamentaux de la citoyenneté ; -à la nationalité, au statut personnel et aux obligations ; -à la détermination des crimes et délits et des peines qui leur sont applicables, ainsi qu’aux contraventions sanctionnées par une peine privative de liberté ; -à l’amnistie , -à la procédure devant les différents types de juridiction ; -aux garanties fondamentales accordées aux juges et aux fonctionnaires civils et militaires ; -à la détermination de l’assiette, des taux et des procédures de recouvrement de l’impôt, ainsi qu’au régime d’émission de la monnaie et aux engagements financiers de l’État, sauf délégation accordée au chef du gouvernement par les lois de finances et les lois fiscales ; -aux élections nationales, régionales et locales ; -aux catégories de collectivités territoriales ; -au régime de la propriété et des droits réels ; -à l’indépendance administrative des collectivités locales et à la détermination des leurs compétences et de leurs ressources ; -aux emprunts et engagements financiers de l’État ; -à l’enseignement, à la santé publique, au droit du travail et à de la sécurité sociale ; -à l’approbation donnée à la ratification des traités internationaux dans les domaines couverts par cet article. Chapitre IV. Le pouvoir exécutif 9 Section I. Le Président de la République Article 39 : Le Président de la République est le chef de l’État. Il symbolise son unité et garantit son indépendance et sa continuité. Article 40 : Le Président de la République est élu suffrage universel, libre, direct et secret, pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Les élections présidentielles ont lieu au cours des derniers soixante jours du mandat présidentiel. Peut se porter candidat à la Présidence de la République tout tunisien ou toute tunisienne, jouissant de la qualité d’électeur, âgé au moins de quarante ans révolus et au plus de soixante dix ans, lors de la présentation de sa candidature. Tout candidat à la Présidence de la République doit être présenté par au moins dix milles citoyens ayant la qualité d’électeur. La candidature est déposée auprès du Comité directeur du Conseil de juridiction de l’Etat, pour son enregistrement et la vérification de sa validité. Article 41 : Le Président de la République ne peut cumuler sa fonction avec toute appartenance à un parti politique. Article 42 : Le Président de la République élu prête devant la Chambre des députés le serment suivant : « Je jure par Dieu Tout-Puissant de sauvegarder l’indépendance de la patrie et l’intégrité du de son territoire, de respecter la Constitution et les Lois et de veiller scrupuleusement aux intérêts de la nation.» Article 43 : En cas d’empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer ses prérogatives au président de la Chambre de députés à l’exclusion du pouvoir de mettre fin aux fonctions du gouvernement ou de dissoudre 0la Chambre des députés. En cas de vacance de la Présidence de la République, le président de la Chambre des députés est investi des fonctions de Président de la République par intérim. Les nouvelles élections présidentielles sont organisées au cours des quatre vingt dix jours à compter du constat de la vacance. La Cour constitutionnelle, à la majorité de ses membres, constate la vacance définitive de la Présidence de la République et communique la déclaration de vacance au Président de la Chambre des députés. Cette déclaration est publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne. Article 44 : Le Président de la République nomme le Chef du gouvernement et les membres du gouvernement, conformément à l’article 54 de la Constitution. 10 Article 45 : Le Président de la République promulgue les lois constitutionnelles et ordinaires, signe les décrets présidentiels et ordonne leur publication au Journal Officiel de la République Tunisienne. Le Président de la République ordonne la publication des traités internationaux au Journal Officiel de la République Tunisienne. Le Président de la République peut refuser la promulgation des lois et les renvoyer à la Chambre des députés pour une deuxième lecture. Dans ce cas, le vote a lieu à la majorité de deux tiers des membres de la Chambre. Si le vote a lieu dans ces conditions, le Président de la République doit promulguer la loi dans un délai maximum de dix jours. Article 46 : Le Président de la République nomme aux emplois supérieurs civils et militaires, sur proposition du gouvernement. Article 47 : Le Président de la République exerce le droit de grâce, sur proposition du gouvernement. Article 48 : Le Président de la République peut, sur demande du gouvernement, soumettre au référendum les projets de lois relatifs aux droits et aux libertés, aux autorités publiques ou les projets de lois autorisant la ratification des traités internationaux, pourvu que ces projets ne soient pas contraires à la Constitution. Sont promulguées et publiées les lois approuvées par voie de référendum dans un délai maximum de dix jours à compter de la date de proclamation des résultats. La loi électorale fixe les modalités de déroulement du référendum et de proclamation des résultats. Article 49 : Le Président de la République représente l’État au niveau international. Il accrédite les représentants diplomatiques auprès des puissances étrangères. Les représentants diplomatiques étrangers sont accrédités auprès de lui. Le Président de la République est le chef suprême des forces armées. Il déclare la guerre et conclut la paix, sur proposition du gouvernement et après en avoir informé la Chambre des députés. Article 50 : Le Président de la République ratifie les traités internationaux. Les traités dûment ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois. Article 51 : Le Président de la République jouit de l’immunité de juridiction durant son mandat. Au terme de son mandat, il peut être jugé par les tribunaux judiciaires pour les crimes commis dans l’exercice de ses fonctions.. Les délais de prescription sont suspendus jusqu’à l’expiration du dernier mandat. 11 Article 52 : La Chambre des députés peut accuser le Président de la République de violation de la Constitution. Dans ce cas, la comparution a lieu devant la Cour Constitutionnelle qui rend une décision à cet effet. L’initiative de l’accusation est prise par au moins un quart des membres de la Chambre des députés. L’acte d’accusation doit être adopté par les deux tiers des membres de la Chambre. Si la culpabilité est reconnue par la Cour constitutionnelle, celle-ci prononce la destitution du Président de la République. Dans ce cas, le président perd le droit de se porter candidat pour une autre élection. Section II. Le Gouvernement Article 53 : Le gouvernement est composé du Chef du gouvernement, des ministres et des secrétaires d’État. Article 54 : A l’issue des élections législatives et après consultation des groupes parlementaires, le Président de la République propose un chef de gouvernement. Ce dernier procède à la formation du gouvernement, met au point son programme politique et le soumet pour approbation à la Chambre des Députés. La Chambre des députés approuve la nomination du gouvernement et son programme à la majorité absolue de ses membres. Le Président de la République nomme le chef de gouvernement et les ministres. A défaut d’obtention de la majorité requise, le Président de la République propose un nouveau chef de gouvernement. Ce dernier forme un nouveau gouvernement et le présente à l’approbation de la Chambre des députés. Si, à l’expiration du délai de quatre mois après les élections législatives, la Chambre des députés ne parvient pas à nommer un gouvernement, le Président de la République dissout la Chambre et appelle à de nouvelles élections législatives. Article 55 : Le Président de la République nomme les membres du gouvernement et met fin à leur fonctions, sur proposition conforme du chef du gouvernement. Article 56 : Le Chef de gouvernement ainsi que les ministres ne peuvent cumuler leurs fonctions avec aucune autre fonction, de quelque nature qu’elle soit. Ils peuvent cependant conserver leur qualité de membres de la Chambre des Députés. Article 57 : Le chef de gouvernement détermine la politique générale de l’État et veille à son application. Il en est responsable devant la Chambre des députés, conformément aux articles 63 et 64 de cette Constitution. Le chef de gouvernement peut déléguer certaines de ses prérogatives aux ministres. 12 Article 58 : Le chef de gouvernement dispose de l’administration et des forces de sécurité intérieure. Il dirige et coordonne l’action du gouvernement et préside le conseil des ministres. Article 59 : Le chef du gouvernement assure la bonne application des lois, exerce le pouvoir règlementaire général par la voie des décrets gouvernementaux et conclut les accords internationaux à caractère technique. Article 60 : Les projets de lois sont délibérés en Conseil des ministres. Article 61 : En cas de péril imminent menaçant l’intégrité de l’Etat ou la sécurité ou l’indépendance du pays, et après consultation du Président de la République, du Président de la Chambre des députés et du Président de la Cour Constitutionnelle, le Chef du gouvernement peut prendre les mesures exceptionnelles pour faire face aux circonstances. Au cours de l’état d’exception, il lui est interdit de dissoudre la Chambre des députés de même qu’est irrecevable toute motion de censure. Article 62 : La Chambre des députés peut, en vue d’un objectif déterminé et pour une période limitée, déléguer au chef de gouvernement le pouvoir de prendre des décrets-lois, pour lui permettre d’intervenir dans le domaine réservé à la loi, à l’exception toutefois des matières mentionnés dans le Chapitre premier de cette Constitution. Ces décrets-lois doivent être ratifiés par la Chambre des députés à l’issue de la période sus-indiquée. Article 63 : Le gouvernement peut demander à la Chambre des députés de voter de confiance pour poursuivre sa mission. La confiance est votée à la majorité des députés. Si la confiance n’est pas adoptée, le gouvernement doit démissionner ou demander au Président de la République de dissoudre la Chambre des Députés. Le décret présidentiel prononçant la dissolution convoque les électeurs pour de nouvelles élections dans un délai maximum de quatre vingt dix jours. En cas de dissolution de la Chambre des députés, le gouvernement poursuit l’exercice de ses missions. Il lui est permis de prendre des décrets-lois. La nouvelle Chambre se réunit obligatoirement dans un délai de huit jours après la déclaration des résultats des élections. Le gouvernement est aussitôt constitué conformément à l’article 54 de la Constitution. Article 64 : La Chambre des députés peut présenter une motion de censure contre le gouvernement, à l’initiative du quart au moins de ses membres, relativement à la mise en œuvre de la politique générale ou à propos d’une question ayant une importance nationale. Le vote de la motion de censure ne peut avoir lieu qu’après 48 heures de son dépôt auprès de la présidence de la Chambre. La motion de censure est adoptée à la majorité de deux tiers des membres de la Chambre des députés. Dans ce cas, le chef du gouvernement présente 13 la démission du gouvernement au Président de la République ou lui demande de dissoudre la Chambre des députés. La Chambre des députés ne peut présenter plus de deux motions de censure contre le gouvernement au cours d’une même législature. Article 65 : Les membres du gouvernement peuvent assister aux travaux de la Chambre des députés et de ses commissions. Ils sont tenus d’y assister au cas ou une demande en ce sens est votée par la majorité de la Chambre des Députés. Tout membre de la Chambre des députés peut adresser au gouvernement des questions écrites ou orales. Sans que cela puisse être contraire à la Constitution, le règlement intérieur de la Chambre des députés fixe les modalités de collaboration avec le gouvernement. Chapitre V. Le pouvoir judiciaire Article 66 : Les jugements sont rendus au nom du peuple et exécutés au nom du Président de la République. Article 67 : Les magistrats sont indépendants et ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats ne peuvent être révoqués ou suspendus de leurs fonctions ou mis à la retraite que pour des raisons légales et en respectant les garanties fondamentales accordées par la loi. Les magistrats ne peuvent être mutés de leurs fonctions sans leur accord. Toute ingérence dans les affaires en cours devant les tribunaux est prohibée. Toute ingérence dans le fonctionnement de la justice constitue un crime. Section I. Le pouvoir judiciaire Article 68 : Les magistrats sont nommés par décret présidentiel sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Article 69 : Le Conseil supérieur de la magistrature est composé de magistrats élus appartenant aux différents degrés du corps judiciaire, conformément aux conditions fixées par la loi. Le Président de la République préside le Conseil supérieur de la magistrature. Il est suppléé par le président de la Cour de cassation. Article 70 : le Conseil supérieur de la magistrature veille à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à la mise en application des garanties qui leur sont accordées en toute matière relevant de leur carrière professionnelle. Section II. Le Conseil de juridiction de l’État 14 Article 71 : Le Conseil de juridiction de l’État vise à consacrer l’État de droit de manière globale et effective, par le contrôle de la constitutionnalité des lois de l’Etat, de la légalité des décisions prises par les autorités administratives, ainsi que de la gestion financière et la comptabilité publique. Article 72 : Le Conseil de juridiction de l’État se compose de: - La Cour constitutionnelle - Le Tribunal administratif - La Cour financière. Article 73 : Le Président de la République nomme le Président de la Cour constitutionnelle. Le président de la Cour Constitutionnelle préside le Conseil de juridiction de l’État, ainsi que son comité juridictionnel directeur. Le comité juridictionnel directeur est chargé de l’administration des affaires du Conseil de juridiction de l’État et de ses services communs. Article 74 : Le comité juridictionnel directeur du Conseil de juridiction de l’État se compose des présidents de la Cour constitutionnelle, du Tribunal administratif et de la Cour financière, ainsi que de six autres membres élus par les juridictions mentionnées à raison de deux membres par juridiction. La Cour Constitutionnelle Article 75 : La Cour constitutionnelle se compose de onze membres choisis pour un mandat de huit ans non renouvelable parmi les professeurs universitaires et les magistrats ayant une expérience juridique reconnue d’au moins quinze ans ; trois membres sont nommés par le Président de la République, trois membres par le chef de gouvernement, trois membres par le Président de la Chambre des députés et deux membres par le Président de la Cour de cassation. Article 76 : La Cour constitutionnelle contrôle la constitutionalité des lois. Le Président de la République soumet obligatoirement à la Cour constitutionnelle : -les projets de révision de la Constitution quant à leur compatibilité avec les matières prévues à l’article 89 de cette Constitution ; -les traités internationaux et les projets de lois relatifs à l’autorisation de leur ratification ; -les projets de lois relatifs à l’application de la Constitution ; -les projets de lois pris dans le cadre des chapitres I et II de la Constitution ; -les projets de lois référendaires. 15 Dans la période comprise entre son adoption par la Chambre des députés et sa promulgation par le Président de la République, le Président de la République, le chef du gouvernement, le Président de la Chambre des députés, ainsi que le tiers des membres de la Chambre des députés peuvent soumettre tout projet de loi à l’examen de la cour constitutionnelle en vue de vérifier sa conformité ou sa compatibilité avec les dispositions de la Constitution. Avant la mise en application du règlement intérieur de la Chambre des députés, le Président de la Chambre le soumet à la Cour constitutionnelle. Article 77 : La Cour constitutionnelle assure le contrôle de la constitutionalité des lois relatives aux droits et aux libertés fondamentales qui lui sont soumises par les Tribunaux ou par les parties au procès. La saisine de la Cour constitutionnelle suspend le procès devant le tribunal saisi. Lorsque la Cour décide de l’inconstitutionnalité d’une loi, celle-ci est annulée dans les limites de la décision de la Cour. Article 78 : Les décisions de la Cour constitutionnelle sont motivées. Ne peut être promulguée ou appliquée une loi ou l’une de ses dispositions, si la Cour constitutionnelle en a décidé l’inconstitutionnalité. Les décisions de la Cour constitutionnelle sont publiées au Journal Officiel de la République Tunisienne. Article 79 : Il est interdit de cumuler la fonction de juge constitutionnel avec toute autre responsabilité parlementaire, gouvernementale, partisane, syndicale ou toute autre profession libérale, ou toute appartenance à un établissement financier ou économique. Article 80 : La loi détermine les garanties accordées aux membres de la Cour constitutionnelle à raison de leurs fonctions, ainsi que ses règles de fonctionnement et de procédures devant la Cour. Le Tribunal administratif Article 81 : Le Tribunal administratif, ainsi que ses différents organes juridictionnels, est compétent pout juger le contentieux de l’administration ainsi que l’excès de pouvoir de l’administration. La loi fixe la composition et l’organisation du Tribunal administratif et détermine ses compétences et les procédures suivies devant elle, ainsi que les garanties de son indépendance. La Cour financière Article 82 : La Cour financière ainsi que ses différents organes juridictionnels contrôlent la bonne gestion des finances publiques et la 16 régularité de la comptabilité de la comptabilité publique. Il est également compétent en matière de discipline financière. Sont fixées par la loi la composition de la Cour financière et ses attributions, la compétence de ses structures statuant dans les circonscriptions territoriales ainsi que les procédures et les garanties de son impartialité. Chapitre VI. Les collectivités publiques territoriales Article 83 : Les Tunisiens gèrent leurs affaires locales et régionales au sein de collectivités publiques territoriales ayant la personnalité civile et des organes élus sur le fondement d’élections libres, générales, directes, au scrutin secret ainsi que sur l’autonomie leurs décisions et de leurs ressources financières. Elles ne sont soumises qu’au contrôle a posteriori de leurs activités. Article 84 : Les collectivités locales jouissent de compétences propres et de prérogatives communes avec l’Etat. Elles exercent leurs compétences en toute indépendance. Article 85 : L’État veille à la consolidation du principe de solidarité au moyen d’un juste équilibre économique et culturel entre les régions. Chapitre VII. Les autorités publiques indépendantes Article 86 : La loi crée, le cas échéant, des autorités publiques indépendantes pour l’organisation de certains secteurs ou certaines activités publiques dans le domaine économique national, le domaine de gestion financière et des droits et libertés fondamentales. Article 87 : L’Instance supérieure indépendante des élections veille au déroulement des élections législatives, présidentielles, régionales et locales et sur les opérations de référendum. La loi fixe la composition de cette instance ainsi que ses prérogatives et garantit son impartialité. Chapitre VIII. Révision de la Constitution Article 88 : Le chef du gouvernement ou le tiers des membres de la Chambre des députés peuvent soumettre un projet de révision de la Constitution. Article 89 : Ne sont pas recevables les révisions qui visent: - le principe de la souveraineté du peuple; - la forme républicaine de l’État ; - le nombre des mandats présidentiels. De même, ne sont pas admises les révisions qui portent atteinte à: -l’une des valeurs démocratiques sur lesquelles est basée la Constitution; 17 -l’un des droits ou des libertés qui y sont consacrés ou l’une des garanties qui leur sont relatives. Ne sont pas admises les révisions qui limitent le principe de l’alternance au pouvoir. Article 90 : Les projets de révision de la Constitution sont soumis à une commission spéciale de la Chambre des députés, constituée à cet effet et ne dépassant pas vingt membres. Sa composition prend en considération le taux de représentativité des partis et des groupes parlementaires représentés à la Chambre. A la fin de ses travaux, la commission rédige un rapport et le soumet à l’assemblée plénière avec recommandation motivée d’approuver ou de ne pas approuver le projet. Article 91 : Au cours de la session plénière, la Chambre des députés examine le projet de révision de la constitution article par article, puis l’approuve à la majorité des deux tiers de ses membres. 18