Introduction Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) appelé maladie de Bouillaud est une maladie inflammatoire compliquant une infection par le streptocoque du groupe A. Si, dans les pays développés, le RAA est devenu une maladie virtuelle, c’est dans les pays en voie de développement qu’il constitue encore un problème majeur de santé publique. On estime que la maladie frappe actuellement au moins 12 millions de personnes. Le RAA reste la cause la plus fréquente de mortalité et de morbidité cardiovasculaires dans le monde chez les moins de 40 ans. La cardiopathie rhumatismale est responsable de 400 000 décès par an principalement chez les enfants et les jeunes adultes. Le RAA survient généralement entre 5 et 10 ans avec un pic à 6–8 ans. Il est exceptionnel au-dessous de 3 ans et au-dessus de 25 ans. Définition / classification Le Rhumatisme articulaire aigu est une complication inflammatoire d’une infection par le Streptococcus Pyogenes, c’est donc une maladie compliquant une infection bactérienne. Synonyme(s) : Angine à Streptocoque - Scarlatine - Impétigo - Érysipèle - Infections invasives à S. Pyogenes : Septicémies; Fièvre puerpérale; Dermohypodermites nécrosantes (DHN) (auparavant désignées sous les termes de cellulites extensives ou fasciites nécrosantes); syndrome de choc toxique streptococcique (SCTS)... Épidémiologie descriptive Incidence L’épidémiologie du RAA a toujours été différente selon que les pays sont industrialisés ou en voie de développement. Dans les pays industrialisés La décroissance du RAA s’est amorcée avant l’apparition des antibiotiques par l’amélioration des conditions de vie pour s’accentuer à partir de la Seconde Guerre mondiale avec l’utilisation de l’antibiothérapie qui a permis la prévention primaire et secondaire du RAA. Simultanément, les séquelles cardiovasculaires et la mortalité ont chuté pour devenir insignifiantes à l’heure actuelle. L’incidence annuelle moyenne du RAA est depuis les années 1980 de l’ordre de 0,5/10 000 enfants âgés de 5 à 17–18 ans oscillant entre 0,23 et 1,88/100 000 aussi bien aux États-Unis, au Japon, au Danemark, en Grande-Bretagne qu’en Australie. Une résurgence du RAA a été observée d’une manière épidémique aux États-Unis vers 1985 dans cinq régions éloignées les unes des autres et deux camps militaires, notamment dans l’Utah où l’incidence observée était de 18/100 000 enfants. Ces bouffées n’ont cependant pas modifié l’incidence générale de la maladie. À l’heure actuelle, 90 à 157 cas annuels sont rapportés en Tunisie. Cette résurgence du RAA accompagnée de formes sévères alors que la maladie avait pratiquement disparu depuis deux ou trois décennies a causé beaucoup de surprises du fait que 85 % de ces enfants vivent en milieu rural ou suburbain et 73 % d’entre eux avaient un statut socio-économique moyen ou favorable. Il paraît raisonnable de penser que la diminution de l’incidence du RAA et sa recrudescence font intervenir deux groupes de facteurs. Ceux qui interviennent dans sa diminution sont d’une part le niveau socio-économique et d’autre part les antibiotiques avec une stratégie de prise en charge des angines. Les facteurs qui interviennent dans sa résurgence concernent à la fois l’hôte et le germe par une augmentation de la virulence du streptocoque B hémolytique du groupe A (SBHA) par production accélérée de protéine M ou par l’apparition d’un nouveau sérotype auquel la population n’est pas habituée. Dans les pays en voie de développement Le RAA est endémique. Les données récentes ne constatent pas une tendance à la baisse du RAA et des valvulopathies rhumatismales. L’incidence annuelle est 100 à 200 fois celle des pays industrialisés. Dans la plupart de ces pays, on ne dispose pas de statistique précise sur l’incidence du RAA, elle est très variable selon les pays. Des enquêtes soutenues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans certains pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et de l’ouest de la Méditerranée ont trouvé que plus de 1 % de tous les enfants scolarisés ont présenté des signes de RAA. Dans les pays de la Méditerranée orientale, l’incidence du RAA est de 27 à 100 pour 100 000 habitants. Dans les pays du Maghreb et aux Antilles, la mise en place de programmes nationaux de lutte contre le RAA a permis de réduire significativement l’incidence de celui-ci. En Tunisie, l’incidence du RAA en 1985 était de 8,7/100 000 habitants et est passée en 2001 à 1,55. En Algérie, en 1975, le taux d’incidence était de 49/100 000 pour passer à 6,12/100 000 habitants en 2000. En 1980, l’enquête menée aux Antilles françaises montrait une incidence de 50/100 000 enfants âgés de moins de 20 ans ; cette incidence est ramenée à 20/100 000 en Martinique et 17/100 000 en Guadeloupe en 1993. Prévalence Une étude de l'épidémiologie du RAA parmi 3 946 enfants scolarisés d'un quartier périphérique de Tunis montre que la prévalence des valvulopathies rhumatismales y est de 6,6 %, l'insuffisance mitrale est l'atteinte la plus fréquente. Tableau. Rhumatisme articulaire aigu et cardiopathies rhumatismales, Rapport d’un Groupe d’étude de l’OMS, Genève 1988. Région OMS AFRIQUE AMÉRIQUE OUEST MEDITERRANEEN SUD-EST ASIATIQUE PACIFIQUE TOUTES RÉGIONS Population scolaire 173.408 23.328 49.933 Cas diagnostiqués 818 35 1807 Prévalence pour 1000 4,7 (3.4 - 12,6) 1,5 (0,1 – 7,9) 4,4 (0,9 – 10,2) 195.142 26 0,12 (0,1 – 1,4) 631.899 1.433.710 449 3125 0,7 (0,6 – 1,4) 2,2 (0,7 – 4,7) Tableau. Prévalence du RAA dans les différentes régions du monde (Programme OMS dans 16 pays) Tendances Incidence plus élevée en fin d'hiver - début du printemps. Espèce la plus fréquemment isolée des pharyngites de l’enfant entre 5 et 10 ans (25 à 40 % des angines de l’enfant ; 15 à 25 % des angines de l’adulte). Complications Contrairement aux atteintes articulaires qui durent en moyenne 3 mois et guérissent sans séquelles, les atteintes endocardiques et myocardiques peuvent évoluer vers un rhumatisme cardiaque évolutif. Les récidives sont fréquentes et elles sont d’autant plus à craindre que la crise antérieure est proche. Il est rare que le cœur reste indemne après plusieurs crises de RAA et se révèle 2 à 8 ans plus tard par une sténose mitrale ou une insuffisance aortique. Toutefois, ces complications restent très rares. Mortalité Une lettre récente de l’Organisation mondiale de la santé rappelle que le RAA et la cardiopathie rhumatismale sont, chaque année, à l'origine de 400 000 décès dans le monde. Au moins 12 millions de personnes sont concernées par la maladie, deux millions de personnes parmi celles-ci nécessitent des hospitalisations répétées et un million une intervention chirurgicale à cœur ouvert. Coûts Lors d'une consultation qui s'est tenue cette semaine au Siège de l'OMS à Genève sous la présidence du professeur Edward Kaplan de l'université du Minnesota, une liste de recommandations a été préparée à cet effet. « Les enfants et notamment ceux qui sont pauvres n'ont ni moyens financiers ni carte d'électeur. Il n'existe pas de vaccin et il n'y en aura pas avant dix ans » explique le professeur Kaplan. « Pourtant, le rhumatisme articulaire aigu et la cardiopathie rhumatismale sont, de toutes les affections cardiovasculaires, celles qui se prêtent le mieux à la prévention et un petit effort financier supplémentaire en faveur de l'action sanitaire nationale ferait beaucoup pour tenir la maladie en échec. » Par exemple, un investissement annuel de 50 000 US $ pendant cinq ans permet d'assurer la couverture d'un district de 300 000 enfants d'âge scolaire et d'éviter plus de 500 cas de cardiopathie rhumatismale et les conséquences graves et coûteuses de cette affection. Pour évaluer le coût de prise en charge de la maladie, et en l’absence d’un programme national tunisien de lutte contre le RAA, on prendra l’exemple de l’Algérie. Le coût de la maladie y était évalué à près de 750 millions de dinars en 1995, uniquement pour ce que représentaient les transferts pour soins à l’étranger des cardiopathies valvulaires opérables, et probablement Une somme équivalente avait été consacrée à leur prise en charge médicale en Algérie. Le RAA, constitue un problème de santé publique, d'une part par la gravité de ses complications cardiaques et d'autre part par le coût social de la maladie, et son coût financier. C’est la deuxième cause de transfert pour les soins à l’étranger et la première sur le plan financier, il a été bien établi qu’il fallait traiter 300 angines pour éviter un cas de RAA: sur une population cible de 998.780 personnes exposées aux angines, l’absence de programme de lutte contre cette maladie entraînerait chaque année 3329 nouveaux cas de RAA à traiter, soit une dépense globale de 96.507.710 DA. En Algérie, le coût moyen d’une intervention à cœur ouvert est d’environ 500.000 DA et à l’étranger il avoisinerait en (France) les 200.000 FF. Épidémiologie analytique Agent responsable Le rhumatisme articulaire aigu (RAA), ou maladie de Bouillaud est une complication inflammatoire retardée des infections des voies aériennes supérieures par le streptocoque bêta hémolytique du groupe A. Elle est donc la conséquence d'angines bactériennes (due à des streptocoques) mal soignées. Cette infection, en absence de traitement, va provoquer dans un certain nombre de cas une réaction immunologique qui aura pour principale cible le cœur, et plus précisément des valves qui séparent les différentes cavités cardiaques ce qu'on appelle valvulopathie, avec un risque vital. Il existe des souches de streptocoques plus particulièrement rhumatogènes, notamment parmi les souches riches en protéine M et encapsulées, souches à la fois rhumatogènes et responsables d'épidémies plus que de cas sporadiques. Cette virulence propre à certaines souches serait proportionnelle à l'importance du portage pharyngé du streptocoque dans la population générale (sujets porteurs sains et malades). Descriptif de l'agent pathogène o o o o Nom de l'agent : Streptococcus Pyogenes Synonyme(s) : Streptocoque du groupe A de Lancefield Type d'agent : Bactérie Descriptif : Coque à Gram positif, bêta hémolytique. Groupe de classement : 2 Période de contagiosité : La pharyngite streptococcique est contagieuse pendant 2-3 semaines en l'absence de traitement. Cas traités de façon appropriée : la période de contagiosité dure habituellement 24-48 heures après la mise en route d’un traitement efficace. Cas non traités accompagnés d'écoulement purulent : peut durer des semaines ou des mois. Réservoir Type de réservoir : Principalement humain. Germe présent au niveau du rhinopharynx et des lésions cutanées, plus rarement sur d'autres muqueuses : génitales (vagin) ou digestive (surtout au niveau de l'anus). Présence dans l'environnement de personnes porteuses ou infectées. Principale source : Sang, sécrétions des voies aériennes supérieures, sécrétions génitales, LCR, salive. Portage pharyngé 5 % adultes, 20 % enfants. Lésions de la peau, muqueuses génitales ou anales. Varicelle surinfectée. En cas d'infection invasive, le streptocoque peut être isolé dans le sang, LCR, liquide pleural, articulaire... Il existe d'autres voies décrites de contamination que la sphère orale : une infection cutanée à streptocoques A pourrait être ainsi responsable de certains rhumatismes. Mode de transmission Est-ce une maladie héréditaire ? Le RAA n’est pas une maladie héréditaire, et ne peut pas être transmis directement des parents à leurs enfants, ceci n’exclut pas cependant qu’il existe des facteurs génétiques qui sous-tendent la physiopathologie de cette maladie. S’agit-il d’une maladie contagieuse ? Non à proprement dit. Ce qui est contagieux est la pharyngite elle-même à streptocoque avec la transmission d’une personne à une autre du microbe en particulier au sein de la famille, à l’école, ou ce qui a été observé il y a quelques années, dans des bases militaires. Le mode de transmission n'est pas complètement élucidé, mais le consensus moderne plaide en faveur de l'origine auto-immune de la maladie à médiation cellulaire (lymphocytes). Chez certains sujets, les infections pharyngées répétées à streptocoque bêta hémolytique de groupe A (20 % des pharyngites), non traitées par antibiothérapie conduisent à plus ou moins long terme à un dysfonctionnement immunitaire. Ce dysfonctionnement entraîne une réponse immunitaire inadaptée et retardée après le contact streptococcique : la cible n'est plus uniquement le germe, mais l'organisme du patient (synoviales articulaires, endocardite rhumatismale). Mode de transmission : Par l'intermédiaire des gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures, générées par la toux, les éternuements ou la parole d'un sujet infecté. Par contact des muqueuses avec des mains ou des objets fraîchement souillés par les sécrétions oropharyngées ou les lésions cutanées d'un sujet infecté ou porteur. Réceptivité et résistance Survie extérieure à l’hôte possible (preuves de transmission à partir de l’environnement, notamment en salle d’intervention chirurgicale). Sensible à de nombreux désinfectants, à l’hypochlorite de sodium à 1 %, éthanol à 70°, formaldéhyde et glutaraldéhyde. Inactivé par la chaleur humide (121 °C pendant au moins 15 minutes) et par la chaleur sèche (160 °C pendant au moins 1 heure). Infectiosité : Dose infectante inconnue. Résistance du Streptocoque aux différents antibiotiques : Les streptocoques A sont sensibles à la pénicilline qui est l'antibiotique de choix pour le traitement et la prophylaxie des infections à streptocoques A. En cas d'allergie à la pénicilline, on a recours aux macrolides. Comme tous les streptocoques, les streptocoques A résistent aux aminosides. 20% environ des souches isolées sont résistantes aux cyclines. Les autres antibiotiques sont actifs, mais leur emploi n'est guère utile. Conditions favorisantes Les facteurs favorisant la survenue du RAA sont au nombre de 4 : l’environnement, l’hôte, le SBHA et l’angine. La relation entre SBHA et RAA est le résultat pathologique de l’interférence immune de l’hôte avec le streptocoque responsable de l’angine. Environnement défavorable : l’environnement défavorable comme la mauvaise hygiène publique et individuelle, la promiscuité, la précarité, la malnutrition et l’accès difficile aux soins a été retenu pendant longtemps comme un facteur essentiel de RAA dans les pays en voie de développement. Cependant ce statut socio-économique recouvre une réalité complexe et multifactorielle. Une étude menée aux Antilles françaises sur 10 ans a montré une nette régression du RAA alors que le niveau de vie a très faiblement évolué. Hôte : L’absence de RAA chez le très jeune enfant permet de penser qu’une sollicitation antigénique répétée est nécessaire pour le déclenchement de la maladie. L’immunité humorale et cellulaire sont en cause, mais leur rôle est très mal connu. Les concordances observées chez les jumeaux homozygotes permettent d’évoquer le rôle des groupes Human Leucocyte Antigen (HLA). Certaines études d’histocompatibilité ont retrouvé une grande fréquence des antigènes HLD–DR4 chez les sujets blancs et HLS– DR2 chez les sujets noirs sont associés au RAA. Des alloantigènes portés à la surface des lymphocytes et reconnus par les anticorps monoclonaux appelés D8/17 seraient des marqueurs de susceptibilité de l’hôte, en particulier lors des atteintes cardiaques, et retrouvés dans 90 à 100 % des cas. Angine : Le risque de RAA chez les enfants qui ont fait une pharyngite ou une angine à streptocoque B hémolytique du groupe A est de l’ordre de 1 % dans la population générale, et de 2 à 3 % chez les enfants vivant en milieu défavorisé. Le fait d’être porteur sain de streptocoque dans le pharynx ne comporte pas de risque de RAA. Activités exposantes : Personnel soignant en contact avec des malades infectés et personnes en contact avec des enfants. Personnel de laboratoire. Terrain à risque accru d'acquisition : En post-opératoire ou après un accouchement (en particulier avec épisiotomie ou par césarienne), hygiène précaire. Terrain à risque accru de forme grave : Terrain à risque d’infection invasive âge > 65 ans, varicelle évolutive, lésions cutanées étendues (dont les brûlures), toxicomanie IV, pathologie évolutive (diabète, cancer, hémopathie, infection VIH, insuffisance cardiaque), corticothérapie. Grossesse : Le portage génital de Streptococcus Pyogenes, rare, peut entraîner des complications (fièvre puerpérale). Facteurs héréditaires et socioéconomiques : * Hôpital Ernest-Conseil, Service des maladies cardio-vasculaires du professeur M. Ben Ismail, Tunis (Tunisie) ** Institut national de la Santé de l'enfance, Tunis, Tunisie recherche du 19 mai 2005 La plupart des cas sont idiopathiques. Des facteurs familiaux et héréditaires sont parfois signalés. La possibilité d'une influence hormonale sur le développement des calcifications d'AP est possible, car l'atteinte survient souvent chez les femmes dans la période préménopausique. En présence de calcifications apatitiques multiples, il faut envisager certaines pathologies qui sont susceptibles de favoriser des dépôts d'AP : le diabète, l'insuffisance rénale chronique, en particulier chez des sujets soumis à des séances répétitives d'hémodialyse, ainsi que l'hypervitaminose D iatrogénique. Il est possible que des traumatismes périarticulaires ou que des microtraumatismes répétitifs puissent jouer aussi un rôle favorisant. Les calcifications se développent dans des zones tendineuses soumises à des conditions d'ischémie. Les calcifications d'AP peuvent, dans certains cas, faire suite à des injections locales de corticostéroïdes au niveau des doigts ou des poignets (fig. 1). Les solutions de stéroïdes à longue durée d'action sont en général en cause ; il semble que des injections contre résistance, en dehors d'une articulation, soient plus susceptibles de faire ce type de complication. Le RAA dont la fréquence a considérablement diminué dans les pays industrialisés reste une affection très prévalente dans le tiers monde, notamment dans les populations périurbaines défavorisées; cependant, la prévention en demeure mal connue et mal appliquée. Histoire de la maladie L'histoire récente du RAA est composée essentiellement du développement de nos connaissances sur chacune de ses manifestations et les relations qu'il y a entre elles. Cette connaissance s'est progressivement enrichie sur une période d'environ trois siècles, commençant aux environs de 1600 avec la description des symptômes articulaires et a culminé lors de la reconnaissance du tableau clinique complet vers la fin du XIXe siècle (Baillou, Morgagni, de Vieussens, Baillie, Wells, Pitcairn, Jenner, Corvisart, Laennec, Trousseau, Bouillaud, Watson…). Ce n'est qu'à partir de la moitié de ce XIXe siècle que le lien entre les signes articulaires de la maladie et l'atteinte cardiaque est formellement établi (Watson, Bouillaud). Beaucoup plus tard, en 1931, l'agent pathogène responsable du RAA est identifié comme étant le streptocoque bêta hémolytique du groupe A (travaux de Schlesinger, Coburn, Collis). Dans les années 1930-1940, aux États-Unis et en Europe, le RAA et les CRC (cardiopathies rhumatismales chroniques) représentaient une des premières causes de décès par maladie chez les jeunes de 5 à 20 ans et venaient en seconde position après la tuberculose chez les 20 à 30 ans, les cardiopathies rhumatismales constituant presque 50 % des pathologies cardiaques de l'adulte. (Statistiques de la Metropolitan Life Insurance Company) La maladie se présente alors le plus souvent sous sa forme la plus typique, une polyarthralgie fébrile, migratrice et fugace, touchant les grosses articulations. Elle peut être associée à une cardite atteignant de façon concomitante et variable les trois tuniques du cœur et fait tout le pronostic de la maladie, tant par son évolution aiguë ; la terrible pancardite maligne de Trousseau emportant les jeunes patients en quelques jours, que par ses valvulopathies séquellaires (CRC), volontiers aggravées au fil des rechutes et pouvant entraîner le décès par insuffisance cardiaque, des années voire des décennies plus tard. Le seul traitement du RAA à cette époque reposait sur les salicylés et le repos. Au début du XXe siècle dans les pays industrialisés, l'amélioration progressive des conditions de vie et d'hygiène permit une diminution de l'incidence de la maladie. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale et grâce à la large disponibilité des antibiotiques administrés dans le traitement des infections des voies aériennes supérieures que le RAA devient une pathologie de plus en plus rare. Il ne subsiste alors essentiellement que les cas de patients atteints dans leur jeunesse, porteurs de CRC, mais dont l'espérance de vie a considérablement été augmentée grâce aux progrès de la chirurgie cardiaque (à partir des années 1960). Cependant, ce tableau clinique doit être tempéré par l'observation récente d'épidémies touchant les classes moyennes dans certaines régions des États-Unis, sans qu'il soit donné d'explication pour le moment (mutation des souches ou, plus vraisemblablement, négligence accrue des patients et des praticiens envers les infections ORL et coût des assurancesmaladie). Clinique La maladie touche essentiellement les enfants âgés de plus de 4 ans, les adolescents et les adultes jeunes, indépendamment du sexe. Le RAA est une maladie inflammatoire générale. Il est l'expression clinique d'un conflit immunologique touchant le cœur, les articulations, le système nerveux central et les tissus sous-cutanés. C'est une complication possible des angines à streptocoques du groupe A. Le RAA réalise une atteinte articulaire et souvent cardiaque. Cette atteinte a lieu 15 à 20 jours après une infection streptococcique pharyngée clinique ou infra clinique. Ce délai entre l'infection initiale et l'atteinte cardiaque ou articulaire exclut a priori un effet direct du streptocoque A, d'autant qu'en général le germe a disparu de la sphère ORL lors de l'apparition du RAA, ce qui tend à renforcer l'hypothèse du dysfonctionnement immunitaire. La gravité est liée au degré d'atteinte de l'appareil cardio-vasculaire, les atteintes articulaires restant un simple symptôme, toujours sans séquelle. Formes cliniques Forme polyarticulaire aiguë de l’enfant : Elle reste la manifestation la plus fréquente du RAA : 70 à 75 % des patients, le début est généralement marqué par un syndrome infectieux avec fièvre à 38–39 °C, des manifestations digestives associées à type d’anorexie, vomissements, douleurs abdominales parfois pseudoappendiculaires. L’atteinte articulaire est remarquable par son aspect, sa topographie et son évolution. Les grosses articulations sont habituellement touchées : genoux, coudes, hanches, le rachis et les articulations des mains sont plus rarement touchées. L’articulation est le siège d’une douleur et de phénomènes inflammatoires objectifs. L’atteinte articulaire est fugace (l’articulation touchée se libère en 1 à 7 jours) et disparaît sans suppuration ni séquelle. Elle est mobile, passant d’une articulation à l’autre encore que plusieurs articulations peuvent être atteintes en même temps. Une caractéristique frappante de l’arthrite rhumatismale est sa réponse spectaculaire à l’aspirine qui reste une raison valable pour réviser le diagnostic. Il peut s’agir d’une oligoarthrite, voire une monoarthrite dans 10 % des cas. Formes avec cardite : La cardite rhumatismale est d’apparition précoce, généralement dans les 3 semaines suivant le début. Elle est décelée chez 50 % des malades par l’examen clinique seul et chez 70 % d’entre eux par l’échographie doppler cardiaque. Quand le RAA atteint le cœur, il s’agit d’une pancardite inflammatoire concernant les trois tuniques à des degrés variables : - Endocardite Elle représente le risque majeur de la maladie et justifie l’auscultation quotidienne, voire biquotidienne du malade. Elle se traduit par l’apparition de souffle d’insuffisance valvulaire dont l’organicité est difficile à juger chez un malade très souvent fébrile et anémique. L’absence de souffle audible à l’auscultation ne doit pas faire éliminer le diagnostic d’endocardite. Un souffle holosystolique, apexoaxillaire d’intensité au moins 2/6 témoigne d’une insuffisance mitrale qui est la valvulopathie rhumatismale dominante. Un souffle diastolique, de timbre doux, entendu le long du bord G du sternum, et au niveau du 3ème espace intercostal gauche est un souffle d’insuffisance aortique. L’atteinte aortique est moins fréquente que l’atteinte mitrale. - Myocardite Elle est très fréquente, mais rarement patente. La tachycardie persistante est un signe précoce de myocardite ; lorsqu’elle est patente, elle associe dyspnée, assourdissement des bruits du cœur, tachycardie, bruit de galop. Une endocardite isolée en l’absence d’atteinte valvulaire n’est vraisemblablement pas d’origine rhumatismale ; l’allongement de PR isolé à l’électrocardiogramme (ECG) ne doit pas être interprété comme un élément de myocardite. À la radiographie du thorax, on retrouve une cardiomégalie et à l’ECG, on peut observer un allongement de PR, des périodes de Luciani Wenckebach, des rythmes jonctionnels accélérés, ou un bloc auriculoventriculaire complet. - Péricardite La péricardite est peu fréquente : 5 à 13 %. On doit la suspecter devant l’apparition de douleur précordiale, d’un frottement péricardique, d’une augmentation de volume de la silhouette cardiaque et des troubles de la repolarisation à l’échocardiogramme. L’évolution sous traitement est souvent favorable. La tamponnade est exceptionnelle, et elle n’évolue jamais vers la constriction. Classification des cardites Une classification des cardites selon le degré de gravité fondée sur les données cliniques, radiologiques et électriques est proposée : - Cardite légère : souffle peu intense, ne dépassant pas 3/6 pour le souffle systolique et 2/6 pour le souffle diastolique. Cœur de volume normal. - Cardite modérée : souffle systolique 3/6, mais sans signe de gros débit et sans gros cœur. - Cardite sévère potentielle : souffle intense et gros cœur (électrique et radiologique). - Cardite sévère : souffles intenses, gros cœur associé à des signes d’insuffisance cardiaque. La pancardite appartient à cette classe. Formes avec manifestations cutanées : Elles sont moins fréquentes, mais, quand elles existent, sont d’une grande valeur diagnostique. - Érythème marginé de Besnier : C’est une éruption récurrente non prurigineuse, plane, rosée, aux contours dentelés. La coloration diminue graduellement de la périphérie vers le centre. Elle s’observe principalement sur le tronc parfois aux extrémités, mais non à la face, elle est fugace et s’accentue sous l’effet de la chaleur. - Nodules sous-cutanés : Ils sont fermes et indolores, de la taille d’un pois ou d’une noisette, ils siègent au niveau des insertions tendineuses, des saillies osseuses des articulations. Ils évoluent en quelques jours sans laisser de traces, mais peuvent être longs à disparaître. Quand ils existent, ils surviennent le plus souvent chez des patients porteurs de cardite. Chorée : Elle est rare : 10 à 15 %. C’est une manifestation tardive de la maladie qui peut survenir quelquefois plusieurs mois après l’épisode initial, ce qui explique son caractère le plus souvent isolé et la difficulté d’apporter la preuve d’une infection streptococcique. Le début est souvent insidieux, marqué par une hypotonie et des modifications de l’humeur. À la phase d’état apparaissent l’ataxie et les mouvements anormaux. Le langage devient bredouillant, l’écriture illisible puis impossible. Les mouvements choréiques sont de plus en plus fréquents et intenses, ce sont des mouvements involontaires, rapides, de grande amplitude, dont la fréquence est exagérée par l’émotion et diminuée par le repos. L’hypotonie, l’ataxie et les mouvements choréiques disparaissent lentement et ne laissent jamais de séquelles neurologiques. Ces mouvements doivent être distingués des tics, de l’athétose, des réactions de conversion, et de l’hyperkinésie. Formes atypiques : - Arthrite réactive poststreptococcique : C’est une polyarthrite qui survient 10 jours environ après une infection des voies aériennes supérieures par le streptocoque BHGA. Elle pose le problème diagnostique entre une entité distincte du RAA ou de deux manifestations d’une même maladie. Ce qui distingue l’arthrite réactive poststreptococcique (ARPS) du RAA est que l’âge de début se situe entre 3 et 15 ans, que l’arthrite n’est pas migratrice, qu’elle atteint aussi bien les grosses que les petites articulations, que la réponse aux salicylés est faible et que l’intervalle qui sépare l’infection streptococcique et les premiers signes est de 10 jours inférieur à celui du RAA qui est de 21 jours. L’atteinte cardiaque est absente, mais souvent associée à des signes cutanés comme un érythème nodulaire. La possibilité de voir se développer ultérieurement une cardite fait que ces malades sont considérés comme atteints de RAA et reçoivent un traitement prophylactique par la pénicilline. - Syndrome poststreptococcique mineur : Il associe une fièvre, des arthralgies, une angine fébrile traînante et souvent des anomalies électrocardiographiques. Le diagnostic est porté lorsque la vitesse de sédimentation est égale ou supérieure à 50/mm à la 1re heure et que la CRP est positive. La possibilité de voir se développer une cardite justifie le traitement antiinflammatoire. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent être indiqués même si l’échodoppler cardiaque montre une cardite infraclinique. Diagnostic Diagnostic positif : Il n’existe pas de signes clinique ni biologique pathognomoniques de la maladie. Jones a proposé, en 1944, des critères pour l’identification de la maladie. Les uns majeurs (cardite, polyarthrite, nodules sous-cutanés, érythème marginé et chorée) et les autres mineurs (fièvre, arthralgies, augmentation de la vitesse de sédimentation et de C Reactive Protein [CRP]). Ces critères ont été réactualisés en 1965 avec l’introduction d’une preuve d’infection poststreptococcique. En 1992, l’« American Heart Association » précise que les critères diagnostiques concernent uniquement la première poussée rhumatismale et qu’ils ne sont plus applicables aux récidives afin d’éviter les diagnostics pas excès ou par défaut. Pour affirmer le diagnostic de RAA, Jones a proposé deux critères majeurs ou un critère majeur et deux mineurs en plus des arguments en faveur d’une infection à streptocoque récente (voir tableau). En cas de récidive, la présence d’antécédents de RAA ou de cardite rhumatismale sont considérés comme des critères majeurs et l’association de deux autres critères mineurs suffit au diagnostic. Manifestations majeures Manifestations mineures Preuve d’infection streptococcique . Cardite . Fièvre . Taux élevé et croissant des . Polyarthrite . Arthralgies anticorps . Chorée . Allongement de l’espace antistreptococciques (ASLO, . Érythème marginé PR à ECG ADNseB) . Nodules sous-cutanés . Signes inflammatoires non . Positivité des cultures spécifiques (VS, CRP, pharyngées ou identification gamma-globulines, élevés) par test rapide du streptocoque ou scarlatine récente Tableau. Diagnostic positif du rhumatisme articulaire aigu (critères de Jones révisés). Complications ÉVOLUTION SANS TRAITEMENT Elle ne doit plus être observée sauf dans les formes frustes ou méconnues. Évolution de la crise : Les atteintes articulaires durent en moyenne 3 mois et guérissent sans séquelles. Les atteintes endocardiques et myocardiques peuvent être évolutives (rhumatisme cardiaque évolutif). Évolution ultérieure : Les récidives sont fréquentes et elles sont d’autant plus à craindre que la crise antérieure est proche. Il est rare que le cœur reste indemne après plusieurs crises de RAA et se révèle 2 à 8 ans plus tard par une sténose mitrale ou une insuffisance aortique. ÉVOLUTION SOUS TRAITEMENT Évolution habituelle : Les manifestations générales comme la fièvre sont rapidement résolutives. La polyarthrite disparaît en quelques jours. La cardite est diversement influencée, un souffle diastolique est classiquement définitif, mais sa disparition a pu être constatée dans 15 à 20 % des cas. Un souffle systolique peut disparaître surtout s’il est léger et si un traitement a été instauré précocement. La péricardite guérit rapidement et sans séquelles. La myocardite est lente à régresser complètement. Les signes biologiques d’inflammation s’effacent en 1 à 3 semaines, la VS est normale au bout de 8 à 10 jours dans les formes sans cardite. Rebond : Il est noté lors de l’arrêt ou durant la période de baisse de la posologie de la corticothérapie. Il se caractérise soit par l’accélération de la VS et la réélevation de la CRP, soit par la reprise du processus rhumatismal avec réapparition de la fièvre, parfois des arthralgies ou même des arthrites accompagnées d’une réascension du syndrome inflammatoire biologique. Il nécessite un traitement salicylé et/ou parfois hormonal à dose d’attaque pendant quelques jours, suivi d’une décroissance très progressive de la posologie. Récidives : Le risque de récidive est d’autant plus à craindre que le malade est plus jeune, qu’on se trouve plus près de la poussée initiale et qu’il existe des séquelles valvulaires. Traitement Il associe le repos au lit, une antibiothérapie et des anti-inflammatoires. Repos au lit : Il est indispensable et le lever n’est autorisé qu’après 3 semaines. En cas d’atteinte cardiaque, le repos au lit doit être plus prolongé, l’activité est reprise progressivement après contrôle de la cardite. Antibiothérapie : Elle vise à éradiquer le SBHA de la gorge, elle est indiquée même si les manifestations cliniques de la pharyngite ont disparu. L’antibiotique recommandé repose sur la pénicilline G 1 à 2 millions/24 h en deux injections intramusculaires pendant 10 jours. En cas d’allergie à la pénicilline, l’érythromycine, à la dose de 50 mg/kg/j, pendant 10 jours est préconisée. La pénicilline est le traitement de choix de l’angine streptococcique. Différentes modalités de traitement peuvent être utilisées : Le traitement parentéral classique consiste à administrer la pénicilline G par voie intramusculaire pendant 10 jours à la dose de 1 million d’unités internationales (UI) par jour jusqu’à l’âge de 6 ans et de 2 millions d’UI par jour après l’âge de 6 ans, cela en deux injections intramusculaires. Certains auteurs ont démontré l’avantage des traitements utilisant le pénicille retard : la benzathine pénicilline 600 000 UI en IM si le poids est inférieur à 30 kg et 1200 000 UI si le poids est supérieur à 30 kg. Le traitement oral par la pénicilline à la dose de 50 000 UI à 100000 UI/kg/j sans dépasser 3 millions/j pendant 10 jours répartis en trois ou quatre prises. Le principal inconvénient de la pénicillinothérapie orale étant sa faible observance, un tel traitement nécessite une information éclairée du patient. Des études menées avec un traitement par amoxicilline en 6 jours montrent une efficacité équivalente à la pénicilline donnée pendant 10 jours. Les céphalosporines de première génération en traitement de 10 jours n’apportent pas d’avantages particuliers. Les céphalosporines de 2ème ou 3ème génération ont montré une efficacité clinique et bactériologique en 4 à 5 jours avec un taux de succès identique à la pénicilline donnée pendant 10 jours, mais leur coût élevé et leur risque écologique diminuent leur utilisation. Les macrolides sont aussi indiqués dans le traitement des angines du fait de leur bonne diffusion dans le tissu amygdalien et le faible pourcentage de streptocoques résistants aux macrolides. La durée totale du traitement doit être au moins de 8 jours. Traitement anti-inflammatoire : Deux anti-inflammatoires sont utilisés dans le traitement du RAA : les corticoïdes et les salicylés. La supériorité des corticoïdes ne paraît pas solidement établie. En effet, en dehors des cardites, l’aspirine peut être utilisé à la dose de 80 à 100 mg/kg/j donné en quatre fois, la salicylémie devrait être entre 20 et 30 mg/dL. Les corticoïdes sont administrés à la dose de 2 mg/kg/j en trois ou quatre prises au milieu du repas. Le traitement est conduit de la façon suivante : Forme mono ou polyarticulaire : on utilise la prednisone à la dose de 2 mg/kg/j pendant 2 à 3 semaines jusqu’à la normalisation de la VS, puis dégression progressive avec un sevrage sur 5 à 6 semaines. En présence de cardite : dans les cardites modérées, le traitement d’entretien est prolongé de 2 semaines. La durée totale du traitement corticoïde est de 7 à 8 semaines. Dans les cardites sévères, le traitement d’attaque est porté à 4 semaines et la durée totale du traitement est de 12 à 14 semaines. En cas de cardite avec insuffisance cardiaque, il est indiqué d’associer les digitaliques et les diurétiques. En cas de chorée : Si la chorée est isolée et ne s’accompagne pas de syndrome inflammatoire biologique, le traitement prescrit est symptomatique : le plus souvent l’halopéridol à raison de 0,2 à 0,5 mg/kg/j. Le valproate de sodium à la dose de 15 mg/kg/j semble aussi bénéfique. Si un syndrome inflammatoire est observé, un traitement anti-inflammatoire cortisonique est associé à l’halopéridol. Dans tous les cas, une prophylaxie antirhumatismale prolongée doit être prescrite. Prévention Prévention primordiale : Actions et mesures qui empêchent l’émergence et l’établissement de conditions (économiques, sociales, comportementales, environnementales, culturelles, etc.), connues (voir précédemment) pour favoriser l’apparition du rhumatisme articulaire aigu. Prévention primaire : Il s'agit d'empêcher la survenue de la maladie chez des sujets ne l'ayant jamais eue. Il se base sur l'amélioration des conditions de vie et d’hygiène : L’amélioration des conditions socio-économiques : Les conditions socio-économiques diminuent l’incidence du RAA ceci a été prouvé dans les pays industrialisés où l’incidence du RAA a nettement diminué avant même l’utilisation de l’antibiothérapie. Cependant, le principal espoir de réduire sans retard l’incidence du RAA réside dans la détection et le traitement des angines à streptocoques : le traitement de toute angine diagnostiquée doit être impératif sans que l’on ait recours à l’identification bactériologique. Prophylaxie primaire : C’est en raison du risque de développer un RAA que toute angine streptococcique doit être traitée. Dans les pays industrialisés, les experts préconisent l’utilisation de tests de diagnostic rapide (TDR) qui permettent au praticien de sélectionner les patients atteints d’angine à streptocoque A. Ces tests ont une sensibilité de 92 et 97 % et une spécificité voisine de 95 et 97 %. L’attitude préconisée devant une angine érythématopultacée, est la suivante : un TDR positif confirme l’origine streptococcique et justifie la prescription d’antibiotique. Un TDR négatif ne justifie ni contrôle supplémentaire systématique par culture ni traitement antibiotique. Un TDR négatif dans un contexte à risque de RAA (antécédents personnels de RAA, âge entre 5 et 25 ans associé à des épisodes multiples d’angine à SBHA, ou la notion de séjour en région d’endémie de RAA) peut être contrôlé par une mise en culture ; si la culture est positive, le traitement antibiotique est entrepris. Dans les pays en voie de développement, les programmes nationaux de lutte contre le RAA soutenus par l’OMS préconisent le traitement antibiotique en cas de douleur pharyngée associée à une fièvre (identifiée par l’interrogatoire ou la mesure) avec à l’examen clinique deux des critères suivants : Adénopathies cervicales douloureuses et molles Gorge rouge Exsudat blanchâtre sur les amygdales. Prévention secondaire (Prophylaxie secondaire) : Un patient présentant un RAA a un risque élevé de rechutes par rapport à la population générale. La rechute tend à toucher le même organe que lors du 1er épisode. Ainsi, un patient présentant une cardite rhumatismale risque d’aggraver sa cardite lors de rechutes ultérieures. Médicament Benzathine Pénicilline Pénicilline V Érythromycine Sulfadiazine Posologie 1 200 000 UI patient 30 kg 600 000 UI patient 30 kg 500 000 UI/j 250 mg 2 fois/jour 0,5 g/j patient 30 kg 1g/j patient 30 kg > Mode d’administration Intramusculaire profonde < < Orale Orale Orale > Tableau. Prophylaxie secondaire du rhumatisme articulaire aigu (Rhumatisme articulaire aigu chez l'enfant, S. Barsaoui) Le risque de rechute est maximum pendant les 5 années suivant le dernier épisode de RAA mais peut persister plus longtemps. Le but de la prophylaxie secondaire est de prévenir les récidives rhumatismales par élimination du streptocoque de la gorge. Pour une prophylaxie bien conduite, ce risque passe de 0,2 patient/an à 0,003 patient par an. Cette prophylaxie repose sur l’antibiothérapie et l’éducation de l’enfant et de sa famille. L’antibiotique de choix est la benzathine-pénicilline à la dose de 600 000 UI en IM pour les malades pesant moins de 30 kg et de 1,2 M UI pour ceux pesant plus de 30 kg. Cette prophylaxie est administrée toutes les 3 semaines. La durée de 3 semaines est préférée à 4 semaines du fait d’un taux de pénicilline résiduel plus efficace lorsque l’injection est pratiquée toutes les 3 semaines. En cas d’allergie à la pénicilline, on a recours à l’érythromycine à la dose de 250 mg en deux prises ou à la sulfadiazine 0,5 g/j en une prise quotidienne pour les patients pesant moins de 30 kg et 1 g pour les patients pesant plus de 30 kg. Le pénicille oral peut être utilisé à la dose de 500 000 UI/j 5 ans après la dernière rechute (voir tableau). Le traitement prophylactique est prolongé jusqu’à l’âge de 20 ans pour les malades sans cardite en couvrant les 5 années qui suivent la dernière poussée de RAA. À vie, chez les malades ayant une cardite rhumatismale surtout avec valvulopathie. Éducation du patient : L’éducation du patient et de sa famille doit être poursuivie tout au long des contrôles. À chaque consultation, le médecin est tenu d’expliquer au malade et à sa famille l’intérêt de suivre le traitement prophylactique, les dangers encourus par son arrêt, l’hygiène de vie qu’il doit respecter tels que les soins dentaires, le traitement de toute sinusite, de toute angine ou pharyngite et l’intérêt de bénéficier d’un carnet de santé où sont consignés les dates des injections et les éventuels incidents observés. Conclusion Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est une complication tardive d’une affection pharyngée streptococcique. Il reste encore dans les pays en voie de développement une pathologie fréquente et constitue un problème de santé publique. Il est la principale cause de morbidité et mortalité cardiovasculaire dans ces pays. Le RAA n’est pas une maladie articulaire isolée, mais peut associer une atteinte cardiaque et neurologique. Le programme de lutte contre le RAA instauré dans plusieurs pays en développement est axé essentiellement sur la prophylaxie primaire par le traitement antibiotique de toutes les pharyngites. La prophylaxie secondaire repose sur les injections intramusculaires de benzathine-pénicilline. Divers : Aloïs Alzheimer est décédé des suites des complications cardiaques et rénales du rhumatisme articulaire aigu. À douze ans, Boris Vian est victime d'un rhumatisme articulaire aigu, qui lui occasionne une insuffisance aortique et qui sera responsable de son décès par arrêt cardiaque. Bibliographie • Rhumatisme articulaire aigu et cardiopathies rhumatismales, Rapport d’un Groupe d’étude de l’OMS, Genève 1988. • Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (section des maladies transmissibles) du 18 novembre 2005 relatif à la conduite à tenir autour d’un ou de plusieurs cas, d’origine communautaire, d’infections invasives à Streptococcus Pyogenes (ou streptocoques du groupe A). 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