Avancées et recherches REVUE DE PRESSE Biologie des émotions : une floraison d’études

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L’Encéphale (2010) 36, 360-365
REVUE DE PRESSE
Chefs de rubrique : D. Gourion
Ph. Gorwood
Avancées et recherches
D. Gourion (1)
Biologie des émotions :
une floraison d’études
récentes dans les troubles
borderlines
borderline : 1) dysrégulation émotionnelle ;
2) distorsion cognitive et perceptive ;
3) impulsivité, les mécanismes physiopathologiques qui le sous-tendent
demeurent mal connus. Leurs implications thérapeutiques sont grandes, puisque l’on estime que ces troubles touchent 2 à 5 % des jeunes femmes et que
le pronostic est assombri par le manque
de traitements codifiés, par l’importance
du risque suicidaire et par la présence
des différentes comorbidités psychiatriques et toxicomaniaques.
Correlation of Glutamate Levels in the Anterior Cingulate Cortex with Self-Reported
Impulsivity in Patients with Borderline Personality Disorder and Healthy Controls.
Hoerst et al., Arch Gen Psychiatry, 2010.
MÉTHODOLOGIE
L’objectif des auteurs était de mesurer les concentrations locales de neurométabolites dans la région du gyrus
cingulaire antérieur et de rechercher
une corrélation entre le taux de glutamate et la sévérité des symptômes cliniques borderlines. Pour se faire,
30 femmes borderlines non traitées ont
été appariées à 31 femmes contrôles
dans une étude d’imagerie cérébrale
par spectroscopie.
(NB : les deux études ci-dessous
sont présentées l’une à la suite de l’autre,
le contexte et la discussion étant communes aux deux).
CONTEXTE
Les troubles borderlines bénéficient
d’un net regain d’intérêt depuis quelques années, et la publication récente
d’une série d’études neurobiologiques
ne peut qu’en témoigner. Les considérations concernant la validité de cette
entité clinique semblent aujourd’hui
dépassées et la question de l’intégration
du trouble borderline dans le champs
des troubles du DSM-V (et non plus dans
celui de diagnostic de personnalité
pathologique) est même ouverte, ce qui
aurait pour effet vraisemblable d’augmenter les capacités de diagnostic et de
traitement. Si un consensus clinique
général semble s’établir aujourd’hui
autour d’un triple noyau bio-clinique
Representative spectra with LCModel fit of the anterior cingulate cortex voxel. Glu
indicates glutamate; tCho, choline-containing compounds; tCr, phosphoc reatine and
creatine; tNAA, N-acetyaspartylglutamate.
Revue de presse
361
RÉSULTATS
Des concentrations significativement élevées de glutamate furent observées dans le gyrus cingulaire antérieur
des patientes borderlines comparées
aux femmes contrôles. Il existait par
ailleurs une corrélation positive et significative entre la concentration de glutamate et le score d’impulsivité à l’échelle
de Barratt ainsi qu’avec différents scores de sévérité aux échelles de mesure
des symptômes borderlines.
des auteurs était qu’en condition neutre,
les sujets borderline auraient une forte
fixation du marqueur dans les régions
cérébrales impliquées dans la régulation des émotions, témoignant d’un
tonus opioïde endogène faible à l’état
basal. Par contre, en condition d’induction d’émotions négatives, les auteurs
prévoyaient que les femmes borderline
présenteraient au contraire, une très
forte réactivité du système opioide.
Dysregulation of régional endogenous
opioid fonction in borderline personnalité
disorder. Prossin et al., Am J Psych, 2010.
RÉSULTATS
Les résultats confirmaient l’hypothèse des auteurs : en situation de
repos, les borderline présentaient une
hyperfixation de (11C) carfentanil dans
l’amygdale, dans le cortex orbito-frontal et dans le gyrus cingulaire antérieur,
tandis que lors de l’induction d’émotions tristes, le pattern inverse s’observait.
Cette étude réalisée in vivo suggère
donc que les patients borderline pourraient présenter une dysrégulation du
système opioïde endogène potentiellement implique dans un certain nombre
de caractéristiques cliniques fondamentales du trouble.
MÉTHODOLOGIE
Dans cette autre étude très récente,
les auteurs ont utilisé une technique
d’imagerie cérébrale en PET avec un
marqueur radioactif spécifique des
récepteurs mu-opioïdes afin d’observer
directement la saturation de ce récepteur in-vivo. 18 femmes borderline ont
été comparées à 14 femmes contrôles.
Dans ce type d’étude de binding, une
forte fixation du marqueur radioactif en
regard d’une région cérébrale révèle
une activité de neurotransmission faible
dans cette région (autrement dit moins
il y a de neurotransmetteur endogène,
plus il y a de place pour le radioligand,
plus l’image est intense). L’hypothèse
COMMENTAIRE
Greater Regional μ-Opioid BPHD
in Patients with Borderline Personality
Disorder Relative to Healthy Comparison
Subjects.
L’une des caractéristiques les plus fondamentales des troubles borderline est
représentée par l’incapacité à réguler
correctement la réponse émotionnelle.
L’hypothèse neurobiologie la plus vraisemblable est qu’il existe une dysconnection du circuit reliant les structures
limbiques au cortex préfrontal. En effet,
différentes études ont déjà montré que
les sujets borderlines présentent un faible niveau de contrôle préfrontal sur les
régions limbiques impliquées dans la
régulation émotionnelle. Ce réseau frontolimbique comprendrait principalement le gyrus cingulaire antérieur
(GCA), le cortex préfrontal dorsolatéral
Examples of Recurring Interstitial Copy Number Variations (CNVs) in Schizophrenia
Recurring CNV and Lenth
(referencesa)
Putative
Candidate
Gene(s)
Estimated
Estimated
Rate of De Prevalence in
Novo CNVs Schizophrenia
Estimated Penetrance of Selected Phenotypes
Schizophrenia
Autism
Any
Phenotype
22q11.2 deletion, usually
1.5-3.0 Mb (13, 38, 39)
25-45 genes,
including PRODH,
DGCR2, DGCRB,
COMT, GNB1L,
PIK4CA
> 90 %
~ 0,9 %
20 %-25 %
Unknown
~ 100 %
1q21.1 deletion, 860 kb to
2.8 Mb, usually 1.35 Mb
(14, 16, 17, 26, 33, 40)
8-24 genes
< 40 %
Unknown (rare ;
estimated to be
0.2 %-0.3 %)
Unknown
Reduced
Unknown
15q13.2-q13.3 deletion,
500 kb to 3.8 Mb, usually
1.5 Mb (16, 17, 41, 42)
> 7 genes,
including CHRNA 7
< 40 %
Unknown (rare ;
estimated to be
0.2 %-0.3 %)
Unknown
Unknown
Unknown
NRXN1 gene
Unknown
Unknown (rate)
Unknown
Reduced
High
Unknown
Unknown (rate)
Unknown
~ 70 %
Unknown
2p16.3 deletion, 25-375 kb
(14, 17, 25, 26, 43-45)
7q35-q36.1 deletion, 220 kb
CNTNAP2 gene
to 1.5 Mb (17, 25, 26, 46)
362
et orbitofrontal, l’hippocampe et l’amygdale. Parmi ces régions, le gyrus cingulaire antérieur tient une place stratégique fondamentale puisque l’une des
fonctions essentielles de cette structure
cérébrale est de réguler le niveau
d’impulsivité et d’attribuer une valence
affective à un événement donné. Par
ailleurs, les données d’imagerie récentes dans les troubles borderline impliquent notamment des réductions volumétriques dans l’hippocampe et
l’amygdale.
Les résultats de ces deux études peuvent être mis en perspective avec le
modèle de Linehan qui suggère que les
patients borderline ont : 1) un seuil de
dysrégulation émotionnelle très bas ; 2)
accompagné d’une hyperactivation
émotionnelle brutale et intense ; 3) et
suivi d’un maintien prolongé puis d’une
diminution très lente du niveau d’excitation émotionnelle. Dans ce modèle
d’hyperréactivité
émotionnelle,
la
courbe de la réponse est qualitativement normale, mais quantitativement
trop intense et trop prolongée. Le point
d’entrée de ce modèle correspondrait
à un trouble de la « salience » affective,
ce qui signifie que les patients n’attribueraient pas la bonne « valence »
affective face à un événement ou un stimulus donné. Cette hyperactivation
émotionnelle entraînerait un comportement inadapté dans la mesure où elle
bloquerait l’utilisation de ressources
cognitives nécessaires à la gestion de
situations sociales complexes et à la
bonne flexibilité relationnelle. L’intensité de la décharge émotionnelle serait
également responsable d’un phénomène d’encodage mnésique massif, et
constituerait donc un facteur d’autoentretien du schème psychopathologique.
Dans la seconde étude, le modèle neurobiologique du trouble borderline
basé sur le système opioïde endogène
s’avère original et pertinent à plusieurs
titres. D’une part, ce système pourrait
être impliqué dans la régulation émotionnelle des sujets borderlines car les
opioïdes endogènes sont en première
ligne en ce qui concerne la régulation
de la réponse physiologique et émotionnelle face au stress et à la douleur.
D’autre part, dans les modèles animaux, les réductions du tonus opioïde
endogène sont associées à des déficits
des comportements d’attachement
D. Gourion
précoce et à de l’anxiété et des résultats préliminaires suggèrent qu’il en est
de même chez l’homme. Par ailleurs,
outre la fréquence des addictions aux
drogues opiacées, un argument décisif
en faveur de l’implication du système
opioïde chez ces patients est que leur
seuil de sensibilité à la douleur est plus
élevé que chez les sujets sains. Certains auteurs suggèrent même que les
auto-mutilations réalisées par les
patients borderline sont, dans une
perspective neurobiologique, une tentative d’auto-médication visant à diminuer la souffrance psychique en stimulant artificiellement le relargage massif
d’opioïdes endogènes. Enfin, ce système biologique est également associé
à une dimension d’impulsivité trait élevée chez l’homme. Ces données suggèrent qu’à côté du modèle mono-aminergique/glutamatergique classique,
la voie opioide endogène pourrait être
la cible de nouvelles stratégies thérapeutiques (antagonistes complets ?
agonistes-antagonistes partiels ?)
Génétique de la schizophrénie :
état des lieux
Copy Number Variations in Schizophrenia :
Critical Review and New Perspectives on
Concepts of Genetics ad Disease.
Bassett et al., Am J Psychiatry ; 2010.
CONTEXTE
Après 20 ans d’efforts intensifs dans
le domaine de la génétique de la schizophrénie, quel est l’état des lieux ? Les
résultats sont-ils à la hauteur des
attentes ? Quelles méthodologies utiliserons-nous demain pour identifier les marqueurs des patients schizophrènes ?
RÉSULTATS
Les auteurs ont passé en revue les
études de génétiques moléculaire utilisant les technologies de dernière génération (genome-wide CNVs) publiées
récemment. Ils ont identifiés 6 études.
Parmi les régions de vulnérabilité particulières du génome, trois régions chromosomiques semblaient se distinguer :
22q11, 1q21 et 15q13.
La région 22q11 est d’un intérêt tout
particulier, dans la mesure où elle semble
anormale chez près de 2 % des schizo-
Neuropsychiatric Phenotypes Associated With Copy Number Variations (CNVs)a
Revue de presse
phrènes. Par ailleurs, il existe un syndrome
génétique bien connu des pédiatres, le
syndrome vélo-cardio-facial qui correspond à une microdéletion de la région
22q11 et qui entraîne, comme son nom
l’indique, une dysmorphie faciale, une
fente palatine et plus rarement des anomalies cardiaques et rénales. Cette anomalie chromosomique est la deuxième en
fréquence après la trisomie 21. Dans près
de 30 % des cas, les jeunes adultes qui
en souffrent présentent, outre une efficience intellectuelle limite, un syndrome
schizophrénique plus ou moins patent.
COMMENTAIRE
Les variations structurelles de l’ADN (telles que les CNVs pour « copy number
363
variations » et que les SNPs « single
nucleotide polymorphisms ») jouent un
rôle dans la contribution au risque pour
toutes les maladies dites multifactorielles
complexes. La schizophrénie est l’une de
ces maladies pour lesquelles on sait que
différents facteurs génétiques interagissent avec différents facteurs environnementaux pour déterminer un niveau de
vulnérabilité individuelle. Les facteurs
environnementaux sont mieux connus
grâce aux études épidémiologiques (p ex
le rôle du cannabis). L’identification de
facteurs génétiques semble nettement
plus complexe. Les principales raisons
sont : 1) l’étiquette schizophrénie recouvre un certain nombre de profils cliniques
hétérogènes qui relèvent peut-être de
causes totalement différentes ; 2) il n’y a
pas seulement un, deux, ou même trois
gènes impliqués dans la schizophrénie,
mais vraisemblablement plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines (comme
c’est p. ex. le cas pour les retards mentaux ou les épilepsies de causes
génétiques) ; 3) la caractérisation du
génome demeure dépendante des techniques et des stratégies utilisées (on peut
aussi bien cibler un gène « candidat »ou
décider de séquencer le génome entier,
les coûts et les délais de réalisation
n’étant pas vraiment les mêmes…) ; 4)
des facteurs environnementaux sont susceptibles d’interagir avec le génome, via
des processus complexes de méthylation de l’ADN et l’on ignore encore un certain nombre de mécanismes d’organisation fonctionnelle du génome.
Clinique et thérapeutique
Ph. Gorwood (1)
À quelle vitesse doit-on arrêter
les antidépresseurs ?
Mais qu’en est-il des antidépresseurs ?
Par prudence, les psychiatres interrompent souvent les traitements donnés au
long cours de manière progressive… mais
nous manquons clairement de données
ou de recommandations claires.
MÉTHODE
Illness Risk Following Rapid Versus Gradual
Discontinuation of Antidepressants.
Am J Psychiatry ; 2010 ; 167 : 934–941.
Baldessarini RJ, Tondo L, Ghiani C, Lepri B
CONTEXTE
La nécessité d’organiser très progressivement l’arrêt des thymorégulateurs, et au moins le lithium, est clairement démontrée. On sait ainsi que l’arrêt
relativement brutal (par exemple quand
cela est fait accidentellement ou sur la
décision du patient seul) amène non seulement à un risque accru de rechute, mais
aussi à une accélération des épisodes.
Les auteurs ont ici analysé
400 patients ne requérant plus d’antidépresseur (rémission complète depuis au
moins un mois) selon l’avis du patient ou
du prescripteur, pour un épisode dépressif chez des unipolaires comme bipolaires, ou un trouble panique, traitement
qu’ils avaient en moyenne depuis 8 mois.
L’antidépresseur est arrêté rapidement
(sur une semaine au maximum) versus
graduellement (en plus de deux semaines). L’intérêt majeur de cette étude est
que le suivi s’organise sur 3 ans, permettant de vérifier les conséquences immédiates mais aussi différées de cette
modalité d’interruption.
les patients ayant eu une interruption
rapide, leur période d’euthymie suivante
a été réduite au trois-quart par rapport
aux périodes euthymiques habituelles
(précédant cette étude).
Ces effets apparents de l’interruption
rapide du traitement comme facteur de
précipitation de la rechute semble
majeurs pour les demi-vies courtes ou
moyennes et pour les pathologies plutôt
bipolaires (I supérieur à II, et bipolaires II
supérieurs aux unipolaires).
De manière tout aussi intéressante,
n’ont pas été impliquées la famille d’antidépresseurs (IRS versus tricycliques), la fréquence élevée des récurrences, la durée du
trouble de l’humeur, l’utilisation d’autres traitements de manière concomitante, la dose
ou la durée du traitement antidépresseur.
CONCLUSIONS
Pas d’arrêt des antidépresseurs en
moins de 15 jours, que votre patient soit
paniqueur, unipolaire ou bipolaire !
RÉSULTATS
COMMENTAIRE
La latence avant la première rechute
était 2,5 fois plus courte pour les patients
ayant eu une interruption rapide de leur
traitement. Dans le même registre, pour
Rien de très nouveau pourrait-on dire ; on
a cliniquement l’intuition qu’un arrêt progressif est plus adapté. Néanmoins, on a
tendance à être d’autant plus progressif
364
P. Gorwood
et de bonne tolérance. La résistance
devait être démontrée rétrospectivement
pour 1 à 4 antidépresseurs différents
(pour le même épisode), avec une posologie minimale égale ou supérieure aux
doses-Vidal. L’amélioration s’est évaluée
sur le score de la Hamilton à 17 items.
RÉSULTATS
Survival Analysis of Time to a First Recurrence of an Episode of Major Depression
or Panic Within 1 Year Following Rapid or Gradual Discontinuation
of Long-Term Antidepressant Treatmenta
que la pathologie est ancienne, sévère et
peu répondeuse… et c’est une erreur.
Finalement, seul le potentiel de récurrence du trouble (donc plutôt les bipolaires) est réellement prédictif, le reste (dont
la demi-vie des traitements) ne fait que
refléter l’aspect brutal ou non de l’interruption. Qui va piano va sano…
SAMe : UN AMI QUI VOUS VEUT
DU BIEN (DANS LA
DÉPRESSION RÉSISTANTE…)
Papakostas G, Mischoulon D, Shyu I, Alpert
J, Fava M.
CONTEXTE
La mode est aux médicaments
« écologiques », rajouts alimentaires et
autres « alicaments ». Le millepertuis a
ainsi l’indication dépression en Allemagne.
Le S-adenosyl methionine (SAMe) est
une molécule naturelle que l’on retrouve
dans tout le corps dont le cerveau, impliquée de manière centrale dans les réactions de transfert de méthyle, et qui est
nécessaire à la synthèse des messagers
neuronaux et des membranes cellulaires.
Cette molécule a déjà été testée chez le
patient déprimé, avec des résultats souvent positifs. Par contre, son utilisation en
association (add-on) dans la dépression
résistante n’a pas encore été essayée,
alors que les stratégies actuellement validées dans cette indication sont bien
insuffisantes.
MÉTHODE
S-Adenosyl Methionine (SAMe) Augmentation of Serotonin Reuptake Inhibitors for
Antidepressant Nonresponders With Major
Depressive Disorder : A Double-Blind, Randomized Clinical Trial.
Am J Psychiatry 2010 ; 167 : 942–948
70 patients résistants à un inhibiteur
de la recapture de la sérotonine ont été
inclus pour 6 semaines, et à la moitié de
cet échantillon (de manière randomisée)
on rajoute 800 mg (en deux fois par jour)
de SAMe, avec la possibilité de doubler
cette dose à la fin de la deuxième
semaine en cas de réponse incomplète
Les taux de réponse thérapeutique
(36 % ont une baisse de 50 % de leur
score initial) et de rémission (26 % ont un
score résiduel inférieur à 7) sont en gros
deux fois plus élevés chez les sujets traités par SAMe que ceux traités par placebo (respectivement 18 % et 12 %).
Pour avoir une idée plus précise du bénéfice apporté par ce produit, les auteurs
donnent l’index intéressant qu’est le
Number To Treat (nombre de patients
devant être traités pour qu’une différence
effective soit observée). Ce nombre est de
6 pour la réponse et 7 pour la rémission,
montrant bien qu’il ne s’agit pas d’une différence faible. Par ailleurs, le traitement
est bien toléré (c’est le minimum attendu
pour un produit naturel…), avec le même
nombre de sorties d’essai par rapport au
placebo (autour de 5 % d’effets indésirables pour SAMe comme pour le placebo).
Change in HAM-D Scores During
Treatment Among Antidepressant
Nonresponders Randomly Assigned to SAdenosyl Methionine (SAMe) or Placeboa
CONCLUSIONS
Le SAMe, rajouté au traitement
actuel, chez des patients déprimés résistants, favorise réponse thérapeutique et
rémission.
COMMENTAIRE
Parmi les nombreuses stratégies proposées dans la dépression résistante, peu
ont analysé des produits naturels. Le
résultat est ici assez marqué, sur un
échantillon pourtant assez modeste.
Revue de presse
365
L’explication de son action reste inconnue, mais on pourrait proposer que la
méthylation des catécholamines, qu’elle
peut favoriser, soit au cœur de son effet,
favorisant la synthèse de dopamine, sérotonine et/ou noradrénaline.
Le retour de l’Espéral…
Mais un traitement qui s’organise autour
d’un renforcement négatif semble bien
limité, et le fait est que l’Espéral est maintenant peu utilisé en alcoologie pratique…
Mais est-on sûr que l’efficacité de
l’Espéral s’explique uniquement par cet
effet « mécanique » ? Ainsi, pourquoi un
antagoniste de l’ALDH réduit la consommation d’alcool en présence (ou non !)
d’acetaldehyde… ? Et comment expliquer
le fait qu’un antagoniste de l’ALDH prévient
l’augmentation de DA dans le noyau
accumbens… Une équipe américaine a réanalysé le rôle d’un antagoniste de l’ALDH
pour mieux en percevoir le mode d’action.
Inhibition of aldehyde dehydrogenase-2
suppresses cocaine seeking by generating
THP, a cocaïne use–dependent inhibitor of
dopamine synthesis
Nature Medicine 2010, 16(9) : 1024-8.
Yao L, Fan P, Arolfo M, Jiang Z, Olive2 MF,
Zablocki J, Sun HL, Chu N, Lee L, Kim hy,
Leung K, Shryock J, Blackburn B& Diamond. I
CONTEXTE
L’Esperal est un traitement antabuse
utilisé dans l’alcoolo-dépendance. Ce
traitement bloque l’enzyme « ALDH »
(acétaldéhyde deshydrogénase) qui participe à la dégradation de la molécule
alcool par sa voie métabolique principale.
Cette hypothèse est bien connue du fait
de l’existence d’une mutation chez les
sujets orientaux (ALDH2/2) qui code pour
une izozyme lente, incapable de dégrader l’acetaldéhyde, molécule intermédiaire dans cette voie métabolique. Les
sujets porteurs de la mutation ont une
« intolérance » à l’alcool, toute consommation amenant à un phénomène de
« flush » (photo ci-contre) qui associe
rougeur du visage, chaleur et malaise.
L’Espéral a été considéré comme potentiellement thérapeutique de l’alcolodépendance… quand on le prend.
MÉTHODE
Un antagoniste sélectif de l’ALDH2 a
été testé chez le rat et a montré sa capacité
à supprimer l’auto-administration de…
cocaïne, réduisant qui plus est la reprise
sollicitée par la ré-exposition à la drogue ou
à des signaux renforçant. Que son efficacité passe par les modifications du métabolisme de l’alcool est donc bien mis à mal,
car ce travail porte exclusivement sur la
cocaïne. La mécanique de l’ALDH a donc
été décortiquée dans ce travail.
RÉSULTATS
roline) puis la libération dopaminergique,
in vivo et in vitro, suite à la consommation
de cocaïne.
La cascade neurobiochimique en jeu
n’est pas forcément passionnante pour
le clinicien, et pourtant… Pourtant, la
manière avec laquelle une substance
addictive détourne la physiologie du neurone est riche d’enseignements. Ainsi, la
prise de cocaïne (comme toutes les
substances addictives) libère massivement la dopamine, notamment dans le
noyau accumbens, stimulant les récepteurs post-synaptiques (circuit de la
récompense), mais aussi des autorécepteurs (la nature n’ayant qu’une
philosophie : le retour à l’équilibre, c’està-dire l’homéostasie…). Cette activation
des auto-récepteurs stimule des kinases
AMPc-dépendante (PKA et PKC) et la
Tyrosine Hydroxylase (TH). La TH étant
une enzyme clé de la synthèse de DA,
cette boucle de régulation amène à une
augmentation (!) de la synthèse de dopamine. Le travail ici présenté propose
donc que cette voie de régulation est
centrale dans les addictions. En effet, les
substances addictives ont en commun
leur capacité à libérer « vite et
beaucoup » de la dopamine, de l’aire
ventrale tegmentale (AVT) vers le noyau
accumbens.
CONCLUSIONS
L’Espéral retrouve donc ses lettres de
noblesse car son efficacité semble clairement dépasser l’effet antabuse, avec un
impact réel sur l’appétence. Son efficacité
ne se contenterait donc pas d’un effet
« alcool-poison », mais vient vraisemblablement réduire le risque de rechute par
une inhibition de l’augmentation (inadaptée) de synthèse de dopamine.
COMMENTAIRE
L’inhibiteur de l’ALDH2 testé ici réduit
la formation de THP (tetrahydropapave-
Il n’est pas là question de transformer l’utilisation de l’Espéral qui conserve un effet
antabuse majeur, et donc des indications
très limitées (motivation majeure pour une
prise quotidienne, parfaite compréhension du mécanisme et des risques…).
Néanmoins, l’effet thérapeutique pourrait
dépasser l’aspect « interdit », et peut-être
permettre une vision un peu différente, et
une manière de le proposer au patient un
peu différente…
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