> XPress 6 Noir L’Encéphale (2007) Supplément 5, S143-S145 j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p Rémunération du progrès thérapeutique M. Zylberman Laboratoire Lilly, 13 rue Pagès, 92158 Suresnes Introduction Un des freins à l’accès d’une molécule au marché est, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, la possibilité d’obtenir un remboursement. En effet, les autorités de santé n’acceptent de mettre sur le marché un médicament que dans la mesure où il pourrait apporter un certain niveau d’innovation. Par la suite, le degré d’innovation thérapeutique est à la base de la valorisation du médicament : la rémunération du progrès thérapeutique passe donc par une nécessaire évaluation. Cette évaluation nécessite des critères et une Qui ? = Acteurs Patients Société AMM QdV satisfaction Quand ? = Moment Médecins Administration Médias méthode choisis selon certains objectifs. Or, ces objectifs varient selon la perspective que l’on a et qui, elle aussi, peut être différente d’abord selon les acteurs qui réalisent l’évaluation, ensuite en fonction du moment auquel est procédé à l’évaluation et finalement en fonction du lieu d’application de cette innovation, c’est-à-dire celui de la prise en charge. Très schématiquement, quatre acteurs de l’évaluation peuvent êtres dénombrés : les médecins, les patients, l’industriel lui-même et enfin la société et/ou l’environnement politico-administratif dans laquelle elle prend place (Fig. 1). Où ? = Lieux des prise en charge Les industriels Sociétés savantes AMM Au cours de la vie du produit Géographique Dans l’organisation du système de soins Selon les besoins Hôpital vs ville Remboursement et prix Efficacité/ tolérance sur la base du dossier de dévelopement (Guidelines) ASMR Élargissement des connaissances Situation naturelle de traitement : évaluation de l’efficacité/ tolérance et de l’utilisation Figure 1 * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur est salarié du laboratoire Lilly. © L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. 4509_05_Zyl be r ma n. i 143 4509_05_Zylberman.indd ndd 143 1 4 / 1 2 / 0 714:42:26 14/12/07 14: 42: 26 > XPress 6 Noir S144 M. Zylberman Si la perspective de l’industriel se confronte à toutes les autres, la première à laquelle elle s’oppose est celle de l’administration. Le médicament sera ensuite accessible aux utilisateurs, tant les médecins que les patients, qui pourront dès lors, faire leur propre évaluation. Tant que la perspective de l’industriel ne sera pas confrontée à celle de l’autorité de santé, aucun des utilisateurs ne pourra se faire sa propre évaluation. Le moment le plus important dans la vie d’un médicament est donc celui de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Toutefois, cette AMM déterminée par les résultats d’essais de recherche clinique réalisés sur 4 000 à 5 000 patients, donne certain niveau d’information sur le rapport risque bénéfice dans une population de patients pré sélectionnés et dans un contexte particulier qui est assez loin de ce qui sera, in fine, la réalité de la prescription. Ainsi, audelà d’une innovation thérapeutique purement scientifique, observée dans des conditions strictes de recherche, il est également nécessaire de vérifier que cette innovation se traduit par une innovation pragmatique dans les conditions réelles de prise en charge des patients, par exemple, dans les différents lieux de prise en charge possibles (hospitalière ou libérale) ou encore selon les pays dans la mesure où les systèmes de soins n’y sont pas parfaitement comparables de l’un à l’autre : c’est probablement là que se situe le progrès thérapeutique. Ce passage d’une évaluation fondée sur l’observation de l’effet à proprement parlé, à une évaluation prenant en compte les facteurs influençant la survenue de l’effet, revient en fait à passer d’une perspective strictement individuelle (quel est l’effet attendu pour un patient donné ?) à une vision plus populationnelle (quel est l’effet attendu pour une population ?). Dans ce passage, l’innovation peut se révéler et se traduire par un progrès thérapeutique ou au contraire s’évanouir. C’est de cette traduction de l’innovation en progrès thérapeutique que la molécule tire toute sa valorisation et ce, à double titre : d’abord en espèces sonnantes et trébuchantes, puisque plus grand est le progrès thérapeutique et plus élevé pourra en être son prix, négocié en France ; ensuite et surtout, c’est de son existence et de son intensité que dépend évidemment le succès de la molécule auprès des médecins comme des patients. Qu’est ce que l’innovation pour la Commission de la Transparence ? En France, un médicament reconnu comme potentiellement innovant par la commission de la transparence peut bénéficier d’un accès accéléré au marché. Pour démontrer le potentiel innovateur de son produit, l’entreprise doit justifier que la molécule est un nouveau mode de traitement, en raison notamment de son mécanisme d’action ou de sa classe pharmacologique, de sa population cible ou de sa voie d’administration. Le médicament doit également démontrer une supériorité par rapport aux thérapeutiques disponibles en matière 4509_05_Zyl be r ma n. i 144 4509_05_Zylberman.indd ndd 144 d’efficacité, de tolérance, de facilité d’accès et d’utilisation. Dans une indication donnée, la molécule doit couvrir totalement ou en partie le besoin médical disponible. Ces règles successives et additionnelles comportent un certain nombre de notions que l’industriel pourra utiliser pour développer ses nouvelles molécules afin d’accéder au marché le plus rapidement et avec le plus grand succès possible. Qu’est ce que l’innovation pour Lilly « L’innovation recouvre un besoin médical non couvert, en comparaison aux thérapeutiques disponibles et dont la valeur est reconnue par les payeurs et les patients » Lors de sa réponse à la demande de l’administration, Lilly prend le parti de l’implication du patient en tant qu’acteur de l’évaluation de l’innovation. Les quatre composantes du concept de l’innovation selon Lilly sont donc : • le Besoin non couvert : l’innovation doit améliorer les traitements disponibles ou la prise en charge dans des conditions où les alternatives médicales sont peu fréquentes ; • la Comparaison : l’innovation est évaluée par rapport aux thérapeutiques existantes ; • la Valorisation : une innovation doit pouvoir être valorisée et perçue par les utilisateurs comme suffisamment importante pour être prescrite, recommandée, utilisée et enfin remboursée ; • la Perspective : l’évaluation de l’innovation dépend du point de vue et des perspectives des différents acteurs, notamment de celle des patients. Réflexions sur l’innovation et le progrès thérapeutique L’innovation à l’origine d’un progrès médical dans la prise en charge thérapeutique, est souvent incrémentale. Par exemple, l’appartenance d’une molécule à une nouvelle classe pharmacologique ne permet pas, à elle seule, de lui octroyer le statut de molécule innovante : encore faut-il que ce nouveau mécanisme d’action se traduise par un effet nouveau par rapport à l’existant et surtout cliniquement pertinent. Par ailleurs, les autorités de santé ne considèrent le progrès thérapeutique que lorsqu’il est important : une molécule qui n’améliore que marginalement l’état de santé du patient, n’est pas considérée par le payeur, à ce jour, comme vecteur d’innovation. Or, en réalité, la plupart des progrès survenus dans les années les plus récentes, se présentent comme le résultat de la survenue successive de petits progrès de degrés divers. En effet, chaque étape dans le développement de la prise en charge, si minime soit elle, conduit à une amélioration du devenir du patient. Des progrès qui pourraient paraître limités au premier regard, sont, en réalité, absolument nécessaires pour accomplir une avance sensible. 1 4 / 1 2 / 0 714:42:28 14/12/07 14: 42: 28 > XPress 6 Noir Rémunération du progrès thérapeutique S145 L’exemple du cancer du sein est à cet égard assez éloquent. En effet, cette pathologie considérée désormais comme chronique par les oncologues a fortement bénéficié de l’apport des diverses molécules qui se sont succédées ces dernières années sur le marché. Pourtant, ces molécules n’amélioraient que marginalement l’état d’une population mais permettaient de mieux adapter le traitement à chaque individu et surtout d’offrir une alternative une fois qu’une première thérapeutique rencontre un échec. Le besoin médical non couvert Son identification est importante car c’est une des portes d’entrée par laquelle le progrès thérapeutique peut être reconnu par les payeurs et les systèmes de prise en charge. Partant de l’idée qu’une diminution du besoin médical non couvert doit amener à une amélioration de la santé voire de la productivité d’une population, le payeur ne reconnaît souvent comme innovantes que les molécules qui permettent de traiter une pathologie pour laquelle il n’existe pas d’alternative thérapeutique. Or, il est globalement reconnu que la variabilité des traitements disponibles permet de mieux couvrir le besoin médical. Un traitement innovant est donc également celui qui vient combler des champs non couverts des traitements existants tel que la résistance à un premier traitement antidépresseur. L’existence d’alternatives thérapeutiques permet donc une meilleure couverture du besoin médical et constitue de ce fait un progrès thérapeutique. L’évaluation comparative La notion d’innovation est toujours comparative notamment par rapport à la situation préexistante à la mise sur le marché d’une molécule innovante. L’innovation peut être évaluée en termes d’amélioration du bénéfice, de diminution du risque ou d’élargissement de la population cible atteinte (par exemple, les non répondeurs aux précédents traitements). De la valeur de l’innovation ou du progrès thérapeutique… un cercle vertueux Dans l’industrie pharmaceutique, l’innovation est un processus complexe dont les effets positifs vont évidemment s’exercer en tout premier lieu au niveau du patient luimême mais également au-delà de celui-ci, au sein du système sociétal dans lequel l’entreprise fonctionne ainsi qu’au sein même de l’entreprise. En effet, le progrès thérapeutique, par le biais de l’amélioration de l’état de santé de la population et de la réduction de certains coûts antérieurement associés à la prise en charge (par exemple réduction des coûts d’hospitalisation), est générateur à la fois d’une amélioration de la productivité globale de la société, d’une optimisation de l’utilisation des ressources voire en libérer un certain montant destiné à le rétribuer pour ces effets positifs. Au sein des entreprises à l’origine du développement des molécules innovantes, la valorisation de ce progrès thérapeutique à la fois par la reconnaissance du marché (médecins et patients) et par les payeurs, doit renforcer le potentiel d’investissements en Recherche et Développement, constituant ainsi ce que l’on peut dénommer le cercle vertueux du progrès thérapeutique (Fig. 2). Les politiques de forte régulation économique qui limitent le champ conceptuel de l’innovation et du progrès thérapeutique peuvent, en en diminuant la rémunération, aboutir à des pertes et des désinvestissements en termes de recherche et développement. Ce frein à la découverte de molécules innovantes pourrait se révéler alors particulièrement préjudiciable pour la survenue du progrès thérapeutique et à celle de ses impacts, tant auprès du patient lui-même que pour la société dans laquelle le patient évolue. L’innovation Amélioration de la prise en charge Amélioration de l’état de santé d’un patient, de la population Une meilleure régulation des dépenses de santé (par exemple diminution des coûts associés aux effets secondaires) Nouveaux investissements en R&D Succès de l’entreprise Amélioration de la productivité de la société Une moindre contrainte sur les dépenses ultérieures Figure 2 4509_05_Zyl be r ma n. i 145 4509_05_Zylberman.indd ndd 145 1 4 / 1 2 / 0 714:42:29 14/12/07 14: 42: 29