Discussion J. DALÉRY (1) La réponse à la question de la pertinence des outils cognitifs pour le diagnostic précoce de schizophrénie semble positive, et se situe dans le cadre d’une démarche médicale classique. Mais de façon paradoxale, on utilise les outils cognitifs en recherche, alors que ceux-ci ne sont pas retenus en terme de critères diagnostiques, en tous cas jusqu’au DSM IV. On peut donc souligner le contraste important entre le très grand nombre de publications concernant les données cognitives dans le domaine de la recherche et l’absence de ces dysfonctionnements cognitifs dans la démarche diagnostique classique. Les données nouvelles obtenues dans le domaine cognitif posent la question des relations entre les perturbations cognitives et les symptômes : certains suggèrent une complète indépendance entre symptomatologie – ou au moins symptomatologie positive – et altérations cognitives, tandis que d’autres tentent d’expliquer les symptômes cliniques par les dysfonctionnements cognitifs. L’étude des grandes dysfonctions cognitives élémentaires ouvre des perspectives d’avenir, de même que celle des fonctions cognitives complexes, telle la planification ou l’attribution de l’action. Elle permettra peut-être dans l’avenir une nouvelle lecture de la symptomatologie, où le niveau cognitif prendra une importance relative plus grande par rapport à l’analyse sémiologique classique. En amont de la décompensation, les outils cognitifs pourront être particulièrement utiles, dans le cadre de l’hypothèse neuro-développementale ou des modèles de vulnérabilité, puisque les troubles cognitifs sont le reflet du trouble neuro-développemental sous-jacent. Le choix des outils cognitifs est important pour améliorer leur pertinence diagnostique ou prédictive : les batteries habituellement utilisées apparaissent trop peu spécifiques et trop grossières, et il serait utile de définir des outils qui permettent d’explorer non pas des fonctions cognitives élémentaires mais des fonctions complexes, qu’on pourrait alors relier de façon plus spécifique à des dysfonctions cérébrales ou des altérations neuro-développementales. L’utilisation complémentaire d’échelles d’auto-évaluation de dysfonctions cognitives est un pas important dans ce sens, d’autant qu’elles explorent leurs conséquences en terme de fonctionnement social, et qu’il existe des corrélations entre échelles subjectives et évaluations objectives. Enfin, il faut souligner, en plus de son intérêt comme modèle explicatif, l’intérêt de l’exploration cognitive pour définir des outils thérapeutiques, médicamenteux ou non médicamenteux, qui permettent de proposer des actions thérapeutiques ciblées sur un déficit cognitif donné. (1) CHS Le Vinatier, 95, boulevard Pinel, 69500 Bron cedex. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 893, cahier 4 S 893