Lésion méniscale isolée   Cas clinique n 1

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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
Lésion méniscale isolée
chez le sujet jeune et le sujet d’âge mûr
Isolated meniscal lesion in young and older patients
F. Sailhan*, P. Ribinik**
\ Cas clinique no 1
Une jeune femme de 23 ans vous est adressée en consultation.
Observation
Elle se plaint d’une douleur sur le compartiment
interne du genou gauche à la marche rapide et à la
course depuis 4 mois. Cette douleur est apparue à la
suite d’une chute en randonnée. Elle a parfois quelques
douleurs en position assise ou des sensations d’accrochage. En revanche elle ne décrit pas de réel blocage.
L’examen clinique montre une mobilité à 0-0-130°.
Il n’y a pas de laxité frontale ni sagittale. Il n’y a pas
d’épanchement articulaire. En revanche vous retrouvez
un point douloureux méniscal interne.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) montre
une fissure incomplète du ménisque interne, radiaire,
siégeant sur la corne postérieure.
Quel traitement proposez-vous ?
“Schéma thérapeutique” : la patiente présente une lésion non transfixiante isolée du ménisque interne
sur genou stable.
• Rassurer sur l’évolution qui sera en principe
• exceptionnellement une immobilisation
favorable et conseiller la patience.
par orthèse ;
• Prescrire :
• 10 séances de kinésithérapie
• l’arrêt des sports en compression et en pivot
pour 4 à 6 mois ;
• un traitement symptomatique antalgique
per os et éventuellement anti-inflammatoire ;
• le glaçage du genou 3 à 4 fois 15 à 20 mn/j
à titre antalgique ;
en soins ambulatoires comportant
physiothérapie antalgique, entretien musculaire
et travail proprioceptif.
• Envisager en cas de persistance
des symptômes une infiltration d’acide
hyaluronique si le genou est sec.
* Chirurgien orthopédiste ;
service de chirurgie
orthopédique
et traumatologique,
hôpital Cochin ;
espace médical Vauban ;
clinique Arago ; Paris.
** Médecin de médecine
physique et de réadaptation ;
service de médecine
physique et de réadaptation,
centre hospitalier
de Gonesse.
Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 04 - Octobre - novembre - décembre 2014
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et de Réadaptation
CAS CLINIQUE
\ Cas clinique no 2
Vous recevez en consultation un homme de 62 ans, skieur depuis toujours, qui se plaint
d’une douleur du genou droit à la suite d’une chute sur les fesses à l’arrivée d’un télésiège.
Observation
La marche est douloureuse en permanence. La douleur
est mécanique et le patient décrit également des douleurs la nuit lorsqu’il change de position. Il n’a pas
d’épisodes de blocage ni de claquement. Le patient
signale que, avant la chute, il avait parfois une gêne
sur le compartiment interne pendant les activités de
loisirs.
L’examen clinique montre une hydarthrose modérée.
La mobilité est de 0-0-120° contre 0-0-130° à gauche.
La flexion forcée est douloureuse. Il n’y a pas de laxité
ligamentaire. Vous retrouvez un point douloureux
méniscal interne mais également une douleur à la pression du plateau tibial interne.
La radiographie standard ne montre pas de pincement
de l’interligne fémorotibial à la radiographie standard,
et l’IRM révèle une fissure méniscale radiaire (figure 1).
Figure 1. IRM : fissure méniscale.
A
B
Que proposez-vous ?
“Schéma thérapeutique” : le patient présente une lésion traumatique isolée du ménisque interne
sur genou stable, probablement dans un contexte de lésion méniscale dégénérative compte tenu
de l’activité sportive régulière (“hyperutilisation”).
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• Le traitement médical comporte,
en l’absence de blocage et/ou d’épanchement
invalidant ou prolongé :
• éventuellement, un traitement
• le repos sportif ;
• la patience mais l’amélioration escomptée
peut être longue à venir et peut être transitoire ;
• un traitement symptomatique antalgique
et anti-inflammatoire per os ;
à titre antalgique ;
chondromodulateur d’action lente per os ;
• le glaçage du genou 3 à 4 fois 15 à 20 mn/j
• 10 séances de kinésithérapie
en soins ambulatoires comportant
physiothérapie antalgique, entretien musculaire
et travail proprioceptif.
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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
• Envisager en cas de persistance
des symptômes une infiltration de corticoïdes
ou d’acide hyaluronique si le genou est sec.
• En cas d’échec après 6 mois
de traitement conservateur,
le traitement sera chirurgical.
HAS 2008 - Règles de bonne pratique concernant la prise en charge des patients de plus de 50 ans
ayant une lésion méniscale douloureuse non réparable sur genou stable (traumatisme aigu et blocage
méniscal aigu exclus)
• Respecter un délai de 6 mois minimum
entre le début des signes
et la réalisation de la méniscectomie,
à l’exclusion du traumatisme aigu
et du blocage méniscal aigu.
• Une arthrose ou une ostéonécrose
associée sont recherchées.
Faire un bilan radiographique
et rechercher un éventuel pincement
de l’interligne du compartiment intéressé
(arthrose).
• Faire une IRM pour confirmer
la lésion méniscale et évaluer d’éventuelles
lésions ostéochondrales associées.
Il faut rechercher des modifications du signal
de l’os sous-chondral.
• Informer le patient sur le pronostic
cartilagineux à moyen et long terme
après la méniscectomie.
• La lésion méniscale justifiant
la méniscectomie est documentée.
Seules les lésions ouvertes dans l’articulation
peuvent justifier une méniscectomie.
• En cas d’arthrose, la méniscectomie
n’est pas recommandée (grade B).
• Le patient est informé du risque de
détérioration arthrosique après méniscectomie.
MESSAGES À RETENIR
Toutes les lésions méniscales ne sont pas chirurgicales.
Le traitement est avant tout médical lorsque celles-ci surviennent :
◯ sur un genou stable, sans lésion ligamentaire ;
◯ lorsque la symptomatologie est peu importante ;
◯ sur un ménisque interne dégénératif et/ou une arthrose débutante
sur genu varum et chez un patient d’âge mûr.
Pour en savoir plus…
• Prise en charge thérapeutique des lésions méniscales et des lésions isolées du ligament croisé antérieur du genou chez l’adulte. HAS, service
des bonnes pratiques professionnelles, juin 2008.
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et de Réadaptation
CAS CLINIQUE
\ Cas clinique no 3
Vous recevez en consultation un homme de 60 ans, agent commercial. Il fait beaucoup
de déplacements en voiture. Il pratique le golf le week-end et fait 2 ou 3 fois par semaine 1 h
de jogging. Il pèse 85 kg pour 1,80 m.
Observation
Ce patient décrit des douleurs du genou gauche à la
marche évoluant depuis 4 mois, apparues le lendemain
d’une séance de jogging. Les douleurs sont maintenant
quotidiennes, de type mécanique, et siègent en regard
du compartiment interne du genou. Il a parfois mal la
nuit dans certaines positions. Le patient ne décrit pas
de claquement ni de blocage articulaire. Il signale 2 épisodes de gonflement du genou ayant persisté quelques
jours après un jogging.
Le patient explique qu’il a présenté le même type de
douleurs il y a 3 ans à l’autre genou. Il avait une lésion
du ménisque interne ; une méniscectomie sous arthroscopie avait permis de soulager ses douleurs.
Le traitement prescrit par son médecin généraliste
a comporté, ces 4 derniers mois, des antalgiques
de palier I et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) [kétoprofène × 2/j] par voie orale, qui
ont permis de soulager les douleurs transitoirement,
puis 3 infiltrations articulaires de visco-supplémentation, qui ont permis de soulager les douleurs pendant
3 semaines supplémentaires.
L’examen clinique montre : un morphotype en genu
varum, une mobilité complète à 0/0/140°, un choc rotulien minime, une bonne trophicité du quadriceps, une
course rotulienne normale. Le testing ligamentaire
frontal et sagittal est normal. Vous retrouvez un point
douloureux méniscal interne. Le reste de l’examen est
sans particularité.
La radiographie n’objective aucun signe d’arthrose
(pas de pincement sur le cliché en position de schuss).
Le patient vous montre son IRM, qui révèle une
lésion de la corne postérieure du ménisque interne
sur ménisque interne dégénératif. Il y a un épanchement articulaire minime, pas d’anse de seau ; le
pivot central est intègre (figures 1, 2).
Figure 1. Séquence IRM en coupe frontale.
Figure 2. Séquences IRM en coupes frontale et sagittale centrées sur la lésion du ménisque interne.
A
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B
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Discussion
Que remarquez-vous sur la figure 1 ?
Que proposez-vous au patient ? Quels sont vos arguments ?
RÉPONSE :
A. Ne pas proposer une arthroscopie. En effet, nous avons des arguments pour contre-indiquer
cette méthode thérapeutique à ce stade chez ce patient :
1. Il présente une lésion méniscale
probablement traumatique
mais sur un ménisque interne dégénératif.
3. Une seule série d’infiltrations a été réalisée.
4. Il n’y a pas de blocage méniscal.
2. Il a eu un traitement médical conduit pendant
moins de 6 mois.
5. L’œdème osseux sur l’IRM (figure 2A)
signe une inflammation
en regard du compartiment interne.
Il s’agit là d’une contre-indication à l’arthroscopie selon les critères définis par la Haute Autorité
de santé (HAS) : œdème inflammatoire osseux sur une lésion d’un ménisque dégénératif ayant
eu un traitement médical incomplet.
B. Il faut expliquer au patient les motifs de la contre-indication de l’arthroscopie à ce stade.
Il est logique de lui proposer une prolongation de la prise en charge médicale associant :
1. une nouvelle série de 3 infiltrations
de visco-supplémentation
(ou l’équivalent en une seule injection)
et/ou une infiltration de corticoïdes
(par exemple du cortivasol) ;
2. une prolongation du traitement oral, qui peut
être adapté ou modifié ;
3. une prise en charge en kinésithérapie en ville ;
4. l’arrêt du sport pendant 2 mois.
Le patient sera revu après 6 et 12 semaines.
Le patient a donc eu une nouvelle série de 3 infiltrations, mais sans effet. L’injection de cortivasol l’a
en revanche soulagé, ainsi que les séances de kinésithérapie.
À 6 semaines, il va bien et n’a aucune douleur. Il reprend
le sport.
À 12 semaines, les douleurs sont réapparues, quotidiennes, lorsqu’il marche ou conduit. Elles sont identiques à ce qu’elles étaient initialement. L’examen
clinique est inchangé. La radiographie est inchangée.
Voici la nouvelle IRM, 2 mois après la dernière infiltration (figures 3, 4, p. 34).
La lésion du ménisque interne est inchangée. L’œdème osseux a disparu.
Que proposez-vous, et pourquoi ?
RÉPONSE :
Un traitement chirurgical est logique à ce stade : réparation méniscale ou méniscectomie partielle
sous arthroscopie.
Arguments :
1. Il y a eu un traitement bien conduit
de plus de 6 mois, associant infiltrations
intra-articulaires, kinésithérapie
et traitement médicamenteux par voie orale.
2. Il n’y a pas de contre-indication à l’IRM
et à la radiographie : pas de signes d’arthrose.
3. Le patient souffre quotidiennement
et ne peut reprendre le sport.
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Actualités en Médecine Physique
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Figure 3. Séquence IRM en coupe frontale.
CAS CLINIQUE
Figure 4. Vue intra-articulaire arthroscopique montrant la lésion
méniscale.
Fémur
Languette
méniscale
Ménisque interne
Bord libre
dégénératif
CONCLUSION
Une méniscectomie partielle sous arthroscopie est pratiquée. Trois semaines après
l’opération, le patient a repris le golf, puis, au bout de 6 semaines, la course à pied.
Les douleurs ne sont pas réapparues au dernier recul, 1 an après l’opération.
Remarque. Il est important de garder en tête les indications et contre-indications
d’un traitement chirurgical d’une lésion dégénérative méniscale chez les patients de
plus de 50 ans.
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