these Audrey FOUCHS

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Stress osmotique et activation des MAP Kinases ERK1/2 chez les hépatocytes de
turbot, Scophthalmus maximus : implication des voies de signalisation
intracellulaire du processus de RVD.
Audrey Fouchs
Confrontées à des modifications de leur environnement, les cellules doivent être
capables de détecter et d'intégrer ces modifications pour produire une réponse
adéquate grâce à un vaste réseau de voies de signalisation intracellulaire. Les stimuli
extérieurs sont perçus par l'intermédiaire des diverses structures membranaires, puis
un signal est initié et se propage vers les structures les plus profondes de la cellule.
Cette propagation du signal implique les activations en cascade de nombreuses
molécules et toute la machinerie cellulaire est alors mobilisée pour permettre
l'émergence d'une réponse appropriée. Parmi les voies de signalisation servant à la
communication entre les cellules et leur environnement, les MAPK (MitogenActivated Protein Kinases) sont parmi les plus communes et les plus conservées à
travers les espèces. Présentes chez toutes les cellules eucaryotes, les voies MAPK sont
typiquement constituées d'une cascade de trois kinases : une MAPK Kinase Kinase
activant une MAPK Kinase, celle-ci activant à son tour une MAPK. L'activation des
MAPK est induite par phosphorylation sur deux résidus thréonine et tyrosine au sein
d'un motif Thr-X-Tyr de leur boucle d'activation. Les protéines MAPK ont été
rapportées comme jouant des rôles importants, bien souvent via la mise en place de
programmes d'expression génique, dans divers processus fondamentaux comme
l'embryogénèse, la différenciation, la prolifération ou encore la mort cellulaire.
La cascade MAPK impliquant les protéines ERK1/2 est la première voie MAPK à
avoir été caractérisée et la mieux connue. Cette cascade ERK1/2 est constituée de la
protéine Raf activant les protéines MEK1 et MEK2, celles-ci activant à leur tour les
protéines ERK1 et ERK2. Une fois activées, les ERK1/2 vont phosphoryler de
nombreux substrats dans tous les compartiments subcellulaires. Dans les cellules au
repos, la localisation de ERK1/2 est principalement cytoplasmique. A la suite d'une
stimulation, ces protéines se délocalisent éventuellement pour phosphoryler leurs
substrats.
Cette cascade Ras/Raf/MEK/ERK est activée en réponse à une large gamme de
stimuli incluant les facteurs de croissance, le stress oxydant, les cytokines, le choc
thermique, les UV ou encore le stress osmotique et permet le déroulement de
mécanismes
cellulaires
très
variés
(prolifération,
différenciation,
migration,
apoptose).
Le stress osmotique compte donc parmi les nombreux stimuli capables d'activer
la cascade MAPK impliquant ERK1/2. Parallèlement à ce processus, le stress
osmotique est également capable de déclencher d'autres mécanismes, et plus
particulièrement des mécanismes de régulation du volume cellulaire. En effet, des
chocs hypo- ou hyper-osmotiques entraînent des modifications du volume cellulaire,
dans le sens d'une augmentation ou d'une diminution respectivement. La membrane
des cellules animales étant très perméable à l'eau, l'existence d'un gradient osmotique
entre les compartiments intra- et extracellulaires déclenche des mouvements d'eau à
travers la membrane plasmique : si le gradient est tel qu'il engendre une sortie d'eau,
la cellule rétrécit ("shrinkage"). Si le gradient est tel qu'il engendre une entrée d'eau,
la cellule gonfle ("swelling"). Ces variations du volume représentent un réel danger
pour les cellules et pour leur survie, il est donc essentiel qu’elles régulent leur
volume. La plupart des cellules confrontées à une diminution ou une augmentation
de leur volume sont ainsi capables de mettre en place des mécanismes de régulation
pour recouvrer leur volume initial :
- Lorsque les cellules sont exposées à un choc hyper-osmotique, elles mettent en
place un processus de régulation appelé RVI (Regulatory Volume Increase) pour
contrer la diminution du volume cellulaire. Ce processus se caractérise par une
entrée nette dans la cellule d'ions Na+, Cl- et d'eau osmotiquement liée et permet un
retour complet ou quasi-complet au volume initial.
- Lorsque les cellules sont exposées à un choc hypo-osmotique, elles mettent alors
en place un processus de régulation appelé RVD (Regulatory Volume Decrease) pour
contrer
l'augmentation du volume cellulaire. Ce processus se caractérise
principalement par une perte d'ions K+ et Cl- et d'eau osmotiquement liée,
permettant un retour complet ou quasi-complet au volume initial.
Le stress osmotique induisant à la fois l'activation des protéines MAPK ERK1/2
chez de nombreux types cellulaires et la mise en place de mécanismes de régulation
du volume cellulaire, nous avons, dans cette étude, cherché à savoir s'il pouvait
exister un lien entre ces deux mécanismes. Le modèle choisi dans ces travaux est
l'hépatocyte de turbot (Scophthalmus maximus), chez lequel le processus de RVD a fait
l'objet d'une attention particulière dans notre laboratoire. En effet, le turbot est un
poisson plat marin capable de tolérer de larges variations de ses paramètres
environnementaux incluant la salinité. Cette résistance étonnante pourrait trouver
son origine à l'échelle cellulaire et il a alors été entrepris de caractériser les
mécanismes mis en place par les cellules de ce poisson pour contrer les effets des
variations d'osmolalité. Plus particulièrement, les hépatocytes, localisés au niveau
d'un site anatomique irrigué par la double circulation portale et systémique, peuvent
particulièrement être exposés à des variations d'osmolalité extracellulaire. De plus,
les hépatocytes présentent un métabolisme très actif les exposant à des modifications
de leur contenu en osmolytes. Ainsi, dans des travaux précédents, notre équipe a
démontré que les hépatocytes de turbot exposés soudainement à une diminution de
l'osmolalité extracellulaire sont capables de mettre en place un processus de RVD et
par conséquent de réguler leur volume à la suite d'un gonflement osmotique.
Pour tenter de mettre en évidence un lien éventuel entre l'activation des MAP
Kinases ERK1/2 suite à un stress osmotique et les mécanismes de régulation du
volume cellulaire, il fallait tout d’abord vérifier que ces protéines pouvaient être
détectées chez les hépatocytes de turbot. Après exposition des cellules à une
stimulation hypo-osmotique, des analyses en Western Blot en présence d’un
anticorps primaire dirigé contre la forme phosphorylée de ERK1/2 ont permis de
détecter deux bandes à approximativement 44 et 42 kDa, les poids moléculaires
attendus pour ERK1 et ERK2 respectivement. Les bandes révélées sont bien
représentatives d’une détection spécifique par l’anticorps primaire, la membrane
exposée à l’anticorps secondaire uniquement restant totalement blanche. Lorsque les
cellules sont incubées avec les inhibiteurs spécifiques de l’activation des MAPK
ERK1/2 PD98059 et U0126,
aucun marquage n’est observé, indiquant que les
protéines détectées en Western Blot correspondent bien aux protéines MAPK ERK1/2
phosphorylées.
Les protéines MAPK ERK1/2 pouvant être détectées chez les hépatocytes de
turbot, le premier objectif de ce travail a été de mettre en évidence les effets de
variations d’osmolalité sur l’expression de ces protéines chez notre type cellulaire.
Les résultats obtenus ont mis en évidence qu’une stimulation hyper-osmotique (de
320 à 400 mOsm.kg-1) des cellules n’entraîne aucune activation des protéines ERK1/2.
En revanche, un choc hypo-osmotique (de 320 à 240 mOsm.kg-1) entraîne une
activation rapide de ces protéines qui se maintient au moins 50 minutes après le choc.
Ces protéines ERK1/2 phosphorylées proviendraient d’un pool de protéines
préexistantes, aucune évolution de la quantité totale de ces protéines n’ayant été
observée à court terme.
Dans la deuxième partie de cette étude, nous nous sommes posés la question
suivante : les MAPK ERK1/2 participent-elles au processus de régulation du volume
des hépatocytes de turbot ? Pour répondre à cette question, le processus de RVD de
notre type cellulaire a été étudié en présence de PD98059, inhibiteur spécifique de
l’activation de ERK1/2. Aucune modification du gonflement cellulaire n’a été
observée et le processus de RVD n’est pas significativement modifié. L’activation des
protéines ERK1/2 ne serait donc pas essentielle à la mise en œuvre du processus de
régulation du volume cellulaire chez les hépatocytes de turbot.
Si l’activation des protéines ERK1/2 n’apparaît pas essentielle au processus de
RVD de notre type cellulaire, ce processus pourrait en revanche participer à la
régulation du signal d’activation de ces MAPK. Afin de tester cette hypothèse,
différents mécanismes impliqués dans le RVD des hépatocytes de turbot ont été
explorés dans la troisième partie de ce travail. Les résultats obtenus ont mis en
évidence que les protagonistes clés du RVD des hépatocytes de turbot, tels que
l’ATP, le calcium, certaines protéines kinases comme la phosphatidylinositol-3
kinase, la protéine kinase C ou les tyrosine kinases, le cytosquelette et les canaux
SAC mécanosensibles sont impliqués dans l’activation de ERK1/2.
Plus
particulièrement, ces voies de signalisation sont capables de moduler le signal
ERK1/2. En effet, chez les hépatocytes de turbot, l’activation de ERK1/2 se produit en
deux temps : une activation à très court terme (de 0 à 5 minutes après le choc hypoosmotique) indépendante de toutes les voies de signalisation testées et une activation
à plus long terme (10 minutes après le choc hypo-osmotique) dépendante de ces
mêmes voies de signalisation.
Ce travail a donc permis de mettre en évidence l’activation des protéines MAPK
ERK1/2 suite à une diminution de l’osmolalité extracellulaire chez les hépatocytes de
turbot. Ces protéines sont rapidement phosphorylées et leur activation est maintenue
pendant au moins 50 minutes. Malgré leur phosphorylation rapide, les MAPK
ERK1/2 ne semblent pas impliquées dans la mise en place du processus de RVD des
hépatocytes de turbot à court terme. Ceci n’exclu cependant pas une action de ces
protéines à plus long terme visant peut-être au rétablissement de l’homéostasie
cellulaire. Les ERK1/2 activées pourraient alors intervenir dans la régulation
transcriptionnelle des gènes précoces immédiats en activant des facteurs de
transcription. Des expérimentations supplémentaires sont nécessaires pour confirmer
ou non cette hypothèse. Des interactions entre l’activation de ERK1/2 et le processus
de RVD ont toutefois pu être mises en évidence. Ainsi, la majorité des voies de
signalisation connues comme étant impliquées dans le processus de RVD des
hépatocytes de turbot se sont révélées capables de moduler l’activation de ces MAPK
en étant impliquées dans le maintien de leur activation. Si cette étude a donc permis
d’identifier certains des éléments permettant de prolonger le signal ERK1/2 dans le
temps, des expérimentations supplémentaires seront nécessaires pour apporter des
informations concernant les éléments permettant l’activation initiale de cette cascade
MAPK. De plus, la durée de l’activation de ERK1/2 déterminant la spécificité du
signal transduit, le rôle de l’activation en deux temps des protéines MAPK ERK1/2
chez les hépatocytes de turbot devra être étudié.
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