Première expérimentation de compensation par l`offre : bilan et

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L'ingénierie écologique
pour les services d'approvisionnement
et socio-culturels
Première expérimentation de compensation
par l'offre : bilan et perspective
Même s'il suscite encore de nombreux débats, le principe de compensation écologique pour les dégâts
causés à la biodiversité lors de projets d’aménagements a finalement été adopté en mars dernier
dans le cadre de la loi « Biodiversité ». À travers l'exemple de la réhabilitation écologique et pastorale
du verger de Cossure en plaine de Crau, première expérimentation française de compensation
écologique par l'offre, les auteurs s'intéressent ici au bilan écologique et économique de l'opération
pour en dégager les effets positifs, mais également les dysfonctionnements et les limites.
L
a possibilité de mettre en oeuvre des réserves
d’actifs naturels pour compenser les impacts
écologiques résiduels des projets d’aménagement va être introduite en 2015 dans le projet de loi relatif à la biodiversité. Dès 2009,
une première réserve d’actifs naturels (RAN)
française, fut mise en oeuvre à titre expérimental. En 2015, plus de cinq années après sa création,
nous proposons d’en tirer les premiers enseignements en
nous intéressant aux dimensions écologiques et économiques de cette opération. Après avoir rappelé l’historique du projet, nous décrirons son fonctionnement pour
ensuite en effectuer le bilan écologique puis l’analyse
économique en nous intéressant d’une part, aux coûts
de l’opération et d’autre part, aux échanges des unités de compensation avec les maîtres d’ouvrage. Nous
concluons cet article par une analyse des espoirs et des
limites de cette opération d’offre de compensation.
Création de la première réserve d’actifs naturels
en France
Historique du projet
Le 11 mai 2009 était inaugurée sur le site de Cossure dans
la plaine de Crau (Bouches-du-Rhône), la première réserve
d’actifs naturels de France créée par la filiale Biodiversité
de la Caisse des dépôts et consignations, CDC Biodiversité
(CDC B.), sous l’égide du ministère chargé de l’écologie
(MEDDE). Cette opération avait un triple objectif :
•• réhabiliter des continuités écologiques avec la Réserve
naturelle des Coussouls de Crau (RNCC) qui lui est
adjacente ;
•• soutenir la filière ovine locale ;
•• expérimenter le premier mécanisme d’offre de compensation français.
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En France, la compensation des impacts résiduels sur
la biodiversité est une obligation légale. Dans le cas
de projets d’aménagement causant des dommages aux
espèces et aux habitats naturels faisant l’objet de protection réglementaire, le responsable des dommages
écologiques, appelé le maître d’ouvrage, a l’obligation
de mettre en œuvre des mesures compensatoires, après
avoir proposé des mesures d’évitement et de réduction
des impacts. La compensation est donc la dernière étape
de la séquence Éviter-Réduire-Compenser (ERC), relayée
au travers de la doctrine nationale ERC édictée par le
ministère de chargé de l’écologie en 2012. Les actions
compensatoires doivent représenter une contrepartie
environnementale équivalente aux impacts identifiés
par la création de « gains écologiques ». En pratique, les
maîtres d’ouvrage sont libres du choix de leurs compensations, mais les autorités administratives en charge de la
planification territoriale et du respect des règles environnementales (généralement la DREAL et la DDTM 1 pour
le Préfet de Région) émettent des avis favorables ou défavorables sur les actions compensatoires proposées par les
maîtres d’ouvrage en réponse à leurs impacts.
Devant les difficultés pour mettre en œuvre concrètement les mesures compensatoires, aussi bien au niveau
des maîtres d’ouvrage que des autorités administratives
(Regnery et al., 2013 ; Quétier et al., 2014), le ministère chargé de l’écologie a expérimenté avec un opérateur privé, CDC B., la création d’une RAN. L’objectif est
d’anticiper de futurs besoins de compensation sur une
zone déterminée en conduisant ex ante des opérations
portant une plus-value environnementale dont les coûts
1. DREAL : directions régionales de l’environnement, de l’aménagement
et du logement ; DDTM : directions départementales des territoires
et de la mer.
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 Le verger
abandonné de
Cossure en 2009.
© R. Jaunatre (UMR IMBE)
pourront être transformés en actifs naturels, c’est-à-dire
en unités de compensation potentiellement revendables
à des aménageurs devant compenser. Ce type de dispositif a plusieurs intérêts : il permet de créer un gain
écologique avant l’aménagement (pour éviter la période
de latence des actions ex post), il permet également de
mutualiser les obligations de compensation de plusieurs
petits projets d’aménagement en une seule grande opération de compensation gérée par une structure spécialisée et, enfin, il mobilise des ressources privées additionnelles aux budgets de la nation dévolus à l’action
environnementale.
La création des gains écologiques de la RAN
par les actions de réhabilitation écologique
Les actions de réhabilitation écologique ont été menées
sur 357 ha d’un verger abandonné en 2005 (photo ).
Les objectifs de ces actions ont notamment été la réhabilitation d’une pelouse sèche méditerranéenne favorable
à la nidification d’une avifaune steppique protégée et
emblématique de la Réserve naturelle des Coussouls 2
de Crau (RNCC), voisine du site. L’objectif n’était donc
pas de restaurer sensu stricto (Benayas et al., 2009) l’intégrité de l’écosystème steppique qui préexistait avant
la mise en place du verger dans les années 1990, mais
la réhabilitation d’une fonction de l’écosystème qui est
ici sa capacité d’accueil des oiseaux steppiques (ganga
cata, œdicnème criard, outarde canepetière, alouette
calandre, etc.) et d’une fonction socio-territoriale à travers l’élevage ovin traditionnel mené en Crau depuis
plusieurs millénaires.
Les travaux ont débuté en 2009 par l’arrachage et
le broyage de plus de 200 000 arbres fruitiers et de
100 000 peupliers utilisés comme brise-vent (soit 55 km
linéaires cumulés de haie). Plus de 1 000 km de tuyaux
d’irrigation goutte-à-goutte ont également été retirés,
puis le site a été nivelé en vue d’aplanir le sol. En 2010,
deux bergeries ont été construites afin de favoriser l’installation de deux jeunes éleveurs avec leurs troupeaux.
Des conventions de pâturage ont alors été signées entre
les éleveurs et CDC B. avec pour principal objectif de
faire exercer une pression pastorale suffisamment importante au troupeau afin de maintenir une végétation
herbacée rase. En ce qui concerne la réhabilitation de
l’habitat pour l’avifaune steppique, aucun semis ou plantation n’a été effectué, la régénération de la végétation
est essentiellement basée sur le stock semencier présent
dans le sol ou à partir de la pluie de graines provenant
de steppes voisines.
Cette opération générale de réhabilitation s’est également accompagnée d’expérimentations portant sur la
restauration de la végétation steppique de référence (les
coussouls de Crau) et de son entomofaune associée afin
d’améliorer les connaissances et les techniques relative à
la restauration de la steppe de Crau. Ces actions ne sont
cependant pas prises en compte dans le mécanisme de
compensation (Jaunatre et al., 2014).
Les unités de compensation produites par la RAN
Par convention 3, le site de Cossure génère autant d’unités
de compensation (ou actifs naturels) que d’hectares sur
lesquels l’opération de compensation a été menée, soit
357 unités. Ainsi, une fois les gains écologiques de la
RAN validés par les autorités administratives, CDC B. a
pu vendre des unités de compensation à des aménageurs
responsables de dommages écologiques par ailleurs.
Ces derniers délèguent alors la réalisation de leurs compensations à l’opérateur mais ils en restent responsables
2. Coussouls : du latin « cursorium », l’espace que l’on traverse,
que l’on foule du pied. Les coussouls sont un espace de parcours ovin
attesté depuis la période antique.
3. Les actifs naturels restant des outils financiers dématérialisés.
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bilan et perspective
 Le verger
abandonné de Cossure
en 2012, trois ans
après les travaux
de réhabilitation
d’une végétation
herbacée rase.
© R. Jaunatre (UMR IMBE)
juridiquement. D’après les conventions 4 qui encadrent
le dispositif expérimental de compensation par l’offre,
pour pouvoir bénéficier des compensations de la RAN de
Cossure, les projets d’aménagement doivent :
•• impacter des habitats et/ou des espèces identiques à
ceux du site de Cossure (essentiellement des formations
végétales herbacées sèches méditerranéennes et leur cortège d’oiseaux steppiques) ;
•• impacter des habitats et/ou des espèces présents sur le
site de Cossure au moment de l’instruction du projet, ou
dont le retour à brève échéance est assuré ;
•• impacter des habitats et/ou des espèces sur des sites
suffisamment connectés écologiquement avec le site de
Cossure pour assurer l’efficacité du maintien de l’état de
conservation des populations d’espèces impactées.
Une unité ne peut être vendue qu’une fois, et sa valeur est
fixée par CDC B. Le nombre d’unités de compensation
qu’un maître d’ouvrage doit acheter à CDC B. dépend
d’un ratio compensatoire (nombre d’hectares à compenser par rapport au nombre d’hectares impactés) évalué au
cas par cas par les services déconcentrés de l’État, selon
l’impact de son projet sur les milieux naturels.
Enfin, les mesures de gestion et de suivi des unités de
compensations de la RAN de Cossure doivent être
assurées pendant trente ans par CDC B. Les superficies
n’ayant pas fait l’objet d’échanges d’actifs naturels en
2016 ne seront plus, formellement, soumis à un engagement de continuité des résultats écologiques de la part
de CDC B. (la convention arrivera alors à échéance),
mais une évaluation du dispositif est en cours et nous
ne pouvons présumer de la suite que l’État et la CDC B.
souhaiteront lui donner.
Quels enseignements tirer cinq ans après ?
Le bilan écologique
Depuis 2008, année du diagnostic de l’état initial avant
réhabilitation du verger abandonné en 2005, divers suivis écologiques ont été réalisés concernant les caractéristiques physico-chimiques du sol, la végétation, le retour
de l’avifaune et des insectes (coléoptères et orthoptères)
typiques de la végétation steppique, et des fourmis
moissonneuses (Messor barbarus L.).Les résultats obtenus sont toujours comparés à la steppe de référence qui
entoure encore le site et à une situation sans action de
réhabilitation. Cependant, faute de pouvoir conserver un
témoin sans destruction des arbres (à cause du risque de
transmission aux vergers en exploitation du virus de la
Sharka), seule une zone où les buttes n’ont pas été nivelées (témoin non pâturé) a pu être conservée et comparée
avec la zone réhabilitée.
Les résultats des suivis écologiques montrent que la
réhabilitation a bien permis la création d’une formation végétale herbacée (photo ) attestée par le retour
rapide (en composition, richesse spécifique et densité)
de toutes les espèces de sauterelles et de criquets les plus
communes de la végétation steppique. Les orthoptères
ont été de bons indicateurs précoces de la constitution
d’une végétation herbacée contrairement aux coléoptères, plus inféodés à la composition spécifique de la
steppe. Les impacts de la réhabilitation sur l’ensemble
des paramètres mesurés pour caractériser les communautés végétales restent cependant encore très variables
selon l’année considérée (tableau ).
En effet, de nombreuses espèces relictuelles de l’ancienne phase d’exploitation et d’abandon du verger
(bromes, avoines, chardons, etc.) se sont maintenues
4. Deux conventions ont été signées en 2010 entre CDC B. et le ministère chargé de l’écologie afin de préciser les règles du dispositif, mais celles-ci
restent assez générales et laissent à l’opérateur une importante flexibilité dans les échanges d’unités de compensation (Calvet et al., 2015).
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du fait de la persistance d’un niveau de fertilité (P2O5,
K2O, etc.) plus fort dans les zones réhabilitées que
dans la steppe de référence (Jaunatre et al., 2014). La
conjonction avec des printemps humides (2010, 2011,
2013) a ainsi entraîné une forte productivité des espèces
annuelles spontanées qui n’a pu être maîtrisée par les
systèmes de pâturage mis en place, comme l’atteste une
hauteur relativement importante de la végétation. Au
niveau de l’avifaune, les oiseaux emblématiques sont
très rapidement venus réoccuper le site notamment les
outardes canepetières, oedicnèmes criards et gangas
catas mais leurs effectifs n’ont cependant pas augmenté
régulièrement depuis 2009, peut être en rapport avec les
variations climatiques, ayant elles-mêmes entraîné des
variations des pratiques pastorales et in fine de la hauteur
de végétation (tableau ).
Le pastoralisme constitue un enjeu majeur dans la gestion
conservatoire du site puisqu’il permet de maintenir un
état herbacé ras de la végétation spontanée, condition
nécessaire au retour de l’avifaune visée. Cependant, en
raison de contraintes technico-économiques, les éleveurs
n’ont pu faire exercer une pression pastorale suffisante à
leurs troupeaux. Concernant les fourmis, une recolonisation naturelle a bien été mesurée à partir des bordures du
site réhabilité avec la steppe voisine.
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Le prix de l’unité de compensation, et donc de l’actif
naturel de Cossure, est fixé par CDC B. en fonction de
ses coûts d’opérationnalisation et d'acquisition du foncier. Le prix d’une unité de compensation a ainsi évolué
depuis 2010 de 37 406 à 41 381 euros HT (tableau ).
Dans le cadre de l’expérimentation, CDC B. a proposé
des unités de compensation à la vente dès 2010 après
avoir sécurisé le foncier et réalisé les travaux de réhabilitation écologique. Les premières ventes ont concerné des
projets d’aménagement qui avaient déjà fait l’objet d’une
autorisation mais dont les compensations n’avaient pas
encore été réalisées. La première vente d’unités de Cossure (44,11 unités soit 44,11 ha) a été réalisée en 2010
pour une plateforme logistique autorisée en 2007 à
proximité du site. Trois autres ventes ont été réalisées
 Répartition des proportions des coûts de la RAN selon les postes principaux.
Le bilan économique
Le budget total alloué à la mise en place de la RAN de
Cossure est de l’ordre de 12,5 millions d’euros répartis
en trois postes principaux (figure ) : l’achat du site, les
travaux de réhabilitation, la gestion et le suivi du site.
 Évolution entre 2010 et 2014 de différents paramètres mesurés dans le cadre de la réhabilitation de l’ancien verger de Cossure
(plaine de La Crau, Bouches-du-Rhône).
Années
Charge pastorale
(brebis/journée/
ha)/357 ha
Hauteur moyenne
de la végétation (cm)
Richesse spécifique
moyenne
de la végétation (4 m2)
Richesse spécifique
moyenne
en orthoptères (80 m2)
Nombre total
d’outardes/357 ha
Nombre total
d’oedicnèmes/357 ha
Nombre total
de Gangas/357 ha
2010
399
30
19
10
39
16
10
2011
618
32
14
7
59
8
11
2012
617
9
16
7
41
9
3
2013
690
28
26
12
38
13
5
2014
841
15
11
26
7
2
 Bilan entre 2010 et 2014 des échanges d’unités de compensation de la RAN de Cossure (source : CDC Biodiversité).
Type de projet
Date du projet
Date échange
Nombre d’unités
de biodiversité acheté
Prix unitaire HT
en euros
Critères d’équivalence
Plateforme logistique
1999
2010
44,11
37 406
Biotopes et habitats d’espèces protégées
au titre de Natura 2000
Plateforme logistique
2011
2011
29,4
37 406
Habitats d’espèces protégées, notamment
outarde canepetière et lézard ocellé
Rupture pipeline
2009
2012
10
39 687
Habitat steppique
Plateforme logistique
2013
2013
15
39 887
Habitats d’espèces protégées, notamment
outarde canepetière et alouette calandre
Plateforme logistique
2013
2013
57
41 381
Habitats d’espèces protégées, notamment
outarde canepetière et lézard ocellé
Total : 155,51 ha/357 ha
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entre 2011 et 2012, également pour des plateformes
logistiques. La cinquième vente d’unités a compensé le
dérangement des outardes canepetières occasionné pendant les travaux de dépollution de la RNCC suite à la rupture accidentelle d’un pipeline d’hydrocarbures en 2009.
Tous ces projets de compensation ont permis la vente
au total de 155,51 unités de Cossure (équivalents hectares), ce qui représente 44 % du total des actifs de compensation à vendre par l’opérateur de la RAN (357 ha)
(tableau ). Le total des ventes d’unités de Cossure dans
le cadre des compensations représente pour CDC B. un
produit de 6 103 607,06 euros HT, c’est-à-dire un retour
sur investissement d’environ 49 %.
La fréquence et le nombre d’unités de compensation
vendus par CDC B. ne sont pas aussi importants qu’initialement prévus au lancement de l’opération. Un plan
de financement établi en collaboration avec la DREAL
Provence-Alpes-Côte d’Azur prévoyait en effet la vente
de plus de la moitié des actifs de Cossure dès 2011,
avec seulement trois projets d’aménagement. Un certain nombre d’éléments explique cette différence :
tout d’abord, les projets de développement suivent les
conjonctures économiques et peuvent être abandonnés
selon les contraintes des maîtres d’ouvrage. Ensuite, le
dispositif réglementaire témoigne d’un certain nombre
de fragilités, que nous ne détaillerons pas dans cet article
(le lecteur intéressé peut se reporter à Calvet et al., 2015),
qui conduisent à des arrangements négociés entre les
acteurs du système 5 aboutissant à moins de ventes d’unités que prévues.
D’un point de vue institutionnel, des fonds privés ont permis la conduite d’une expérimentation à grande échelle
qui n’aurait pu être réalisée avec les seuls concours budgétaires de l’État et des collectivités locales. En 2016,
une évaluation de cette opération par le MEDDE devrait
également permettre à ce système de banques d’actifs
d’évoluer. Comment mieux organiser l’arbitrage entre
des vocations alternatives des milieux pouvant avoir chacune leur légitimité politique et sociale (l’environnement
versus le développement économique) ? Comment gérer
les temporalités économiques et écologiques qui sont
fondamentalement différentes ? Comment pérenniser les
gains écologiques à long terme, une fois que les décisions sont prises ? Comment organiser l’exclusion des
écosystèmes qui ne peuvent être restaurés, d'un dispositif
de compensation reposant sur l'obligation de garantir
aucune perte nette de biodiversité ?
Autant de questions importantes qui rappellent que le
dispositif de compensation est encore perfectible et que
son efficience environnementale dépend des améliorations qui seront consenties par les parties prenantes. Les
conclusions de cette analyse soulignent également que la
conservation et la protection des habitats d’espèces protégées ne peuvent uniquement reposer sur des actions de
réhabilitation des écosystèmes. Les phases d’évitement
et de réduction des impacts sur la biodiversité devraient
donc être appliquées consciencieusement, et certains
espaces naturels devraient définitivement être exclus de
toute possibilité de destruction. 
Conclusion
Ce premier bilan de l’opération Cossure met en évidence
des espoirs comme le retour rapide des oiseaux steppiques
après la réhabilitation du verger, mais aussi des limites
concernant la conduite d’actions de réhabilitation menées
dans le cadre d’un dispositif d’offre de compensation.
D’un point de vue opérationnel, en l’état actuel des
connaissances scientifiques, il est difficile de pouvoir
prédire les résultats écologiques des actions de réhabilitation et le cas échéant, le temps nécessaire pour obtenir
ces résultats de manière pérenne. Concernant le retour
de l’avifaune steppique, principal objectif de l’opération,
il apparaît fortement dépendant de la gestion pastorale
du site. Ce paramètre constitue maintenant la clé de l’obtention de résultats écologiques pérennes, suite à la réhabilitation. Enfin, même si la réhabilitation de l’habitat
a bien permis le retour rapide de certaines populations
d’oiseaux steppiques, il reste encore difficile de mesurer
un effet significatif de cette réhabilitation sur les effectifs
de ces populations à l’échelle de la plaine de Crau.
Les auteurs
Thierry DUTOIT, Renaud JAUNATRE, Jean-François ALIGNAN,
Adeline BULOT et Élise BUISSON
UMR IMBE CNRS-IRD, Avignon Université, Aix-Marseille Université
Site Agroparc – BP 61207 – F-84911 Avignon Cedex 09 – France
 [email protected]
Coralie CALVET
UMR IMBE CNRS-IRD, Avignon Université, Aix-Marseille Université
Site Agroparc – BP 61207 – 84911 Avignon Cedex 09 – France
UR INRA Écodéveloppement
Domaine Saint-Paul – Site Agroparc – 228 route de l’Aérodrome
CS 4050 – F-84914 Avignon Cedex 09 – France
Axel WOLFF et Fanny SAUGUET
Réserve naturelle des Coussouls de Crau Maison de la Crau
2 Place Léon Michaud – F-13310 Saint-Martin-de-Crau – France
Jean-François DEBRAS
UR INRA Plantes et Systèmes Horticoles
Domaine Saint-Paul – Site Agroparc – 228 route de l’Aérodrome
CS4050 – F-84914 Avignon Cedex 09 – France
5. D’une part, un aménageur compare, naturellement, le coût
d’une unité sur Cossure et le coût d’acquisition d’un hectare de
Coussoul, ailleurs (cinq fois moindre) ; d’autre part,
le régulateur (ici, le préfet de région) a en charge, en même
temps, l’action de l’État sur l’environnement et le développement
économique. Dans les pays où ce genre de dispositif fonctionne
mieux, une autorité indépendante (uniquement dévolue
à la régulation des opérations de compensation) est à même
d’imposer un type de mesure pour compenser des impacts.
:::::::::::::: Sciences Eaux & Territoires n°16 – 2015
Erick PROVOST
UMR IMBE CNRS-IRD, Avignon Université, Aix-Marseille Université
Bâtiment Villemin – Europole de l’Arbois – BP 80
F-13545 Aix-en-Provence Cedex 04 – France
Claude NAPOLÉONE
UR INRA Écodéveloppement
Domaine Saint-Paul – Site Agroparc 228 route de l’Aérodrome
CS4050 – F-84914 Avignon Cedex 09 – France
En savoir plus...
BENAYAS, J.M.R., NEWTON, A.C., DIAZ, A., BULLOCK, J.M., 2009, New Enhancement of Biodiversity and Ecosystem
Services by Ecological Restoration: A Meta-Analysis, Science, n° 325, p. 1121-1124.
CALVET, C., LEVREL, H., NAPOLEONE, C., DUTOIT, T., 2015, La réserve d’actifs naturels. Une nouvelle forme
d’organisation pour la préservation de la biodiversité en France ? p. 139-146, in : Restaurer la nature pour atténuer les
impacts de notre développement. Analyse des mesures compensatoires pour la biodiversité LEVREL, H., FRASCARIA., N.,
HAY, J., MARTIN, G., PIOCH, S., Quae, Paris, 311 p.
JAUNATRE, R., BUISSON, E., DUTOIT, T., 2014, Can ecological engineering restore Mediterranean rangeland after
intensive cultivation? A large-scale experiment in southern France, Ecological Engineering, n° 64, p. 202-212.
QUETIER, F., REGNERY B. LEVREL, H., 2014, No net loss of biodiversity or paper offsets? A critical review of the French
no net loss policy, Environmental Science and Policy, n° 38, p. 120-131.
REGNERY, B., QUETIER, F., COZANNET, N., GAUCHERAND, S., LAROCHE, A., BURYLO, M., COUVET, D., KERBIRIOU, C.,
2012, Mesures compensatoires pour la biodiversité : comment améliorer les dossiers environnementaux et la
gouvernance, [en ligne], Sciences Eaux & Territoires, 8 p., disponible sur : http://www.set-revue.fr/mesurescompensatoires-pour-la-biodiversite-comment-ameliorer-les-dossiers-environnementaux-et-la-go
Remerciements
Les Coussouls, des pelouses steppiques typiques de la Plaine de Crau.
© Thomas Launois - Fotolia.com
Les auteurs remercient le CNRS (programme
Ingecotech de son institut « Écologie et
environnement »), la région ProvenceAlpes-Côte d’Azur, la structure fédérative
de recherche Tersys, le conservatoire
des espaces naturels PACA, la chambre
d’agriculture des Bouches du Rhône et CDC
Biodiversité pour leur aide respective
à la réalisation des recherches sur ce sujet.
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