Bien gérer le parasitisme Bovins, ovins, caprins Parasitisme : ayez un regard critique et averti de vos pratiques Q uelques soient les systèmes d'élevage, les enjeux de la maîtrise du parasitisme sont les mêmes : assurer une bonne santé et des performances optimales des animaux de rente, gages de leur longévité et de leur rentabilité. Les incidences du parasitisme dépendent directement de pratiques d'élevage que vous mettez en œuvre : alimentation, pâturage, moyens curatifs et préventifs. Les traitements systématiques, au mieux inutiles au pire néfastes, ne sont plus à l'ordre du jour Le choix de traiter ou non un animal se fait après avoir répondu à certaines questions : - Quel est le devenir de l'animal ? En effet, la stratégie antiparasitaire ne sera pas la même s 'il s'agit d'un animal à cycle court ou destiné au renouvellement, - Contre quel parasite dois-je lutter ? - Ai-je mis tous les moyens préventifs en œuvre ? - Quel moyen curatif choisir et quand traiter efficacement mes animaux? Ces fiches parasitisme ont pour objectif de vous donner les premières clefs de compréhension du parasitisme en élevage afin que vous ayez un regard critique et averti sur vos pratiques. Parasitisme : notions importantes L’excrétion Les éléments biologiques des différents parasites (œufs des strongles gastro-intestinaux, de grande douve ou les ookystes de coccidies…) sont excrétés dans les bouses des bovins et les crottes des moutons. La contamination La contamination, c'est la dissémination dans le milieu extérieur. Les larves infestantes des strongles, de la grande douve et des paramphistomes contaminent l'herbe des prairies en se concentrant à la base des brins d'herbe, à une hauteur en générale inférieure à 5 cm. Ceux des coccidies se retrouvent sur les murs des bâtiments, les râteliers, le sol, la paille et le foin souillés. L’infestation Les parasites ingérés avec l'herbe se retrouvent, en fonction de leur nature, dans l'estomac, le foie, les poumons… de l'animal. Certaines larves peuvent s'enkyster dans le courant de l'automne et deviennent beaucoup moins sensibles au traitement antiparasitaire. Un niveau d'excrétion ne traduit en rien le niveau d'infestation d'un animal Pour un même niveau d'infestation, un animal excrétera beaucoup plus après un épisode stressant (mise bas pour les femelles, chaleurs, sevrage pour les jeunes…). C'est pour cette raison qu'il est illusoire de commenter le niveau d'excrétion à partir des résultats d'une coproscopie. Les diagnostics Les diagnostics sont à réaliser à partir du mois de septembre. Les prélèvements devront être faits de préférence sur des animaux de première année d'herbe. Les coprologies (individuelles) peuvent être faites à partir de prélèvements réalisés sur 5 animaux. Une sérologie sur le mélange de sang de 5 animaux est possible afin de limiter les coûts d'analyse. Il est essentiel de vérifier auprès de votre laboratoire départemental que les méthodes utilisées correspondent bien à celles précisées ci-dessous. Le Laboratoire Départemental Vétérinaire de l'Ariège a ce savoir-faire. Pour les bovins, ovins et caprins : Les diagnostics permettent de savoir si les animaux ont été infestés par des parasites et de les identifier. Grâce à ces outils, on sait si un traitement est nécessaire ou non et l’on peut cibler le produit antiparasitaire à utiliser. Parasite recherchés Types de prélèvement Types d’analyse Strongles digestifs Paramphistomes Calamel-Soulé Coproscopies Strongles pulmonaires Baermann Coproscopies Grande douve Sérologie Elisa Pourquier Sérologies Coccidies Coproscopies, faire préciser les espèces de coccidies Une coprologie est le reflet de l’excrétion parasitaire, pas de l’infestation ! Le nombre d'œufs identifiés dans les bouses n'est pas révélateur du niveau de l'infestation parasitaire, il permet juste de connaître la nature de cette infestation. 2 L’immunité contre les parasites Qu’est-ce que l’immunité ? L'immunité est le mécanisme de défense de l'animal qui se met en place quand ce dernier est en contact avec des parasites (internes ou externes), lors du pâturage ou à l'intérieur des bâtiments d'élevage. Comment l’immunité se met-elle en place ? Pour que les mécanismes immunitaires se mettent en place, il est indispensable que l'animal rentre en contact avec le parasite : on parle alors d'immunité de contact. Cette immunité peut se faire très rapidement, comme pour le cas des strongles pulmonaires chez les bovins, ou peut demander plusieurs semaines dans le cas des strongles digestifs. Pour que cette immunité soit efficace, elle devra se faire le plus tôt possible dans la saison et avec des niveaux d'infestation assez faibles. Cette immunité sera entretenue grâce à des réinfestations régulières et de faible niveau. L'immunité peut se mettre en place sur des animaux jeunes, dès leur première année de pâturage. L'instauration de cette l'immunité sur des animaux jeunes sera d'autant plus intéressante qu'elle limitera leur excrétion et donc la contamination des prairies. En gardant les femelles de renouvellement en bâtiment jusqu'à la mise bas, puis en les mélangeant avec les autres adultes au moment de la mise à l'herbe, vous risquez de les mettre en difficulté. En effet, elles devront simultanément finir leur croissance, assurer leur premier allaitement, faire face à la concurrence des adultes tout en gérant une première infestation parasitaire sans avoir été au préalable immunisées, le résultat peut être grave de conséquences. Une immunité peut être remise en cause par des traitements mal positionnés Tout emploi d'antiparasitaire annule les effets de l'immunité. C'est pour cette raison que chaque traitement doit être raisonné en fonction des objectifs pour chaque catégorie d'animaux et de la gestion des pâtures à venir. Moyens préventifs La connaissance de l’évolution des parasites La connaissance de l’évolution des parasites permet de connaître les périodes d'infestation potentiellement forte par les parasites et de gérer les zones à risques : par exemple, il faut empêcher les animaux d'accéder aux zones humides où une infestation par la grande douve ou les paramphistomes est possible. Dans les bâtiments La désinfection à l'eau bouillante haute pression avant la rentrée des animaux est efficace contre les coccidies. 3 La gestion du pâturage - Constituez des lots d'animaux de même catégorie (lot de mères seules, lot de génisses, lot de vaches suitées) permet de gérer le pâturage en fonction de leur sensibilité respective face aux parasites, - Utiliser des parcelles " saines " (après une fauche) pour certaines catégories d'animaux peut se justifier, mais en pâturant uniquement ce genre de parcelles, les animaux n'auront pas l'occasion de mettre en place leur immunité, - Gérez de façon rigoureuse le pâturage : sortie des animaux des parcelles quand l'herbe atteint 5 cm de hauteur et pâturage tournant permettent de limiter le niveau Hauteur d'herbe à 5 cm : l'herbe d'infestation des animaux. Attention, la gestion extensive des pâturages avec de arrive au niveau du talon de la grands parcs est favorable à l'infestation des animaux qui auront tendance à surpâbotte, il faut sortir les animaux de la turer les mêmes endroits, parcelle pour éviter le surpâturage. - Complémentez au pâturage quand l'herbe devient moins disponible. Cela permet de diminuer l'ingestion des larves infestantes, -Le pâturage hivernal n'aura pas d'incidence sur le recyclage des parasites car il n'y aura pas d'évolution en éléments infestants à cette période de l'année. D’une façon générale : - Evitez le surpâturage qui engendre des niveaux d'infestation trop élevé, l’animal est alors submergé par les parasites et ne peut pas y faire face, - Favorisez une mise en contact prolongée et de faible intensité entre l'animal et les parasites débouchant sur une immunité efficace de l'animal. Les produits de phytothérapie Certains d'entre eux ont prouvé scientifiquement leur efficacité contre certains parasites (coccidies pour les veaux et les agneaux, et ténia pour les agneaux). En conclusion M ieux gérer le parasitisme en limitant les traitements curatifs est devenu incontournable à bien des égards : - d'un point de vue économique, en réduisant le coût des intrants médicamenteux, - d'un point de vue environnemental, en diminuant l'impact des produits et leur persistance dans l'environnement, - d'un point de vue pratique, en limitant les problèmes de résistance aux molécules actuellement employées, et la manipulation / contention des animaux, - et enfin d'un point de vue sociétal, en répondant aux préoccupations croissantes du consommateur soucieux de l'impact de sa nourriture sur sa santé. Réalisé par Stéphanie Raffoux, technicienne Fourrages, Chambre d’Agriculture de l’Ariège, d’après la formation “Gestion du parasitisme” réalisée par Christian Mage, consultant en santé animale en 2007. Mise en page : service communication Chambre d’agriculture de l’Ariège. Crédit Photo : S. Raffoux. Pour tout renseignement, contactez la Chambre d’Agriculture ou votre vétérinaire 4 Fiche parasitisme Bovins Les strongles digestifs Caractéristiques et périodes de contamination Le principal strongle digestif pour les bovins est celui de la caillette : Ostertagia. La contamination maximale des prairies a lieu en septembre, quel que soit le climat (elle est plus importante si le printemps et le début de l'été ont été pluvieux). Les larves de strongles digestifs se trouvent à la base de la tige des brins d'herbe. Par conséquent, le niveau d'infestation des animaux augmente de façon significative en cas de surpâturage. Diagnostic La coproscopie permet de déterminer la nature de l'infestation, sans connaître le niveau d'infestation de l'animal. Une sérologie, avec dosage du pepsinogéne, permet de connaître le niveau d'infestation. Stratégies de lutte Une bonne gestion de la ressource herbagère est un moyen de prévention intéressant, ainsi que l'affouragement au pré quand la hauteur d'herbe devient limitante. Le contact répété avec les strongles digestifs et à faible dose permet une mise en place intéressante de l'immunité Conséquences des infestations (immunité de contact). Si les animaux jeunes ne pâturent Question d'éleveur : que des parcelles " saines " (après Les larves d'Oestertagia migrent très un ensilage ou une coupe de foin), rapidement dans la muqueuse de la " La mise à l’herbe est-elle une bonne l'immunité ne pourra pas se mettre caillette (en 4 à 6 jours en septem - période pour traiter contre les strongles en place, puisqu'il n'y aura pas eu de bre), ce qui a pour conséquences : digestifs ? " contact entre les animaux et les un poil piqué, des diarrhées, une parasites. Réponse : Ce traitement avant la mise à diminution de la croissance. A l'approche des premiers froids, les l'herbe est inutile car les animaux n'ont pas L'immunité se traduit par une diminution du nombre d'œufs excrétés larves infestantes de la muqueuse se eu encore le temps d'être en contact avec dans les bouses et limite donc la mettent en hypobiose, et sont dès les parasites. De plus, le printemps, du fait de la disponibilité en herbe, est une période contamination des parcelles. lors beaucoup moins sensibles aux à faible risque d'infestation. A noter que des animaux en preantiparasitaires, sans être gênantes mière année d'herbe, donc non immupour les bovins. Ces larves en vie ralentie se réveilleront au printemps (mars/avril) pour donner une nouvelle géné- nisés, sont de grands excréteurs. ration de larves infestantes. Les strongles pulmonaires Caractéristiques et cycle Le dictyocaule est un parasite de la trachée et des bronches. Les larves infestantes (que l'on trouve sur les prairies) et celles contenues dans les bouses sont sensibles au froid à partir de - 2°c. Période de contamination Au printemps, les prairies sont peu, voire pas du tout contaminées par les larves de strongles pulmonaires. Ce sont les pratiques de déprimage par les adultes qui vont contaminées les parcelles, puisqu'il y aura excrétion de larves dans les bouses. Et les jeunes animaux vont s'infester quand ils pâtureront en suivant ces mêmes parcelles. C'est ainsi que l'on remarquera des essoufflements et de la toux dans les 60 à 80 jours suivant leur mise à l'herbe. Les dictyocauloses apparaissent souvent sur des animaux adultes n'ayant pas fait leur primo-infestation. L'immunité se met en place rapidement et de façon conséquente lors de la migration des stades larvaires. Conséquences des infestations L'animal infesté présente de l'essoufflement, du mou- chage et de la toux. Des complications pulmonaires bactériennes et virales peuvent également se manifester. Il peut y avoir de la mortalité. Diagnostic Dès que des animaux toussent, une recherche des strongles pulmonaires pourra se faire grâce à une coprologie selon la méthode Baermann. Stratégies de lutte Une bonne stratégie de lutte est de favoriser l'infestation naturelle des jeunes bovins qui engendrera la mise en place de leur immunité. Pour une lutte curative, il faudra appliquer les programmes de traitement classique contre les strongles gastrointestinaux. Fiche parasitisme Bovins Les coccidies Caractéristiques et cycle Seules deux espèces de coccidies (sur douze) sont pathogènes pour les jeunes bovins : - Eimeria bovis, - Eimeria zuernii. L'infestation des jeunes bovins se fait à la suite d'ingestion d'ookystes de coccidies (œufs) par léchage de la paille, des murs, autour des auges, avec les mamelles souillées. Puis les jeunes animaux (non immunisés) deviennent à leur tour de grands excréteurs. L'immunité des animaux se met normalement en place après l'âge de 4 mois. Période de contamination Avant 20 jours d'âge, il n'y a pas d'excrétion d'oocystes de coccidies, par contre, les animaux sont déjà infestés. Le pic d'excrétion se situe entre 20 et 42 jours d'âge. Des écarts de températures, des changements d'alimentation, un stress, peuvent être des facteurs déclenchant de la maladie. Conséquences des infestations Les cas cliniques se traduisent par des diarrhées noirâtres ou hémorragiques pouvant entraîner la mort. Des efforts expulsifs peuvent également être observés. Ces signes cliniques ne concernent qu'un nombre limité d'animaux dans un troupeau. Cependant, pratiquement tous les jeunes sont infestés par des coccidies et les signes subcliniques (qui alertent moins l'éleveur) peuvent se traduirent par des retards de croissance significatifs. Diagnostic La coproscopie est un moyen efficace, mais il faut bien faire la distinction entre les espèces pathogènes et les non pathogènes. Stratégie de lutte préventive Le nettoyage des bâtiments à l'eau bouillante à haute pression est une bonne solution préventive. Les ookystes, dans le milieu extérieur, ne sont détruits qu'à des températures supérieurs à 100°C. Fiche parasitisme Bovins La grande douve Caractéristiques et cycle Les coprologies sont moins pertinentes dans le cas de la grande douve car c'est une mauvaise " pondeuse " et ses œufs peuvent être confondus avec ceux des paramphistomes. La grande douve (Fasciola hepatica) est un parasite des canaux biliaires du foie dont l'adulte se nourrit de sang. Stratégies de lutte Les animaux infestés excrètent des œufs de grande douve dans leurs bouses. Questions d’éleveurs La particularité du cycle de la grande Elle peut être douve est d'avoir un escargot aquatique “ Est-il nécesaire de traiter des avant tout pré(la limnée tronquée) comme hôte inter- animaux à cycle court (brou- ventive en clôtards, repousse) contre la médiaire. Après évolution dans l'escar- grande douve ?” turant les got, les éléments infestants (métacercai- Réponse : Oui, car cela perendroits humires) se fixent à l'herbe dans les endroits met une bonne croissance et des lorsqu'ils humides où ils seront ingérés par les un supplément de poids au sont de dimenanimaux. sevrage sions modestes. Période de contamination Les animaux s'infestent en mangeant l'herbe où se trouvent les métacercaires, surtout en été et à l'automne. Attention, lors de périodes sèches, les bovins se concentrent dans les zones humides où ils ingèrent d'autant plus d'éléments infestants. Conséquences des infestations “Faut-il traiter les bovins contre la petite douve ? “ Réponse : Non, pas systématiquement. Le traitement s’effectue seulement sur les animaux en mauvais état pour lesquels les traitements contre les autres parasites (strongles, grande douve) n’ont pas apporté d’amélioration. Un tel traitement doit s’envisager après avoir fait un diagnostic parasitaire précis. Généralement, il n'y aura pas de signes cliniques chez les bovins, à l'inverse des agneaux. Cependant, l'infestation répétée de grande douve aura des répercutions importantes sur les bovins : diminution de la qualité du colostrum et du taux protéique , retard de croissance, augmentation de la durée d'engraissement, augmentation des intervalles vêlage-vêlage. La présence de la grande douve est également un facteur favorable à la paratuberculose. Diagnostic L'aménagement de pompe à museau permet de diminuer les risques d'infestation. Le drainage favorise l'assainissement des parcelles à risque. Pour les actions curatives, il existe deux types de molécules : - celles agissant uniquement sur les adultes, - celles ayant une action sur les larves et les adultes. Si la sérologie est positive, un premier traitement, avec un produit larvicide et adulticide, pourra se faire dès le mois d'octobre, puis il sera renouvelé au moment de la rentrée en étable. En faisant ce programme de traitement deux années de suite, le niveau de l'infestation devrait être maîtrisé. Dès lors on pourra espacer les traitements et les faire une année sur deux. Le diagnostic se fait par sérologie. Afin de limiter les coûts, un mélange de 5 prises de sang est possible. Les paramphistomes Les paramphistomes sont des parasites du rumen. Ils ont un milieu de vie et un cycle similaires à ceux de la grande douve, avec la limnée comme hôte intermédiaire. Les traitements répétés contre la grande douve ont naturellement sélectionné les paramphistomes quand ils étaient présents dans le milieu (les posologies efficaces contre la grande douve ne le sont pas contre les paramphistomes). Les traitements préventifs à mettre en œuvre sont identiques à ceux de la grande douve. En curatif, une seule molécule (l'oxyclozanide) est active contre ce parasite. Question d'éleveur : " Je traite contre la grande douve tous les ans. Ces traitements sont-ils aussi efficaces contre les paramphistomes ? " Réponse : " Les posologies efficaces contre la grande douve ne le sont pas contre les paramphistomes. De plus, les traitements répétés contre la grande douve ont naturellement sélectionné les paramphistomes quand ils étaient présents dans le milieu. "