Sébastien Houde Adaptation d’un modèle d’équilibre général calculable aux politiques pour lutter contre les changements climatiques Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l ’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en économique pour l’obtention du grade de Maîtrise (M.A.) Département d’économique Faculté des sciences sociales Université Laval Québec © Sébastien Houde, 2005 2005 Economy is the basis of society. When The economy is stable, society develops. The ideal economy combines the spiritual and materials, and the best commodities to trade in are sincerity and love. -Morihei Ueshiba Remerciements Ce travail de recherche a été rendu possible grâce au financement du groupe de recherche en économie de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles (GREEN) et du Ministère de l’Environnement du Québec. Je remercie Louise et Normand qui m’ont toujours apporté un soutien moral et financier durant mes études. Je remercie mon directeur de recherche, Michel Roland, d’abord pour m’avoir initié à la recherche et aussi pour m’avoir suivi et aidé dans toutes les étapes du cheminement du mémoire. Je remercie mon co-directeur de recherche, Bernard Decaluwé, pour avoir partagé sa connaissance des modèles d’équilibre général calculables et sa connaissance de la science économique en général. Je remercie aussi Nabil Annabi pour m’avoir aidé à solutionner de nombreux problèmes techniques et des problèmes de programmation avec le logiciel GAMS. Je remercie spécialement Sandra et Louise pour m’avoir aidé à la correction du mémoire. Je dédie ce mémoire à ceux et celles sur la voie de l’harmonie et particulièrement à AnneMarie, témoin et complice de toutes les heures que j’ai passées à travailler sur ce projet; une source infinie d’enthousiasme, d’humour et surtout d’amour. Résumé Nous adaptons un modèle d’équilibre général calculable (MEGC) de l’économie canadienne à l’étude des politiques pour lutter contre les changements climatiques. Bien que le modèle adapté puisse servir à simuler plusieurs types de politiques, nous nous concentrons sur les systèmes de permis échangeables (SPÉ). Nous introduisons ainsi un SPÉ et les caractéristiques ayant une influence sur l’estimation de l’ampleur et la répartition de son fardeau. Ces caractéristiques sont la sphère énergétique de l’économie, les émissions de gaz à effets de serre anthropogéniques, le format du SPÉ et les ajustements des agents aux politiques. Pour chaque caractéristique, nous relevons de la littérature différentes approches pour les introduire dans un MEGC. Nous proposons ensuite une approche et nous la simulons. Nous concluons que, pour adapter un MEGC aux changements climatiques, les quatre caractéristiques sont importantes à considérer, car elles ont une grande incidence sur l’ampleur et la répartition du fardeau du SPÉ. V Table des matières Introduction …………………………………………………………………….. p.1 Chapitre 2 Une matrice de comptabilité sociale et un MEGC de l’économie canadienne ……………..………………………..p.5 2.1 Fondements théoriques des MEGC …………………………………………… p.5 2.2 Une matrice de comptabilité sociale canadienne …………………………….. p.6 2.2.1 La MCS bi-régionale agrégée du Ministère des Finances du Québec …………………………….. p.6 2.2.2 Notre MCS canadienne ……………………………………………. p.8 2.3 La structure d’un MEGC de base canadien: EXTER-C ……………………… 2.3.1 Le bloc de la production ……………………………………………. 2.3.2 Le bloc du revenu et de l’épargne ………………………………….. 2.3.3 Le bloc de la demande …………………………………………….... 2.3.4 Le bloc des prix …………………………………………………….. 2.3.5 Le bloc du commerce international ………………………………… 2.3.6 Le bloc des conditions d’équilibre …………………………………. p.10 p.10 p.12 p.15 p.16 p.18 p.19 Annexe 2.1 : Matrice de comptabilité sociale du Canada, interprétations et données réelles ……………………..……...…….. p.21 Annexe 2.2 : Variables et paramètres exogènes d’EXTER-C ………....…………. p.25 Chapitre 3 La sphère énergétique ……………………….……..………….… p.27 3.1 Revue de littérature …………………………………………………………… 3.1.1 La demande d’énergie ……………………………………………… 3.1.1.1 L’énergie et les ménages ……………………………………... 3.1.1.2 La demande d’énergie par les producteurs ………………....... 3.1.1.2.1 Les approches top-down, bottom-up et hybride ……….. 3.1.1.2.2 Structure de la production sous les approches top-down et hybride ……………………………………. p.27 p.27 p.27 p.28 p.28 p.29 VI 3.1.2 L’offre d’énergie ………………………………………………….... p.30 3.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec une sphère énergétique : le modèle ENER-J ……………………………………………… p.31 3.3 Les données …………………………………………………………………. p.35 3.3.1 Les données utilisées ………………………………………………... p.35 3.3.2 Le traitement des données ………………………………………….. p.36 Annexe 3.1 : Matrice de comptabilité sociale du Canada avec sphère énergétique, données réelles ………………………….. p.38 Chapitre 4 Les émissions de gaz à effet de serre anthropogéniques ……………………………………….. p.40 4.1 Revue de littérature …………………………………………………….……… p.40 4.1.1 Les émissions de GES en tant qu’externalité négative ………….….. p.40 4.1.2 Les émissions de GES en tant qu’input …………………………….. p.42 4.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec émissions de GES anthropogéniques : le modèle ENVIRON ……………………………….…… p.42 4.3 Les données …………………………………………………………………... p.42 Chapitre 5 Le système de permis échangeables …………………..………. p.46 5.1 Fondements théoriques du système de permis échangeables (SPÉ) ……….…. p.47 5.2 Le SPÉ dans les MEGC …………….………………..…………………….…. p.49 5.2.1 Revue de littérature …………………………..…………………..…. p.49 5.2.2 Protocole de modélisation pour introduire un SPÉ dans un MEGC: le modèle POLENVI ……………..………………. p.51 5.2.2.1 SPÉ avec allocation aux enchères …………………………..… p.51 5.2.2.2 SPÉ avec allocation gratuite des permis fonction d’un niveau de production passé (allocation des permis grand-père) …………………….……… p.54 5.3 Impacts structurels d’un SPÉ …………………………………..……….……... p.56 VII 5.3.1 Un SPÉ simple : POLENVI_1 ………………………….………...… p.56 5.3.1.1 Protocole de modélisation de POLENVI_1 …………...………. p.56 5.3.1.2 Simulation de POLENVI_1 ………………………………..….. p.56 5.3.1.2.1 Analyse du mécanisme déterminant le prix du permis ………………………………….….… p.57 5.3.1.2.2 Analyse des impacts structurels ……………………..…... p.58 5.3.2 Un SPÉ couvrant les émissions fugitives : POLENVI_2 ...….……. p.60 5.3.2.1 Protocole de modélisation de POLENVI_2 ……………....…... p.60 5.3.2.2 Simulation de POLENVI_2 ……………………………..…..… p.61 5.3.2.2.1 Analyse du mécanisme déterminant le prix du permis …………………………………...…... p.61 5.3.2.2.2 Analyse des impacts structurels …………………….…… p.61 5.3.3 Un SPÉ ne couvrant que l’industrie : POLENVI_3 ….………….….. p.62 5.3.3.1 Protocole de modélisation de POLENVI_3 ………..………….. p.62 5.3.3.2 Simulation de POLENVI_3 ………………………………...…. p.63 5.3.3.2.1 Analyse des impacts structurels ……………………..….. p.63 5.3.3.2.2 Courbe de coût marginal de dépollution du secteur industriel ……………………………….…..... p.63 5.3.4 Un SPÉ avec achats de permis internationaux : POLENVI_4 …….... p.66 5.3.4.1 Protocole de modélisation de POLENVI_4 ………………...…. p.66 5.3.4.2 Simulation de POLENVI_4 ………………………………..….. p.67 5.3.4.2.1 Ampleur du fardeau pour le gouvernement canadien .…... p.67 5.3.4.2.2 Analyse des impacts structurels ……………………….… p.68 5.4 La neutralité de la méthode d’allocation des permis : POLENVI_5 ……….…. p.69 5.4.1 Les distorsions du système fiscal ………………………………….... p.69 5.4.2 Revue de littérature ………………………………………………..... p.70 5.4.3 Protocole de modélisation de POLENVI_5 ……………..………..... p.71 5.4.4 Simulation de POLENVI_5 ………………………………………... p.72 5.5 Conclusion ……………………………………………………………...…….. p.74 Annexe 5.1 Une sélection des résultats de POLENVI ……………………………. p.76 VIII Chapitre 6 Les ajustements des agents aux politiques environnementales ........……………………………… p.80 6.1 Les ajustements dynamiques ……………………………………….…………. p.81 6.1.1 Revue de littérature ………………………………………….………. p.82 6.1.1.1 Les MEGC dynamiques séquentiels ……………….…….….... p.82 6.1.1.2 Les MEGC dynamiques inter-temporels …………...………… p.83 6.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC dynamique séquentiel : ENDYMO ……………………………………………………..….…. p.84 6.1.3 Simulation d’ENDYMO …………………………………….…….… p.85 6.2 Les effets de substitution ……………………………………………………… p.89 6.2.1 Les effets de substitution inter-énergétiques ………………………... p.89 6.2.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec de faibles possibilités de substitution énergétique : le modèle SASUE …. p.89 6.2.1.2 Simulation de SASUE ………………………………...…….… p.90 6.2.1 Les effets de substitution inter-factoriels ……………………………. p.91 6.2.1.1 Revue de littérature …………………………………..………... p.91 6.2.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec possibilités de substitution inter-factorielles : le modèle INTERFAC …….…p.92 6.2.1.3 Les données ……………………………………………….……p.94 6.2.1.4 Simulation d’INTERFAC …………………...………………… p.95 6.3 Le changement technologique …………………………………………...…… p.96 6.3.1 Le changement technologique exogène ………………………….….. p.96 6.3.1.1 Revue de littérature ………………………………………….... p.97 6.3.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec changement technologique exogène : le modèle EXOTECH ……….…….... p.98 6.3.1.3 Simulation d’EXOTECH ……………………………..…….… p.98 6.3.2 Le changement technologique endogène ……………………….….... p.100 6.3.2.1 Revue de littérature ………………………………………..…... p.100 6.3.2.1.1 L’approche de Dellink et al. (2004) ……………...……... p.101 6.3.2.1.1.1 Les extensions de l’approche de Dellink et al. .….... p.103 6.3.2.1.1.2 L’approche de Capros et al. (1999) ………...….….. p.103 6.3.2.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec changement technologique endogène : le modèle ENDOTECH ..….…... p.104 IX 6.3.2.3 Les données ………………………………………………...…. p.109 6.3.2.4 Simulation d’ENDOTECH ………………………..………...... p.109 6.4 Conclusion …………………………………………………………….……… p.112 Annexe 6.1 Matrice de comptabilité sociale du Canada avec technologies de dépollution et prix du permis égal à un (données réelles) ………….... p.113 Conclusion …………………….………………………………………………… p.115 Bibliographie …………………………………………………….……………… p.118 X Liste des tableaux Chapitre 2 Tableau 2.1 : Matrice de comptabilité sociale du Canada (interprétations) ………….…………….…. p.21-22 Tableau 2.2 : Matrice de comptabilité sociale du Canada (données réelles) ……………………….…. p.23-24 Tableau 2.3 : Variables exogènes d’EXTER-C …………………..…..p.25 Tableau 2.4 : Paramètres exogènes d’EXTER-C …………………… p.26 Chapitre 3 Tableau 3.1 : Matrice de comptabilité sociale du Canada avec sphère énergétique (données réelles) ……....…… p.38-39 Chapitre 4 Tableau 4.1 : Données sur les émissions du CREAP et coefficients d’émissions …………………………………………… p.44 Tableau 4.2 : Émissions de GES dérivée des valeurs de la MCS du Canada …………………………….……p.44 Tableau 4.3 : Émissions fugitives pour les secteurs de l’agriculture et de l’industrie ………………….………. p.45 Chapitre 5 Tableau 5.1 : Coût marginal de dépollution du secteur industriel et paramètre de la fonction de coût marginal de dépollution ………………………………………..…p.64 Tableau 5.2 : Une sélection des résultats des simulations des cinq scénarios de POLENVI ………………………..……... p.76-79 Chapitre 6 Tableau 6.1 : Élasticité de substitution pour les agrégats énergie/capital et énergie/valeur ajoutée ……………………………… p.95 Tableau 6.2 : Matrice de comptabilité sociale du Canada avec technologies de dépollution et prix du permis égal à un (données réelles) ………………………..….. p.113-114 XI Liste des figures Chapitre 3 Figure 3.1 : Structure de production dans ENER-J …………………….…. p.33 Figure 3.2 : Compte de la production du CREAP …………………….…... p.36 Figure 3.3 : Compte des intrants du CREAP ………………………….…... p.36 Figure 3.4 : Transformation du compte des intrants du CREAP pour expliciter les secteurs énergétiques ……………………….….. p.37 Chapitre 4 Figure 4.1 : Structure de production d’ENVIRON …………………….….. p.43 Chapitre 5 Figure 5.1 : Détermination du prix du permis dans un SPÉ ………………. p.48 Figure 5.2 : Égalité des coûts marginaux de dépollution dans un SPÉ ….…p.48 Figure 5.3 : Détermination du prix du permis dans le SPÉ de POLENVI_1 ………………………………………….……p.58 Figure 5.4 : Courbe de coût marginal de dépollution pour l' industrie …….. p.65 Figure 5.5 : Perte sèche d’un impôt sur le revenu …………….……………p.70 Chapitre 6 Figure 6.1 : Volume d’émissions de GES lié à la combustion de l’énergie de tous les secteurs productifs dans ENDYMO avec et sans SPÉ ………………………………………….…...p.86 Figure 6.2 : Prix d’équilibre du permis dans ENDYMO …………….……. p.86 Figure 6.3 : Part de marché du charbon dans ENDYMO avec et sans SPÉ ……………………………………….……...p.87 Figure 6.4 : Prix au coût des facteurs du charbon dans ENDYMO avec et sans SPÉ ………………………………………….…...p.88 Figure 6.5 : Prix d’équilibre du permis dans SASUE et ENDYMO …….... p.90 Figure 6.6 : Structure de production d’INTERFAC ………………..……... p.93 Figure 6.7 : Prix d’équilibre du permis dans ENDYMO et INTERFAC …..p.95 XII Figure 6.8 : Niveau d’émissions du scénario de référence dans INTERFAC et EXOTECH ………………………………….. p.98 Figure 6.9 : Prix d’équilibre du permis dans EXOTECH et INTERFAC ………………………………….………….…. p.99 Figure 6.10 : Proportion de l’énergie dans la production totale pour l’industrie dans EXOTECH et INTERFAC ……….………... p.99 Figure 6.11: Structure de la production du modèle de Dellink et al. (2002) .p.102 Figure 6.12 : Structure de production d’ENDOTECH ………….……….…p.106 Figure 6.13 : Prix d’équilibre du permis dans ENDOTECH et EXOTECH …………………………………….……….… p.110 Figure 6.14 : Demande intermédiaire du charbon dans ENDOTECH et ENDYMO ………………………………………..……….p.110 Figure 6.15 : Ratio de la demande intermédiaire, en volume, du charbon sur celle des autres énergies fossiles dans ENDOTECH avec et sans SPÉ …………………………………….……….p.111 Figure 6.16 : Ratio de la production totale du secteur des technologies de dépollution du charbon sur celle du secteur des technologies de dépollution des autres énergies fossiles dans ENDOTECH avec et sans SPÉ ……………………….……..p.111 Introduction C’est depuis la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992 que les changements climatiques ont été reconnus comme un problème environnemental global. La CCNUCC, sans être contraignante, stipule que la réglementation des émissions de gaz à effets de serre (GES) anthropogéniques est devenue un objectif souhaitable. C’est avec le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, que la communauté internationale s’est dotée d’un outil légal pour contraindre les émissions de GES. Les États ayant ratifié le Protocole s’engagent à diminuer de 5,2% les émissions annuelles de GES par rapport à 1990 et ce, d’ici à la fin de la période 2008-2012. Dans l’élaboration d’un cadre pour lutter contre les changements climatiques, la modélisation économique contribue à formuler des alternatives et à les évaluer en permettant de montrer le fonctionnement des différentes politiques, de juger de leur efficacité et d’estimer l’ampleur de même que la répartition du fardeau économique qu’elles généreront. Dans la littérature, de même qu’auprès des décideurs politiques, les modèles d’équilibre général calculables (MEGC) se sont avérés des modèles économiques d’une grande popularité pour formuler et évaluer les différentes politiques pour lutter contre les changements climatiques. La popularité des MEGC au domaine des changements climatiques repose sur deux faits. • Premièrement, les politiques pour réduire les émissions de GES concernent prioritairement le secteur de l’énergie. Or, l’énergie interagit avec plusieurs marchés de l’économie de façon directe et indirecte, ce que les MEGC peuvent comptabiliser. • Deuxièmement, les MEGC peuvent quantifier le coût de politiques qui n’ont pas de précédents, comme le contrôle des émissions de GES. L’objectif de notre travail de recherche est d’adapter un MEGC de l’économie canadienne à l’étude des politiques pour lutter contre les changements climatiques. Les MEGC portant sur les changements climatiques ont une grande hétérogénéité dans leur structure et les caractéristiques qu’ils considèrent. Pour les modélisateurs et les utilisateurs de ces modèles, cette disparité pose deux problèmes. Premièrement, il n’y a Introduction 2 pas de procédure formelle pour adapter un MEGC aux changements climatiques. Deuxièmement, cela crée une grande variabilité dans les résultats entre différents modèles. À titre illustratif, Weyant et Hill (1999) ont relevé que, pour seize MEGC différents, l’estimation du coût marginal de dépollution des émissions de GES variait d’un facteur de cinq. Ces problèmes ont déterminé la façon de procéder à notre travail d’adaptation. Notre point de départ est d’identifier les caractéristiques fondamentales aux MEGC portant sur les changements climatiques. Pour chacune de ces caractéristiques, nous faisons systématiquement trois exercices. Premièrement, nous relevons de la littérature les approches pour modéliser une caractéristique donnée. Nous voulons ainsi identifier l’approche la plus commune ou celle qui semble en voie de devenir la norme. Deuxièmement, nous proposons un protocole de modélisation pour introduire une de ces approches dans un MEGC de base. Cet exercice nous permet d’identifier les problèmes méthodologiques. Troisièmement, lorsque cela est pertinent, nous simulons l’approche retenue. Le fonctionnement et l’incidence sur les résultats de chacune des approches sont ainsi illustrés. D’après Fischer et Morgenstern (2003) les principaux éléments à la source de la variabilité dans les résultats entre les modèles économiques portant sur les changements climatiques sont : • le niveau de désagrégation de la sphère énergétique • le scénario de base quant aux émissions de GES anthropogéniques • le type de politique environnementale • la structure des modèles quant aux ajustements des agents aux politiques. Nous considérons les quatre éléments identifiés par Fischer et Morgenstern (2003) comme étant les caractéristiques fondamentales des MEGC portant sur les changements climatiques. Chacune des caractéristiques fondamentales est l’objet d’un chapitre. Au chapitre 2, nous présentons le MEGC de base servant à l’incorporation des caractéristiques fondamentales. Nous présentons les données nécessaires à sa construction et sa structure. Ce MEGC représente l’économie canadienne. Cette étape est importante, car le format du MEGC de base contraint les extensions possibles. Le chapitre 3 porte sur la sphère énergétique, la première étape dans l’adaptation d’un MEGC aux changements climatiques. Cette étape permet d’expliciter la cause des Introduction 3 émissions de GES anthropogéniques et de représenter les interactions entre les marchés de l’énergie et le reste de l’économie. La modélisation de la sphère énergétique dans un MEGC est particulièrement dépendante des données disponibles. Nous présentons donc en détail le traitement des données. Aucune simulation n’est pertinente à ce niveau. Le chapitre 4 introduit les émissions de GES anthropogéniques, l’objet de la lutte aux changements climatiques, dans le MEGC. Il s’agit alors de représenter adéquatement les niveaux d’émissions de GES anthropogéniques par rapport à leurs différentes sources. Le traitement des données joue alors un rôle crucial. Suite à l’introduction des émissions de GES anthropogéniques, il est possible de les réglementer. Le chapitre 5 porte donc sur les politiques environnementales, l’objet d’étude des MEGC portant sur les changements climatiques. Étant donné que dans le débat sur les changements climatiques, le système de permis échangeables (SPÉ) a occupé une place centrale, nous nous concentrons sur les aspects liés à la modélisation de cet outil de marché. Plus particulièrement, nous voulons maîtriser la méthodologie pour développer un MEGC permettant l’analyse des impacts structurels du SPÉ et l’étude de la neutralité de la méthode d’allocation des permis. Il s’agit des deux questions les plus communément étudiées dans les MEGC introduisant un SPÉ. Après avoir relevé les différentes approches pour modéliser un SPÉ dans un MEGC et proposé un protocole de modélisation de base, nous modélisons et simulons cinq scénarios quant aux modalités de notre SPÉ. Nous commençons par considérer un scénario où le SPÉ couvre les émissions de GES liées à la combustion de l’énergie de tous les secteurs productifs de l’économie. Par la suite, nous considérons un SPÉ semblable au précédent, mais couvrant en plus les émissions dites fugitives. Ces deux scénarios montrent le fonctionnement du SPÉ dans notre modèle, ce qui est une condition nécessaire à la maîtrise du travail d’analyse des impacts structurels. Nous présentons un troisième scénario où le SPÉ ne couvre que les émissions liées à la combustion de l’énergie pour le secteur industriel. Ce scénario montre le fonctionnement lorsqu’un secteur précis est visé, comme ce sera probablement le cas au Canada. Ce troisième scénario montre aussi une application possible des MEGC, soit estimer les courbes de coût marginal de dépollution d’une région ou d’un secteur donné. Pour le quatrième scénario, un marché international des permis est considéré. Ce scénario montre le fonctionnement d’un SPÉ national intégré dans un SPÉ international. Le cinquième scénario considère un SPÉ où les permis sont vendus aux enchères et où les revenus servent à diminuer les taxes préexistantes de l’économie. Ce scénario sert à maîtriser la méthodologie pour l’étude de la neutralité de la méthode Introduction 4 d’allocation des permis. Nous montrons que dès que les taxes induisent des distorsions, le recyclage des revenus du SPÉ compromet la neutralité de la méthode d’allocation. Le chapitre 6 porte sur les ajustements des agents aux politiques. Face à une politique environnementale, les ajustements des agents aux politiques sont, à court terme, la réduction de l’activité économique, à court et moyen termes, la substitution entre les intrants et, à plus long terme, le changement technologique. Ces ajustements sont des caractéristiques fondamentales des MEGC parce que la façon de modéliser ces trois types d’ajustements dans les MEGC a une grande incidence sur les résultats (Burniaux et Truong 2002, Fischer et Morgenstern 2003). Les ajustements sur lesquels nous nous concentrons dans le chapitre 6 sont la substitution entre les intrants énergétiques, la substitution entre les intrants énergétiques et non énergétiques ainsi que le changement technologique exogène et endogène. Dans ce chapitre, nous traitons aussi de la nature dynamique des ajustements. Nous verrons que l’étude des ajustements des agents aux politiques peut s’avérer coûteuse en termes de modélisation et de données. Nous adoptons le principe de parcimonie. Les approches que nous retenons pour notre modèle s’avèrent celles qui permettent d’enrichir notre MEGC à moindre coût. Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 5 Chapitre 2 Une matrice de comptabilité sociale et un MEGC de l’économie canadienne Après une présentation succincte des fondements théoriques des MEGC, ce chapitre présente un MEGC de base et les données nécessaires à sa construction. Les données sont celles de l’économie canadienne. Elles sont présentées sous la forme d’une matrice de comptabilité sociale. Le modèle présenté dans ce chapitre est le point de départ pour la modélisation et la simulation des différentes caractéristiques fondamentales des MEGC portant sur les changements climatiques. 2.1 Fondements théoriques des MEGC Les MEGC reposent sur la théorie de l’équilibre général concurrentiel attribuable à Walras et formalisée par Arrow et Debreu (1954) et McKenzie (1954). La force d’un modèle reposant sur cette théorie provient : • • • de sa capacité à représenter et comptabiliser les transactions entre les différents secteurs et marchés de l’économie, qui peuvent être représentés par centaines ; à caractériser le comportement des agents, qui peuvent aussi être nombreux, selon la théorie micro-économique; à utiliser des prix qui tiennent compte du phénomène de rareté et du traitement fiscal. Par différents algorithmes de résolution (Scarf, 1973), les MEGC déterminent une solution numérique où une frontière de prix relatif unique assure l’équilibre entre l’offre et la demande dans tous les marchés. Un système de prix relatifs implique qu’un choc donné se répercute dans tous les marchés selon diverses interactions directes, indirectes et effets de rétroactions. Les MEGC sont donc un outil pour l’analyse de politiques. Cet outil permet de quantifier l’ampleur du fardeau d’une politique, mais surtout sa répartition dans l’économie. Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 6 2.2 Une matrice de comptabilité sociale canadienne D’après Decaluwé et al. (2001), les étapes suivant l’identification de la problématique dans le processus de construction et de simulation d’un MEGC sont la collecte de données et la construction d’un cadre comptable cohérent avec l’équilibre général. Ces deux étapes se résument habituellement à la construction d’une matrice de comptabilité sociale (MCS)1. Une MCS donne « (…) les équilibres comptables qui doivent nécessairement être satisfaits à la période ou au moment du temps observé, pour les différentes catégories de flux ou de stocks. »2 Les transactions entre les différents agents de l’économie, autant du côté des dépenses que du côté des revenus, y sont représentées. La convention habituelle est que la lecture horizontale d’une MCS donne la ventilation des revenus de chaque compte tandis que sa lecture verticale donne la ventilation des dépenses pour ces mêmes comptes. Nous respectons cette convention. La construction d’une MCS soulève plusieurs difficultés. Notamment, la disponibilité et la disparité des sources d’approvisionnement des données sont causes de déséquilibres et d’incohérences auxquels les modélisateurs doivent pallier. La construction d’une MCS pourrait faire à elle seule l’objet d’un projet de mémoire. Pour ce mémoire, l’étape de la construction d’une MCS a été court-circuitée étant donnée l’existence et la disponibilité d’une MCS bi-régionale canadienne. Cette MCS, publiée par le Ministère des Finances du Québec, détaille « (…)les économies du Québec et du reste du Canada ainsi que les interactions entre les deux régions pour l’année de base 1996. »3 La MCS publiée est la version agrégée de celle qu’utilise le Ministère des Finances du Québec dans leurs travaux de recherche et de simulations de politiques. Notre travail sur les données n’en est donc pas un de construction, mais un de transformation d’une MCS. Pour exposer clairement les transformations faites sur cette MCS, nous présentons d’abord sa forme originale. 2.2.1 La MCS bi-régionale agrégée du Ministère des Finances du Québec La terminologie bi-régionale attribuable à une MCS signifie qu’un détail identique est apporté à deux régions. D’autres régions peuvent également y être représentées, mais à moindre niveau de détail. Par exemple, la MCS du Ministère des Finances du Québec 1 Les données utilisées dans les MEGC ne sont pas obligatoirement organisées avec une MCS, mais ce sont sans contredit la majorité des MEGC qui reposent sur ce cadre comptable. 2 Decaluwé et al., (2001), p.96 3 Bahan et al., (2003), p.1 Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 7 donne une représentation précise entre deux régions, le Québec et le reste du Canada (RdC), et inclut une troisième région au niveau agrégé, le reste du monde (RdM). Dans cette MCS, trois niveaux de gouvernement sont représentés pour chacune des régions représentées, soit les gouvernements locaux, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Il y a une distinction entre les revenus, les transferts et les dépenses pour chacun de ces paliers de gouvernement. Pour les régions du Québec et du RdC, les ménages sont répartis en six classes de revenus. Les revenus de ces ménages sont constitués des salaires de travail, des revenus de placement et des transferts. Ces transferts proviennent des différents paliers de gouvernements, du RdM, des entreprises et du reste des ménages. Les dépenses des ménages sont ventilées entre les impôts, la consommation, l’épargne, les placements et les transferts. Les dépenses de consommation sont regroupées selon les achats de biens durables, de biens non durables et de services. Les transactions des entreprises sont regroupées dans un seul compte. Les entreprises sont donc un agent à part entière de l’économie. Le détail de la ventilation des revenus et des dépenses est sensiblement identique à celui des ménages. Le côté productif de l’économie se limite à trois branches d’activité : le secteur des biens, le secteur des services marchands et le secteur des services non marchands. Le secteur des biens et celui des services marchands sont les branches dites commerciales. La branche des services non marchands correspond à la production des différents paliers de gouvernement. À chaque branche est associé un produit portant le même nom. Les facteurs primaires de production sont au nombre de deux : le travail et le capital. Pour le capital, l’amortissement est enregistré au même compte que l’épargne des agents, soit à celui de l’accumulation. Une caractéristique particulière de la MCS est la désagrégation des comptes des produits. Il y a quatre comptes des produits : les comptes des produits de consommation, les comptes des produits intermédiaires, les comptes des produits d’investissement et les comptes des produits composites. L’expression « produit composite » réfère à l’utilisation intérieure4 que les agents font des biens et services. Ces comptes « (…) font 4 « Intérieur » pour à l’intérieur de chaque région. Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 8 la réconciliation entre l’offre et la demande de chaque bien et service (…) »5 et ce, pour les deux régions. La désagrégation des comptes composites en plusieurs sous-comptes a pour but de détailler le traitement fiscal des produits composites selon qu’ils sont utilisés dans des activités de consommation, de production ou d’investissement. Il faut noter que pour les produits d’investissement, il y a une distinction entre les investissements en machine et matériel, les constructions et les stocks. La présence de l’agent RdM implique l’existence d’un compte pour le marché des importations, qui contribue à augmenter l’offre des produits, et l’existence d’un compte pour le marché des exportations, qui constitue la demande extérieure. La présence de commerce international donne aussi naissance à un troisième compte, celui des réexportations. Les réexportations correspondent à des biens et services importés et qui transigent au Canada sans qu’une quelconque transformation ne leur soit apportée. Le RdM rachète ces biens sur lesquels s' applique une marge sur le transport. Dans le système de comptabilité nationale, les réexportations sont habituellement agrégées avec le compte des importations. Ce sont là les principales caractéristiques de la MCS bi-régionale agrégée qui est publiée par le Ministère des Finances du Québec. Une lectrice ou un lecteur intéressé par les méthodes utilisées pour résoudre les problèmes de construction de la présente matrice devrait se référer à Bahan et al. (2003). 2.2.2 Notre MCS canadienne La première transformation que nous avons apportée à la MCS du Ministère des Finances du Québec a été l’agrégation du Québec et du reste du Canada, pour avoir une MCS ne portant que sur le Canada dans son ensemble. Nous avons donc regroupé les comptes des deux régions. Nous avons jugé que le fait de considérer le Canada dans son ensemble ne rendait plus nécessaire le fait de différencier les gouvernements provinciaux du gouvernement fédéral. De plus, la présence des gouvernements locaux n’était pas réellement pertinente pour nos simulations. Les trois paliers de gouvernement ont donc été agrégés en une seule entité. L’impact d’une politique environnementale n’est sûrement pas le même pour les différentes catégories de ménages d’une économie. Nous croyons cependant que le 5 Bahan et al., (2003), p.6 Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 9 simple classement des ménages par tranche de revenus ne soit pas suffisant pour analyser ce type de questions. Étant donné que ces questions ne sont pas l’objectif central de notre recherche et que leur coût d’opportunité en termes de recherche de données et de modélisation sont non négligeables, nous ne faisons pas de désagrégation par catégories de ménages. Notre matrice n’a donc qu’un agent représentatif pour les ménages. Par souci de simplicité, nous avons aussi éliminé la distinction entre les différents comptes des produits et le classement des dépenses de consommation selon les catégories de biens. Les utilisations intérieures des biens et services sont donc tous comptabilisées directement au compte des produits composites. Pour le compte des investissements, la dichotomie entre matériel et machine versus construction a été éliminée. Nous nous retrouvons donc avec deux catégories de comptes d’investissement. Il y a celui des biens d’investissement qui contribuent au stock de capital de la période suivante (machine, matériel et construction) et le compte des stocks, sans effet dynamique. Au niveau du commerce international, la seule transformation a consisté à éliminer le compte des réexportations. La procédure formelle aurait été d’agréger ce compte à celui des importations vers le RdM. Cette façon de faire aurait cependant nécessité que nous connaissions l’élasticité–prix des produits réexportés. Nous avons donc évité la question en élimant directement le compte, ce qui équivaut à une baisse de 4,85% de l’activité économique du RdM. Les transformations présentées jusqu’à maintenant ont permis de simplifier la MCS pour obtenir un modèle conceptuel où il sera facile de s’y retrouver. Nous avons cependant jugé certaines désagrégations nécessaires, notamment au niveau des secteurs d’activités. Deux secteurs marchands nous semblaient trop peu. Nous avons donc désagrégé le secteur des biens en deux sous-secteurs : l’agriculture et l’industrie. Ces deux soussecteurs ont été choisis étant donnée la relation particulière qu’ils entretiennent avec l’énergie. Notre MCS a donc quatre branches d’activité : l’agriculture, l’industrie, les services marchands et les services non marchands. Les données du secteur agricole proviennent des comptes nationaux de Statistique Canada au niveau de l’agrégat S. Dans les tableaux d’agrégation S, quatre secteurs peuvent êtres considérés comme faisant partie de la branche agricole. Ces secteurs sont : les cultures agricoles et l’élevage, la foresterie et l’exploitation forestière, la chasse, Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 10 pêche et piégeage et les activités de soutien à l’agriculture et à la foresterie. Les données de ces quatre secteurs ont donc été mises en commun pour former le secteur agricole de la MCS. Pour respecter le cadre comptable de la MCS initiale par rapport à celui de Statistique Canada, les données de Statistique Canada n’ont pas été intégrées directement à la MCS. Nous avons plutôt calculé les parts relatives de la branche agricole par rapport à la branche des biens, d’après les comptes nationaux de Statistique Canada au niveau de l’agrégat S. Ces parts relatives ont ensuite été appliquées à la MCS pour reproduire l’ensemble des valeurs du secteur agricole. Cette procédure nous assure que l’intensité sectorielle et les parts du marché dans la MCS sont conformes avec les données réelles. Pour ce qui est des données du secteur industriel, elles ont tout simplement été obtenues de façon résiduelle. C’est-à-dire que le secteur industriel correspond au secteur des biens sans le secteur agricole. En annexe de ce chapitre, le tableau 2.1 présente la MCS canadienne dérivée de la MCS du Ministère des Finances du Québec pour laquelle nous avons les interprétations des différentes cases. Le tableau 2.2 présente la même matrice avec les données réelles. 2.3 La structure d’un MEGC de base canadien: EXTER-C Ce chapitre présente un MEGC de base s’inspirant du modèle EXTER de Decaluwé et al. (2001). Le modèle diffère cependant sur certains points dans le but d’être cohérent avec la MCS canadienne présentée à la section précédente. Notre modèle se nomme EXTER-C pour EXTER-Canada. Les variables et les paramètres exogènes du modèle sont présentés aux tableaux 2.3 et 2.4, à l’annexe 2.2 de ce chapitre. EXTER-C, conformément à notre MCS canadienne, a quatre branches d’activité : l’agriculture, les industries, les services marchands et les services non-marchands. Les agents sont au nombre de quatre : les ménages, les entreprises, l’État et le RdM. L’État correspond à l’agrégat des gouvernements locaux, provinciaux et fédéral. Les facteurs primaires de production sont le capital et le travail. Dans ce chapitre, le modèle est statique. Une version dynamique du modèle sera présentée au chapitre 6. 2.3.1 Le bloc de la production La production est caractérisée par une fonction nichée. La production totale ( XS ) est constituée de la valeur ajoutée ( VA ) et des produits finis, soit les consommations intermédiaires ( CI ). Il y a une parfaite complémentarité entre les consommations Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 11 intermédiaires et la valeur ajoutée. Les équations spécifiant la production totale sont donc : VA j (2.1) XS j = vj CI j = io j XS j (2.2) où indice j : indice désignant l’ensemble des branches d’activité ; vj : coefficient fixe (Leontief) de valeur ajoutée de la branche d’activité j ; io j : coefficient fixe (Leontief) ou volume d’intrants intermédiaires ; nécessaire à la production d’une unité de produit j , avec io j + v j = 1. La valeur ajoutée est caractérisée par une Cobb-Douglas : α 1− α j VA j = A j LD j j KD j (2.3) où LD j : demande de main-d’œuvre de la branche j ; KD j : demande de capital de la branche j ; α j : paramètre de partage de la Cobb-Douglas ; Aj : paramètre d’échelle de la Cobb-Douglas. La consommation intermédiaire de chaque branche j est constituée de la demande de la branche j en intrant intermédiaire tr ( DItr, j ) selon une relation fixe (Leontief) : (2.4) DItr, j = aij tr, j CI j où indice tr : indice désignant l’ensemble des branches d’activité commerciales; aij tr. j : volume de l’intrant intermédiaire tr par unité de demande intermédiaire de la branche j . La main d’œuvre et le capital sont parfaitement mobiles entre toutes les branches d’activité. Cela reflète une situation de long terme, ce qui est le cas pertinent pour l’étude des changements climatiques. La demande de main-d’œuvre par la branche d’activité j est obtenue des conditions de premier ordre du problème de la maximisation des profits. Sa forme est la suivante : Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne LD j = (2.5) où s 12 α j Pv jVA j s : salaire ; Pv j : prix de la valeur ajoutée. La demande de capital par la branche d’activité j est obtenue de la même façon que pour la main-d’œuvre. Sa forme est : (2.6) KD j = (1− α j )Pv jVA j r où r : rendement du capital. L’amortissement ( AMT ) est une part fixe de la rémunération du capital : (2.7) AMT = (1− λ − λg ) ⋅ r KD j j où λ : part de la rémunération du capital allant aux entreprises ; λg : part de la rémunération du capital allant au gouvernement. 2.3.2 Le bloc du revenu et de l’épargne Le revenu des ménages ( YM ) provient des versements de salaire, des transferts gouvernementaux ( TG ), des dividendes versés par les entreprises ( DIV ), des transferts du RdM ( TMW ) en devise étrangère et des revenus de placement ( RPM ) : (2.8) YM = s LD j + TG + DIV + e ⋅ TMW + RPM j où e : taux de change extérieur nominal (en dollars canadien par unité de devise étrangère) Le revenu des ménages disponible à l’épargne ou à la consommation ( YDM ) est le revenu net d’impôts ( TD ), des placements ( DPM ) et des transferts faits au reste du monde ( TWM ) : (2.9) YDM = YM − TD − DPM − TWM L’épargne des ménages ( SM ) est une proportion fixe du revenu disponible : Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 13 SM = ϕ YDM (2.10) où ϕ : proportion fixe du revenu épargné. Le revenu des entreprises ( YE ) est une proportion fixe de la rémunération du capital : YE = λ ⋅ r (2.11) KD j j où λ : part des revenus du capital allant aux entreprises. L’épargne des entreprises est calculée de façon résiduelle : SE = YE − DIV − TDE − DPE − DIVRdm (2.12) où TDE DPE : impôts levés sur le revenu des entreprises ; : dépenses en placement faites par les entreprises ; DIV Rdm : dividendes versés au reste du monde. Les impôts levés sur le revenu des ménages ( TD) sont une proportion fixe du revenu total : TD = ty ⋅ YM (2.13) où ty : taux d’imposition pour les ménages. Les impôts levés sur le revenu des entreprises ( TDE ) sont une proportion fixe du revenu total : TDE = tye ⋅ YE (2.14) où tye : taux d’imposition pour les entreprises. Des taxes indirectes intérieures ( TI ) sont prélevées sur la part non exportée de la production locale et sur les importations internationales aux prix intérieurs : (2.15) où tx tr TItr = tx tr (Ptr XStr − Petr EX tr ) + tx tr (1+ tmtr )e ⋅ Pwmtr M tr : taux de taxation indirect ; Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne Ptr : prix de la production du secteur tr au coût des facteurs ; Petr : prix payé à l’exportateur du produit tr , libellé en monnaie nationale ; EX tr : exportation du produit tr en volume ; tm tr : taux de taxation douanière (net) à l’importation du produit tr ; Pwmtr : prix international à l’importation du produit tr , libellé en 14 devise étrangère; M tr : importation du produit tr en volume. Des tarifs douaniers ( TIM ) sont prélevés sur les importations internationales : (2.16) TIM tr = tmtr ⋅ e ⋅ Pwm tr M tr Des taxes à l’exportation ( TIE ) vers le reste du monde sont aussi en vigueur : (2.17) TIE tr = tetr PE tr EX tr où tetr : taux de taxation applicable sur les exportations du produit tr . La masse salariale et le capital sont taxés. Un taux moyen de taxation sur la valeur de la production totale ( tp ) représente ces deux taxes. Les recettes fiscales de la taxe sur la masse salariale et de la taxe sur le capital pour chaque secteur j sont données par : (2.18) TNPj = tp j Pj XS j La valeur de l’investissement total en matériel, machine et constructions ( IM ) est taxée. Les recettes fiscales sur l’investissement en matériel, machine et construction ( TNV ) sont données par : (2.19) TNV = tn ⋅ IM où tn : taux de taxation sur l’investissement en matériel, machine et constructions. Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 15 Les revenus de l’État (YG ) sont donc la somme des recettes fiscales auxquelles s’ajoutent les revenus de placement gouvernemental ( RPG ), les transferts provenant du RdM ( TGW ) et une certaine part ( λ g ) des revenus de capital, soit: (2.20) YG = λg ⋅ r KD j + TIM tr + tr + TDE + TIE tr + tr TItr + TD tr TNPj + TNV + RPG + TGW j L’épargne gouvernementale ( SG ) est déterminée de façon résiduelle : (2.21) où SG = YG − G − TG − TWG − DPG TWG : sont les transferts gouvernementaux à l’endroit du reste du monde ; DPG : sont les dépenses en placement. 2.3.3 Le bloc de la demande La consommation finale de chaque produit marchand par les ménages ( C tr ) est obtenue par la maximisation de l’utilité. L’utilité est caractérisée par une fonction Cobb-Douglas : (2.22) où Ctr = γ trYDM Pc tr γ tr : part budgétaire allouée par les ménages à la consommation du produit tr ; Pc tr : prix composite du produit tr . Les biens servant à l’investissement ont leur origine des deux secteurs pouvant produire des actifs tangibles : le secteur agricole ou le secteur industriel. Nous appelons ces biens « les biens d’investissement par origine » ( INV ). Chaque bien d’investissement par origine est substituable à un autre. L’élasticité de substitution retenue est l’unité ; la fonction de demande est donc de la forme : (2.23) où INVtr = µtr IM(1− tn) Pc tr µ tr : part en valeur du produit tr dans l’investissement total en matériel, machine et construction ( IM ) nette de taxe sur l’investissement ( tn ). Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 16 L’investissement total en matériel, machine et construction ( IM ) est déterminé par la valeur de l’investissement total ( IT ) diminué des variations des stocks ( SK tr ): (2.24) IM = IT − Pc tr SK tr tr Les variations des stocks sont une proportion fixe de la production totale : (2.25) SK tr = σ trk ⋅ XStr où SK tr : stocks par secteurs d’origine ; σ trk : proportion fixe des stocks par rapport à la production totale. Les dépenses gouvernementales, ici synonymes de consommation publique ( G), correspondent à l’entièreté de la production du secteur non marchand : (2.26) G = Pgvt XS gvt La demande intermédiaire de l’intrant tr ( DITtr ) est la somme de toutes les demandes de cet intrant par les j branches : (2.27) DITtr = aij tr, j CI j j 2.3.4 Le bloc des prix La présence de l’État et du RdM engendre de nombreux prix dans le modèle. Il y a d’abord les prix composites ( Pc ) déterminés par l’équilibre des marché des produits (équation 2.40). Les prix de la valeur ajoutée ( Pv ) sont déterminés par ces prix composites et les prix à la production ( P ). La valeur de la valeur ajoutée est égale à la valeur de la production totale nette de taxes et subventions moins la valeur des dépenses en consommations intermédiaires : (1− tp j ) ⋅ P j XS j − (2.28) Pv j = Pc tr DItr, j tr VA j Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 17 Les prix des importations ( Pm) sont égaux aux prix internationaux incluant les taxes et les tarifs intérieurs : (2.29) Pmtr = e ⋅ Pwmtr (1+ tmtr )(1+ tx tr ) Pour les exportateurs, les prix des produits exportés correspondent aux prix internationaux ( Pfob ), libellées en monnaie nationale et excluant la taxe aux exportations : (2.30) Petr = e ⋅ Pfobtr (1+ tetr ) où Pfobtr : prix franco de bord6 des exportations. Le prix du produit local vendu sur le marché intérieur aux coûts du marché ( Pd ) est égal à la différence entre la valeur de l’offre totale du produit ( Q), au prix composite ( Pc ), et celle de l’importation de ce produit ( M ) à son prix intérieur ( Pm), par unité vendue localement ( D) : (2.31) Pdtr = Pc trQtr − Pmtr M tr Dtr Les prix reçus par le producteur pour ses ventes sur le marché intérieur ( Pl ) sont donc : (2.32) Pltr = Pdtr (1+ tx tr ) Les prix perçus par les producteurs ( P ), incluant les taxes sur la masse salariale et le capital, sont une moyenne pondérée de la valeur de la production locale et de la valeur des exportations : Pl D + Pe tr EX tr (2.33) Ptr = tr tr XS tr 6 Ce prix correspond au prix d' un bien à la frontière du pays exportateur ou prix d' un service fourni à un non-résident. Il comprend la valeur des biens ou des services au prix de base, des services de transport et de distribution jusqu' à la frontière, les impôts moins les subventions. Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 18 2.3.5 Le bloc du commerce international La présence de l’agent « Reste du monde » implique que notre économie a des biens d’importations ( M ) et d’exportations ( EX ). Concernant les producteurs, l’hypothèse retenue est que la production peut être affectée en proportion variable à l’exportation ( EX ) ou à la vente locale ( D). Cette relation entre EX et D est caractérisée par une fonction à élasticité de transformation commerciale constante et finie (ETTC), soit : (2.34) où [ XStr = B β EX e tr k tre = e tr − ktre tr − ktre tr + (1− β )D e tr ] − 1 ktre 1 − τ tre τ tre k tre : paramètre de substitution de la fonction ETTC τ tre : élasticité de substitution Btre : paramètre d’échelle de la fonction ETTC β tre : paramètre de partage de partage de la fonction ETTC D’après la maximisation des profits, la relation entre EX et D est caractérisée par : Dtr = (2.35) 1− β tre β tre Petr Pltr τ tre EX tr Un marché des importations signifie que les utilisateurs de ressources se voient offrir un volume de ressources ( Q ) qu’ils achètent en proportion variable au Reste du Monde ( M ) ou sur le marché intérieur ( D). L’hypothèse de l’Armington est ici retenue, c’est-à-dire que le choix entre M ou D est défini par une fonction à élasticité de substitution commerciale constante et finie (ESTC) : (2.36) où [ Qtr = A α M tr m tr ρ trm = m tr − ρ trm + (1− α )Dtr m tr − ρ trm ] − 1 ρ trm 1− σ trm σ trm ρ trm : paramètre de substitution de la fonction ETTC σ trm : élasticité de substitution Atrm : paramètre d’échelle de la fonction ETTC Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne 19 α trm : paramètre de partage de partage de la fonction ETTC D’après la maximisation des profits, la relation entre M et D est caractérisée par : (2.37) α trm M tr = 1− α trm Pdtr Pmtr σ trm Dtr La demande pour les exportations internationales ( EXD) a une élasticité-prix finie : (2.38) EXDtr = EXD O tr PWE tr Pfobtr ε tre où EXDtr : volume demandé à l’exportation du produit tr ; EXDtrO : volume demandé à l’exportation qui est indépendant du prix relatif à l’exportation ; ε tre : élasticité de la demande mondiale pour le produit exporté tr . 2.3.6 Le bloc des conditions d’équilibre Il ne reste plus qu’à présenter les conditions d’équilibre du modèle. L’équilibre sur le marché de la main-d’œuvre est donné par : (2.39) LS = LD j j où LS : dotation de main-d’œuvre totale de l’économie. L’équilibre sur le marché du capital est donné par : (2.39) KS = KD j j L’équilibre des marchés des produits est : (2.40) Qtr = DITtr + Ctr + INVtr + SK tr L’investissement est financé par l’épargne des agents, le déficit du compte courant ( SR) et l’amortissement : Chapitre 2 : Une matrice de comptabilité sociale et MEGC de l’économie canadienne (2.41) 20 IT = SM + SE + SG + SR + AMT La balance des paiements extérieurs est déterminée par : (2.42) SR = e Pwmtr M tr + TWM + TWE + TWG + RPW tr −e Pfobtr EX tr + DPW + e ⋅ TMW + TGW tr où RPW : les revenus de placement du RdM DPW : les dépenses en placements du RdM L’offre d’exportation est égale à la demande étrangère pour chaque produit: (2.43) EX tr = EXDtr ce qui clôt le modèle EXTER-C. Le modèle EXTER-C est un système de cent vingt équations indépendantes et cent quarante-huit variables. Pour assurer une solution unique au modèle, il faut donc rendre exogène vingt huit variables. Ces variables se retrouvent au tableau 2.3. Les paramètres du modèle sont calibrés, lorsque possible, selon les données de notre MCS canadienne. Les taux de taxation, les parts de consommation, les parts d’investissement, les paramètres de partage des fonctions caractérisant la production et le commerce international sont tous obtenus selon cette méthode. Pour les fonctions comportant plus de deux types de paramètres, telles les ETTC et les ESTC,7 un des paramètres ne peut être calibré avec la MCS. Dans notre cas, les élasticités de substitution des fonctions ETTC et ESTC sont donc exogènes. Les valeurs de celles-ci sont présentées au tableau 2.4. 7 Les paramètres de ces fonctions sont le paramètre d’échelle, le paramètre de partage et le paramètre d’élasticité. Annexe 2.1 Tableau 2.1 : Matrice de comptabilité sociale du Canada (interprétations) 21 Annexe 2.1 Tableau 2.1 (suite) : Matrice de comptabilité sociale du Canada (interprétations) 22 Annexe 2.1 Tableau 2.2 : Matrice de comptabilité sociale du Canada (données réelles) 23 Annexe 2.1 Tableau 2.2 (suite) : Matrice de comptabilité sociale du Canada (données réelles) 24 Annexe 2.2 Tableau 2.3 : Variables exogènes d’EXTER-C 25 Annexe 2.2 Tableau 2.4 : Paramètres exogènes d’EXTER-C 26 Chapitre 3 : La sphère énergétique 27 Chapitre 3 La sphère énergétique La première étape pour adapter un MEGC à l’étude des changements climatiques est l’introduction des sources d’émissions de GES. Pour ce faire, il faut expliciter les marchés de l’énergie, c’est-à-dire la sphère énergétique de l’économie. Par une revue non exhaustive de la littérature, les types d’énergie qu’on retrouve communément dans les MEGC sont le charbon, le gaz naturel, le pétrole brut, le pétrole raffiné et l’électricité. Ce chapitre comporte une revue de littérature traitant des points à considérer dans la modélisation de la sphère énergétique dans les MEGC. Nous présentons par la suite l’approche que nous avons retenue pour l’introduire dans EXTER-C. Le traitement et la présentation des données de notre sphère énergétique sont présentés en dernier lieu. 3.1 Revue de littérature 3.1.1 La demande d’énergie 3.1.1.1 L’énergie et les ménages Pour les ménages, l’énergie est un bien de consommation finale non durable. L’énergie est cependant particulière parce que, bien qu’elle soit de nature non durable, sa demande est dépendante, en majeure partie, des biens durables. Une modélisation adéquate de la demande d’énergie par les ménages implique donc l’introduction d’une dichotomie entre biens durables et non durables, pour ensuite spécifier une relation d’interdépendance entre ces deux catégories de biens. Les modélisateurs portent cependant rarement attention à ce point et caractérisent les fonctions de demande d’énergie comme pour les autres produits. Capros et al. (1999) sont de ceux qui font exception. Leur approche consiste à lier l’utilisation de l’énergie à l’utilisation des biens durables par une relation linéaire. Selon cette approche, l’énergie impute un coût supplémentaire à l’utilisation des biens durables. Une hausse du prix de l’énergie signifie donc nécessairement une baisse de la demande pour ce type de biens. Or, les biens durables achetés à la période présente sont habituellement moins énergivores et polluants que ceux des périodes précédentes. L’obsolescence et par Chapitre 3 : La sphère énergétique 28 conséquent, le taux de renouvellement des biens durables, augmentent avec le prix de l’énergie. Le signe de la variation de la demande de biens durables suite à une hausse du prix de l’énergie est donc ambigu. L’effort de Capros et al. pour modéliser la demande d’énergie de façon plus réaliste néglige le fait que les prix de l’énergie n’ont pas seulement un effet sur l’utilisation, mais aussi sur le taux de renouvellement du stock de biens durables. Excepté Conrad et Schröder (1991), nous n’avons pas relevé de MEGC considérant ce point, ce qui est probablement dû aux difficultés méthodologiques que cela comporte. 3.1.1.2 La demande d’énergie par les producteurs 3.1.1.2.1 Les approches top-down, bottom-up et hybride La modélisation de la demande d’énergie du côté productif de l’économie dépend de la forme des technologies de production énergétique. Trois approches traditionnelles sont préconisées pour caractériser les technologies de production du secteur énergétique dans les MEGC : l’approche top-down, l’approche bottom-up et l’approche hybride. L’approche bottom-up consiste à utiliser l’information des modèles d’ingénierie pour discrétiser les technologies de production de l’énergie. Le système énergétique est fort détaillé, au contraire du reste de l’activité économique. L’activité économique est exogène et la demande d’énergie est conséquemment donnée. Sous cette approche, ce sont les technologies qui sont optimisées. Le modèle cherche donc à minimiser le coût de satisfaire la demande d' énergie. C’est-à-dire que le programme de la firme a pour but de choisir la technologie optimale pour produire un service énergétique donné et non pas de maximiser les profits ou de minimiser les coûts de production. On ignore ainsi la possibilité de modifier la demande de services énergétiques (comme on peut le faire en substituant d’autres inputs à l’énergie, par exemple). Les modèles bottom-up ne formalisent donc pas les décisions de production selon la théorie économique néoclassique. Cette approche permet de représenter le changement technologique dans la sphère énergétique. L’approche top-down consiste à utiliser les fonctions de production néoclassiques standards nichées8 pour caractériser les processus de production. Sous cette approche, les 8 Les fonctions néoclassiques standards nichées sont des emboîtements de fonctions. Par exemple, une fonction g est nichée si : z = g(x,y) avec x = f(u,v). où z,x,y,u,v représentent des variables; g et f représentent des fonctions néoclassiques standards. Chapitre 3 : La sphère énergétique 29 fonctions de demande de l’énergie sont les conditions de premier ordre dérivées du programme de maximisation du profit ou de la minimisation des coûts de la firme. Il faut noter que ces conditions de premier ordre ont comme propriétés la continuité et la monotonicité. Or, la demande d’énergie par les producteurs ne respecte pas toujours ces propriétés, notamment dans le court terme. L’approche top-down est donc plus adéquate pour représenter les interactions économiques globales de long terme, ce qui est en correspondance avec les problématiques des changements climatiques. La correspondance entre l’approche top-down et les changements climatiques n’est cependant pas parfaite, car la forme agrégée des fonctions de demande ne permet pas d’expliciter le détail du changement technologique. Au chapitre 6 de ce mémoire, nous montrons que cela est une cause de biais importants dans l’estimation du fardeau des politiques. L’approche hybride est un compromis des approches top-down et bottom-up. Avec l’approche hybride, certaines technologies de la sphère énergétique sont discrétisées, mais l’ensemble du coté productif de l’économie reste d’influence top-down. De plus, contrairement aux modèles bottom-up, ce n’est plus les technologies qui sont optimisées, mais le profit ou le bien-être comme le veut la théorie économique néoclassique. L’approche hybride a pour principal but de sophistiquer le processus du changement technologique, tout en gardant une bonne représentation des interactions économiques (Tol, 1999). 3.1.1.2.2 Structure de la production sous les approches top-down et hybride Dans les modèles top-down et hybride, l’utilisation des fonctions de production néoclassiques standards nichées nécessite que les modélisateurs posent la forme de la structure de production. Lorsqu’il y a présence de la sphère énergétique dans le processus de production, deux questions d’importances se posent. La première est : quel est le lien entre les différents intrants énergétiques ? La seconde, qui sera l’objet d’une sous-section au chapitre 6, est : quel est le lien entre les intrants énergétiques et les intrants non énergétiques ? La réponse à ces deux questions pourrait être simple s’il y avait un consensus clair sur les élasticités de substitution qui doivent être utilisées dans les MEGC, mais il n’y en a pas. Concernant la relation entre les intrants énergétiques, on peut mentionner les caractérisations qui apparaissent le plus souvent dans les MEGC top-down et hybrides. • Premièrement, le plus haut niveau d’agrégation entre les intrants énergétiques se fait habituellement entre l’énergie électrique et l’énergie non électrique. La production de Chapitre 3 : La sphère énergétique 30 l’électricité est un processus distinct des autres types de production d’énergie et occupe une place importante du bilan énergétique (Conrad 2001). Les modélisateurs, comme Manne et al. (1995), qui veulent réduire la sphère énergétique à sa plus simple expression, considèrent donc qu’il y a au minimum deux types de biens énergétiques : l’énergie électrique et l’énergie non électrique. • Deuxièmement, la valeur de l’élasticité de substitution qui est généralement admise pour agréger l’énergie électrique et non électrique est l’unité (Burniaux et Truong, 2002), ce qui correspond à une forme fonctionnelle Cobb-Douglas. • Troisièmement, lorsqu’il y a différenciation des différents combustibles fossiles, c’est le charbon qui est d’abord explicité. Le charbon est habituellement traité distinctivement parce qu’il est fortement émetteur par rapport aux autres combustibles fossiles et qu’une fois introduit dans le processus de production des industries, il a peu de substituts9. Au contraire, les autres combustibles fossiles, principalement le gaz naturel et les produits pétroliers, ont une intensité en émissions de GES semblable et sont mutuellement substituables. Certains auteurs, tel que Borges et Goulder (1984), explicitent le charbon en considérant directement que les combustibles fossiles se limitent à deux produits : les produits du charbon et le reste des combustibles fossiles. D’autres auteurs, tels que Babiker et al. (1997) et Burniaux et Truong (2002), font la distinction entre les produits pétroliers et le gaz naturel, mais utilisent une structure de production nichée où le charbon s’agrège à un niveau différent des autres combustibles fossiles. L’utilisation du charbon par les producteurs est donc aussi explicitée. Nous considérons ces trois caractérisations comme des critères de base auxquels les MEGC top-down et hybrides portant sur les changements climatiques devraient obéir. 3.1.2 L’offre d’énergie Introduire une offre d’énergie dans un MEGC implique que la production de l’énergie est explicitée. La production de chaque type d’énergie peut être propre à un secteur ou elle peut être un sous-secteur d’une branche d’activité préexistante. Certains modélisateurs, tels que Burniaux et al. (1992), tiennent aussi compte que l’offre d’énergie est fonction des stocks de ressources énergétiques disponibles. 9 D’après une revue de littérature de Burniaux et Truong (2002), la valeur de l’élasticité de substitution entre le charbon et les autres combustibles retenue dans les MEGC est 0,5. Chapitre 3 : La sphère énergétique 31 3.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec une sphère énergétique : le modèle ENER-J Notre modèle EXTER-C fait place à un nouveau modèle introduisant la sphère énergétique: le modèle ENER-J. Dans ENER-J, la sphère énergétique est constituée de trois nouveaux produits : l’électricité, le charbon et un agrégat d’énergie fossile formé du gaz naturel, du pétrole brut et du pétrole raffiné. Bien que les données que nous utilisons nous permettent de différencier les produits pétroliers et le gaz naturel, nous considérons, comme Borges et Goulder, que les combustibles fossiles se limitent à deux produits. Cette approche a été retenue parce qu’elle permet de garder notre modèle simple et que nous croyons qu’elle est conceptuellement correcte. En effet, étant donnée que l’intensité en GES des produits pétroliers et du gaz naturel est relativement du même ordre de grandeur, une politique environnementale aura donc un effet sensiblement équivalent sur les prix de ces deux types d’énergie. Concernant l’offre d’énergie, nous considérons que chaque type d’énergie est produit par un secteur distinct. La désagrégation porte donc sur les comptes des produits et les comptes des branches d’activités. Notre modèle a donc trois nouvelles branches d’activité : le secteur du charbon, le secteur des autres énergies fossiles et le secteur de l’électricité. Bien que les données que nous utilisons ne nous permettent pas de désagréger directement les secteurs énergétiques, nous avons trouvé important qu’un MEGC portant sur les changements climatiques puisse considérer cette approche. Cela permet de représenter explicitement les technologies de production pour chaque type d’énergie. Dans le cas contraire, il aurait fallu faire l’hypothèse que la production d’énergie provient d’autres secteurs. La technologie de production propre à l’énergie serait alors difficilement discernable. La section 3.3 montre comment nous avons traité les données pour expliciter la production énergétique. Les technologies de la production énergétique sont caractérisées par les fonctions néoclassiques nichées du modèle de base. Nous adoptons donc une approche top-down. Les secteurs énergétiques sont soumis aux mêmes hypothèses de modélisation que les autres secteurs marchands du modèle : les biens énergétiques sont soumis au commerce international et leur demande est normale. La production des secteurs énergétiques est donc allouée au marché des exportations ou au marché intérieur. L’énergie consommée sur le marché intérieur provient soit de la production locale ou des importations du RdM. Dans le marché intérieur, la demande d’énergie du côté des ménages obéit au même 32 Chapitre 3 : La sphère énergétique arbitrage que celui en vigueur pour les autres biens. C’est-à-dire que chaque bien marchand est consommé en proportion fixe du revenu des ménages. Les difficultés méthodologiques de modéliser la relation entre l’énergie et les biens durables expliquent que nous retenions cette approche simple pour caractériser la demande d’énergie par les ménages. La demande d’énergie du côté productif de l’économie est caractérisée différemment des autres produits finis marchands. Rappelons que dans EXTER-C, chaque type de production avait recours à une proportion fixe de chaque produit fini marchand. Ici, nous allons modifier la structure de production de la façon illustrée dans la figure 3.1. Les biens énergétiques sont utilisés pour la production, mais il y a possibilité de substituer entre chacun d’eux. Les consommations intermédiaires énergétiques sont réparties sur deux niveaux dans le but de différencier les possibilités de substitution entre : • l’énergie électrique et non électrique ; • le charbon et les autres types d’énergies fossiles. Notre structure de production respecte donc les trois critères de base concernant la relation entre les intrants énergétiques dans les MEGC. L’agrégation pour les deux niveaux supplémentaires se fait selon une fonction à élasticité de substitution technique constante (ESTC) dans le but de saisir l’aspect imparfait des possibilités de substitution. Pour l’agrégat des consommations intermédiaires de charbon avec celles de l’agrégat des énergies fossiles, la fonction est de la forme : NEL j = Z (ε DICHA, j nel j (3.1) où x nel j = nel j −x nel j + (1− ε )DI FOS, j nel j − x nel j − ) 1 x nel j 1 − µ nel j µ nel j x nel j : paramètre de substitution de la fonction ESTC; µ nel j : élasticité de substitution; Z nel j : paramètre d’échelle de la fonction ESTC; ε nel j : paramètre de partage de la fonction ESTC; NEL j : agrégat énergie non électrique dans la branche j ; 33 Chapitre 3 : La sphère énergétique DI CHA, j : consommation intermédiaire de charbon par la branche j ; : consommation intermédiaire d’énergie fossile autre que le charbon par DI FOS , j la branche j . La valeur de l’élasticité de substitution pour la fonction 3.1 est 0,5 pour tous les secteurs. Production Totale (Leontief) Valeur Ajoutée Consommations Intermédiaires (Leontief) (Cobb-Douglas) Capital Agrégat Énergétique Travail Agriculture Industries Services (ESTC) Énergie Non électrique Énergie Électrique (ESTC) Autres énergies fossiles Charbon Figure 3.1 : Structure de production dans ENER-J La fonction caractérisant l’agrégation de l’énergie électrique avec l’agrégat d’énergie non électrique est de la même forme que l’équation 3.1 : AE j = Z (ε DIELEC , j AE j (3.2) où x AE j = AE j − x AE j + (1− ε ) NEL j AE j − x AE j ) − 1 x AE j 1 − µ jAE µ jAE x AE j : paramètre de substitution de la fonction ESTC; µ jAE : élasticité de substitution; Z jAE : paramètre d’échelle de la fonction ESTC; ε jAE : paramètre de partage de la fonction ESTC; Chapitre 3 : La sphère énergétique AE j 34 : agrégat énergétique dans la branche j ; DI ELEC , j : consommation intermédiaire électrique par la branche j ; NEL j : consommation intermédiaire d’énergie non électrique par la branche j . La valeur de l’élasticité de substitution de la fonction 3.2 est 1,0, ce qui implique que l’équation est en fait une Cobb-Douglas. L’ajout des nouveaux agrégats NEL et AE dans le modèle engendre de nouveaux prix. Le prix de l’énergie non électrique ( PNEL ) est une moyenne pondérée de la valeur des consommations intermédiaires du charbon et des autres énergies fossiles, soit : (3.3) PNEL j = PcCHA DICHA, j + Pc FOS DIFOS, j NEL j Le prix de l’agrégat énergétique ( PAE ) est une moyenne pondérée de la valeur des consommations intermédiaires énergétiques électriques et non électriques, soit : (3.4) PAE j = Pc ELEC DIELEC , j + PNEL j NEL j AE j Le prix de l’agrégat énergétique affecte par la suite le prix de la valeur ajoutée. La nouvelle forme de l’équation 2.28 est : (1− tp j ) ⋅ P j XS j − (3.5) où Pv j = Pc NE DINE, j − PAE j AE j NE VA j l’indice NE représente les consommations intermédiaires non énergétiques par les secteurs j . Les variations des prix de l’énergie affectent donc l’ensemble de la frontière de prix du modèle via l’équation 3.5. Les fonctions de demande de charbon par les producteurs sont les conditions de premier ordre dérivées de la maximation des profits sous la contrainte de la technologie (équation 3.1) : Chapitre 3 : La sphère énergétique (3.6) DICHA , j = DIFOS , j ε nel j 1− ε nel j µ nel j Pc FOS PcCHA 35 µ nel j Nous pouvons noter que dans l’équation 3.6, la demande de charbon est directement affectée par la variation de son prix relativement à celui des autres énergies fossiles. Une politique environnementale ayant un effet différent sur le prix de ces deux types d’énergie crée donc une substitution. De la même façon, la demande d’énergie électrique par les producteurs est obtenue par la maximisation des profits sous la contrainte de la technologie (équation 3.2) : (3.7) DIELEC , j ε AE j = NEL j 1− ε AE j µ AE j PNEL j µ AE j Pc ELEC Ceci complète la modélisation de la sphère énergétique du modèle ENER-J. 3.3 Les données 3.3.1 Les données utilisées Les données utilisées pour les secteurs énergétiques proviennent du Canadian Regional Economic Analysis Project (CREAP) (voir Wigle et Tronodon, 2004, pour leur présentation). Le CREAP désagrège les comptes nationaux de niveau S de Statistique Canada pour les produits énergétiques suivants : le charbon, le pétrole raffiné, le pétrole brut, le gaz naturel et l’électricité. L’année considérée est 1998. La désagrégation porte uniquement sur les comptes des produits, ce qui signifie la production des produits énergétiques n’est pas explicitée. Elle est incluse dans celle du secteur industriel, du secteur des services et du secteur public. 3.3.2 Le traitement des données L’introduction de la sphère énergétique à notre MCS s’est faite en trois étapes. Premièrement, il a fallu transformer les données du CREAP pour expliciter des secteurs propres aux différents types d’énergie. Pour ce faire, nous avons utilisé les comptes de la production (figure 3.2) et les comptes des intrants (figure 3.3) du CREAP. Les comptes de la production permettent de calculer la valeur de la production totale de chaque secteur énergétique (équation 3.8) et de calculer la proportion de la production de chaque secteur en produits énergétiques (équation 3.9). Cette proportion a deux utilisations. D’abord, elle est utilisée pour désagréger le compte des intrants. Ensuite, elle est utilisée pour Chapitre 3 : La sphère énergétique 36 expliciter les secteurs énergétiques selon la règle suivante: les intrants qui sont crédités aux secteurs énergétiques, sont débités au secteur industriel, au secteur des services et au secteur public en proportion de leur production énergétique. Par exemple, si la moitié de la production du secteur industriel est une production de charbon, alors la moitié de ce qu’utilise le secteur industriel est crédité au compte de la production du charbon. Le compte des intrants du secteur du charbon est donc une somme de ce qu’utilise l’industrie, les services et le secteur public pour produire le charbon. La figure 3.4 illustre cette étape de traitement des données. Figure 3.2 : Compte de la production du CREAP où XSN j XSE : valeur de la production en produits non énergétiques par le secteur j j : valeur de la production en produits énergétiques par le secteur j La valeur de la production totale en produits énergétique ( XSéne ) est déterminée par : (3.8) XSéne = XSE j j La proportion de la production du secteur j en produits énergétiques ( ρ j ) correspond à: (3.9) ρj = XSE j XSE j + XSN j Figure 3.3 : Compte des intrants du CREAP Chapitre 3 : La sphère énergétique 37 Figure 3.4 : Transformation du compte des intrants du CREAP pour expliciter les secteurs énergétiques La deuxième étape pour introduire la sphère énergétique à notre MCS a été d’agréger les données des secteurs du pétrole raffiné, du pétrole brut et du gaz naturel. Comme il a été mentionné précédemment, nous avons voulu limiter notre sphère énergétique à trois secteurs et à trois produits : le charbon, les autres énergies fossiles et l’électricité. Finalement, la troisième étape a eu pour but d’assurer la cohérence des données du CREAP avec ceux de notre MCS. Pour cette étape, nous avons fait l’hypothèse que l’économie canadienne n’avait pas subi de changements structurels importants entre l’année de référence de notre MCS, 1996, et l’année de référence des données du CREAP, 1998. Sous cette hypothèse, nous avons pu construire les comptes des secteurs énergétiques en appliquant les proportions calculées à partir des données du CREAP aux données de notre MCS. Notre MCS introduisant la sphère énergétique est présentée au tableau 3.1 à l’annexe de ce chapitre. Les paramètres propres à la sphère énergétique sont obtenus par la procédure de calibration utilisant la MCS lorsque c’est possible. Les paramètres exogènes sont les élasticités de substitution des fonctions ESTC et ETTC qui caractérisent la structure de production et le commerce international. Pour définir le commerce international du charbon et de l’électricité, nous retenons les mêmes paramètres que pour le secteur industriel (voir tableau 2.4, annexe 2.2). Pour les autres énergies fossiles, nous posons qu’il y a substitution parfaite avec les produits locaux et internationaux. Annexe 3.1 Tableau 3.1 : Matrice de comptabilité sociale du Canada avec sphère énergétique (données réelles) 38 Annexe 3.1 Tableau 3.1 (suite): Matrice de comptabilité sociale du Canada avec sphère énergétique (données réelles) 39 Chapitre 4 : Les émissions de gaz à effet de serre 40 Chapitre 4 Les émissions de gaz à effet de serre anthropogéniques La seconde étape pour adapter un MEGC aux changements climatiques est l’introduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) anthropogéniques. Le défi pour les modélisateurs est de relier les émissions de GES à l’activité économique de la façon la plus juste possible. Ce chapitre traite donc de la méthodologie pour modéliser les émissions de GES en rapport avec leurs sources dans l’activité économique. Il y a deux grandes catégories de sources aux émissions de GES anthropogéniques, soit la consommation des produits énergétiques et les sources fugitives. La consommation des produits énergétiques est en fait synonyme de combustion de l’énergie. Les sources d’émissions fugitives sont les activités de production conduisant à l’émission de GES sans qu’il n’y ait de combustion d’énergie. Par exemple, au Canada, le transport et la manutention d’hydrocarbure, de même que l’élevage de bétail sont reconnus comme étant des sources d’émissions fugitives non négligeables. 4.1 Revue de littérature Il y a deux philosophies pour définir les émissions de GES par rapport à l’activité économique et par conséquent, deux façons de les modéliser dans les MEGC. La première philosophie est de considérer les émissions de GES comme une externalité négative, un rejet de l’activité économique. La seconde philosophie consiste à les considérer comme des inputs. 4.1.1 Les émissions de GES en tant qu’externalité négative Suivant la philosophie des émissions de GES en tant qu’externalité négative, le protocole de modélisation consiste habituellement (Bagnoli et al., 1999) à relier les émissions de GES aux consommations énergétiques et à la production par un coefficient fixe. Par exemple, dans le présent modèle, la consommation de biens énergétiques par les ménages génèrerait un volume d’émissions correspondant à : Chapitre 4 : Les émissions de gaz à effet de serre EMIM = (4.1) 41 emtr Ctr tr où EMIM : niveau d’émissions engendré par les ménages; emtr : coefficient fixe d’émissions, applicable sur toutes les consommations finales, mais ayant une valeur non nulle que pour les biens énergétiques émetteurs; Ctr : consommation finale du bien marchand tr en volume. En suivant la même approche, la consommation de produits énergétiques dans le processus de production générerait un volume d’émissions correspondant à : EMIP j = (4.2) em tr DItr, j tr où EMIPj : niveau d’émissions généré par la consommation d’énergie dans le processus de production du secteur j ; emtr : coefficient fixe d’émissions, ici applicable sur toutes les consommations intermédiaires, mais ayant une valeur non nulle que pour les biens énergétiques émetteurs; DI tr , j : consommation intermédiaire du bien tr par le secteur j en volume. Pour ce qui est des émissions fugitives, elles proviennent d’activités très spécifiques comme la digestion du bétail ou le transport par pipeline des produits pétroliers. Le niveau de détail des MEGC ne permet habituellement pas de représenter ces activités. Cependant, en fixant des coefficients d’émissions directement au niveau de la production à la façon de l’équation 4.3, on obtient une représentation satisfaisante des émissions fugitives : EMIF j = fug j XS j (4.3) où EMIF j : émissions fugitives du secteur j ; fug j : coefficient fixe d’émissions fugitives ; XS j : production totale du secteur j . Suivant cette approche, les émissions fugitives sont liées à l’activité économique, sans pour autant qu’il y ait de relation directe avec l’utilisation d’énergie. La réduction des émissions fugitives n’est donc possible que par une réduction de la production ou Chapitre 4 : Les émissions de gaz à effet de serre 42 l’utilisation de nouvelles technologies. Or, dans le cas des émissions provenant de la consommation de l’énergie, il est plus facile de réduire le niveau d’émissions, car la substitution vers des intrants faiblement émetteurs est aussi possible.10 4.1.2 Les émissions de GES en tant qu’input La deuxième philosophie pour définir les émissions de GES est plus marginale. Cette philosophie consiste à considérer les émissions polluantes comme un input à la production ou littéralement comme un bien de consommation. Cela se motiverait par le fait que lorsque qu’émettre devient coûteux, les agents font le même type d’arbitrage qu’avec les autres inputs ou biens. Les modèles qui considèrent les émissions de GES comme des inputs (DICE de Nordhaus 1992, FUND de Tol 1999 et EPPA de Babiker et al. 2001) les définissent habituellement par une fonction Leontief, c’est-à-dire en proportion fixe des autres inputs. Les émissions de GES sont donc des produits contingents à l’utilisation des autres biens et services. Dans les MEGC, poser des coefficients fixes d’émissions au niveau des variables ou introduire une relation Leontief entre les intrants est mathématiquement équivalent : dans les deux cas, les émissions sont des compléments à la production. Le protocole de modélisation proposé pour représenter les émissions comme une externalité négative répond donc simultanément aux deux philosophies si l’hypothèse que les émissions sont des intrants non substituables est retenue. 4.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec émissions de GES anthropogéniques : le modèle ENVIRON Le modèle introduisant les émissions de GES dans ENER-J est le modèle ENVIRON. Avec des paramètres représentant des coefficients fixes d’émissions, il est simple d’endogéniser les émissions de GES dans un MEGC. L’approche que nous retenons suit en tout point celle des équations 4.1, 4.2 et 4.3. Nous adoptons l’école de pensée considérant les émissions comme un input nécessaire pour la consommation et la production. Notre structure de production peut donc être schématisée comme à la figure 4.1. 4.3 Les données Si modéliser les émissions de GES dans un MEGC est simple, s’assurer que les paramètres utilisés reproduisent les niveaux d’émissions désirés est une tâche plus ardue. Ce point est particulièrement important, car le niveau d’émissions du scénario de 10 Le prochain chapitre comporte une simulation montrant l’importance de ce point. 43 Chapitre 4 : Les émissions de gaz à effet de serre Production Totale (Leontief) Valeur Ajoutée (Cobb-Douglas) Consommations Intermédiaires GES fugitifs (Leontief) Agrégat Énergétique Consommations Intermédiaires (Leontief) (ESTC) Énergie Non électrique (ESTC) Autres énergies fossiles (émettrices) (Leontief) Charbon (émetteur) (Leontief) Charbon Énergie Électrique (émettrice) (Leontief) GES Autres énergies fossiles Électricité GES GES Figure 4.1 : Structure de production d’ENVIRON référence est un des principaux facteurs expliquant la variabilité des résultats entre les modèles développés pour analyser les coûts de réglementations sur les GES (Weyant et Hill 1999). Notre niveau d’émissions de GES du scénario de référence repose sur les données du CREAP et du Canadian Emission Outlook Updates (CEOU) de Ressources Naturelles Canada. Les données du CREAP comptabilisent, pour l’année 1998, les émissions de GES liées à la consommation et à la production des cinq types d’énergies considérées. Les niveaux d’émissions totaux n’incluent donc pas seulement les émissions liées à la combustion, mais aussi les émissions fugitives provenant des processus de production des produits énergétiques. Les GES comptabilisés sont le CO2, le méthane et le NO2. La proportion d’émissions fugitives n’est pas distinguée des totaux. Il n’est donc pas possible de Chapitre 4 : Les émissions de gaz à effet de serre 44 calculer un coefficient propre à ce type d’émission. Sauf exception, les émissions fugitives ne seront donc pas explicitées dans les secteurs énergétiques. Il faut noter que dans le cas du pétrole brut, le niveau total d’émissions correspond entièrement à des sources fugitives. Nous pouvons donc calculer un coefficient d’émission fugitive pour le pétrole brut. Les coefficients d’émissions provenant du CREAP se retrouvent au tableau 4.1. Les coefficients d’émissions sont un ratio du volume d’émissions sur la valeur des produits énergétiques consommés et produits pour l’année 1998. Pour reproduire le niveau d’émissions de 1996 aux deux dernières colonnes du tableau 4.2, nous appliquons ces coefficients sur les valeurs de notre MCS. Par cette approche, nous sous-entendons que les prix des produits énergétiques sont les mêmes en 1996 et en 1998. Dans le cas contraire, il aurait fallu ajuster les coefficients d’émissions pour les deux périodes en fonction du différentiel de prix. Nous faisons aussi l’hypothèse que les prix des produits énergétiques consommés et produits sont égaux à l’unité. Les valeurs sont donc égales aux volumes et par conséquent, les coefficients d’émissions sont des ratios volume/volume. Tableau 4.1 : Données sur les émissions du CREAP et coefficients d’émissions Tableau 4.2 : Émissions de GES dérivée des valeurs la MCS du Canada Les données du CEOU permettent de compléter le calcul des coefficients d’émissions fugitives pour les secteurs industriel et agricole (tableau 4.3). Le CEOU comptabilise directement les émissions de GES provenant d’activités non liées à l’énergie pour l’industrie, ce qui permet d’obtenir facilement le calcul du coefficient d’émissions Chapitre 4 : Les émissions de gaz à effet de serre 45 fugitives. Le CEOU fournit aussi le volume d’émissions de GES provenant des agrosystèmes, de la gestion des déchets et de l’utilisation des sols. Nous considérons ces émissions comme étant toutes attribuables aux émissions fugitives de l’agriculture, bien que dans, le cas des déchets, ce sont plutôt les ménages qui sont à la source de ces émissions. Tableau 4.3 : Émissions fugitives pour les secteurs de l’agriculture et de l’industrie Les émissions de GES de notre situation de référence somment à 800 Mt en équivalent de CO2. L’estimé du CEOU pour le total des émissions de GES du Canada pour l’année 1996 est 670 Mt en équivalent de CO2. Cette surestimation de 130 Mt peut-être attribuable au fait qu’il est difficile de retracer les émissions de GES à l’utilisation de l’énergie lorsque le niveau d’agrégation est important (Wigle et Tronodon, 2004). Chapitre 5 : Les politiques environnementales 46 Chapitre 5 Les politiques environnementales Une fois les GES introduits, il est possible de modéliser les politiques pour les réglementer. Dans ce mémoire, nous nous concentrons sur le système de permis échangeables (SPÉ). Cela est motivé par le fait que le Protocole de Kyoto et le Plan canadien pour la lutte aux changements climatiques préconisent le recours à cet outil de marché. Le premier objectif de ce chapitre est donc de maîtriser la méthodologie pour modéliser un SPÉ dans un MEGC. Deux des aspects du SPÉ les plus communément étudiés avec les MEGC sont l’analyse des impacts structurels du SPÉ et la neutralité de la méthode d’allocation des permis. Le deuxième objectif de ce chapitre est donc de maîtriser la méthodologie pour étudier ces deux aspects avec les MEGC. Concernant l’analyse des impacts structurels, nous analysons divers scénarios quant aux modalités du SPÉ. • Le premier scénario est un SPÉ ne couvrant que les émissions de GES liées à la combustion de l’énergie de tous les secteurs productifs de l’économie. Ce scénario a été choisi uniquement pour permettre de bien comprendre le fonctionnement du MEGC lorsqu’il intègre un SPÉ, notamment le mécanisme déterminant le prix du permis. • Le second scénario est un SPÉ semblable au précédent, mais couvrant en plus les émissions dites fugitives. Ce scénario a aussi été choisi parce qu’il permettait d’éclairer le fonctionnement du SPÉ. Plus précisément, nous montrons que de considérer différents types d’émissions affecte l’élasticité de la demande de permis et donc, le prix du permis. • Le troisième scénario est un SPÉ ne couvrant que les émissions liées à la combustion du secteur industriel. Ce scénario a été choisi non seulement parce que c’était la meilleure représentation du SPÉ proposé par le Plan canadien pour la lutte aux changements climatiques que nous puissions faire dans notre MEGC, mais aussi parce qu’il permet de montrer une application possible des MEGC, soit estimer les coûts marginaux de dépollution d’une région ou d’un secteur donné. Chapitre 5 : Les politiques environnementales • 47 Le quatrième scénario est un SPÉ national où il est possible d’acheter des permis d’un marché international des permis. Ce scénario montre le fonctionnement d’un SPÉ national intégré dans un SPÉ international. Il a été choisi parce que c’est un scénario fortement plausible au Canada. La neutralité de la méthode d’allocation des permis dans un cadre d’équilibre général est en lien avec l’aspect « double dividende » des politiques environnementales. L’expression « double dividende » signifie qu’une politique environnementale, en plus de faire respecter une cible environnementale, peut réduire les distorsions dues au système fiscal. L’étude de la neutralité de la méthode d’allocation des permis est donc intimement liée à l’étude des distorsions du système fiscal. Dans cette section, après avoir relevé comment certains auteurs avaient traité la neutralité de la méthode d’allocation, nous présentons un modèle permettant d’étudier la question. Dans ce scénario, nous montrons notamment que la neutralité de la méthode d’allocation est conditionnelle à la possibilité de réaliser le double dividende. L’organisation de ce chapitre est la suivante. Nous présentons d’abord les fondements théoriques du SPÉ. Par la suite, nous abordons les questions méthodologiques reliées à sa modélisation. Nous modélisons et simulons ensuite des scénarios quant aux modalités du SPÉ permettant de saisir la méthodologie pour adapter un MEGC à l’analyse des impacts structurels et à l’étude de la neutralité de la méthode d’allocation des permis. 5.1 Fondements théoriques du système de permis échangeables (SPÉ) Le SPÉ répond directement à ce que la théorie économique identifie comme une des principales causes des problèmes environnementaux, soit l’absence de droits de propriété. En obligeant les émetteurs d’émissions polluantes à posséder des permis en proportion de leurs émissions, le niveau d’émissions totales peut être contrôlé par une agence régulatrice qui, selon le cas, diminue ou augmente les permis disponibles. Il y a donc des droits de propriété bien définis à l’émission de GES. La courbe de demande de permis du marché correspond à la courbe de coût marginal de dépollution pour l’ensemble des agents de l’économie. Concrètement, les coûts marginaux de dépollution (CmD) rendent compte des coûts reliés à la baisse de l’activité économique et les effets de substitution et ce, pour une technologie donnée. Une fois les coûts marginaux déterminés pour l’ensemble du marché, le prix du permis est donc déterminé par contrainte sur les émissions, comme illustré à la figure 5.1. 48 Chapitre 5 : Les politiques environnementales Coûts marginaux de dépollution (CmD) en $ Prix du permis D = CmD du marché Quantité totale de permis offerte Émissions dépollution Figure 5.1 : Détermination du prix du permis dans un SPÉ La possibilité d’échanger les permis fait en sorte que le prix de ceux-ci se fixe de façon à ce que la cible environnementale soit atteinte au moindre coût. En effet, les agents réglementés par le système reçoivent, selon une méthode d’allocation quelconque, un certain nombre de permis et font l’arbitrage suivant : émettre et utiliser des permis ou dépolluer et ne pas utiliser de permis. À la marge, les agents qui peuvent facilement dépolluer auront un nombre excédentaire de permis et les vendront à ceux pour qui il est plus coûteux de réduire leurs émissions. L’échange des permis amène donc, comme l’illustre la figure 5.2, l’égalité des coûts marginaux de dépollution, la condition nécessaire de l’efficacité économique. Coûts marginaux de dépollution (CmD) en $ Prix du permis A B C CmDA d’un agent A CmDB d’un agent B O D E Émissions Figure 5.2 : Égalité des coûts marginaux de dépollution dans un SPÉ Chapitre 5 : Les politiques environnementales 49 Il faut noter que les agents ne supportent cependant pas le même fardeau. À la figure 5.2, le fardeau du SPÉ pour l’agent A est l’aire OACE, tandis que celui de l’agent B est l’aire OABD. 5.2 Le SPÉ dans les MEGC 5.2.1 Revue de littérature Pour suivre en tout point la théorie, la modélisation du SPÉ dans un MEGC nécessite: • une agence régulatrice du SPÉ, • un mécanisme de décision pour imposer une cible d’émissions, ou plus simplement une offre de permis; • les fonctions de coût marginal de dépollution. Étant donnée qu’une agence régulatrice de permis est habituellement sous la juridiction gouvernementale, la modélisation de l’agence régulatrice dans un MEGC revient habituellement à l’introduction de l’agent gouvernement. Pour ce qui est de la modélisation de l’offre de permis, deux mécanismes peuvent être considérés. L’agence régulatrice peut établir une cible d’émissions de façon à maximiser le bien-être social ou elle peut adopter une cible en fonction de critères plus heuristiques. Pour le modélisateur, il est plus simple de considérer que la cible d’émissions est fixée par ce dernier processus, car cela revient à poser l’offre de permis comme une variable exogène au modèle. La modélisation d’une offre de permis maximisant le bien-être social correspond à l’égalité des dommages et des bénéfices marginaux. Le modèle doit donc comptabiliser les dommages environnementaux, ce qui complexifie le modèle et fait intervenir un problème de données. La modélisation de la demande de permis se fait en introduisant les fonctions de coût marginal de dépollution, comme il a été expliqué précédemment. Pour un modèle comportant beaucoup de secteurs et de régions, il est cependant difficile d’obtenir des estimés empiriques de ces fonctions. Dans ce qui suit, nous présentons deux approches pour modéliser un SPÉ sans fonction de coût marginal de dépollution. La première approche repose sur la correspondance en concurrence parfaite entre le prix du permis librement négocié et le niveau de la taxe qui permet d’atteindre le niveau d’émissions fixé comme plafond (Bréchet, 1999). Cette approche revient à considérer une taxe sur les émissions et à déterminer un processus par lequel le niveau de la taxe est déterminé de façon endogène par les conditions de marché. L’hypothèse retenue est que Chapitre 5 : Les politiques environnementales 50 toutes les émissions de GES anthropogéniques doivent être couvertes par le SPÉ. L’équation reliant les émissions à l’activité économique est donc la demande de permis du marché. En imposant une contrainte exogène sur le niveau d’émissions total, on crée une rareté relative et il en résulte un prix aux émissions : la taxe par unité d’émissions. Si l’émission d’une tonne de GES fait l’objet d’une demande d’une unité de permis, le prix du permis est exactement égal à la taxe. La contrainte sur les émissions étant globale, cela confère le caractère échangeable aux permis. La réduction des émissions se fait donc dans les secteurs et les régions où il est plus facile de réduire les niveaux d’émissions. Il faut noter qu’avec cette approche, la taxe sur les émissions est transformée en une taxe sur l’énergie (Burniaux et al., 1992). Le SPÉ ou la taxe conduit donc à deux ajustements possibles pour les producteurs : la réduction des niveaux de production et la substitution entre les intrants. Le modèle GREEN de Burniaux et al. (1992) est un des MEGC classiques utilisant cette méthode pour modéliser le SPÉ. Une deuxième approche a été développée par McKibbin et Wilcoxen (1999) pour leur modèle G-CUBED. Le SPÉ est intégré explicitement dans la structure de production. L’utilisation de chaque intrant se fait en proportion fixe d’un permis. Le permis est donc un intrant de production. Mathématiquement, considérer les permis comme des intrants ou considérer que chaque intrant génère une quantité fixe d’émission qui nécessite ellemême une quantité fixe de permis revient au même. En considérant les permis comme des intrants, l’économie a donc une dotation initiale de ceux-ci. La méthodologie employée dans G-Cubed permet donc de caractériser les ménages comme les détenteurs de permis, comme c’est aussi le cas pour le reste du capital. Les décisions quant à l’utilisation des permis reviennent cependant aux entreprises. Cette approche induit les mêmes ajustements que pour l’approche de GREEN. Avec les approches de GREEN et de G-Cubed, le prix du permis est déterminé par les conditions de marché, mais l’absence de fonction de coût marginal de dépollution ne permet pas d’estimer le véritable fardeau que chaque agent supporte pour le contrôle des émissions. Les coûts totaux liés au contrôle des émissions sont donnés en mesurant l’aire sous les courbes de coût marginal de dépollution, comme illustré à la figure 5.2. Avec les approches de GREEN et G-Cubed les coûts marginaux de dépollution ne sont pas directement estimés et il est difficile de les retracer dans le modèle. Le seul coût qui peut être mesuré avec exactitude est la valeur des permis que chaque agent possède, ce qui ne correspond pas aux coûts totaux de dépollution. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 51 D’après Ellerman et Decaux (1998), cette lacune peut cependant être corrigée. Ceux-ci ont utilisé un modèle considérant un SPÉ de façon semblable à GREEN, soit le modèle EPPA. Ils ont démontré qu’il était possible de générer les fonctions de coût marginal de dépollution pour les différentes régions du modèle sans information préalable sur ces fonctions. Leur approche repose sur le fait théorique que le prix d’équilibre du permis est égal au coût à la marge de dépolluer. En simulant différentes cibles d’émissions, ils retrouvent donc la correspondance entre le coût marginal de dépollution et le niveau de réduction des émissions. Ces données permettent ensuite d’estimer les fonctions de coût marginal de dépollution et de tracer les courbes correspondantes. En soumettant une région ou un secteur précis au SPÉ, il est donc possible d’estimer sa fonction de coût marginal de dépollution et de mesurer son coût exact du contrôle des émissions. Ellerman et Decaux proposent d’estimer les fonctions avec une forme quadratique, soit : (5.1) CMD = α ⋅ AB 2 + β ⋅ AB où CMD : prix du permis fonction de la cible de réduction des émissions AB : cible de réduction α : paramètre à estimer β : paramètre à estimer Klepper et Peterson (2003) proposent une forme différente aux fonctions : (5.2) CMD = α ⋅ AB β Dans ce qui suit, nous présentons un protocole de modélisation pour introduire un SPÉ dans ENVIRON. Nous traitons ainsi des aspects particuliers liés à la modélisation du SPÉ. 5.2.2 Protocole de modélisation pour introduire un SPÉ dans un MEGC: le modèle POLENVI Le modèle POLENVI introduit un SPÉ dans notre modèle ENVIRON. 5.2.2.1 SPÉ avec allocation aux enchères La philosophie que nous retenons pour modéliser un SPÉ dans notre modèle maquette s’inspire de celle du modèle GREEN: la demande des permis est donnée par l’équation reliant les émissions à l’activité économique. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 52 La demande de permis de chaque secteur ( DPT j ) correspond aux émissions nécessaires à l’utilisation de l’énergie dans le processus de production (équation 4.2) et aux émissions fugitives (équation 4.3): (5.3) DPT j = emtr DI tr, j + fug j XS j tr où DPT j : demande de permis pour les émissions générées par la consommation d’énergie dans le processus de production et par les émissions fugitives; La demande de permis des ménages (DPM) est : (5.4) DPM = em trCtr tr La demande totale de permis du marché (DEP) est donc : (5.5) DEP = DPT j + DPM j L’offre totale de permis ( SP ) est exogène. La condition d’équilibre sur le marché des permis est : (5.6) DEP = SP La valeur des permis mis en circulation est donnée par : (5.7) où RP = PPERMIS × SP PPERMIS : prix du permis La méthode d’allocation des permis détermine la façon dont est distribuée cette valeur. Dans le cas d’une vente aux enchères des permis,11 le gouvernement en bénéficie. Son équation du revenu (équation 2.20) est alors ajustée pour devenir: 11 Une enchère où tous les permis sont vendus au même prix. Chapitre 5 : Les politiques environnementales (5.8) YG = λg r j KD j + TIM tr + tr + TDE + TIE tr + tr 53 TItr + TD tr TNP j + TNV + RPG + TGG + TGW + RP j Le SPÉ modifie les frontières de prix de l’économie comme suit. D’abord, cela signifie que les coûts d’utilisation de l’énergie émettrice au niveau de la production sont modifiés pour inclure le prix du permis. Le prix du permis affecte le prix des consommations intermédiaires énergétiques émettrices en proportion de l’intensité des émissions de GES que leur utilisation dégage (le coefficient em ). Le nouveau prix composite ( PEP ) de chaque consommation intermédiaire énergétique émettrice est donc donné par : (5.9) PEPEP = Pc EP + PPERMIS × emEP où l’indice EP correspond aux secteurs ayant des produits émetteurs (polluants), dans ce cas-ci le charbon ( CHA ) et les autres énergies fossiles ( FOS ), et Pc EP est le prix composite de ces produits déterminés par l’équilibre de l’offre totale du produit ( QEP ) et la somme de ses utilisations intérieures. Ces prix modifient ensuite le prix de l’agrégat des énergies fossiles ( PNEL ). L’équation 3.3 devient: (5.10) PNEL j = PEPCHA DICHA, j + PEPFOS × DIFOS, j NEL j Finalement, les prix de l’équation précédente se répercutent dans les prix de l’agrégat de l’énergie électrique et non électrique ( PAE , équation 3.4). PAE affecte par la suite le prix de la production au coût des facteurs ( P ). L’achat de permis pour la combustion de l’énergie est donc comptabilisé implicitement dans l’équation du prix de la valeur ajoutée (équation 2.28). La présence d’émissions fugitives signifie aussi l’achat de permis en conséquence. Les émissions fugitives sont liées au plus haut niveau de la structure de production. Elles doivent donc être comptabilisées en dernier lieu. L’équation de la valeur ajoutée (équation 2.28) introduit explicitement l’achat de permis pour les émissions fugitives, soit : 54 Chapitre 5 : Les politiques environnementales P j XS j − (5.11) Pv j = Pc NE DI NE, j − PAE j AE j − PPERMIS × EMIF j NE VA j Les nouveaux prix des consommations intermédiaires de produits émetteurs sont intégrés dans les fonctions de demande des produits émetteurs des producteurs. L’équation 3.6 devient : (5.12) DICHA, j = DIFOS , j ε nel j 1− ε nel j µ nel j PEPFOS PEPCHA µ nel j Nous voyons que les nouveaux prix composites de l’énergie incluant le prix du permis ( PEPEP ) modifient l’arbitrage entre les consommations intermédiaires énergétiques. L’ampleur des effets de substitution est fonction de l’élasticité de substitution ( µ nel ) et des coefficients d’émissions ( em ). Pour un SPÉ couvrant les émissions des ménages, cela signifie qu’ils doivent aussi posséder des permis lorsqu’ils consomment de l’énergie émettrice. Ils paient le prix PEPEP pour ce type d’énergie. L’équation de décision de consommation finale pour l’énergie émettrice devient : (5.13) CEP = γ EPYDM PEPEP où γ EP : part budgétaire allouée par les ménages à la consommation des produits émetteurs. 5.2.2.2 SPÉ avec allocation gratuite des permis fonction d’un niveau de production passé (allocation des permis grand-père) L’allocation des permis dans un SPÉ peut se faire selon diverses méthodes. Pour un SPÉ ne couvrant que les entreprises, outre les enchères, une allocation gratuite fonction d’un niveau de production passé est aussi possible. Cette méthode d’allocation revient à allouer une fois pour toutes les permis aux entreprises selon un critère hors de contrôle, soit la production d’une période précédente. C’est ce que nous appelons une « allocation grand père ». Chapitre 5 : Les politiques environnementales 55 La modélisation de la méthode d’allocation grand-père dans les MEGC a deux écoles de pensée. La première est celle suivant une approche semblable au modèle GREEN où les permis gratuits sont pris en compte dans le programme d’optimisation des firmes. Selon cette philosophie, les permis gratuits réduisent le fardeau de celui qui les possède au niveau de l’utilisation des intrants émetteurs, ce qui implique que pour une entreprise dont l’allocation gratuite de permis couvre entièrement ses émissions, le coût d’utilisation de l’énergie sera le même que s’il n’y avait pas de SPÉ. Il y aura donc une différence par rapport à une allocation aux enchères, car la demande des intrants émetteurs sera plus importante, faisant ainsi des pressions à la hausse sur les émissions et donc, sur le prix du permis. Cette philosophie fait l’hypothèse que les agents sont myopes par rapport à la possibilité de revendre les permis. Ils ne tiennent donc pas compte du coût d’opportunité des permis, ce qui va à l’encontre de l’idée même des permis échangeables. L’autre école de pensée, retenue entre autres par Jensen et Rasmussen (2000), consiste à ne pas distinguer les permis gratuits des permis obtenus par enchères. Les permis gratuits représentent un transfert forfaitaire aux entreprises. Cette philosophie sous-entend que dans le cas d’une allocation grand-père, le permis a un coût d’opportunité dont sa valeur d’équilibre est la même que si l’allocation se fait aux enchères. Allouer les permis aux enchères ou de façon grand-père a donc la même incidence sur les décisions d’utiliser ou non les intrants émetteurs. Dans un cas, les permis sont des actifs ayant un coût direct pour l’entreprise, dans l’autre, ils sont des actifs ayant un coût d’opportunité. L’approche que nous retenons pour modéliser le SPÉ avec allocation grand-père suit la philosophie de Jensen et Rasmussen (2000). Dans notre modèle, cela revient donc à retenir le même protocole de modélisation que pour l’allocation aux enchères. Cependant, le flux des revenus des permis (la variable RP donnée par l’équation 5.7) est alloué de façon forfaitaire aux entreprises. La variable RP n’est donc plus intégrée à l’équation du revenu gouvernemental, mais à celle de l’agent entreprise qui devient : (5.14) YE = λ r j KD j + RP j En suivant l’approche de modélisation présentée ci-dessus, les simulations du SPÉ avec allocation grand-père conduisent exactement aux mêmes résultats que si l’allocation se faisait aux enchères. Pour les deux méthodes, c’est l’épargne, déterminée de façon résiduelle, qui absorbe tous les revenus supplémentaires. La valeur de l’investissement total est donc affectée de façon identique, conduisant aux mêmes effets d’équilibre Chapitre 5 : Les politiques environnementales 56 général12. De plus, étant donnée que la demande des intrants énergétiques émetteurs n’est pas affectée par les permis gratuits, il n’y a pas de nouvelle dynamique dans le processus de production des entreprises. Nous reproduisons ainsi le théorème classique de Coase (1960) disant que dans un monde de compétition et d’information parfaite où les droits de propriété sont bien définis et où les coûts de transaction sont nuls, la méthode d’allocation des droits de propriétés est neutre. 5.3 Impacts structurels d’un SPÉ 5.3.1 Un SPÉ simple : POLENVI_1 Dans un premier temps, nous considérons un SPÉ que nous qualifions de simple, car il ne va couvrir que les émissions de GES liées à la combustion de l’énergie provenant des entreprises, tous secteurs confondus. Les émissions fugitives et celles provenant des activités des ménages ne sont pas considérées dans ce scénario. 5.3.1.1 Protocole de modélisation de POLENVI_1 Pour ce premier scénario, la demande de permis pour chaque secteur ne correspond qu’aux émissions provenant de la combustion de l’énergie. L’équation 5.3 doit donc être remplacée par : (5.15) DPT j = em tr DItr, j tr 5.3.1.2 Simulation de POLENVI_1 Le SPÉ simple a été simulé en s’inspirant de l’objectif du Canada en vertu du Protocole de Kyoto. L’objectif du Canada est d’émettre, pour la période 2008-2012, un niveau de GES correspondant à ceux de 1990 moins 6%, ce qui correspond à un volume de 571 Mt de GES en équivalent de CO2. Sachant que le Canada est censé émettre environ 809 Mt en 2010, la cible de réduction du Canada est de 240 Mt, ce qui en pourcentage équivaut à 29,67%. En simulant une réduction de 30% de l’offre de permis, nous reproduisons donc un ordre de grandeur réaliste de la cible de réduction de GES auquel le Canada est confronté13. Le fait que notre modèle soit statique signifie que l’année 1996 joue le rôle 12 Dans un modèle où les propensions marginales à épargner du gouvernement et des entreprises seraient différentes de un et non identiques, allouer un revenu à l’État ou aux entreprises ne générerait pas les mêmes niveaux d’épargne et donc les mêmes effets. Ce point est démontré à la section 5.4 portant sur le double dividende. 13 Notre cible de réduction retenue pour notre simulation s’inspire de la contrainte globale du Canada en matière de réglementations sur les GES. Elle n’est cependant pas une bonne représentation du Plan canadien pour la lutte aux changements climatiques qui prévoit le recourt au SPÉ pour réduire d’environ 13% et non 30 % les émissions de ceux qui sont visés par cette politique. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 57 de l’année 2010. Nous simulons donc un protocole fictif qui aurait été adopté une dizaine d’années avant celui de Kyoto et fixant une cible d’émissions pour 1996. La sélection des résultats de la simulation (la colonne identifiée scénario 1 au tableau 5.2 de l’annexe) indique comment l’économie canadienne aurait alors réagi. 5.3.1.2.1 Analyse du mécanisme déterminant le prix du permis Le prix du permis étant endogène, cela en fait une des principale variable d’intérêt de la simulation. Dans les modèles économiques portant sur les changements climatiques, le prix du permis joue un excellent rôle de mesure des variations de bien-être, comme l’ont souligné Weyant et Hill (1999). En effet, cela est une mesure nécessairement produite par tous les modèles, contrairement aux autres mesures de bien-être, ce qui facilite les comparaisons. Pour cette simulation, le prix du permis se fixe à 15,67 $. Avant d’analyser l’impact d’un prix du permis positif, voyons d’abord le mécanisme par lequel il est déterminé. À la situation de référence, l’offre totale de permis (SP) est égale à la demande totale de permis (DEP). Cet équilibre implique que ce sont les demandes intermédiaires pour les énergies émettrices (les variables DITCHA, j et DITFOS , j ) qui doivent s’ajuster pour respecter la cible d’émissions, ce qui est démontré dans ce qui suit : SP = DEP = j EMIPj = j = j tr emtr DI tr , j emCHA DI CHA, j +em FOS DI FOS , j = emCHA DITCHA, j + em FOS DITFOS , j Dans cette simulation, la somme des variables DITCHA et DITFOS pondérées par les coefficients d’émissions doit donc être inférieure de 30% par rapport au scénario de référence. Ex ante, cette baisse importante d’une composante de la demande, crée un déséquilibre sur les marchés des énergies émettrices. Les prix d’équilibre de ces marchés (les variables PcCHA et Pc FOS ) subissent donc des pressions à la baisse. Cependant, ces pressions n’ont pas obligatoirement un effet dominant. D’après les résultats, PcCHA baisse de 4,96%, mais Pc FOS est en légère hausse de 0,11%, ce qui sera expliqué subséquemment. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 58 Une restriction sur les DITEP signifie aussi que les énergies émettrices sont des consommations intermédiaires moins disponibles pour la production. Il y a donc un phénomène de rareté qui pousse leur coût d’utilisation au niveau de la production ( PEPEP ) à la hausse. Ces hausses sont de l’ordre de 319,73% pour le charbon et 16,99% pour les autres énergies fossiles. Le différentiel entre PEPEP et Pc EP détermine le prix du permis. Le prix du permis est donc déterminé à la façon de la figure 5.3, c’est-à-dire de façon résiduelle. Défini par l’équilibre sur le marché des biens : Qtr = DITtr + Ctr + INVtr + SK tr Défini de façon résiduelle PEPep = Pc EP + PPERMIS × em ep Défini par la demande des énergies émettrices au niveau de la production : DI CHA, j = DI FOS , j ε nel j 1 − ε nel j µ nel j PEPFOS PEPCHA µ nel j Figure 5.3 : Détermination du prix du permis dans le SPÉ de POLENVI_1 5.3.1.2.2 Analyse des impacts structurels Les impacts structurels du SPÉ sont causés par deux ajustements pour atteindre la cible d’émissions. Le premier ajustement est l’effet de substitution inter-énergétique. Cette substitution réduit les demandes intermédiaires des énergies émettrices en faveur de l’énergie non émettrice, dans ce cas-ci l’électricité. Les secteurs producteurs d’énergie émetrices sont donc défavorisés par ce premier ajustement, car ils sont moins en demande. Le second ajustement est la baisse des niveaux d’activité que nous mesurons par la production totale. Cet ajustement provient du fait que le SPÉ augmente les coûts de Chapitre 5 : Les politiques environnementales 59 production, ce qui pousse les producteurs à diminuer leur volume de production pour écouler leurs produits. Cet ajustement s’opère dans les secteurs intensifs en énergie émettrice, soit le secteur industriel, le secteur du charbon et le secteur des autres énergies fossiles, qui voient leur volume de production baisser de 0,63%, 23,54% et 2,32%, respectivement. La chute des niveaux de production dans le secteur des énergies émettrices et industriel libère de la main d’œuvre et du capital qui, dans un monde de plein emploi des ressources et de complète mobilité des facteurs de production, fait augmenter l’offre de ces facteurs dans les autres secteurs. Il en résulte une baisse de leurs prix d’équilibre qui correspondent ici à leurs productivités marginales. Avec cette baisse de la rémunération des facteurs de production, les revenus des ménages vont donc être forcément à la baisse. En considérant une allocation aux enchères, il en sera de même du revenu des entreprises. Pour ce qui est du gouvernement, nous observerions le même effet, si ce n’était des 6 milliards de revenu qu’il retire du SPÉ. Les effets du SPÉ sur la production ( XS ) des secteurs agricole et des services marchands sont légèrement positifs. La cause de la hausse de la production est la diminution des prix aux coûts des facteurs ( P ). Les produits peuvent donc être écoulés plus facilement. La baisse du prix au coût des facteurs ( P ) s’explique par le fait que ces secteurs sont peu intensifs en énergies émettrices. La hausse de leurs coûts de production due à l’augmentation des coûts d’utilisation de l’énergie est contrecarrée par la baisse de la rémunération des facteurs primaires de production. Les composantes de la demande de l’économie canadienne sont généralement en baisse. L’économie nationale ne peut donc supporter la hausse de la production agricole et des services marchands. Par conséquent, la production est allouée en plus grande proportion au marché des exportations que sur le marché intérieur. Au total, le volume de ressources des produits de ces secteurs dans l’économie nationale ( Q ) diminue donc. Le secteur des services non-marchands bénéficie aussi de la baisse du salaire et du taux de rémunération du capital pour diminuer ses coûts de production et augmenter sa production. Les composantes de la demande de l’économie sont, rappelons-le, la consommation finale, les consommations intermédiaires et l’investissement. Dans cette simulation, la baisse du revenu des ménages réduit les niveaux de consommation finale et les baisses prononcées des niveaux de production dans certains secteurs réduisent les niveaux de Chapitre 5 : Les politiques environnementales 60 consommation intermédiaire. Pour ce qui est de l’investissement, elle est en légère hausse de 0,73%. Cela est dû au fait que les revenus du SPÉ sont tous épargnés par le gouvernement (dans le cas d’une enchère, sinon par l’agent entreprise dans le cas de l’allocation grand-père), ce qui augmente les ressources disponibles pour l’investissement. La hausse de l’investissement est donc un stimulant allant à l’encontre de l’impact négatif du SPÉ. En résumé : • Les impacts structurels du SPÉ sont négatifs pour les secteurs producteurs ou fortement utilisateurs des énergies émettrices. • L’électricité, la seule énergie non émettrice, est en forte demande. Elle augmente sa place de plus de 8% dans le bilan énergétique canadien. • Les secteurs agricole et des services marchands accroissent leur niveau de production qui est allouée principalement à l’exportation. L’effet du SPÉ sur ces secteurs aurait été certainement négatif s' il n' y avait pas eu une baisse du salaire et du taux de rémunération du capital, qui ont compensé pour la hausse du coût d’utilisation des énergies émettrices. • La production totale de l’économie, mesurée par la production intérieure brute (PIB) au prix du marché, diminue de 1,12%. • Les ménages et les détenteurs de capital voient leurs revenus diminuer, mis à part l’agent (le gouvernement ou l’agent entreprise) recevant les revenus substantiels du SPÉ. • Les revenus du SPÉ augmentent le niveau d’épargne total de l’économie, ce qui stimule l’économie par le canal de l’investissement. 5.3.2 Un SPÉ couvrant les émissions fugitives : POLENVI_2 5.3.2.1 Protocole de modélisation de POLENVI_2 Pour modéliser un SPÉ ne couvrant que le secteur productif, toutes émissions confondues, la demande de permis de chaque branche est donnée par l’équation 5.3. La condition d’équilibre est donc : (5.16) DEP = DPT j j Les permis sont alloués aux enchères. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 61 5.3.2.2 Simulation de POLENVI_2 La simulation faite est la même que la précédente, soit une réduction de 30% des émissions de GES. Il faut cependant noter que la cible de réduction en terme absolue est différente du premier scénario. Cette façon particulière de modéliser le SPÉ a pour but d’observer le comportement du modèle lorsque les émissions sont en relation différente avec les intrants de production. Il convient donc de maintenir l’économie sous la même contrainte environnementale, ce qui implique une cible réduction relative et non absolue. Une sélection des résultats se retrouve au tableau 5.2 sous la colonne identifiée scénario 2. 5.3.2.2.1 Analyse du mécanisme déterminant le prix du permis Suite à cette simulation, le prix du permis est de 24,10$. Cette hausse par rapport au scénario précédent s’explique par le fait que la réduction des émissions fugitives est plus difficile que pour les d’émissions provenant de la combustion de l’énergie. Il n’est pas possible de substituer avec les autres intrants pour réduire les émissions fugitives. Seule la baisse des niveaux d’activités permet la réduction du niveau d’émissions. Formellement, nous pouvons dire que la demande de permis est plus inélastique lorsque les émissions fugitives sont couvertes par le SPÉ. Plus la composante de la demande correspondant aux émissions fugitives sera importante, plus celle-ci sera inélastique. Une réduction du même pourcentage de l’offre totale de permis génère donc un prix d’équilibre du permis plus élevé. 5.3.2.2.2 Analyse des impacts structurels Un prix du permis supérieur amplifie les impacts structurels suivants : • l’ajustement par la substitution inter-énergétique; • l’ajustement par la baisse des niveaux d’activités dans les secteurs fortement intensifs en énergies émettrices; • les chutes du salaire et du taux de rémunération du capital; • La chute du PIB au prix du marché. Dans ce deuxième scénario, la baisse des revenus des agents est si importante que le niveau global d’épargne de l’économie chute, bien que les recettes de plus de 11 milliards du SPÉ soient entièrement épargnées. Les revenus supplémentaires retirés du système ne réussissent pas à stimuler l’économie par le canal de l’investissement. Au total, le PIB au prix du marché est en baisse de 2,65%. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 62 Dans le scénario précédent, les entreprises productrices d’énergies émettrices et les entreprises industrielles supportaient la majeure partie du fardeau du SPÉ. Ici, le fardeau reste important pour ces entreprises, même qu’il s’accroît. À cette liste d’entreprises, nous pouvons aussi ajouter les entreprises agricoles. La branche agricole est maintenant touchée fort négativement par le SPÉ, car son processus de production est le plus polluant en termes d’émissions fugitives. Les entreprises de ce secteur voient donc leur coût de production grimper, ce qui implique que les produits agricoles sont délaissés par les agents. Le volume de la production agricole chute de 6,78%. La substitution favorise principalement le secteur des services, qui contrairement au scénario précédent, est en légère expansion. Sa production augmente de 0,19% en volume. En résumé : • L’introduction des émissions fugitives augmente le coût à la marge de respecter une cible d’émissions par rapport à un SPÉ où elles sont négligées. • Les impacts structurels, notamment ceux découlant des effets de substitution, sont amplifiés par un prix de permis plus élevé. • Le secteur agricole, le plus intensif en émissions fugitives, a maintenant un fardeau dû au SPÉ. La redistribution du fardeau du SPÉ est donc aussi affectée lorsque les émissions fugitives sont considérées. • Au total, le PIB au prix du marché est en baisse de 2,65%. 5.3.3 Un SPÉ ne couvrant que l’industrie : POLENVI_3 Le Canada prévoit restreindre l’utilisation du SPÉ aux grands émetteurs industriels. Cependant, le niveau de désagrégation de notre modèle ne nous permet pas de différencier les grands émetteurs industriels. La meilleure représentation de ce scénario que nous pouvons faire est de considérer un SPÉ ne couvrant que le secteur industriel. En restreignant le SPÉ à un secteur, cela nous permet de mettre en pratique l’approche d’Ellerman et Decaux (1998). Il faut noter que, contrairement à ceux-ci, nous générerons des fonctions de coût marginal de dépollution pour un secteur et non une région. 5.3.3.1 Protocole de modélisation de POLENVI_3 Simuler ce scénario revient à considérer que la demande de permis de l’économie ( DEP ) provient seulement des émissions liées à la combustion et des émissions fugitives du secteur industriel ( DPTind ). L’équation 5.3 , la demande de permis totale, devient : (5.17) avec DEP = DPTind Chapitre 5 : Les politiques environnementales (5.18) DPTind = 63 emtr DItr,ind + fugind XSind tr La fonction de coût marginal de dépollution du secteur industriel est générée en simulant le modèle sous diverses cibles d’émissions. Les paramètres de la fonction sont approximés suivant la forme proposée par Klepper et Peterson (2003) (équation 5.2). 5.3.3.2 Simulation de POLENVI_3 La simulation consiste à réduire de 30% les émissions de GES au secteur industriel. Les impacts d’une telle réduction de l’offre de permis sont présentés au tableau 5.2. 5.3.3.2.1 Analyse des impacts structurels Le secteur industriel est bien sûr touché négativement par le SPÉ, de même que le secteur du charbon, qui est délaissé de façon importante. L’effet négatif du SPÉ sur l’industrie s’explique par la hausse des coûts de production, ce qui laisse les produits industriels moins en demande. Les chutes des niveaux de production de la branche industrielle et celle du charbon sont suffisantes pour que l’économie nationale soit touchée négativement dans son ensemble. Le PIB au prix du marché diminue en effet de 0,77% par rapport au scénario de référence. Le salaire et le taux de rémunération du capital baissent. Ces réductions ne sont cependant pas suffisantes pour que l’épargne totale soit en baisse. Les revenus du SPÉ contrecarrent cet effet dépressif. Les secteurs autres qu’industriel et du charbon voient leur coût de production diminuer. Ils haussent leur production. Cette hausse de production est cependant principalement allouée aux marchés des exportations, car le marché extérieur est relativement plus intéressant que le marché local. En effet, les prix aux exportations sont relativement en hausse par rapport aux prix locaux, ce qui s’explique par la baisse des composantes de la demande intérieure. 5.3.3.2.2 Courbe de coût marginal de dépollution du secteur industriel En suivant le raisonnement d’Ellerman et Decaux, nous pouvons interpréter le prix du permis comme le coût marginal de dépollution. Dans cette simulation, le prix du permis se fixe à 14,08$. Le coût marginal de dépollution des émissions de GES du secteur industriel est donc presque de moitié inférieur à celui de l’ensemble du secteur productif pour une cible de réduction donnée, ici 30%. Cela peut s’expliquer par le fait qu’une réduction à la marge des énergies polluantes est moins coûteuse étant donné que le processus de production de l’industrie est fortement intensif en ce type d’énergie. Le secteur de l’économie qui est le plus grand demandeur de permis en termes absolus (68,5% des émissions proviennent du secteur industriel) n’est donc pas forcément celui qui a le plus de difficulté à dépolluer. Le faible coût marginal de dépollution des Chapitre 5 : Les politiques environnementales 64 industries pourrait faire en sorte que le secteur industriel se retrouverait à être un vendeur de permis dans un SPÉ couvrant tous les secteurs de l’économie. Le tableau 5.1 présente les paramètres de la fonction de coût marginal de dépollution pour le secteur industriel et la figure 5.4 trace la courbe correspondante. Les paramètres de la fonction sont approximés suivant la forme générale de Klepper et Peterson (2003) (équation 5.2). Nous fixons le paramètre β à deux, car c’est la forme donnant le plus grand R2 à la régression. Les fonctions sont donc quadratiques. Tableau 5.1 : Coût marginal de dépollution du secteur industriel et paramètre de la fonction de coût marginal de dépollution Le coût total du contrôle des émissions pour l’industrie est donné par : (5.19) CT = AB CMD o = AB 0,009 ⋅ x 2 ⋅ dx o 0,009 ⋅ AB 3 3 où CT : coût total de contrôle des émissions = Chapitre 5 : Les politiques environnementales 65 Pour une cible de réduction de 30%, le coût total de contrôle des émissions du secteur industriel est de plus de 1,05 milliards de dollars. Figure 5.4 : Courbe de coût marginal de dépollution pour l' industrie Il faut noter que la fonction a été générée dans un contexte où tous les autres secteurs adoptent un statu quo sur leur activité de dépollution. L’interprétation de la courbe de coût marginal de dépollution n’est donc valable que dans cette situation particulière. Pour une situation où le secteur agricole devrait aussi réduire ses émissions, par exemple, cela aurait des impacts structurels influençant les coûts marginaux de dépollution des autres secteurs, dont celui industriel. Il faudrait alors régénérer la fonction de coût marginal de dépollution. En reprenant la terminologie d’Ellerman et Decaux, nous disons que les fonctions de coût marginal de dépollution ne sont pas robustes. Elles sont en effet sensibles au contexte dans lequel elles ont été estimées. En résumé : • • Au Canada, l’industrie a un coût à la marge de dépollution inférieur au secteur productif pris dans son ensemble. Pour un SPÉ couvrant tous les secteurs productifs de l’économie, les entreprises industrielles pourraient être des vendeuses de permis. Les MEGC portant sur les changements climatiques peuvent être utilisés pour estimer les fonctions de coût marginal de dépollution d’un secteur ou d’une région sans données préalables sur ces fonctions. Une extension à la présente section serait de générer les fonctions de coût marginal de dépollution pour chacun des secteurs et l’ensemble du secteur productif. Nous pourrions Chapitre 5 : Les politiques environnementales 66 étudier l’équité du SPÉ au Canada, c’est-à-dire quels sont les coûts totaux de dépollution, qui sont les acheteurs et les vendeurs du système, etc. Cette extension serait d’autant plus intéressante si le secteur industriel était désagrégé et que nous pourrions générer les fonctions pour les différents types d’entreprises de ce secteur. La question de la robustesse des fonctions poserait cependant rapidement une limite à l’éventail de scénarios envisageables. 5.3.4 Un SPÉ avec achats de permis internationaux : POLENVI_4 Il y a de nombreuses raisons poussant à modéliser un SPÉ national intégré à un SPÉ international. D’abord, le Protocole de Kyoto propose l’implantation d’un SPÉ à l’échelle internationale. Ensuite, le Plan canadien pour lutter contre les changements climatiques prévoit la participation au SPÉ international. La question de l’intégration d’un SPÉ national à un SPÉ international est importante pour le Canada, car il propose d’assurer un prix plafond de 15$ aux permis du SPÉ national à concurrence d’un maximum de 15% du volume des permis alloués. Outre les impacts structurels d’un SPÉ avec achats de permis internationaux, la simulation faite dans cette section permet d’évaluer le fardeau auquel s’expose le gouvernement fédéral canadien par le mécanisme de plafonnement du prix du permis. En effet, pour un prix du permis dépassant les 15$, le gouvernement fédéral subventionne d’un montant correspondant à la marge supérieure. Une des questions que nous nous posons est de déterminer l’incitation des entreprises canadiennes à réduire leurs émissions et, par le fait le même, le volume de permis internationaux que le Canada devra acquérir à 15$ le permis. 5.3.4.1 Protocole de modélisation de POLENVI_4 Pour ce scénario, le SPÉ considéré est celui couvrant l’ensemble des secteurs pour tous les types d’émissions avec l’allocation aux enchères des permis, tel qu’au second scénario. Le prix du permis est fixé au prix international étant donné que le Canada est un petit joueur dans le SPÉ international. Nous le fixons à celui prévu par le mécanisme de plafonnement du prix du permis canadien, soit 15$. La modélisation d’un SPÉ avec achat de permis internationaux ne nécessite que quatre transformations par rapport aux SPÉ modélisés précédemment. Premièrement, le prix du permis devient une variable exogène. Deuxièmement, la condition d’équilibre du SPÉ devient non contraignante, car la demande de permis des entreprises ( DEP ) est égale à Chapitre 5 : Les politiques environnementales 67 l’offre intérieure de permis ( SP ) à laquelle s’ajoute les permis internationaux (WPERMIS ) si nécessaire. L’équation 5.5 d’équilibre du SPÉ devient donc : (5.20) DEP = SP + WPERMIS Troisièmement, l’achat de permis étrangers affecte la balance des paiements extérieurs (le déficit courant). L’équation 2.42 doit maintenant inclure l’achat de permis étrangers : (5.21) SR = e Pwmtr M tr + TWM + TWE + TWG + RPW tr Pfobtr EX tr + DPW + e ⋅ TMW + TGW + PPERMIS ⋅ WPERMIS −e tr Il faut noter que dans notre modèle, la balance des paiements extérieurs est fixée, ce qui aura un impact sur la façon dont le modèle s’ajuste pour l’achat des permis internationaux. Finalement, l’agence régulatrice des permis, que nous considérons comme une division de l’agent gouvernement de notre modèle, se charge de l’achat des permis internationaux. La valeur des achats de permis internationaux vient donc réduire l’épargne gouvernementale de cette façon : (5.22) SG = YG − G − TG − TWG − DPG − PPERMIS ⋅ WPERMIS 5.3.4.2 Simulation de POLENVI_4 La présente simulation consiste à réduire de 30% l’offre de permis intérieure à un prix du permis fixé à 15$. Le SPÉ couvre tous les secteurs d’activités et les émissions fugitives, comme au second scénario. L’analyse de simulation de ce quatrième scénario se fait donc en comparaison de celle du deuxième scénario. Les résultats se retrouvent au tableau 5.2. 5.3.4.2.1 Ampleur du fardeau pour le gouvernement canadien À un prix de 15$ le permis, l’incitation pour les entreprises canadiennes est de diminuer d’environ 25% leur niveau d’émissions. Le gouvernement canadien doit donc acheter des permis internationaux pour le 5% restant pour s’assurer de respecter sa cible d’émissions. Le volume de permis internationaux demandé est donc de 37,12 Mt. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 68 5.3.4.2.2 Analyse des impacts structurels Les variations du présent scénario vont dans le même sens que celles du second. Leur ampleur est cependant moins importante. Par exemple, la chute du PIB au prix du marché est de 0,70% comparativement à 2,65%. Les baisses des niveaux d’activités dans les secteurs émetteurs, de même que la rémunération des facteurs primaires de production, sont aussi moins grandes. Le prix du permis plus faible explique ces résultats. Relativement au second scénario, la participation au SPÉ international réduit l’épargne gouvernementale, car l’achat des permis internationaux est débité aux revenus du gouvernement. En considérant une allocation aux enchères, l’épargne publique augmente seulement de 20,91% dans le présent scénario par rapport à 36,70% dans le second scénario. La hausse réduite de l’épargne gouvernementale diminue les ressources allouées à l’investissement. Cette composante de la demande de l’économie nationale est donc en plus forte baisse quoique les revenus de salaire et de capital soient plus importants. La baisse des niveaux de consommation finale et intermédiaire est cependant moins importante. Au total, les composantes de la demande de l’économie sont donc touchées moins négativement, relativement au second scénario. L’achat de permis internationaux influence aussi la dynamique des échanges avec le RdM. En effet, le fait de poser la balance des paiements extérieurs fixe dans le modèle implique qu’une hausse de l’achat de produits étrangers, comme les permis échangeables internationaux, doit être contrebalancée par une hausse des exportations ou par une baisse des importations. Le flux des échanges internationaux pour les produits réels entre le Canada et le RdM est donc stimulé par une participation au SPÉ international. En résumé : • En terme du PIB au prix du marché, l’ampleur du fardeau du SPÉ canadien est réduite lorsqu’il est intégré dans un SPÉ international. • Pour un prix de 15$ le permis et une cible de réduction de 30%, le Canada se retrouve à être un acheteur de permis sur le SPÉ international. • Dans ce scénario, l’achat des permis internationaux se chiffre à 556 millions de dollars et devrait contribuer pour environ 5% de la cible de réduction du Canada. • Les flux du commerce international pour les produits réels sont stimulés par la participation à un SPÉ international. La répartition du fardeau du SPÉ est donc affectée. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 69 5.4 La neutralité de la méthode d’allocation des permis : POLENVI_5 Dans un cadre d’équilibre général, la neutralité des méthodes d’allocation peut être remise en question. En effet, il est possible que, sans déroger aux hypothèses de base du théorème, des distorsions de marché compromettent la neutralité de la méthode d’allocation des permis. L’allocation des permis d’un SPÉ est une redistribution de richesses. Dans un monde sans distorsions, cette redistribution est sans effet. La perte de revenu d’un agent est exactement compensée par un gain pour un autre agent. Cette section montre que si certaines distorsions sont considérées, la méthode d’allocation des permis n’est plus neutre, car elle peut possiblement réaliser le double dividende. 5.4.1 Les distorsions du système fiscal Le système fiscal est à la source de distorsions lorsqu’il induit des changements dans les prix relatifs. Cela s’explique par le fait qu’une variation des prix relatifs conduit l’agent taxé à faire des substitutions dans son panier de consommation. Ces substitutions créent une perte de bien-être. La perte de bien-être totale de l’agent taxé provient donc de la diminution de ses revenus net de taxes et de l’effet de substitution. Or, le gain maximum de bien-être d’une taxe ne peut être égal qu’aux recettes de la taxe. Les pertes de bienêtre sont supérieures aux gains. Le différentiel est une perte sèche : la distorsion du système fiscal. Un impôt sur le revenu crée une perte sèche lorsque l’offre de travail n’est pas parfaitement inélastique. L’élasticité de l’offre de travail est habituellement due à la possibilité de substituer le loisir au travail. La présence d’un impôt a pour effet de diminuer le coût d’opportunité du loisir. L’impôt sur le revenu favorise donc une substitution vers des activités autres que le travail, créant ainsi la perte sèche, tel que représentée par le triangle ABC de la figure 5.5. De la même façon, si la demande des ménages en produits de consommation n’est pas parfaitement inélastique, une taxe à ce niveau induit des distorsions. Seule la taxe forfaitaire, qui est sans effet sur les prix relatifs, ne crée pas de perte sèche. En présence de distorsions préexistantes dans l’économie, la méthode d’allocation des permis peut permettre au SPÉ de réaliser le double dividende. En effet, en plus de conduire au respect d’une cible environnementale (première dividende), les revenus du SPÉ peuvent être recyclés pour réduire les impôts ou autres taxes à la source de distorsion (deuxième dividende). Dans le cas d’une allocation gratuite, cela n’est pas Chapitre 5 : Les politiques environnementales 70 possible. L’économie se retrouve donc affectée différemment par la méthode d’allocation. $ Offre de travail (non parfaitement inélastique) Salaire brut C A impôt Salaire net B Demande de travail Main-d’oeuvre Figure 5.5 : Perte sèche d’un impôt sur le revenu Il faut cependant noter que le recyclage des revenus d’un SPÉ ne conduit pas obligatoirement à la réalisation du double dividende. Sachant qu’une politique environnementale affecte les frontières de prix relatifs, l’introduction d’un SPÉ exacerbe donc les distorsions créées par les taxes préexistantes, autres que forfaitaires. Il est donc possible qu’un SPÉ, avec ou sans recyclage des revenus, ne conduisent qu’à un dividende, le respect de la cible environnementale. Pour un prix de permis trop élevé, il est même possible que les distorsions induites par le SPÉ dominent les bénéfices du respect de la cible environnementale. Dans ce cas, il n’y a aucun dividende. 5.4.2 Revue de littérature Parry et Williams (1999) ainsi que Jensen et Rasmussen (2000) sont de ceux qui ont traité la question du double dividende pour un SPÉ. Ces auteurs ont tous considéré l’impôt sur le revenu en présence d’une offre de travail non parfaitement inélastique comme étant la distorsion préexistante dans leur modèle. Les revenus de l’enchère des permis sont recyclés pour réduire cet impôt. Ils concluent unanimement que la méthode d’allocation n’est pas neutre. Jensen et Rasmussen (2000) soulignent que cette conclusion n’est valide que si l’offre de travail n’est pas parfaitement inélastique, c’est-à-dire que le système fiscal induit des distorsions. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 71 5.4.3 Protocole de modélisation de POLENVI_5 La modélisation du double dividende est, pour les modélisateurs de MEGC, qu’une question de fermeture macro-économique. Dans notre modèle, nous considérons jusqu’à maintenant une fermeture où la valeur de l’investissement total est déterminée par les niveaux d’épargne des agents de l’économie. Modéliser le recyclage des revenus provenant des enchères du SPÉ peut simplement se faire en posant l’hypothèse que le gouvernement adopte un objectif d’épargne et qu’il ajuste le système fiscal en conséquence. Les revenus du SPÉ ne contribuent donc plus à gonfler l’épargne, mais sont plutôt recyclés pour diminuer les taxes ou les impôts. Notre modèle considère donc une nouvelle fermeture macro-économique où l’épargne gouvernementale est une variable exogène tandis que les taux d’imposition sur le revenu des ménages est maintenant un paramètre endogène. Comme le souligne la littérature, le recyclage des revenus des enchères n’a un impact distributif que si le système fiscal est à la source de distorsions préexistantes dans l’économie. Pour notre modèle, il n’est pas nécessaire d’apporter de transformation supplémentaire à ce niveau, car le système fiscal considéré jusqu’à maintenant est à la source de distorsions. En effet, les décisions d’épargne et de consommation finale ne sont pas parfaitement inélastiques. Elles sont caractérisées par une fonction Cobb-Douglas, ce qui implique, rappelons-le, que les élasticités-revenu de l’épargne et de la consommation sont unitaires. L’impôt sur le revenu des ménages crée donc une perte sèche parce qu’il influence le revenu disponible, qui affecte lui-même le niveau d’épargne et de consommation des ménages. Notre protocole de modélisation du double dividende se distingue donc des approches retenues dans la littérature. Les distorsions préexistantes considérées ne sont pas reliées à l’offre de travail, mais aux décisions d’épargne et de consommation des ménages. Pour saisir si, formellement, le double dividende est réalisé, nous introduisons une mesure exacte de la variation de bien-être : la variation équivalente. La variation équivalente est le montant d’argent qui ferait renoncer un individu à un changement de prix, compte tenu qu’il conserve le niveau d’utilité correspondant aux nouveaux prix. En terme de fonction de dépense cela correspond à : (5.23) VE = e(PC 0,v1 ) − e(PC1,v1) où VE : variation équivalente; e( PC , v) : fonction de dépense; Chapitre 5 : Les politiques environnementales v1 : niveau d’utilité obtenu avec PC1; PC : vecteur des prix composites ( Pctr ). 72 Lorsque l’individu a une fonction d’utilité de forme Cobb-Douglas, comme dans notre modèle, la fonction de dépense est de la forme14 : (5.24) Pc tr e(PC,v) = ∏ γ tr tr γ tr v où γ tr : paramètre de partage de la Cobb-Douglas. En introduisant l’équation 5.24 dans l’équation 5.23, l’équation de la variation équivalente pour une Cobb-Douglas est donnée par : (5.25) VE = ∏ tr 0 γ tr Pc tr 1 Pc tr YDH1 − YDH 0 Si le scénario avec recyclage des revenus des enchères conduit à une variation positive de bien-être, nous pourrons conclure que le double dividende est réalisé. 5.4.4 Simulation de POLENVI_5 La simulation pour cette version de notre MEGC considère le SPÉ couvrant tous les secteurs d’activités et tous les types d’émissions. La cible de réduction est encore de 30% par rapport au scénario de référence. Pour montrer l’importance de l’aspect distributif des méthodes d’allocation, cette simulation est comparée à celle du SPÉ avec l’allocation grand-père (second scénario tableau 5.2)15. Le prix du permis n’est pas une source importante d’hétérogénéité entre les résultats des deux méthodes d’allocation. Il est légèrement plus élevé dans le cas de l’allocation grandpère. La différence est de l’ordre de 2,5%. La substitution inter-énergétique est donc de la même ampleur pour les deux méthodes d’allocation. La valeur moins élevée du prix du permis dans le cas de l’allocation aux enchères avec recyclage des revenus s’explique par la baisse plus prononcée du niveau d’activité du plus grand demandeur de permis, le secteur industriel, ce qui est expliqué subséquemment. 14 Pour un détail de la dérivation complète voir Varian 1992. Le second scénario considère une allocation aux enchères, mais sans recyclage des revenus. Cela revient à l’allocation grand-père comme il a été expliqué précédemment. Les seuls résultats du tableau 5.2 n’étant pas valables sont ceux pour les revenus et de l’épargne des agents entreprise et gouvernement. 15 Chapitre 5 : Les politiques environnementales 73 En comparant les deux méthodes d’allocation, le premier facteur à la source des disparités est l’investissement. Nous observons une baisse plus prononcée de la valeur de l’investissement totale lorsque l’allocation aux enchères tente de réaliser le double dividende. Cela est la conséquence que l’épargne totale ne hausse pas du plein montant des revenus supplémentaires provenant du SPÉ. En effet sous ce scénario, les revenus du SPÉ sont tous alloués aux ménages qui voient leur revenu après taxes augmenter. Toutefois, la décision d’épargne de ceux-ci n’est pas parfaitement inélastique.Toute hausse de revenu des ménages n’est pas entièrement dédiée à l’épargne, une partie est aussi consommée. La diminution des ressources disponibles pour l’investissement cause une baisse plus importante, par rapport au second scénario, du niveau d’activité dans le secteur industriel, étant donné que celui-ci est le principal producteur des biens d’investissements. Nous aurions pu anticiper que l’allocation « grand-père », avec l’important transfert qu’elle implique aux entreprises, devrait être la méthode d’allocation minimisant la chute de production. Or, ce n’est pas le cas. Le niveau de production globale est affecté moins négativement dans ce cinquième scénario. Le PIB au prix du marché baisse de 2,65 % avec une allocation « grand-père » comparativement à 2,41% avec une allocation aux enchères et recyclage des revenues. Pour cette dernière méthode d’allocation, la chute plus importante de la production industrielle n’a pas un effet dominant. Il y a donc un effet qui contrecarre la chute de l’investissement. La hausse des revenus disponibles des ménages est synonyme d’une hausse des dépenses de consommation. Cette hausse est un deuxième facteur à la source des disparités entre les méthodes d’allocation. Nous pouvons aussi conclure qu’elle compense pour la chute de l’investissement, car c’est la seule raison pouvant expliquer que le PIB au prix du marché soit en hausse comparativement au second scénario. Pour les ménages, l’allocation aux enchères avec recyclage des revenus a un double effet positif : le taux d’imposition sur leur revenu baisse et le taux de salaire hausse. Ce double effet est synonyme d’une hausse de 0,69% de leur bien-être par rapport au scénario sans SPÉ et de 1,39% par rapport à l’allocation grand-père. Le double dividende est donc réalisé. Chapitre 5 : Les politiques environnementales 74 La hausse du salaire est indirectement due à la hausse de la consommation finale. En effet, la hausse de la consommation finale bénéficie aux secteurs des services, des autres énergies fossiles et de l’électricité, qui voient leur volume total de ressources dans l’économie ( Q) augmenter par rapport au second scénario. Cette hausse se traduit par des prix composites ( Pc ) relativement plus élevés pour ces produits. La hausse de ces prix composites est à la source de toute une série de rétroactions expliquant la hausse du salaire : • La hausse des prix composites dans les secteurs des services, des autres énergies fossiles et de l’électricité fait des pressions à la hausse sur les coûts de production, car ces produits constituent des consommations intermédiaires. • Les coûts de production sont en hausse, ce qui est synonyme de prix au coût des facteurs ( P ) plus élevés, toujours par rapport au second scénario. • Finalement, ces prix plus élevés augmentent les productivités marginales des facteurs primaires de production, car celles-ci sont calculées en valeur16. Il faut noter que la hausse du salaire amplifie la hausse des niveaux de consommation finale. La hausse de la consommation a donc un effet circulaire. En résumé : • La méthode d’allocation des permis n’est plus neutre s’il y a présence de distorsions préexistantes dues au système fiscal. • L’allocation grand-père est dominée à tous les niveaux par l’allocation aux enchères avec recyclage des revenus, que ce soit en termes de croissance du PIB ou en termes de variation de bien-être. • Le recyclage des recettes des enchères des permis permettrait de réaliser le double dividende au Canada. • La répartition du fardeau du SPÉ est différente. Ici, le gouvernement supporte le fardeau aux bénéfices des ménages. 5.5 Conclusion Ce chapitre a étudié la méthodologie pour introduire un SPÉ dans un MEGC et, plus particulièrement pour adapter un MEGC pour l’analyse des impacts structurels d’un SPÉ ainsi que pour l’étude de la neutralité de la méthode d’allocation des permis. Nos 16 Les productivités marginales des facteurs primaires de production (Pm) sont mesurées en valeur. Leur forme générale est : ∆Pmvaleur = ∆Pi × Pmvolume Les variations des prix au coût des facteurs influencent donc la valeur des productivités marginales Chapitre 5 : Les politiques environnementales 75 simulations ont aussi montré qu’il était possible d’apporter une certaine lumière sur les questions économiques reliées à la lutte aux changements climatiques au Canada. Nous pouvons conclure que la modélisation d’un SPÉ nécessite relativement peu d’effort de modélisation. Il faut noter qu’il existe deux types de MEGC introduisant les politiques environnementales. Il y a les MEGC développés pour étudier les impacts économiques d’une cible prédéterminée de contrôle de la pollution et ceux développés pour déterminer le niveau optimal de contrôle. Notre MEGC appartient à la première catégorie. Dans le cas contraire, la modélisation de la politique environnementale est un exercice plus ardu. Il faut notamment que les dommages environnementaux soient pris en compte pour déterminer l’optimalité de la politique. Pour la maîtrise du travail d’analyse des impacts structurels d’un SPÉ dans un MEGC, cela est fortement dépendant de la compréhension du fonctionnement du SPÉ. Nous avons donc montré le fonctionnement du SPÉ en considérant plusieurs scénarios quant aux modalités du SPÉ. La maîtrise de l’étude la neutralité de la méthode d’allocation des permis nécessite quant à elle la compréhension des distorsions fiscales dans les MEGC. Nous avons montré que pour un MEGC considérant des distorsions fiscales pré-existantes (peu importe leur nature), la méthode d’allocation des permis n’était plus neutre. Un exercice important à la modélisation par MEGC a cependant été négligé dans ce chapitre, soit la sensibilité des résultats aux hypothèses de modélisation. Le prochain chapitre est dédié à ce volet. Nous considérerons notre MEGC sous différentes hypothèses et mécanismes concernant l’ajustement des agents aux politiques environnementales. 76 Annexe 5.1 Tableau 5.2 : Une sélection des résultats des simulations des cinq scénarios de POLENVI Variables Définition Symbole Sitaution de référence Volume Valeur Scénario 1 Volume Scénario 2 Valeur Volume Valeur En millions de dollars canadiens Scénario 3 Volume Valeur Scénario 4 Volume Valeur Scénario 5 Volume Valeur Salaire w - 1,000 - 0,988 - -1,15 Taux de rémunération du capital r - 1,000 - 0,986 P industrie P services marchands P agr - 1,000 - 0,997 ind - 1,000 - 1,005 ser - 1,000 - 0,993 - - 1,000 - 1,006 P fos - 1,000 - 1,004 électricité P elec - 1,000 - 1,002 P 1,037 - 1,001 cha - 0,980 - 1,001 - 1,012 - 0,996 0,43 - 1,000 - 0,991 Pc industrie Pc services marchands Pc charbon Pc autres énergies fossiles Pc électricité Pc agr - 1,000 - 0,997 ind - 1,000 - 1,004 - 1,000 - 0,993 1,029 - 1,000 - 1,000 - 0,950 - 1,000 - 1,001 - 1,000 - 1,003 - agriculture Pv industrie Pv services marchands Pv charbon Pv autres énergies fossiles Pv électricité Pv services non marchands Pv agr - 1,000 - 0,987 ind - 1,000 - 0,987 ser - 1,000 - 0,987 0,934 - 1,005 - 0,987 - - 1,000 - 0,987 - 1,000 - 0,987 - 1,000 - 0,988 -1,18 0,993 - 0,996 - 1,005 1,000 - 1,007 - 0,957 - 0,997 - 0,997 0,991 -2,97 -0,89 0,970 0,991 -2,99 -0,90 - 0,970 0,991 -2,97 -0,89 0,970 0,991 -2,99 -0,90 - 0,970 0,991 -2,99 -0,90 - 0,970 0,991 -2,97 -0,89 0,972 0,992 -2,80 -0,83 1,002 - 0,982 3,73 0,23 -1,82 - 1,002 - 1,013 - 0,997 0,24 0,67 - 1,31 0,985 -0,27 - -1,54 - 1,017 - 0,999 - 1,029 - 1,001 - 0,982 2,88 -0,08 - 0,986 0,05 -1,37 - 0,949 - 1,003 -1,77 - 0,935 - 1,006 - 0,999 -5,14 -6,47 0,27 - 0,998 0,59 -0,25 - 0,980 - 0,980 - 0,980 -0,13 - 0,973 - 0,973 - 0,973 - 0,973 - 0,973 - 0,973 - 0,974 -2,02 -2,73 -2,04 -2,75 -2,03 - 0,980 -2,73 -2,04 - 0,980 - 0,980 -2,75 -2,04 -2,75 -2,02 - 0,981 -1,91 0,98 -2,03 1,69 -0,31 0,997 1,037 - -0,34 -4,30 - - 0,00 -0,60 0,970 - - 0,55 0,994 0,970 -3,00 -1,40 -0,43 - - -0,01 -0,66 - -1,25 ntser - - - 0,986 -0,40 -0,34 -1,26 elec 0,997 - -0,36 -0,28 -1,26 fos 0,996 0,50 -1,26 1,000 - 1,022 1 -0,36 -6,58 -1,26 - 0,980 - -1,25 cha 0,996 -1,97 0,33 Prix valeur ajoutée 0,996 0,975 -2,50 2,18 0,64 - 0,978 - -0,62 -0,01 0,11 elec 0,994 2,86 -4,96 fos 0,978 - -0,68 cha - - -2,22 -0,50 -2,24 0,42 - - 1,006 -0,41 -0,26 ser 0,995 - 1,20 0,25 ntser - 0,11 0,981 -1,86 - 0,10 0,58 - 0,99 -0,98 -2,02 -0,85 Prix composite agriculture - 3,69 0,50 autres énergies fossiles services non marchands - -0,70 P 0,967 0,992 -0,81 -3,25 -0,28 charbon - -2,73 -1,37 Prix au coût des facteurs agriculture 0,973 -2,72 -2,57 77 Annexe 5.1 Tableau 5.2 (suite) : Une sélection des résultats des simulations des cinq scénarios de POLENVI Variables Définition Symbole Sitaution de référence Volume Valeur Scénario 1 Volume Scénario 2 Valeur Volume Valeur En millions de dollars canadiens Scénario 3 Volume Valeur Scénario 4 Volume Valeur Scénario 5 Volume Valeur Production totale agriculture XS agr 50630,000 50630,000 50731,551 XS 0,20 -0,10 -6,77 -3,32 0,63 0,13 -4,08 -1,96 -6,92 -3,47 industrie ind 595198,000 595198,000 591465,297 594422,623 589646,825 590236,472 591021,255 594567,383 591064,336 591064,336 586083,536 587255,703 -0,63 -0,13 -0,93 -0,83 -0,70 -0,11 -0,70 -0,69 -1,53 -1,33 701732,657 696820,528 703006,694 688946,560 702051,611 697839,301 702577,523 692741,438 706142,632 693432,065 0,01 -0,69 0,19 -1,81 0,06 -0,54 0,13 -1,27 0,64 -1,17 1297,712 1305,498 1251,235 1252,486 1386,015 1380,471 1320,580 1320,580 1248,867 1251,365 -23,53 -23,07 -26,27 -26,19 -18,33 -18,65 -22,18 -22,18 -26,41 -26,26 services marchands charbon XS XS autres énergies fossiles XS électricité XS services non marchands ser 1697,000 cha fos elec XS 701654,000 ntser 701654,000 1697,000 50579,356 36126,083 50949,055 37741,713 50694,310 37590,746 48566,666 36473,698 49635,133 36729,014 47128,730 35660,416 48872,493 37602,000 37602,000 36731,276 -2,32 -1,92 -5,06 -3,93 0,37 -0,03 -3,00 -2,32 -5,16 -3,93 23955,000 26154,248 26206,556 27280,849 27171,726 25407,412 25305,782 26155,382 26076,916 27298,017 27216,123 9,18 9,40 13,88 13,43 6,06 5,64 9,19 8,86 13,96 13,61 170978,385 169439,580 173403,477 169588,601 170652,084 169457,519 172173,243 169590,644 173027,977 169567,417 0,86 -0,05 2,29 0,04 0,67 -0,04 1,57 0,04 2,07 0,03 13442,519 13892,238 13892,238 13420,916 13420,916 13751,588 13751,588 13877,121 13877,121 169520,000 35697,710 48950,472 23955,000 169520,000 36878,201 47203,927 36124,001 Importation agriculture M agr 13544,000 13544,000 13442,519 -0,75 -0,75 2,57 2,57 -0,91 -0,91 1,53 1,53 2,46 2,46 industrie M ind 199090,000 199090,000 198747,656 198747,656 197107,531 197107,531 198890,466 198890,466 197433,503 197433,503 195990,873 195990,873 -0,17 -0,17 -1,00 -1,00 -0,10 -0,10 -0,08 -0,83 -1,56 -1,56 44877,163 44808,454 44808,454 44906,725 44906,725 44851,533 44851,533 45035,182 45035,182 services marchands M ser charbon M cha autres énergies fossiles M fos électricité M elec Exportation agriculture EX agr industrie EX services marchands charbon EX EX ind ser cha autres énergies fossiles EX fos électricité EX elec 44951,000 44951,000 44877,163 -0,16 -0,16 -0,32 -0,32 -0,10 -0,10 -0,22 -0,22 0,19 0,19 1102,000 1102,000 529,758 529,758 443,287 443,287 609,496 609,496 534,724 534,724 445,870 445,870 -51,93 -51,93 -59,77 -59,77 -44,69 -44,69 -51,48 -51,48 -59,54 -59,54 10958,167 10822,958 10822,958 11047,489 11047,489 10968,075 10968,075 10872,786 10872,786 11231,000 11231,000 10958,167 -2,43 -2,43 -3,63 -3,63 -1,63 -1,63 -2,34 -2,34 -3,19 -3,19 1038,000 1038,000 1142,897 1142,897 117,394 117,394 1093,999 1093,999 1128,832 1128,832 1181,795 1181,795 10,11 10,11 13,43 14,09 5,40 5,39 8,75 8,75 13,85 13,85 22191,000 22191,000 22283,145 0,42 3,23 -7,96 -5,38 0,93 3,75 -4,81 -2,14 -8,09 -5,52 221392,000 221392,000 219733,793 225886,339 219530,812 220189,404 219461,337 220119,721 220080,374 220740,615 218271,191 218926,005 -0,75 2,03 -0,84 -0,54 -0,87 -0,57 -0,59 -0,29 -1,41 -1,11 37793,987 38852,219 38227,729 37998,363 37784,742 37558,034 38030,939 37802,753 38296,499 38066,720 0,54 3,35 1,69 1,08 0,51 -0,09 1,17 0,56 1,87 1,26 966,925 993,999 948,191 1014,564 1019,886 1091,278 983,898 1052,771 945,758 1011,961 -16,86 -14,53 -18,47 -12,76 -12,31 -6,17 -15,40 -9,48 -18,68 -12,99 21349,767 20238,137 20541,709 21301,987 21621,517 20618,577 20927,856 20196,949 20499,903 37593,000 1163,000 37593,000 1163,000 22907,073 20424,744 20996,637 22396,397 23023,496 21124,382 21715,865 20395,235 20966,302 21147,000 21147,000 20768,256 -1,79 0,96 -4,30 -2,86 0,73 2,24 -2,50 -1,04 -4,49 -3,06 1103,000 1103,000 1166,621 1199,286 1207,847 1171,612 1151,773 1117,220 1173,556 1138,349 1206,587 1170,389 5,77 8,73 9,51 14,09 4,42 1,29 6,40 3,20 9,39 6,11 50948,270 49659,658 51099,788 51198,099 50993,307 50286,661 51141,534 49585,629 51023,612 Ressource agriculture Q agr 51220,000 51220,000 51101,575 Q -0,23 -0,53 -3,05 -0,23 -0,04 -0,44 -1,82 0,38 -3,19 -0,15 industrie ind 610253,000 610253,000 607686,180 610116,925 604210,117 604210,117 607656,821 610695,105 605479,982 604874,502 600567,921 601168,489 -0,42 -0,02 -0,99 -0,99 -0,43 0,07 -0,78 -0,86 -1,59 -0,50 726936,030 721847,478 727721,619 713167,187 727303,126 722939,307 727530,876 717345,444 731101,584 717941,755 -0,03 -0,73 0,08 -1,92 0,02 -0,58 0,05 -0,62 0,55 0,67 904,816 859,575 776,882 725,608 1030,335 986,031 915,934 869,221 780,094 729,388 -48,12 -50,71 -55,45 -58,39 -40,92 -43,46 -47,48 1,12 -55,27 0,52 services marchands charbon Q Q autres énergies fossiles Q électricité Q ser cha fos elec 727138,000 1744,000 727138,000 1744,000 28429,000 28429,000 27643,392 -2,76 -2,67 -5,07 -4,60 -0,72 -1,02 -3,12 -0,17 -4,88 0,30 24680,000 24680,000 26994,174 27075,157 27671,035 28150,837 26986,650 28066,384 27121,583 26187,791 28224,499 26109,228 28139,826 26973,798 27542,625 26919,850 27625,253 28174,370 27041,671 28146,196 27203,921 9,38 9,70 14,06 13,72 6,11 5,79 9,29 -0,57 14,16 0,28 78 Annexe 5.1 Tableau 5.2 (suite): Une sélection des résultats des simulations des cinq scénarios de POLENVI Variables Définition Symbole Sitaution de référence Volume Valeur Consommation finale agriculture C agr 10782,000 10782,000 10733,455 C -0,45 -0,75 -4,41 -1,64 -0,06 -0,46 -2,79 -1,14 industrie ind 199653,000 199653,000 197415,075 198204,735 196316,768 196316,768 197584,692 198572,615 197537,263 197339,726 -1,12 -0,73 -1,67 -1,67 -1,04 -0,54 -1,06 -1,16 254702,436 252919,519 255527,144 250416,601 255051,157 253520,850 255357,828 251782,818 services marchands C ser charbon C cha autres énergies fossiles C électricité C Demande intermédiaire agriculture DIT industrie DIT services marchands DIT 10701,255 10306,467 Scénario 3 Volume 10605,355 10775,227 Scénario 4 Volume Valeur 10732,126 10481,226 Valeur 10659,407 254775,000 -0,03 -0,73 0,30 -1,71 0,11 -0,49 0,23 -1,17 - - - - - - - - - - 5703,000 5703,000 5656,092 5661,748 5579,103 5606,999 5692,208 5675,131 5622,848 5639,717 -0,82 -0,72 -2,17 -1,68 -0,19 -0,49 -1,41 -1,11 9433,000 9433,000 9335,062 9363,067 9300,401 9272,500 9417,907 9389,653 9348,491 9329,794 -1,04 -0,74 -1,41 -1,70 -0,16 -0,46 -0,90 -1,09 agr 36891,000 36891,000 36797,684 36687,291 35982,312 37025,799 36843,416 36696,042 36317,496 36934,893 -0,25 -0,55 -2,46 0,37 -0,13 -0,53 -1,56 0,12 ind 277187,000 277187,000 27643,310 27753,883 275642,864 275642,864 276472,786 277855,150 276086,341 275810,255 -0,27 -89,99 -0,56 -0,56 -0,26 0,24 -0,40 -0,50 464519,921 461268,282 464504,987 455214,887 464548,186 461760,897 464559,037 458055,210 -0,05 -0,75 -0,05 -2,05 -0,05 -0,64 -0,04 -1,44 3797,513 776,882 4605,356 1030,335 3992,548 915,934 3715,944 fos elec ser DIT cha autres énergies fossiles DIT fos DIT Scénario 2 Valeur Volume Valeur En millions de dollars canadiens 254775,000 charbon électricité Scénario 1 Volume elec Investissement par secteur d'origine INV agriculture agr 464758,000 464758,000 1744,000 1744,000 904,816 -48,12 117,75 -55,45 164,07 -40,92 128,93 -47,48 113,07 22726,000 22726,000 21987,300 25725,141 21407,547 27080,547 22532,291 25889,602 21919,777 25514,620 -3,25 13,20 -5,80 19,16 -0,85 13,92 -3,55 12,27 17659,112 17712,089 18850,436 18793,885 16769,884 16719,574 17625,308 17590,057 15,82 16,17 23,63 23,26 9,99 9,66 15,60 15,37 2021,907 2061,952 1,13 133395,781 0,14 7703,783 1,30 - 15247,000 15247,000 2039,000 2039,000 2059,411 INV 1,00 0,70 -3,63 -0,84 industrie ind 133208,000 133208,000 133635,080 134169,620 2053,233 132047,397 1964,924 132047,397 INV 0,32 0,72 -0,87 -0,87 services marchands ser 7605,000 7605,000 7713,673 7659,677 7689,488 7535,698 1,43 0,72 1,11 -0,91 - - - - 2053,704 1979,939 2013,598 0,72 -2,90 -1,25 134062,760 131651,378 131519,727 0,64 -1,17 -1,27 7657,560 7614,011 7507,415 0,69 0,12 -1,28 - - - Scénario 5 Volume 10476,239 -2,84 199469,437 -0,09 259252,266 1,76 - Valeur 10780,050 -0,02 199668,906 0,01 254585,725 -0,07 - 5667,316 -0,63 9441,828 0,09 5701,320 35830,060 -2,88 274902,291 -0,82 464523,011 -0,05 780,094 -55,27 21374,355 -5,95 18732,542 22,86 36869,132 1875,614 -8,01 125994,332 -5,42 7326,308 -3,67 - -0,03 9432,386 -0,01 -0,06 275177,193 -0,73 456161,597 -1,85 4527,666 159,61 26910,313 18,41 18713,809 22,74 1930,007 -5,35 126120,326 -5,32 7194,434 -5,40 charbon INV autres énergies fossiles INV fos - - - - - - - - - - - - électricité INV elec - - - - - - - - - - - - - 145364,000 - 146423,492 - 144035,315 - 146352,966 - 143591,745 - 137587,863 -5,35 - 808984,654 cha - - - Investissement total IT 0,73 Produit intérieur brut au prix du marché PIB - 828923,000 - 819672,491 -1,12 -0,91 - 806957,439 -2,65 0,68 - 822514,027 -0,77 -1,22 - 823094,949 -0,70 -2,41 79 Annexe 5.1 Tableau 5.2 (suite) : Une sélection des résultats des simulations des cinq scénarios de POLENVI Variables Définition Sitaution de référence Volume Valeur Symbole Scénario 1 Volume Scénario 2 Valeur Volume Valeur En millions de dollars canadiens Scénario 3 Volume Scénario 4 Volume Valeur Scénario 5 Volume Valeur Valeur Revenu ménages YM entreprises YE agr 647727,000 647727,000 - 643224,093 178245,000 178245,000 - 175796,407 - 637056,702 - 172450,902 -0,70 ind -1,37 gouvernement YG ser 326938,000 326938,000 - 331814,673 SM entreprises SE 37106,000 37106,000 - 36842,902 ind 28587,000 28587,000 - 26498,858 ser -20996,000 agr - SG 36482,551 - 23645,837 - -16119,327 RP -13291,221 640470,580 - 174291,839 - 712359,573 36921,701 - 27092,722 - -17279,427 331884,459 - 36682,019 - 25215,774 - 326938,000 - 37090,981 - 24027,085 -1,51 -3,00 0,00 -1,14 -5,23 - 172897,961 1,51 -0,50 36,70 637979,827 - -2,22 0,52 - - -1,12 -0,98 -17,29 - - -0,49 -1,68 -7,31 -20996,000 334642,779 - 23,23 Revenus du SPÉ 176492,783 2,36 -0,71 gouvernement 644572,735 - -3,25 1,49 Épargne ménages - -1,65 -0,04 -11,79 - 17,70 -16606,341 -15,95 - -20,91 -20996,000 0,00 - - - 6648,627 - 12465,926 - 4989,669 - 8315,248 - 12153,418 - - - 15,670 - 24,101 - 14,084 - 15,000 - 23,497 - 1,000 - 4,197 - 5,928 - 3,875 - 4,057 - Prix du permis PPERMIS Coût d'utilsation de l'énergie émetrice PEP charbon cha autres énergies fossiles PEP 319,73 fos - 1,000 - 1,170 492,80 - 16,99 Émissions de chaque secteurs couvertes par le SPÉ DPT agriculture agr - 10,631 -13,78 industrie DPT ind - - 322,311 services marchands DPT ser - - 55,809 charbon DPT cha - - 0,765 autres énergies fossiles DPT - - 18,806 électricité DPT elec - - 11,518 ntser - - 4,442 services non marchands DPT 166,588 5050,613 -32,76 874,527 -13,50 11,988 -48,62 fos 294,690 -32,27 180,487 -24,47 69,606 -18,00 1,265 287,51 - 26,46 89,856 -8,68 322,585 -36,26 52,987 -17,88 0,679 -54,37 35,860 -24,82 11,114 -27,12 4,150 -23,39 2165,619 7774,621 1277,040 16,365 864,262 267,859 100,019 1,149 305,66 - 14,86 99,070 0,68 354,288 -30,00 64,723 0,31 1,232 -17,20 48,216 1,09 16,372 7,36 5,470 0,98 1395,302 4989,792 911,559 17,351 679,074 230,583 77,039 1,164 - 1,259 89,605 -8,94 322,265 -36,33 53,428 -17,19 0,682 -54,17 35,908 -24,72 11,177 -26,71 4,165 -23,11 2105,449 16,42 94,585 -3,88 353,488 -30,16 56,044 -13,14 0,879 -40,93 38,483 -19,32 11,556 -24,22 4,458 -17,70 1418,775 5302,320 840,660 13,185 577,245 173,340 66,870 5,804 480,39 25,90 7572,261 1255,398 16,025 843,730 262,626 97,865 Émissions totales couvertes par le SPÉ Variation équivalente DEP - - 424,281 -30,00 6648,627 517,230 -30,00 12465,926 354,288 -30,00 4989,669 VE - 0,000 - - - -0,702 - - 559,494 -24,28 - 8315,248 517,230 -30,00 12153,418 - - 0,690 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 80 Chapitre 6 Les ajustements des agents aux politiques environnementales La réduction des niveaux d’activités, la substitution vers des intrants moins polluants et l’adoption de nouvelles technologies sont les réponses des agents face aux politiques environnementales. Les résultats des MEGC quant à l’ampleur et la répartition du fardeau d’une politique environnementale sont très sensibles à la façon de modéliser ces trois types d’ajustements. L’objectif de ce chapitre est de maîtriser la méthodologie pour enrichir un MEGC au niveau des ajustements des agents aux politiques environnementales. Nous voulons notamment montrer la sensibilité des résultats d’un MEGC portant sur les changements climatiques à l’égard de ces ajustements. Dans notre MEGC, nous avons jusqu’à maintenant limité les agents de l’économie canadienne à deux ajustements : la baisse des niveaux d’activités et la substitution entre les divers types d’énergie. De plus, nous avons modélisé ces ajustements dans un cadre d’analyse statique, ce qui sous-entend que les ajustements se font instantanément. Or, le phénomène des changements climatiques est un processus dynamique et de long terme, de même que la réponse des agents face au phénomène (Nordhaus, 1992). Il est donc difficile de justifier un cadre d’analyse statique plutôt que dynamique. Il est aussi fortement restrictif de négliger le changement technologique, qui est un élément indissociable du domaine des changements climatiques, et de ne pas considérer que l’énergie se substitue aux autres intrants primaires (Burniaux et Truong, 2002). L’organisation de ce chapitre est semblable au précédent. Cependant, au lieu de présenter divers scénarios concernant les politiques environnementales, nous nous limitons qu’à un seul. Le scénario retenu est celui où le SPÉ canadien couvre tous les secteurs productifs de l’économie, ne tient pas compte des émissions fugitives et n’est pas intégré à un SPÉ international. Nous simulons ce scénario sous cinq versions de notre MEGC. Les versions considérées sont réparties dans trois sections. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 81 La première section porte sur les ajustements dynamiques. Nous y présentons une version dynamique de notre modèle où les agents sont myopes. La seconde section porte sur les effets de substitution. Nous traitons distinctivement des effets de substitution survenant à l’intérieur de la sphère énergétique, soit les effets de substitution inter-énergétique, et des effets de substitution survenant entre l’énergie et les autres intrants, soit les effets de substitution inter-factoriels. Nous présentons une version de notre modèle pour chacun de ces deux types d’ajustements, ce qui permet ainsi de montrer leur incidence. La troisième section porte sur le changement technologique. Nous traitons du changement technologique exogène, c’est-à-dire indépendant des incitations économiques, et du changement endogène, qui répond à ces incitations. L’introduction du changement technologique endogène est une tâche ardue. Nous présentons une approche qui, bien que loin d’être complète, permet tout de même de montrer l’importance de la question. 6.1 Les ajustements dynamiques L’aspect dynamique est un élément important des changements climatiques, mais selon DeCanio (2003), il est souvent mal représenté ou tout simplement ignoré dans les modèles économiques portant sur le sujet. Pourtant, face aux politiques environnementales, il est fort probable que la réponse des agents soit fonction de ce qui a été fait dans le passé et de ce que réserve l’avenir. Dans le domaine des changements climatiques, les ajustements dynamiques aux politiques s’opèrent par le canal de l’investissement dans la technologie et dans le capital. Ces ajustements sont de nature anticipative et réactionnelle. Les ajustements dynamiques sont de nature anticipative lorsque les agents ne sont pas myopes par rapport au futur. Dans ce cas, les agents modifient leurs décisions d’investissement de façon à minimiser le coût du contrôle des émissions à travers le temps. Au contraire, lorsque les agents sont parfaitement myopes et sans mémoire, les ajustements dynamiques sont de nature réactionnelle. Dans un modèle économique dynamique, cela signifie que les agents optimisent à chaque période selon les conditions en vigueur. Mais étant donné que les conditions en vigueur à cette période découlent des événements passés, les agents réagissent donc inconsciemment aux chocs passés. Cette section présente une version dynamique dite séquentielle de notre MEGC, le modèle ENDYMO. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 82 6.1.1 Revue de littérature Il existe deux grandes catégories de MEGC dynamiques, respectivement les MEGC dynamiques séquentiels et les MEGC dynamiques inter-temporels. 6.1.1.1 Les MEGC dynamiques séquentiels Les MEGC dynamiques séquentiels font l’hypothèse que les agents sont myopes par rapport au futur. Il n’y a donc pas de comportement d’optimisation inter-temporelle. Les ajustements dynamiques de nature anticipative ne peuvent donc être pris en compte. Les ajustements dynamiques réactionnels sont cependant bien représentés, car chaque période est un état stationnaire dépendant du précédent. Les MEGC dynamiques séquentiels portant sur les changements climatiques sont donc plus appropriés pour analyser les ajustements post-implantations des réglementations sur les émissions de GES. Le protocole de modélisation d’un MEGC dynamique séquentiel a trois étapes : • premièrement, assurer le lien entre les états stationnaires; • deuxièmement, caractériser l’expansion de l’économie à travers le temps; • troisièmement, définir le marché de l’investissement. Le lien entre les états stationnaires se fait par l’accumulation du capital, qui est communément donnée par : K t +1 = (1− δ ) ⋅ K t + It (6.1) où K t : stock de capital à la période t ; It : investissement à la période t ; δ : taux de dépréciation du capital. La croissance de la population et le progrès technologique à la Solow (1956) assurent l’expansion de l’économie à travers le temps. Ceux-ci sont donnés par des équations dynamiques autorégressives d’ordre un. Dans le cas de la population, nous avons : LSt +1 = (1+ g) ⋅ LSt (6.2) où g : taux de croissance de la population (paramètre exogène); LSt : volume de main-d’œuvre totale à la période t . Le progrès technologique est habituellement donné par la croissance du paramètre d’échelle de la fonction caractérisant la valeur ajoutée, soit : Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques (6.3) 83 At +1 = (1+ n ) ⋅ At où n : taux de croissance de la technologie (paramètre qui peut être endogénéisé); At : paramètre d’échelle de la fonction de la valeur ajoutée à la période t . La dynamisation d’un MEGC avec l’approche séquentielle nécessite finalement de distinguer l’offre et la demande de bien d’investissement. Dans notre MEGC statique, nous avons explicité l’offre de ces biens selon leur secteur d’origine sans se soucier de leur réallocation dans l’économie. Toutefois, dans un MEGC dynamique, la réallocation des biens d’investissement ne peut être négligée, car le secteur qui reçoit ces biens accroît son stock de capital et par le fait même son potentiel de production des périodes futures. Il faut aussi noter que celui qui produit les biens servant à l’investissement n’en bénéficie pas nécessairement. Il faut donc définir une demande de bien d’investissement, que nous qualifions de « biens d’investissement par destination ». Dans un MEGC dynamique, le marché de l’investissement est donc explicite, il y a une offre, les biens d’investissement par origine et une demande, les biens d’investissement par destination. 6.1.1.2 Les MEGC dynamiques inter-temporels Les MEGC dynamiques inter-temporels font l’hypothèse que les agents anticipent le futur et qu’ils prennent leurs décisions en optimisant à travers le temps. La solution du modèle est le chemin d’expansion vers l’état stationnaire. Chaque période n’est donc pas une situation d’équilibre, mais une situation intermédiaire menant à l’état final. Ce type de MEGC permet ainsi de tenir compte des deux types d’ajustements dynamiques. Il est cependant difficile de distinguer les effets nets propres à chacun d’eux. La majorité des MEGC dynamiques inter-temporels se basent sur le cadre proposé par Ramsey (1928), bien que certains adoptent une approche à générations imbriquées du type Blanchard (Conrad, 2001). Peu importe le cadre retenu, ce type de dynamique est plus complexe que la précédente. Nous évitons donc d’en faire la présentation. Une lectrice ou un lecteur intéressé devrait se référer à Rutherford (2004) et Palstev (2000). Les MEGC dynamiques inter-temporels portant sur les changements climatiques sont très nombreux. Déjà le modèle DICE de Nordhaus (1992), l’un des premier MEGC dans le domaine, utilisait ce type de dynamique. Depuis, plusieurs l’ont utilisé pour des travaux appliqués. Par exemple, au niveau canadien, Dissou et al. (2000) ont eu recours à cette dynamique pour analyser le Plan national pour la lutte aux changements climatiques. C’est aussi ce type de dynamique qui est utilisée dans les études sur les politiques Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 84 optimales pour les changements climatiques (Nordhaus, 1992, Goulder et Schneider 1999, Tol 1999). 6.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC dynamique séquentiel : ENDYMO Notre modèle POLENVI est dynamisé selon l’approche séquentielle. Pour ce faire, nous introduisons d’abord une fonction d’accumulation du capital qui suit en tout point l’équation 6.1. Il faut cependant porter attention au fait que les biens d’investissement qui contribue au stock de capital ne sont pas les biens d’investissement par origine (variables INVtr , données par l’équation 2.23) que nous avons considéré jusqu’à maintenant. Les biens d’investissement contribuant au stock de capital sont les biens d’investissement par destination, que nous notons ID j . La demande pour ces biens est donnée par une équation distincte. La forme que nous retenons est celle proposée par Bourguignon et al. (1989), soit : r ID j = KD j γ1 u (6.4) 2 + γ2 r u où γ1 et γ 2 : paramètre de la fonction d’investissement rendant compte de r u l’élasticité-prix de l’investissement par destination; : rendement du capital; : coût d’usage du capital17. Selon l’équation de Bourguignon, l’intensité capitalistique des secteurs et les élasticitésprix par rapport au rendement et au coût d’usage du capital déterminent la réallocation des biens d’investissement. Nous posons que la valeur de l’investissement total ( IT ) détermine la valeur de l’investissement par destination offerte: (6.5) IT = PK ⋅ ID j j avec (6.6) µtr Pc tr PK = tr 17 Le coût d’usage du capital correspond ici à un indice de prix donnant la valeur des biens investis, ce qui est fort différent du rendement de ces mêmes biens. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 85 où PK : indice de prix pour l’investissement par destination. µ tr : part en valeur du produit tr dans l’investissement total en matériel, machine et construction ( IM ) net de taxe sur l’investissement ( tn ). Nous considérons que l’expansion de l’économie à travers le temps est due à la croissance de la main-d’oeuvre à un taux de 1% par année. La dotation totale de maind’œuvre évolue donc selon l’équation 6.2. Nous négligeons cependant le progrès technologique à la Solow (équation 6.3). Pour la calibration de l’investissement par destination, nous avons utilisé l’approche d’Abbink et al. (1995). Sous cette approche, l’investissement net de taxe est réparti à la période initiale selon les parts sectorielles de la rémunération du capital, soit : (6.7) θj = rj KD j r j KD j j La valeur de l’investissement par destination de chaque secteur pour la calibration est donc : (6.8) ID j = θ j IM ⋅ (1− tv) ce qui complète le protocole de modélisation pour la dynamisation de notre MEGC selon l’approche séquentielle. 6.1.3 Simulation d’ENDYMO Pour la simulation d’ENDYMO, nous posons l’hypothèse que l’agence régulatrice des permis veut maintenir le volume d’émissions à celui de la période initiale. L’économie étant en expansion, le SPÉ devient donc graduellement contraignant à travers le temps. Notre modèle est solutionné sur quinze périodes. Nous pouvons donc suivre le comportement de l’économie de 1996 jusqu’au cœur de la période cible du Protocole de Kyoto, 2010. Les résultats de cette simulation sont comparés à un scénario de référence. Ce scénario de référence a été obtenu en simulant la même version du MEGC, mais en considérant que le SPÉ n’était pas contraignant. En comparant le volume d’émissions de GES de la période de référence à celui en vigueur sous le SPÉ (figure 6.1), nous pouvons voir l’ampleur de la contrainte sur les 86 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques émissions pour chaque année. La réduction demandée est d’environ 6 % après cinq périodes, de 20% après dix périodes et de 35% après quinze périodes. La contrainte sur les émissions à la période cible est donc plus sévère que celle considérée pour les scénarios avec le MEGC statique. Figure 6.1 : Volume d’émissions de GES lié à la combustion de l’énergie de tous les secteurs productifs dans ENDYMO avec et sans SPÉ Sous cette simulation, le prix du permis (figure 6.2) se fixe à 12,46$ à la période cible, comparativement à 15,67$ dans la version statique. $CAN 12 10 8 6 4 2 0 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6 2 00 8 2 01 0 Périodes Figure 6.2 : Prix d’équilibre du permis dans ENDYMO 87 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques Nous concluons qu’une réduction graduelle des émissions diminue le fardeau du SPÉ au Canada, car cela produit une transformation permanente de la structure de l’économie de façon à la rendre moins intensive en énergies émettrices. Cela a été vérifié en soumettant notre modèle au SPÉ pour les dix premières périodes seulement. Nous avons alors observé des changements irréversibles à l’économie, car après ces périodes, le niveau d’émissions non contraint était inférieur de plus de 1% à celui qu’y aurait été en vigueur si le SPÉ n’avait jamais été mis en place. Après les transformations permanentes, il est donc moins contraignant de respecter la cible d’émissions, ce qui explique que le prix du permis soit plus bas sous une réglementation graduelle des émissions de GES. La transformation permanente de la structure de l’économie est due aux ajustements dynamiques réactionnels. Ceux-ci s’opèrent par le canal de l’investissement. La fonction d’investissement par destination retenue (équation 6.4) stipule que le volume d’investissement est fonction du taux de rendement du capital ( r ) relativement au coût d’usage du capital pour le marché ( u ). Selon cette fonction, un bas taux de rendement dans un secteur implique un faible taux d’investissement. Dans un cadre dynamique, un faible taux d’investissement réduit le capital disponible pour la période suivante. Le secteur au faible taux de rendement est donc en contraction relativement au reste de l’économie. L’économie devient donc moins intensive à travers le temps en produits de ces secteurs. Pour notre part, c’est effectivement ce que nous observons pour les secteurs des énergies émettrices, principalement le charbon (figure 6.3). % 0,115 0,11 0,105 0,1 0,095 0,09 Scén Scénario ario de de réf référence érence (ENDY MO) Scénario ENDY MO avec SPÉ 0,085 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6 2 0 08 2 01 0 P ériodes Figure 6.3 : Part de marché du charbon dans ENDYMO avec et sans SPÉ Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 88 Il faut noter que la contraction due à la chute de l’investissement est synonyme d’une plus grande rareté, ce qui fait des pressions à la hausse sur le prix au coût des facteurs. Les incitations à substituer les produits de ce secteur sont donc plus importantes, ce qui contribue à augmenter l’effet de contraction et par le fait même accroît la chute du rendement sur le capital lorsqu’il est rémunéré à sa productivité marginale. L’effet sur le prix au coût des facteurs est donc ambigu. Il y a un choc d’offre négatif qui fait des pressions à la hausse, mais parallèlement une baisse des coûts de production due à la contraction. Cela nous porte à conclure que la prise en compte des effets dynamiques a une influence non seulement sur l’ampleur des variations, mais possiblement sur leur direction. Dans la présente simulation, cela nous a été confirmé. Le prix au coût des facteurs du charbon est en baisse à travers le temps (figure 6.4) tandis que dans la version statique de notre MEGC, ce prix est plutôt à la hausse. $CAN 1,02 1 0,98 0,96 0,94 0,92 0,9 Scénario Scénario de rde éférréférence ence ( ENDYMO) 0,88 ENDY MO Scénario 0,86 avec SPÉ 0,84 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 20 0 6 2 00 8 2 0 10 P ériodes Figure 6.4 : Prix au coût des facteurs du charbon dans ENDYMO avec et sans SPÉ Nous pouvons aussi conclure que négliger les ajustements dynamiques anticipatifs surestime les coûts de dépollution. En effet, le pouvoir d’anticipation des agents devrait les conduire à adopter une réduction graduelle de leurs émissions, ce qui réduit le fardeau du SPÉ comme nous venons de montrer. En résumé : • Si le gouvernement introduit graduellement le SPÉ, les ajustements dynamiques réactionnels contribuent à réduire le fardeau de celui-ci. • Les impacts structurels du SPÉ ne sont pas nécessairement les mêmes dans un cadre dynamique que statique. • Les ajustements dynamiques anticipatifs devraient contribuer à réduire le fardeau d’un SPÉ. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 89 6.2 Les effets de substitution La modélisation des effets de substitution se résume à la substituabilité entre les diverses sources d’énergie ainsi qu’entre l’énergie et les facteurs primaires de production, ce que nous appelons respectivement les effets de substitution inter-énergétiques et les effets de substitution inter-factoriels. Cette section traite distinctivement des questions concernant ces deux types d’effets de substitution. 6.2.1 Les effets de substitution inter-énergétiques Dans le troisième chapitre de ce mémoire portant sur l’introduction de la sphère énergétique, nous avons souligné que les effets de substitution inter-énergétiques dépendent de deux éléments : de l’intensité en GES et des élasticités de substitution des fonctions caractérisant l’agrégation de l’énergie dans le processus de production. Dans ce qui suit, nous présentons une version de notre MEGC, le modèle SASUE, où il est difficile de substituer entre les différents types d’énergie. Nous testons ainsi la sensibilité des résultats de notre MEGC à l’égard des élasticités de la sphère énergétique présentées au chapitre trois. 6.2.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec de faibles possibilités de substitution énergétique : le modèle SASUE Pour la sphère énergétique de notre MEGC, nous avons jusqu' à maintenant utilisé les élasticités de substitution les plus communes d’après la littérature, soit l’unité pour la fonction agrégeant l’énergie électrique et non électrique et 0,5 pour celle agrégeant le charbon et les autres énergies fossiles. Pour illustrer l’importance des effets de substitution inter-énergétique, nous fixons ces paramètres à des niveaux reproduisant de faibles possibilités de substitution. Les élasticités de substitution sont fixées à 0,2 pour la fonction ESTC agrégeant l’énergie électrique et non électrique et à 0,25 pour la fonction ESTC agrégeant le charbon et l’agrégat des autres énergies fossiles. Bien que nous aurions pu utiliser la version statique de notre MEGC, le modèle SASUE est plutôt une transformation du modèle ENDYMO. La raison pour laquelle nous avons recours au cadre dynamique est que nous voulons permettre les comparaisons entre SASUE avec une version subséquente de notre MEGC où le changement technologique est introduit et modifie la nature des effets de substitution. 90 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 6.2.1.3 Simulation de SASUE Cette simulation est la même que dans la section précédente : l’offre des permis est maintenue à celle de la période initiale. Avec l’expansion de l’économie, il y a donc une baisse nette de l’offre de permis à chaque période. Pour de faibles possibilités de substituer entre les différents types d’énergie, la baisse des niveaux d’activités est la principale façon de réduire les émissions. Or, nous avons vu que considérer les émissions fugitives sous le SPÉ était synonyme d’une demande de permis plus inélastique. Le prix d’équilibre du permis est donc plus élevé. Dans le cas présent, c’est exactement ce qui se produit. Le prix du permis atteint rapidement des niveaux élevés (figure 6.5). À la dernière période, il se fixe à 184,90$, soit une augmentation de plus de 1555 % par rapport au cas où il est possible de substituer l’énergie. $CAN 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1 99 6 SASUE ENDYMO 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6 2 00 8 2 01 0 Périodes Figure 6.5 : Prix d’équilibre du permis dans SASUE et ENDYMO En résumé : • La question de la substitution inter-énergétique est non négligeable dans la détermination de l’ampleur du fardeau d’un SPÉ. • L’absence d’effet de substitution inter-énergétique amplifie la baisse des niveaux d’activités dans les secteurs du charbon et des autres énergies fossiles et réduit la substitution vers le secteur de l’électricité. La répartition du fardeau du SPÉ dans les secteurs énergétiques est donc modifiée. Pour ce qui est des autres secteurs la répartition du fardeau reste cependant la même. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 91 6.2.1 Les effets de substitution inter-factoriels La question des effets de substitution inter-factoriels est la source d’une abondante littérature (Magnus 1979, Vinals 1984, Kemfert et Welsch 2000, Kemfert 2000). De cette littérature émerge deux conclusions importantes. Premièrement, la substituabilité entre l’énergie et le capital est différente de celle entre l’énergie et le travail. Deuxièmement, la relation entre l’énergie et le capital est à court terme complémentaire, mais à long terme substitut. Après avoir relevé comment les modélisateurs tiennent compte de ces conclusions dans les MEGC, nous présentons une version de notre MEGC, le modèle INTERFAC, respectant celles-ci. 6.2.1.1 Revue de littérature Dans les MEGC top-down, pour saisir les différences dans la substituabilité énergie/capital versus énergie/travail, il suffit de définir une structure de production dans laquelle l’énergie et le capital forment un agrégat distinct du facteur travail. Whalley et Wigle (1991), Burniaux et al. (1992) ainsi que Burniaux et Truong (2002) sont quelques exemples d’auteurs qui utilisent cette spécification. Dans la construction d’un MEGC respectant les effets de substitution inter-factoriels, le véritable enjeu est cependant de considérer que la relation entre l’énergie et le capital est à court terme complémentaire, mais à long terme substitut. Ce point est crucial, car il détermine la direction de l’ajustement de la production totale suite à un changement des prix de l’énergie, comme l’a démontré Vinals (1984). Il existe deux approches pour modéliser l’évolution de la complémentarité vers la substituabilité entre l’énergie et le capital. La première provient de Borges et Goulder (1984) et est reprise par Burniaux et Truong (2002). Cette approche repose sur le fait que dans les fonctions néoclassiques nichées, la valeur d’une élasticité de substitution donnée varie selon la niche où elle est mesurée. La valeur de l’élasticité que nous portons habituellement attention est celle de la fonction caractérisant directement l’agrégat. La formule de Keller (1980) permet cependant de mesurer une élasticité par rapport aux autres niches de la fonction. L’approche de Borges et Goulder consiste donc à utiliser une structure de production nichée dans laquelle les élasticités de substitution énergie/capital sont supérieures à l’unité lorsqu’elles sont mesurées directement par rapport à la niche agrégeant l’énergie et le capital, mais inférieures à l’unité lorsqu’elles sont mesurées au niveau des niches supérieures. La substituabilité et la complémentarité sont alors prises Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 92 en compte simultanément. Cette approche est en fait un artifice mathématique où l’on donne des valeurs suffisamment petites aux élasticités de substitution énergie/capital par rapport à celle du niveau d’agrégation supérieur pour que leurs valeurs finales soient comprises entre 0 et 1. Le changement temporel n’est pas explicité. L’approche suivante corrige cette lacune. La deuxième approche a été développée par Mensbrugghe (1992, 2003) sous le nom de « vintage capital ». On retrouve son application aux changements climatiques dans le modèle GREEN (1992). L’approche « vintage capital » repose sur la modélisation de différents niveaux de flexibilité du capital. L’idée est que le capital nouvellement installé permet une forte substitution entre les intrants tandis que le capital datant des périodes précédentes a une certaine rigidité. L’accumulation du capital permet alors l’évolution de la complémentarité vers la substituabilité entre les intrants. 6.2.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec possibilités de substitution inter-factorielle : le modèle INTERFAC Dans le but de capter les effets de substitution inter-factoriels, nous adoptons une structure de production semblable à celle de Borges et Goulder (1984) et de Burniaux et Truong (2002) dans la version dynamique de notre MEGC. Nous utilisons donc l’approche la plus simple pour caractériser la complémentarité et la substituabilité entre l’énergie et le capital. Dans la section suivante, nous allons cependant enrichir la présente approche par l’introduction du changement technologique modifiant la nature des effets de substitution. La figure 6.6 représente la structure de production de cette troisième version de notre MEGC. L’agrégat énergie/capital ( EKD) est caractérisé par la fonction ESTC suivante : EKD j = Z (6.9) où x ekd j = ekd j (ε ekd j AE j −x ekd j + (1− ε ekd j )KD j −x ekd j − ) 1 x ekd j 1 − µ ekd j µ ekd j x ekd j : paramètre de substitution de la fonction ESTC; µ ekd j : élasticité de substitution; Z ekd j : paramètre d’échelle de la fonction ESTC; ε ekd j : paramètre de partage de la fonction ESTC; AE j : agrégat énergie non électrique dans la branche j ; KD j : capital utilisé dans la branche j . 93 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques Production Totale (Leontief) Énergie/ Valeur Ajoutée (ESTC) Consommations Intermédiaires (Leontief) Énergie/ Capital (ESTC) Travail Agriculture Industries Services Agrégat Énergétique (ESTC) Capital Énergie Non électrique (ESTC) Charbon Énergie Électrique Autres énergies fossiles Figure 6.6 : Structure de production d’INTERFAC La demande de l’agrégat énergétique ( AE ) est la condition de premier ordre du programme de minimisation des coûts, soit : ε elkd j AE j = KD j 1− ε ekd j (6.10) où r j µ nel j rj µ ekd j PAE j : taux de rendement du capital spécifique au secteur; PAE j : prix de l’agrégat énergétique donné par l’équation 3.4. L’agrégat énergie/capital est agrégé avec une fonction ESTC au facteur main-d' oeuvre pour former l’agrégat énergie/valeur ajoutée ( LEK ) : LEK j = Z (ε LD j lek j (6.11) où x lek j = 1 − µ lek j µ lek j lek j − x lek j + (1− ε )EKD j lek j − x lek j ) − 1 x lek j Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques x lek j : paramètre de substitution de la fonction ESTC; µ lek j : élasticité de substitution; Z lek j : paramètre d’échelle de la fonction ESTC; ε lek j : paramètre de partage de la fonction ESTC; LD j : main-d’œuvre utilisée dans la branche j . 94 La demande de main-d’œuvre est aussi obtenue par la condition de premier ordre du programme de minimisation des coûts : LD j = EKD j (6.12) où s 1− ε lek j µ lek j PEKD j ε lek j µ lek j s : salaire de travail; PEKD j : prix de l’agrégat énergie/capital. L’introduction de nouveaux agrégats engendre de nouveaux prix. Le prix de l’agrégat énergie/capital (PEKD) est obtenu de façon résiduelle, en soustrayant la masse salariale à la valeur de l’agrégat énergie/valeur ajoutée : (6.13) PEKD j = PLEK j LEK j − s ⋅ LD j EKD j Le prix de l’agrégat énergie/valeur ajoutée est aussi obtenu de façon résiduelle en soustrayant la valeur des consommations intermédiaires à la valeur de la production au coût des facteurs, soit : (1− tp j ) ⋅ P j XS j − (6.14) PLEK j = Pc NE DINE, j NE LEK j 6.2.1.3 Les données Les élasticités de substitution pour les fonctions ESTC des agrégats énergie/capital et énergie/valeur ajoutée s’inspirent de celles qui sont proposées par Burniaux et Truong (2002). Elles sont présentées au tableau 6.1. 95 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques Tableau 6.1 : Élasticité de substitution pour les agrégats énergie/capital et énergie/valeur ajoutée 6.2.1.4 Simulation d’INTERFAC Nous faisons la même simulation que pour les versions précédentes de ce chapitre, soit une offre de permis fixée à celle de la période initiale. Le nouveau mécanisme d’ajustement de la production fait en sorte que la hausse du prix de l’agrégat énergétique induit un effet de substitution. Ici, le capital peut être substitué à l’énergie. Par le même processus, l’agrégat énergie/capital peut être substitué au facteur travail. Cette caractérisation du processus de production permet donc un plus grand éventail de possibilités de substitution suite à une hausse du prix de permis. Cela implique qu’il est moins contraignant pour les producteurs de réduire leurs émissions de GES. Le prix du permis est donc moins élevé que dans ENDYMO (figure 6.7). $CAN 12 10 ENDYMO 8 INTERFAC 6 4 2 0 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6 2 00 8 2 01 0 Périodes Figure 6.7 : Prix d’équilibre du permis dans ENDYMO et INTERFAC En résumé : • La présence d’effets de substitution inter-factoriels influence l’ampleur du fardeau du SPÉ. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques • 96 Une analyse plus poussée montrerait aussi que la répartition du fardeau est affectée lorsque cet ajustement est considéré. En effet, la hausse des prix de l’énergie favorise une substitution vers les intrants primaires de production. Cette substitution est synonyme d’une hausse de la demande pour ces intrants. Étant donnée que l’offre totale des intrants primaires fixe, une hausse de la demande fait des pressions à la hausse sur leur taux de rémunération. Les salaires sont donc en hausse, ce qui influence la répartition du fardeau. 6.3 Le changement technologique D’après la théorie économique, les outils de marché pour lutter contre les problèmes environnementaux ont deux avantages par rapport aux simples normes réglementaires : leur efficacité économique et l’incitation au changement technologique. Dans le domaine des changements climatiques, la question de l’adoption de nouvelles technologies est particulièrement importante. En effet, les politiques pour contraindre les gaz à effet de serre (GES) s’échelonnent sur un horizon de temps assez long pour favoriser les ajustements dynamiques tels que les changements technologiques. Les déterminants à la source du changement technologique peuvent être classés en deux catégories. Ils peuvent être de nature exogène, c’est-à-dire indépendants des conditions économiques. Ils peuvent être de nature endogène, c’est-à-dire qu’ils sont une réponse des agents aux incitations économiques. L’introduction du changement technologique dans les MEGC suit cette catégorisation. Nous en présentons les grandes lignes et proposons les approches retenues pour le caractériser dans notre modèle. Cette section montre que, sans égard à la nature de ses déterminants, le changement technologique réduit le fardeau d’un SPÉ au Canada. 6.3.1 Le changement technologique exogène D’après Solow (1956), les systèmes économiques seraient caractérisés par une croissance minimale du progrès technologique indépendamment de la conjoncture. S’inspirant de cela, les modélisateurs introduisent certains éléments du changement technologique de façon exogène. Nous présentons dans cette section le modèle EXOTECH qui introduit le changement technologique de façon exogène. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 97 6.3.1.1 Revue de littérature À la base, tous les modèles portant sur les changements climatiques traitent du changement technologique exogène (Löschel, 2002), car ils introduisent une croissance exogène du progrès technologique global, conformément au modèle de Solow (1956). Il y a deux autres types de changement technologique exogène qui sont communément modélisés, mais qui sont plus spécifiques au domaine des changements climatiques. Le premier type est la discrétisation de technologie de production « sans émissions » : les « backstops technologies ». Ces technologies produisent des énergies non émettrices parfaitement substituables aux énergies conventionnelles à partir d’un prix donné. Leur rôle dans les MEGC est de fixer une borne supérieure au coût du contrôle des émissions à long terme (Löschel, 2002). Les technologies « sans émissions » les plus communes dans les MEGC sont l’énergie solaire et les réacteurs à fusions nucléaires (Jacoby et al. 1996), comme substituts à l’électricité et la biomasse, et les carburants synthétiques dérivés des énergies fossiles (Burniaux et al., 1992) comme substituts aux énergies fossiles. Le second type de changement technologique exogène est connu sous l’expression : Autonomeous Efficiency Energy Improvment (AEEI). Les AEEI sont en partie fondées sur les études empiriques (Kaufman, 1992) montrant que la quantité d’énergie utilisée par unité de production baisse à travers le temps. Elles représentent aussi le niveau minimal d’innovation présent dans le secteur de l’énergie (Löschel, 2002). La modélisation des AEEI dans un MEGC se fait en introduisant un paramètre exogène dans les fonctions de coûts ou de production pour assurer la décroissance, à travers le temps, de la part relative des intrants énergétiques. Par exemple, dans le modèle MERGE de Manne et al. (1995), la production (Y) est définie par une fonction ESTC de la forme : (6.15) Y = [a(K α L1−α )γ + b(E β N1− β )γ ] 1/ γ où K , L , E , N : représentent respectivement le capital, le travail, l’énergie électrique et l’énergie non-électrique. a et b : paramètres de partage de la fonction ESTC; α et β : paramètres de partage des fonctions agrégeant respectivement le γ capital et le travail et l’énergie électrique et non électrique; : élasticité de substitution de la fonction ESTC. Le paramètre b diminue exogènement à travers les périodes pour caractériser la décroissance de l’intensité énergétique de la production. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 98 L’introduction des AEEI produit un effet prix, car une demande décroissante de l’énergie à travers le temps fait des pressions à la baisse sur le prix de l’énergie. Kemfert et Welsch (2000) ont souligné que, dû à cet effet prix, les AEEI ne peuvent réduire la part relative de l’énergie sur la production dans une fonction ESTC que si les élasticités de substitution sont inférieures à l’unité. À long terme, il est difficile de mesurer l’effet net de ce changement technologique exogène, car c’est une source parmi plusieurs de variations des prix relatifs (Jones, 1994). Toutes choses étant égales par ailleurs, plus élevé est le paramètre caractérisant les AEEI, plus bas est le niveau d’émissions sans SPÉ et plus faible est le coût pour atteindre une cible d’émissions (Löschel, 2002). 6.3.1.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec changement technologique exogène : le modèle EXOTECH Pour cette quatrième version de notre MEGC, nous introduisons les AEEI dans INTERFAC. Nous nommons cette version EXOTECH. Le paramètre modifié à travers le temps est le paramètre de partage ε ekd de l’équation 6.9, qui est la fonction ESTC agrégeant l’énergie et le capital dans INTERFAC. Ce paramètre décroît à un taux de 1%, ce qui est la valeur commune pour les AEEI. 6.3.1.3 Simulation d’EXOTECH La simulation d’EXOTECH est la même que pour les autres versions dynamiques de notre MEGC.La figure 6.8 confirme que la présence des AEEI réduit le niveau d’émissions de GES du scénario de référence. Avec les AEEI, il est donc plus aisé de maintenir le niveau d’émissions à celui de la période initiale. À la quinzième période, la réduction demandée est maintenant de l’ordre de 30%, comparativement à 35% sans AEEI. Cela explique que les prix d’équilibre du permis soient plus faibles avec les AEEI (figure 6.9). Figure 6.8 : Niveau d’émissions du scénario de référence dans INTERFAC et EXOTECH 99 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques $CAN 9 8 7 INTERFAC 6 EXOTECH 5 4 3 2 1 0 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 Périodes Figure 6.9 : Prix d’équilibre du permis dans EXOTECH et INTERFAC Un prix du permis plus faible fait des pressions à la baisse sur le prix de l’agrégat énergétique ( PAE ) , qui était déjà à la baisse due à l’effet prix causé par les AEEI. Les effets prix semblent donc pouvoir compromettre la réduction de l’intensité énergétique. En prenant pour exemple la production industrielle, nous observons cependant une réduction de la part de l’énergie dans la production et ce, relativement au cas où il n’y a pas de AEEI (figure 6.10). Nos résultats sont donc compatibles avec l’affirmation de Kemfert et Welsch. Figure 6.10 : Proportion de l’énergie dans la production totale pour l’industrie dans EXOTECH et INTERFAC En résumé : • L’ampleur du fardeau du SPÉ est réduite par l’introduction des AEEI. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques • 100 Les AEEI forcent la baisse des niveaux d’activité dans les secteurs énergétiques relativement aux autres secteurs. La répartition du fardeau du SPÉ est donc différente. 6.3.2 Le changement technologique endogène Schumpeter (1942) fut l’initiateur d’une définition du processus de changement technologique endogène, c’est-à-dire dicté par les incitations économiques. Selon cette définition, le changement technologique s’opère en trois étapes : l’invention, l’innovation et la diffusion. La première et la deuxième étapes sont communément appelées les actions de recherche et développement (R&D). La description du processus de changement technologique peut donc être séparée en deux parties : les déterminants des actions de R&D et l’interaction entre la R&D et la diffusion. Il existe deux écoles de pensée quant aux déterminants de la R&D (Jaffe et al., 2002). La première, la théorie de l’innovation induite, est celle qui est retenue dans les modèles économiques. Elle stipule que la R&D est une décision d’investissement provenant de la maximisation inter-temporelle du profit par les firmes. La seconde école de pensée est la théorie de la partie attribuée à Nelson et Winter (1982). Selon sur les firmes incitent celles-ci à reconsidérer décisions d’investissement ne découleraient pas plutôt d’un arbitrage plus subjectif. perspective évolutionnaire qui est en cette théorie, de nouvelles contraintes leurs méthodes de production. Les d’un processus d’optimisation, mais Les deux écoles de pensée sont en accord sur un point : les déterminants des investissements en R&D répondent à des incitations économiques. L’endogénisation du processus du changement technologique est donc souhaitable. Dans ce qui suit, nous présentons comment certains auteurs ont traité du changement technologique endogène dans le domaine des chargements climatiques. Nous présentons par la suite notre approche pour le caractériser dans notre MEGC. Cette version de notre MEGC est le modèle ENDOTECH. 6.3.2.1 Revue de littérature Il y a deux représentations du changement technologique endogène dans les modèles économiques portant sur les changements climatiques. La première s’efforce de détailler, de la façon la plus rigoureuse possible, tout le processus du changement technologique pour l’ensemble de l’économie. Dans cette représentation, il n’y a pas d’attention Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 101 particulière portée sur les technologies de dépollution des émissions de GES. C’est plutôt toute la dynamique menant de l’innovation jusqu’aux effets tangibles de l’amélioration des technologies existantes qui est modélisée. Les auteurs qui font cette représentation du changement technologique endogène (Nordhaus 1999, Goulder et Schneider 1999, Buonamo, Carraro et al. 1999 et Goulder et Mathai 2000) ont habituellement comme objectif d’identifier la politique optimale pour lutter contre les changements climatiques. La deuxième représentation du changement technologique endogène est spécifique aux technologies de dépollution des émissions de GES. Cette représentation se concentre à modéliser le lien entre les politiques environnementales et l’utilisation de nouvelles technologies permettant de réduire le niveau d’émissions par unité de production. Beauséjour et al.(1989), Capros et al. (1997), Ryan et al. (2003) et Dellink et al. (2002) sont de ceux qui intègrent ces technologies dans des MEGC portant sur les changements climatiques. Les approches de Capros et al. (1997) et Dellink et al. (2002) sont cependant les plus intéressantes. Les technologies de dépollution sont caractérisées par les fonctions de coûts marginaux de dépollution des émissions. Comme il a été souligné précédemment, l’introduction de ces fonctions dans un MEGC a plusieurs avantages, notamment d’expliciter l’arbitrage entre l’achat de permis et les activités de dépollution. Dans ce qui suit, nous présentons une revue des approches de Dellink et al. et. Capros et al. Une lectrice ou un lecteur intéressé par une synthèse de ces approches devrait se référer à Conrad (2001). 6.3.2.1.1 L’approche de Dellink et al. (2002) Dellink et al. utilisent un MEGC dynamique inter-temporel fermé au commerce international de l’économie hollandaise pour expliciter les activités de dépollution. Les technologies de dépollution sont introduites de façon à représenter des fonctions de coûts marginaux de dépollution. Ces fonctions comptabilisent toutes les technologies de dépollution disponibles, que ce soit les technologies « sans émissions » ou celles de restructuration du processus de production (process-integrated) des Pays-Bas. La construction de ces fonctions est une des difficultés de l’approche de Dellink et al. Il faut noter que les coûts marginaux de dépollution sont comptabilisés en termes de coûts annuels : les sommes payées à la période présente pour une technologie doivent être repayées à la période suivante pour avoir accès à cette même technologie. Les investissements dans la dépollution sont donc réversibles, ce qui simplifie la modélisation. 102 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques Une fois construites, les fonctions de coûts marginaux de dépollution sont transposées sous une forme fonctionnelle dans le MEGC, dans ce cas-ci une ESTC. Au contraire des technologies « sans émissions », ces technologies de dépollution ne sont pas discrètes, mais continues et progressives. Dellink et al. appellent la courbe associée à la fonction ESTC « la courbe de substitution pour la réduction de la pollution » (pollution abatement substitution curve, PAS curve ). Cette approche se distingue de celle de Nordhaus (1991), où des fonctions de dépollution de forme quadratique sont estimées et sont directement introduites dans le modèle. La courbe de substitution pour la réduction de la pollution permet de caractériser une substitution imparfaite entre la pollution et la dépollution. À l’équilibre, elle assure l’égalité entre le coût marginal de dépollution et le coût à la marge d’émettre, comme le stipule la théorie économique. Pour permettre une relation de substituabilité entre la pollution et la dépollution, il faut cependant faire l’hypothèse que les émissions sont des inputs à la production. Dellink et al. adoptent donc une structure de production semblable à celle représentée à la figure 6.11 (la structure de consommation est de la même forme en termes de technologies de dépollution). La réduction des émissions est rendue possible lorsque l’input « émission » est remplacé par le produit dépolluant selon la fonction ESTC. Le produit dépolluant et l’input « émission » forment l’agrégat : « service environnemental ». Cet agrégat est par la suite nécessaire à la production ou à la consommation des produits finis. Les agents font donc un arbitrage statique entre dépolluer ou émettre pour un niveau donné de « service environnemental ». Production totale d’une branche d’activité (ESTC) « Service environnemental » Main-d’oeuvre (ESTC) Input Émissions de GES Capital Consommations intermédiaires Produit dépolluant Figure 6.11: Structure de la production du modèle de Dellink et al. (2002) Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 103 Le prix du produit dépolluant est obtenu de la même façon que pour les prix des biens et services des autres secteurs de l’économie, c’est-à-dire par l’équilibre sur le marché des biens. Il y a donc un nouveau secteur dans le modèle, celui de la dépollution. Cela permet d’expliciter l’utilisation de la main-d’œuvre, du capital et de différents intrants intermédiaires nécessaires pour fournir les technologies dépolluantes. Une autre difficulté de l’approche de Dellink et al. est la calibration de la fonction ESTC. Ils proposent de minimiser le carré de la somme verticale entre la fonction de coûts marginaux de dépollution construite avec les données réelles et celle transposée sous la forme ESTC. Cette procédure a l’avantage de permettre d’obtenir les paramètres de la ESTC sans se soucier des prix à la situation de référence. Par exemple, il est possible de poser que le prix du permis est zéro. 6.3.2.1.1.1 Les extensions de l’approche de Dellink et al. Dans le cas des courbes quadratiques, il est toujours possible de réduire les émissions par la dépollution. Or, d’après Hueting (1996), il est important de considérer que les technologies environnementales ont une limite d’efficacité. Pour ce faire, Dellink et al. considèrent tout simplement que ce n’est qu’une partie des émissions qui sont soumises à la substitution avec le produit dépolluant. Dellink et al. proposent aussi d’introduire, de façon exogène, certains aspects dynamiques propres au processus du changement technologique endogène. Par exemple, la présence d’innovation peut être reproduite dans le modèle en appliquant un paramètre augmentant la proportion des émissions soumises à la dépollution. Cela n’aura pas d’effet direct sur le prix des biens polluants à court terme, ce qui, d’après les auteurs, en fait une assez bonne représentation du concept d’innovation. Les effets d’apprentissage et autres externalités reliées au changement technologique peuvent aussi être représentés de façon exogène en forçant une diminution des prix des produits dépolluants. 6.3.2.1.1.2 L’approche de Capros et al. (1997) L’approche de Capros et al. est semblable à celle de Dellink et al., mais elle se différencie cependant au niveau de la structure de la production et de la consommation. Les structures font en sorte que les coûts d’émission et de dépollution affectent le coût d’utilisation de l’énergie au lieu d’affecter directement le prix au coût des facteurs. Dans GEM-E3, cela signifie que les émissions proviennent de l’utilisation des énergies Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 104 émettrices tandis que pour Dellink et al., ce sont les produits finaux qui sont émetteurs18. L’avantage de l’approche de Capros et al. est de permettre les effets de substitution interénergétiques et inter-factoriels. 6.3.2.2 Protocole de modélisation d’un MEGC avec changement technologique endogène : le modèle ENDOTECH Nous enrichissons notre MEGC du changement technologique endogène en introduisant les technologies de dépollution. Pour isoler les effets découlant de cette extension, nous laissons tomber la structure de production permettant d’introduire les effets de substitution inter-factoriels et les AEEI. Le modèle ENDOTECH est donc une extension directe d’ENDYMO. Notre approche s’inspire à la fois de Dellink et al. (2002) et de Capros et al. (1997). Tout comme Dellink et al., nous considérons que les émissions sont des inputs et qu’ils peuvent être substituables, de façon imparfaite, à un produit dépolluant. À la différence de Dellink et al., notre processus de production comporte trois types d’émissions plutôt qu’un seul. En effet, nous comptabilisons les émissions reliées à la combustion du charbon, celles reliées aux autres énergies fossiles et les émissions fugitives. Les technologies de dépollution pourraient donc intervenir à trois niveaux dans la production. Nous restreignons cependant la possibilité d’utiliser des technologies dépolluantes seulement pour les émissions liées à la combustion des énergies fossiles. Les technologies de dépollution interviennent donc à deux endroits dans la production. Nous faisons l’hypothèse que les technologies sont spécifiques aux deux types d’énergies fossiles. Nous associons un secteur propre à chacune des technologies. Par conséquent, notre MEGC comporte deux nouveaux secteurs : les secteurs produisant les technologies de dépollution pour le charbon et un secteur de même nature pour les autres énergies fossiles. Ces secteurs n’ont qu’une composante à leur demande : les consommations intermédiaires. Nous faisons l’hypothèse que les produits de ces secteurs sont soumis au commerce international. Il est donc possible d’importer ou d’exporter les technologies de dépollution. La structure de production modifiée pour introduire les technologies de dépollution est représentée à la figure 6.12. L’agrégat des émissions et des produits dépolluants forme l’agrégat appelé « service environnemental » pour reprendre la terminologie de Dellink et al. Pour le charbon, cet agrégat est donné par la fonction ESTC suivante : 18 Selon ce qui a été présenté au chapitre 4 de ce mémoire, l’approche de Dellink et al. revient à poser que toutes les émissions sont fugitives. 105 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques EScha, j = Z (ε DI abac, j sec j (6.16) où x sec = j sec j − x sec j + (1− ε )EMIPcha, j sec j − x sec j − ) 1 x sec j 1 − µ sec j µ sec j x sec j : paramètre de substitution de la fonction ESTC; µ sec j : élasticité de substitution; Z sec j : paramètre d’échelle de la fonction ESTC; ε sec j : paramètre de partage de la fonction ESTC; EScha , j : « service environnemental » pour le charbon; EMIPcha , j : émissions de GES liées à la combustion du charbon; DI abac , j : consommations intermédiaires du secteur des technologies de abac dépollution pour le charbon; : indice représentant le secteur des technologies de dépollution pour le charbon L’agrégat des émissions et des produits dépolluants est donné par la fonction ESTC suivante pour les autres énergies fossiles, soit : ES fos, j = Z (ε DIabaf , j sef j (6.17) où x sef = j sef j − x sef j + (1− ε )EMIPfos, j sef j − x sef j − ) 1 x sef j 1 − µ sef j µ sef j x sef j : paramètre de substitution de la fonction ESTC; µ sef j : élasticité de substitution; Z sef j : paramètre d’échelle de la fonction ESTC; ε sef j : paramètre de partage de la fonction ESTC; ES fos, j : « service environnemental » pour les autres énergies fossiles; EMIPfos , j : émissions de GES liées à la combustion des autres énergies fossiles; DI abaf , j : consommations intermédiaires du secteur des technologies de abac dépollution pour les autres énergies fossiles; : indice représentant le secteur des technologies de dépollution pour les autres énergies fossiles; 106 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques La valeur des élasticités de substitution utilisées pour les équations 6.16 et 6.17 s’inspire de Dellink et al., qui retiennent la valeur 1,26. Nous retenons la valeur 1,25. Production Totale (Leontief) Valeur Ajoutée Consommations Intermédiaires (Cobb-Douglas) Travail (Leontief) Capital Agrégat Énergétique Services (ESTC) Énergie Non électrique (ESTC) Industries Agriculture Énergie Électrique Charbon effectif Autres énergies fossiles effectives (Leontief) (Leontief) Charbon Service environnemental (ESTC) Émissions liées à la combustion du charbon Autres énergies fossiles Produit dépolluant pour le charbon Service environnemental Émissions liées à la combustion des autres énergies fossiles (ESTC) Produit dépolluant pour les autres énergies fossiles Figure 6.12 : Structure de production d’ENDOTECH La demande pour le produit dépolluant pour le charbon est obtenue du programme de minimisation des coûts du producteur, soit : DIabac , j = ES cha, j (6.18) où PC abac 1− ε sec j ε sec j µ sec j PEScha , j µ sec j PCabac : Prix composite du produit dépolluant pour le charbon; PES cha , j : Prix de l’agrégat « service environnemental » pour le charbon. Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 107 La demande pour le produit dépolluant pour les autres énergies fossiles est obtenue de la même façon que pour le charbon, elle est donc donnée par : DIabaf , j = ES fos, j (6.19) où PC abaf 1− ε sef j ε sef j µ sef j µ sef PES fos, j PCabaf : Prix composite du produit dépolluant pour les autres énergies fossiles; PES fos , j : Prix de l’agrégat « service environnemental » pour les autres énergies fossiles. En considérant les émissions comme des inputs, cela nous permet de faire l’hypothèse que les énergies fossiles ne sont utilisables que si elles s’accompagnent d’une part fixe d’émissions qui, rappelons-le, peuvent ici se substituer aux produits dépolluants. Les consommations intermédiaires des énergies fossiles peuvent donc être définies par une relation Leontief avec l’agrégat « service environnemental », pour former un agrégat qui représente les consommations intermédiaires d’énergies fossiles dites utilisables. Nous utilisons le terme « effectif » pour définir ce nouvel agrégat (voir figure 6.12). Dans le cas du charbon, la relation Leontief entre son « service environnemental » et ses consommations intermédiaires est donnée par les deux équations suivantes : CHA j = γ j (6.20) où γ j cha cha EScha , j : volume de charbon effectif dans la production par unité de « service environnemental »; CHA j : consommation intermédiaire de charbon effectif. CHA j = β j (6.21) où β j cha cha DIcha , j : volume de charbon effectif dans la production par unité de consommation intermédiaire de charbon, avec 1 γ cha j + 1 β cha j = 1. Dans le cas des autres énergies fossiles, nous avons des relations semblables, soit : FOS j = γ j ES fos, j fos (6.22) où γ j fos : volume d’autres énergies fossiles effectives dans la production par unité de « service environnemental »; 108 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques FOS j : consommation intermédiaire d’autres énergies fossiles effectives. FOS j = β j DI fos, j fos (6.23) où β j fos : volume d’autres énergies fossiles effectives dans la production par unité de consommation intermédiaire d’autres énergies fossiles, avec 1 γ fos j + 1 β jfos =1 Le prix de l’agrégat « service environnemental » pour le charbon est donné par la fonction suivante: (6.24) PEScha, j = PCabac DIabac , j + PPERMIS ⋅ EMIPcha , j EScha , j Dans le cas des autres énergies fossiles, ce prix est donné par : (6.25) PES fos, j = PCabac DIabac , j + PPERMIS ⋅ EMIPfos, j ES fos, j Le prix des énergies fossiles effectives dans la production ( CU ) correspond à (6.26) CU cha , j = PCcha DIcha , j + PEScha , j EScha , j CHA j pour le charbon et correspond à (6.27) CU fos, j = PC fos DI fos, j + PES fos, j ES fos, j FOS j pour les autres énergies fossiles. Ces prix correspondent au coût d’utilisation des énergies fossiles utilisées dans la production. Ils incluent donc le coût débourser pour émettre ou pour dépolluer. Notre approche est à ce niveau semblable à celle de Capros et al. (1997). Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 109 6.3.2.3 Les données Pour les données des fonctions de coûts marginaux de dépollution, nous n’avons pas entrepris le travail colossal de cueillette et construction de fonctions spécifiques au Canada. Les données utilisées sont celles de Dellink et al. (2002) pour l’économie néerlandaise. Ceux-ci présentent leurs données qu’une fois transposées dans leur MCS. Nous avons donc calculé les coefficients d’intensité pour le secteur de la dépollution de leur MCS et nous les avons transposés à notre MCS. Nous avons fait l’hypothèse qu’avant sa désagrégation, le secteur de la dépollution était implicitement intégré dans le secteur de l’industrie et des services. Cette première manipulation nous a permis de désagréger un seul secteur pour les technologies de dépollution. Pour différencier entre les deux secteurs des technologies de dépollution que nous considérons, nous avons supposé que soixante pour cent des technologies de dépollution étaient pour le charbon et le quarante pour cent restant pour les autres énergies fossiles. Pour pouvoir calibrer les nouvelles fonctions ESTC sans utiliser l’approche complexe de Dellink et al., nous avons produit une nouvelle matrice dans laquelle le prix du permis est fixé à un. Nous avons donc pu utiliser la procédure de calibration usuelle s’appuyant sur les valeurs de la MCS. Le tableau 6.2 en annexe de ce chapitre présente la MCS avec les deux secteurs pour les technologies de dépollution et un prix du permis calibré à l’unité. 6.3.2.4 Simulation d’ENDOTECH La simulation d’ENDOTECH est la même que pour les autres versions dynamiques de notre MEGC. Tout comme pour les AEEI, l’introduction des technologies de dépollution change le niveau d’émissions de référence sans SPÉ. À la quinzième période, la réduction demandée est de 32%, soit légèrement supérieure au scénario avec les AEEI. Pour une cible de réduction plus sévère et sans possibilité de substitution inter-factorielle, le prix d’équilibre est tout de même inférieur dans cette simulation (figure 6.13) après les périodes initiales. Le prix du permis plus élevé pour ces périodes est simplement dû au fait que le prix du permis est calibré à l’unité dans ENDOTECH. 110 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques $CAN 7 6 5 EXOTECH 4 ENDOTECH 3 2 1 0 1 99 6 1 99 8 2 00 4 2 00 2 2 00 0 2 00 6 2 00 8 2 01 0 Périodes Figure 6.13 : Prix d’équilibre du permis dans ENDOTECH et EXOTECH Le principal ajustement permettant la réduction des émissions n’est plus la substitution énergétique. Les impacts structurels du SPÉ sont donc différents sous cette version de notre MEGC. Par exemple, le charbon n’est plus massivement délaissé dans les processus de production. Au contraire, ce secteur voit même sa demande intermédiaire augmentée (figure 6.14). % 40 30 20 10 0 -10 -20 -30 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 ENDYMO ENDOTECH Périodes Figure 6.14 : Demande intermédiaire du charbon dans ENDOTECH et ENDYMO L’utilisation des technologies dépolluantes se traduit par une demande accrue des produits de ces secteurs par les producteurs. Les produits dépolluants pour le charbon deviennent cependant moins populaires que ceux pour les autres énergies fossiles à travers le temps (figure 6.15). 111 Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques % 7 ,4 7 ,2 7 6 ,8 6 ,6 6 ,4 6 ,2 Scénario Scénar io de rréférence éfér ence ( ENDOTECH) 6 ENDOTECH Scénario avec SPÉ 5 ,8 5 ,6 1 99 6 1 99 8 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6 2008 2010 P ériodes Figure 6.15 : Ratio de la demande intermédiaire, en volume, du charbon sur celle des autres énergies fossiles dans ENDOTECH avec et sans SPÉ La part de marché du secteur des technologies de dépollution pour les autres énergies fossiles est donc en expansion par rapport au secteur de même nature pour le charbon (figure 6.16). % 1 55 1 50 1 45 1 40 1 35 Scénario ence ( ENDOTECH) Scénariodeder éfér référence 1 30 ENDOTECH Scénario avec SPÉ 1 25 1 99 6 1998 2 00 0 2 00 2 2 00 4 2 00 6 2008 2 01 0 Pé riodes Figure 6.16 : Ratio de la production totale du secteur des technologies de dépollution du charbon sur celle du secteur des technologies de dépollution des autres énergies fossiles dans ENDOTECH avec et sans SPÉ Nous pouvons donc conclure que, bien que le charbon soit le type d’énergie le plus polluant, ce n’est pas lui qui bénéficie de l’effort d’innovation. Cela signifie qu’il reste plus avantageux pour les producteurs canadiens de substituer le charbon aux autres Chapitre 6 : Les ajustements des agents aux politiques 112 énergies fossiles que de le conserver dans le processus de production et de tenter de développer des technologies pour le rendre moins polluant. En résumé : • La prise en compte du changement technologique endogène réduit de plus de 86% le prix du permis par rapport au cas où il est négligé (ENDYMO). Une analyse plus poussée des impacts structurels montrerait que ce n’est pas seulement l’ampleur des variations qui change, mais leur direction. • Il est possible de tirer certaines conclusions sur la direction des investissements en R&D, malgré le fait que le processus de décision d’investissement en R&D ne soit pas explicité. • Conceptuellement, la principale lacune de notre approche est que les investissements dans les technologies de dépollution obéissent au même arbitrage pour les investissements en capital. Or, les investissements en R&D ont des caractéristiques qui leur sont propres. Ils sont intangibles, caractérisés par une forte incertitude et qu’en partie appropriables (Weyant et Olavason, 1999), ce que nous avons négligé. Il serait donc intéressant de mieux représenter le processus du changement technologique endogène pour l’ensemble de l’économie. Dans la littérature des changements climatiques, nous n’avons cependant relevé que le papier de Wing (2002) qui utilisait un MEGC dynamique séquentiel pour s’attaquer à ce défi. 6.4 Conclusion Nous avons modélisé ces cinq ajustements pour saisir le fonctionnement de chacun d’eux dans les MEGC et pour estimer leur incidence possible sur les résultats. Nous avons montré que les MEGC portant sur les changements climatiques sont très sensibles à la modélisation des ajustements des agents aux politiques environnementales. L’ampleur et la répartition du fardeau d’un SPÉ sont dépendants de ces ajustements. D’après nos simulations, les ajustements ayant l’impact le plus significatif sur les résultats sont les effets de substitution inter-énergétiques et l’introduction de technologies de dépollution. Négliger les ajustements dynamiques, les effets de substitution inter-factoriels et le changement technologique exogène surestime aussi le coût du contrôle des émissions, mais de façon moins importante. Annexe 6.1 Tableau 6.2 : Matrice de comptabilité sociale du Canada avec technologies de dépollution et prix du permis égal à un (données réelles) 113 Annexe 6.1 Tableau 6.2 (suite) : Matrice de comptabilité sociale du Canada avec technologies de dépollution et prix du permis égal à un (données réelles) 114 Conclusion 115 Conclusion Ce travail de recherche a eu pour but d’adapter un MEGC à l’étude des politiques pour la lutte aux changements climatiques. Pour atteindre notre objectif, nous avons procédé à la revue, à la modélisation et à la simulation des approches pour introduire chaque caractéristique, identifiée comme fondamentale, dans les MEGC. Pour chaque caractéristique fondamentale, nous avons relevé un grand nombre d’approches possibles pour les introduire dans les MEGC. Cette revue de littérature avait pour but de discerner quelles approches pour la modélisation étaient ou devraient être la norme pour les MEGC portant sur les changements climatiques. Les approches que nous avons modélisées et simulées ont donc été choisies sur la base de ce critère. Il faut noter que comme tout travail de construction, la modélisation d’un MEGC est graduelle. Les approches retenues pour modéliser les premières caractéristiques sont conséquentes des approches envisageables pour modéliser les caractéristiques subséquentes. Par exemple, le fait d’avoir initialement introduit la sphère énergétique dans notre MEGC selon l’approche top-down a nécessité par la suite une caractérisation du changement technologique. Cela n’aurait cependant pas été nécessaire avec l’approche bottom-up, car elle détaille implicitement le changement technologique. Nous pouvons conclure que les approches pour la modélisation des MEGC portant sur les changements climatiques, qui semblent en voie de devenir la norme, se sont avérées fort peu restrictives. En effet, les approches modélisées dans ce travail ont permit une grande flexibilité pour les transformations subséquentes. Il est donc possible d’enrichir un MEGC portant sur les changements climatiques sur de nombreux aspects. Par nos simulations, nous avons voulu montrer le fonctionnement et l’incidence sur les résultats de chacune des approches modélisées. Pour les modélisateurs de MEGC portant sur les changements climatiques, nous considérons que notre travail de recherche peut être un cadre pour un travail de construction. Cependant, nous ne considérons pas les différentes versions de notre MEGC comme étant achevées et adéquates pour un travail sérieux d’analyse des politiques canadiennes pour la lutte aux changements climatiques et ce, pour deux raisons. Conclusion 116 Premièrement, le niveau d’agrégation du modèle est trop important. Entre autres, notre MEGC de base ne considère que quatre branches d’activités, qu’un seul niveau de gouvernement et qu’un seul agent représentatif pour l’ensemble des ménages. Or, nous savons, entre autres, que ce ne sont pas toutes les entreprises industrielles qui seront couvertes par un SPÉ, que la souveraineté des gouvernements provinciaux est importante au Canada dans les questions environnementales et que les prix de l’énergie affectent inégalement les différentes catégories de ménages, ce que notre modèle ne peut saisir. Deuxièmement, les données utilisées et leur traitement peuvent être améliorés. Nous pensons que la disponibilité des données est la principale limite des options envisageables pour un modélisateur de MEGC portant sur les changements climatiques. Nous avons vu que, pour chaque nouvelle version de notre modèle, un certain nombre de paramètres exogènes et parfois une désagrégation de la MCS étaient nécessaires. Le travail de construction d’un MEGC portant sur les changements climatiques doit donc parallèlement s’accompagner d’un travail de recherche de données spécifiques aux économies modélisées. Pour notre part, nous avons construit une MCS de l’économie canadienne à partir des données du Ministère des Finances du Québec et du CREAP. Il est certainement possible d’apporter certaines améliorations à cette MCS, car la cohérence avec les comptes nationaux n’est pas parfaite. Pour ce qui est des paramètres introduits de façon exogène, nous avons utilisé ceux de la littérature, qui n’étaient, dans la plupart des cas, pas spécifiques à l’économie canadienne. À ce niveau, il est donc aussi possible et souhaitable d’apporter des améliorations. Par exemple, concernant la substitution énergétique, la forte présence de l’hydroélectricité dans le bilan énergétique canadien devrait induire des élasticités de substitution particulières, ce qui motiverait l’estimation de ces paramètres. Bien que les résultats des simulations de ce mémoire ne doivent pas être interprétés pour l’analyse de politiques réelles, notre travail de recherche vise aussi les utilisateurs de MEGC portant sur les changements climatiques. Les simulations du chapitre 5 et 6 ont montré que les MEGC étaient fortement sensibles quant aux modalités du SPÉ et aux hypothèses comportementales. Chaque version de notre MEGC a permis d’identifier des sources de variabilités dans la répartition et l’ampleur du fardeau du SPÉ. Les variations de l’ampleur du fardeau ont cependant été les plus marquantes. En effet, le prix du permis varie de moins de 2$ (figure 6.13) à plus de 184$ (figure 6.5). Les utilisateurs de MEGC devraient porter une attention particulière à ce point et considérer les MEGC pour leur capacité à montrer les interactions de nature économique découlant des politiques sur les émissions de GES, plutôt que leur coût total. De façon plus générale, nous concluons que Conclusion 117 les caractéristiques traitées dans ce travail de recherche ne peuvent être négligées pour utiliser les MEGC pour formuler et évaluer les politiques pour les changements climatiques. Une autre caractéristique fondamentale, sans être mentionnée explicitement, a elle aussi été traitée tout au long de ce mémoire. Nous référons ici à l’incertitude. L’incertitude est omniprésente dans le domaine des changements climatiques et les modèles portant sur ceux–ci ne peuvent la négliger. Les modèles économiques peuvent considérer deux dimensions de l’incertitude. Il y a d’abord l’incertitude paramétrique, qui réfère à la valeur des paramètres. Il y a ensuite l’incertitude structurelle, qui réfère à la façon dont l’économie est modélisée. Pour notre part, nous avons considéré dans le sixième chapitre ces deux dimensions de l’incertitude, tout particulièrement l’incertitude structurelle. Nous avons en effet considéré diverses façons de modéliser les ajustements structurels, sans porter une attention particulière aux variations des paramètres, excepté à la section portant sur les effets de substitution inter-énergétique. L’approche que nous avons retenue pour représenter l’incertitude a été de présenter les versions une à la fois. Si nous avions porté une plus grande attention à l’incertitude paramétrique, les tests de sensibilité auraient été l’approche la plus simple à adopter. Dans la littérature, certaines approches ont cependant été développées pour introduire explicitement l’incertitude. Nous croyons que cela serait une extension souhaitable à notre travail de recherche. 118 Bibliographie [1] Abbink, G. A., Braber, M. C. et Cohen, S. I. (1995) “A SAM-CGE Demonstration Model for Indonesia : Static and Dynamic Specifications and Experiments,” International Economic Journal, 9 (3), 15-34. 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