DECENNIE DE LA PAIX Une Europe EIargie Forte pour un monde durable. Plate-forme pour une société civile consciente, solidaire et responsable. (Avant-Projet) Maurice ERRERA Sensibiliser tous les jeunes Européens aux problèmes mondiaux au cours de stages sur le terrain avec des O.N.G. ou d’autres institutions parait essentiel pour leur avenir et leur insertion dans la société. Cette démarche devrait également s’inscrire dans le cadre d’une formation citoyenne visant l’émergence de sociétés civiles européennes éclairées, responsables, participant activement à la gestion des affaires publiques et susceptibles de peser efficacement sur les décisions des forces politiques ou économiques. C’est particulièrement important pour cimenter l’Europe dans ses différences. Ces actions paraissent d’autant plus nécessaires qu’il est urgent de mettre en pratique les recommandations faites au cours des assemblées mondiales de Rio (1992) et de Johannesburg (2002). Réclamer leur réalisation ne peut se faire efficacement en ordre dispersé ; la mondialisation exige d’œuvrer à la formation de sociétés civiles. soucieuses du développement de la planète dans un esprit de Paix, de tolérance et de solidarité. De nombreux échanges entre jeunes de l’ Europe de l’ Est et de l’ ouest ainsi que du Sud sont déjà organisés par la Commission Européenne et par d’autres institutions de nombreux pays mais ils sont encore trop peu fréquents pour voir naître des sociétés civiles fortes et actives. Autrefois tous les jeunes étaient appelés au service militaire et y recevaient des rudiments de formation citoyenne. Maintenant que les armées sont devenues «de métier » un système de volontariat citoyen pourrait contribuer au développement de sociétés civiles agissantes. Les jeunes devraient être encouragés à y participer par des incitants adéquats (rémunération, publicité «intelligente», ) ; ils auraient l’occasion d’y exprimer leurs qualités humaines (persévérance, générosité, esprit d’initiative,..) et ceci permettrait une connaissance réciproque d’autres cultures. Ce type d’actions accroîtrait considérablement le poids des universités et des associations dans les affaires publiques ; la diversité d’approche des problèmes éviterait tout dogmatisme et laisserait à chacun la liberté de les aborder avec conscience et de nouvelles perspectives. C’est essentiel pour la gestion démocratique et durable du développement de la planète. L’Europe des jeunes, en particulier, doit être solidaire du développement de tous. 1 1. Objectifs : • Une Culture de Paix, de tolérance et de non-violence doit faire place à celle de violence du siècle écoulé, qui nous agresse encore chaque jour dans la réalité comme dans la fiction. • De vraies démocraties : elles ne sont qu’illusion tant que l’Occident confisque les Droits Humains les plus élémentaires à de nombreuses populations à la suite d’ajustement structurels par exemple, qui les privent d’éducation et de soins de santé ; et tant que persistent des politiques discriminatoires et la domination d’économies marchandes, rarement accompagnées de perspectives sociales. • Une Europe forte, participative et durable, unie dans toute sa diversité, luttant pour un monde de justice et pour la défense de la dignité de tous. • La lutte contre le terrorisme à laquelle s’est associée une coalition de nombreux pays parmi lesquels ceux de l’Europe prend dans ce contexte son sens le plus profond. Il faut non seulement éliminer les réseaux terroristes par une action de surveillance voire policière mieux coordonnée, mais surtout entreprendre une lutte bien plus efficace qu’elle n’est actuellement contre la pauvreté et les injustices, au Sud comme au Nord dans les pays riches. Il semble évident que le désespoir qu’engendrent ces deux fléaux est un terreau idéal pour les extrémistes et fanatiques pour qui l’espoir n’est souvent plus qu’au bout du fusil. Il s’agit d’un combat de tous les jours qui sera long et coûteux ; il est urgent de l’aborder. Il concerne toutes les sociétés civiles et les forces vives du monde des Sciences, des Arts et des Lettres, de l’Enseignement et de celui de la Défense, de l’Economie et de la Finance, de l’Information... 2. Comment ? • Par une approche transdisciplinaire, pluraliste et internationale de tout problème qui menace la pérennité de la Planète et de l’Humanité. Une Culture de Paix doit permettre d’anticiper les événements et de prévenir les catastrophes plutôt que d’en subir les conséquences. • Par un esprit de solidarité et de tolérance parce qu’il faut tenir compte du fait, hélas, que la majorité de l’humanité pense d’une manière irrationnelle. • Par une mondialisation des cultures, de l’éthique et de la justice, pas nécessairement sur le modèle du monde occidental, à côté d’une économie soucieuse du bien-être de toutes les populations. Les sciences et les connaissances académiques seules ne peuvent suffire sans l’expérience du terrain qui permet de réévaluer des conclusions théoriques souvent trop restreintes. Vivre l’injustice la rend plus criante et plus mobilisatrice. Les jeunes y sont particulièrement sensibles ; ils perçoivent les problèmes mais souvent ne savent pas comment participer à les résoudre. 2 • Par l’action qui : - enrichit la manière de penser et développe l’entraide ; - engage à la participation et à l’esprit d’équipe ; - aide à se comprendre, à comprendre l’autre et à mieux comprendre les situations ; - permet de préciser l’orientation d’une future carrière - établit des liens de confiance et d’amitié - … • Par un « devoir de mémoire » pour les évènements historiques qui continuent à miner les sociétés et les êtres qui luttent pour leur survie et leur développement. Ceci concerne autant l’esclavage et le colonialisme occidental que tous les génocides du XXe siècle. • Par une éducation citoyenne tout au long de la vie, en particulier dans l’Enseignement supérieur qui doit éveiller auprès des jeunes leurs qualités humaines (solidarité, persévérance, responsabilité, engagement, courage...) ce que l’enseignement académique ne fait qu’incomplètement. Par contre la participation des jeunes à résoudre des problèmes concrets dans des ONG et associations, dans des administrations et institutions, mais aussi dans des groupes de théâtre et de musique, (appelons-les « Chantiers de Démocratie ») en Europe et ailleurs dans le monde, peut donner une vision et une approche des problèmes que l’enseignement académique ne peut donner. • La diversité des Chantiers devrait, nous l’avons dit, éviter tout risque d’endoctrinement : elle devrait éveiller une vision plus claire, peut-être aussi plus complexe d’un même problème quand on envisage tous les aspects et toutes les conséquence à long terme des décisions, ce qui ne paraît prioritaire ni pour le monde politique ni pour celui de l’économie, préoccupés essentiellement par des résultats immédiats. La notion de chantier de démocratie doit être élargie, le «terrain» du passé doit aussi être exploré quand les événements historiques retentissent sur l’équilibre mondial actuel. Je pense notamment aux conquêtes coloniales, à l’esclavage, surtout aux pillages et aux génocides qui ont lourdement contribué à enrichir l’Occident. C’est en partie ce qui a permis aux pays riches de prêter à ceux du Tiers Monde et les a entraînés dans une spirale sans fin de remboursements. Une étude multidisciplinaire des archives des ports esclavagistes de part et d’autre de l’Atlantique ainsi que celles des grandes exploitations coloniales démontrerait sans doute que la dette n’est pas « du côté que l’on pense » et donnerait de forts arguments à ceux qui luttent pour supprimer ce qui paraît une des plus grandes escroqueries de l’histoire. 3 3. Pourquoi ? Travailler avec des ONG et des institutions dans un contexte de Paix et Développement durable devrait faire partie des responsabilités de l’Université et du curriculum régulier, pas seulement comme sujets de dissertations et de thèses mais aussi comme moyen de formation citoyenne dès le début des études. La coopération interdisciplinaire et internationale entre étudiants contribuerait de manière importante à l’Unité Européenne, préserverait toute sa diversité et conduirait nous l’espérons à un véritable sens de l’Europe. De nombreuses associations organisent des stages pour étudiants, mais elles n’impliquent qu’une minorité de jeunes et elles n’ont pas encore l’ambition qui nous anime. Il faut encourager le développement de ces activités dans le cadre de l’Europe. Engager les jeunes dans la lutte pour le Développement durable de la Planète est une responsabilité de tous vis-à-vis de l’Humanité à venir, dont nous ne constituons qu’une infime minorité. 4. Quand? Pendant les moments libres : après le travail, durant les week-ends, les vacances, les congés sabbatiques… 5. Le combat doit être visible et durable Eveiller les consciences à l’immensité des défis du monde actuel doit déboucher sur des propositions concrètes, ce que ne font pas nécessairement les grandes réunions de masses (Seattle, Porto Alegre, Gênes,…). Ce combat doit s’appuyer sur I’ONU et l’UNESCO qui l’ont bien compris en s’adressant à tous les Recteurs des Universités pour qu’ils développent une Culture de Paix basée sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les grands objectifs de l’ONU. La « Bataille pour la Paix » pourrait faire l’objet de compétitions entre étudiants et de publications essentiellement de jeunes qui relateraient régulièrement les activités pour la Paix dans les autres Universités et créeraient ainsi une forte émulation. 4 6. Moyens Il s’agit d’un projet de jeunes : ceux-ci ne s’engageront pleinement que s’ils participent à son élaboration. Il faut réunir un groupe de travail de chercheurs, d’étudiants et de responsables de Chantiers pour : • Préciser pour chaque orientation l’intérêt que le projet ci-dessus présente pour la formation de citoyens dans les divers domaines envisagés. • Répertorier les Chantiers susceptibles d’accueillir des jeunes stagiaires y compris dans l’Europe de l’Est, autour de la Méditerranée et dans le Tiers Monde pour y organiser des stages et établir des échanges avec les Universités et associations de ces pays. • Estimer les moyens d’encadrement, de publicité et autres besoins financiers. • Déterminer les possibilités d’accueil de stagiaires immédiatement et par la suite. • Organiser périodiquement des Journées de contacts entre Jeunes et Chantiers. Lancer diverses actions : • Contribuer à pacifier les régions en guerre (Afrique. Moyen Orient ) par le dialogue avec les intéressés, et préparer leur reconstruction avec les diasporas et des équipes internationales, pour favoriser les échanges de vues entre les pays souvent rivaux ou ennemis autour de problèmes communs de développement, de gestion équitable des ressources naturelles et de l’environnement, de création d’écoles et de dispensaires, etc. • Susciter la collaboration des universités à l’instar de l’Université de la Baltique, qui réunit 160 Universités de tous les pays riverains de cette mer pour étudier avec les autorités, les industries etc. la manière de développer la région et de dépolluer la mer. Une Université de la Méditerranée paraît nécessaire pour établir des relations harmonieuses entre tous les pays qui la bordent. • Faire une «publicité intelligente» en mobilisant des artistes, des écrivains, des cinéastes pour diffuser ou réaliser des films documentaires. • Entreprendre des actions symboliques : villes de paix comme Hiroshima, peut-être aussi Waterloo,. Ypres, Quito, Soweto… Quand nous pensons Villes de Paix, nous pensons à mettre en évidence la manière dont les Paix ont été réalisées et quelles en ont été les conséquences. Le Congrès de Vienne après Waterloo a forgé l’Europe de 1815 ; ses conséquences se prolongent-elles encore? On peut songer à la puissance anglo-saxonne et germanique actuelle, aux USA et en Europe, qu’il s’agisse du domaine économique, scientifique ou culturel. Qu’en est-il exactement ? Une ville de Paix, à côté d’un monument aux victimes de guerres, doit aussi être une source d’enseignements sur la construction de la Paix. 5 7. Le Nerf de la Paix Au nerf de la guerre correspond le Nerf de la Paix : dégager le financement nécessaire est une question de volonté morale et politique. Le combat pour la Paix ne peut être gagné par le Volontariat seul ; le Bénévolat exclusif créerait des exclusions inadmissibles. Les parties concernées devraient bénéficier de subsides nouveaux et suffisants. La Paix ne peut être gagnée au « rabais ». L’Université reçoit d’importants subsides privés ou publics pour la recherche dans des domaines susceptibles de développer l’économie, comme par exemple les applications génétiques à l’agriculture et la médecine (organismes génétiquement modifiés). C’est très bien à condition de tenir compte des enjeux économiques qui peuvent en résulter. Nourrir la planète grâce à une agriculture intensive comporte des aspects louables à condition de préserver les agricultures locales et le peuplement des campagnes capables d’assurer la sécurité alimentaire locale. Peupler les bidonvilles urbains par des agriculteurs privés d’emploi en font de futurs réfugiés économiques, ce qui est totalement contraire à la lutte anti-terroriste telle que nous la concevons. 8. Quels avantages ? Pour les Jeunes : Ils sont concernés par : - des pensées généreuses et des idéaux qu’ils veulent pouvoir exprimer ; - la quête d’indépendance et d’une place dans la société ; - un désir de découvrir d’autres sociétés et d’autres langages. Il faut les encourager par : - la reconnaissance de leur travail en Chantiers, qui devrait figurer dans leur diplôme (faut-il des jurys spéciaux ?) ; cela se pratique déjà en Australie, en Suisse et au Canada ; - des stages dès la fin de l’Ecole secondaire et dès les candidatures de manière à valoriser ces années académiques en cas d’échec académique ; - des bourses pour toutes ces activités seraient certainement plus bénéfiques intellectuellement et socialement que les boulots habituels (dans des restaurants, …) souvent nécessaires pour payer les droits d’inscriptions, des livres et même des distractions. Pour les Universités et Associations : Il faudra des cadres supplémentaires correctement rémunérés. - Des chercheurs pour l’Université et des accompagnateurs pour les associations pour préparer ensemble les stages. Un travail d’information avec les étudiants est nécessaire pour préciser les problèmes locaux et globaux des pays concernés dans leur cadre historique et 6 géopolitique. - Des chercheurs et des coopérants pour accroître à grande échelle la collaboration interdisciplinaire et internationale comme facteur de cohésion européenne et pour accroître la visibilité de toutes ces activités vis-à-vis des sociétés civiles. Dans ce domaine : • Il faut estimer les besoins des Universités et des associations en personnel existant ou supplémentaire pour l’encadrement des jeunes. On peut espérer que le succès de ces actions entraînera rapidement grâce à une bonne publicité un accroissement substantiel des besoins. • Il faut prévoir des subsides pour les déplacements, le travail et le logement sur place, le matériel (informatique, médical, didactique, scolaire…) selon l’orientation des chantiers. • Dans le cas des recherches dans le domaine historique ou démographique il pourrait s’agir de programmes existants ; mais du fait que la plupart des recherches dans ce projet impliquent des collaborations pluridisciplinaire et inter-universitaires, il faudra regrouper certains fonds et rechercher de l’argent frais. • Relations publiques et publicité : doivent être organisées avec des spécialistes de ces disciplines, des collègues « télégéniques ». Elles doivent être intenses et quasi continues. • Budgets : Ils ne peuvent dépendre uniquement de dons ou de fondations. Il s’agit d’une responsabilité des Gouvernements et des Institutions. Ces budgets doivent être établis dans le cadre de tous les autres budgets de l’Enseignement, de la Recherche et de la Coopération au Développement. Il devient de plus en plus nécessaire de mettre en place une « taxe Tobin » sur les transactions financières. Assurer le Développement Durable de la Planète et la Paix pour tout le monde devrait devenir une priorité pour l’Europe comme l’a été l’effort pour imposer la monnaie unique. Une campagne médiatique intense est tout aussi nécessaire pour arriver à supprimer la dette du Tiers Monde qu’elle l’a été pour l’euro. 9. Un défi ambitieux et de longue haleine pour les universités • C’est un projet de jeunes : étudiants et accompagnateurs dont doivent faire partie des commissions pour sa réalisation. • Des ONG comme le Service Civil International et d’autres Associations ont déjà une très longue expérience et d’importantes réussites dans l’organisation des Chantiers. Elles devraient accroître leur collaboration avec les Universités et de cette manière étendre le champ de leur responsabilité. Il faudrait sélectionner un certain nombre d’ONG et associations sur base de leurs actions antérieures et de leur expérience internationale. 7 • L’engagement des jeunes comme citoyens devrait conduire à une plus grande sensibilisation de la société civile en vue de sa participation active aux affaires publiques. Quelle plate-forme pour une société civile, responsable ? • Le présent projet ne peut aboutir qu’avec l’appui de personnalités de tous horizons. Parmi les personnalités (européennes) souhaitées : des Parlementaires, des Enseignants, des membres des institutions publiques et des associations, des personnalités du monde des affaires, des syndicats, des Mouvements féministes, de paix, de développement, etc. • Ce projet concerne également les forces armées et celles chargées du maintien de l’ordre public car les jeunes recrues ayant participé comme civils à de tels Chantiers auront certainement une attitude plus compréhensive vis-à-vis des populations concernées que si elles viennent directement sur le terrain en uniforme et en armes. • Il faudrait discuter ce projet avec un petit nombre de personnalités favorables à ses objectifs pour finaliser ce texte et constituer un comité de soutien, de conseillers, de pression et le soumettre aux autorités compétentes (ministères et autres institutions locales, nationales et internationales). Les jeunes d’aujourd’hui sont les sociétés civiles de demain; il faut les aider à faire peser l’Europe dans la gestion durable de la Planète. Ce texte a été présenté à l’ International Network of Engineers and Scientists for global responsabibility ;( Newslettre N° 42 septembre 2003) . Ce texte sert de base à une coordination entre diverses universités. 8