LA Pratique interprofessionnelle Partout au Canada, des équipes de soins de santé accordent la priorité aux patients Publié par : Commandité par : L A R E V U E DE FO R M AT I O N CO N T I N U E D U P H A R M AC I E N L’équipe du projet ANCHOR, Sydney, Nouvelle-Écosse DOSSIER SPÉCIAL À L’INTENTION DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ sommaire LA Pratique interprofessionnelle La pratique interprofessionnelle est publiée par L’actualité médicale et le Québec Pharmacie, Les Éditions Rogers ltée 1200, avenue McGill College bureau 800, Montréal, QC H3B 4G7. ®2009 Les Éditions Rogers. La version anglaise de cette publication, Interprofessional Practice, a été distribuée en premier lieu dans le numéro Avril-mai 2009 de Pharmacy Practice et dans le numéro du 19 mai 2009 du Medical Post. 3 Éditorial : Une approche centrée sur le patient 4 Le point de vue du patient 5 Le projet ANCHOR, en Nouvelle-Écosse 7 L’équipe de Santé familiale PrimaCare, en Ontario 8 Le West Winds Primary Health Centre, en Saskatchewan La pratique interprofessionnelle est publiée grâce à une subvention à visée éducative de Pfizer Canada inc. 9 Le projet LOYAL, au Québec Directrice, Projets spéciaux Karen Welds 11 Le Passeport santé, en Ontario 12 Foothills, le réseau de soins primaires de Calgary 13 Un outil de dépistage de la démence, en Ontario 14 Le réseau de soins primaires de Wood Buffalo, en Alberta 15 À cœur d’y voir clair, un programme de santé cardiaque 16 Opinion : le Collège des médecins de famille du Canada 17 Opinion : l’Association des pharmaciens du Canada 18 Le point de vue du médecin 19 Le point de vue du pharmacien 20 Le point de vue d’un infirmier 21 L’entretien motivationnel 22 Les gouvernements préparent le terrain 2 | LA PRAtique interprofessionnelle Les Éditions Rogers remercient le Collège des médecins de famille du Canada et l’Association des pharmaciens du Canada pour leur collaboration et leur soutien à la rédaction. Chargés de projet Neil Faba Chantal Benhamron Directeur artistique Pascal Gornick Photo de la page couverture : Warren Gordon Éditeur Janet Smith, éditrice exécutive Groupe Santé Pour obtenir des copies supplémentaires ou des renseignements, communiquer avec Karen Welds, Groupe Santé, Les Éditions Rogers Tél. : 416 764-3922 Téléc. : 416 764-3931 Publié par : L A R E V U E DE FO R M AT I O N CO N T I N U E D U P H A R M AC I E N Commandité par : May 2009 éditorial to come Une approche centrée sur le patient L’augmentation des cas de maladies chroniques fait ressortir l’importance de l’auto-prise en charge. n PAR Durhane Wong-Rieger, Ph.D. Présidente-directrice générale institute for Optimizing Health Outcomes L ’accent que l’on met de plus en plus sur la collaboration interprofessionnelle en matière de soins de santé reflète bien l’évolution du concept consistant à « mettre le patient au centre des soins de santé ». De même que c’est en mettant le Soleil (et non la Terre) au centre de l’univers que Copernic a réussi à expliquer les orbites planétaires, il faut, pour donner un sens à notre système de soins de santé soumis à tant de défis et de contraintes, remettre le patient au centre de ce système. Comme l’a souligné le document intitulé Collaboration interprofessionnelle en soins de santé : un plan directeur provincial, publié en 2007 par ProfessionsSantéOntario, une approche misant sur la collaboration interprofessionnelle et axée sur le patient apporte de nombreux avantages aux prestataires de soins (diminution des tensions et des conflits), au système de santé (meilleure utilisation des ressources cliniques et diminution des accidents) et, surtout, aux patients (accès plus facile et meilleurs résultats, entre autres)1. Les patients ont changé et on ne peut plus continuer à fournir des soins de santé fragmentés et cloisonnés selon l’établissement, la spécialité ou la profession. Selon les estimations, une proportion pouvant aller de 50 % à 75 % des budgets de santé publique sert à traiter des maladies chroniques et plus de la moitié des Canadiens de plus de 45 ans souffrent d’au moins deux de ces maladies2. La « collaboration interprofessionnelle » consiste non seulement à échanger de façon « séquentielle » les informations nécessaires pour assurer la continuité des soins lorsque le patient passe de son médecin de famille à un spécialiste ou à un établissement de soins de courte durée avant de retourner chez son pharmacien et son thérapeute habituels, mais aussi à collaborer à la gestion des différents plans de soins établis en vue de traiter de multiples maladies chroniques, à prioriser les interventions, à surveiller les interactions médicamenteuses et à coordonner les ressources communautaires en matière de santé, d’aide sociale et de travail. Les patients en viennent rapidement à assurer « l’autogestion » de leurs problèmes de santé chroniques. Des études montrent qu’une personne atteinte d’une maladie chronique reçoit chaque année, en moyenne, 12 heures de soins dispensés par des professionnels de la santé (généralistes et spécialistes, infirmières, thérapeutes ou travailleurs sociaux), ce qui revient à dire que 364,5 jours par an, il est laissé à lui-même. Il est évident que l’extension logique de la collaboration interprofessionnelle est la collaboration avec le patient. En 1994, Santé Canada avait lancé un programme intitulé « Prendre en main sa santé » qui réunissait des professionnels de la santé et des consommateurs au sein de projets pilotes menés en collaboration pour encourager les patients à prendre en charge leur santé. En plus de la formation et du réseautage dont ils ont pu bénéficier, les participants se sont rendu compte de l’existence d’importants outils et d’un appel à un changement de système fondamentalement axés sur les utilisateurs3. À l’Institute for Optimizing Health Outcomes, nous pensons que les soins « axés sur le patient » constituent une forme suprême d’autonomie pour ce dernier et nous proposons une formation dans le cadre de notre programme (inspiré du programme Stanford) sur l’auto-prise en charge des maladies chroniques. Tout aussi important, nous offrons également une formation aux professionnels de la santé sur la façon de soutenir cette auto-prise en charge. La boucle est ainsi bouclée : d’abord la collaboration interprofessionnelle, puis l’intégration de la collaboration du patient et enfin le soutien à l’auto-prise en charge par le patient. Pour plus de renseignements, on peut communiquer avec Durhane Wong-Rieger à l’Institute for Optimizing Health Outcomes, à Toronto, au 1 877 992-6364 ou à l’adresse [email protected] Site Web : www.optimizinghealth.org sources 1. ProfessionsSantéOntario. Collaboration interprofessionnelle en soins de santé : un plan directeur provincial. Toronto (Ontario), juillet 2007. Accessible à l’adresse : http:// www.healthforceontario.ca/upload/fr/whatishfo/french%20ipc%20blueprint%20final.pdf 2. Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Juin 2004. Accessible à l’adresse http://www.statcan.gc.ca/cgi-bin/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SurvId=322 6&SurvVer=0&SDDS=3226&InstaId=15282&InstaVer=2〈=en&db=imdb&adm=8&dis=2 3. Prendre en main sa santé : une initiative partagée 1999-2002, document publié par l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et parrainé par Santé Canada. Accessible à l’adresse : http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/hhrhs/2002-selfauto-collabor/index-fra.php Mai 2009 LA PRAtique interprofessionnelle | 3 Le point de vue du patient Les bienfaits de la collaboration interprofessionnelle dans les soins de santé n Par Debbie Valentini J e me bats contre la maladie chronique depuis la mi-trentaine. Je me suis promenée d’un médecin à l’autre pour comprendre ce qui n’allait pas et personne ne semblait trouver une façon de m’aider. À l’époque, j’avais un jeune enfant à élever et je devais souvent m’absenter de mon travail pour me reposer. On a finalement diagnostiqué un syndrome de fatigue chronique, en plus de mon problème d’asthme et des nombreuses allergies dont je souffrais depuis ma naissance. J’ai par la suite été atteinte d’un trouble de douleur chronique. Bien que toutes ces maladies m’aient rendue invalide, ce que j’ai trouvé le plus pénible, c’est le nombre d’allées et venues que je faisais pour aller consulter tel docteur, tel spécialiste, tel physiothérapeute, etc., et également d’essayer de remettre les formulaires qu’il fallait aux personnes adéquates, pour m’apercevoir finalement qu’ils avaient été égarés ou qu’ils s’étaient évanouis dans la nature. Après presque dix ans de combat, je suis devenue membre du Stonegate Community Health Centre qui venait d’ouvrir dans mon quartier d’Etobicoke, en Ontario. Je fréquente maintenant le centre depuis plus de 10 ans. À Stonegate, j’ai un excellent médecin de premiers recours qui me dirige vers les spécialistes dont j’ai besoin et qui travaille en étroite collaboration avec eux. Un travailleur social et thérapeute est sur place pour m’aider à faire face à mes difficultés de jeune mère célibataire inapte au travail. Un nutritionniste m’aide à résoudre 4 | LA PRAtique interprofessionnelle la question de mon régime alimentaire et un centre d’emploi et de loisirs m’offre du soutien pour tout ce qui concerne les prestations d’aide sociale, d’assurance chômage et de garde d’enfant. Avant de trouver Stonegate, j’avais parfois du mal à me procurer les médicaments qu’il me fallait. Aujourd’hui, mon médecin généraliste surveille tout cela et travaille en étroite collaboration avec mon pharmacien pour s’assurer que mes inhalateurs sont toujours en bon état de fonctionnement et que je bénéficie des remboursements auxquels j’ai droit. Ils jouent tous deux un rôle très actif auprès de moi. Je me sentirais vraiment perdue sans leur soutien et leur collaboration constante. J’ai également reçu au centre une formation d’un éducateur agréé en asthme qui m’a été d’un grand secours, ainsi qu’à ma fille à qui l’on a diagnostiqué de l’asthme à l’âge de onze ans. Le centre m’a également orientée vers la Société canadienne de l’asthme, qui s’est avérée une source continue de soutien et d’éducation. Le fait d’avoir accès à un éventail de services de santé et d’autres services dans un même lieu me permet de recevoir rapidement les soins dont j’ai besoin. Au lieu de gaspiller le peu d’énergie dont je dispose pour me déplacer d’un spécialiste à l’autre, je peux prendre rendez-vous avec deux professionnels de la santé au cours d’une même visite : ils se passent simplement mon dossier d’un bureau à l’autre et peuvent même discuter de mon cas avant que j’arrive. Je vois mon médecin toutes les trois semaines pour mes injections d’immunothérapie et nous faisons le point sur mes soins pendant une heure. Ces visites fréquentes m’ont aidée à comprendre mon asthme et à éviter les crises aiguës. Mon médecin et mon pharmacien continuent par ailleurs tous deux à m’aider à régler mes problèmes quotidiens de sommeil et de douleur chronique. Je suis maintenant plus forte qu’avant, mais quand je traverse un moment difficile, ils sont là pour me tendre la main et m’aider à reprendre le dessus. J’ai appris de première main combien la collaboration interprofessionnelle dans les soins de santé peut être bénéfique et je souhaite que ce type de pratique devienne la norme. Malheureusement, j’ai de la famille qui vit dans le nord de l’Ontario et qui n’a même pas de médecin de famille – ils doivent attendre des années sur une liste d’attente pour en obtenir un. Grâce aux encouragements de tous ces professionnels dévoués, je suis parvenue à élever ma fille, qui est vraiment formidable. Et je peux maintenant travailler à mi-temps et faire du bénévolat. Je bénéficie de conseils et de soutien qui m’aident à faire ce que je fais et surtout à savoir quand j’en fais trop. Quel cadeau merveilleux ! Debbie Valentini vit à Toronto. En tant que membre de la Société canadienne de l’asthme, elle a accordé de nombreuses entrevues et présenté des exposés sur les effets de la qualité de l’air et des allergènes sur les personnes atteintes d’asthme. Mai 2009 Profil Le projet ANCHOR : s’inspirer du modèle de collaboration interprofessionnelle pour prendre en charge le risque de maladie cardiovasculaire chez les habitants de la Nouvelle-Écosse PAR Louise Leger S elon les estimations, les maladies cardiovasculaires (MCV) tuent chaque année 2 900 Néo-Écossais, ce qui représente près de 36 % de tous les décès dans la province. Les habitants des provinces de l’Atlantique présentent le risque le plus élevé de décès reliés à une maladie cardiaque du Canada et se classent au-dessus de la moyenne nationale pour tous les facteurs de risques clés, notamment le tabagisme, l’hypertension, le diabète, l’obésité et l’inactivité physique. Devant ces statistiques préoccupantes, un consortium de partenaires publics et privés a lancé le projet ANCHOR (A Novel approach to Cardiovascular Health by Optimizing Risk Management) en Nouvelle-Écosse en octobre 2006. Cette initiative s’appuie sur la collaboration interprofessionnelle pour a) améliorer la prise en charge des risques cardiovasculaires des patients de deux établissements de soins primaires de façon à améliorer globalement leur santé cardiaque; et b) améliorer le mode de vie et l’adhésion thérapeutique de façon à réduire les risques cardiovasculaires. Le Duffus Health Centre d’Halifax et le Sydney Family Practice Centre de l’Île du Cap- Breton sont les deux établissements de soins primaires qui ont été choisis pour cette étude de trois ans. Le projet ANCHOR, financé par une bourse de recherche de Pfizer Canada inc., est mis en œuvre grâce à un partenariat entre le ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, la Capital District Health Authority et la fondation QEII, la Cape Breton District Health Authority, la Fondation des maladies du cœur de la Nouvelle-Écosse et Pfizer Canada inc. « Des projets de recherche comme ANCHOR sont essentiels pour favoriser l’auto-prise en charge des adultes de Nouvelle- L’équipe du projet ANCHOR, au Sydney Family Practice Centre (de g. à d.) : Julia Townsend, physiothérapeute; Florence Gillis, diététiste; Susan Taylor, diététiste; Dr Steven MacDougall, médecin; Michael Gillis, pharmacien; Mary MacNeil, infirmière. Mai May2009 2009 LA PRAtique interprofessionnelle | 5 Photo : Warren Gordon n Écosse. Grâce à ce projet, nous espérons faire diminuer le risque de maladie cardiaque et d’autres maladies chroniques chez les adultes », affirme Claudine Szpilfogel, représentante de Research Power inc., l’agence de consultation en santé qui assure la direction du projet. Selon Mme Szpilfogel, on a prouvé qu’il existe un lien entre la réduction des facteurs de risque dans une population et l’amélioration de son état de santé, et des recherches, tant épidémiologiques que communautaires, ont montré que l’on peut prévenir la plupart des maladies non transmissibles comme les MCV, ou du moins en retarder le déclenchement. Les médecins de premier recours, qui représentent souvent le premier point de contact des patients, sont bien placés pour susciter des changements dans les facteurs de risque et assurer un traitement efficace de problèmes comme l’hypertension, le tabagisme et l’obésité. « Même si l’on sait intuitivement, que donner des conseils et se concentrer sur la prévention devraient donner de bons résultats, nous voulons en faire une question de recherche », dit Mme Szpilfogel. De plus, ANCHOR a recours à une équipe de soins de santé interprofessionnelle composée de médecins de famille, d’infirmiers ou infirmières, de diététistes, de physiothérapeutes, de spécialistes en activité physique et de pharmaciens pour offrir des consultations privées et du soutien aux changements de mode de vie. Le programme s’appuie sur des services de counseling visant à modifier les comportements, des brochures, des séances de formation en groupe ainsi que de vastes bases de données sur les programmes communautaires offrant du soutien pour changer son mode de vie. Au besoin, les pharmaciens procèdent aussi à des révisions d’ordonnances. La première phase consistait à évaluer les risques pour la santé auprès de quelque 800 patients dans chacun des centres de soins de santé participants. On fixait rendezvous aux patients qui présentaient un risque d’accident coronarien allant de modéré à élevé 6 | LA PRAtique interprofessionnelle les clés du succès Profil •Identifier les professionnels de la santé les mieux placés pour répondre aux problèmes de santé particuliers de chaque patient et organiser l’intervention de l’équipe interprofessionnelle autour d’eux. •Mettre à profit l’expertise et l’expérience particulières de chaque membre de l’équipe pour déterminer tant ce qui fonctionne dans les modèles de soins actuels que les ressources essentielles qui pourraient manquer (comme les séances de counseling) •Se concentrer sur l’auto-éducation du patient. Une partie importante du modèle de soins interprofessionnel réside dans la capacité des patients à se prendre en charge de manière à veiller sur eux-mêmes et à traiter euxmêmes leurs problèmes entre les visites chez un professionnel de la santé. •Engager toute une gamme de recherches et trouver des partenaires dans la communauté pour les financer. Le succès du modèle interprofessionnel dépend de l’adhésion de tout un éventail de partenaires à un même objectif. pour établir un plan de santé individualisé en mettant l’accent sur les changements du mode de vie. Le Dr Steve MacDougall, médecin au Sydney Family Practice Centre, affirme qu’ANCHOR a bien fonctionné et n’a pas rencontré de difficulté majeure. « Ici, au centre Sydney, nous travaillons selon le principe du paiement à l’acte tandis qu’au centre Duffus, les intervenants sont salariés, et le programme a aussi bien fonctionné dans un centre que dans l’autre. En ce qui concerne la collaboration, que l’on soit diététiste, pharmacien, médecin ou un autre professionnel de la santé, chacun fait ce qu’il sait le mieux faire. » La collecte de données du programme sera complétée en octobre 2009. Les résultats seront diffusés à l’échelle nationale et publiés dans des revues spécialisées. Mais les premiers indicateurs laissent à penser que ce projet est un succès. « La grande majorité des facteurs de risque peuvent être modifiés, explique le Dr MacDougall. Une personne qui a déjà subi un accident peut participer à un programme. Mais avant ANCHOR, on ne pouvait pas faire grand-chose pour quelqu’un qui n’avait pas fait d’accident mais qui présentait des facteurs de risque. Maintenant, c’est intégré à la pratique. Ces patients ont régulièrement consulté un diététiste ou une infirmière et ont bénéficié de conseils – et on a constaté avec étonnement qu’à la fin de l’année, ils figuraient dans une catégorie de risque beaucoup moins élevé. » Les bienfaits de l’auto-éducation des patients étaient particulièrement notables. « Les patients sont beaucoup mieux informés sur la tension artérielle, le cholestérol, les médicaments et les ressources communautaires accessibles – ce qui signifie qu’ils seront globalement en meilleure santé », conclut le Dr MacDougall. Pour prolonger le succès initial du projet ANCHOR, Pfizer Canada a accordé à l’équipe une bourse de recherche supplémentaire pour une étude de suivi. L’étude sur l’intervention minimale ANCHOR déterminera et évaluera l’intervention minimale requise pour que les participants qui ont réussi à modifier leur niveau de risque maintiennent ou améliorent encore ces résultats. Pour plus de renseignements, on peut communiquer avec Claudine Szpilfogel, directrice du projet ANCHOR, à l’adresse [email protected] Site Web : www.anchorproject.ca Mai 2009 Profil En Ontario, les membres des équipes de Santé familiale cheminent de concert vers une collaboration efficace n PAR Sonya Felix L les clés du succès TIPS ’une des clés d’une collaboration interprofessionnelle efficace est de bien comprendre les rôles et les compétences spécifiques de chacun des membres de l’équipe. Aussi, quand Natalie Hawkins, pharmacienne et propriétaire d’une pharmacie indépendante à Paris, en Ontario, a commencé à travailler à mi-temps pour l’équipe de Santé familiale (ESF) PrimaCare en 2006, elle savait que chacun aurait beaucoup à apprendre. « Notre équipe compte huit médecins qui exercent dans différents bureaux, et il me fallait non seulement établir une relation de travail avec chacun eux mais aussi définir mon rôle puisqu’il s’agit de quelque chose de tout à fait nouveau pour un pharmacien », explique-t-elle, parlant de son intégration à l’ESF. Mme Hawkins rapporte qu’elle a tout d’abord présenté ses compétences à ses collègues avant de leur remettre une liste des services professionnels offerts par sa pharmacie. En s’intégrant peu à peu à l’ESF, Mme Hawkins s’est ensuite entendue avec le Dr John •Tous les membres de l’équipe devraient s’efforcer de faire comprendre à leurs collègues quelles sont leurs compétences et leurs expertises spécifiques, et comment ils peuvent se compléter. •Chercher un modèle et demander conseil ou, mieux encore, se trouver un mentor. En Ontario, les médecins et les pharmaciens ont accès au Pharmacist & Physician Mentorship Program (www.ontariorph.ca/mentor shipprogram.htm). Mai 2009 McDonald, un médecin de l’ESF PrimaCare, pour participer au Pharmacist & Physician Mentorship Program, mis en place en partenariat par l’OPA (Ontario Pharmacists’ Association) et l’OCFP (Ontario College of Family Physicians) et financé par ProfessionsSantéOntario, une agence gouvernementale dont le principal objectif est d’améliorer l’accès à des soins de qualité. Lancée en 2007, cette initiative favorise la collaboration interprofessionnelle en formant des pharmaciens et des médecins qui entretiennent déjà des relations de travail afin qu’ils servent de mentors à d’autres équipes de professionnels qui souhaitent établir ou approfondir leurs propres relations de collaboration. La première phase visait les membres de l’ESF tandis que les phases II et III s’adressaient à des pharmaciens et des médecins qui travaillaient ensemble au sein de la collectivité. Depuis le début du programme, 36 tandems médecin/pharmacien y ont participé. Après avoir eux-mêmes bénéficié de l’aide de mentors, Mme Hawkins et le Dr McDonald sont devenus mentors du programme et ont offert leur soutien à d’autres tandems de pharmaciens et de médecins de l’ESF pour établir des relations de travail efficaces. Les mentors et les mentorés communiquent dans le cadre de réunions régulières, de téléconférences et de natalie hawkins dr john McDonald courriels pour discuter de questions telles que l’éducation des autres membres du personnel et des patients sur la collaboration interprofessionnelle et la meilleure manière d’utiliser leur temps pour améliorer la collaboration. « Nous aidons progressivement nos « poulains » à faire évoluer leur relation, explique le Dr McDonald. Ils ont souvent de bonnes idées mais doivent améliorer leurs communications et leurs méthodes de réseautage pour se donner un nouvel élan. » En plus de préciser les rôles et les compétences des pharmaciens, le Dr McDonald insiste sur l’importance de faire comprendre aux médecins que le fait de collaborer avec un pharmacien ne leur donnera pas plus de travail mais permettra plutôt d’améliorer les soins et de rehausser la satisfaction des patients. Le rôle de Mme Hawkins n’a cessé de croître au sein de l’ESF pour inclure la revue approfondie de médicaments, la surveillance du RNI (rapport normalisé international), l’éducation sur les médicaments et le counseling sur le diabète, le tabagisme et l’hypertension. Elle suit des cours pour devenir éducatrice agréée en diabète et participe à une initiative gouvernementale axée sur les soins aux diabétiques, le dépistage colorectal et l’amélioration de l’efficacité administrative. « Natalie a pris une place si importante dans notre pratique que les gens nous demandent maintenant directement s’ils peuvent voir la pharmacienne », rapporte le Dr McDonald, qui croit que l’intégration de pharmaciens dans les ESF permet de compléter le cycle des soins. « Le fait d’avoir intégré Natalie à notre équipe nous permet d’obtenir de meilleurs résultats pour nos patients. » Pour plus de renseignements : PrimaCare Family Health Team, 519 442-9834 ou [email protected] Site Web : http://pccfht.ca LA PRAtique interprofessionnelle | 7 Profil Le West Winds Primary Health Centre : une approche holistique pour les patients de Saskatoon n PAR Laura Pratt A u cours d’une des tournées du mercredi du Dr Keith Ogle, titulaire de la chaire de médecine familiale à l’Université de la Saskatchewan et membre du centre de soins de santé primaires West Winds de Saskatoon, quelqu’un a posé une question à propos des interactions médicamenteuses. Il a alors fait signe à un pharmacien enseignant qui se trouvait au fond de la salle de se joindre au groupe et de répondre à la question. Cet effort de collaboration n’est qu’un petit exemple de l’approche de collaboration interprofessionnelle adoptée au centre West Winds, où des prestataires de soins appartenant à tout les clés du succès dr keith ogle Derek Jorgenson un éventail de disciplines interagissent quotidiennement. Près de 50 personnes travaillent dans ce modeste centre de santé de deux étages, dans un quartier de Saskatoon dont les habitants se plaignaient jusqu’alors du manque de services de santé à proximité. Ce centre, l’un des 12 centres de soins de santé primaires de la régie régionale de la santé de Saskatoon, a ouvert ses portes en mai 2006. Conçu comme un centre d’apprentissage, il sert à la formation des étudiants de toutes les professions participantes : pharmacie, soins infirmiers, assistance sociale, dentisterie, physiothérapie et ergothérapie. Tandis que les centres de soins primaires classiques traitent des problèmes de santé spécifiques lorsqu’ils se présentent, la régie régionale de Saskatoon a une conception plus holistique, les considérant comme un continuum de services fournis par divers prestataires de soins. Elle reconnaît aussi que d’autres facteurs, comme la forme physique et l’alimentation, ont un effet sur la santé. À cette fin, le centre West Winds offre, au rez-de-chaussée, tout un éventail de services communautaires en plus de faciliter l’accès aux prestataires de soins de santé. Au sous-sol, une cuisine •Admettre que le travail est facilité quand on s’y met à plusieurs, surtout dans les localités où l’accès aux soins est limité. En réunissant en un même lieu tout un éventail de professionnels de la santé, on travaille plus efficacement et on maximise l’accès aux soins. •Tenir régulièrement des réunions d’équipe pour discuter des progrès des patients. Des personnes de disciplines différentes peuvent donner de nouvelles informations qui permettront à chacun de raffiner le traitement dans son domaine de compétence. •Si les membres de l’équipe travaillent en un même lieu, on peut envisager la possibilité d’offrir d’autres services en plus des soins et des conseils habituels, comme des cuisines communautaires et des programmes de conditionnement physique ou de gestion du stress. 8 | LA PRAtique interprofessionnelle communautaire héberge le programme Food for Thought, qui met des immigrants récents en relation avec des diététistes. Il y a aussi une salle de gymnastique et des salles de réunion. Derek Jorgenson, qui est pharmacien au centre West Winds, reçoit beaucoup de demandes de la part de ses collègues pour faire des évaluations, donner des conseils et faire de l’éducation. Il pense que la collaboration interprofessionnelle est tout aussi bénéfique pour les prestataires de soins que pour les patients. « Au cours des discussions en équipe au sujet d’un patient, le psychologue pourra dire quelque chose qui ne m’était pas venu à l’esprit. Et en tant que pharmacien, je ne pense pas toujours à tous les aspects sociaux que la prescription de médicaments peut impliquer. » Et c’est une bonne chose, dit-il, car en s’appuyant sur l’expertise des autres, on peut « donner plus efficacement des soins de meilleure qualité ». « Quand un médecin a compris tout ce que peut faire un pharmacien et qu’il sait quelles sont ses compétences, il est plus disposé à lui laisser prendre des responsabilités qui feraient normalement partie de ses propres attributions. » C’est ce qui se passe au centre West Winds, ajoute M. Jorgenson. « Chaque fois que nous travaillons sur un cas, le médecin accepte de plus en plus le fait que mon expertise peut être utile. » D’ailleurs, ce respect mutuel a joué un rôle crucial dès le premier jour. « Je ne vois aucune des rivalités qu’on aurait pu craindre, dit le Dr Ogle. On sait très bien qu’en s’entraidant les prestataires de soins sont plus efficaces et traitent les patients avec plus d’expertise que ne peuvent le faire les médecins tout seuls. Pour plus de renseignements : West Winds Primary Health Centre, 306 655-4250 Site Web : www.saskatoonhealthregion.ca/ your_health/ps_primary_health.htm Mai 2009 Profil Le projet LOYAL recourt à la technologie et au soutien multidisciplinaire pour aider les patients québécois à gérer leur tension artérielle n PAR Andrée-Anne Guénette B ien que l’incidence d’une gestion optimale de la tension artérielle sur les taux de mortalité et de morbidité soit clairement démontrée, la majorité des hypertendus ne se surveillent pas de façon adéquate. Sachant cela, une équipe du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) a entrepris en 2004 de mettre sur pied un programme multidisciplinaire visant à favoriser la collaboration entre patients et prestataires de soins de santé pour la surveillance et la maîtrise des taux de tension artérielle. Parrainée par Pfizer Canada, l’étude LOYAL (Lowering blood pressure by improving cOmpliance with hYpertension therapy through the Assistance of technoLogyenhanced tools) portait sur des hommes et des femmes âgés de plus de 18 ans dont la TA moyenne sur 24 h était supérieure à 130/80 mm Hg et la TA diurne, supérieure ou égale à 135/85 mm Hg. Un total de 223 sujets ont été répartis de façon aléatoire en deux groupes : un groupe de contrôle qui a suivi le traitement classique et un groupe d’intervention dont les membres ont utilisé un tensiomètre ambulatoire et transmis leurs résultats à un système de soutien téléphonique automatisé. Ce système interrogeait aussi les patients sur leur assiduité au traitement et leur rappelait de renouveler leur ordonnance. « Si un sujet enregistrait un taux de TA élevé, le système alertait immédiatement l’infirmière du projet qui appelait le patient et l’orientait au besoin vers un professionnel de la santé : le pharmacien communautaire, son médecin ou un service d’urgence », explique Lyne Lalonde, professeure agrégée Mai 2009 à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, et une des chercheures associées à l’étude LOYAL. Résultats de l’étude Sur une période de 12 mois, le système a généré 4 617 appels pour recueillir les niveaux de TA et les données sur l’assiduité au traitement, soit en moyenne 42 appels pour chaque sujet du groupe d’intervention. Les infirmières ont fait 209 appels en réponse à une alerte déclenchée par le système, soit en moyenne 1,9 appel par sujet. La durée moyenne des appels était de 7,5 minutes. Dans l’ensemble, on a constaté une diminution sensible de la TA dans le groupe d’intervention par rapport au groupe de contrôle, la baisse moyenne étant de 6,0 mm Hg pour la tension systolique comme pour la tension diastolique (d’après plusieurs mesures échelonnées sur une période de 24 heures). « L’hypertension est un problème important et peu d’hypertendus – à peine 25 % pour l’Amérique du Nord – maîtrisent leur TA de façon adéquate », déclare la Dre MarieThérèse Lussier, chercheure principale du programme LOYAL et professeure agrégée au Département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université de Montréal. Dans le contexte de l’étude LOYAL, 46 % des sujets du groupe d’intervention ont atteint leur TA optimale en un an. Ces résultats font ressortir non seulement l’importance de mesurer fréquemment la TA, mais aussi la nécessité pour les prestataires de soins de travailler en collaboration afin d’atteindre les cibles établies. « Une analyse rétrospective des valeurs enregistrées par les patients quelques semaines ou mois dre Marie-Thérèse Lussier Lyne Lalonde LA PRAtique interprofessionnelle | 9 Profil les clés du succès auparavant ne permet pas une intervention immédiate, précise la Dre Lussier. Il nous faut une approche multidisciplinaire qui nous permette de sortir du cabinet du médecin pour rejoindre les professionnels de la santé qui ont des contacts plus fréquents avec les patients, comme les pharmaciens, qui les voient au moins une fois par mois pour les renouvellements d’ordonnances. » La pénurie de médecins et d’autres prestataires de soins de santé dans de nombreuses collectivités fait ressortir la nécessité d’approches novatrices fondées sur le travail d’équipe, comme celle de l’étude LOYAL. Mme Lalonde reconnaît que de tels projets interprofessionnels offrent aux pharmaciens une occasion idéale d’utiliser pleinement leurs compétences et leur expertise. « Des initiatives comme le programme LOYAL révèlent le type de suivi et de soins primaires qui sont à la portée des pharmaciens. Ajuster la médication n’est peut-être pas pour le médecin la meilleure manière d’investir son temps et son expertise; son rôle consiste plutôt à voir de nouveaux patients et à poser des diagnostics. » Mme Lalonde ajoute que les pharmaciens communautaires ont tendance à être isolés et elle encourage les médecins à les inviter à des conférences et autres rencontres. Figure : Impact du traitement avec soutien informatisé (Intervention) par rapport au traitement classique (Contrôle) sur les taux de tension artérielle (mesurés à l’aide d’un tensiomètre ambulatoire et dans le cabinet du médecin) Résultats primaires Résultats secondaires TAS 24 h , , , , Taux de base Suivi , , , , , , TAS en cabinet , , , , , , , Taux de base , Suivi Taux de base , , , Suivi Taux de base TAD nocturne TAD diurne , Suivi TAD en cabinet , , , , , , , , Taux de base Suivi , , , , Taux de base Taux de base Traitement avec soutien informatisé L’étude LOYAL était conçue pour établir une collaboration interprofessionnelle, essentiellement par l’intermédiaire de la technologie. Or, il apparaît que même ce type de contact « virtuel » entre médecins et pharmaciens est bénéfique. La clé de l’efficacité du projet résidait dans la confiance réciproque entre le médecin (qui divulguait des données diagnostiques) et le pharmacien (qui fournissait des données sur la médication), et dans , , Suivi •Utiliser la technologie pour faciliter les communications et susciter l’engagement des patients. Les systèmes téléphoniques ou informatiques automatisés peuvent facilement relier les médecins et les autres professionnels de la santé avec leurs patients. •La confiance mutuelle et l’échange de données (comme les renseignements diagnostiques et les profils pharmaceutiques) entre les prestataires améliorent la qualité des soins entre deux consultations médicales et aident à compenser la pénurie de médecins. •L’autonomie est l’objectif central de la collaboration interprofessionnelle dans le secteur des soins de santé, surtout pour les personnes souffrant de problèmes de santé chroniques. La capacité des patients à surveiller efficacement l’évolution de leur état de santé entre deux consultations est essentielle pour améliorer les résultats des traitements. 10 | LA PRAtique interprofessionnelle , , , TAD 24 h , TAS nocturne TAS diurne Suivi Taux de base Suivi Groupe de contrôle leur effort conjoint pour améliorer les soins et les résultats du patient. « La collaboration est toujours plus facile quand elle repose sur la confiance mutuelle », affirme Mme Lussier. Toutefois, selon elle, bien que la collaboration ait été un ingrédient essentiel du succès du projet LOYAL, le fait d’accorder une place centrale au patient en a été le facteur déterminant. « Nous avons pu mieux maîtriser les niveaux de TA, et amener un plus grand pourcentage de patients à maîtriser leur hypertension sans augmenter le nombre de visites chez le médecin. C’est une illustration parfaite de la théorie de l’autonomie en soins de santé. » Pour en savoir plus : •Dre Marie-Thérèse Lussier, Département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université de Montréal, 450 668-1010, poste 2742, ou [email protected] •Lyne Lalonde, professeure agrégée à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, 514 343-6111, poste 5315, ou lyne.lalonde@ umontreal.ca Site Web : www.recherchepl.ca Mai 2009 Profil Le Passeport santé, un outil qui aide médecins et pharmaciens à resserrer le cercle des soins n PAR Brett ruffell L les clés du succès e Dr Richard Tytus, un médecin de famille de Hamilton (Ontario), sait à quel point il est difficile de faire respecter un traitement médicamenteux. Il a aussi bien conscience du danger qu’encourt un patient lorsqu’il prétend avoir pris ses médicaments conformément à l’ordonnance alors que ce n’est pas le cas. Ce sont de tels incidents qui ont conduit le Dr Tytus et Iris Krawchenko, directrice de la Pharmacie Dell de Hamilton, à amorcer une collaboration en 2004 pour trouver un moyen d’améliorer tant l’adhésion des patients à leur traitement que le bilan comparatif des médicaments. Trois ans plus tard, ils lançaient le Passeport santé. Cette initiative de collaboration entre un pharmacien et un médecin d’une même collec- •Trouver des moyens d’encourager les patients à se prendre en charge – des outils comme le Passeport en sont un exemple. Les patients engagés ont plus de chances de respecter leur traitement. •Mme Krawchenko souligne que la communication entre médecins et pharmaciens pourrait être améliorée grâce à l’utilisation de symboles pour clarifier les instructions figurant sur les ordonnances comme, par exemple, une flèche montante ou descendante pour indiquer l’augmentation ou la diminution du dosage ou la mention « début » lorsqu’il s’agit d’un nouveau médicament. Mai 2009 tivité est la première à être financée par le programme ontarien d’Équipes de Santé familiale (ESF). Elle a commencé sous la forme d’un projet pilote de six mois reliant officiellement 50 patients, leurs médecins de famille et leurs pharmaciens au sein d’une structure de soins interprofessionnelle. L’équipe a choisi pour son projet pilote de cibler les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires, non seulement parce qu’il s’agit d’une pathologie pour laquelle le taux de non-adhésion thérapeutique est élevé, mais aussi à cause de l’incidence élevée de problèmes cardiovasculaires chez les diabétiques, un facteur compatible avec l’engagement du ministère de la Santé et des Soins de longue durée d’améliorer la prestation de soins aux diabétiques. Le « Passeport santé » est essentiellement un classeur que les patients apportent avec eux à chaque rendez-vous avec un professionnel de la santé. Il contient un profil cumulatif du patient, un bilan complet et à jour de sa médication et les résultats d’évaluations mensuelles par rapport aux objectifs établis. Avant d’adhérer au programme, le patient s’engage par écrit à informer le pharmacien de tout changement à son traitement dans un délai de 48 heures, et à rencontrer ce dernier une fois par mois. dr Richard Tytus Iris Krawchenko L’équipe de Santé familiale de Hamilton évalue actuellement le programme pour en déterminer les futures orientations. Les commentaires de toutes les parties prenantes – à commencer par les patients eux-mêmes – indiquent qu’elles ont grandement apprécié le fait d’avoir un portrait complet des données sur la santé du patient. « Ils adorent être au courant, affirme le Dr Tytus. Le passeport leur permet de participer activement à leur traitement. » La rumeur fait l’éloge du Passeport santé et d’autres professionnels de la santé étudient déjà les moyens de l’intégrer à leur pratique. Le projet intéresse notamment Natalie Hawkins, propriétaire de la pharmacie Northville, à Paris, en Ontario, et le Dr John McDonald, médecin chef de l’équipe de santé familiale communautaire PrimaCare, deux praticiens qui préparent l’implantation d’un programme semblable pour les diabétiques d’ici la fin de 2009. « Les études ont montré que la prise en charge autonome est le moyen le plus efficace d’améliorer les soins aux diabétiques, affirme Mme Hawkins. Avec le Passeport, ils comprendront mieux les raisons pour lesquelles ils ont intérêt à gérer leur maladie. » D’après Mme Krawchenko, le Passeport peut être particulièrement utile pour établir des liens essentiels entre les lieux de pratique habituels des prestataires de soins. « Les pharmaciens communautaires sont impatients de travailler en collaboration avec les médecins, mais il nous est parfois difficile de trouver la bonne méthode. Nous avons besoin de programmes comme le Passeport pour bien montrer comment la collaboration peut améliorer les soins aux patients, même si on travaille dans des lieux différents. » Pour en savoir plus sur le Passeport santé, communiquer avec le Dr Richard Tytus au 905 545-1376 ou à l’adresse [email protected], ou avec Iris Krawchenko, au 905 549-9775 ou à l’adresse [email protected]. LA PRAtique interprofessionnelle | 11 Profil n PAR louise leger L es recherches indiquent que les stratégies d’abandon du tabac les plus efficaces mettent en jeu à la fois un soutien pharmacologique et des activités de counseling. Le Dr Richard Ward voulait offrir à ses patients du Calgary Foothills Primary Care Network (CFPCN - réseau de soins primaires de Calgary Foothills) ce qui se fait de mieux dans les deux domaines. « Nous voulions créer un « guichet unique » qui combinerait un atelier d’abandon du tabac classique et un traitement médical approprié, explique le Dr Ward, qui dirige le programme d’abandon du tabac du CFPCN. Le Dr Ward s’est associé à Lorraine Bucholtz, directrice de la prestation de services au CFPCN, et à Margot Underwood, professeure en soins infirmiers et consultante en éducation pour le programme de MPOC et d’asthme de Calgary et le programme de réduction du tabac, pour lancer ce nouveau projet à l’automne 2007. Son succès s’appuie sur la collaboration d’équipes de soins au sein du CFPCN. « Ce programme est particulier parce qu’il réunit un médecin et un pharmacien pour éduquer et soutenir les patients, explique Mme Bucholtz. Dans le passé, quand quelqu’un voulait arrêter de fumer, il devait soit en parler à son médecin, qui aurait pu lui prescrire un médicament, soit s’inscrire à un cours. Or ce programme combine les deux types de soutien, ce qui augmente considérablement le taux de succès. » Un des éléments essentiels de ce programme financé par le CFPCN est d’encourager les médecins à dépister les fumeurs parmi leurs patients. « Nous savons qu’à elle seule, cette intervention double le taux d’arrêt spontané. » 12 | LA PRAtique interprofessionnelle Lorsqu’un patient fait part de son désir d’arrêter de fumer, son médecin en informe le CFPCN, qui l’invite à suivre une réunion sur l’abandon du tabac et deux ateliers de suivi. Ceux qui ne sont pas disposés à suivre les ateliers sont recontactés tous les six mois par appel téléphonique automatisé et encouragés à arrêter de fumer et à participer à un atelier. Les ateliers sont dirigés par des animateurs formés par le CFPCN, notamment des pharmaciens, des infirmières et des inhalothérapeutes. La formation des animateurs consiste à les familiariser avec des ressources comme le manuel interactif de la clinique Mayo, My Path to a Smoke-Free Future, ainsi qu’avec les médicaments et les traitements pertinents. Les patients qui décident d’assister aux ateliers reçoivent de l’information sur différentes stratégies d’arrêt ainsi que le traitement pharmacologique de leur choix, selon un protocole permettant de leur remettre une ordonnance dès la fin de la séance. Selon Mme Underwood, « Les entrevues de motivation permettent au patient de discuter des raisons personnelles qui le poussent dr richard ward margot underwood à arrêter, des bienfaits et des risques pour sa santé, de la dépendance à la nicotine, du rôle des médicaments, des obstacles au changement, de sa motivation, de sa disposition au changement, de la façon de résister aux stimulants, du stress et de la prise de poids. » Elle rapporte que le personnel du CFPCN a été impressionné par le taux de succès du programme. « Nous estimons que nous avons obtenu un taux d’abandon de 30 %, ce qui est plutôt élevé », dit Mme Underwood. Elle précise que l’équipe s’efforcera d’augmenter ce pourcentage dans les prochains mois en examinant le taux d’échec d’attrition et les facteurs motivant l’assistance aux ateliers. Le Dr Ward envisage d’étendre le programme au-delà du CFPCN pour attirer plus de patients. « Nous aimerions étendre le programme pour permettre aux pharmaciens communautaires d’orienter des patients qui ne connaissent pas le CFPCN », conclut-il. Pour plus de renseignements sur le réseau de soins primaires de Calgary Foothills, communiquer avec l’équipe au 403 284-9518 ou à l’adresse [email protected]. Site Web : www.cfpcn.ca les clés du succès Calgary Foothills : une approche intégrée pour cesser de fumer •Offrir des programmes axés sur des maladies ou des problèmes de toxicomanie qui affectent la communauté. Une bonne équipe interprofessionnelle peut souvent traiter ces problèmes plus efficacement que des professionnels de la santé isolés. •Recourir aux entrevues de motivation pour placer les patients au centre des soins. Pour plus de renseignements sur cette approche, voir à la page 21. Mai 2009 Profil Des prestataires de soins ontariens mettent en place un nouvel outil pour réduire le risque de démence chez les personnes âgées n PAR laura pratt S les clés du succès elon le Dr Bill Dalziel, la collaboration interprofessionnelle est une nécessité en gériatrie. « Pour donner réellement de bons soins gériatriques, le médecin ne peut être seul, explique-t-il, il doit faire partie d’une équipe multidisciplinaire. » Fidèle à cette philosophie, le Dr Dalziel, qui réside à Ottawa et est coprésident du Réseau de la démence de la région Champlain et chef du Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario, a mis au point, en collaboration d’autres intervenants, un processus par lequel les médecins et pharmaciens contribuent ensemble au dépistage et au diagnostic de la démence chez les personnes âgées. Ce projet pilote interprofessionnel, lancé en février 2009, réunit 10 pharmacies d’Ottawa et s’appuie sur des documents élaborés par le Réseau de la démence de la région Champlain (le groupe qui chapeaute le Réseau de la démence de l’Est de l’Ontario). Dans les pharmacies participantes, les patients ou leurs soignants peuvent prendre eux-mêmes de la documentation dans un petit kiosque et les pharmaciens approchent aussi leurs clients directement. Ces derniers sont invités à faire un test de mémoire à l’aide d’un « calculateur de risque de troubles de mémoire », facile à utiliser et conçu à partir d’une revue de la littérature sur les risques de troubles de la mémoire en fonction de l’âge, des facteurs vasculaires et des antécédents familiaux. Si un patient obtient un score de 16 % ou plus, on l’encourage à passer une épreuve rapide de dépistage avec le pharmacien. Un score inférieur à 15 indique un risque élevé, et le pharmacien remet au patient une enveloppe contenant les résultats des deux tests à l’intention de son médecin, avec une lettre expliquant le risque élevé que présente son patient. dr bill dalziel •Reconnaître la force du nombre. Même le meilleur spécialiste peut avoir plus d’effet sur l’évolution de l’état d’un patient s’il travaille avec une bonne équipe. •Des brochures et des ressources bien conçues, comme les tests de dépistage, et une approche chaleureuse de la part des professionnels de la santé de première ligne, comme les pharmaciens, peuvent aider à mettre les patients à l’aise et faire en sorte qu’ils soient mieux disposés à prendre en main leurs problèmes de santé. •Un dépistage précoce est crucial pour maîtriser la plupart des problèmes de santé. Des professionnels de la santé qui travaillent ensemble au sein d’une équipe multidisciplinaire peuvent cerner plus facilement les risques pour la santé d’un patient que s’ils travaillent chacun de leur côté. Mai 2009 Les avantages d’un dépistage précoce sont clairs. Dans 55 % des cas de démence, on ne découvre le problème que lorsque la maladie a atteint un stade de modéré à grave. Or, non seulement les médicaments sont d’autant plus efficaces qu’on les prend tôt, mais on peut encore mieux éduquer et préparer les patients et ceux qui en prennent soin si le problème est diagnostiqué rapidement. Traiter la démence à ses premiers stades, explique le Dr Dalziel, peut retarder d’un an le placement la personne dans un centre d’accueil. Les résultats quantitatifs seront examinés une fois l’essai pilote de trois mois terminé, au printemps 2009. Mais beaucoup de pharmaciens participants, comme Roland Inniss, de Shopper’s Drug Mart, à Ottawa, ont déjà noté des résultats positifs. « J’ai beaucoup de clients âgés et c’est pour moi un nouveau service à leur offrir », dit M. Inniss, parlant du dépistage. « Cela me demande très peu de temps », poursuit-il à propos des 20 dépistages réalisés dans sa pharmacie depuis qu’il s’est joint au projet pilote. Selon lui, l’interaction avec le pharmacien est cruciale pour tranquilliser les personnes anxieuses. « Il faut leur parler. Le mot « démence » peut leur faire peur. Je leur dis que c’est juste un dépistage et que je n’informerai leur médecin du résultat qu’avec leur consentement. Sinon, on peut parfaitement ne pas en tenir compte. Mais je leur dis que si l’on attend trop longtemps, les traitements peuvent ne plus être efficaces. Une fois que je leur ai parlé, la plupart des gens son prêts à aller de l’avant et à passer le test. » Pour plus de renseignements sur la méthode de dépistage de la démence du Dr Dalziel, communiquer avec le Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario au 613 761-5334 ou à l’adresse [email protected]. LA PRAtique interprofessionnelle | 13 Profil Le réseau de soins primaires de Wood Buffalo, en Alberta, vise une population à haut risque n PAR louise leger L les clés du succès e réseau de soins primaires (RSP) de Wood Buffalo doit relever des défis exceptionnels. Implanté à McMurray, en Alberta, il dessert une population de passage, en croissance rapide, à laquelle s’ajoutent des travailleurs temporaires. La région, qui souffre d’une pénurie notoire de médecins, compte environ 80 000 habitants (dont un nombre assez important de membres des Premières nations) ainsi qu’une population « fantôme » de 25 000 âmes travaillant dans les sables bitumineux. Comme la plupart des RSP, Wood Buffalo a signé un accord formel avec les médecins locaux et l’autorité en matière de santé, la Northern Lights Health Region (NLHR), pour offrir une gamme complète de programmes et de services de soins primaires à sa communauté. En exercice depuis septembre 2006, la clinique de Wood Buffalo, implantée dans le centre-ville de Fort McMurray, réunit une équipe interdisciplinaire d’environ 15 professionnels de la santé. Elle fonctionne comme une extension des cabinets privés des médecins du RSP (qui dirigent leurs patients vers la clinique et ses services), et leur fournit des soins coordon- nés, notamment des programmes de prise en charge des maladies chroniques et des services de soutien pour orienter les patients dans le système de santé. Fort McMurray est une ville ouvrière et les travailleurs des sables bitumineux ont souvent un mode de vie rude, rapporte le pharmacien Randy Sloan, qui travaille à la clinique. Nous avons des taux élevés de maladies cardiovasculaires, d’AVC et de diabète dans la NLHR (qui réunit deux RSP, dont celui de Wood Buffalo). Le taux d’obésité y est de 23 % par rapport à 16 % dans l’ensemble de l’Alberta et le taux de fumeurs randy sloan Diane Angelopoulos •Les bonnes équipes interprofessionnelles sont composées de leaders des soins de santé : des penseurs créatifs qui veulent travailler ensemble avec une équipe diversifiée pour répondre aux besoins des patients. •Pour être efficace, une équipe interprofessionnelle doit comprendre les défis spécifiques à la collectivité qu’elle sert, de manière à ce que les patients soient convaincus que les membres de l’équipe possèdent les connaissances et les aptitudes pour répondre à leurs problèmes de santé propres. •Il faut s’assurer que tous les membres de l’équipe ont souvent l’occasion de se rencontrer individuellement et d’instaurer de bonnes relations de travail. Les professionnels de la santé doivent développer une compréhension mutuelle et se faire confiance pour bien travailler ensemble. 14 | LA PRAtique interprofessionnelle de 31 % par comparaison à 23 %. La ville compte 8,3 % de cas de diabète par rapport à 3,9 % à Calgary, et le double des cas de chlamydia et de gonorrhée par rapport à la moyenne provinciale. « C’est une population assez jeune mais nous devons résoudre de nombreux problèmes de modes de vie », explique M. Sloan, qui a obtenu une autorisation de prescription supplémentaire, en vertu de la loi d’extension du champ d’exercice de l’Alberta. M. Sloan consacre le plus clair de son temps au traitement du diabète. « Je vois des patients qui viennent de recevoir leur diagnostic et me sont dirigés par leur médecin. Je leur prescris leur première médication. Il s’agit d’une extension du rôle des pharmaciens en Alberta, c’est donc tout nouveau et c’est une expérience d’apprentissage pour tout le monde. » L’équipe interdisciplinaire de la clinique comprend un médecin de famille, des infirmiers ou infirmières praticiens ou spécialistes, un diététiste, un pharmacien, un ergothérapeute, un kinésiologue et un coordonnateur en santé mentale. Diane Angelopoulos, une infirmière agréée qui travaille comme infirmière praticienne à Wood Buffalo, précise que l’une des clés du succès de la collaboration interprofessionnelle, c’est que tous les membres de l’équipe comprennent bien le champ de pratique de chacun. « Travailler ensemble nous permet d’apprendre les uns des autres, conclut Mme Angelopoulos. Nous possédons tous des compétences uniques qui rehaussent les soins que nous prodiguons. Chacun a une gamme de connaissances dans différentes disciplines de la santé, et il s’agit d’utiliser la ressource indiquée au moment opportun. » Pour plus de renseignements sur le réseau de soins primaires de Wood Buffalo, communiquer avec l’équipe au 780 788-1765 ou à [email protected]. Site Web : www.wbpcn.ca Mai 2009 À cœur d’y voir clair À cœur d’y voir clair : un programme qui aide les prestataires de soins à promouvoir la santé cardiaque n PAR brett ruffell U ne étude mondiale révélant un manque considérable de connaissances sur la santé cardiovasculaire au Canada a convaincu Liz Heldon, présidente du Canadian Lipid Nurse Network, qu’elle devait faire quelque chose. L’étude menée en 2001 par Ipsos UK a montré que, bien que 90 % des Canadiens reconnaissaient l’importance de maintenir un taux de cholestérol adéquat, 79 % ne connaissaient pas leur propre taux et 73 %, leur taux optimal. Cette méconnaissance revenait souvent à l’esprit de Mme Heldon, chaque fois que les patients lui posaient des questions élémentaires sur le cholestérol. Avec quelques associés et grâce à un financement de Pfizer, l’infirmière a entrepris, en 2001, de mettre sur pied des cliniques de formation sur le cholestérol baptisées « Making the Connection (À cœur d’y voir clair) ». Ces cliniques ont d’abord été proposées dans tout l’Ontario, puis l’offre s’est étendue au reste du Canada. Bientôt, d’autres organismes soucieux de maximiser leurs ressources se sont joints à Mme Heldon. L’un des premiers à établir un partenariat avec les infirmières a été Diabète Québec. Les problèmes cardiovasculaires étant associés à une proportion de 70 à 80 % des décès de diabétiques, il était logique pour cet organisme de participer à cette initiative. Comme le souligne Marc Aras, directeur des communications : « Il vaut bien mieux travailler ensemble parce que chacun [de nos deux organismes] a des informations différentes et peut joindre différents types de personnes ». Ce partenariat inclut maintenant l’Association canadienne de réadaptation cardia- Mai 2009 que, la Fondation des maladies du cœur du Canada, l’Association canadienne du diabète et Pression artérielle Canada. Ensemble, ces organismes planifient, mettent au point et organisent des campagnes, des événements de sensibilisation et des forums publics auxquels ont participé des porte-parole aussi célèbres que Pat Quinn, ancien entraîneur et directeur général de l’équipe de hockey des Maple Leafs de Toronto. Un site Web interactif intitulé en français À cœur d’y voir clair (www.makingtheconnection.ca) a été lancé en 2007 pour relever le niveau de compréhension des problèmes cardiovasculaires chez les Canadiens. Cette importante présence en ligne soutient la campagne et aide les prestataires de soins à éduquer leurs patients. Le site offre gratuitement aux utilisateurs inscrits des renseignements personnalisés selon leur profil de risque cardiovasculaire. Un outil de mesure de l’âge cardiovasculaire illustre comment certains facteurs de risque peuvent influer sur « l’âge » du cœur. Le site donne aussi des informations sur le régime alimentaire et l’abandon du tabac, ainsi que sur la prise en charge individuelle du diabète et de l’hypertension. Un plan sur mesure pour améliorer sa santé en cinq étapes – auquel 28 000 personnes se sont déjà inscrites – complète cette expérience personnalisée. Depuis son lancement, ce site a attiré près de 200 000 visiteurs. L’équipe de À cœur d’y voir clair se rencontre une ou deux fois par an pour évaluer les progrès de la campagne et échanger les nouvelles données. Pour garantir l’efficacité et la précision des messages véhiculés par le site, les associations collaborent avec des médecins, des pharmaciens, des infirmiers et infirmières, des diététistes et d’autres prestataires de soins de santé. Les premiers résultats indiquent que la campagne réussit à promouvoir l’autonomie, et de nombreux patients posent maintenant des questions plus pertinentes à leurs prestataires de soins. Mme Heldon attribue ce succès à l’objectif commun de l’équipe : éduquer le public sur la santé cardiaque. Et cela ne gâche rien d’avoir quelqu’un comme l’entraîneur Pat Quinn à vos côtés. « Les patients aiment pouvoir s’identifier à quelqu’un qu’ils reconnaissent, dit-elle. Ils s’aperçoivent qu’ils ne sont pas seuls. » LA PRAtique interprofessionnelle | 15 opinion L’accès à des soins de qualité Les équipes interprofessionnelles peuvent-elle être utiles? n par Calvin Gutkin, M.D., C.C.F.P.(EM), F.C.F.P. Directeur général et chef de la direction Collège des médecins de famille du Canada L e parcours d’un patient à travers le système de santé peut être compliqué. Quel prestataire de soins faut-il consulter pour tel ou tel problème ? Comment obtenir un rendez-vous en temps voulu pour des tests, des soins en psychothérapie, physiothérapie ou ergothérapie, des services sociaux ou une recommandation à un spécialiste ? Les soignants communiquent-ils entre eux ? Des pratiques émergent pour faciliter ce parcours en offrant les services d’équipes interprofessionnelles, regroupant selon les besoins médecins de famille et autres spécialistes, infirmières, pharmaciens, psychologues, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, diététistes, physiothérapeutes, etc. Des recherches menées à l’échelle internationale ont montré que la santé est meilleure dans les bassins de population où les gens ont leur propre médecin de famille, et encore meilleure quand ce dernier s’associe à d’autres professionnels de la santé dans le cadre d’une équipe centrée sur le patient1. Notre collège soutient le travail en équipe, en particulier pour les populations mal desservies et les patients souffrant de pathologies complexes ou chroniques. Nous reconnaissons que notre système a longtemps échoué à intégrer toutes les compétences de nos collègues des professions de la santé, comme les infirmières ou les pharmaciens, et savons combien les patients auraient avantage à ce que l’ensemble des prestataires de soins exploitent toute l’étendue de leurs champs d’expertise classiques. À cause de la pénurie de médecins, l’un des principaux problèmes auxquels les Canadiens sont aujourd’hui confrontés est celui des délais d’accès aux soins médicaux. Cette situation a conduit à des pratiques qui ont élargi le rôle des intervenants autres que les médecins, leur permettant ainsi d’exercer au-delà des limites de leur formation. Elle a aussi eu pour conséquence l’exigence ou l’attente à l’égard de certains d’entre eux qu’ils assument des responsabilités normalement dévolues aux médecins. Bien qu’il s’agisse parfois de tâches médicales simples, ce n’est pas toujours le cas. En fait, dans certaines provinces, certains des actes les plus complexes de la médecine, comme la pose de diagnostics et la prescription de médicaments, sont désormais légalement intégrés à la pratique d’autres professions de la santé. Bien que nous devions tous travailler ensemble pour trouver des moyens d’améliorer l’accès de la population aux soins de santé, les législateurs et les autorités de réglementation doivent, dans l’intérêt de la sécurité des patients, faire preuve d’une grande prudence quand ils étendent les frontières du champ d’exercice des prestataires de soins. Les services médicaux ajoutés au champ d’exercice de ceux qui ne sont pas médecins doivent être clairement définis (p. ex., prescription ou renouvellement de certains médicaments) et l’élargissement doit être réservé à ceux qui ont satisfait aux exigences d’une formation conforme à des normes nationales, et démontré leur capacité d’offrir ces services médicaux au public. Le plus important, c’est d’établir clairement la distinction entre ce qui constitue un « diagnostic » posé par un non-médecin et un « diagnostic médical », ce dernier type d’acte devant être réservé aux personnes qui ont terminé leurs études de médecine et obtenu un doctorat, et qui sont titulaires d’un permis d’exercice de la médecine. Aujourd’hui, le Canada a besoin de plus d’infirmières, de pharmaciens et de médecins. Il a aussi besoin d’un système qui soutienne plus efficacement la collaboration entre eux. L’exercice de chaque profession exige des compétences exclusives qui, si on les coordonne de manière judicieuse, devraient contribuer à bien servir les patients. Notre collège recommande que tous les Canadiens puissent avoir accès à une équipe composée d’un médecin de famille, d’une infirmière ou une infirmière praticienne, d’un pharmacien, et de tout autre prestataire de soins, au besoin. Comme le montre cette brochure, nous avons la chance de voir émerger de tels modèles de soins dans tout le pays. sources 1. Starfield, B. : The effectiveness of primary health care – A celebration of general practice, Radcliffe Publishing, 2003. 16 | LA PRAtique interprofessionnelle Mai 2009 opinion De meilleurs traitements pharmaceutiques pour les Canadiens Les soins centrés sur le patient tiennent leurs promesses n par Jeff Poston, Ph. D. (Pharmacie) Directeur général de l’Association des pharmaciens du Canada L es professions des soins de santé évoluent pour satisfaire aux besoins des Canadiens en répondant aux nombreux défis actuels, comme l’accès aux soins, la sécurité des patients, la prise en charge des maladies chroniques et la viabilité financière. La collaboration interprofessionnelle est une composante intégrale de cette nécessaire évolution. Un des problèmes qui se pose est l’incidence élevée d’effets indésirables associés aux médicaments et les résultats insuffisants des traitements pharmaceutiques. Trop de Canadiens se retrouvent à l’hôpital, dans les services d’urgence ou chez leur médecin à cause de problèmes liés aux médicaments qu’on aurait souvent pu prévenir. Des études ont estimé que jusqu’à 25 % de toutes les admissions à l’hôpital pourraient être liées aux médicaments. Une récente recherche canadienne a notamment constaté qu’une admission sur neuf dans les services d’urgence était due à un problème de médicaments, et que les deux tiers de celles-ci auraient en principe pu être évitées1. Les pharmaciens, médecins et autres professionnels de la santé doivent travailler de concert pour améliorer l’innocuité et l’efficacité des traitements pharmaceutiques. C’est à ces défis que répond le Plan directeur de la pharmacie : la Vision de la pharmacie. Il s’agit d’une initiative de collaboration dirigée par l’Association des pharmaciens du Canada en vue de mettre au point un plan d’action stratégique pour la profession. Des pharmaciens de tout le pays ont participé à l’élaboration des grandes lignes d’une vision ayant pour objectif de mieux adapter leur pratique professionnnelle aux besoins des Canadiens en matière de soins de santé2,3. Cette vision est simple : « Procurer aux Canadiens un traitement médicamenteux aux résultats optimaux par des soins axés sur le patient »4 Le renforcement du rôle des pharmaciens pour mieux répondre aux besoins en soins de santé des Canadiens s’appuie sur la combinaison exclusive de leurs connaissances et compétences et sur le fait qu’ils sont les prestataires de soins de santé les plus accessibles. Les pharmaciens reçoivent en effet une formation complète en pharmacologie, en gestion de traitements et en prise en charge des patients. La nécessité d’accroître l’innocuité et l’efficacité des traitements médicamenteux relève de leur domaine de compétence, et ils sont prêts et aptes à en assumer la responsabilité. La prise en charge concertée du traitement médicamenteux d’un patient suppose que tous les membres de l’équipe comprennent et respectent les rôles respectifs de leurs collègues. À la suite des changements réglementaires récents dans plusieurs provinces du Canada, de nombreux pharmaciens ont désormais le droit d’amorcer un traitement pharmaceutique, de le prolonger ou de le modifier. Cette responsabilité s’étend du renouvellement d’une ordonnance pour des soins prolongés à la fourniture de médicaments d’urgence, en passant par l’ajustement des dosages et le droit de prescrire des médicaments de leur propre chef5. Les craintes à propos du droit de prescrire des pharmaciens sont souvent dues à une mauvaise interprétation de ce rôle. Pour les médecins, la prescription de médicaments fait partie du processus de diagnostic – pas pour les pharmaciens. Dans leur pratique classique, les pharmaciens identifient couramment des problèmes mineurs chez leurs clients, et les recommandent ensuite à un médecin. La portée de ces actes pourrait être étendue, mais une telle mesure ne viserait nullement à usurper l’autorité de diagnostic du médecin. En agissant de concert avec les médecins, les pharmaciens visent à offrir à leurs clients le meilleur accès possible aux traitements, et à leur assurer des résultats optimaux. L’Association des pharmaciens du Canada s’engage à soutenir les pharmaciens dans leur pratique, de façon qu’ils puissent utiliser pleinement leurs connaissances et compétences exclusives et travailler en collaboration avec d’autres professionnels de la santé pour optimiser l’utilisation des médicaments et en améliorer les résultats pour les patients. sources 1. Zed PJ, Abu-Laban RB, Balen RM, et coll. Drug-related visits to the emergency department of a large Canadian hospital: a prospective study. CMAJ 2008;178(12):1563-9 2. Groupe de travail chargé du Plan directeur pour la pharmacie. Plan directeur de la pharmacie : la Vision de la pharmacie. Ottawa (Ontario) : Association des pharmaciens du Canada; 2008 3. Blueprint for Pharmacy interprofessional consultation report (Rapport de consultation interprofessionnelle – disponible en anglais seulement). Professional understanding and support: a critical element of change. Ottawa (Ontario) : Association des pharmaciens du Canada; 2008 4. http://www.pharmacists.ca/content/about_cpha/whats_happening/cpha_in_action/ blueprint_FR.cfm] 5. Énoncé de position de l’APhC à propos du pharmacien prescripteur. Ottawa (Ontario) : Association des pharmaciens du Canada; 2007 Mai 2009 LA PRAtique interprofessionnelle | 17 Le point de vue du médecin La route vers la collaboration interprofessionnelle est longue mais enrichissante n par le Dr Rob Wedel J ’exerce au sein de l’Associate Medical Centre, un groupe de huit médecins de famille situé dans la communauté de Taber, en Alberta. Ici, les ressources en soins de santé sont peu nombreuses si bien que nous assurons, à nous huit, tout le service d’urgence, 24 heures sur 24, sept jours par semaine, tout en nous occupant des patients hospitalisés en soins de courte ou longue durée et en recevant des patients à la clinique aux heures de bureau. Malgré l’ampleur des défis à relever, notre groupe a élaboré un modèle de soins interprofessionnel qui nous permet de maximiser nos ressources et notre expertise pour servir nos patients. Si nous nous sommes engagés dans la voie de la collaboration interprofessionnelle, c’est en raison des importantes réductions budgétaires imposées pendant dix ans aux établissements de santé, à la suite desquelles nous nous sommes retrouvés avec des patients de plus en plus nombreux et de plus en plus malades. Au lieu de concentrer nos efforts sur la prestation de soins de qualité, notre objectif était, de plus en plus, de parvenir à boucler la journée, patient après patient. En 2000, un financement nous a permis de mettre en œuvre des programmes régionaux pour les maladies chroniques et d’embaucher dans notre clinique le personnel adéquat (infirmière éducatrice en diabète ou lipide, diététiste, inhalothérapeute et infirmière en santé publique). Cette « cohabitation » a redonné de l’élan à toute l’équipe; nos nouveaux collègues sont devenus une ressource précieuse et ils ont apprécié le fait de travailler avec un groupe de médecins qu’ils pouvaient consulter immédiatement au besoin. 18 | LA PRAtique interprofessionnelle Nous avons vite compris l’importance de connaître notre bassin de clientèle. Nous avons déterminé les profils cliniques de tous nos patients, ce qui nous a permis de planifier d’avance le type et le niveau de soins dont ils pourraient avoir besoin et d’évaluer de façon assez exacte le nombre de visites auquel on pouvait s’attendre. Cependant, bien que conscients d’avoir mis en place des infrastructures et des procédures propices à la collaboration en matière de prestation des soins, nous nous contentions encore de « travailler ensemble isolément », chacun d’entre nous étant concentré sur son propre champ d’expertise et de responsabilités. C’est en rejoignant le réseau de soins primaires Chinook, en 2005, que nous avons obtenu le financement nécessaire pour élaborer plus avant notre modèle. Ayant entendu parler des recherches sur les approches collectives faites par l’organisme à but non lucratif IHI (Institute for Healthcare Improvement), nous avons embauché la firme affiliée à l’IHI, Mark Murray and Associates. Ces consultants ont d’abord examiné la façon dont nous travaillions, améliorant le processus de prise de rendez-vous pour notre « équipe opérationnelle » (réception, personnel administratif et assistants du bureau médical). Ils ont ensuite examiné le type de travail à faire pour assurer des soins sans risque et fiables aux patients afin que notre « équipe clinique » (infirmières, infirmière praticienne, diététiste, infirmière praticienne en diabète et travailleur en santé mentale) soit plus efficace pendant et après les visites des patients. Il a été prouvé que les gens sont plus heureux et font un meilleur travail quand on leur donne une chance d’utiliser leur formation et leurs connaissances, et tous les membres de notre équipe travaillent maintenant dans leur champ de compétences. Nous en faisons plus avec moins de services et avons nettement amélioré le temps d’attente de nos patients. Nos rapports sur les résultats cliniques laissent envisager un bilan positif. En tant qu’équipe, nous voyons les avantages d’une amélioration de la communication interprofessionnelle et de l’échange d’information, et pouvons témoigner de l’influence positive que nous exerçons sur le comportement de nos patients. Nos objectifs ont changé : nous n’essayons plus simplement de finir notre journée mais de travailler en collaboration pour que nos patients se portent le mieux possible. Nous avons actuellement le financement nécessaire pour adjoindre un pharmacien à l’équipe. Dans de nombreuses communautés rurales comme la nôtre, le nombre de pharmaciens est limité; mais nous essayons d’en trouver un le plus rapidement possible pour que nos patients puissent recevoir les soins les plus complets. Nous savons qu’il y a place à amélioration pour que l’équipe travaille à son plein potentiel, mais nous ne voudrions surtout pas retourner à notre ancien type de pratique. Nous avons bien trop de plaisir à travailler ensemble. Le Dr Rob Wedel exerce la médecine à l’Associates Medical Centre, à Taber, en Alberta. Ce Centre fait partie du réseau de soins primaires Chinook. Mai 2009 Le point de vue du pharmacien Une communication ouverte est essentielle au succès de la collaboration interprofessionnelle n par Susan Beresford, B. Sc. Pharm D ans un système de soins de santé de plus en plus orienté vers un fonctionnement décloisonné, les pharmaciens évoluent pour fournir de nouveaux services professionnels à leurs clients. Dans les prochaines années, nous travaillerons en collaboration plus étroite avec les médecins et il est par conséquent essentiel d’établir des canaux de communication efficaces, non seulement entre les établissements de soins, mais aussi entre les professionnels de la santé. Quatre composantes centrales doivent être prises en compte pour qu’une telle communication soit possible. 1 Le temps Il s’agit à la fois du temps du médecin, de celui du pharmacien, du temps du patient et celui que marque l’horloge. Le temps est relatif, selon les situations et les besoins de chacun, mais il est d’égale importance pour tous. Pour un pharmacien, pouvoir joindre un médecin dans un délai raisonnable est essentiel. Les médecins devraient fixer des horaires prédéterminés pour la réception des télécopies, organiser des conférences téléphoniques, donner aux pharmaciens leur numéro de ligne directe ou de téléphone mobile, et faire preuve de flexibilité au cas où un pharmacien doit les joindre d’urgence. 2 Respect Chacun d’entre nous est un professionnel qualifié qui travaille pour améliorer la santé de nos patients et, pour collaborer efficacement ensemble, nous devons tous respecter cette expérience partagée. Les pharmaciens offrent non seulement Mai 2009 des services professionnels mais aussi leur base de connaissances. Sachant cela, nos organismes de réglementation essaient d’élargir nos rôles et s’assurent des normes de soins et des garanties de qualité pour faciliter cette extension. Grâce à ces liens plus étroits entre médecins et pharmaciens, les connaissances tant du médecin que du pharmacien sont utilisées de façon optimale pour avoir un effet positif sur l’état de santé du patient. Ils devront chercher des occasions de formation conjointe pour renforcer le respect mutuel en mettant en valeur le point de vue de chaque profession sur les problématiques de soins et établir une base de connaissances et de compétences commune. Cela pourrait se traduire par des présentations professionnelles mensuelles, des lunchs d’étude, des téléconférences interprofessionnelles ou de l’apprentissage en ligne. 3 Ressources Tant les pharmaciens que les médecins possèdent d’importantes bases d’information, qui peuvent servir à leurs collègues en soins de santé et à leurs patients s’ils peuvent y accéder facilement quand ils en ont besoin. Les dossiers de santé électroniques devraient permettre aux pharmaciens de faire de plus en plus de gestion de la médication. En attendant qu’ils soient d’usage courant au Canada, les prestataires de soins peuvent communiquer par le biais de formulaires standardisés pour mettre en commun le plus de renseignements possibles. Les pharmaciens peuvent aussi exceller dans la conduite de recherches ponctuelles et les partenariats entre médecins et pharmaciens peuvent favoriser la recherche d’information et l’innovation. 4 Compréhension Le monde des soins de santé évolue rapidement. Les champs d’exercice des différentes professions de la santé se chevauchent désormais et la coordination des services et l’information sont essentielles pour maximiser l’efficacité. Les pharmaciens devraient prendre la parole dans les réunions locales de gestion des soins de santé. Ils devraient aussi être capables de fournir de l’information sur les nouveaux services professionnels qu’ils offrent sous la forme par exemple de sommaires imprimés, de présentations PowerPoint ou de bulletins électroniques réguliers. Les pharmaciens et les médecins pourraient établir un lien virtuel par le biais d’Internet pour assurer un échange d’information constant et facile. La communication réciproque est essentielle à la compréhension. Les méthodes de communication ne conviennent pas toutes également à tout le monde. Mais une certaine forme de communication ouverte est essentielle afin que les pharmaciens et les médecins puissent travailler en collaboration pour le bien-être de leurs patients. Et la vraie communication ne consiste pas seulement à répondre à des questions. Elle repose sur le respect et la compréhension et elle doit intervenir au moment adéquat, au moyen de ressources adéquates. Susan Beresford est directrice d’officine chez Kinburn Pharmasave, à Mahone Bay, en Nouvelle-Écosse. LA PRAtique interprofessionnelle | 19 Le point de vue d’un infirmier L’avenir appartient désormais à la collaboration interprofessionnelle n par Sam Ibraham, Inf., PHC-NP (dist.), B.sc. inf., MsCN E n tant qu’infirmier praticien en soins de santé primaires, j’ai eu l’occasion de travailler dans divers milieux et je crois que les soins de santé interprofessionnels se sont avérés le modèle le plus à même de profiter tant aux professionnels de la santé qu’aux patients. Bien qu’il existe de nombreuses définitions des soins de santé interprofessionnels, le dénominateur commun est un partenariat qui se caractérise par : • la reconnaissance des forces de chacun des membres de l’équipe autant que de leurs différences; • des prises de décision équitables et efficaces; • des objectifs communs et • la transmission de messages clairs et cohérents. Personne n’est responsable de tous les aspects des soins aux patients parce qu’on vise à bénéficier des aptitudes et de l’expertise de chaque membre de l’équipe. Le but ultime est toujours d’améliorer l’accès des patients aux soins et les résultats. L’équipe de santé familiale Canes dont je fais partie est située dans un quartier multiculturel en pleine croissance. Le bassin de population que nous desservons compte environ 180 000 personnes, et ce chiffre est appelé à croître rapidement compte tenu du grand nombre d’aînés et de l’afflux constant de récents immigrants dans le quartier. Nous sommes toujours très occupés, mais nous réussissons à répondre aux besoins parce que tous les membres de l’équipe 20 | LA PRAtique interprofessionnelle sont prêts à faire ce qu’il faut pour servir nos patients. Mon rôle consiste à promouvoir la santé et la prévention des maladies, et à traiter et éduquer les patients atteints de problèmes de santé chroniques. Mais il m’arrive souvent de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques de soins de santé, ainsi qu’à d’autres fonctions administratives. Mes expériences de collaboration m’ont appris que les connaissances et les aptitudes (communes ou distinctes) des prestataires de soins peuvent créer une synergie qui influe positivement sur les soins. Pour un patient, le modèle interprofessionnel idéal se traduit par un accès à tout un éventail de services de soins, de choix de traitement et de conseils à partir d’un « guichet unique ». D’après mon expérience, les professionnels de la santé ont tout avantage à se partager le fardeau des cas complexes et difficiles et à voir leur charge de travail réduite grâce à une communication efficace au sein de l’équipe. La communication entre les différentes disciplines crée des occasions d’apprentissage continues pour les membres de l’équipe, et la rationalisation des services permet de maximiser l’usage des ressources financières. Dans tous les cas dont j’ai pu être témoin, la collaboration interprofessionnelle profite à tous, aussi bien les patients que les professionnels de la santé. Il faut bien sûr relever certains défis pour que les efforts d’une équipe qui travaille en collaboration soient efficaces, l’un des principaux étant de gérer le change- ment et les conflits. Si l’on veut réussir à les atténuer et à les résoudre, il faut aborder ces problèmes à la fois sur le plan individuel et collectif. Je me suis aperçu que la mise en place de stratégies d’analyse des causes profondes et de résolution des conflits permettait de cerner et de résoudre les conflits liés à la collégialité. Dans les équipes où la collaboration fonctionne, des communications fréquentes et l’identification des risques de problèmes peuvent créer un climat de compréhension et de confiance, ce qui réduit les occasions de frictions. Les professionnels de la santé de toutes disciplines ont conscience des demandes croissantes qui pèsent sur les ressources de ce secteur. D’où l’importance de maximiser notre temps, nos efforts et notre niveau de satisfaction tout en prodiguant les meilleurs soins possibles à nos patients. En tant qu’infirmier praticien participant à la fois aux soins primaires et à la prise en charge des maladies chroniques, je considère que la collaboration interprofessionnelle est l’une des pierres angulaire de ma pratique. À mon avis, cette approche va continuer de se développer et constitue la façon idéale de répondre aux besoins des patients, dans un système de plus en plus complexe. Sam Ibraham est infirmier praticien au sein de l’équipe Santé famille Canes, à Toronto. Mai 2009 L’entretien motivationnel, une technique qui place le patient au centre des soins n par Laura Pratt D ans le domaine des soins de santé, l’entretien motivationnel (EM) est une méthode thérapeutique qui reconnaît l’importance de faire participer les patients à leurs propres soins. Apparu au début des années 80, l’EM visait initialement le traitement des toxicomanies. « Aujourd’hui, on parle de l’efficacité de cette méthode dans tout le secteur des soins de santé », affirme Grant Corbett, président de Behavior Change Solutions, une société de services-conseils qui propose une formation en EM. Au cœur de cette approche centrée sur la personne et axée sur les résultats, se trouve l’idée que les professionnels de la santé doivent inviter leurs patients à réfléchir sur leur état et sur la façon dont ils pourraient s’investir pour l’améliorer. La participation du patient est essentielle. « Après tout, affirme M. Corbett, les recherches démontrent que ce n’est pas ce que nous disons aux patients, mais plutôt ce qu’ils nous disent, qui les change. » La plupart des études montrent que l’EM surpasse les modèles de traitement classiques dans 80 % des cas (et donne des résultats équivalents dans les 20 % de cas restants). L’EM remplace la méthode traditionnelle de prestation de conseils et de formation par une approche fondée sur le principe que le patient dispose à la fois d’une base de connaissances utiles et de la volonté de s’adapter. D’après M. Corbett, la première méthode procède d’une « vision du monde axée sur le déficit », selon laquelle on considère que le patient manque d’information, d’aptitudes et de compétences, alors que la seconde traduit Mai 2009 une « vision du monde basée sur la compétence ». L’entrevue de motivation n’est pas facile à maîtriser, mais les professionnels prêts à investir plusieurs jours dans la formation s’offrent ainsi une faveur, surtout s’ils travaillent dans un environnement interprofessionnel. « Il est difficile de penser qu’un praticien collabore quand il vous dit quoi faire. Avec l’EM, le [prestataire de soins] aide le patient à exprimer ses propres raisons de changer. » D’après M. Corbett, l’EM devrait être la pierre de touche de la collaboration interprofessionnelle, un modèle de soins de santé qui doit privilégier la relation tant entre le prestataire et le patient qu’entre les divers professionnels qui collaborent au traitement. « Si le pharmacien et le médecin procèdent en étant convaincus qu’ils doivent diriger le patient à chaque étape, il n’y a de collaboration qu’entre eux, mais pas avec le patient. » Grant Corbett président Behavior Change Solutions les clés du succès l’entretien motivationnel Grant Corbett, président de Behavior Change Solutions, donne les conseils suivants pour intégrer l’entrevue motivationnelle à la pratique interprofessionnelle. 1.Engager le patient à exprimer sa propre compréhension de sa médication ou de son traitement avant de lui donner des conseils pratiques. Reconnaître la compétence du patient diminue sa résistance. 2. Demander au patient pourquoi il veut prendre un médicament ou suivre un traitement. Les recherches sur l’EM montrent que ce n’est pas ce que nous disons aux patients mais ce qu’ils nous disent (sur leurs désirs et leur engagement vis-à-vis du traitement) qui permet d’évaluer leur adhésion au traitement et leur assiduité. to comele patient à chaque 3. Valoriser occasion. En valorisant le patient (ce qui ne veut pas dire le féliciter) pour avoir fait exécuter son ordonnance ou pour ses connaissances, ses désirs et ses projets, on l’encourage à adhérer au traitement. 4. Avant de donner un conseil, demandez au patient l’autorisation de le faire. Cette démarche est une marque de respect et les patients qui se sentent respectés adhèrent plus volontiers au traitement. 5. À la fin de la conversation, résumez les désirs et les engagements du patient vis-à-vis de son traitement. Les patients qui se sentent compris sont plus enclins non seulement à suivre les traitements prescrits, mais aussi à rester fidèles à leur prestataire de soins. D LA PRAtique interprofessionnelle | 21 Les gouvernements préparent le terrain Les législateurs fédéraux et provinciaux ouvrent la voie aux soins interprofessionnels n PAR Sonya felix B ien qu’il s’agisse encore d’une notion relativement nouvelle au Canada, les soins de santé interprofessionnels gagnent du terrain tant auprès des législateurs que parmi les professionnels de la santé de première ligne. Cette double avancée est un signe positif lorsqu’on pense aux investissements considérables en recherche, formation et infrastructures qu’exigera l’évolution vers la collaboration interprofessionnelle dans les soins de santé. Le premier pas réel dans la voie d’une collaboration interprofessionnelle a été fait en septembre 2000, quand les premiers ministres ont reconnu que les équipes de santé multidisciplinaires étaient essentielles au renouveau des soins de santé. En réponse, le gouvernement fédéral a établi le Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires (FASSP), un fonds de 800 millions de dollars destiné à encourager et soutenir les projets concertés dans tout le Canada. 22 | LA PRAtique interprofessionnelle Le FASSP a financé tout un éventail de projets, dont l’Initiative pour l’amélioration de la collaboration interdisciplinaire dans les soins de santé primaires (ACIS). Avec un comité directeur formé de représentants de dix associations de professionnels des soins de santé et d’une coalition, l’initiative ACIS a recensé les meilleures pratiques de soins de santé en vue d’optimiser les résultats face à l’évolution des besoins d’une population vieillissante et à l’incidence croissante des maladies chroniques. On peut consulter le rapport final de l’ACIS, Principes et cadre de la collaboration interdisciplinaire dans les soins de santé primaires, à l’adresse http://www.eicp.ca/fr/principles/march/ ACIS-Principes-et-cadres-mars.pdf. Équipes multidisciplinaires De nombreux projets financés par le FASSP, comme l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale et le Projet de soins primaires obstétricaux concertés, visent des problèmes de santé particuliers. Mais plusieurs provinces, surtout l’Ontario, l’Alberta, la Saskatchewan et le Québec, ont commencé à améliorer la prestation des soins en créant des équipes de soins primaires interprofessionnelles. Ces équipes, généralement dirigées par des médecins de famille, emploient d’autres prestataires de soins – pharmaciens, physiothérapeutes, nutritionnistes, conseillers en alimentation, travailleurs sociaux, etc. – au fur et à mesure qu’elles obtiennent du financement et que les avantages du travail en équipe deviennent plus évidents. Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) de l’Ontario a lancé les premières Équipes de Santé familiale (ESF) de la province en 2004. À l’heure actuelle, l’Ontario compte 152 ESF dirigées par des médecins de famille, et employant d’autres prestataires de soins comme des infirmières praticiennes, des diététistes et des pharmaciens. On prévoit la mise sur pied de cinquante autres équipes au cours des deux prochaines années. S’appuyant sur le modèle des ESF, le MSSLD se prépare aussi à mettre en place 25 cliniques dirigées Mai 2009 May par des infirmiers praticiens au cours des quatre prochaines années. Dans ces cliniques, qui seront situées dans des zones où la population a un accès limité aux prestataires de soins primaires, le personnel infirmier praticien travaillera en collaboration avec les médecins pour dispenser des soins et de la formation sur la prévention des maladies et la promotion de la santé. Actuellement, l’Alberta compte 30 réseaux de soins primaires (RSP) et projette l’implantation de sept autres. Chacun de ces RSP est créé par des médecins de famille de la région, en coopération avec les autorités de la santé locales et d’autres professionnels de la santé comme le personnel infirmier et les diététistes. Soixante pour cent des médecins de famille sont déjà membres d’un RSP et le gouvernement espère en voir 80 % y adhérer d’ici 2011. Entre-temps, après le succès de plusieurs projets pilotes, la Saskatchewan a étendu ses réseaux de soins de santé primaires pour y inclure l’ensemble des 13 Offices régionaux de la santé de la province. Au Québec, l’intégration d’autres services de santé aux groupes de médecine familiale en vue de former des équipes de santé multidisciplinaires est en bonne voie. Élargir les champs d’exercice Face à la pénurie de médecins et aux autres problèmes qui entravent l’accès aux soins de santé, les gouvernements légifèrent pour autoriser l’élargissement des champs d’exercice des autres prestataires de soins, de façon à optimiser l’utilisation de leurs compétences et à alléger ainsi la charge de travail des médecins. La liste des spécialités ouvertes au personnel infirmier, par exemple, continue de s’étendre à des domaines comme le dépistage du cancer colorectal et l’assistance chirurgicale. Les infirmiers et infirmières praticiens, les sages-femmes et les podiatres ont déjà le droit de rédiger des ordonnances et, Mai 2009 compte tenu de l’évolution de leur rôle, de nouvelles dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances autoriseront bientôt les membres de ces trois professions à prescrire aussi certains médicaments réglementés. Partout au Canada, les provinces étendent le champ d’exercice des pharmaciens pour y inclure le droit d’adapter les ordonnances. Le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique ont récemment accordé ce droit aux pharmaciens et d’autres provinces en sont à différentes étapes d’adoption des règlements nécessaires. En Alberta, les pharmaciens qui répondent à des critères supplémentaires peuvent aussi rédiger des ordonnances initiales et gérer les traitements de malades chroniques en étroite collaboration avec les médecins et d’autres prestataires de soins. De plus, dans le cadre de la réglementation visant les assistants techniques en pharmacie (ATP), une nouvelle catégorie de prestataires de soins de santé sera créée pour entériner l’extension du rôle des pharmaciens dans la prise en charge des maladies chroniques. L’Ontario devrait être la première province à mettre en place une réglementation volontaire pour les ATP au début de 2010, et l’on s’attend à ce que la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse la suivent de près. Le Dossier de santé électronique Le dossier de santé électronique (DSE) sera le liant qui assurera la cohésion entre les professionnels de la santé et leur permettra de former des équipes interprofessionnelles viables. Il réunira entre autres les dossiers médicaux du patient, ses profils de médication tirés des systèmes informatiques provinciaux, ses résultats d’analyses de laboratoires, ses clichés d’imagerie diagnostique, ainsi que les services de télésanté qu’il a reçus et les données à son sujet provenant des dispositifs de surveillance de la santé publique. Le DSE sera accessible à tous les prestataires de soins de santé admissibles. L’objectif visé est l’intégration de tous les Canadiens au système d’ici 2016, moyennant un coût d’environ 350 $ par personne. Jusqu’à présent, le Canada a investi 2,1 milliards de dollars dans le DSE, dont 500 millions ont été annoncés dans le budget fédéral de janvier 2009. Les provinces contribuent aussi au financement de leurs composantes respectives du système. D’ici la fin de 2008, l’Inforoute Santé du Canada, organisme à but non lucratif chargé de favoriser l’implantation du DSE, aura accordé un financement à 276 projets dans tout le Canada, dont 157 sont déjà opérationnels ou prêts à démarrer. L’étape finale consistera à interconnecter tous ces projets pour former un réseau pancanadien. LA PRAtique interprofessionnelle | 23 Ce qu’il faut pour rester en santé Chez Pfizer, nous croyons que les médicaments aident les Canadiens à vivre en meilleure santé plus longtemps. Toutefois, en tant qu’important fabricant de médicaments novateurs, nous croyons aussi que, pour rester en santé, il faut plus que des médicaments. À titre de partenaire de la santé, nous croyons que notre entreprise peut contribuer à trouver des solutions visant la prévention et le bien-être, qui vous aideront dans la prise en charge de vos patients. C’est pour cette raison que nous avons créé plusquedesmedicaments.ca, un site Web visant à informer et à inspirer les Canadiens, et leur donner envie de faire des choix plus sains. Nous sommes également déterminés à vous mettre en relation avec des ressources utiles, dont un Service de l’information pharmaceutique (1-800-463-6001), des programmes de formation donnant droit à des crédits destinés aux médecins, aux pharmaciens et aux autres professionnels de la santé, des outils de dépistage et de diagnostic ainsi que des programmes de soutien aux patients et des outils éducatifs pour vous aider à optimiser la prestation des soins et à assurer une utilisation optimale de nos médicaments. pfizer.ca plusquedesmedicaments.ca CA0109ABD017F