Par Stéphane BOURDON Professeur d’EPS au Collège de Varades (44) Formateur STAPS à L’institut de formation en EPS d’Angers (IFEPSA) Membre de l’ETR Pays de la Loire Membre de l’ETN Longueur BEES 2° Athlétisme Entraîneur Fédéral expert Athlétisme en milieu scolaire Les fondamentaux de l’Athlétisme : « Ne passons pas à côté de l’essentiel ! » Les programmes actuels en EPS et particulièrement en athlétisme nous imposent des niveaux établis, formatés, dans différentes spécialités dont les choix pourraient être discutés. En collège par exemple nous devons aborder des activités très techniques, javelot, haies, relais entre autres, sans forcement avoir des élèves qui y soient préparés sur les plans des capacités motrices, athlétiques ou cognitives. Au lycée les activités proposées bien que non signifiantes d’un point de vue culturelle sont elles aussi exigeantes à bien des niveaux C’est donc envisager une pratique de l’athlétisme ou d’activités athlétiques en EPS sans que les élèves en possèdent les clés et les moyens tant sur le plan physiologique que moteur. Pour faire un parallèle c’est comme si nos collègues de mathématiques envisageaient de faire de la géométrie sans équerre, compas et rapporteur. Difficile d’obtenir les bons résultats lorsqu’on ne possède pas les bons outils. Aussi il est nécessaire de réfléchir à la formation transversale des élèves dans les activités athlétiques. De quels outils ont-ils besoin pour comprendre, agir et réussir ? Nous sommes bien conscients que le cours d’EPS n’est pas forcément le lieu de la performance sportive par excellence et qu’il est le terrain de bien d’autres enjeux éducatifs, mais n’est-il pas de notre devoir de mettre les élèves dans les meilleures conditions de compréhension et de réussite motrice. Comme dit le proverbe, « c’est en forgeant qu’on devient forgeron », nous pourrions dire en athlétisme, « c’est en apprenant et répétant les fondamentaux que l’on comprend l’athlétisme et que l’on devient athlète ».Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur les fondamentaux et leur importance dans la pratique de l’Athlétisme. Cette brève étude constituée d’un bon nombre de rappels s’adresse à tous les enseignants, débutants ou non. Cet apprentissage indispensable dans la formation transversale doit à mon sens être une préoccupation pour nous enseignants mais également pour les élèves au sein du cours d’EPS, et de façon encore plus forte pour des élèves qui pratiquent cette activité en A.S au sein des ateliers d’accompagnement éducatifs ou des sections sportives scolaires. Comme un concertiste fait ses gammes, un athlète lui aussi répète ses fondamentaux de façon variée et avec précision. Il nous est alors nécessaire de connaître les grands principes sur lesquels repose la pratique de l’athlétisme ; les fondamentaux. 1- Qu’est ce qu’un élément fondamental ? Dans le langage commun et au sens stricte, un élément fondamental est un élément qui fonde quelque chose, c’est la pierre d’angle, par conséquent, nécessaire et d’indispensable. Dans le cadre de l’athlétisme on peut donc dire que les fondamentaux sont les éléments qui régissent ou fondent la motricité athlétique. Ce sont les incontournables des techniques de spécialités. C’est à partir de ces fondamentaux que l’on va pouvoir élaborer des gestes plus ou moins techniques et spécifiques aux différentes activités que sont les courses, les sauts, les lancers et la marche. 2- Quels sont ces fondamentaux ? A mon avis certains éléments sont indispensables à une motricité athlétique juste. Comme on le sait, tout part du sol ! Il est donc nécessaire de maîtriser les points suivants : a- Savoir poser les appuis au sol: poser les appuis au sol, certes mais de façon multiples car il y a différentes manières de le faire en fonction des spécialités et des intentions. Il faut donc savoir poser les appuis au sol 1 • • en plante de pied pour courir vite et accélérer. Sur des appuis à plat lorsqu’on prend de l’avance avec les appuis et/ou pour impulser ou bloquer (verrouiller), [bondissements, triple saut, saut en longueur…] • Par le talon pour bloquer (voire impulser), [javelot, hauteur…] On peut donc dire sans hésiter que développer l’apprentissage de la pose d’appui au sol de façon variée est loin d’être du temps perdu, mais au contraire, plus « l’intelligence du pied » sera développée plus l’athlète ou l élève pourra développer une motricité variée et/ou spécifique en fonction des activités pratiquées ou de ses intentions motrices. b- Savoir aligner les chaînes et les segments pour être efficace et efficient : l’objectif n’est pas ici de faire un exposé sur les lois mécaniques ou biomécaniques qui régissent les mouvements humains. Mais les lois de Newton relatives à l’application des forces et à la restitution de celles-ci sont là pour nous rappeler l’essentiel. Une force sera transmise et surtout restituée de façon optimale si et seulement si les segments qui servent à la transmission sont alignés. Nous voyons bien tous de quoi il s’agit… Attention cependant toutes les lois physiques ne s’appliquent pas stricto-sensus au corps humain. c- Savoir être solide: Cette notion est fortement liée à la précédente, elle fait bien évidemment référence au gainage, à la tonicité et à la force des sangles abdominales et dorsolombaires. Il va de soi qu’il y a également une Relation forte entre un bon placement, les alignements, la notion de gainage et de positionnement (ou placement) du bassin, mais cela fait également référence à la notion de force [ou aux forces] utilisé(ées) au cours de l’acte moteur. d- Savoir être coordonné: La coordination peut être définie comme étant l’aptitude à agencer des actions motrices les unes aux autres afin de contribuer à la bonne réalisation d’une tâche. C’est une notion complexe indissociable de la force, de la vitesse et de la souplesse car toute les trois doivent être en synergie afin de rendre la coordination opérationnelle. e- Avoir de la souplesse et du relâchement: La souplesse mais aussi le relâchement qui sont deux notions cousines sont des éléments indispensables à une motricité efficace. Ces deux éléments ont également un rôle important au niveau de la prévention des blessures, plus un athlète est souple et possède du relâchement moins il se blesse en règle générale. Il est dans ce cas aussi mieux coordonné (cf paragraphe précédent). f- Savoir utiliser ses segments libres: Nous avons tous plus ou moins à l’esprit l’importance des segments libres dans l’action motrice. Mais rappelons tout de même que ceux-ci ont un rôle équilibrateur, qu’ils agissent comme des balanciers, et qu’ils peuvent également agir comme des contrepoids pour renforcer des actions, (déplacements, impulsions, franchissements…). g- Avoir du rythme et donner du rythme: Le rythme est la musique du geste. Dans 100% des cas en athlétisme ce rythme est progressivement accéléré. h- Etre rapide, avoir de la vitesse (être capable d’en produire mais aussi de l’utiliser): Ne revenons pas sur la définition de la vitesse car il faudrait de nombreuses pages pour en parler. Cependant force est de constater que la vitesse et la faculté de produire de la vitesse sont indispensables en courses, sauts et lancers. La vitesse représentant l’essence même des courses et la vitesse utile étant un facteur de la performance en sauts et lancers. 2 3 – Illustrations en images des fondamentaux : Illustrations des alignements dans différentes spécialité Alignement et poses d’appuis dans différentes spécialités, notamment à l’appel ou au final en lancers. 3 Illustrations d’alignements, de grandissement et d’utilisations de segments libres dans différentes spécialités 4- Pourquoi les fondamentaux sont-ils importants dans la formation transversale ? Ö Parce qu’Ils répondent à des lois physiques (lois d’application et de restitution des forces, lois de Newton). Ö Parce qu’ils répondent à des contraintes mécaniques humaines. Ö Parce qu’ils permettent d’apprendre plus vite par transferts d’apprentissages, (apprentissages plus rapides et durables). [cf: travaux de Famose, Schmidt, Bertsh, Tardiff ] Ö Parce que dans la formation initiale, cela permet d’apprendre les bases justes, Indispensables pour aborder plus tard les spécialités. Cela permet également une variété d’exercices qui entraîne peu ou pas de lassitude psychologique et moins de risques de blessures chez les jeunes. 5- Comment envisager l’apprentissage de ces fondamentaux ? Il semble essentiel surtout à l’entrée au collège, d’envisager la polyvalence des le début de la pratique. Le débutant doit être capable de courir, lancer, sauter, marcher et rebondir. Cela permet de favoriser le développement des habiletés et de les mettre en interactions : Ö Les habiletés Fermées (dans un environnement stable et prévisible, courses de haies…) ÖLes habiletés discrètes (qui présentent un début et une fin distinctes, sauts, lancers…) ÖLes habiletés continues (courir). Il nous est également important d’envisager l’apprentissage de ces fondamentaux à travers des situations variées notamment lors des échauffements. Les échauffements permettent en effet les répétitions sur du long terme. Ils doivent permettre aux élèves de développer une motricité et des qualités nécessaires à une pratique dans les différentes spécialités. L’échauffement à mon sens doit être composé de gammes de poses d’appuis, de gammes de course, de coordination, de gainage dynamique. Tous ces éléments peuvent être pratiqués avec des exigences différentes en fonction des niveaux de pratique. Il y a alors nécessité pour l’enseignant d’être omniprésent lors de ces exercices et de ces gammes pour corriger les élèves. Si les gammes de fondamentaux sont mal acquises alors, cela entraîne de gros problèmes par la suite : Il est alors indispensable de désapprendre pour apprendre ce qui peut prendre plusieurs mois voire plusieurs années ! 4 De plus si les fondamentaux sont vite maîtrisés, cela facilite d’autant plus l’entrée dans les spécialités et la polyvalence des élèves. Nous percevons là toute l’importance de ces apprentissages. 6- Pour conclure : En résumé nous pouvons donc dire que les fondamentaux transversaux s’apprennent tôt. Cela peut se faire par une pratique de la motricité sous forme jouée en allant vers les gammes. Ö Les fondamentaux doivent s’apprendre tôt et de façon juste. Ö Le es fondamentaux s’apprennent et se répètent tout au long de la scolarité au collège et au lycée, mais avec des degrés d’exigence différents. ÖP Pour que les fondamentaux soient intégrés il faut les faire répéter dans des situations variées, transférables et avec des intentions au regard des spécialités envisagées. A la lecture de cet article chacun pourra alors réfléchir à sa pratique et pourra éventuellement la modifier en fonction de sa sensibilité et de l’interprétation ou la compréhension qu’il fera de ces quelques lignes. Mais avant d’envisager d’éventuels changements dans la pratique quotidienne, il semble nécessaire d’être convaincu de la nécessité des fondamentaux et des contenus qui peuvent s’y rattacher. Sans ces deux conditions il serait illusoire de provoquer quelques changements moteurs chez nos élèves, sauf gesticulations qui n’auraient que peu de portée. 5