Des rêves et des rames

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 Des rêves et des rames Che Guevara et sexualité sont des images souvent liés à Cuba. Guevara a joué un rôle clé dans la révolution cubaine (et vice‐versa), et la sexualité a toujours été un stéréotype du monde latin, magnifiée, à Cuba par la beauté légendaire du métissage, la sensualité de la danse et la nature désinvolte et joyeuse des individus. Typiques et superficielles, ces images sont loin de refléter la réalité d'aujourd'hui: onze millions de Cubains, dont la plupart sont pris au piège, sans liberté de choix, dans une guerre de résistance, défendant des idéaux qui s'estompent au fil du temps et de la crise économique. Les rêves cubains jouissent d’une longévité et d’une richesse hors du commun. En effet, avec les contraintes économiques, il est très difficile de les transformer en réalité. L'isolement et le manque d’information sur l'île, la propagande politique et le blocus économique imposé par les États‐Unis, ont maintenu pendant de nombreuses années le rêve d'une société plus égalitaire. La haute qualité de l'enseignement scolaire, compte tenu des ressources limitées, a enrichi la capacité à rêver, de même que le manque de ressources a été également un moteur de l'imagination. La crise, qui a commencé avec l'effondrement du bloc socialiste, a développé une économie dépendante du tourisme, toujours en vigueur, mais dans laquelle il est même difficile de satisfaire les besoins en nourriture les plus élémentaires. Nombre de rêves se sont éteints au cours de cette période, mais malheureusement pour eux, "la Floride" est trop proche, et de nombreux Cubains ont réalisé le rêve d'émigrer. Cela a permis à de nombreux autres rêves, financièrement dépendants, de devenir réalité, mais surtout, ce qui est très triste, c’est que les rêves cubains sont en mutation, devenant le rêve américain : avoir plus, consommer ... Partout mais surtout dans un pays aussi pauvre que le Cuba d’aujourd'hui, ce rêve a la puissance destructrice d'une drogue. Résister, tel est la consigne, mais chaque jours la foi se perd, les idéaux disparaissent et la raison de la lutte devient plus floue. La mauvaise gestion et la corruption ont corrodé l'économie et il n'y a pas d'autre choix que d'essayer de survivre ... ou tenter de quitter l'île ("ramer", en argot cubain). Beaucoup ont trouvé la mort dans le détroit de Floride, mais beaucoup d’autres ont réussi, non seulement en Amérique mais dans presque tous les coins du monde. Ainsi est née une nouvelle "foi" ("fe" en espagnol veut dire "foi" mais c’est aussi les initiales de "Famille à l'Etranger"), qui soutient l'économie cubaine. Malheureusement, tout le monde n'a pas de "fe" et se sont eux les plus touchés par la crise. Beaucoup ont cherché refuge dans la religion, mais c'est la solidarité entre les Cubains qui a aidé le plus, et peut‐être le sens de l'humour, toujours présent, allégeant ainsi le poids du malheur. La Norvège est un pays de rêves, d’une incroyable beauté naturelle et d'une impressionnante variété de climats. Un pays où le miracle biblique de la marche sur l'eau est possible quatre mois par an. Où, dés mon arrivée, j’ai vu mon salaire net passé de 10 à 2500 euros environ, un autre miracle grâce auquel ma famille à Cuba et quelques amis proches peuvent profiter d'une vie plus digne. Un pays qui n’est devenu très riche qu’au cours des dernières décennies, de sorte que les classes sociales n'ont pas eu le temps de se diviser. Les salaires sont très homogènes. L'égalité n'est pas seulement une réalité, on sanctionne même le fait qu'un étudiant se distingue du reste de la classe. La tolérance est grande, la démocratie transparente et la corruption presque impossible, au tel point que toutes les déclarations d'impôts disponibles en ligne. Jamais un pays n’a été plus proche de l'idéal communiste. Ce n’est pas la raison pour laquelle environ 500 Cubains vivent en Norvège, presque tous à Oslo. La plupart d'entre eux, comme Oscar (que j'avais connu à Cuba et que j’ai rencontré par hasard dans un bar d'Oslo), sont très reconnaissants et se sentent chanceux. Oscar travaille maintenant beaucoup plus en Norvège qu’à Cuba, mais cela ne le dérange pas, puisqu’ il se sent plus en sécurité, et peut rester honnête (à Cuba, il est impossible de ne pas s'impliquer dans des choses illégales). Son rêve c’est que sa fille âgée de 8 ans, qui habite à Cuba, puisse avoir l'occasion de venir en Norvège pour faire ses études, connaître le pays et pouvoir plus vivre ensemble. Les Cubains à Oslo se sentent chanceux, mais en même temps ils ont eu des difficultés. Au‐delà du climat, le choc culturel a été énorme. La plupart d'entre eux sont arrivés sans expérience précédente à l’étranger et sans formation validée en Norvège. Ils sont arrivés sans ressources, mariés, pour vivre une vie d'égalité, dans un pays où l'égalité est généralement synonyme d'indépendance économique. Au‐delà des caractéristiques spécifiques du pays, la structure de base du capitalisme (taxes, assurances, sécurité sociale, cartes bancaires...) est étrangère à Cuba. Les Norvégiens sont en général gentils et simples, mais probablement à cause du climat, et contrairement aux Cubains, ont été forgés dans une discipline rigide et un sentiment d'indépendance. Les conditions de vie leur permettent de se donner des objectifs, et d’y parvenir par eux‐mêmes, sans avoir besoin de collaborer ou de partager. Ceci fait qu’ils sont souvent axés sur eux‐mêmes. "Tous les ans sont enterrés près de 70 personnes à Oslo, qui ne sont accompagnés que par le prêtre et un employé municipal, bien que tous les décès soient publiés dans les journaux" Aftenposten 24.11.08 Osvanny Ramos, physicien cubain, a appris la photographie à Cuba. Il a vécu trois années à Oslo où il a développé sa thèse de doctorat. Il effectue actuellement un post‐doc à l'ENS‐Lyon, France. 
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