SALSIGNE, la mine dort, la pollution veille: un siècle de nuisance et de litigiosité Colloque international Montpellier, le 20 et 21 mars 2013 Communication de : Jean-Kevin Aimé Tsiba Doctorant en Géographie Laboratoire CERPA Université de Lorraine (Nancy 2) - Thème exclusivement porté sur les nuisances environnementales engendrées par l’exploitation minière dans la région du HautOgooué (Gabon). - Sachant que « des problèmes d’environnement sont tout à la fois des problèmes naturels à dimensions sociales et des problèmes de société à dimensions naturelles » (Jollivet M., 1992) le cas soulevé ici met en exergue ce paradigme homme/nature au cœur duquel l’homme transforme la nature à ses dépends, sans parfois se soucier des effets induits. Gabon: localisation de la région du Haut-Ogooué La réglementation minière - Deux codes essayent de canaliser les activités pouvant impacter l’environnement au Gabon: - la loi 16/93 portant code de l’environnement érigée en 1993 et révisée en 2000. Cette loi est accompagnée de plusieurs décrets d’application statués sur la gestion efficace de l’environnement sur l’ensemble du territoire national; - le code minier paru en octobre 2000, soutenu aussi par quelques décrets d’application. Ce code est considéré comme le deuxième pilier de la réglementation environnementale gabonaise, même s’il s’oriente plus vers la gestion efficace des ressources minières. Constat: - Malgré la présence de ces codes, les deux exploitations précitées, sont au centre d’importantes préoccupations environnementales. Dans la description des faits, deux problèmes essentiels attirent notre attention: les transformations paysagères et la pollution environnementale. A- L’exploitation du manganèse - Rappelons qu’il est extrait à Moanda par l’entreprise COMILOG, une filiale du groupe ERAMET (entreprise française connue pour son exploitation du Nikel en Nouvelle – Calédonie). - C’est un métal utilisé principalement en métallurgie pour consolider le fer grâce à ses propriétés d’élasticité. Il est aussi utilisé en médecine pour la fabrication des produits comme le permanganate; en agriculture il participe à l’enrichissement d’engrais pour les aliments de bétail; en énergie il rentre dans la fabrication des piles électriques. Il est utile également pour la fabrication de la peinture et beaucoup d’autres produits. Minerai de manganèse, clichés JKAT, mai 2011 Mode d’exploitation du manganèse - À Moanda, l’exploitation du manganèse se fait en découverte (ciel ouvert) sur le plateau Bagombé en contrebas duquel se situe la ville de Moanda (43000 habitants). Ce gisement est considéré comme l’un de plus important au monde de part sa teneur et sa grandeur (encore plus de 70 ans d’exploitation); - Cette exploitation est vieille de 50 ans, soit depuis 1962; - La production de la COMILOG reste croissante et fait du Gabon le deuxième producteur mondial: entre 2 et 4 millions de tonnes/an derrière l’Afrique du Sud. COMILOG Gabon: évolution de la production du manganèse entre 2001 et 2010 Ville de Moanda Zone d’exploitation Du manganèse Moanda: localisation du plateau Bagombé Conséquences de l’exploitation du Mn sur l’environnement: 1.Transformations paysagères : - La présence des excavations non réhabilitées. Ces structures en forme des trous de gruyères sont de véritables taches dans le paysage du plateau Bagombé autrefois totalement couvert par la savane où la forêt relique; Exemple d’excavation creusée par des Bulldozers et des Draglines - l’omniprésence des terrils non réhabilités depuis près de 40 ans pour certains. Ces terrils forment un moutonnement de cônes de déjection en forme de pain de sucre haut de plus de 10 m qui dénaturent totalement l’allure du paysage; Chapelet de terrils Usine COMILOG - la désorganisation hydrographique. Le cas principalement de la Moulili dont le chenal autrefois régulier s’est transformé en chenal diffus ou tressé; - la transformation de la majorités des confluents de la Moulili en marécage; Lacs générés par le rehaussement du lit de la Moulili - l’appauvrissement des sols. Anciennement arables et végétalisés, les sols exploités sont désormais stériles ou presque, à cause du décapage des terres végétales. Ces sols subissent le phénomène de rhexistasie anthropique c’està-dire la difficulté qu’éprouve la végétation à se reconstituer sur un terrain post-minier malgré d’importantes précipitations à l’année (1800 mm/an); Paysage postminier sur le plateau Bagombé - le ravinement des terrils et des flancs de collines; 2. La pollution ou les nuisances environnementales - L’envahissement de Moanda par des poussières qui s’échappent des carrières de la COMILOG. Ces poussières sont causées par la circulation des Dumpers, le concassage du minerai et le nettoyage de la gangue à la laverie. Elles sont aussi dégagées par la circulation routière, d’autant que des routes non asphaltées sont par endroit recouvertes des stériles du manganèse; Brume de poussière au dessus de Moanda Aires de propagation des poussières dégagées par l’exploitation du manganèse - l’abondant des déchets hétéroclites sur les zones exploitées; Exemple des déchets sur le plateau: le tapis usé du convoyeur de Mn - la pollution de la Moulili sur l’ensemble du continuum. Cette pollution est la conséquence de la sédimentation du cours d’eau à partir des fines boueuses du manganèse venant de la laverie de la COMILOG située presque à la source du cours d’eau; Vue panoramique du grand terril à la laverie de la COMILOG Grand terril de la laverie COMILOG Moanda Dévalement des fines boueuses sur le continuum de la Moulili amont aval Envasement accéléré de la Moulili par des fines boueuses Pont sur la Moulili envasé par des fines boueuses du manganèse - Ce tablier submersible, en cas de crue dévastatrice, se situait à l’époque de sa construction à plus de 10 m des eaux; - la dégradation de la flore rivolaire soumise à la sédimentation quotidienne du cours d’eau ; - la pollution de la faune aquatique par des composants manganésifères (bioaccumulation); - la pollution de la nappe phréatique par l’infiltration des composants manganésifères et quelques métaux lourds tels que le mercure, l’uranium… B- L’uranium - Connu pour ses propriétés en radioactivité, l’uranium est un métal lourd, un élément naturel en abondance (48 e élément naturel). Il sert de base à la production de l’énergie nucléaire et à la fabrication des bombes atomiques; - À Mounana, son exploitation s’est faite en carrière (carrière de Mounana, Oklo) puis en galerie (Oklo, Boyindzi…) depuis 1961 jusqu’à 1999 date de fermeture de l’usine suite à l’ épuisement supposé du minerai; - l’exploitation de ce gisement fut assurée par la Compagnie des Mines d’Uranium de Franceville (COMUF), filiale du groupe COGEMA (Aujourd'hui groupe AREVA). Blocs du minerai d’uranium Clichés JKAT, carrière Mounana, mai 2011 - À l’image du manganèse, l’activité uranifère est à l’origine d’une crise environnementale dont les effets dévastateurs sont doublement ressentis : on note des mutations paysagères et des nuisances environnementales présence de la clairement radioactivité ambiante. marquées Ce par la dérèglement environnemental constitue l’un des désastres écologique majeur dans la région: Conséquences de l’exploitation d’uranium sur l’environnement 1. Les mutations paysagères - Le creusement de bassins de décantation et des carrières d’extraction du minerai ont fortement métamorphosé le paysage. Ces crevasses sont aujourd’hui considérées comme des lacs artificiels occupant des grandes superficies; - la Transformation du cours d’eau Ngamaboungou en un canal exigu. Paysage de Mounana dominé par la tram bleu lacustre Ville de Mounana - Exploitation d’uranium, un ancien bassin de décantation interdit à la baignade, pêche et toute autre activité en raison de la présence dans l’eau des déchets d’uranium; Transformation du lit de la Ngamaboungou sur plus de 50 hectares - La canalisation abusive de la Ngamamboungou, un préjudice majeur porté sur le cours d’eau dont le lit mineur et majeur ont été structurellement transformés; - Les conséquences les plus désastreuses restent la pollution. Une pollution invisible, silencieuse et incolore, traduite par la présence de la radioactivité anormalement élevée dans les forêts voisinantes, les cours d’eau et même dans la plupart des bâtiments habités par des anciens miniers. - Pour en être plus précis, le documentaire tourné par un journaliste reporteur, Dominique Hannequin, apporte un éclairage consternant sur le vécu quotidien de la population de Mounana: Documentaire: Uranium, l’héritage empoisonné Sites: http://vimeo.com/8547737 ou sur You tube