Illuminations de Rimbaud « Aube » __________________________________________________________________________________________ Texte : J'ai embrassé l'aube d'été. Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom. Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins: à la cime argentée, je reconnus la déesse. Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. À la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais. En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois. Au réveil il était midi. Arthur Rimbaud, Illuminations, 1886 Éléments d’introduction et contexte : Rimbaud : - poète révolté du 19ème siècle - commence à écrire très jeune - a une relation avec Verlaine Illuminations : - probablement écrit en 1872 et 1875 - publié par Verlaine après la mort de Rimbaud en 1886 « Aube » : - raconte la nature au moment où la nuit bascule vers le jour Construction du texte : Poème en prose (7 courts paragraphes) Les procédés rhétoriques et leur interprétation : Procédés Nombreuses occurrences de la première personne « je » (x10) Passé composé « ai embrassé » (l.1) Interprétations D’ailleurs le poème s’ouvre sur cette première personne. Un récit autobiographique. La première ligne semble résumer la promenade. Signal l’action révolue + indice temporel dans le complément du nom « d’été ». Montre l’ancrage précis dans la réalité. Organisation chronologique marquée par « encore » (l.2), « première » (l.5), « alors » (l.9) et « au réveil » (l.15) Les temps des verbes sont ceux du récit : « bougeait » (l.2), « était », (l.2), « quittaient » (l.3) (imparfait), « ai embrassé » (l.1) (passé composé) et « regardèrent » (l.4) (passé simple) CL de la nature omniprésent et riche « eau » (l.2), « pierreries » (l.4), « sentier » (l.5), « sapin » (l.7), « fleur » (l.6), « coq » (l.10), « bois » (l.14), « lauriers » (l.12) Présence d’une ville « route » (l.3), « palais » (l.2), « clochers » (l.10), « dôme » (l.11), grand’ville » (l.10), « quais » (l.11) Métaphore « l’eau était morte » (l.2) + périphrase « camps d’ombre » (l.2-3) + hyperbole « rien ne bougeait » (l.2) « frais et blêmes éclats » (l.5), « Wasserfall blond » (l.7), « cime argentée » (l.7) + métaphore « les haleines vives et tièdes » (l.3-4) + verbes d’action « regardèrent » (l.4) et « se levèrent » (l.4) « J’ai embrassé l’aube d’été » (l.1) Métaphore « palais » (l.2) Métaphore « Wasserfall blond » (.7) « je l’ai dénoncée au coq » (l.10), « je la chassais » (l.11) et « je l’ai entourée » (l.12) CL de la relation amoureuse « embrassé » (l.1), « je levais un à un les voiles » (l.9) (métaphore du déshabillage ?) « chassais » (l.11) (métaphore de la quête amoureuse ?), « entourée » (l.12) (métaphore de l’étreinte ?), « senti un peu Progression logique de la promenade. L’imparfait indique le cadre dans lequel l’action va se dérouler. Il y a une progression dans la promenade. Ce sont peut-être des métaphores pour désigner la nature ? Opposition entre la nuit et le jour pour bien décrire le réveil et le changement d’état. La nuit est associée à l’inertie. Le jour est associé à la lumière et au mouvement. Il y a des jeux de lumière dans le paysage. La première phrase résume alors l’histoire entre l’aube et le poète, comme un fait de guerre affiché. La métaphore peut désigner son habitat, un habitat royal donc. La cascade peut symboliser sa chevelure d’autant que le « Wasserfall » est associé à l’adjectif surprenant au demeurant « blond ». Personnification de l'aube en déesse : le mot « déesse » (l.8) est employé explicitement et elle devient l’objet de sa quête puisqu’elle est le COD (de ces phrases). L’adolescent poursuit l’aube, représentée sous les traits d’une déesse farouche et réussit au terme de sa course folle à l’enserrer. Le complément du nom « de lauriers » (l.12) sous entend une victoire, le poète à conquérir la déesse et en reçoit donc les lauriers. son immense corps » (l.13) Allitération en [l] « alors », « levai », « voiles », « l’allée », « la plaine » (l.9) Le terme « enfant » (l.13) « Au réveil il était midi » (l.15) Beaucoup de lieux différents « route » (l.3), « bois » (l.3), « plaine » (l.9), « grand’ ville » (l.10), « bois de lauriers » (l.12) Métaphore hyperbolique « palais » + métaphore luxueuse « quais de marbre » (l.11), « cime argentée » (l.7) Pluriels « clochers » (l.10), « dômes » (l.11), « quais » (l11) Terme archaïque « grand’ ville » (l.10) CL du vivant « front » (l.2), « haleine » (l.3), « regardèrent » (l.4), « pierreries » (l.4), « corps » (l.13), « voiles » (l.12) Allitérations en [v] et [f] « wasserfall » (l.7), « fleur » (l.6), « échevela » (l.7), « fuyait » (l.10), « ville » (l.10), « voiles » (l.12) « J’ai marché » (l.3) + participe présent « réveillant » (l.3) « une fleur me dit son nom » (l.6) « Je ris au wasserfall blond qui s’échevela » (l.7) Insiste sur l’aspect rapide et léger de la course, comme s’il s’agissait d’un vol. Suit directement l’expression de l’étreinte marque déjà un tournant, associant la déesse à une mère mais surtout ramenant le poète à son âge juvénile. Au moment où tous deux, enlacés, tombent, c’est le réveil. Cette chute qui suggère la fin du rêve est brutale bien qu’annoncée précédemment dans le verbe « tombèrent » (l.13). Elle suggère l’écart entre les désirs du poète et la réalité. Impossibilité physique de tous les traverser. Ville représentée sous un jour mélioratif => Conte de fée Souligne la richesse de cette ville. Utilisé au Moyen Age et surtout dans les contes de fées. Ce CL est appliqué à des éléments naturels. Créent une impression de légèreté, d’éléments naturels voletant dans le vent. Mise en parallèle de sa marche et du réveil de la nature. Il a des pouvoirs magiques puisqu’il réveille la nature. Il communique avec la nature. Il ne révèle pas son nom, comme détenteur d’un secret. Cette communication paraît volontaire et recherchée comme le signale l’emploi troublant du terme « entreprise » (l.5) Il est capable de déclencher une cascade par son rire puisque le verbe écheveler est subordonné au verbe rire.