CARBOXYHEMOGLOBINE CARBOXYHEMOGLOBINE DEFINITION ET SYNONYMES La carboxyhémoglobine (HbCO) est un complexe formé entre l’hémoglobine et le monoxyde de carbone (ou oxyde de carbone, CO). Le monoxyde de carbone est un gaz incolore, inodore et insipide, de densité voisine de celle de l’air, peu soluble dans l’eau et assez soluble dans certains solvants organiques tels que l’acétate d’éthyle ou l’éthanol. Il est produit lors de la combustion incomplète de substances carbonées (moteurs à explosion ou chauffages d’appoint ou chauffe-eau mal réglés, fumées d’incendie, tabagisme) et peut se dégager dans de nombreuses opérations industrielles (métallurgie, industrie chimique). C’est un polluant fréquent de l’atmosphère des grandes villes dont la concentration dépasse fréquemment 20 ppm. Le monoxyde de carbone est un gaz extrêmement inflammable qui peut former des mélanges explosifs avec l’air. Chez l’homme, le monoxyde de carbone est absorbé par voie pulmonaire et se fixe à 80 – 90 % sur l’hémoglobine avec une affinité environ 200 fois supérieure à celle de l’oxygène, formant un complexe stable mais réversible, la carboxyhémoglobine. Vingt pour cent du monoxyde de carbone se fixe à la myoglobine, 1% aux cytochromes et catalases. Le monoxyde de carbone traverse les barrières placentaire et méningée. La concentration en carboxyhémoglobine augmente rapidement dès le début de l’exposition et jusqu’à la troisième heure suivant le début de l’intoxication, puis atteint un plateau à la huitième heure. L’élimination se fait essentiellement par voie pulmonaire : après arrêt de l’exposition, la concentration en carboxyhémoglobine décline avec une demi-vie de 3 à 5 heures. BIOPATHOLOGIE L’intoxication par le monoxyde de carbone constitue la première cause de décès par intoxication en France et dans la plupart des pays occidentaux. On estime le nombre d’intoxications en France à environ 8 000 cas annuels. L’intoxication oxycarbonée constitue un problème de santé publique et fait l’objet de réseaux de surveillance régionaux associant les différents acteurs de santé (services d’urgence, pompiers, laboratoires…). La symptomatologie des intoxications suraiguës ou massives associe paralysie des membres, coma, convulsions et évolue rapidement en l’absence de traitement vers le décès. En revanche, l’intoxication aiguë ou subaiguë se manifeste par une symptomatologie fonctionnelle banale et variable, associant des nausées et des vomissements pouvant simuler une intoxication alimentaire, à de violentes céphalées avec battements temporaux. Une asthénie, des vertiges, des troubles de l’humeur et du comportement peuvent être observés. L’électrocardiogramme met en évidence des troubles de la repolarisation. Des séquelles neurologiques (syndrome de Meynière, réduction des capacités intellectuelles, troubles de la personnalité et du comportement…) réversibles ou non, ainsi que des séquelles cardiaques, peuvent être rencontrées. L’importance de ces séquelles est en rapport avec la gravité et la durée de l’intoxication. Les signes d’appel d’une intoxication chronique sont proches de ceux d’une intoxication subaiguë débutante (céphalées, vertiges, asthénie, parfois troubles digestifs). Le monoxyde de carbone est très foeto-toxique et peut conduire à la mort du fœtus ou à de graves séquelles neurologiques en cas d’intoxication grave de la mère. INDICATIONS DU DOSAGE Le dosage de la carboxyhémoglobine chez les travailleurs exposés permet d’apprécier l’importance de l’exposition (du jour même de l’exposition) si l’exposition est relativement constante. Il existe une assez bonne corrélation entre les concentrations atmosphériques de monoxyde de carbone et les concentrations sanguines de carboxyhémoglobine, ainsi qu’entre ces dernières et le risque pour la santé. Le dosage du monoxyde de carbone sanguin est nécessaire pour la reconnaissance en maladie professionnelle au titre du TRG n° 64. Le monoxyde de carbone sanguin et le taux de carboxyhémoglobine sont reliés par la formule suivante : HbCO (%) = taux de CO sanguin (ml/100 ml) x 100/1,39 x concentration en hémoglobine (g/100 ml) On peut aussi mesurer le monoxyde de carbone dans l’air expiré des sujets exposés, de manière non invasive à l’aide d’appareils à lecture directe. Ce paramètre est également bien corrélé à l’exposition du jour même à l’oxyde de carbone. Le taux de carboxyhémoglobine est relié au taux de monoxyde de carbone dans l’air expiré selon la formule : HbCO (%) = CO dans l’air expiré (ppm) x 0,00115 La mesure du taux de carboxyhémoglobine est utilisée en cas d’intoxication accidentelle ou volontaire pour apprécier l’importance de l’intoxication du patient et décider de sa prise en charge. En revanche, le dosage a peu d’intérêt dans le suivi des patients, le diagnostic une fois établi. Il est à noter que le dosage de la carboxyhémoglobine peut aussi être utile dans le suivi de l’intoxication par le dichlorométhane (ou chlorure de méthylène) dont la métabolisation produit du dioxyde de carbone et du monoxyde de carbone, conduisant à une intoxication © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 1/2 CARBOXYHEMOGLOBINE prolongée. Dans ce cas, la demi-vie carboxyhémoglobine est très allongée. de la RECOMMANDATIONS PREANALYTIQUES PRELEVEMENT Les prélèvements sont effectués sur anticoagulant de type EDTA ou héparinate de lithium (sang total). L’utilisation de fluorure de sodium peut permettre de minimiser la production in vitro de CO par une éventuelle contamination bactérienne. Chez les travailleurs exposés, le prélèvement doit être effectué au moins trois heures après le début de l’exposition, et dans les 15 minutes qui suivent l’arrêt de l’exposition. En cas d’intoxication accidentelle ou volontaire, le prélèvement est effectué au moment de la prise en charge par les services d’urgence. QUESTIONS A POSER AU PATIENT Quelle est la nature de l’exposition professionnelle ? A quel moment le prélèvement est-il réalisé par rapport à la période d’exposition professionnelle ? Le patient est-il exposé au chlorure de méthylène ? Le patient est-il fumeur ? Le patient vit-il dans un environnement dans lequel la pollution atmosphérique est importante ? CONSERVATION ET TRANSPORT Les prélèvements ne se conservent que quelques heures à + 4 °C. METHODES DE DOSAGE La méthode la plus couramment utilisée est la spectrophotométrie. Il est également possible de recourir à la chromatographie en phase gazeuse, une méthode électrochimique ou la spectrométrie infrarouge. VALEURS DE REFERENCE La valeur de référence de la carboxyhémoglobine dans la population générale est < 1 % chez les non-fumeurs ; cette valeur peut atteindre 5 à 10 % chez les fumeurs de un à trois paquets par jour. En fin de poste, la valeurguide française est < 3,5 %, identique à celle retenue en Amérique du Nord, aux Etats-Unis ou au Québec, mais différente de la valeur guide définie en Allemagne (< 5 %). En ce qui concerne l’oxyde de carbone, la valeur de référence dans la population générale est < 0,4 ml/100 ml chez les non-fumeurs (< 2 ml/100 ml chez les fumeurs de 1 paquet par jour). La valeur-guide française est de 0,7 ml/100 ml immédiatement en fin de poste. VARIATIONS PHYSIOPATHOLOGIQUES La relation entre le degré d’intoxication et les signes cliniques observés est résumée dans le tableau I. HbCO en % Signes cliniques 0,4 à 0,7 Néant (taux retrouvé en général chez les individus non-fumeurs au niveau de la mer) Néant (taux retrouvé en général chez les individus non fumeurs en ville) Néant (taux retrouvé en général chez les fumeurs, ce taux se normalise après environ 12 heures de respiration à l'air libre) Céphalées et troubles respiratoires Intoxication sérieuse 1à2 5à7 10 35 50 Intoxication sévère - mort possible surtout en cas de circonstances aggravantes (enfant ou pathologie respiratoire) 66 Coma, mort Tableau I : Relation entre le degré d’intoxication (taux de carboxyhémoglobine) et les signes cliniques observés chez les patients intoxiqués (d’après Fiche de toxicologie n° 140 – Oxyde de carbone; Société française de toxicologie analytique; www.sfta.org). L’interprétation des résultats doit tenir compte d’un tabagisme associé, du degré d’exposition à la pollution atmosphérique, de l’existence d’une oxygénothérapie préalable et d’une exposition éventuelle au chlorure de méthylène ou d’une hémolyse. Une exposition à 50 ppm de chlorure de méthylène entraîne 1,5 à 2,5 % d’HbCO en fin de poste chez un non-fumeur. POUR EN SAVOIR PLUS Mathieu-Nolf M., Lhermitte M., Mathieu D., Monoxyde de carbone, Traité d’Encyclopédie Médico-Biologique, 2003. www.bio-consulte.com Fiche Biotox, Oxyde de carbone sanguin. www.inrs.fr Fiche Biotox, Carboxyhémoglobine. www.inrs.fr Fiche toxicologique, Oxyde de carbone n° 47. www.inrs.fr Bartoli M., Berny C., Danel V., et al, Recommandations pour la prescription, la réalisation et l’interprétation des examens de biologie médicale dans le cadre des intoxications graves, Ann Biol Clin 2012 ;70(4) :431-50. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 2/2