Soigner une carie sans fraise en 2009 Dr Catherine Chaussain –Paris Pendant de nombreuses années, le chirurgien-dentiste soignait davantage les conséquences que les causes de la maladie carieuse. Très souvent, il intervenait de manière chirurgicale, au dernier stade, lorsqu’il observait une cavité dans la dent. Aujourd’hui grâce aux progrès de la dentisterie moderne, il est scientifiquement prouvé qu’en suivant des mesures simples de prévention, associées à une détection précoce des lésions carieuses, le patient peut éviter l’intervention invasive, autrement dit « la fraise » ! Une nouvelle approche en cabinet dentaire pour soigner les caries « sans fraise » ! Pour lutter contre la carie dentaire et éviter une intervention chirurgicale, les chirurgiensdentistes adoptent une nouvelle approche du patient ainsi qu’une nouvelle technique de dépistage. La maladie carieuse a pour origine l’attaque de nos dents et en particulier de l’émail par les bactéries cariogènes de la plaque dentaire. Ces bactéries se propagent lorsque l’équilibre bucco-dentaire est perturbé et agissent de manière lente. Le cycle de formation d’une cavité carieuse est relativement long et permet ainsi au praticien de renverser le processus. Certaines personnes sont plus concernées que d’autres par la carie comme les enfants, les adolescents, les personnes âgées… Dans un premier temps, le chirurgien-dentiste doit évaluer le risque carieux chez le patient en mettant en évidence les différents facteurs de risque à l’origine de la maladie : - l’hygiène bucco-dentaire - l’alimentation et notamment l’apport de sucre qui constitue le principal carburant des bactéries cariogènes, - la santé générale qui peut interagir avec sa santé bucco-dentaire, - les médications qui peuvent fortement affecter le débit salivaire, - l’état dentaire général avec présence ou non de restaurations et prothèses, d’édentements non compensés, de maladie parodontale ou d’un appareillage orthodontique. Dans un deuxième temps, il s’agit de dépister les lésions carieuses. C’est à ce stade que l’approche est nouvelle. L’idée est de dépister les caries le plus tôt possible afin de les arrêter. La sonde, habituellement utilisée pour dépister des lésions cavitaires, apparaît dangereuse pour détecter les caries à un stade très précoce. La pression importante exercée risque de provoquer l’effondrement de l’émail déminéralisée fragile, qui aurait pu être conservé. Il est donc préférable que le praticien utilise la vision et non le toucher pour détecter les lésions carieuses précoces. La vision doit être optimale grâce à un éclairage performant et un séchage des surfaces dentaires adéquat. Le spray d'air passé systématiquement sur toutes les surfaces dentaires permet de révéler la présence de « White spot » (caries débutantes), tâches blanches et crayeuses caractéristiques des caries. Pour affiner le dépistage des lésions carieuses, le chirurgien-dentiste peut effectuer des radiographies dites rétro-coronaires. Après avoir identifié l’existence de lésions carieuses, le praticien complète éventuellement son analyse par : - un bilan bactérien pour connaître la quantité de bactérie dans la bouche afin d’adapter le traitement stoppant leur développement et ramener le taux à un niveau n’induisant pas de risque carieux. - un test salivaire, car la quantité de salive joue un rôle important dans l’équilibre buccodentaire L’ensemble de ces analyses réalisées à un stade précoce de la carie, peuvent éviter à tous patients l’intervention de « la fraise » si elles sont complétées par des mesures de soins simples à mettre en place. La première mesure possible réalisée en cabinet, selon le stade des lésions carieuses est le nettoyage et le scellement des sillons apparus pour éviter toute propagation de la bactérie. Les sillons, échappant à la fois au brossage et aux propriétés anti-carieuses de la salive sont souvent des refuges idéaux pour les bactéries et les débris alimentaires. Par la suite, le patient doit consolider son émail et limiter le risque carieux grâce à un apport en fluor adapté, un brossage efficace et quelques règles alimentaires. Récemment, une nouvelle méthode basée sur les propriétés infiltrantes de nouvelles résines permet sans douleur et sans fraise d’étanchéifier les caries débutantes des faces lisses. L’apport de fluor pour renforcer l’auto-défense des dents Scientifiquement prouvés, le fluor apporté par les dentifrices (et gels, vernis, bain de bouche) a un effet double contre les caries : il limite la déminéralisation (l’action des bactéries) et facilite la reminéralisation (« cicatrisation » des lésions carieuses). Il renforce l’émail de nos dents petit à petit dissoutes par les l’attaque répétée des bactéries. Selon le risque carieux du patient, la dose recommandée sera plus ou moins importante. Dans la majorité des cas, l’utilisation quotidienne d’un simple dentifrice fluorée suffit. Il est primordial de souligner que les recommandations et les prescriptions données au patient concernant l’apport en fluorures devront être élaborées en fonction de son âge et de son risque carieux. Le consensus actuel étant d’augmenter l’intensité de la fluoration topique avec le risque carieux du patient (Cf Recommandation AFSSAPS 2008). Avant toute prescription ou recommandation, un bilan fluoré soigneux devra être effectué par le chirurgien-dentiste. Chez un patient adulte en bonne santé et présentant un risque carieux modéré, l’utilisation biquotidienne d’un dentifrice fluoré suffit à prévenir la formation de lésions. Chez un patient à risque élevé, développant ou susceptible de développer des lésions carieuses, la fluoration topique doit être intensifiée : un dentifrice à haute teneur en fluorures ou au fluorure d’amines doit être prescrit ; d’autres vecteurs de fluoration sont à utiliser selon la situation, tels que vernis, solutions de rinçage et les bâtonnets imprégnés de Fluorures d'amine. Chez un patient au débit salivaire insuffisant (hyposialie), il est conseillé d'utiliser régulièrement des des chewing-gums édulcorés au xylitol et dans le cas d’hyposialie plus sévère, le praticien prescrira un substitut salivaire (SST, Surafalem S25, Syaline spray, Artisial…). Les hyposialies sévères doivent être compensées par des fluorations intenses à l’aide de gel fluoré appliqué au moyen de gouttières. Chez la personne âgée, les dentifrices aux fluorures d’amines, efficaces dès 1250ppm de fluorures semblent être un bon compromis. L’association des fluorures avec d’autres molécules actives, chlorhexidine, xylitol ou ammonium quaternaire pourrait permettre de pallier les insuffisances du brossage. Mais surtout, le brossage doit être associé à de fréquents nettoyages professionnels des surfaces et à l’application biannuelle de vernis fluorés dans la mesure du possible par le chirurgien-dentiste. Chez l’enfant, les fluorures systémiques agissent pendant la phase pré-éruptive, la structure initiale des tissus dentaires est sous dépendance génétique et peut induire une susceptibilité plus ou moins importante de la dent à la carie. Il est acquis que l’exposition de la dent aux fluorures pendant sa phase de maturation détermine la résistance des tissus dentaires aux acides bactériens, mais c’est principalement l’environnement post-éruptif qui conditionne les interactions dent- milieu buccal. (cf recommandation AFSSAPS 2008). Eliminer la plaque dentaire en un coup de brosse Le développement des bactéries cariogènes a lieu dans les niches où la croissance de la plaque n’est pas perturbée. La technique de brossage est donc essentielle, des gestes inadaptés pouvant être traumatisants pour la gencive et les dents. Il faut bannir les mouvements horizontaux, inefficaces et souvent exercés avec une pression excessive, qui endommagent le collet des dents plus fragile. Le geste correct doit se faire de la gencive vers la dent, soit du rose vers le blanc. Il s’agit de placer la brosse contre les dents avec un angle de 45 degrés, afin que les poils se situent à la jonction entre les dents et la gencive. Chaque face de chaque dent doit être nettoyée. Une répétition du mouvement 8 fois par face est préconisée. Le temps de brossage doit être de deux à trois minutes. Le brossage manuel demande tout de même une bonne dextérité, selon les aptitudes du patient on pourra lui conseiller l'achat d'une brosse à dent électrique. L’alimentation, un facteur important dans la lutte contre les caries Le chirurgien-dentiste se doit de rappeler les mesures élémentaires concernant l’alimentation. Les rythmes alimentaires doivent être respectés. Les enfants ne doivent pas manger en dehors des quatre repas traditionnels. Même si l'enfant a peu mangé au cours d'un repas, il est important de ne pas céder à sa demande éventuelle de grignotage et lui demander d'attendre le repas suivant s’il réclame. L'équilibre nutritionnel doit être assuré. Les glucides complexes et les fibres seront privilégiés aux dépens des lipides et des glucides simples. L'appétence innée des enfants pour les aliments riches en graisses et en sucres justifie une éducation prolongée pour être efficace. Les boissons sucrées doivent être réservées au petit-déjeuner ou au goûter, l’eau doit être la seule boisson au déjeuner ou au dîner.