Bulletin d’Information - Hiver 2014-2015 « Connaître et Combattre les Myélodysplasies » Association régie par la loi de 1901 LES QUESTIONS QUE NOUS SOUHAITONS POSER À NOS MÉDECINS Si vous étiez déjà adhérent(e) de notre association en septembre 2013, vous avez pu participer à cette date à une enquête destinée à recueillir votre avis sur les questions les plus pertinentes à poser à votre médecin au cours de la prise en charge de votre myélodysplasie. Une équipe de chercheurs de l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) et de l’université d’AixMarseille avait développé, en collaboration avec CCM, une série de plus de cinquante questions. Il s’agissait, grâce aux réponses des adhérents, d’établir une liste raccourcie et efficace qui pourrait servir d’aide-mémoire aux patients lors des consultations médicales. Vous trouverez dans ce bulletin des premières analyses. L’enquête a été menée en parallèle en France et en Australie, grâce à l’implication de l’Université de Sydney et de la Leukaemia Foundation Australia qui regroupe en son sein notamment des patients atteints de myélodyplasie ainsi que leurs proches, comme le fait CCM pour la France. Ceci permet d’établir une comparaison entre les attitudes et les comportements des patients de deux pays très éloignés par la distance, mais par ailleurs proches par leur niveau de développement économique, social et médical, proches en particulier dans l’éventail des traitements mis à disposition des malades et des médecins pour faire face à la myélodysplasie. L’enquête a été organisée et coordonnée par le Dr Julien Mancini. Le Dr Claire Julian-Reynier et le Pr Norbert Vey ont participé à la définition des objectifs et à la sélection initiale des questions. Le questionnaire a été rédigé en anglais avec l’aide du Pr Phyllis Butow puis traduit en français. Rebecca Dring s’est chargée de relire le questionnaire et des envois pour l’Australie. Najoua Guelmani s’est occupée des aspects logistiques et des entretiens pilotes. L’enquête a été financée en France par le Cancéropôle PACA et en Australie par le CeMPED (Centre for Medical Psychology and Evidence-based Decision-making). Vous avez été nombreux à répondre à l’enquête, témoignant de l’attention que vous avez portée à cette initiative de médecins et de chercheurs soucieux que s’établissent les meilleures relations possibles entre soignants et soignés. Vous avez été plus de 200 à retourner votre questionnaire en France (soit près de la moitié de ceux l’ayant reçu) et près de 150 en Australie. L’étude peut ainsi s’appuyer sur l’information fournie par plus de 300 patients et plus de 50 proches de patients. Nous présentons ici quelques résultats. Dans un premier temps, nous nous attachons à l’utilité que vous voyez à disposer d’une telle liste de suggestions de questions pour dialoguer avec vos médecins. Dans un second temps, nous en viendrons aux questions à faire figurer en priorité sur cette liste. De l’intérêt d’une liste aide-mémoire… Vous êtes plus de six sur dix à considérer l’initiative d’une liste aide-mémoire comme tout à fait utile. Vous êtes un(e) sur dix d’un avis contraire, à penser que cette liste n’est pas vraiment, voire pas du tout, utile. C’est une petite minorité, mais ce n’est pas négligeable. D’autant que trois sur dix portent un avis mitigé (‘un peu utile’ ou ‘ne sais pas’). Par ailleurs vous êtes au moins deux sur dix à craindre que la liste de questions puisse perturber la discussion avec le médecin, ne serait-ce qu’un peu. Au sommaire : Questions à nos médecins, p. 1 ; Intérêt d’une liste, p. 1 ; Pour ceux qui le souhaitent, p. 2 ; Les questions essentielles, p. 3 ; Celles qui le sont moins, p. 4 ; Patients français et australiens, p. 4 Bulletin d’Information - Hiver 2014-2015 Les avis sont donc globalement positifs, sans être tranchés. Comme la question se référait explicitement au moment du diagnostic de la maladie, vous êtes nombreux à souligner la difficulté de la situation et l’utilité qu’il y a à bénéficier d’un soutien dans un contexte difficile. Par exemple : « Je pense que c’est utile : lors du diagnostic, on arrive pas à penser à toutes les questions (cela vient après la consultation) la liste peut donner un fil conducteur. » « Je pense que cela serait nécessaire, nous sommes tellement sous le choc et dans l’ignorance de cette maladie, qu’il est impossible de penser à toutes ces questions. » « La maladie est un sujet encore un peu tabou : il y a déjà le choc de l’annonce du diagnostic et puis lors des consultations on se dit toujours que le médecin est pressé, qu’il a surement mieux à faire que de répondre aux interrogations. » Mais déjà, ce dernier enquêté élargit le propos : Une liste n’est pas seulement utile au moment de l’annonce du diagnostic, mais plus généralement dans le cadre contraint de la consultation médicale, souvent trop rapide, où l’échange a du mal à s’établir. Par exemple, ces autres patients : « Nous avons besoin de plus d’information sur notre maladie…mais les médecins ne veulent sans doute pas trop s’engager, car le SMD n’agit sans doute pas de la même façon d’un malade à un autre. » « Demander le pronostic est difficile ; bien souvent le médecin, on le sent, ne peut répondre. » « Je n’ai pas pu aborder les difficultés concernant ma vie professionnelle et me faire aider – pas d’écoute, pas de conseil. » « La difficulté n’est peut-être pas tant dans le fait de poser la question mais dans la réponse qui peut paraître incomplète ou un peu lapidaire parfois. » … pour ceux qui le souhaitent Quand le questionnaire traite des relations patientsmédecins, parfois difficiles à établir, les réponses sont souvent hésitantes. Seuls trois patients sur dix disent avoir déjà eu des difficultés à poser des questions à leur médecin, mais ils sont sept sur dix qui auraient préféré plus d’information sur le pronostic de leur myélodysplasie, un point clé sur lequel nous reviendrons. Et parmi ceux qui ont eu ces difficultés, 45 % s’en attribuent la responsabilité contre 15 % qui l’attribuent au médecin et 40 % qui laissent prudemment les torts partagés. Timidité verbale ? Ambiguïté du désir de savoir ? Dans tous les cas, certains préfèrent limiter leurs questions et d’autres comprennent ceux qui le font. Par exemple : « Concernant le patient il y a ceux qui veulent savoir ce qui leur arrive (c’est mon cas) et ceux qui ne le souhaitent pas. Me concernant, mon mari et mes enfants souhaitaient savoir et comprendre. » « Certaines questions amènent des réponses qui peuvent faire peur ; parfois je préfère ne pas trop savoir (politique de l’autruche). Certaines questions sont adaptées à des cas bien précis. Pour ma part, je ne prends aucun traitement pour le moment, il m’est difficile de savoir comment je réagirai lorsque cela m’arrivera... » Un des buts majeurs de CCM a toujours été d’apporter l’information la plus fiable sur la maladie à ceux qui souhaitent la recevoir. Nous sommes conscients que nous ne sommes pas tous désireux de « tout savoir » sur notre maladie et ses traitements. Aussi peut-il être utile à l’action de notre association de savoir qui sont les uns et qui sont les autres, pour mieux connaître les besoins des uns et ceux des autres. Dans une enquête menée en 2008, auprès du petit nombre d’adhérents de l’époque des premiers temps de CCM, il nous était apparu que la recherche d’échanges sur leur maladie était surtout le fait des personnes les plus anxieuses, que ce soit auprès de leur famille et leurs proches ou avec leurs médecins ou d’autres malades. « Les échanges sont clairement associés au moral des enquêtés, les plus inquiets recherchant avec intensité le dialogue avec leurs proches aussi bien qu’avec les partenaires techniques que sont les médecins et les autres malades. Recherche affective d’un côté, d’information de l’autre, nourrie dans les deux cas par la préoccupation née de la maladie. Ceux qui ont une attitude plus détachée à l’égard de leur maladie en parlent moins autour d’eux. »1 Il sera intéressant de vérifier plus scientifiquement aujourd’hui cette impression d’hier. 1 Vivre avec la myélodysplasie. Une enquête auprès des adhérents, début 2008, document disponible sur le site de CCM, www.myelodysplasies.org (pour les adhérents ayant un identifiant et un mot de passe) Au sommaire : Questions à nos médecins, p. 1 ; Intérêt d’une liste, p. 1 ; Pour ceux qui le souhaitent, p. 2 ; Les questions essentielles, p. 3 ; Celles qui le sont moins, p. 4 ; Patients français et australiens, p. 4 Bulletin d’Information - Hiver 2014-2015 Des questions essentielles… Les questions que les patients ou leurs proches peuvent poser au médecin qui les suit pour leur myélodysplasie peuvent été regroupées autour de quatre thèmes : • Diagnostic et Examens. En deux parties, on passe en revue les aspects constitutifs de la maladie (cinq questions sur ce qu’est la myélodysplasie – est-ce un cancer ?, ses causes, le risque de transmission à sa famille), puis huit questions sur les examens qui permettent de diagnostiquer la maladie et de suivre son évolution. • Pronostic, évolution. Avec onze questions, c’est la partie la plus importante de la liste. Elle traite du devenir du patient, des conséquences prévisibles de la maladie (gravité, symptômes), de son éventuelle aggravation et des moyens pour y faire face. • Les traitements et leur prise. Dans une première partie, le patient interroge d’abord le médecin sur l’éventail des traitements possibles ou sur des traitements spécifiques, chimiothérapie, greffe de moelle osseuse (neuf questions). Il l’interroge ensuite sur la pratique de son traitement et ses éventuels effets secondaires (sept questions). S’y ajoutent trois questions sur les essais cliniques, comme un complément sur d’éventuels traitements encore expérimentaux. • Equipe soignante et soutien. Pour conclure, dix questions dont deux sur les soignants et les moyens de les contacter, puis huit pour identifier d’autres formes de soutien que ceux offerts par l’équipe médicale et d’autres aspects de la vie avec une myélodysplasie que ceux associés aux soins proprement médicaux. Quand on classe les cinquante trois questions qui étaient proposées par l’importance que les patients et proches leur ont accordée, on constate qu’elles relèvent de deux thèmes seulement parmi les quatre que nous avons distingués : le pronostic et l’évolution d’une part, les traitements d’autre part. A l’inverse, les questions portant sur le diagnostic et les examens d’un côté et les types de soutien autres que ceux fournis par l’équipe médicale ne figurent pas dans cette sélection des questions les plus importantes. C’est donc la catégorie Pronostic et évolution qui attire le plus l’attention des enquêtés. Cinq questions sur onze ont été jugées prioritaires dans le dialogue avec le médecin : • Quel est le risque que ma myélodysplasie devienne une leucémie ? • Est-ce que le traitement guérit la myélodysplasie ou simplement améliore les symptômes ? • Est-ce que ma myélodysplasie est grave ? • Que dois-je faire si des symptômes ou des effets secondaires apparaissent ou empirent ? • Quels sont les symptômes causés par ma myélodysplasie ? On reconnaît là des interrogations au cœur de nos préoccupations, de nos inquiétudes, de nos angoisses face à la myélodysplasie. Nous savons quelle est notre situation aujourd’hui et nous attendons du médecin qu’il nous parle de demain. Si les trois quarts des patients sont satisfaits de l’information qui leur a été donnée sur la maladie au moment du diagnostic, ils sont aussi une large majorité (les deux tiers) à avoir souhaité qu’on leur en dise plus sur le pronostic. Le sujet n’a été abordé précisément qu’une fois sur quatre et vaguement une fois sur trois. La plupart des enquêtés considère que c’est insuffisant, mais on notera une fois encore qu’une minorité non négligeable ne souhaite pas en savoir davantage. Le second thème essentiel concerne les traitements. Trois questions retiennent particulièrement l’attention : • Quel est à votre avis le meilleur traitement pour moi ? • Quels sont les avantages et inconvénients des différents traitements ? • Comment se passe le traitement ? c’est-àdire : combien de traitements ? à quelle fréquence ? pendant combien de temps ? Le sujet est abordé à la fois de façon générale pour une vue d’ensemble sur les traitements envisageables, comme pour se rassurer de leur multiplicité, mais surtout de façon spécifique, concernant « mon » traitement, et de façon concrète, concernant le déroulement du protocole de soins. Comme précédemment pour le diagnostic de la maladie, une information sur les traitements a déjà été donnée par l’équipe soignante, huit fois sur dix, mais il demeure essentiel pour la grande majorité des patients que la question puisse être traitée en consultation. Au sommaire : Questions à nos médecins, p. 1 ; Intérêt d’une liste, p. 1 ; Pour ceux qui le souhaitent, p. 2 ; Les questions essentielles, p. 3 ; Celles qui le sont moins, p. 4 ; Patients français et australiens, p. 4 Bulletin d’Information - Hiver 2014-2015 PATIENTS FRANÇAIS ET AUSTRALIENS Les patients des deux pays se ressemblent sur bien des points, qu’il s’agisse de leurs caractéristiques de base (sexe, âge, etc.), de leurs connaissances de la maladie ou de leurs relations avec leurs médecins. D’où l’intérêt de faire ressortir quelques différences. Les patients français et australiens diffèrent par leurs traitements. Ceux qui reçoivent un traitement susceptible d’agir sur le cours de leur maladie (vidaza, chimiothérapie ou greffe de moelle osseuse) sont plus nombreux en Australie qu’en France (50 % contre 33 %). A l’inverse, ceux qui font l’objet d’une simple surveillance ou qui reçoivent un traitement essentiellement symptomatique sont plus nombreux en France qu’en Australie : 22% contre 15 % pour la surveillance ; 45 % contre 34 % pour les traitements symptomatiques (transfusions, EPO, etc.). Peut-être les adhérents de l’association australienne sont-ils en moyenne des patients de plus haut risque que ne le sont les adhérents de CCM. Par ailleurs une batterie de questions en fin de questionnaire permettait de recueillir les réactions des enquêtés après le diagnostic de leur myélodysplasie. Il en a été tiré une mesure de l’anxiété des patients face à leur maladie. Les patients français apparaissent significativement plus anxieux que les australiens. Nous avons déjà noté lors des réunions d’information organisées par notre association l’importance capitale que les patients donnent aux traitements, pas seulement parce que c’est leur quotidien aujourd’hui, mais aussi parce qu’un panorama des possibles est une façon d’envisager l’avenir. A fortiori quand on parle des recherches en cours et des essais cliniques, ici regroupés au sein du même thème. … et d’autres qui le sont moins Un moindre intérêt est accordé aux questions concernant la maladie en général et son diagnostic, ainsi que les examens qui permettent de la déceler et de suivre son évolution. C’est sans doute à la fois parce que cette phase de familiarisation avec la maladie est déjà dernière nous, qui sommes installés depuis un temps dans notre pathologie, et parce que nous avons déjà posé la question à nos médecins ou que nous avons trouvé la réponse dans une brochure ou sur internet. Par ailleurs, prise de sang et hémogramme, ponction de moelle osseuse, myélogramme et caryotype, ces examens suscitent relativement peu d’interrogations, tant qu’il s’agit de questions générales sur ce qui est souvent devenu une routine. Mais il en va différemment quand on s’efforce de comprendre sa situation vis-à-vis de la maladie, de faire le point sur l’évolution de la pathologie : la question « Pouvez-vous m’expliquer le résultat de mes examens ? » est une de celles qui suscite le plus d’attention de la part des enquêtés, 9 sur 10 étant prêts à la poser à leur médecin. L’intérêt est également modéré sur les questions concernant le soutien que les patients et leurs proches peuvent trouver auprès de l’équipe soignante, au sens large. Sans doute les interrogations concernant assistance sociale, consultation psychologique ou conseil diététique sont-elles considérées comme marginales dans la cadre de la consultation médicale. Elles sont probablement réservées à d’autres interlocuteurs que le médecin spécialiste de la myélodysplasie. Ces premiers résultats sont une étape vers une meilleure compréhension de ce qu’attendent les patients dans leur dialogue avec leur médecin. Ils font apparaître aussi bien nos inquiétudes face au développement de la maladie que nos espoirs dans les traitements à notre disposition. Il sera important à l’avenir de partager l’analyse de ces attentes avec nos soignants pour qu’ils répondent au mieux à nos interrogations. COMMENT JOINDRE CCM Courrier au siège social : Association CCM 19 rue de l’Estrapade 75005 Paris Appels permanence téléphonique : 06 37 22 79 87 (le jeudi de 15 h à 19 h) Courrier électronique : [email protected] Site Internet : http://www.myelodysplasies.org Association CCM Président : Patrick Festy Vice-présidente : Sarah Jenny Secrétaire : Nicole Béquart Trésorière : Josyane Wurth Bulletin publié Avec le soutien institutionnel de Au sommaire : Questions à nos médecins, p. 1 ; Intérêt d’une liste, p. 1 ; Pour ceux qui le souhaitent, p. 2 ; Les questions essentielles, p. 3 ; Celles qui le sont moins, p. 4 ; Patients français et australiens, p. 4