Comment prescrire les produits sanguins labiles

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F i ctechnique
h e N°4
Comment prescrire
les produits sanguins labiles ?
Sous la responsabilité de leurs auteurs
Comment prescrire les produits sanguins labiles ?du
J.C. Vagner, CHU de Nancy-Brabois, service d’hémovigilance, Vandœuvre-les-Nancy
Fiche à détacher et à archiver
L
a gamme des produits sanguins labiles proposée aux cliniciens est extrêmement vaste, et ces derniers s'égarent
bien souvent dans le maquis des choix proposés.
Il faut garder en mémoire que la prescription se fait à partir
d'un produit de base (concentré de globules rouges, CGR, plaquettes, plasma), et qu’il importe de l’adapter aux besoins
transfusionnels du patient à l'aide de qualifications ou de transformations.
• Une qualification apporte des informations complémentaires
fournies par des examens biologiques réalisés sur le produit
lui-même :
- CMV négatif : le donneur, ne présentant pas d'anticorps antiCMV, est indemne d'infection à CMV ;
- phénotypé : en sus des antigènes du système ABO et de l'antigène D du système Rhésus, l'établissement de transfusion
réalise la recherche des antigènes C, c, E, e du système
Rhésus et l'antigène K du système Kell ;
- compatibilisé : un contrôle de compatibilité est effectué au
laboratoire entre le sérum du receveur et le produit cellulaire.
Les concentrés
de globules
rouges (CGR)
• Une transformation correspond à une modification physique
du contenu de la poche :
- déleucocytation : le concentré cellulaire est déplété des leucocytes par filtration. Cette transformation est devenue obligatoire depuis le 1er avril 1998, tous les CGR et les plaquettes
sont désormais déleucocytés d'emblée ;
- déplasmatisation : la majeure partie du plasma est éliminée
par des lavages successifs et le produit cellulaire est remis en
suspension dans une solution injectable ;
- irradiation : l'activité des lymphocytes est bloquée par une
irradiation entre 25 et 45 grays ;
- cryoconservation : le produit sanguin labile cellulaire est
conservé à basse température en présence d'un cryoprotecteur. Selon la technique employée, la durée de conservation
varie de 4 mois à plus de 10 ans.
Tout l'art d'une bonne prescription consistera à choisir une ou
plusieurs qualifications et/ou transformations de façon à transfuser le patient dans les meilleures conditions possibles.
❒ Déleucocyté
La transformation “déleucocyté” est devenue un standard. Elle présente l'avantage de :
• minimiser les risques de conflits dans le système HLA,
• diminuer la charge virale des virus intraleucocytaires (CMV, EBV, HTLV 1 et 2),
• éliminer la majeure partie des microagrégats leucoplaquettaires, ce qui pour certains rend inutile l'utilisation de filtres de 40 microns.
L'intérêt essentiel de cette transformation reste la prévention de l'allo-immunisation antileucoplaquettaire
et concerne :
• la prévention des réactions de type frisson/hyperthermie,
• les polytransfusés connus (plus de deux épisodes transfusionnels) ou prévisibles (dont on sait qu'ils
seront transfusés de façon itérative),
• les sujets pour lesquels une transfusion massive est prévue.
❒ Phénotypé
Son intérêt est la prévention de l'allo-immunisation antiérythrocytaire et des accidents transfusionnels
hémolytiques chez :
• les personnes du sexe féminin, de la vie in utero jusqu'à la ménopause,
• le sujet ayant développé un allo-anticorps,
• les polytransfusés connus (plus de deux épisodes transfusionnels) ou prévisibles (dont on sait qu'ils
seront transfusés de façon itérative),
• les sujets pour lesquels une transfusion massive est prévue,
• les patients atteints de cirrhose hépatique.
Dans certains cas (allo-immunisation complexe), il sera souhaitable de prescrire un phénotype étendu. Il
est évident que le phénotype du receveur doit être connu (demande de groupe sanguin phénotypé et non
de groupe sanguin standard).
❒ CMV négatif
Dans l'immense majorité des cas, aucune mesure de prévention des infections à CMV transmises par
transfusion sanguine ne s'impose.
Toutefois, des mesures de prévention doivent être prises dans les situations suivantes :
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
I
Comment prescrire
les produits sanguins labiles ?
•
•
•
•
transplantation d'organe, lorsque le receveur est CMV négatif,
hémopathies malignes traitées ou devant être traitées par chimiothérapie,
femmes enceintes CMV négatif ou dont on ignore le statut sérologique CMV,
malades atteints de déficits immunitaires combinés sévères.
❒ Compatibilisé
Cette analyse non systématique est le complément logique de la recherche des anticorps antiérythrocytaires chez le receveur. Elle doit être obligatoirement réalisée chez un patient présentant ou ayant présenté des allo-anticorps antiérythrocytaires.
❒ Cryoconservé
Cette transformation est réservée à la conservation de cellules ayant un phénotype rare. Le délai d'utilisation doit être le plus court possible après décongélation pour préserver la qualité des hématies.
❒ Déplasmatisé
❒ Irradié
Son but est de diminuer l'incidence de la réaction du greffon contre l'hôte. Les indications cliniques sont :
• les greffés de moelle osseuse, sujets greffés et en attente de greffe,
• les aplasies médullaires,
• les déficits immunitaires congénitaux,
• les receveurs de dons intrafamiliaux, quel que soit le degré de parenté.
Les concentrés Le mode de production des concentrés plaquettaires permet selon la technique utilisée d'obtenir :
plaquettaires
• les concentrés de plaquettes d'aphérèse (CPA). Ces derniers sont obtenus par une technique d'aphérèse à partir d'un seul donneur. L'intérêt est de disposer d'un produit issu d’un donneur unique dont la
concentration correspond souvent à une dose thérapeutique.
• les concentrés de plaquettes standard (CPS) obtenus par centrifugation d'une poche de sang total. La
dose thérapeutique ne sera obtenue qu'en utilisant plusieurs unités de concentré de plaquettes standard,
ce qui sous-entend la participation de plusieurs donneurs et, de ce fait, une augmentation des risques
d'allo-immunisation leucoplaquettaire.
En pratique, la dose thérapeutique pour un adulte est de l'ordre de 0,5.1011 plaquettes pour 10 kg de poids.
Il serait souhaitable de ne prescrire que des CPA, mais dans le cadre de la pénurie de donneurs, mieux
vaut réserver ces produits aux patients thrombopéniques chroniques.
Les plasmas
frais congelés
(PFC)
Ils sont disponibles sous deux formes :
• le plasma frais sécurisé par quarantaine : le plasma issu d'un don est placé en quarantaine dans l'attente d'un nouveau don émanant de la même personne. Ce n'est qu'après avoir constaté la normalité des
tests sur le deuxième don que le premier don sera distribué ;
• le plasma viro-atténué : un traitement par solvant détergent inactive les virus à enveloppe lipidique (VIH,
virus des hépatites B et C).
Les indications du plasma sont strictement réglementées et ne peuvent concerner que :
- les coagulopathies graves de consommation, avec effondrement de tous les facteurs de coagulation,
- les hémorragies aiguës, avec déficit global de facteurs de coagulation,
- les déficits complexes rares en facteurs de coagulation, lorsque les fractions coagulantes spécifiques ne
sont pas disponibles.
En pratique on retiendra :
• transfusion "standard" : hématies déleucocytées ;
• personne du sexe féminin jusqu'à la ménopause
et homme jeune : au minimum hématies déleucocytées phénotypées ;
• hémorragie du cirrhotique : au minimum hématies
déleucocytées phénotypées ;
• recherche d'agglutinines irrégulières (RAI) positive
ou connue antérieurement positive : au minimum
II
hématies déleucocytées phénotypées compatibilisées ;
• thrombopénie aiguë : CPS ou mélange de CPS si
CPA non disponible ;
• thrombopénie chronique : CPA ;
• le PFC viro-inactivé et le PFC sécurisé ont la
même activité thérapeutique. Le choix entre ces
deux produits reste un choix personnel et budgétaire.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
Fiche à détacher et à archiver
Les indications en sont rares et comprennent notamment :
• réaction transfusionnelle liée à la présence d'anticorps anti-IgA,
• prévention d'immunisation chez les sujets porteurs d'un déficit en IgA,
• hémoglobinurie paroxystique nocturne,
• hémophiles A majeurs avec anticorps antifacteur VIII,
• réaction d'intolérance non expliquée (probable intolérance à d'autres protéines plasmatiques qu'IgA).
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