30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du partenariat euro-mediterranéen 20 +10 20 +10 30 Propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen Iván Martín Larabi Jaidi Abdallah Khattab Erwan Lannon Kinda Mohamadieh Souad Triki 20 +10 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen Pré-presse : Babel com Impression : El Maârif Al Jadida ISBN : 978-9981-76-038-7 Dépôt légal : 2010 MO 1478 20 +10 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen Iván Martín (dir.) Larabi Jaidi, Abdallah Khattab, Erwan Lannon Kinda Mohamadieh, Souad Triki 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… A propos des auteurs Iván Martín est chercheur associé à l’Instituto Complutense de Estudios Internacionales de Madrid, Espagne et directeur scientifique de cette étude. Larabi Jaidi est professeur d’économie à l’Université Mohamed V à Rabat, Maroc. Abdallah Shehata Khattab est professeur assistant d’économie à l’Université du Caire, Egypte. Erwan Lannon est professeur de droit européen à l’Université de Gand, en Belgique et au Collège de l’Europe (Bruges et Natolin) et chercheur associé à l’Institut d'Etudes de Sécurité de l'Union européenne. Kinda Mohamadieh est directrice de programme du réseau des ONG arabes pour le développement (ANND), Liban. Souad Triki est professeur à l’Institut National Agronomique de Tunisie, Université de Tunis. Table des matières Avant-propos Ulrich Storck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Prologue Abdelmaksoud Rachdi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Introduction. Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? Iván Martín . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes : propositions d’action Abdallah Khattab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 : enjeux, défis et propositions relatifs à l’emploi dans les pays de la rive Sud de la Méditerranée Kinda Mohamadieh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen Souad Triki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi, de migrations et de politiques sociales au sud et à l’est de la Méditerranée Erwan Lannon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Vers une stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et la mobilité ? Iván Martín . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen Larabi Jaidi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 Liste des abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 Avant-propos Depuis le lancement du processus de Barcelone, en 1995, la Fondation Friedrich Ebert (FES) a accompagné le Partenariat euro-méditerranéen dans le cadre de ses programmes. Le programme régional « FES Dialogue Méditerranée », amorcé en 2009, vise à intensifier la coopération et la synergie entre les nombreux partenaires des rives Sud et Nord de la Méditerranée. Tous les bureaux de la FES de la région MENA, de l’Union européenne (UE), notamment d’Espagne, de France et de Bruxelles et de pays ayant récemment joint le Partenariat euro-méditerranéen, comme la Croatie, participent à ce processus. Le marché du travail et les questions de politique sociale font partie des thèmes sur lesquels la FES a développé une expérience de longue date au fil des décennies. La FES les considère comme des chantiers prioritaires, dès lors qu’ils sont au cœur des politiques sociales-démocrates auxquelles elle souscrit. En développant des positions sociales démocrates, notamment dans les domaines de la politique sociale et de l’emploi, la FES assure la promotion de stratégies politiques alternatives, à la fois au niveau national et régional. La FES a noué des relations de longue date avec ses partenaires au Nord et au Sud : avec les décideurs des secteurs de l’emploi et des affaires sociales au sein des différents gouvernements, la société civile et les syndicats. Outre les partenariats au niveau national avec les pays partenaires, la FES soutient aussi les réseaux et institutions au niveau régional. Le « FES Dialogue Méditerranée » a pour objectif de rallier le soutien politique au projet EuroMed, partagé par l’ensemble des partenaires susmentionnés. L’approche mise en œuvre pour atteindre cet objectif est, d’une part, de proposer des plates-formes de dialogue pour permettre un échange constant entre les cercles politiques, syndicaux et de la société civile aux niveaux national, régional et euro-méditerranéen, tout en tenant compte, dans le même temps, de la dimension Sud-Sud. D’autre part, la FES contribue, par ses compétences, à ces débats et à l’élaboration de propositions de stratégies politiques futures. Dans ce contexte, elle considère sa fonction comme un lien entre les experts et instituts universitaires et les décideurs politiques et sociaux. Le présent document de synthèse poursuit la même logique. Il réunit six contributions, du Nord et du Sud, le but étant de faire progresser le débat sur la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen grâce à des propositions 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… politiques tangibles. Ces propositions ont déjà fait l’objet d’un débat et ont été améliorées lors d’un atelier d’experts régional et d’une conférence régionale de la société civile euro-méditerranéenne, organisée dans le cadre de la Plate-forme non gouvernementale EuroMed. Elles couvrent l’impact de la crise financière internationale, l’impact social de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange et l’emploi des femmes dans les pays arabes méditerranéens. De plus, elles mettent en relief une éventuelle Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et de la mobilité et proposent un système de suivi euro-méditerranéen dans le domaine de la politique sociale. Cette publication fait partie du « FES Dialogue Méditerranée » et sera utilisée comme référence dans les futurs débats organisés par la FES et ses partenaires politiques et sociaux de la région méditerranéenne. Nos remerciements spéciaux s’adressent aux auteurs des articles et tout particulièrement au coordinateur scientifique, Iván Martín, pour les efforts sans cesse déployés pour la réussite de ce projet. Ulrich Storck Fondation Friedrich Ebert Maroc Prologue La collaboration entre la Plate-forme non gouvernementale EuroMed, porte-parole d’une société civile plurielle et diverse et la Fondation Friedrich Ebert a apporté une valeur ajoutée au partenariat institutionnel dans la région méditerranéenne. La volonté de la Fondation, connue pour sa crédibilité et son efficacité, à suivre les transitions sociales et politiques en Méditerranée et son approche en termes d’ouverture de nouvelles perspectives, qui se traduit par des propositions pratiques, a trouvé son écho dans la détermination de la société civile, telle qu’exprimée à travers la Plate-forme EuroMed, à faire entendre sa voix et apporter sa contribution face à la situation socio-économique préoccupante dans la région. Les participants au Forum civil de Marseille de 2008 ont décidé que la plateforme ne devait pas limiter ses activités aux forums civils uniquement. En revanche, les conclusions des ateliers du Forum civil devraient constituer le fondement d’un dialogue plus profond et impliquer des chercheurs, des acteurs de la société civile et des journalistes pour élaborer des propositions claires, pratiques et responsables, permettant à la société civile de développer et de promouvoir de réelles initiatives. Le séminaire sur les questions sociales et économiques, organisé avec le soutien de la Commission européenne et en partenariat étroit avec la Fondation Friedrich Ebert, était en fait le premier d’une série de réunions. Son importance a été considérable, compte tenu de son sujet et parce qu’il a réussi à montrer que les questions d’ordre social et économique pouvaient s’avérer essentielles pour comprendre la dynamique du changement social et son impact sur le chômage et l’emploi, le développement, la démocratie, la paix et l’égalité dans la région méditerranéenne. Cet important séminaire a eu lieu dans le sillage du Forum civil de Marseille, de la Conférence EuroMed des ministres de l’emploi et du travail, de l’attaque perpétrée contre Gaza et du début de la crise économique et financière internationale et son impact négatif sur les sociétés méditerranéennes, tout particulièrement dans le Sud, où elle a eu un effet préjudiciable sur le développement et le libre-échange. Il a été caractérisé par une méthode de travail positive, à laquelle de nombreux chercheurs et acteurs ont participé, ainsi que 6 experts, pour garantir la qualité des connaissances et le professionnalisme et faciliter de multiples approches. 10 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Ces experts se sont rencontrés dans le cadre d’une réunion préparatoire à Rabat avant de se réunir au Caire. Le séminaire a été l’occasion d’un dialogue véritable et responsable qui a abouti à l’élaboration de 31 mesures et d’une série de recommandations spécifiques qui seront promues et défendues par les organisateurs, principalement la Fondation Friedrich Ebert et la Plate-forme EuroMed, entre autres institutions concernées. La principale conclusion de ce séminaire a été que le Partenariat euroméditerranéen avait désormais besoin d’une véritable dimension sociale, permettant d’augmenter et de développer les possibilités d’emploi dans la région, de généraliser la sécurité sociale et de promouvoir le rôle du développement, comme élément clé de la stabilité et de la prospérité. Il contribuera également à la solidarité régionale et fera des conseils économiques et sociaux des acteurs de propositions et d’action puissants, aux côtés des forces productives. Cette dimension sociale mènera, en temps opportun, à une véritable paix en Méditerranée, aidant ainsi cette région à progresser et à prospérer, dans des conditions de stabilité et de développement continu. Je souhaite adresser mes remerciements spéciaux aux participants et à la Fondation Friedrich Ebert qui a fait montre de sa profonde conviction à agir aux côtés de la société civile à travers la Plate-forme EuroMed. Nous nous félicitons d’approfondir cette collaboration. Je souhaite exprimer également ma reconnaissance aux chercheurs et aux experts, à nos amis Egyptiens pour les efforts déployés en vue de la réussite de cette réunion. J’espère que cette publication vous motivera à contribuer, à nos côtés, à établir ensemble une véritable dimension sociale au sein du Partenariat euro-méditerranéen. Abdelmaksoud Rachdi Président de la Plate-forme non gouvernementale EuroMed Introduction Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? Iván Martín * L’engagement de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne, qui s’est tenue à Marseille en novembre 2008 (), à savoir, définir « une véritable dimension sociale » « fondée sur une approche intégrée associant croissance économique, emploi et cohésion sociale », venait à reconnaître que le développement social et l’emploi n’avaient pas, jusqu’au moment, constitué une dimension réelle du Partenariat euro-méditerranéen (PEM). Ce dernier, mis en place en 1995, a été trop centré sur l’ajustement macroéconomique et l’établissement de zones de libreéchange euro-méditerranéennes. En effet, la Conférence euro-méditerranéenne sur l’emploi et le dialogue social, organisée sous la présidence allemande de l’UE à Berlin en mars 2007, est arrivée à cette même conclusion et a conçu un processus qui a abouti à la première Conférence euro-méditerranéenne de l’emploi et du travail, qui s’est tenue à Marrakech les 9 et 10 novembre 2008. Jusque-là, la dimension sociale et de l’emploi du Partenariat euro-méditerranéen était restée largement « subsidiaire » () et « déclaratoire » (). Après l’adoption, lors de cette conférence, du « cadre d’action » régional sur l’emploi, le défi à relever consiste à le rendre opérationnel en mettant en œuvre des initiatives et propositions concrètes, et de le faire en liaison avec d’autres initiatives euro-méditerranéennes dans les domaines de la migration, du commerce, de l’économie, des finances, etc. * Instituto Complutense de Estudios Internacionales (Madrid). () Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, Conférence ministérielle, déclaration finale, Marseille, 3 et 4 novembre 2008, http://ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1103_ministerielle_Euromed/Final_Statement_ Mediterranea n_ Union_EN.pdf. () Cf.Barreñada,I.et I.Martín (2005) :« L'emploi et la protection sociale dans le Partenariat Euro-méditerranéen. Bilan, perspectives et propositions pour l'action », dans Evénement civil Barcelone + 10. Proposition de la société civile pour relancer le Partenariat euro-méditerranéen, Plate-forme non gouvernementale Euromed, p. 29-33, http://library.fes.de/pdf-files/gurn/00024.pdf. () Cf. une description exhaustive de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen dans Lannon, Erwan (2009) : Vadémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes. 1995-2009, Fondation Friedrich Ebert, Rabat, http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/vademecum/Vad.pdf. 12 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… 2010 : Année de la dimension sociale ? Le tournant en termes de prise en compte de la dimension emploi dans le contexte du Partenariat euro-méditerranéen se serait produit en 2005 (). En effet, il est possible de tirer, à partir des contributions à cette ouvrage, la conclusion intéressante que malgré le fait qu’il a été considéré comme un échec politique (principalement en raison de l’absence de la plupart des chefs d’Etat et de gouvernement arabes et l’incapacité à se mettre d’accord sur les conclusions finales), le Sommet euro-méditerranéen de Barcelone, qui s’est tenu le 28 novembre 2005, a jeté les fondements de toute une série de progrès importants dans la manière dont certaines questions sont traitées dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen (emploi, promotion de l’emploi des femmes, éducation, environnement…). En fait, l’analyse précédant la formulation de propositions concrètes dans chacune des contributions de cet ouvrage montre un certain degré d’avancement dans tous ces domaines au cours des cinq dernières années, ainsi que dans la prise de conscience de la nécessité d’intégrer des études d’évaluation d’impact dans tous les accords de libre-échange et dans la formalisation d’un système de suivi et monitoring permettant d’évaluer les progrès enregistrés dans chaque domaine et chaque pays sur la voie de la réalisation des objectifs du PEM et de la PEV. Le Programme de travail quinquennal adopté lors du Sommet de Barcelone en 2005 engage le Partenariat euro-méditerranéen, pour la première fois, sur les objectifs suivants : « 7. Dans le but de favoriser dans l’ensemble de la région la création d’un plus grand nombre d’emplois pour le nombre croissant de jeunes et de réduire les niveaux de pauvreté régionaux et les écarts de prospérité, ainsi que d’augmenter les taux de croissance du PIB, les partenaires euro-méditerranéens prendront des mesures visant à : […] e) renforcer les systèmes de protection sociale afin de garantir un niveau de vie minimal pour les plus vulnérables ; […] g) améliorer l'intégration socio-économique, notamment afin de faire face aux conséquences sociales des restructurations sectorielles ; […] h) augmenter sensiblement le pourcentage de femmes exerçant un emploi dans tous les pays partenaires EuroMed ; i) améliorer la productivité de la main-d'oeuvre en élargissant l'accès à la formation professionnelle et technique et favoriser les transferts de technologie depuis les pays partenaires européens ; renforcer le rôle du secteur privé dans le financement et la formation sur le lieu de travail ; […] k) augmenter le pourcentage de travailleurs occupés dans le secteur privé. » () Cf., pour un aperçu sur les développements et initiatives dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen depuis 2005, Lannon, E. et I. Martin (2009) : Rapport sur les progrès du Partenariat euro-méditerranéen, http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/2/48/17/48/Fichiers-pdf/Rapport_enquete_Euromed.pdf. Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 13 Ceci étant, aucune mesure concrète n’a été adoptée pour atteindre ces objectifs ; de la même manière, aucun système de suivi n’a été mis en place pour évaluer et garantir les progrès réalisés. Les actions sont restées éparses, en fait insuffisantes, et le suivi inapproprié, non institutionnalisé et souvent, tout simplement inexistant. Ce n’est qu’à la fin de l’année 2008, dans le sillage de la création de l’Union pour la Méditerranée, que la première Conférence euroméditerranéenne sur l’emploi et le travail, qui s’est tenue les 9 et 10 novembre 2008 () à Marrakech, a planché sur des initiatives et des propositions concrètes pour promouvoir la création d’emplois, la modernisation des marchés du travail et le travail décent, adoptant un ‘cadre d’actions qui contribuerait à l’intégration d’une véritable dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen’. Ainsi, même si l’on peut aisément soutenir que l’Union pour la Méditerranée, mise en place à Paris en juillet 2008, n’a rien apporté à la dimension sociale du Partenariat en tant que telle, force est de reconnaître qu’elle a déclenché une nouvelle dynamique dans ce domaine, en particulier depuis la Déclaration de Marseille des Ministres des Affaires étrangères EuroMed, qui ont adopté la déclaration et l’agenda suivantes sur la « définition d’une véritable dimension sociale » : L’atelier consacré à la politique de l’emploi, qui s’est tenu en 2007, a permis de mieux comprendre les enjeux actuels pour les marchés du travail et les politiques de l’emploi dans un contexte de mondialisation, d’évolution technologique et de mutation démographique. La première conférence des ministres de l’emploi et du travail, qui aura lieu à Marrakech les 9 et 10 novembre prochains, sera une occasion unique de définir une véritable dimension sociale dans le partenariat, fondée sur une approche intégrée associant croissance économique, emploi et cohésion sociale. Les ministres feront le point sur l’évolution de la situation socio-économique dans la région et examineront des initiatives et des propositions concrètes visant à promouvoir la création d’emplois, la modernisation des marchés du travail et le travail décent. Ils devraient approuver un cadre d’action définissant des objectifs-clés en matière de politique de l’emploi, d’employabilité et de perspectives d’emploi décent. Ce cadre concernera également des questions horizontales essentielles, telles que le renforcement de la participation des femmes au marché du travail, la non-discrimination, l’intégration des jeunes sur le marché du travail, la transformation du travail informel en emplois réguliers et la migration professionnelle. Les ministres chargés de l’emploi et du travail devraient également approuver la création d’un mécanisme de suivi efficace incluant des comptes rendus sur les progrès réalisés au niveau national ainsi que des échanges de pratiques. Le succès des politiques sociales et des politiques de l’emploi nécessite le concours de toutes les parties concernées, en particulier des partenaires sociaux. Dans ce contexte, il convient d’intensifier la coopération entre les partenaires sociaux dans la région euro-méditerranéenne. Les ministres réaffirment l’engagement qu’ils ont pris de faciliter la circulation légale des personnes et reconnaissent que cela a une forte incidence sur la dimension sociale du partenariat. À cette fin, les ministres chargent les hauts fonctionnaires de déterminer les moyens de mettre en œuvre cet objectif. () Conclusions : http://ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1103_ministerielle_Euromed/Declaration_finale_ Union_mediterranee_FR.pdf. 14 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Après l’important bond en avant réalisé lors de la Conférence euroméditerranéenne des Ministres de l’Emploi et du Travail en Novembre 2008, la phase préparatoire de la mise en œuvre des décisions des Ministres prend, à nouveau, trop longtemps, compte tenu de l’urgence à relever les défis sociaux et en matière d’emploi dans la région (le Groupe de travail créé par les Ministres de l’emploi et du travail a mis plus d’un an avant de se réunir pour la première fois les 26-27 novembre 2009, et le Forum sur le dialogue social, approuvé par les ministres dans le cadre de leur consultation des partenaires sociaux, ne s’est réunit que le 11 mars 2010 à Barcelone, 16 mois après la Conférence ministérielle). À cet égard, il y a un contraste embarrassant entre la réaction rapide à la crise économique mondiale en Europe et la lenteur à relever le défi de l’emploi dans la région méditerranéenne. Ainsi, on peut présumer que 2010 sera une année clé pour la définition de la dimension sociale du Partenariat EuroMed. Dans les mois à venir, la façon de gérer la question de l’emploi dans le cadre EuroMed sera déterminée. Le deuxième Sommet de l’Union pour la Méditerranée, prévu en juin 2010, devrait approuver le Programme de travail pour les deux années à venir, et la 2e conférence EuroMed des Ministres de l’Emploi et du Travail, prévue au cours du deuxième semestre de 2010, sera l’occasion de consolider ce processus. Si ces deux occasions sont perdues, la dimension sociale pourrait s’étioler et rester lettre morte, en dépit de la dynamique créée par la définition des principales caractéristiques de la dimension sociale du partenariat EuroMed en 2008. Ceci est d’autant plus vrai que les six projets retenus dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée pourraient au mieux, si tant est qu’ils sont effectivement mis en œuvre, contribuer à améliorer l’articulation physique de la Méditerranée, mais ils ne pourront en aucun cas constituer une solution aux inquiétants problèmes socio-économiques de la région. Par ailleurs, la dérive intergouvernementale manifeste de l’Union pour la Méditerranée est assurément préjudiciable à la dimension sociale du Partenariat ; l’implication directe des institutions de l’Union européenne dans tout ce processus sert de garantie pour la dimension sociale et la participation de la société civile. L’objectif de cet ouvrage est précisément de tirer avantage de la fenêtre d’opportunité créée par le processus enclenché par les Ministres du Travail et de l’Emploi pour présenter un ensemble de propositions concrètes visant à donner corps à ces efforts. Pour ce faire, nous choisissons de formuler 20+10, c’est-à-dire, 30 propositions concrètes qui pourraient constituer la plate-forme de la société civile pour la dimension sociale du Partenariat. Notre concept de la dimension sociale comporte : « de nombreux aspects, tels que la lutte contre la pauvreté, l’emploi, les relations de travail, l’éducation, la santé ou la cohésion sociale. Il est impossible de traiter cette question en la séparant des droits de l’homme, des libertés fondamentales, de la démocratie, de la sécurité, de la migration, de l’évolution démographique, de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la bonne gouvernance, du commerce et des relations économiques, du développement durable, de l’égalité des chances pour tous Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 15 (y compris pour les personnes souffrant d’un handicap), de la promotion de la culture, de la lutte contre la corruption et le crime () ». Malgré cette démarche globale, nous n’avons d’autre choix que de délimiter notre champ d’action pour nous focaliser surtout sur les problèmes liés à l’emploi, afin de les aborder avec la rigueur et la précision requises. Ceci ne signifie pas que les autres domaines d’action, comme la sécurité sociale, l’éducation ou la lutte contre la pauvreté, doivent être négligés, mais tout simplement que l’emploi est reconnu comme le principal enjeu social de la région méditerranéenne au cours des deux décennies à venir (). Une question de principes Mais au-delà de cette opportunité politique, la définition de la dimension sociale est aussi une question de principes. D’une part, la discussion de base est identique à celle menée au sein de l’Union européenne sur la définition de la dimension sociale : le juste équilibre entre l’établissement d’une zone de libreéchange comme dans le cas de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne ou un marché unique européen basé sur un ensemble de règles techniques et concurrentielles communes (lequel est supposé, depuis le lancement de la Politique européenne de voisinage, basée sur le modèle d’adhésion à l’UE et qui offre la perspective d’un « jalon » dans le marché unique de l’UE, s’étendre progressivement aux pays voisins d’Europe orientale et méditerranéens en fonction du rythme de leurs réformes économiques, politiques et institutionnelles et leur convergence normative subséquente avec l’UE) et le développement d’un espace social commun garantissant la cohésion au sein de cette zone économique ; c’est-àdire le juste équilibre entre l’intégration économique et monétaire (pour laquelle des mécanismes de supervision politique sophistiqués et efficaces ont été mis en place au cours des vingt dernières années, même dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen) et l’intégration sociale, souvent négligée (). D’autre part, le développement de la dimension sociale du Partenariat euroméditerranéen est aussi une question de principes dans le sens des principes du () La définition est extraite du rapport d’information sur la « Dimension sociale des relations entre l’Union européenne et les pays partenaires méditerranéens », publié par le Conseil économique et social européen en 2008 (www.eesc.europa.eu/sections/rex/euromed/events/2008-10-14-Rabat/PDG %20A_CES735-2008_ FIN_REV_RI_fr.doc). () Cf. la contribution de Iván Martín ci-dessous, ainsi que celle de Martín, I. (2009), « L’emploi des jeunes dans les pays arabes méditerranéens : la clé du futur » dans Med.2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 247250, Fundació CIDOB et IEMed, Barcelone, http://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr247.pdf. () S’agissant de ces tensions entre l’intégration économique et sociale et la dimension sociale de l’UE, cf . Erdmenger, Katharina, Stefan Gran, Wolfgang Kowalski et Ursula Polzer (2009) : Die soziale Dimension der EU. Binnenmarkt und faire Arbeitsbedingungen – ein Gegensatz?, International Policy Analysis, Friedrich Ebert Stiftung. Toutefois, cette analyse se fonde sur une approche juridique qui est loin d’être pertinente au regard du modèle actuel d’intégration euro-méditerranéenne sans fondement juridique commun. 16 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… partenariat (). Pendant le processus d’élaboration de cet ouvrage, il est clairement ressorti, pour tous auteurs et participants dans les différents ateliers, qu’aucun réel partenariat ne pouvait être invoqué et aucune réelle dimension sociale élaborée si certains principes n’étaient pas respectés : – Le co-développement doit être le fondement de toute action entreprise dans ce domaine. Mais un réel co-développement n’est pas limité à la contribution des migrants au développement de leurs sociétés d’origine, comme ce concept a été largement utilisé ces dernières années. Bien plus, le co-développement doit se concevoir comme étant un développement partagé, impliquant au moins trois éléments, basés chacun sur un principe général : • l’établissement d’un espace économique commun basé sur le principe de la libre circulation des facteurs de production, c’est-à-dire des capitaux, des biens, des services et des travailleurs (cf. proposition 8). Ceci doit se traduire en une stratégie de mobilité (proposition 25) ; • un ensemble de flux économiques et financiers mutuellement bénéfiques, compatibles avec le développement de tous les partenaires, c’est-à-dire, menant à la convergence des niveaux de revenus (principe de cohésion). En fait, la convergence réelle est le test définitif du co-développement et de l’existence d’un véritable partenariat ; • l’émergence d’une véritable communauté économique incarne les objectifs de sécurité et de prospérité partagées, ce qui présuppose le principe de co responsabilité. – La co-responsabilité. Le principe de responsabilité partagée implique quatre éléments : • l’identification conjointe par tous les partenaires des questions d’intérêt commun, créant le besoin d’agir ensemble (que ce soit à travers la méthode ouvert de coordination, traitée dans la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous ou de toute autre manière) ; • le « droit à l’information » de tous les partenaires sur des actions entreprises et politiques mises en œuvre par tous les autres partenaires sur des questions d’intérêt commun, dans la mesure où elles touchent tous les partenaires ; • la recherche de solutions communes pour répondre à des problèmes communs et, par conséquent, la définition de stratégies conjointes ; • la mise en œuvre de ces stratégies requiert la mobilisation et mise en commun des ressources. Quel que soit le caractère abstrait qui semble entourer ces deux principes, ils peuvent être traduits en actions concrètes et testés pour évaluer le degré de sérieux de l’UE et des PPM par rapport au processus euro-méditerranéen, ses () Cf. Commission Interméditerranéenne C.R.P.M. (2008) : Un Partenariat euro-méditerranéen renouvelé pour la paix, l’emploi et le développement durable, Institut de la Méditerranée, CeSPI et IEMed, http://www. medregions.com/pub/doc_travail/bp/4_fr.pdf. Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 17 buts et ses principes. S’engager dans la création d’une zone de libre-échange euro-méditerranéenne, par exemple, sans tenir compte ni prévoir des mesures conjointes pour en contrebalancer les effets négatifs, pourrait aller, pour certains partenaires, à l’encontre du principe de co-responsabilité (cf. proposition 3 sur l’élaboration d’un cadre stratégique de réforme avec filet de sécurité). Pour donner un autre exemple concret, la manière dont l’Europe s’est refermée sur elle-même pour définir et mettre en œuvre sa réponse à la crise économique mondiale, sans y intégrer les PPM, ne contribue pas au co-développement en Méditerranée. La même idée s’applique à l’exclusion explicite de la mobilité des personnes, même en tant qu’objectif à long terme, de la Politique européenne de voisinage (PEV). – Cohérence intersectorielle. L’« approche globale sur la question des migrations » adoptée par le Conseil européen de décembre 2005 a noté que « le Programme de travail en matière de migrations et de développement sera renforcé par une amélioration de la cohérence entre les différentes politiques de l’UE, y compris les instruments financiers correspondants, en vue de s’attaquer aux causes profondes des migrations (10). » Le même appel à la cohérence a été lancé par les Ministres du Travail et de l’Emploi, qui se sont réunis pour la première fois à Marrakech en novembre 2008, lorsqu’ils ont appelé à « une approche intégrée combinant de manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale, sociale et environnementale ainsi que la politique d’éducation et formation » à la fois au niveau national et régional. Le défi consiste, à présent, à transformer ces déclarations éclairées en actions et à développer les cadres institutionnels requis pour garantir cette cohérence politique intersectorielle (cf. propositions 6 et 7). – Consultation avec les parties prenantes et transparence, c’est-à-dire, les organisations de la société civile, les partenaires sociaux et les bénéficiaires eux-mêmes. Un processus de consultation structuré va bien au-delà l’exercice « d’information publique » mis en place par la Commission européenne sur les notes conceptuelles publiées pour les prochains programmes indicatifs nationaux 2011-2013, où elle a invité toutes les parties intéressées à présenter leurs opinions. Ceci présuppose l’institutionnalisation de la procédure de consultation (au niveau des conseils d’association bilatéraux, par exemple, cf. proposition 17) et de la transparence sur le contenu du processus de consultation et la manière dont les contributions de la société civile et des partenaires sociaux ont été prises en compte (proposition 18). Ceci implique de concrétiser le droit à l’information en rendant publics tous les documents qui ne sont pas confidentiels selon les partenaires (actuellement, la Commission européenne retient de nombreux documents relevant juridiquement du domaine public en ne les publiant pas, même si elle est tenue de les fournir sur demande.) (10) Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (14/15 décembre 2006) « Politique européenne globale en matière de migrations » http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/ pressdata/fr/ec/92224.pdf. 18 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… D’autre part, l’analyse des développements économiques des deux dernières décennies dans les pays arabes méditerranéens (PAM) et les perspectives pour les dix à vingt ans à venir, notamment dans le domaine de l’emploi, montrent clairement que le maintien du statu quo en termes de politiques économiques et de modèle économique n’est pas une option réalisable, qu’elle risque de porter un préjudice permanent aux perspectives de développement de ces pays et qu’elle est susceptible de perturber leur stabilité sociale. Ceci exige une action politique immédiate de la part des PAM et de l’UE, qui serait touchée par toute instabilité dans la région. Les politiques de l’emploi et la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen sont les dimensions clés de ce changement de paradigme requis, dans la mesure où la définition de la dimension sociale peut être considérée comme étant une condition préalable à la viabilité du PEM en tant que projet de transformation économique et de développement et que l’approfondissement de la consultation de la société civile et des partenaires sociaux peut être considéré comme une condition préalable à sa viabilité sociale et politique. Cet ouvrage tente de définir un agenda minimaliste pour atteindre ces objectifs. Dimensions de la dimension sociale Pour alimenter le débat, la fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES) et la Plateforme non gouvernementale EuroMed ont décidé de demander des contributions à six experts de la région, deux européens et quatre des pays arabes méditerranéens, afin de formuler des propositions concrètes sur six thèmes généraux. La démarche était semblable à celle déjà appliquée en 2005 sur l’implication de la société dans le Partenariat euro-méditerranéen (11). Il est entendu que bien d’autres sujets auraient pu être choisis, mais nous avons retenu ce qui nous semblait être les éléments constitutifs fondamentaux d’une véritable dimension sociale pour le Partenariat euro-méditerranéen : – La crise financière et économique mondiale frappe les pays arabes méditerranéens à travers divers canaux (une réduction de moitié des investissements directs étrangers, une baisse des transferts de fonds des migrants, une contraction de la demande en produits d’exportation, une baisse des revenus du tourisme…). Et ce, malgré le fait qu’ils n’étaient en rien à l’origine de la crise et indépendamment du bien-fondé de leurs politiques (en fait, les pays qui ont mis en œuvre des politiques plus orthodoxes et, qui, par conséquent, sont plus intégrés dans l’économie mondiale, sont ceux qui ont le plus souffert de la crise) (12). Même si nous pouvons nous demander si les pires effets de la crise économique sont derrière nous, il ne fait aucun doute que ses implications seront durables. La crise actuelle a dévoilé (11) Cf. Martín, I. (ed.) (2005) : Rendre le Partenariat euro-méditerranéen plus proche des citoyens. 35 propositions pour engager la société civile dans le Processus de Barcelone. Fondation Friedrich Ebert, (http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/propositions_35/prop_35 %20frc.pdf ). (12) Pour une analyse de l’impact de la crise économique mondiale sur les pays arabes méditerranéens, cf. le rapport FEMISE (2009) : Les Pays partenaires méditerranéens face à la crise, http://www.femise.org/PDF/ Femise_A2008-9fr.pdf. Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 19 les limites du modèle économique actuel pour les pays développés et son manque de potentiel comme moteur du développement des pays moins développés, y compris ceux de la rive sud de la Méditerranée. Il est nécessaire que toutes les parties prenantes et tous les acteurs sociaux participent à un large débat sur le modèle économique, le rôle de l’Etat et des marchés, les investissements étrangers et la libéralisation des échanges comme moteurs de croissance et sur les politiques sociales. Le modèle européen de l’Etat providence (en dépit de ses échecs et de ses carences observées dans une perspective européenne), caractérisé par un système plus cohésif et redistributif, ainsi qu’un ensemble de droits économiques et sociaux attachés à la citoyenneté et considérés comme faisant partie intégrante de la démocratie, pourrait nous fournir quelques orientations à cet égard. La nécessité d’intégrer les pays arabes méditerranéens dans la réponse européenne à la crise et dans les nouveaux mécanismes de supervision qui ont été créés, constitue un autre impératif, si tant est que les décideurs politiques veulent sérieusement honorer leur engagement de créer une « zone de stabilité et de prospérité partagées » en Méditerranée (le mantra du Partenariat euro-méditerranéen) ; au lieu de cela, l’UE a géré la crise sans consulter d’une quelconque manière ses voisins du Sud. De plus, les pays arabes méditerranéens ne se sont pas non plus consultés entre eux, dans leurs réactions face à la crise, montrant ainsi l’inexistence de mécanismes de partenariat efficaces. Quoiqu’il en soit, il ressort clairement pour les auteurs de cet ouvrage que la réponse à la crise mondiale actuelle requiert plus, et non pas moins, de partenariat dans l’espace euro-méditerranéen. Proposition 1 Un débat à l’échelle régionale sur le modèle économique et le modèle de relations économiques UE – pays arabes méditerranéens (PAM) La crise a mis en évidence des dysfonctionnements profonds dans le modèle de politique économique mis en œuvre dans les pays arabes méditerranéens au cours des 20 dernières années. Il remet en question la sagesse conventionnelle sur des questions telles que le rôle de l’État dans l’économie, ou le commerce extérieur et les investissements directs étrangers en tant que principaux moteurs de la croissance. Beaucoup considèrent la crise actuelle non pas comme un accident de parcours, mais comme une panne systémique, un symptôme des contradictions internes du modèle économique actuel. Un tel modèle a certainement entraîné une généralisation des politiques macro-économiques saines et une bonne performance dans ce domaine (notamment en termes d’inflation, de maîtrise du déficit public et même de croissance). Mais la combinaison d’une libéralisation économique (et donc l’impératif de la compétitivité) et l’ancrage du taux de change sur l’euro (empêchant les dévaluations) rend la convergence des salaires exclusivement dépendante des hausses de productivité, une voie très difficile pour des pays souffrant de systèmes éducatifs très inefficaces. Le modèle économique axé sur les exportations à bas salaires, faibles impôts, barrières peu élevées et une faible valeur ajoutée mis en oeuvre au cours des vingt dernières années dans de nombreux pays méditerranéens ne semblent garantir ni la convergence des revenues à long terme ni le niveau de création d’emplois requis par les tendances démographiques des PAM. En effet, nous pouvons affirmer que la relation entre la dynamique économique et démographique n’a pas été maîtrisée et que l’écart 20 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… de revenus entre les deux rives de la Méditerranée n’a pas été réduit au cours des 15 années du Partenariat euro-méditerranéen. Ainsi, un débat à grande échelle sur les implications en matière de développement (et d’emploi) de ce modèle économique n’a que trop tardé. Ce débat doit également s’étendre au : – modèle actuel des relations économiques nord-sud entre les deux rives de la Méditerranée ; – système actuel du Code du travail et de la protection sociale dans les pays arabes méditerranéens, qui impose un degré élevé de rigidité et de coûts, mais qui, curieusement, ne protège que faiblement la majorité des travailleurs, créant ainsi un marché du travail à deux vitesses et fortement segmenté. Le débat devra s’articuler à deux niveaux : au niveau national dans chaque pays arabe méditerranéen – facilitant ainsi l’émergence d’un consensus social et politique sur les politiques économiques et les réformes requises, lequel est loin d’exister dans grand nombre de ces pays – et au niveau euro-méditerranéen, dans le but de dissiper le sentiment que les politiques économiques sont souvent imposées par des organisations financières internationales ou des pays développés. Tous les acteurs sociaux concernés de la région euro-méditerranéenne doivent y être impliqués : les gouvernements et organisations internationales, les partenaires sociaux, la société civile et les experts, tout comme les groupes de réflexion, les collectivités locales et régionales, etc. – L’emploi et la dimension sociale de la zone de libre-échange euroméditerranéenne. Jusqu’ici, l’évaluation de l’impact social a fait défaut dans la libéralisation des échanges dans la région euro-méditerranéenne, dans une mesure qui aurait été impensable dans le contexte de l’UE, où toutes les propositions et initiatives politiques sont accompagnées d’une évaluation ex-ante des implications économiques, sociales et environnementales (13). Les négociations en cours sur la poursuite de la libéralisation des échanges de produits agricoles et la libéralisation des échanges dans le secteur des services au sein de l’espace euro-méditerranéen rendent, plus que jamais, nécessaire une évaluation d’impact sérieuse (proposition 9), d’autant que, pour les PAM, les enjeux seront nettement plus importants que pour les produits industriels et, enfin, de prévoir des mesures de compensation pour les groupes plus touchés de la société (cf. proposition 3). Là encore, la façon dont l’UE aborde les ajustements économiques nécessaires dans ses frontières est révélatrice : un bon exemple est la création d’un Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, opérationnel depuis 2006, avec un budget de 500 millions € par an et dont le but et d’aider chaque année jusqu’à 35 000 travailleurs qui ont perdu leur emploi suite à des changements structurels majeurs dans le commerce mondial (14). Ce fonds a été conçu comme moyen de concilier les avantages généraux à long terme des échanges ouverts, en termes de croissance et d’emploi, aux effets indésirables à court terme que peut avoir la mondialisation, notamment (13) Cf. Martin, Iván (2004) : « The Social Impact of Euro-Mediterranean Free Trade Areas : A First Approach with Special Reference to the Case of Morocco », (L’impact social des zones de libre-échange euroméditerranéennes : une première approche avec une référence spéciale au Maroc) dans Mediterranean Politics, vol. 9.3, automne 2004, p. 422-458. (14) http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=326&langId=fr. . Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 21 sur l’emploi des travailleurs les plus vulnérables et les moins qualifiés. Ses objectifs ne pourraient être plus pertinents dans le contexte de l’établissement de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne ; en fait, il peut être considéré comme la condition préalable à sa viabilité (cf. proposition 10) (15). Comme l’indique le rapport du Conseil économique et social cité ci-dessus : « les sociétés civiles peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans la gestion de l’impact social des réformes économiques. Ceci étant, elles doivent être en mesure non seulement de participer à la mise en œuvre des programmes gouvernementaux, mais aussi à leur conception ». – La promotion de l’emploi des femmes dans les pays arabes méditerranéens. Les taux de participation à l’emploi dans les PAM sont les plus bas dans le monde : seulement un habitant sur quatre parmi les 180 millions d’habitants de ces pays a un emploi, ce qui donne un ratio de dépendance de 3 pour 1. Le principal facteur expliquant cette situation est le taux de participation des femmes au monde du travail le plus faible dans le monde : seule une femme en âge de travailler sur quatre est sur le marché de l’emploi et une moyenne de 20 % d’entre elles sont sans emploi. Ceci signifie une exclusion de facto des marchés de l’emploi de 85 % des femmes en âge de travailler dans la région. La perte en termes d’investissement éducatif qui en découle est énorme, pour ne pas mentionner la contrainte imposée ainsi à leur droit à l’émancipation économique et sociale. Cependant, l’action du Partenariat euro-méditerranéen dans ce domaine a été très faible (même si une volonté politique plus forte semble émerger depuis la Conférence ministérielle d’Istanbul de 2006) ; un plan d’action global pour réaliser des progrès dans ce domaine est donc requis. La présente crise économique a touché la main-d’œuvre féminine plus durement que les hommes, d’autant que leurs emplois sont souvent plus précaires. – La dimension sociale de la Politique européenne de voisinage. La PEV est devenue le principal cadre de coopération bilatérale entre l’UE et les Pays arabes méditerranéens. En tant que cadre de coopération basé sur la méthodologie d’adhésion, la PEV a introduit nominalement dans la coopération entre l’UE et les PAM toute une série de nouveaux aspects sociaux (dialogue sur la politique sociale, politique de l’emploi, droits économiques et sociaux, ratification et mise en œuvre des conventions internationales…). Mais la prise en compte effective de ces aspects a été inégale dans les pays et, d’une manière ou d’une autre, très limitée à ce jour. Au moment où les plans d’action de la première génération arrivent à expiration et que la Commission prépare les nouveaux programmes indicatifs nationaux pour 2011-2013, il est important de faire le bilan des instruments de la PEV (documents de stratégie, rapports de progrès…) et de la manière dont les questions sociales sont effectivement traitées dans le cadre de la PEV. L’extension à tous les pays arabes méditerranéens des meilleures pratiques dans ce domaine (comme le nouveau Programme bilatéral annoncé de modernisation du marché (15) Il convient de noter que depuis 2006, l’UE a financé en Egypte un projet de placement des travailleurs dans les industries textiles afin d’assister jusqu’à 5 000 travailleurs au chômage touchés par la privatisation des entreprises textiles publiques et les reconvertir professionnellement. 22 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… du travail au Maroc) et la consolidation et formalisation des procédures de consultation de la société civile – y compris la rédaction des notes conceptuelles pour les futurs programmes indicatifs nationaux et plans d’action et la définition de priorités – semblent être un principe conducteur à cet égard. – L’adoption d’une Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et la mobilité. L’emploi est sans aucun doute le défi socio-économique le plus important à relever par les pays arabes méditerranéens au cours des 10 à 20 prochaines années, et l’incapacité à mettre en ouvre des politiques appropriées pourrait toucher l’Europe en raison d’une instabilité sociale et politique accrues dans son voisinage direct, ainsi qu’à travers d’une augmentation des pressions de la migration irrégulière. Dans la mesure où il s’agit d’un problème à l’échelle de la région toute entière, la réponse doit également être pan-régionale et le Partenariat euro-méditerranéen fournit le cadre approprié pour le traiter, dans un sens très proche de l’évolution qu’a connue l’UE depuis 1999 avec sa Stratégie européenne pour l’emploi (16). Mais une Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi ne peut être dissociée d’une Stratégie euro-méditerranéenne de mobilité qui fait défaut aujourd’hui. Comme le montre clairement le cas de la zone de libre-échange d’Amérique du nord, la libéralisation du commerce et des échanges économiques à elle seule, non accompagnée d’une stratégie de mobilité, n’entraîne pas le développement, tout comme elle ne contribue pas à réduire les flux migratoires. Les profils démographiques et en matière de compétences de l’UE et des PAM offrent des possibilités de stratégies de rapprochement « gagnant-gagnant » entre la demande des marchés du travail de l’UE et l’offre en main-d’œuvre des PAM. Au cours des deux prochaines décennies, les PAM fourniront un pool de jeunes travailleurs de plus en plus instruits dans lesquels les marchés du travail de l’UE pourraient investir leur demande accrue en travailleurs migrants moyennement ou hautement qualifiés. Ce rapprochement serait mutuellement bénéfique et atténuerait en partie le principal facteur d’instabilité sociale dans la région et aurait, par conséquent, des effets externes positifs pour l’Europe en empêchant des débordements dans les pays européens voisins (17). Ceci étant, cette synergie dépend d’une mise à niveau efficace et immédiate des compétences de la main-d’œuvre des PAM (qui devrait donc devenir une priorité de la coopération économique UE – PAM) et de la création d’un climat propice pour la migration légale vers l’UE, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, en dépit de l’adoption de l’approche globale sur les questions de la migration en 2005. A l’horizon, la création d’un espace social euro-méditerranéen devrait être l’aboutissement logique du projet de Partenariat euro-méditerranéen et de ses principes (cf. proposition 22). – L’établissement d’un système euro-méditerranéen de monitoring dans le domaine de la politique sociale. Aussi bien au niveau bilatéral (PEV) que (16) Cf. http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=101&langId=fr, ainsi que la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous. (17) Cf. Martín, Iván (2010) : Labour Markets and Migration Flows in Arab Mediterranean Countries. A Regional Perspective. Centre Robert Schuman d’études avances, Institut universitaire européen de Florence, 2009, http://www.eui.eu/Documents/RSCAS/Research/LMM/LMM-ExecutiveSummary.pdf. Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 23 multilatéral (PEM), le Partenariat euro-méditerranéen a, jusqu’à présent, manqué d’un ensemble d’instruments rigoureux d’évaluation de l’état d’avancement à des fins de benchmarking et de conditionnalité positive, et les principes de différenciation sont profondément ancrés dans la méthodologie de la PEV. Les rapports de progrès de la PEV, publiés chaque année depuis 2006 par la Commission européenne, sont un important pas en avant, dans la mesure où ils garantissent une plus grande transparence du processus ; en revanche, ils sont loin d’être normalisés. Ils se limitent au récit partiel de ce qui est fait dans chaque domaine et n’appliquent pas un ensemble commun de critères d’évaluation ou d’indicateurs pour mesurer les progrès enregistrés sur la voie de la réalisation des objectifs déclarés dans chaque pays et chaque secteur. Par conséquent, ils ne permettent pas de comparaisons et n’aident pas à mesurer les progrès. Par ailleurs, le système actuel est unilatéral, dès lors que c’est la Commission européenne qui effectue l’évaluation. L’affermissement du principe de partenariat (tel qu’exprimé dans la Déclaration de Paris établissant l’Union pour la Méditerranée), requiert un système d’évaluation des progrès plus multilatéral, du moins au niveau institutionnel. Mais au-delà d’un système gouvernemental de surveillance multilatéral des politiques sociales (cf. proposition 28), un suivi direct par la société civile et les partenaires sociaux s’impose aussi. La création d’un comité de suivi de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen (proposition 29) serait une mesure clé pour institutionnaliser ce processus. Une autre possibilité, comme l’a suggéré le séminaire du Caire, serait d’établir un Observatoire des politiques sociales euro-méditerranéennes. Mais dans l’intervalle, disposer d’une équipe d’experts indépendants, proches des acteurs de la société civile, qui rédige un rapport de suivi annuel sur la situation socio-économique et les politiques sociales dans la région euro-méditerranéenne, pourrait être une mesure efficace permettant de commencer à agir immédiatement dans ce domaine (cette mesure pourrait être mise en œuvre dès 2010). Proposition 2 Lancer un exercice annuel de suivi par la société civile des progrès réalisés dans la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen Par définition, le système de monitoring des politiques sociales et de l’emploi et des performances dans ces domaines préconisé dans le présent document (cf. proposition 28) est de type intergouvernemental. Ceci étant, la société civile doit avoir son mot à dire dans ce processus, en mettant le doigt sur les points faibles, en encourageant les décideurs politiques à tenir leurs engagements et à prendre au sérieux la dimension sociale, et en donnant une voix aux intérêts des citoyens. Par conséquent, au-delà du Forum pour le dialogue social devant être formellement organisé (ou mis en place) d’après la décision des Ministres du travail et de l’emploi, qui se concentrera sur les aspects traditionnels du dialogue social, un élément essentiel de la dimension sociale qui garantira une évaluation critique des progrès réalisés dans le domaine du développement social sera le lancement d’un exercice annuel de suivi des progrès réalisés dans le cadre de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen par la société civile elle-même. 24 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Cet exercice pourrait être basé sur un rapport annuel sur la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen, rédigé par une équipe d’experts indépendants pour évaluer l’évolution de la situation socio-économique des États-membres de l’UE et des pays partenaires méditerranéens, l’état d’avancement et les progrès de la dimension sociale du Partenariat (mise en œuvre des engagements, réalisation des objectifs, etc.) et proposer de nouvelles pistes en vue de la développer plus en profondeur (éventuellement en se concentrant sur un thème chaque année). Ce rapport pourrait être discuté et validé lors d’une conférence annuelle des représentants de la société civile et des partenaires sociaux, avant d’être publié et transmis aux institutions euro-méditerranéennes (ministres, Secrétariat de l’UPM, Parlement européen et Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne…). La supervision du processus (sélection de l’équipe d’experts, la matrice de l’analyse, l’organisation de la conférence, etc.) relèverait de la responsabilité d’un «comité de suivi de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen », composé de représentants de la société civile organisée (Plate-forme NG EuroMed et ses membres), syndicats et organisations professionnelles et conseils économiques et sociaux et institutions similaires (18). Une telle évaluation annuelle ne serait pas très coûteuse : elle pourrait être réalisée avec un budget qui ne dépasserait pas 200 000 € par an (pour deux réunions annuelles du comité de suivi, la production et la diffusion du rapport et l’organisation de la conférence annuelle), soit un tiers du coût d’une conférence ministérielle ordinaire et une fraction du budget de la plupart des programmes thématiques régionaux soutenus par l’UE dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat. 29 +1 propositions Les questions devant être abordées dans cet ouvrage ont été convenues par la Fondation Friedrich Ebert et le bureau de la Plate-forme non gouvernementale EuroMed et le coordinateur de cet exercice. Pour garantir la cohérence sur l’ensemble des six contributions et procéder à un test initial des propositions qui y sont formulées, la FES a organisé un séminaire, le 30 septembre 2009 à Rabat, au cours duquel des représentants de la Fondation et de la Plate-forme non gouvernementale EuroMed, ainsi qu’une sélection d’experts, ont discuté de ses six contributions (19). Les deuxièmes versions de celles-ci qui en ont découlé ont été présentées et discutées lors d’ateliers thématiques organisés dans le cadre du séminaire « Vers une véritable dimension sociale du PEM : la contribution de la (18) Dans le rapport d’information sur « La dimension sociale des relations entre l’Union européenne et les pays partenaires méditerranéens » publié par le Comité économique et social européen et un groupe de travail des comités économiques et sociaux méditerranéens en 2008 (www.eesc.europa.eu/sections/rex/ euromed/events/2008-10-14-Rabat/PDG %20A_CES735-2008_FIN_REV_RI_en.doc), une proposition avait déjà été formulée sur « la création d’un réseau pour procéder au suivi de la dimension sociale des relations de l’UE avec les PPM, dans lequel seraient représentés les institutions concernées, les conseils économiques et sociaux et organisations de la société civile des PPM ainsi que leurs organisations ». (19) Les participants à cette réunion étaient ; Ulrich Storck, Abdelmaksoud Rachdi, Ivan Martin, Larabi Jaïdi, Abdellah Shehata Khattab, Souad Triki, Abdelhamid Magdy, Merin Abbass, Abdelkader Azria, Aisha Belarbi, Mohamed Benhammou, Hocine Bensaid, Mourad Errarhib, Julia Galaski, Ihssan Iraqui, Riad Al Khouri, Hamid Lamris, Abdellah Saaf et Abderrahim Sakhi. Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 25 société civile », organisé au Caire les 31 octobre et 1 novembre 2009 par la Plateforme non gouvernementale EuroMed, avec le soutien de la Fondation Friedrich Ebert et de la Commission européenne. Quelques 70 participants ont discuté les propositions des experts au nom des organisations de la société civile euroméditerranéenne. Le présent ouvrage est le résultat de ce processus. Il s’articule autour de 30 propositions numérotées dans l’ordre, en commençant par les propositions 1 et 2 de cette Introduction et mises en évidence dans les différentes contributions dans des encadrés. Elles s’adressent principalement aux gouvernements des États membres de l’UE et des pays partenaires méditerranéens et aux institutions européennes, mais aussi à la société civile et aux partenaires sociaux eux-mêmes (des propositions comme la proposition 2 : suivi de la dimension sociale par la société civile ou la proposition 11 : plaidoyer et campagne en faveur de l’égalité, ne requièrent pas d’action gouvernementale pour être mises en œuvre) et même aux experts, qui ont un rôle important à jouer dans tout ce processus. Par souci de visibilité, les 30 propositions ont été classées en six niveaux d’intervention : le niveau structurel (propositions liées au cadre d’action au sein du Partenariat euro-méditerranéen), le niveau des principes du partenariat (cf. ci-dessus), le niveau institutionnel (propositions relatives au cadre institutionnel requis pour élaborer une véritable dimension sociale), les interventions politiques (c’est-à-dire les propositions d’action directe en vue de relever les défis sociaux dans la région), le suivi et, enfin la conjoncture (c’est-à-dire, les propositions visant à surmonter les problèmes de transition ou de compensation pour les effets transitoires des actions structurelles). Le tableau ci-dessous donne un aperçu de toutes les propositions formulées dans le cadre de ce projet et qui sont précisées et discutées plus en détail dans les différentes contributions thématiques. Douze propositions ont été mises en évidence dans le tableau pour souligner leur importance en tant que tremplins et pierres angulaires de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen. Dans l’ensemble, ces 30 propositions constituent un programme ambitieux de développement de la dimension sociale du Partenariat. Il semble évident que le choix des propositions aurait pu être différent et que la pertinence de l’une ou l’autre pourrait être remise en question. Certaines peuvent manquer. Quoiqu’il en soit, chacune d’entre elles devrait être l’objet d’une analyse de faisabilité technique plus poussée avant de pouvoir être mise en œuvre. Mais le mérite de ce projet consiste à brosser un premier aperçu des composantes requises pour développer une véritable dimension sociale, telle que décidée par les ministres EuroMed et, finalement, à donner aux acteurs et décideurs politiques quelques idées sur la manière de procéder. Un premier plan d’action pour le développement de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen est ainsi soumis au débat public et mis à la disposition des acteurs de la société civile et des partenaires sociaux en vue d’un lobbying public (à la fois dans les institutions de l’UE et dans les gouvernements européens et des pays partenaires méditerranéens). Cet ouvrage fournisse aussi une grille de base pour évaluer les progrès réalisés dans le développement de la dimension sociale du Partenariat 26 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… est également fournie (et le prochain Forum civil EuroMed qui se tiendra à Alicante, Espagne, en mai 2010 sera une bonne occasion pour procéder à une première évaluation). Notre analyse a évité, à dessein, de mettre l’accent sur la question des ressources financières : la plupart de nos propositions sont liées à des processus, des institutions et des politiques et non à des moyens supplémentaires. Mais cela ne devrait pas nous faire oublier que la création d’un espace euro-méditerranéen de sécurité et de prospérité partagées est irréalisable sans mise en place progressive de mécanismes de redistribution des revenus au niveau régional (comme ceux mis en place dans l’UE grâce à la politique régionale de l’Union) et sans une augmentation « substantielle » de l’assistance financière aux pays arabes méditerranéens, pour utiliser le terme réitéré à maintes reprises dans la Déclaration de Barcelone de 1995, dans le document fondateur de la PEV de 2003 et dans le Document conjoint UE – Maroc sur le Statut avancé de 2008. Les niveaux actuels de coopération financière de l’UE dans la région, malgré leur montant appréciable en termes absolus (près de 1 milliard d’euros par an plus des crédits de la Banque européenne d’investissements, d’un montant supplémentaire de 2 milliards d’euros) sont, en fait, très modestes en termes par habitant (environ 5 euros par habitant et par an), et ne sont certainement pas suffisants pour assurer une cohésion économique sur les deux rives de la Méditerranée. Compte tenu de ce niveau de ressources, il n’est guère réaliste de viser des transformations économiques structurelles. Dans le contexte plus développé de l’UE, de telles transformations structurelles d’envergure absorbent des ressources de l’ordre de 200 € par an et par habitant en fonds structurels alloués par le budget de l’UE aux régions les moins développées dans ses frontières. Le débat autour de la faisabilité politique de la mobilisation de ressources aussi considérables sur fond de crise économique et précisément au moment où le budget de l’UE tend à se contracter et non pas à croître, devrait être placé dans le contexte de l’analyse du « coût du la non-Euroméditerranée », tout comme au début des années 1980, le marché unique européen était appuyé par le rapport Ceccini sur les « coûts de la non-Europe » ; l’Europe a fait preuve d’une remarquable capacité à mobiliser ses ressources dès lors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental et la question réelle n’est pas tant de savoir si des ressources sont disponibles, mais si les politiques comprennent que l’avenir de l’Europe est étroitement lié à celui de la Méditerranée, comme en font souvent état les discours publics. En lisant ces propositions, vous constaterez qu’en fait, nous n’en avons formulé que 29 et non pas 30. Il ne s’agit pas d’une erreur ou d’un manque d’idées, mais d’un appel à toutes les parties prenantes, les décideurs politiques, les acteurs de la société civile, tout comme aux citoyens, qui sont les plus directement touchés par la dimension sociale du Partenariat EuroMed, afin qu’ils formulent leurs propres propositions. Dans l’espace euro-méditerranéen, il y a un déséquilibre récurrent entre le montant (élevé) de ressources consacrées à l’analyse et le nombre (limité) de propositions politiques concrètes mises en circulation. Le principal effort de ce projet était, en partie, de compenser ce déséquilibre. Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 27 Pour finir, mes vifs remerciements s’adressent à Larabi Jaidi, Abdallah Khattab, Erwan Lannon, Kinda Mohamadieh et Souad Triki, les cinq experts qui ont contribué à cet ouvrage, à Julia Galaski de la FES à Rabat, pour les rapports qu’elle a rédigés sur les réunions de Rabat et du Caire. Il m’importe également de souligner la contribution, tout au long du projet, d’Abdelmaksoud Rachdi, Président de la Plate-forme non gouvernementale EuroMed et d’Ulrich Storck, Représentant Résident de la Fondation Friedrich Ebert au Maroc. En travaillant avec eux tous au cours de ces mois, j’ai approfondi ou développé avec eux une relation d’amitié au-delà des frontières, des cultures et des générations. C’est certainement un moyen de contribuer aussi, à un niveau micro, aux objectifs du Partenariat euroméditerranéen. Experts Société civile / Partenaires sociaux Institutions de l’UE Gouvernements 25. Stratégie EuroMed de mobilité 23. Stratégie EuroMed pour l’emploi Principes de partenariat 11. Plaidoyer et campagne pour l’égalité 22. Feuille de route Espace Social EuroMed 8. Maximiser la 27. Consultation sociale au valeur ajoutée de la niveau euro-méditerranéen libéralisation du Mode 4 1. Débat sur le modèle économique 3. Cadre stratégique des réformes avec filet de sécurité Structurelles Interventions politiques Suivi 21. Programme EuroMed Emploi et Migration 29. Comité de suivi de la 20. Programme dimension sociale EuroMed EuroMed Normes Sociales 14. Service de garde des enfants 4. Système d’alerte précoce des crises économiques 2. Suivi DS par la société civile 6. Comité 19. Mise à niveau des politiques interministériel nationales de l’emploi intersectoriel sur le commerce et l’emploi 28. Système EuroMed de monitoring de l'emploi 17. Sous-comités 7. Cohérence entre société civile dans 24. Programme EuroMed l’agenda commercial le cadre des AA Accès des jeunes à l’emploi et la soutenabilité agricole 16. Rapports pays et 13. Stratégie contre notes conceptuelles 9. Evaluation ex-ante et la discrimination des normalisés ex-post de l’impact des ALE salaires 18. Processus transparent de 12. Plan d’action consultation des PIN pour l’emploi des femmes 15. Budgétisation sensible au genre et plans d’action Institutionnelles 20+10 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale dans le Partenariat euro-méditerranéen 5. Fonds anti-crise 10. Plan d’atténuation pour les pertes d’emplois liées aux ALE 26. Système de compensation pour la fuite des cerveaux Conjoncture 28 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes : propositions d’action Abdallah Shehata Khattab * Introduction En 2008 (), l’économie mondiale a connu une crise financière et économique sans pareille en envergure et en ampleur. Bien que la crise actuelle ait été déclenchée par des évènements aux marchés de l’immobilier aux Etats-Unis et en Europe, elle s’est étalée dans toutes les régions du monde accompagnée par des conséquences directes sur le commerce mondial, l’investissement et la croissance. Les pays développés et en développement ont commencé à connaître un ralentissement économique considérable. Il est prévu que la croissance mondiale se ralentisse de 3,4 % en 2008 à 0,5 % en 2009, chutant de la vitesse robuste de 5 % maintenue tout au long des quatre années précédentes. La production industrielle a chuté précipitamment dans l’ensemble de l’économie mondiale, dans un déclin de quelques 15-20 % dans le dernier trimestre de 2008 ; de même les exportations des marchandises ont baissé de quelque 30-40 % (). La chute de la demande mondiale a provoqué un effondrement des prix des marchandises. Les prix du pétrole ont baissé de plus que 60 % après avoir atteint leur point culminant en juillet 2008, bien qu’ils demeurent en réalité plus élevés qu’aux années 90. Le coût de base du pétrole selon le FMI prévoit une chute de 50 $ par baril en 2009 et 60 $ en 2010 (). De même, les prix des denrées alimentaires et des métaux ont décliné de 35 % et 50 % respectivement en dessous de leurs points culminants enregistrés en mars 2008. On peut soutenir que l’impact de la chute des demandes extérieures a été plus vaste en Europe qu’au-delà de l’Atlantique et que les politiques de relance ont été plus lentes et modérées. Un rétrécissement de 2 % en 2009 et une croissance légèrement positive en 2010 () sont attendus dans la zone euro. * Maître assistant au département d’économie, Faculté d’Economie et des Sciences Politiques, Université du Caire. email : [email protected]. L’auteur souhaite remercier Mlle Esraa Ahmad et M. Amgad Hegazy pour leur soutien précieux. () La crise financière a paru en 2007 et s’est aggravée considérablement en automne 2008. () Perspectives du monde économique, 2009. () Ces prévisions font l’objet d’une révision régulière. () La Commission européenne (2009), « L’impact de la crise mondiale dans les pays voisins de l’UE ». Direction générale des affaires économiques et financières, Etudes occasionnelles, 48. 30 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Le ralentissement de l’économie mondiale, notamment dans la zone euro, affecte les pays arabes partenaires méditerranéens de l’UE. Tout au long de la crise, le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) connaîtra un véritable test face aux impacts négatifs de la crise. Ce document vise à évaluer l’impact de la crise actuelle sur le processus de Partenariat euro-méditerranéen et à proposer un ensemble d’actions dans le cadre d’une politique d’atténuation dans le but de réduire les impacts négatifs de cette crise. Ce document s’articule autour de trois parties. La première partie évalue l’impact de la crise sur les pays arabes méditerranéens et leur réaction à la crise. La seconde partie procède à un examen critique du processus de partenariat et de ses instruments dans le cadre des relations euroméditerranéennes. Enfin, la troisième partie propose un ensemble de mécanismes à même d’aider les partenaires méditerranéens à gérer conjointement les effets de la crise économique. 1. La crise mondiale et les pays arabes méditerranéens Récemment, à l’instar de la plupart des marchés émergents, les pays voisins de l’UE, au sud et à l’est de la Méditerranée, ont bénéficié d’une stratégie générale de faible aversion au risque, d’une intégration accrue et d’une interdépendance à l’égard de l’économie mondiale, accompagnées d’échanges et d’investissements étrangers en plein essor et d’une intégration financière renforcée, quoiqu’inégalement répartis à travers les régions. Au cours de ces dernières années, les partenaires de l’UE ont enregistré une forte croissance, générée en partie par l’afflux des capitaux. Cependant, en 2007 et au début de 2008, l’envolée des cours des denrées alimentaires et des produits de base ont conduit à une perte considérable des termes de l’échange des pays importateurs de produits de base, comprenant la plupart des pays voisins (). En automne 2008, la crise économique et financière a frappé les pays développés et s’est répandue depuis à toutes les régions y compris les pays méditerranéens arabes partenaires de l’UE (). Cette crise mondiale a représenté un défi indéniable pour les pays voisins de l’UE. Cependant, l’impact de la crise sur les voisins de l’UE n’est pas uniforme dans le sens où l’étendue et le timing des effets diffèrent selon les caractéristiques structurelles et les réactions politiques. Comme prévu, les voisins de l’Europe orientale ont ressenti les effets de la crise plus directement que leurs voisins méditerranéens. Ceci est dû au fait que les pays d’Europe orientale sont fortement dépendants de l’apport des capitaux étrangers (notamment de l’Europe occidentale) et sont financièrement plus étroitement liés à la partie occidentale de l’Europe. Pour les voisins méditerranéens, l’impact semble plus atténué, car ils représentent une structure économique plus fermée et un système financier relativement conservateur, et notamment le système bancaire (). () Ibid. () Nations Unies, Conseil Economique et Social, Commission Economique pour l’Afrique (2009). « La crise financière mondiale : impact, réactions et perspectives d’avenir », Réunion du Caire, Le Caire. () Ibid., note de bas de page 4. L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 31 L’impact de la crise sur les pays voisins de l’UE a été canalisé à travers des moyens directs et indirects. Les voisins de l’UE ont été particulièrement atteints par la chute spectaculaire des échanges mondiaux, de la décrue des transferts de l’étranger, de la hausse des coûts financiers, de la montée des incertitudes, de la chute des apports en crédits et capitaux et de la balance des paiements, etc. On estime que l’impact sur les voisins de l’UE peut être observé à travers trois canaux principaux : celui du commerce, des cours des produits de base et des transferts financiers. Les échanges des voisins de l’UE ont été négativement affectés, au moment où la crise a affaibli la demande mondiale et partant leurs exportations. La chute des cours des produits de base a non seulement diminué les recettes d’exportation de nombreux pays méditerranéens, mais, une fois contenue par des vulnérabilités sous-jacentes, a également conduit à de graves corrections à la baisse des marchés boursiers et des cours de change. Finalement, les partenaires méditerranéens de l’UE ont subi une influence négative en raison d’un ensemble de canaux de transferts financiers, notamment la réduction de l’afflux des capitaux et les corrections des cours sur les marchés boursiers (). Cependant, l’intégration relativement faible des économies euroméditerranéennes dans l’économie mondiale ainsi que leurs liens encore plus faibles avec le système financier mondial ont, en quelque sorte, protégé les pays arabes méditerranéens partenaires de l’UE des conséquences sévères de la crise. Ils sont susceptibles de souffrir des effets secondaires résultant de la baisse de l’afflux des capitaux, et de s’enfoncer davantage dans la pauvreté et la hausse du chômage. Les pays voisins de l’UE, qui sont importateurs de pétrole (dont le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban) ont tardivement subi l’impact de cette crise. Les économistes prévoient que la pression augmentera tout au long de l’année 2009, vu que les principaux secteurs de ces pays souffrent des effets de la baisse des transferts de fonds qui représentent une source importante des recettes de ces pays (). On pense aussi que ces pays vont subir une baisse générale des investissements directs étrangers et une décrue des recettes du tourisme – notamment la Jordanie et le Maroc, où le tourisme international a représenté respectivement 10 et 9 pour cent du PIB en 2008. Les transferts de fonds se sont élevés à 33,7 milliards de dollars US dans les pays importateurs de pétrole au Moyen Orient en 2008, soit 8 % du PIB au Maroc, 14 % en Jordanie et un pourcentage remarquable de 20 % au Liban. On s’attend à ce que ces montants chutent de 33,7 milliards de dollars en 2008 à 29 milliards de dollars en 2009. Malgré la légère baisse des transferts, les effets d’une telle baisse, combinés à une chute prévue de 11 milliards de dollars dans les investissements directes étrangers dans ces économies de 2008 à 2009, risquent d’être douloureux pour les ménages (10). () ODI, 2008 « La crise financière mondiale et les pays en développement », informations de base, Overseas Development Institute. () Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante », Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, Programme du Moyen Orient, Liban. (Saif, I and Choucair, F. (2009). « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic Crisis », Carnegie Endowment for International Peace, Middle East program, Lebanon). (10) Ibid. note 9. 32 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Pour ce qui est des statistiques macroéconomiques, on s’attend à ce que la croissance du produit intérieur brut (PIB) pour l’ensemble du Moyen Orient chute de 6 % en 2008 à 3,1 % en 2009, ce qui représente une déviation radicale par rapport aux prévisions précédentes du FMI d’une croissance de 5,9 % pour l’année 2009, quoique qu’elles restent favorablement comparables à d’autres économies émergentes, à savoir celles de l’Amérique latine où la croissance du PIB est tombée de 4,2 % en 2008 à – 2,2 % en 2009 (11). On s’attend à ce que les taux de chômage grimpent de 9,5 % en 2008 à 10,3 % en 2009 au Maroc, en fait ils ont déjà augmenté de 8,4 % en 2008 à 9,4 % en 2009 en Egypte. Le tableau 1 montre que l’accroissement prévu du PIB des partenaires de l’UE s’est contracté à moins de 4 % dans la plupart des pays en 2009, après une moyenne d’environ 6 % en 2007/2008. Il est prévu que la baisse du volume des échanges, des transferts et des apports en capitaux frappe de plein fouet la balance des paiements, comme cela apparaît dans le déficit des comptes courants de la plupart des partenaires méditerranéens de l’UE. (11) Ibid. note 9. 1,632 0,4 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage -2,8 3,0 Equilibre du compte courant/PIB ( %) 0,7 Equilibre du compte courant/PIB ( %) 24,8 22,6 3 – 2,54 6,35 – 0,09 2,7 – 3,3 4,2 -6,8 7,5 – 17,2 8,9 1,907 7,088 2007 23,23 3 – 4,21 4,65 – 5,5 5,6 –4 5,2 – 11,6 8,5 – 11,3 7,9 0,546 7,171 2008 4,7 2009* 2,7 2,12 – 3,8 3 – 5,47 5,0 – 3,2 3,0 – 11,3 7 – 10,0 3,0 – 2,354 Sources : Perspectives économiques mondiales (2009), (…) « Chiffres préliminaires ». Les parties en gris indiquent les projections. 4 8,2 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage Equilibre du compte courant/PIB ( %) 2 -1,99 –3 Equilibre du compte courant/PIB ( %) Algérie 5,35 5 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage Tunisie 7,8 2,15 4,4 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage Maroc 5,1 -5,3 3,2 0,58 3,3 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage Syrie Equilibre du compte courant/PIB ( %) – 19,5 0 Equilibre du compte courant/PIB ( %) Liban 8,0 – 10,8 4,7 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage Jordanie 6,844 4,4 2006 Equilibre du compte courant/PIB ( %) 1995-2005 PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage Egypte Pays/indicateur Tableau 1 Les effets de la crise sur les partenaires arabes méditerranéens (Indicateurs choisis) 7,3 3,73 – 2,9 4 – 4,74 3,3 – 4,3 4,2 – 10,5 4 – 8,8 4,0 -2,836 4,498 2010* 7,9 3,94 – 3,43 5 – 4,07 4,5 -3,8 4,5 – 9,8 4 – 8,1 4,5 – 2,72 5,008 2011* L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 33 34 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les données préliminaires indiquent des signes de ralentissement chez la plupart des partenaires de l’UE. En Egypte, le taux de croissance réel du PIB est tombé à 4,1 % au 2e trimestre de l’année fiscale 2008-2009 (oct./déc. 2008), de 7,7 % au 2e trimestre de l’année fiscale 2007/2008 et 5,8 % au 1er trimestre de l’année fiscale 2008/2009 et a terminé avec un taux de croissance de 4,7 % pour toute l’année (12). En Jordanie, les chiffres préliminaires indiquent un ralentissement à 4 pour cent (d’une année à l’autre) au dernier trimestre de 2008, en raison essentiellement à une faible activité dans les secteurs de la construction, des finances et du commerce. Il est prévu qu’en 2009, la croissance effective du PIB se ralentisse à 3 %, en concordance avec les mauvaises perspectives mondiales et régionales. Le Liban a réalisé une croissance record en 2008. Avec la reprise de l’activité dans la seconde partie de l’année générée par les secteurs de la construction et du tourisme, le PIB effectif a réalisé une croissance de plus de 8 % pour l’année. A l’image des prix internationaux, l’inflation a décliné à 4 % en janvier 2009. Cependant, l’aggravation de la situation macroéconomique internationale due à la crise va affecter le Liban en 2009. Les autorités s’attendaient à ce que la baisse des liquidités mondiales et le ralentissement de l’économie mondiale, en particulier dans la région du Golfe, affectent les transferts de fonds, le tourisme, les investissements directs étrangers et en portefeuille ainsi que les apports en dépôts. Il est donc probable que la croissance baisse à 3 % en 2009. Toutefois, les chiffres préliminaires indiquent que la croissance record est de 7 %, au lieu de 8 % précédemment. L’expansion du secteur touristique a été un facteur clé dans l’allègement des effets négatifs de la crise. La Tunisie a, plus ou moins, bien tenu le coup, dans un climat international assez difficile. L’impact des perturbations actuelles des marchés financiers mondiaux sur la Tunisie a été, jusqu’à présent, limité, grâce à sa position macroéconomique relativement forte et au fait que l’économie tunisienne n’est pas directement exposée au marché secondaire des Etats-Unis. Malgré le climat international difficile, les bouleversements financiers mondiaux n’ont eu, jusqu’ici, qu’un impact limité sur l’économie tunisienne, mais pourraient néanmoins l’affecter, notamment à travers les canaux du commerce. Une croissance supérieure à 6 % était prévue, soutenue par des IDE forts (13). Toutefois, en 2008/09, il est prévu que la croissance réelle du PIB se ralentisse à 3 % en 2009 comme cela est indiqué au tableau 1. Comme prévu, le Maroc et la Tunisie encourent le risque de déficit extérieur croissant face à la lente reprise internationale tandis que la crise se prolonge. En 2008, le déficit du compte courant s’est maintenu à 5,5 % et 4,2 % du PIB au Maroc et en Tunisie respectivement. Il était prévu que les deux taux s’aggravent considérablement avant la fin de 2009. Le Maroc encourt un risque encore plus grand en raison de son gros déficit commercial actuel en plus de l’augmentation des cours du pétrole (Achy 2009). Le tableau 1 indique que les deux pays souffrent toujours d’un déficit du compte courant qui reste relativement constant au Maroc et a connu une amélioration mineure en Tunisie. (12) Ministère du développement économique, Egypte, Rapport de suivi, disponible à : www.moed.gov.eg (13) Le FMI, FMI Article IV Rapports de consultation. L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 35 2. Réponses politiques à la crise financière La plupart des gouvernements de la région méditerranéenne ont pris des mesures fiscales et monétaires compensatoires dans une tentative de renforcer la résistance de leurs économies et de faire face aux points faibles identifiés depuis que la crise a frappé. Dans la région méditerranéenne, l’Egypte a lancé un ensemble de mesures d’incitations fiscales à la fin de l’année 2008 avec l’intention ferme de stimuler l’activité économique par la hausse des dépenses d’investissements publics dans le but de soutenir la productivité industrielle et d’accroître les exportations. La première série de mesures a alloué 15 milliards de LE (2,5 milliards de dollars US) au budget de la première année fiscale 2008/09. Les dépenses sont essentiellement orientées vers les programmes d’infrastructure nécessitant une main-d’œuvre intensive incluant les unités de traitement d’eau et d’assainissement, les routes, les chemins de fer, les ports maritimes et les aéroports, en plus des fonds attribués à la construction d’écoles et d’hôpitaux. De plus, le budget 2009/10 comprend une seconde série de mesures financières d’environ 6 à 8 milliards de LE (14). En Jordanie, des garanties ont été accordées pour les dépôts dans les banques nationales ainsi que des mesures d’incitations fiscales. La Tunisie a pris des mesures pour soutenir les PME locales et augmenter l’emploi. Quelques gouvernements – comme la Tunisie, la Jordanie, l’Egypte et le Maroc – ont pris des mesures pour alléger les pressions monétaires en diminuant les taux d’intérêt. Néanmoins, il est prévu que toutes ces mesures se sont avérées largement insuffisantes en raison de l’insuffisance des ressources (15). Le FMI souligne la nécessité pour ces pays d’une meilleure coordination de ces mesures, comprenant notamment des réformes fiscales structurées, une meilleure supervision financière et une planification à long-terme. Le tableau 2 montre les mesures prises par les partenaires de l’UE pour accroître l’immunité de leurs économies envers la crise actuelle. Tableau 2 Un exemple des réponses politiques à la crise par les pays arabes méditerranéens partenaires de l’UE Pays méditerranéen Mesures de facilitation monétaire Surveillance des liquidités Mesures fiscales Egypte ✔ ✔ ✔ Jordanie ✔ ✔ Liban ✔ Syrie ✔ ✔ Maroc ✔ ✔ ✔ Tunisie ✔ ✔ ✔ Source : Le Ministère des Finances (Egypte), Article IV, Rapports de consultation, Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante », Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, Programme du Moyen Orient, Liban. (14) Le ministère des Finances, Egypte. (15) Ibid., note 9. 36 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les résultats préliminaires indiquent que les mesures prises par les arabes méditerranéens partenaires de l’UE ont permis à ces pays de mieux résister que d’autres à la crise dans le court terme. Bien que sur le long-terme, les effets de la récession pourraient créer les conditions d’une instabilité politique et sociale. Ce qui nous pousse à demander si les instruments et les moyens fournis par le partenariat de l’UE offrent des moyens susceptibles d’aider ces pays à réduire les effets de la crise. Dans le chapitre suivant, cet article examinera le cadre du Partenariat euroméditerranéen (PEM) en vue d’évaluer cette possibilité. 3. Le Partenariat euro-méditerranéen : va-t-il aider ? Quoique les formes actuelles de coopération entre l’UE et leurs partenaires arabes méditerranéens, c’est-à-dire le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) et la Politique européenne de voisinage (PEV), leur offrent une chance de développer leurs systèmes économiques, politiques et sociaux, l’efficacité des mécanismes de partenariat demeure discutable. A cet égard, l’analyse du processus de partenariat indique que : l Premièrement, la structure de la PEV reflète clairement la réalité économique et politique des capacités de négociation inégales entre l’UE et les pays voisins.16 Tandis que la PEV et ses plans d’action prévoient des exigences en matière de libéralisation et de et de réforme qui vont parfois au-delà des politiques adoptées au sein de l’UE elle-même, alors que les pays arabes méditerranéens partenaires eux-mêmes (17) pensent que le partenariat avec l’UE est un moyen de développer de fortes relations commerciales et économiques susceptibles de renforcer les relations entre les deux parties. Ainsi, ils souhaitent établir un climat plus favorable au sein duquel ils pourront augmenter leurs exportations aux marchés de l’UE et d’œuvrer ensemble à attirer davantage d’investissements du nord vers le sud. l Deuxièmement, le degré de développement du processus euroméditerranéen est étroitement lié à des facteurs politiques18. Par conséquent, le développement de la coopération entre les deux parties peut connaître une instabilité significative, car les régimes des partenaires méditerranéens qui mettent en œuvre les politiques économiques sont considérés par l’UE comme étant non démocratiques. l Troisièmement, en ce qui concerne les mécanismes financiers, l’importance des fonds alloués à la coopération bilatérale est marginale, car les pays méditerranéens doivent encore passer par un long processus pour restructurer leurs économies afin d’être à la hauteur des normes des politiques et structures économiques de l’UE. En effet, les cadres de financement prévus pour le soutien au processus de réforme des partenaires de l’UE y compris les structures économiques (16) Hall, D. (2009), « Politique de voisinage de l’UE : Implications pour les services publics et les syndicats, Rapport commandé par la FSESP, disponible à www.epsu.org (17) Le gouvernement égyptien, « Partenariat euro-méditerranéen : Perspective égyptienne », disponible à www.cabinet.gov.eg (18) Ibid., note 16. L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 37 et l’environnement social et politique ne sont pas comparables à ceux initiés par l’UE pour soutenir les pays moins développés au sein même de l’UE (les pays d’Europe de l’est membres de l’UE). l Enfin, il n’existe pas de mécanisme anti-crise bien établi parmi les différents mécanismes de financement et de soutien dans la PEV et ses plans d’action, malgré la vulnérabilité économique des partenaires méditerranéens. Par ailleurs, la crise financière et économique actuelle a montré l’absence d’un mécanisme collectif pour la coordination politique entre les deux parties en temps de crise. La réaction de l’UE envers la crise était isolée de toute retour d’information de la part de ses partenaires. Ainsi, l’absence d’une telle action collective semble entraver la promotion de la coopération. 4. Crise et propositions d’action Malgré ses limites et celles de ses plans d’action, la PEV continue de constituer un cadre de travail qui pourrait être amélioré en vue de mieux bénéficier des possibilités qu’il offre. Dans cette partie, nous passons en revue une série de propositions d’actions à travers lesquelles les deux parties peuvent coopérer dans la gestion des défis actuels imposés par la crise financière mondiale et mettre en place un cadre stable de partenariat. On a déjà signalé que les partenaires méditerranéens ont été affectés par les changements significatifs survenus dans la situation économique mondiale lorsque la crise a frappé. A présent, ces pays souffrent tout particulièrement de l’assèchement des flux de capitaux internationaux (sous forme d’IDE et de transferts de fonds) qui constituaient auparavant une source essentielle de croissance. Pour plusieurs pays de la région, la désintégration financière s’est accompagnée de la chute spectaculaire des prix d’exportation des produits de base dont plusieurs pays de la région dépendent fortement, tels que l’énergie, les matières premières et les produits agricoles. En outre, l’impact social est susceptible de générer des risques de vulnérabilité et de pauvreté croissants, rendant ainsi la nécessité de réforme et de soutien encore plus urgente et plus contraignante (19). Tandis que pour l’UE, l’aggravation de la crise économique et financière mondiale incite les pays partenaires à maintenir le rythme des réformes économiques et à éviter les mesures qui défaussent le commerce. A cet égard, l’approche de l’UE visant à atténuer les effets négatifs de la crise (20) consiste à établir un dialogue intense avec leurs partenaires concernant la réponse à la crise financière et à ses conséquences économiques et sociales. L’UE est particulièrement intéressée à rechercher les moyens d’atténuer l’impact sur les groupes les plus vulnérables de la société, afin de promouvoir les conditions adéquates de travail décent et garantir un développement économique et social durable. Par ailleurs, l’UE est disposée à contribuer à résoudre les problèmes de liquidité à court terme, (19) Ibid., note 9. (20) Ibid. , note 4. 38 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… issus de la crise financière en faisant appel aux prêts d’assistance macro-financière de la communauté accordés en coopération avec le FMI et en conformité avec les conditions de son programme. Elle exhorte également les Etats membres à envisager de fournir une assistance macroéconomique bilatérale aux pays de la PEV, en coordination avec le FMI. Enfin, l’UE soutient le renforcement du cadre réglementaire du secteur financier, ainsi que des institutions qui peuvent assurer un contrôle adéquat des marchés financiers (banques centrales, autorités de contrôle du secteur banquier et financier, organismes de réglementation et de contrôle des marchés financiers, etc.) par le moyen de l’assistance technique et, s’il y a lieu, de programmes de jumelage au cours des deux années à venir. A cet égard, la Banque Centrale Européenne et les banques centrales nationales du système de l’euro offrent d’autres programmes d’assistance technique aux banques centrales des pays partenaires. Dans ce sens, l’UE peut aider les partenaires méditerranéens à atténuer l’impact négatif de la crise par le biais de la facilitation du commerce et des investissements. En effet, et à court terme, la Facilité Euro-méditerranéenne d’Investissement et de Partenariat (FEMIP) et/ou la Facilité d’Investissement pour le Voisinage (FIV) pourraient offrir une aide de grande valeur (21), conformément aux perspectives des pays arabes méditerranéens qui souhaitent un soutien financier concret. L’UE peut, de manière efficace, contribuer à atténuer l’impact de la crise sur les partenaires méditerranéens en fournissant un soutien financier significatif à des conditions légères, sachant que les pays de la Méditerranée sont en proie à des contraintes budgétaires serrées au moment où ils adoptent des mesures de sortie de crise. Cependant, une telle action pour atténuer l’impact négatif de la crise financière ne vise pas les canaux à travers lesquels la crise affecte les pays arabes méditerranéens. Il s’agit d’un simple cadre temporaire de coopération et de partenariat. Il est par ailleurs nécessaire de disposer d’un cadre à long-terme qui peut être extrêmement bénéfique pour les deux parties, malgré l’étendue des programmes d’assistance financière et non-financière disponibles dans le cadre de la PEV. Un cadre tel que celui qui est proposé doit tirer profit des actions entreprises par l’UE et des accords de la PEV. Dans ce contexte, le cadre à long terme proposé par cet article est basé sur trois piliers essentiels : 1. Pérennité : la pérennité implique l’établissement de liens économiques durables entre l’UE et les partenaires méditerranéens qui sont moins dominés par les facteurs politiques sont fondés sur les intérêts mutuels et l’égalité. Ce qui peut encourager les deux parties à faire face aux crises et à soutenir la poursuite du processus de coopération et d’intégration (21) Outre les facilités offertes par les instruments de la PEV, ils sont soumis à des activités d'autres institutions multilatérales qui promeuvent la libéralisation de l'économie, tels ceux de la Banque Mondiale, le Programme PPMI : Programme de participation du secteur privé aux infrastructures méditerranéennes (rejoint par la BM/CE), et les agences de l'ONU y compris la Commission Economique pour l’Europe des Nations Unies (UNECE), le PNUE, et le PNUD. L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 39 2. Inclusion : l’exhaustivité signifie que le cadre de soutien aux réformes et à la coopération doit être en mesure d’aborder tous les aspects de la réforme chez les pays arabes méditerranéens partenaires de l’UE, car le fait de se concentrer sur certains aspects seulement pourrait conduire à des résultats préjudiciables. 3. Gradualité : La gradualité implique que pour faire face aux normes et politiques de l’UE, les pays méditerranéens sont appelés à adopter une approche graduelle des réformes, car le fait d’accélérer le processus de réforme pourrait augmenter la résistance due à des impacts négatifs qui pourraient en résulter. Les politiques et mécanismes suggérés doivent prendre en considération les caractéristiques des pays arabes méditerranéens partenaires en vue de les encourager à faire face aisément aux exigences des réformes nécessaires. En se basant sur ces piliers, cet article suggère trois principaux moyens à travers lesquels ce cadre peut être développé comme une base de coopération à long terme à même de permettre aux deux parties de contrecarrer n’importe quel défi de crise économique dans la région à l’avenir. Proposition 3 Elaboration d’un cadre stratégique de réforme comprenant un filet de sécurité euro-méditerranéen Bien que les plans d’actions de la PEV énumèrent la série des réformes requises des partenaires arabes méditerranéens, il manque un cadre stratégique capable de façonner ces réformes. Par conséquent, il est nécessaire de disposer d’un cadre stratégique qui trace le chemin de la réforme en termes de politiques, de timing et de moyens, etc. Un tel cadre pourra aider les partenaires méditerranéens à se conformer aux normes de l’UE et à développer leur tissu économique et social. Pour réussir, ce cadre doit : 1. adopter une approche graduelle dans la mise en œuvre des réformes ; 2. prendre en considération tous les résultats du processus de restructuration et du soutien requis ; 3. mettre au point un ensemble de mécanismes et d’instruments qui ciblent les conséquences sociales négatives du processus de la réforme. La mise en place d’un filet de sécurité euro-méditerranéen est une condition sine qua non pour assurer un soutien au processus de réforme dans la région. Ce mécanisme permettra aux partenaires méditerranéens d’atténuer les impacts sociaux négatifs qui accompagnent la restructuration du tissu économique des partenaires méditerranéens. L’instauration d’un système d’assurance contre le chômage semble être un outil primordial à cet effet, étant donné que la crise a révélé la gravité des effets sociaux sur les ménages en raison de l’absence d’un tel système chez les partenaires méditerranéens. 40 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Proposition 4 Initiation d’un système d'alerte économique précoce dans la région L’objectif de ce système est de fournir des signaux qui reflètent la probabilité que l’économie régionale fa être confrontée à des crises financières et économiques durant un certain temps. Ce système aidera à identifier les points faibles du tissu économique actuel dans l’UE et les partenaires méditerranéens et à prédire les effets de ces faiblesses sur l’évolution future de l’économie de la région. L’établissement d’un tel système nécessite un processus d’action collective des deux côtés et une coopération mutuelle concrète. L’expérience de l’UE en ce domaine aidera à élaborer le système requis. Proposition 5 Mise en place d’un fonds anti-crise Ce fonds doit être conçu pour fonctionner comme un mécanisme par lequel les partenaires méditerranéens peuvent atténuer une crise lorsqu’elle se manifeste, ce qui aidera à contrecarrer les crises liées aux taux de change, à la balance des paiements, l’alimentation, l’énergie, etc. Il peut également cibler la probabilité de crises futures pendant que la réforme continue. Ce fonds devrait être en concordance avec le système d'alerte précoce qui doit être établi. Pour ce qui est du financement, les deux parties sont appelées à y contribuer. Toutefois, la part de l’UE devrait être au moins de 80 % et pour les partenaires méditerranéens, le montant reçu dépendra de la part de chaque partenaire. Conclusion Cet article a examiné l’impact de la crise financière mondiale sur les relations économiques entre l’UE et les partenaires méditerranéens dans le but de mettre en relief une première série d’outils susceptibles de fructifier les efforts menés au sein même du cadre de partenariat. L’article soutient que, selon l’UE, l’aggravation de la crise financière et économique mondiale souligne la nécessité pour les pays partenaires de maintenir le rythme des réformes économiques et d’éliminer les mesures nuisibles au commerce, alors que les partenaires euro-méditerranéens appellent à un appui financier significatif. L’analyse indique que l’UE peut contribuer de manière plus efficace à l’atténuation de l’impact de la crise sur les partenaires méditerranéens à travers un ensemble de mesures à court et long terme. A court-terme, l’UE devra fournir un soutien financier et institutionnel significatif aux pays méditerranéens. Le soutien financier paraît primordial pour ceux des pays partenaires qui souffrent des contraintes budgétaires difficiles. L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 41 L’article propose également un cadre de coopération à long terme autour de trois piliers essentiels : pérennité, inclusion et gradualité. Tout particulièrement, l’établissement d’un cadre de coopération à long terme pour éviter de futures crises commence par l’initiative visant à créer un système d’alerte précoce qui aide à prévoir et anticiper les crises futures dans la région, et simultanément par la mise en place de mécanismes anti-crise accompagnés d’un filet de sécurité sociale. Ce cadre de coopération est tracé par un cadre stratégique de réforme et de développement. 42 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Références Achy, L. (2009), « Le Maghreb et la crise économique mondiale : où se termine le tunnel ? », Bulletin économique international. Hall, D. (2009), « Les implications de la politique de voisinage de l’UE pour les services publics et les syndicats », un rapport de la Fédération des syndicats européens des services publics (FSESP), disponible sur www.epsu.org La Commission européenne (2009), « L’impact de la crise mondiale sur les pays voisins de l’UE ». Direction générale des affaires économiques et financières, Documents occasionnels 48. Le FMI, Article IV du FMI Rapports de consultation pour l’Egypte, le Maroc, le Liban, la Tunisie et la Jordanie. (Dernier rapport disponible pour chaque pays). FMI (2009), Perspectives économiques mondiales 2009. Ministère du développement économique (Egypte), Rapport de suivi, disponible au : www.moed.gov.eg. ODI, (2008), « La crise financière mondiale et les pays en développement », Note d’information, Overseas Development Institute. Radwan, S. et Reiffers, J. L., (2005) « Le Partenariat euro-méditerranéen, 10 ans après Barcelone : Réalisations et Perspectives », disponible au http ://www. femise.net Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante », Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, Programme du Moyen-Orient, Liban. Nations Unies, Conseil économique et social, Commission Economique pour l’Afrique (2009). « La crise financière mondiale : impact, réactions et perspectives d’avenir », Réunion du Caire, Le Caire. Liens internet : http ://europa.eu.int/comm/external_relations/euromed/index.htm http ://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do “EuroMed Partnership : Egyptian Perspective”, Egyptian Cabinet, available at www.cabinet.gov.eg www.mof.gov.eg, www.cabinet.gov.eg www.moed.gov.eg www.imf.org Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 : enjeux, défis et propositions relatifs à l’emploi dans les pays de la rive Sud de la Méditerranée Kinda Mohamadieh * I. Introduction L’Union Européenne (UE) et les pays partenaires méditerranéens (PPM) se sont réunis en 2005 à l’occasion du 10e anniversaire de la Déclaration de Barcelone du Sommet euro-méditerranéen (1995). Lors de ce sommet, les PPM et l’UE ont développé un Programme de travail quinquennal () au titre duquel le travail et la création d’emplois ont été placés au cœur des objectifs à traiter dans le domaine du « développement et de la réforme socio-économiques durables ». Un des objectifs du programme de travail quinquennal est d’œuvrer « en vue de la création de plus de possibilités d’emploi pour le nombre croissant de jeunes dans la région, de réduire les taux de pauvreté régionale, de combler le fossé de la prospérité et d’accroître les taux de croissance du PIB ». Dans le programme, cet objectif est associé à des mesures visant à renforcer une feuille de route pour la création d’une zone de libre-échange euro-méditerranéenne (ZLEEM) à l’horizon 2010, y compris la libéralisation progressive des échanges dans le domaine de l’agriculture (). Ceci comprend également la libéralisation progressive des échanges dans le domaine des services, en tenant compte du Protocole Cadre non contraignant adopté à Istanbul en 2004 (). Ce programme est considéré par les pays partenaires comme une étape franchie sur la voie de l’opérationnalisation des approches politiques adoptées par le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) lancé par le processus de Barcelone en 1995. Le PEM vise une approche globale par l’intégration de trois pistes majeures : le dialogue politique et la sécurité, les relations économiques et la coopération * Réseau des ONG arabes pour le développement (ANND). Remerciements à Bihter Moschini et Omar Seoud de l’ANND pour l’aide apportée dans la collecte des données et l’élaboration des graphiques. () http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/summit1105/five_years_en.pdf. () Le programme couvre le développement rural et la productivité et qualité dans l’agricultural, ainsi que le développement durable. Il comprend les produits agricoles transformés et de la pêche, avec une série d’exceptions convenues et de calendriers de mise en œuvre progressive et asymétrique dans le secteur de l’agriculture, tenant compte des différences et caractéristiques des secteurs agricoles des pays et abordant des aspects non tarifaires de la libéralisation des échanges dans l’agriculture. () Extrait du texte du programme de travail quinquennal ; veuillez vous référer au document pour davantage de détails sur les autres questions soulignées dans ce chapitre. 44 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… sur les aspects sociaux, culturels et humains (). Le PEM a associé ces objectifs à la réalisation d’une zone de libre-échange commune (connue aujourd’hui sous l’acronyme ZLEEM), aux côtés de la coopération économique et de l’assistance financière, comme principaux outils. Dans ce contexte, huit pays arabes ont conclu des accords d’association (AA) avec l’UE, à savoir l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l’Autorité Palestinienne, la Tunisie et la Syrie (plus de détails sur le type d’accord et les dates y afférentes figurent au tableau 1). Il est prévu d’établir une zone de libre-échange entre l’ensemble des membres du PEM (15 pays membres de l’UE initialement parties à l’accord, 12 nouveaux pays membres de l’UE après les derniers élargissements de 2004 et de 2007 et 10 pays de la rive Sud de la Méditerranée) à l’horizon 2010. Jusqu’ici, ces accords prévoient la libéralisation de la circulation des marchandises et une augmentation des fonds d’aide accordée dans le cadre de la coopération. La libéralisation des marchandises au titre des AA a été axée sur les partenaires du Sud, dans la mesure où l’UE avait déjà accordé à ceux-ci un accès préférentiel à ses marchés dans le cadre d’accords précédemment conclus dans les années 1970. Par ailleurs, des négociations sur la libéralisation des services sont actuellement en cours au niveau bilatéral. Les AA ne portaient que sur une libéralisation partielle dans le secteur agricole, mais la libre circulation des personnes n’y est pas encore prévue. () Tableau 1 Accords d’association UE – PPM au titre de le ZLEEM Pays Type d’accord Algérie Accord d’association 04.22.02 Septembre 2005 Egypte Accord d’association 06.25.01 Juin 2004 Jordanie Accord d’association 11.24.97 Mai 2002 Liban Accord d’association 06.17.02 Accord intérimaire mars 2003 Maroc Accord d’association 02.26.96 Mars 2000 Autorité palestinienne Accord d’association intérimaire 02.24.97 Accord intérimaire juillet 1997 Syrie Tunisie Date de conclusion Entrée en vigueur Initié en décembre 2008 (5) Accord d’association 07.17.95 Mars 1998 Source : htpp ://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral regions/euromed/aa_en.htm (situation en juin 2009 ; dernière visite du site le 13 octobre 2009). Bien que l’agenda commercial des pays du PEM ait été actif et que ses processus soient efficaces en termes de négociation et de ratification des accords () Au titre de ses objectifs économiques et financiers, le PEM est axé sur le développement socioéconomique durable, l’amélioration des conditions de vie, la hausse de l’emploi et la réduction du fossé de développement dans la région euro-méditerranéenne. () L’accord d’association UE-Syrie a été paraphé le 14 décembre 2008, avec des négociations couvrant les échanges de biens et de services entre la Syrie et l'UE. Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 45 d’association, les politiques de l’emploi n’ont pas fait l’objet d’autant d’attention à l’échelon régional. En effet, ce n’est qu’en 2008 que les Ministres de l’emploi et du travail des pays euro-méditerranéens se sont rencontrés au Maroc, pour la première fois depuis le démarrage du processus de Barcelone. Leurs travaux ont réitéré le contenu du programme de travail quinquennal EuroMed. Dans leurs conclusions, les Ministres de l’emploi ont lancé un appel timide à la prise en compte de l’impact social et en matière d’emplois d’une éventuelle zone de libre-échange () et ont prôné « une approche intégrée combinant de manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale, sociale et environnementale ainsi que la politique d’éducation et de formation ». Un des objectifs au cœur du cadre d’action EuroMed inclus par les Ministres était « de créer un nombre considérable d’emplois » qu’ils jugeaient « nécessaires pour réduire le chômage », mis à part l’amélioration de l’employabilité, ainsi qu’un « investissement dans le capital humain » et la « promotion du travail décent » (). Ce document traitera de l’interface entre les agendas « commerce » et « emploi » dans la région EuroMed. Dans un premier temps, il mettra en exergue les défis de l’emploi dans les PPM arabes et l’importance de prendre en compte l’impact des accords commerciaux sur l’emploi et les marchés du travail. Ensuite, il discutera des enjeux et défis induits par la libéralisation des secteurs de l’agriculture et des services sur l’emploi dans les PPM arabes. Il conclura par cinq propositions susceptibles de stimuler la prise en compte de l’emploi dans les négociations, les évaluations et les révisions de la ZLEEM. II. Défis en matière d’emploi dans les pays partenaires méditerranéens arabes – une vue d’ensemble Dans les pays partenaires méditerranéens arabes (PPMA), le défi du chômage a été persistant. Une tendance à la détérioration peut être retracée jusqu’à la période des réformes d’ajustement structurel, pendant les années 1990 et, plus récemment, pendant la crise économique mondiale. Le chômage dans la région arabe avoisine les 14 % ; il tend à être fortement biaisé et touche les jeunes de moins de 25 ans et il est généralement plus élevé pour les femmes que pour les hommes (). Ce problème chronique s’est exacerbé dans le sillage de la crise actuelle ; un rapport récemment rédigé par l’OIT présente les scénarios du chômage en 2009, allant d’un chômage relativement statique au taux déjà élevé de 2008 (9,4 % environ), à une augmentation de six millions de chômeurs officiels en Asie de l’Ouest (à () P. 2 de la Déclaration accessible à : http://www.eib.org/attachments/general/events/luxembourg_18112008_processus_barcelone_en.pdf () Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée ; conclusions de la première conférence euroméditerranéenne des ministres de l’emploi et du travail, Marrakech, 9-10 novembre 2008. () Extrait de l’étude SIA d’impact de la durabilité (p. 9), en référence à la situation dans les dix pays partenaires méditerranéens du Sud et de l’Est (PPM), et pas seulement dans les PPMA. 46 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… l’exclusion de l’Egypte) jusqu’à huit millions environ dans la région d’ici la fin de l’année (). Dans l’ensemble, même pendant les années de croissance régulière, le chômage a été élevé et à la hausse dans la région arabe. Ceci tend à montrer le manque de redistribution des gains économiques dans les activités économiques durables génératrices d’emplois Par conséquent, on peut en déduire que la croissance économique et les outils politiques qui la sous-tendent (y compris la libéralisation du commerce) n’ont pas réussi à traiter les problèmes de limites de la région en matière de création d’emplois, augmentant ainsi les instabilités politiques et sociales. De plus, les pays de la région n’ont pas été en mesure de développer des structures de coopération intrarégionales efficaces, susceptibles de contribuer à réduire la pauvreté et le chômage (10). Plusieurs facteurs font des taux de chômage à la hausse l’une des principales préoccupations à la lumière de la crise mondiale, notamment : (1) les taux de natalité élevés et les populations relativement jeunes de la région, ce qui signifie que de nombreux nouveaux diplômés et jeunes quittant les bancs de l’école entrent sur le marché du travail avec des perspectives qui s’amenuisent et (2) la concentration de l’activité économique dans des secteurs à faible capacité de création d’emplois, comme ceux de l’immobilier et des finances (11). III. L’importance de l’impact des accords commerciaux sur l’emploi et les marchés du travail Comme cela a été mentionné ci-avant, huit pays arabes ont conclu des AA avec l’UE. Dans l’ensemble, force est de constater que les gouvernements arabes, tout particulièrement ceux des pays non producteurs de pétrole, ont donné une importance accrue à la libéralisation des échanges en faisant des choix politiques, aux côtés des flux d’aide, des investissements directs étrangers et des transferts de fonds () Rapport sur les tendances mondiales de l’emploi de l’OIT (2007). Le rapport fait état d’une très forte croissance de la main-d’œuvre dans la région arabe, avoisinant les 3,7 % annuellement entre 2000 et 2005. En 2005-2007, le taux de chômage a dépassé la barre des 13 %, alors que le chômage des jeunes dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est estimé le plus élevé dans le monde, autour de 25,7 % en 2003 selon les estimations de l’OIT (de 46 % en Algérie à 6,3 % aux Emirats Arabes Unis). II convient de noter que ces données officielles cumulées sous-estiment probablement le taux de chômage général qui prévaut dans la région et masquent également les taux plus élevés des pays plus pauvres comme l’Egypte, où un taux de 20 pour cent signifierait plus de 10 millions de citoyens au chômage et à la recherche d’un emploi. L’emploi dans les PPM a enregistré une hausse d’un peu moins de 1 % par an entre 1994 et 2004. Ce taux, combiné à la dynamique démographique devrait générer quelques 1 million et demi de nouveaux chômeurs tous les ans. Référence : Ivan Martin, « In Search of Development along the Southern Border : The Economic Models Underlying the Euro-Mediterranean Partnership and the European Neighbourhood Policy. » (10) D’après Hoekman et Sekkat (ERF paper ; « Deeper integration of goods, services, capital, and labour markets »), la région est caractérisée par une intégration limitée des marchés de produits, mais les flux de capitaux et de main-d’œuvre sont importants et peuvent avoir un potentiel plus important que les échanges traditionnels de produits (manufacturés) pour égaliser les prix de production. (11) Kinda Mohamadieh et Oliver Pearce ; « Facing Challenges of Poverty, Unemployment, and Inequalities in the Arab Region. Do Policy Choices of Arab Governments Still Hold after the Crisis? » ; un article du réseau des ONG arabes pour le développement ANND et l’Aide Chrétienne (juin 2009). Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 47 des travailleurs migrants (12). Il n’en demeure pas moins que les préoccupations en matière d’emplois n’ont pas été intégrées dans les politiques commerciales menées par les pays arabes et dans la région euro-méditerranéenne dans son ensemble. Les décideurs des politiques du commerce et du travail ne se mélangent et ne dialoguent pas souvent entre eux ; une telle interaction au niveau EuroMed n’est jusqu’à présent pas intervenue. De plus, la politique commerciale, pour sa part, a été relativement bien développée dans la région EuroMed, compte tenu des progrès enregistrés dans la conclusion des AA méditerranéens, alors que les politiques en matière d’emploi, pour leur part, n’ont pas été discutées et développées avec efficacité au niveau régional. Le Cadre d’action des Ministres de l’emploi (intégré dans la déclaration des Ministres de l’emploi à l’issue du Sommet des ministres de l’emploi et du travail de novembre 2008) pourrait être un pas dans cette direction. Par ailleurs, alors que la politique de l’emploi de l’UE est relativement bien développée dans les pays membres et au niveau communautaire, les pays partenaires méditerranéens arabes n’ont pas discuté de manière appropriée de politiques de l’emploi communes, en dépit d’une mobilité importante de la main-d’œuvre dans la région. Au niveau mondial, les questions relatives au commerce et à l’emploi sont de plus en plus débattues, à la suite de l’engagement croissant des syndicats dans les questions commerciales et l’état d’avancement du système commercial mondial. Depuis les manifestations de Seattle contre l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), cet engagement s’est renforcé et couvre notamment l’impact des accords de l’OMC ainsi que les accords commerciaux bilatéraux et régionaux. En 2007, l’OMC et l’OIT ont publié le premier rapport commun intitulé « Le commerce et l’emploi : un défi pour la recherche sur les politiques » (13). Ce rapport a couvert plusieurs aspects de la discussion multidimensionnelle, y compris l’impact du commerce sur les niveaux de revenu et les inégalités de salaire, l’impact du commerce sur la création et la destruction des emplois, le commerce et la demande de différents types d’emploi, l’impact sur la demande en main-d’œuvre ou le pouvoir de négociation des salariés et le rôle des syndicats, la réforme du commerce et le secteur informel. La discussion sur les politiques commerciales et du travail à l’échelle mondiale ne s’est pas faite sans complications ; alors que les pays industrialisés ont accusé les pays en développement d’exploiter des normes de travail limitées et de restreindre les droits des travailleurs dans leurs processus de production pour avoir un avantage compétitif, les pays en développement ont accusé les pays industrialisés d’utiliser les droits des travailleurs comme mesure protectionniste pour les empêcher d’accéder aux marchés. De plus, les liens entre le droit commercial international et le droit international du travail ont également été controversés. Dans l’ensemble, les détracteurs de la libéralisation des échanges lui ont reproché d’être à l’origine de la montée du chômage et de l’inégalité des salaires dans les pays avancés, de l’exploitation accrue des travailleurs dans les pays en développement et d’une « course à la baisse » pour ce qui concerne les conditions et normes de (12) La Banque mondiale a indiqué dans plusieurs de ses rapports que la croissance du PIB dans les pays arabes pauvres en ressources et riches en main-d’œuvre a enregistré un bond impulsé par de forts revenus dans le secteur du tourisme, des transferts importants de fonds des travailleurs migrants et des IDE en hausse. (13) Consultable à l’adresse url : www.ilo.org/publns ou http://onlinebookshop.wto.org. 48 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… travail (14). Dans ce contexte des voix se sont faites entendre, demandant l’inclusion des dispositions sur les droits des travailleurs dans les accords de libre-échange, le but étant de protéger les travailleurs et de faire appliquer les conventions de l’OIT. Cette question est d’une importance non négligeable et elle est souvent critiquée en raison de la tendance des pays développés à exploiter les normes de travail de manière protectionniste. En effet, cet appel a été critiqué par d’aucuns invoquant l’argument que le moyen d’appliquer les droits des travailleurs ne devraient pas être des accords commerciaux, mais plutôt le renforcement des conventions et organes des NU pour ce faire. En principe, plusieurs facteurs reflètent l’importance de tenir compte des politiques de l’emploi et du travail dans l’élaboration des politiques et des accords commerciaux, y compris : – Les accords commerciaux jouent un rôle dans la restructuration des marchés de production aux niveaux national et régional, changeant ainsi le marché de l’emploi et le type d’emploi proposés. – Les accords commerciaux influent sur l’espace politique et les instruments politiques à la disposition des gouvernements pour élaborer des politiques tenant compte des secteurs productifs et de la création d’emplois. Ils ont aussi un impact sur le niveau des investissements dans ces secteurs et les marchés publics. Ils sont directement liés aux politiques de l’emploi qu’un gouvernement peut mettre en place. – Compte tenu de l’absence dans la plupart des PPM arabes de politiques globales dans les secteurs industriel, agricole et des services, décider une libéralisation plus poussée dans ces secteurs signifierait renoncer à leur espace politique et ouvrir le secteur à des facteurs de risques non calculés. Les accords commerciaux menacent de bloquer les capacités productives des pays au niveau du développement préalable à leur entrée en vigueur. Ils peuvent, par ailleurs, avoir un effet restrictif sur les capacités de création d’emplois des économies nationales. – Dans de telles conditions, la réalisation progressive du droit au travail, ancré dans la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, serait fortement compromise. En effet, les gouvernements ne disposent pas des mécanismes leur permettant de garantir que le droit au travail est protégé face à la libéralisation des échanges, en particulier lorsque les effets de cette libéralisation n’ont été ni prévus ni prévisibles par des évaluations ex-ante. – Les informations restent limitées ; les évaluations ex-post qui pourraient aider à informer les gouvernements de la création de nouveaux emplois et de l’ampleur de la réduction ou hausse des taux de chômage réels dans le sillage de cette libéralisation, ne sont pas une pratique courante (15). – Les processus de libéralisation des échanges sont rarement associés aux réformes nécessaires des politiques de l’emploi et du travail, lesquelles pourraient aider à saisir les bénéfices commerciaux, y compris la valeur ajoutée d’un flux accru d’investissements directs étrangers. (14) Libéralisation des échanges et emploi (Document de travail DESA No. 5 Octobre 2005) par Eddy Lee. (15) Cf. le rapport du Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels ; liste de questions du Salvador 2005. Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 49 Etude d’impact de durabilité relative à la ZLEEM mettant en exergue l’impact sur l’emploi La seule étude d’impact de durabilité relative à l’accord de libre-échange euroméditerranéen (ZLEEM) (SIA) a été commandée par l’UE et publiée en 2007 (16). La SIA note que si des mesures parallèles ne sont pas prises et mises en œuvre par les PPM du Sud, la ZLEEM aura un effet négatif sur l’emploi, la pauvreté et le développement (17). Dans l’ensemble, l’étude identifie parmi les impacts sociaux potentiels, une hausse importante du chômage, tout particulièrement dans le sillage de la libéralisation des échanges des produits industriels et agricoles, une chute des salaires associée à une montée du chômage, ainsi qu’une diminution importante des recettes gouvernementales, accompagnée des conséquences sociales induites par la réduction des dépenses dans les domaines de la santé, de l’éducation et les programmes d’appui social. Elle indique également une vulnérabilité accrue des ménages pauvres aux fluctuations des prix des produits alimentaires de base sur les marchés mondiaux et des effets défavorables sur la situation, les conditions de vie et la santé des femmes rurales. La SIA note que le chômage restera probablement élevé dans les PPM pendant la période d’ajustement, compte tenu du niveau déjà élevé des taux de chômage à l’origine. Des pressions supplémentaires se feront ressentir avec les déplacements des emplois entre les secteurs, conséquences des changements structuraux induits par l’ouverture des marchés. En fait, ceci a été constaté dans plusieurs PPM au cours des périodes d’ajustement. Dans le secteur de l’agriculture, des effets positifs et négatifs importants se feront ressentir à court terme dans les PPM au niveau local. La SIA note qu’avec les incitations de hausse de la productivité, de nouveaux emplois devraient être créés dans les PPM dans la production de fruits, de légumes, d’huile d’olive, de poisson et de quelques autres produits. Mais elle s’attend à ce que cela soit en partie contrebalancé par la perte d’emplois dans les produits, notamment les céréales, le bétail et les produits laitiers. (16) Pour la SIA cf. : http://www.sia-trade.org/. (17) SIA 2007. « Etude d’impact de durabilité relative à la zone de libre-échange euro-méditerranéenne », rapport final de la consultation du projet SIA-ZLEEM. La conclusion générale découlant de la modélisation effectuée dans la SIA note un impact généralement positif mais faible sur le bien-être ; par exemple, les changements attendus en matière de bien-être dans les PPM du Sud se situent dans la fourchette de moins 1 % à plus 2 % du PIB pour les produits industriels et de 0 % à 0,5 % pour l’agriculture. Des résultats similaires sont à prévoir également dans les secteurs des services. Pourtant, dans le même temps, la ZLEEM devrait avoir un impact négatif important sur les recettes provenant des tarifs. Cet impact devrait se faire ressentir surtout au Liban et dans les Territoires Palestiniens (qui démarrent sur une position budgétaire extrêmement fragile), et un peu moins en Syrie et en Egypte. Pour les produits industriels, des estimations quantitatives indiquent une baisse des recettes gouvernementales dans leur ensemble d’environ 5 % du PIB au Liban, 2,4 % en Tunisie et 2 % au Maroc. Dans le cas de l’agriculture, l’effet attendu devrait être important dans tous les PPM, à l’exception d’Israël, de la Tunisie et de la Turquie, mais uniquement à hauteur d’un tiers à un demi de celui anticipé de la libéralisation des produits industriels. 50 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les droits des travailleurs dans les accords de libre-échange conclus par les Etats-Unis Si l’on tient compte du fait que l’Union européenne a adopté le modèle social de l’Etatprovidence comme l’une de ses pierre angulaires, il est intéressant et paradoxal de noter que les accords de libre-échange conclus par certains pays de la région, notamment la Jordanie et le Maroc, avec les Etats-Unis, règlementent les questions du droit du travail et des droits des salariés de manière bien plus détaillée que les accords d’association euro-méditerranéens. Depuis 1993, les Etats-Unis ont intégré dans tous leurs accords de libre-échange bilatéraux et régionaux des dispositions en matière de travail. La plupart des dispositions en matière de travail des accords commerciaux prévoient, au moins, la couverture des droits fondamentaux du travail suivants : liberté d’association, droit de constituer des syndicats et de négocier collectivement, limitation du travail des enfants et interdiction des travaux forcés (1). Elles excluent aussi les exemptions du droit national du travail accordées par les pays partenaires pour attirer les investissements étrangers directs. En dehors de la sphère du commerce, l’accord de libre-échange (ALE) conclu avec la Jordanie inclut, pour la première fois, des dispositions qui reconfirment le lien entre le libre-échange et la protection des droits des travailleurs. L’accord de libre-échange EtatsUnis-Jordanie, tout en réaffirmant l’engagement souscrit par les deux pays vis-à-vis des normes fondamentales de l’OIT en matière de travail, n’en impose pas de nouvelles, tout comme il n’interdit pas d’amendement ou de réforme des lois nationales, jugés nécessaires par les pays. Il permet toutefois aux deux partenaires de demander des consultations et, le cas échéant, un règlement impartial du litige dans le cas où l’un des partenaires de l’ALE estimerait que l’autre se soustrait à la mise en œuvre les législations nationales existantes, dans l’intention d’en tirer un avantage commercial ou en termes d’investissements. Ceci étant, les experts ont de sérieux doutes sur l’efficacité de tels accords commerciaux pour protéger les droits des travailleurs, compte tenu principalement des mécanismes de mise en œuvre prévus dans ces accords. Ils sont basés sur un examen supranational et pénalisent les parties qui dérogent à l’exécution de leurs obligations. Les accords les plus stricts à cet égard, comme l’accord de libre-échange Etats-Unis-Jordanie, considèrent les dispositions du travail comme des obligations de travail pleinement exécutoires, qui jouissent du même statut que les obligations commerciales et autres obligations de l’accord commercial concerné. Ils prévoient le droit à un pays, partie à l’accord, de contester l’incapacité alléguée par l’autre partie de protéger les droits du travail de ses ressortissants. Ces contestations sont tranchées par une instance internationale neutre de règlement des litiges, laquelle détermine le bien-fondé de l’incapacité alléguée. Si elle conclut à une incapacité, la partie plaignante peut exiger des bénéfices commerciaux de la partie contrevenante, ou prendre toute autre mesure appropriée jusqu’à ce que cette dernière se conforme à ses obligations en matière de droit du travail, généralement en améliorant l’application de sa législation du travail. Mais un des gouvernements partenaires doit réclamer l’application de ces dispositions ; les salariés ou les syndicats n’ont pas le droit de déposer plainte (2). En tout état de cause, le fait est que les accords de libre-échange signés par les Etats-Unis incluent des dispositions visant à protéger le droit du travail dans les pays partenaires. (1) Cf. POLASKI, Sandra (2004) « Protecting Labour Rights Through Trade Agreements : An Analytical Guide », Journal of International Law and Policy, vol.10 :13, p. 13-25. (2) Cf. CHARNOVITZ, Steve (2005), « The Labor Dimension of the Emerging Free Trade Area of the Americas », in Alston, Philip (ed). Labour Rights as Human Rights, p.143-176. Iván Martín Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 51 IV. La ZLEEM et l’emploi dans les secteurs productifs ; réflexion sur les enjeux et les défis dans les secteurs agricole et des services Les AA avec l’UE couvrent la libéralisation des produits industriels et une libéralisation partielle dans le secteur de l’agriculture (18). Les Accords incluent des références et une coopération dans les échanges de services (19) et une coopération économique dans une gamme étendue de secteurs de services comme les services financiers, l’énergie, les technologies de l’information, les télécommunications, le transport et le tourisme. Les Accords avec l’Algérie et la Jordanie au-delà, et incluent une référence aux clauses de traitement national (20). Quelques accords, y compris ceux conclus avec la Jordanie, le Maroc et la Tunisie, contiennent des exigences de réévaluation du champ d’application et de la rapidité de la libéralisation (21). Au cours des dix à quinze dernières années, qui ont coïncidé avec celles depuis le lancement du processus de Barcelone, le secteur industriel dans la région arabe, mis à part la production de pétrole et les exportations, a enregistré une croissance négative très fragile (Cf. graphique I ci-dessous sur le secteur manufacturier dans les pays arabes). La contribution du secteur industriel au PIB dans la région arabe (22) a été principalement imputée à la valeur accrue des industries d’extraction (exploitation minière) et aux recettes du pétrole, qui ne sont pas des secteurs fortement générateurs d’emplois (cf. tableau II ci-dessous sur la contribution du secteur industriel au PIB entre 1998 et 2006). Dans le même temps, les pays arabes ont perdu leurs marges préférentielles dans le secteur du textile et de l’habillement suite à l’expiration de l’accord multifibres en 2005. Ce secteur était le principal employeur, surtout de femmes, dans plusieurs pays arabes (23). Les parts de marché perdues dans ce secteur et les pertes qui en ont (18) Inclus principalement au Chapitre III des accords, Titre II. (19) Les accords contiennent des articles qui se lisent comme suit : « Les Parties acceptent d’élargir le champ de l’accord pour couvrir le droit d’établissement des entreprises de l’une des parties sur le territoire de l’autre et la libéralisation de la fourniture de services par les entreprises d’une partie aux consommateurs de services dans l’autre partie. » (20) L’accord UE-Jordanie accorde les droits de présence commerciale et de traitement national pour le transport maritime international (Art. 31.2) et permet au personnel clé de chaque partie de travailler dans les filiales implantées sur le territoire de l’autre partie (Art. 34) ; dans l’accord UE-Algérie, un traitement national limité est accordé à la présence commerciale (Art. 32.2) et au transport maritime international (Art. 34.2). (21) Ces informations reposent sur une présentation de Murray Gibbs lors de la conférence régionale sur les ALE dans la région arabe, organisée par l’ANND, le TWN et le PNUD (Le Caire 2006) ainsi que sur les textes des accords. (22) Contribution estimée à environ 25-35 % du PIB total de la région selon les statistiques de la fin des années 90. (23) Les industries du textile et de l’habillement sont des employeurs majeurs et des secteurs d’exportation essentiels dans un grand nombre de pays arabes. Le secteur du textile et de l’habillement représente 50 % de l’emploi industriel en Tunisie, 40 % en Maroc et 25 % en Egypte. Du moins, dans les pays du Maghreb, ces emplois sont dans une large mesure féminins : ils génèrent des revenus pour les femmes et leur permettent d’être indépendantes financièrement. La Jordanie est devenue un important exportateur et des pays du Golfe comme Bahreïn, Oman et les EAU ont développé des secteurs exportateurs d’habillements (Gibbs et Mehalaine 2006, Khoury). 52 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… découlé en termes d’activité économique et d’emplois n’ont pas été compensées par d’autres activités industrielles. Selon la Banque mondiale (24), la croissance de la production industrielle dans les pays arabes pauvres en ressources et à fort taux de main-d’œuvre, était de 2,2 % en 2005, pour passer rapidement à un taux estimé à 3,4 % en 2006, alors que dans les pays riches en ressources et à fort taux de main-d’œuvre, cette croissance a enregistré une hausse de 4,8 % en 2005, pour ensuite chuter de 2,3 % en 2006 (25). Les fluctuations de la croissance du secteur industriel ont été liées à celles des prix du pétrole et à la montée de la Chine en tant que plaque tournante de la fabrication. Les pays arabes ont régulièrement été confrontés au défi de diversifier leur base de production non agricole, tout en essayant de se lancer dans la production propre, à valeur ajoutée et créatrice d’emplois. Ceci est d’autant plus évident que les secteurs traditionnels dans lesquels les pays arabes concentraient leur production, comme les textiles, ont subi une concurrence très forte de la part de la Chine et d’autres pays asiatiques, comme indiqué ci-dessus (26). De surcroît, les pays arabes ont progressivement abandonné l’utilisation d’instruments politiques qui auraient pu leur permettre de développer des secteurs d’activité créateurs d’emploi, efficaces et compétitifs, capables de relever le défi de la concurrence aux niveaux régional et international. Actuellement aucun PPM arabe ne poursuit de politique industrielle clairement ciblée définissant la manière de contribuer spécifiquement à la création d’emplois dans un avenir proche. Par conséquent, la libéralisation de ce secteur s’est faite sans vision claire des avantages potentiels à en tirer et des pertes à éviter. (24) Banque mondiale (2007). Economic Development and Prospects : Job Creation in an Era of High Growth, p. 2. (25) La région MENA inclut les économies pauvres en ressources et riches en main-d’œuvre (RPLA) comme Djibouti, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Tunisie, la Cisjordanie et la Bande de Gaza, des économies riches en ressources et riches en main-d’œuvre (RRLA) comme l’Algérie, l’Iran, l’Iraq, la Syrie et le Yémen, et des économies riches en ressources et importatrices de main-d’œuvre (RRLI) comme Bahrein, le Koweït, la Libye, Oman, Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis). (26) Les exportateurs arabes ont eu des difficultés à rester compétitifs après l’arrivée à expiration de l’accord sur les textiles et l’habillement, les marges préférentielles accordées au titre des ALE ne semblant pas suffire à maintenir un avantage compétitif par rapport aux fournisseurs asiatiques, surtout qu’ils sont aussi handicapés par des règles d’origine rigoureuses (par exemple « à partir du fil »). Des programmes destinés à améliorer la compétitivité pourraient prévoir une accumulation plus souple des règles d’origine, pour permettre un approvisionnement plus large des tissus, l’utilisation de labels d’origine EuroMed, de labels sur les conditions de travail ou de labels écologiques, des formations améliorées en design et marketing, le transfert de technologies et des investissements dans une corrélation en amont (exemple : le finissage des tissus) (Gibbs et Mehalaine 2006). 53 Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 Graphique 1 Tendances de croissance dans les différents pays – secteur manufacturier 15 Pourcentage croissance 10 5 0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 –5 – 10 Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie Source : données issues de UN STAT http://unstats.un.org/unsd/default.htm. Graphique préparé par Omar Seoud (ANND) ; cf. documents joints pour obtenir des données détaillées. Tableau 2 Part du PIB par secteurs Part du PIB 1998 2006 Agriculture Industrie Services Agriculture Industrie Services Algérie 12,5 46,1 41,3 8,5 61,5 30,1 Egypte 17,1 30,9 52,0 14,1 38,4 47,5 Jordanie 3,1 26,4 70,5 3,1 29,5 67,4 Liban 6,9 28,9 64,3 6,7 23,7 69,6 Maroc 20,2 27,7 52,1 15,7 27,8 56,5 Syrie 30,6 27,6 41,8 18,3 32,2 49,5 Tunisie 12,7 28,4 58,9 11,3 28,4 60,3 Source : http://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/data.htm. Il convient de mentionner que l’Algérie est un pays producteur et exportateur d’hydrocarbures, ce qui explique la part considérablement plus élevée de l’industrie dans son PIB. Les passages qui suivent sont principalement axés sur les propositions de libéralisation du secteur agricole et des services ainsi que sur les implications y afférentes sur l’emploi. Le secteur industriel n’est pas étudié, d’autant que les négociations avec l’UE sur les biens industriels ont d’ores et déjà eu lieu dans le contexte des accords d’association existants et que des négociations bilatérales sont en cours entre l’UE et plusieurs des PPM arabes. Par conséquent, les recommandations en découlant pour ces deux domaines peuvent toujours être prises en compte dans les processus actuels en cours. 54 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Agriculture Mis à part son caractère essentiel en termes de revenus, de nutrition et de sécurité alimentaire (27), l’agriculture a été au cœur de l’emploi dans la région arabe dans son ensemble. Dans les PPM arabes, l’agriculture génère environ 20 % des emplois (28) dans certains pays et contribue aux moyens de subsistance d’environ 40 % de la population. L’agriculture reste concentrée dans de petites exploitations agricoles traditionnelles, généralement étouffées par les dettes, sous-équipées, mal organisées et, par conséquent, très vulnérables à la libéralisation (29). Entre 1995 et 2007, la part de l’agriculture dans le PIB et l’emploi a suivi une tendance à la baisse ou à la stagnation (cf. Graphiques 2 et 3 ci-dessous ; davantage de données sur les tendances de la croissance dans le secteur agricole figurent en Annexe). Graphique 2 L’agriculture en % du PIB 20,2 25 12,4 11,4 12,7 11,3 10,9 15,7 4,3 7,3 6,9 6,7 6,1 10 8,5 10,5 13 12,5 15 15,1 14,1 16,8 17,1 20 0 0 3,1 3,1 3,1 5 Algérie Egypte Maroc Liban Tunisie 1995 1998 2005/2006 2007 Jordanie Source : Données obtenues de http://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/data.htm. (Site consulté en juillet-octobre 2009). Tableau compilé par Bihter Moschini (ANND) (27) Dans de nombreux pays arabes comme le Maroc, la Tunisie, la Syrie et l’Egypte, un pourcentage important des tâches est accompli par des travailleuses non rémunérées dans le secteur de la production alimentaire traditionnelle. Ceci étant, certains secteurs de produits destinés à l’exportation, comme les fruits et les fleurs, peuvent employer une main-d’œuvre féminine plus importante, dans des conditions qui peuvent toutefois être moins saines et un niveau de vie plus faible que dans l’agriculture traditionnelle (SIA-ZLEEM, http://www.sia-trade.org/emfta/en/reports/Phase2FinalreportMar06.pdf ) (28) L’agriculture génère plus de 20 % des emplois en Syrie, en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Egypte (« Which Road to Liberalization : A First Assessment for the EuroMed Association Agreement », C. dell’Aquila et M. Kuiper, Document de travail No. 2, ENAPRI, Center for European Policy Studies, octobre 2003). (29) Cf. Samir Radwan et Jean Louis Reiffers (2003), « L’impact de la libéralisation agricole dans le contexte du Partenariat euro-méditerranéen », rapport du Femise, www.femise.org/PDF/femise-agrigb.pdf. 55 Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 Graphique 3 Changement dans les tendances de l’emploi dans le secteur agricole dans les pays de la rive sud de la Méditerranée Emploi dans le secteur agricole (masculin) 70 60 50 40 1980 30 1994 2000-2005 20 10 Yémen Tunisie Maroc Liban Jordanie Iran Egypte Algérie 0 Emploi dans le secteur agricole (féminin) 120 100 80 1980 60 1994 2000-2005 40 Yémen Tunisie Maroc Liban Jordanie Iran Egypte 0 Algérie 20 Source : Données obtenues des Indicateurs du Développement dans le Monde 1998 et 2000. Tableaux compilés par Bihter Moschini (ANND). 56 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… La protection des produits agricoles reste élevée dans un grand nombre de PPM arabes, notamment pour le cheptel, les céréales et les fruits et légumes en Afrique du Nord. De plus, les exportations des pays arabes dans ce domaine dépendent des accords préférentiels conclus avec les pays développés, comme l’UE. Dans ce contexte, l’élimination de ces tarifs préférentiels et une libéralisation plus poussée du secteur agricole, y compris la levée des subventions nationales sur la production et les exportations, induirait une détérioration du secteur agricole de la région et des termes de l’échange dans ce domaine (30). La libéralisation des échanges agricoles devrait affecter tout particulièrement les fermiers de subsistance et les producteurs de cultures sur les petits lopins, engagés dans les productions subventionnées de cultures non irriguées à faible productivité et les petits éleveurs de bétail pauvres. Par conséquent, la sécurité de subsistance sera vulnérable aux chocs sévères en cas de perturbations provoquées par les importations. Une libéralisation de l’agriculture mal étudiée pourrait également accélérer les migrations des zones rurales vers les zones urbaines et, par conséquent, accroître le déplacement de main-d’œuvre et la demande d’emplois dans les zones urbaines. Les pressions exercées sur les décideurs politiques dans des pays enregistrant déjà des taux de chômage élevés (31) en seraient exacerbées, tout comme la pression environnementale dans les villes. Ce constat anticipé est réitéré par la SIA, qui prévoit un déclin de l’emploi rural dans les PPM, où un effet négatif sur l’emploi est anticipé à court terme, en raison des déplacements de production entre les secteurs. Ces tendances pourraient renforcer les tendances migratoires traditionnelles d’Afrique du Nord vers la France ou le Sud de l’Espagne, à la recherche de possibilités d’emplois dans l’agriculture. Les migrants potentiels du Machreq se dirigent plutôt vers les pays du Golfe, à la recherche d’emplois dans les secteurs du gaz et du pétrole et en tant que travailleurs non qualifiés. Une tendance importante à la migration interne dans certains pays partenaires est également attendue, pour la plupart une main-d’œuvre faiblement qualifiée. Sur le front des prix et des salaires, le prix des produits alimentaires de base devrait baisser et avoir ainsi, un effet bénéfique sur la pauvreté. Même si certaines études, y compris la SIA, anticipent une augmentation des salaires agricoles commerciaux à long terme dans les PPM grâce à des incitations de productivité accrue, elle restera accompagnée d’une baisse de l’emploi dans l’agriculture et d’une hausse de la migration des zones rurales vers les zones urbaines. Il est anticipé que ceci se reflètera dans un chômage global plus élevé, compte tenu du manque de perspectives d’emploi dans les zones urbaines pour compenser les pertes dans le secteur de l’agriculture. Dans le même temps, les tarifs préférentiels que les pays arabes pourraient tenter d’obtenir au travers d’accords bilatéraux pour stimuler le secteur de l’agriculture et l’emploi de manière générale, comme une libéralisation bilatérale (30) Dans ce contexte, l’élimination des distorsions des politiques agricoles dans le monde et des subventions nationales sur la production et les exportations pourraient induire, en termes nets, une détérioration des termes de l’échange dans la région, au travers de la hausse attendue des prix d’importation des produits agricoles (Gibbs et Mehalaine 2006). (31) Gibbs et Mehalaine 2006. 57 Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 accrue avec l’UE, reste irréaliste. Ceci, dans la mesure où toute offre dans ce domaine devra faire face à une réaction politique violente de la part de groupes de lobby comme l’industrie agroalimentaire, les entreprises alimentaires, les syndicats et les entreprises des pays de l’UE. De plus, il est difficile aux pays développés de supprimer les subventions sur les exportations agricoles et les subventions locales sur les produits que leurs partenaires en développement exportent, dans la mesure où elles devraient être supprimées pour tous les produits, ce qui profiterait ainsi également aux partenaires non parties à l’ALE. Ce type de décisions ne peut être négocié que dans le cadre de l’OMC (32). Services Les économies des pays arabes deviennent de plus en plus dépendantes des services (33). Le secteur des services est celui dont la croissance est la plus rapide dans les pays en développement, dans les pays arabes également. Les échanges dans les services dans les pays arabes, y compris les importations et les exportations, représentent au total plus de 20 % de leur PIB conjoint (34). Dans ce contexte, les services sont devenus le plus grand créateur d’emplois dans la majorité des pays arabes (35) (cf. Tableau 3 ci-dessous pour le cas de l’Algérie et le Graphique 4 sur les tendances de l’emploi dans le secteur des services). Tableau 3 Population active par secteur en Algérie (1985-2003) 1985 ( %) 2003 ( %) Agriculture 25,1 21,1 Industrie 18,2 12,0 Construction 23,8 11,9 Services 32,8 54,8 Total 100 100 Source : « L’évolution de l’emploi en Algérie, quelles tendances? » (Global Policy Network, www.gpn.org) (32) Smith, Sanya- Réseau Tiers-monde (TWN) ; 2005. (33) Notamment : main-d’œuvre, mouvement des personnes, santé et éducation, transport, tourisme, services financiers, construction, consultation et services architecturaux et managériaux. Les services dans le secteur de l’énergie et de l’exploration (pétrole et autres ressources naturelles), qui représentent des biens commerciaux stratégiques majeurs dans de nombreux pays arabes, sont également une composante importante des échanges dans le secteur des services. En Tunisie, par exemple, les services représentent 57 pour cent de l’économie nationale et 60 pour cent en termes d’emploi (ERF_ Saoussen Ben Romdhane). (34) Extrait d’une présentation de Khaled Wali, responsable des négociations du dossier des services de la grande zone arabe de libre-échange, GAFTA, dans le cadre de la Ligue des Etats Arabes. Cette présentation a été faite lors de l’atelier régional sur les accords de libre-échange dans la région arabe, organisé par le Réseau des ONG arabes pour le développement (ANND) et le Réseau Tiers-monde TWN (décembre 2006). (35) Dans les pays arabes, le tourisme, les voyages, le transport et les services commerciaux ont un potentiel important. Le tourisme joue un rôle majeur dans les économies de nombreux pays arabes, notamment dans celles de l’Egypte, de la Jordanie, du Liban, de la Syrie, de la Tunisie et du Maroc. 58 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Graphique 4 Tendances de l’emploi dans le secteur des services dans les Pays Partenaires Méditerranéens Emploi dans le secteur des services (masculin) 80 70 60 50 1980 40 1994 2000-2005 30 20 Yémen Tunisie Maroc Liban Jordanie Iran Egypte 0 Algérie 10 Emploi dans le secteur des services (féminin) 90 80 70 60 1980 50 1994 2000-2005 40 30 20 Yémen Tunisie Maroc Liban Jordanie Iran Egypte 0 Algérie 10 Source : Données extraites des Indicateurs du Développement dans le Monde 1998 et 2007. Tableaux compilés par Bihter Moschini (ANND). Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 59 Actuellement, l’UE négocie la libéralisation bilatérale avec les PPM du secteur des services dans le contexte de la mise en place de la ZLEEM 2010. Ces négociations sont basées sur le protocole cadre sur les services adopté par les ministres du commerce EuroMed à Istanbul en 2004 (36). Ces négociations sont menées à un niveau bilatéral et ont déjà été entamées avec plusieurs PPM, y compris la Jordanie, l’Egypte et la Tunisie. Elles couvrent les quatre modes d’approvisionnement du secteur des services (37) sur la base de l’approche des listes positives. En général, les négociations sur les accords de services recherchés par l’UE comprennent habituellement sept chapitres (38) : (1) les dispositions générales, (2) la présence commerciale, (3) la prestation de services transfrontières, (4) la présence temporaire de personnes naturelles à des fins commerciales, (5) le cadre réglementaire, contenant des dispositions générales et des chapitres sur les services financiers, informatiques, de messagerie, de télécommunications, de tourisme et des services de transport maritime international, (6) le commerce électronique et (7) la coopération. Comme d’autres pays en développement, l’intérêt majeur des pays arabes dans les exportations de services est concentré dans le domaine impliquant le mouvement des personnes physiques (mode 2), dans le secteur du tourisme, par exemple et dans le mouvement transfrontière des travailleurs (mode 4). Ces possibilités ont un potentiel considérable de création de nouveaux emplois, notamment pour les nouveaux demandeurs d’emploi, y compris les femmes (39). La SIA a indiqué que la libéralisation des services entre l’UE et les PPM devrait avoir des effets d’ajustement négatifs sur les PPM à court terme. Ceci étant, plusieurs autres menaces et défis sont associés à la libéralisation des services entre les pays arabes et l’UE, compte tenu du stade de développement du secteur des services dans les pays arabes. Ceci pourrait, à son tour, avoir une incidence négative sur le potentiel d’emplois de ce secteur. Parmi ces facteurs, il y a le fait que ces négociations ne font aucune distinction entre les services publics et commerciaux, une approche qui préconise le remplacement du droit aux services publics par la mise en place de filets de sécurité et met en péril la réalisation des droits des citoyens. De plus, la (36) Protocole cadre d’Istanbul en vue de la libéralisation des échanges dans le secteur des services entre les partenaires euro-méditerranéens ; http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2004/july/tradedoc_1182225.pdf. (37) Au titre de l’accord général sur le commerce des services (AGCS), les échanges dans le secteur des services sont catégorisés en quatre types ou « modes » différents d’approvisionnement en services. Le mode 1 s’applique à la prestation de services avec passage de frontières, par exemple, les services postaux transnationaux. Le mode 2 se réfère à l’utilisation des services à l’étranger, par exemple, à travers le tourisme. Le mode 3, une présence commerciale, signifie communément des IDE dans des secteurs comme les services bancaires, les télécommunications et les services publics. Des services de base comme les filiales d’établissements d’enseignement étrangers ou d’hôpitaux et de régies de distribution des eaux sont pour la plupart couverts par le mode 3. Et le mode 4 décrit le mouvement de prestataires de services individuels, y compris la migration de main-d’œuvre. La prestation de services au titre du mode 4 est d’un intérêt particulier pour les pays en développement. (38) En se basant sur l’accord de partenariat économique entre les pays du Cariforum et la CE et ses Etatsmembres. (39) Gibbs et Mehalaine 2006. 60 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… libéralisation avec l’UE, alors que les pays arabes n’ont pas encore développé de compréhension propre du potentiel dans leurs secteurs des services, ou défini des stratégies pour les développer, menace de limiter la portée d’un développement effectif de ce secteur aux niveaux national et régional. Il convient de noter que les pays arabes négocient entre eux également un accord de services au niveau régional. Ainsi, la libéralisation que l’UE préconise peut restreindre une série d’outils politiques à disposition des gouvernements arabes pour développer des secteurs de services forts et compétitifs, et limiter la nature, la fonction et les objectifs des services ainsi que le droit des gouvernements à les réguler dans le but de leur développement. La libéralisation est ainsi poussée dans des secteurs qui ne sont pas encore bien régulés, comme les services financiers, d’une manière qui affaiblit la capacité des gouvernements à les protéger de chocs externes. Par ailleurs, il est important de comprendre que l’UE négocie et libéralise certes les services avec les pays partenaires de la rive sud de la Méditerranée, mais qu’elle est également engagée dans des négociations d’accords de libre-échange avec d’autres régions, y compris, l’Afrique, les Caraïbes et des pays asiatiques. En d’autres termes, le traitement préférentiel que les pays arabes pourraient obtenir de la ZLEEM pourrait s’éroder. A côté de ces considérations, l’une des principales menaces qui limite les résultats positifs de la libéralisation des services entre les pays de l’UE et les pays arabes, susceptibles d’avoir des implications directes sur le niveau de contribution à l’emploi, est la manière dont les négociations traitent le mode 4 de la libéralisation des services. La précédence de l’UE à négocier ces domaines avec d’autres régions, comme les pays africains dans le cadre des accords de partenariat économique (APE), tend à rétrécir le champ de la présence temporaire de travailleurs dans le secteur des services (mode 4 de l’AGCS (40)) en une approche AGCS-moins, pour ne couvrir que l’élite managériale, les professionnels, les experts techniques et une catégorie limitée de prestataires de services contractuels. Ainsi, ils limitent l’entrée de travailleurs étrangers du secteur des services, à faibles qualifications et dans les emplois à faible valeur de l’immigration (non commerciale) (41). En fait, l’immigration reste au cœur des discussions sur la libéralisation du mouvement des travailleurs. Mais la libéralisation au titre du mode 4 diffère de l’immigration en ce sens qu’elle est temporaire et non pas permanente. Elle pourrait remplacer la migration irrégulière et être considérée comme un pas franchi dans la résolution du problème de la migration dans la région EuroMed. De plus, elle a contribué à organiser le mouvement des travailleurs dans un cadre juridique contraignant, c’est-à-dire, l’accord. Le mouvement de personnes transfrontières pour fournir des services (mode 4) est une source de revenus potentiels importante pour les pays en développement et les communautés plus pauvres. Globalement, les études qui ont traité de l’impact de la libéralisation au titre du mode 4 ont fréquemment fait ressortir des avantages (40) Mouvements temporaires de personnes dans le but de fournir des services. (41) Projet de document TWN sur une analyse de l’accord de partenariat CARIFORUM – CE, basé sur les travaux de Jane Kelsey. Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 61 positifs, à la fois pour les pays développés et pour les pays en développement, découlant non pas du mouvement de la main-d’œuvre qualifiée, mais plutôt non qualifiée (42). Dans ce contexte, les envois de fonds peuvent être utilisés comme des indicateurs montrant le degré d’intégration d’un pays dans l’économie mondiale grâce à la mobilité des travailleurs et, ainsi, évaluer à quel point il bénéficierait d’une libéralisation au titre du mode 4. En effet, les envois de fonds des migrants sont élevés et en hausse dans la plupart des pays arabes (43). En 2007, ils avoisinaient les 9 % du PIB au Maroc, 5 % en Tunisie, 2,2 % en Algérie (44) et au moins 10 % du PIB de la Palestine, de la Jordanie et du Liban (45). Selon la Banque mondiale, les envois de fonds des travailleurs migrants ont enregistré une tendance à la hausse dans les pays arabes à faibles ressources et main-d’œuvre abondante, y compris en Egypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Tunisie et dans les Territoires Palestiniens Occupés. Ces pays ont observé une augmentation de l’envoi des fonds de 8 milliards USD en 1996-99 à 13,9 milliards en 2006 (46). Ceci permet de comprendre les avantages possibles du mode 4 de la libéralisation des services pour les économies des PPM arabes. En Tunisie, par exemple, les études font ressortir des gains en termes de bien-être résultant d’un mouvement accru de travailleurs temporaires, permettant également de combler le fossé entre les salaires dans le pays hôte (entre la main-d’œuvre temporaire et permanente) (47). Ainsi, le mouvement des personnes peut être un facteur permettant d’accroître l’équité, dans la mesure où les envois de fonds des travailleurs migrants génèrent parfois des revenus (42) Examen d’une étude empirique de Romdhane. Cf. Rodrik, Dany (2002) ‘Feasible Globalisation’, Working Paper 9129, Cambridge, MA : National Bureau of Economic Research (NBER). Cette étude montre que la libéralisation du mode 4 étend l’emploi de travailleurs faiblement qualifiés à plus de secteurs de l’économie et accroît les effets positifs cumulés de la libéralisation du mouvement de travailleurs non qualifiés. Rodrik explique que l’origine de ces avantages est le petit écart de salaires entre les pays riches et les pays pauvres. La libéralisation de la mobilité de la main-d’œuvre temporaire dans les services est, en général, escomptée plus importante qu’une libéralisation plus poussée du commerce des biens (référencé dans Romdhane). (43) Les envois de fonds des travailleurs émigrés ont joué un rôle croissant dans le soutien des économies de nombreux pays, tout particulièrement des pays non producteurs de pétrole (notamment les huit pays arabes ayant conclu des accords d’association avec l’UE). Selon la Commission économique et sociale de l’Asie de l’Ouest, le taux de transferts affluant dans les pays arabes a enregistré une hausse brusque entre 2003 et 2007. De la même manière, dans les pays riches en ressources et à forte main-d’œuvre, comme la Syrie et l’Algérie, les envois de fonds sont passés de 0,5 à 0,9 milliard, et de 1 milliard à 2,5 milliards, respectivement, au cours de la même période. (44) Ibrahim Saif et Farah Choucair (2009), « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic Crisis », Carnegie Endowment. (45) Cf. l’étude UN-DESA International Migration in the Arab Region UN/POP/2006/14, 11 mai 2006 ; référencée dans Gibbs et Mehalaine 2006. (46) Banque mondiale (2007), « Economic Developments and Prospects ; Job Creation in an Era of High Growth », p. 115 (les calculs incluent Djibouti). (47) Les estimations montrent que le total des échanges mesurables en services, tels que définis par les divers « modes de fourniture des services » et soumis aux disciplines multilatérales au titre de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), s’élevait à quelques 3,5 billions USD en 2003. Ce chiffre représentait plus d’un tiers du total des échanges de biens et de services. C’est la composante du commerce et des investissements étrangers à la croissance la plus rapide (Economic Research Forum ERF, Saoussen Ben Romdhane). 62 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… dans des régions et communautés particulièrement désavantagées des pays en développement (48). Dans ce contexte, travailler à l’étranger permet de sortir des personnes de la pauvreté, de fournir des emplois aux jeunes et d’autonomiser les femmes. Certaines recherches menées sur les marchés du travail et la réaffectation montrent que la libéralisation des échanges risque de promouvoir les technologies à forte intensité de capitaux et de réduire l’aspect emploi de la croissance (49). Au fur et à mesure que le capital se substitue au travail, ce qui est renforcé par les accords de libéralisation du commerce comme la ZLEEM, les opportunités d’emploi diminuent. En revanche, des politiques de l’emploi augmentant la mobilité de la main-d’œuvre entre les différents segments du marché du travail, aux côtés d’une plus grande souplesse en termes de salaires, pourrait accroître l’effet de création d’emplois de la libéralisation des échanges. Le projet EuroMed Emploi, qui est une étude comparative de l’impact du Partenariat euro-méditerranéen (zones de libreéchange et programmes MEDA) sur l’emploi et le droit au travail dans huit pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, réalisée entre 2005 et 2007, a fait ressortir une sérieuse faille dans la manière dont le PEM traite la question de l’emploi. Le projet a noté que « cela ne faisait pas de sens d’un point de vue économique de limiter le partenariat à la libre circulation des biens et des capitaux et d’exclure complètement celle des travailleurs » (50). Par conséquent, l’un des principaux défis que rencontrent les négociations actuelles sur la libéralisation du secteur des services entre l’UE et les PPM, est la capacité à garantir un cadre qui tienne dûment compte du mode 4. Par ailleurs, il en découle la nécessité de faciliter la reconnaissance des qualifications et les procédures de circulation des personnes (comme les visas) (51), ainsi que l’harmonisation réglementaire et la reconnaissance mutuelle des normes (52). (48) Gibbs et Mehalaine 2006. (49) Sommaire - Sebastien Dessus et Akiko Suwa - Eisenmann, document de travail 9918. (50) Le projet EuroMed Emploi, dirigé par Iván Martín et auquel les chercheurs suivants ont participé : Samir Aita, Saleh Al-Kafri, Youcef Benabdallah, Rafik Bouklia-Hassane, Iain Byrne, Khémais Chammari, Nihal El-Megharbel, Imadeddine Al Mosabeh, Hamdan Hassan, Mahmoud El Jafari, Riad al Khouri, Larabi Jaidi, Erwan Lannon, Azzam Mahjoub, Soad Kamel Rizk, Fatiha Talahite. Ce projet a été soutenu par la Fundacion Paz y Solidaridad, la Fondation Friedrich Ebert, le réseau EuroMed des droits de l’Homme, le forum EuroMed des Syndicats et l’AECI. (51) Partie intégrante de la proposition de libéralisation des services au titre de l’AGCS, présentée par 13 pays en développement, notamment l’Egypte, et couvrant (a) des engagements plus poussés sur une base sectorielle et (b) des procédures simplifiées faisant la distinction des mouvements temporaires. Document OMC, TN/S/W/14, 3 juillet 2003 http://www.wto.org. (52) Ghoneim, Ahmed, « Helping to Identify the Potential and Mode for Liberalization of Trade in Services in the Southern Mediterranean Countries ; the Case of Egypt », p. 11. Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 63 V. Propositions de prise en compte accrue des considérations en matière d’emploi dans les négociations, évaluations et révisions de la ZLEEM En se fondant sur les points discutés ci-dessus et les résultats de travaux précédents sur la situation de l’emploi et l’élaboration des politiques commerciales dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen (comme le projet EuroMed Emploi précédemment mentionné), il est possible de déduire que ces liens politiques ne sont pas encore établis dans une large mesure. Ainsi, les propositions d’action dans ce domaine doivent commencer par discuter de mécanismes de (1) promotion de ces considérations politiques intersectorielles dans la région EuroMed et (2) de création de l’espace et des outils pour les décideurs politiques et autres parties prenantes afin qu’ils puissent interagir et travailler sur cette discussion multisectorielle. Dans ce contexte, des propositions préliminaires visant à renforcer la prise en compte des considérations en matière d’emploi dans les négociations, évaluations et révisions de la ZLEEM sont formulées : Proposition 6 Comité transsectoriel de politique commerciale et en matière d’emploi Ce comité traiterait les questions liées à l’écart en termes de cohérence des politiques commerciales et en matière d’emploi de la région EuroMed. Il se réunirait au plus haut niveau des décideurs politiques (ministres du commerce et du travail) au moins une fois par an et à l’occasion des forums politiques et des sommets EuroMed. Ce comité se pencherait principalement sur le déficit en termes d’interaction entre les décideurs politiques prévalant aujourd’hui dans les domaines du commerce et de l’emploi. Comme en fait état l’étude SIA, de nombreux mécanismes sont d’ores et déjà en place dans le PEM. Par conséquent, le comité proposé n’a pas pour but d’être introduit comme processus distinct, créant des besoins administratifs et bureaucratiques supplémentaires ; il doit faire partie intégrante de ceux déjà en place. La proposition est donc que les mécanismes existants soient revus et révisés de manière à combler le fossé en termes de cohérence politique en relation avec les aspects commerciaux et liés à l’emploi. Au niveau bilatéral, ce comité intersectoriel pourrait être relié aux conseils d’association bilatéraux entre l’UE et les PPM, comme ceux créés dans le cas de la Tunisie, de la Jordanie et d’autres éventuellement à l’avenir. Ce comité serait informé par une stratégie « ascendante » de groupes de travail composés notamment de négociateurs et de représentants des institutions euroméditerranéennes et communautaires concernées, d’experts et autres parties prenantes, notamment des syndicats, associations patronales et organisations de la société civile des divers pays membres de la ZLEEM. 64 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Il constituerait une étape dans le processus d’institutionnalisation d’une discussion participative sur les questions relatives au commerce et à l’emploi dans la région EuroMed. Il définirait le cadre dans lequel les objectifs de l’emploi et les politiques du travail seraient pris en compte de manière appropriée et dans la formulation des accords commerciaux. L’une de ses tâches serait d’effectuer des évaluations régulières ex-ante et ex-post, basées sur les droits de l’homme, des processus de libéralisation du commerce dans le cadre de la ZLEEM et au-delà. Ceci, pour institutionnaliser, sur une base participative, le suivi de l’impact social des relations commerciale et renforcer encore davantage le flux d’informations entre les diverses parties prenantes. Cette initiative pourrait s’avérer intéressante pour la partie européenne dans la mesure où elle inclurait un travail de suivi renforcé des droits des travailleurs et des droits d’association fondamentaux dans les industries des PPM. Elle revêtirait aussi un intérêt pour les partenaires de la rive Sud, dès lors qu’elle contribuerait à une meilleure intégration de leurs intérêts relatifs aux questions de l’emploi dans le processus de négociation et leur confèrerait des arguments plus forts pour les périodes de transition, les exceptions et les enveloppes budgétaires pour ce type de préoccupations. De plus, l’initiative répondrait aux préoccupations soulevées par les ministres du travail et de l’emploi (sommet de novembre 2008), lesquels ont réaffirmé l’importance cruciale d’un dialogue social efficace pour renforcer l’emploi, l’employabilité et le travail décent dans les pays euro-méditerranéens. Ces derniers ont également fait état de l’importance centrale du dialogue tripartite entre les partenaires sociaux et les gouvernements, que cette initiative reflèterait. Dans le même temps, elle contribuerait à encourager le dialogue bipartite entre le patronat et les syndicats pour améliorer leur apport à la gestion du changement économique et social. Proposition 7 Mécanismes renforcés permettant de garantir la cohérence entre l’agenda commercial et la durabilité du secteur agricole Lors de leur conférence ministérielle de Marseille (novembre 2008), les ministres EuroMed des affaires étrangères (53) ont rappelé « l’importance que revêtent l’agriculture et le développement rural pour l’économie des pays méditerranéens et pour la sécurité alimentaire » (54). Pourtant, une planification exhaustive du (53) Lors de leur réunion de Marseille, les ministres ont proposé qu’après Marseille, le « Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée » soit appelé « Union pour la Méditerranée ». (54) Déclaration finale de la réunion ministérielle de Marseille en novembre 2008. Les ministres sont convenus d’organiser une réunion ministérielle de l’agriculture sur ces thèmes et « … définir et encourager des projets relatifs au développement durable en milieu rural, au développement et à la promotion de produits de qualité ainsi qu’à la coordination de la recherche agricole sur des questions telles que … la gestion des ressources hydriques… » Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 65 développement agricole reste faible dans les PPM, sachant que les négociations sur le démantèlement tarifaire et la libéralisation du secteur agricole modifieront le système de production et la structure du secteur (55). Par ailleurs, l’étude SIA (56) fait ressortir un manque d’informations sur des sujets essentiels et la nécessité de poursuivre les recherches dans tous les PPM sur les capacités sociales et économiques des différentes communautés rurales et tout particulièrement des femmes et des jeunes. Dans la mesure où les négociations sur la libéralisation du secteur agricole sont déjà en cours, le renforcement des mécanismes destinés à assurer la cohérence entre l’agenda commercial et la durabilité du secteur agricole pourrait comprendre les éléments suivants : – Démarrer une évaluation sur l’incidence de la transition vers l’agriculture commerciale et la nécessité de soutenir les petits agriculteurs de subsistance qui constituent la majorité des communautés d’exploitants dans les pays arabes. Cette évaluation identifierait les secteurs devant se voir accorder un traitement ou faire l’objet d’arrangements spéciaux, y compris les secteurs dans lesquels des changements de production importants sont anticipés. Ces arrangements peuvent être optimisés par une évaluation en profondeur des alternatives, y compris : la mise en place de mécanismes de sauvegarde appropriés, susceptibles de traiter les vagues d’importations importantes dans les PPM de la rive Sud, l’identification des secteurs générateurs d’emplois pour contrebalancer les pertes d’emplois dans le secteur agricole, la promotion de sources alternatives de revenus dans les zones rurales (pour éviter la migration), en mettant à disposition les subventions ciblées nécessaires (qui peuvent être ciblées à travers le programme MEDA), et l’octroi d’une attention toute particulière aux femmes qui perdent leurs opportunités dans l’agriculture. Une telle évaluation contribuerait au développement de stratégies de développement agricole globales, intégrant le développement rural (57). – Prendre des mesures de précaution en fonction des résultats de l’évaluation, notamment réduire le rythme de la libéralisation, surtout dans les secteurs identifiés comme hautement sensibles et susceptibles d’avoir des conséquences négatives sur l’emploi. L’étude SIA a d’ores et déjà noté qu’un grand nombre des impacts négatifs pouvaient être atténués en réduisant le rythme de libéralisation, de manière à permettre à d’autres mesures de prendre effet (58). Pour certains secteurs, il serait nécessaire d’envisager une approche de libéralisation unilatérale, avec ouverture des marchés agricoles de l’UE aux produits des PPM. Cette démarche (55) Comme cela a été noté dans les chapitres précédents, la libéralisation de l’agriculture pourrait avoir des conséquences graves sur l’emploi, d’autant que de larges pans de la population impliqués dans ce secteur ne pourront pas facilement se tourner vers d’autres secteurs. (56) Sur la base d’une étude de cas entreprise par l’étude SIA au Maroc. (57) Le rapport SIA Phase 2 et le rapport Etape 1 de la Phase 3 soutiennent que tous les PPM devraient élaborer une stratégie de développement national intégrant pleinement le développement rural au développement urbain. La Stratégie 2020 du développement rural au Maroc est un exemple d’étape dans cette direction. (58) L’étude d’impact de durabilité de l’Union Européenne (SIA) relative à la zone de libre-échange euroméditerranéenne (ZLEEM) ; p 36. 66 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… serait nécessaire, compte tenu du fait que la plate-forme de libéralisation des échanges dans le domaine agricole entre l’UE et les PPM présente une distorsion liée aux subventions importantes accordées au secteur agricole au titre de la Politique Agricole Commune de l’UE. D’autres mesures politiques nécessaires pourraient inclure des actions des PPM eux-mêmes, y compris l’allocation de fonds de l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) au développement du secteur agricole. – S’agissant de la perspective à long terme, il serait nécessaire de définir des plans pour mettre en place des institutions régionales effectuant des recherches sur les questions agricoles communes ou de centrer le travail des institutions déjà en place (comme le Centre International des Hautes Etudes Agronomiques CIHEAM) sur l’impact de la libéralisation des échanges dans l’agriculture. Les effets négatifs sur l’emploi de la libéralisation des échanges dans le secteur agricole peuvent être considérablement allégés par une coopération régionale visant une transition sans heurts vers des complémentarités accrues dans la production agricole au niveau régional (arabe-arabe et EuroMed). La SIA y a également fait référence. Une telle coopération régionale dans le secteur agricole soutiendrait le développement de politiques agricoles régionales intégrées, permettant le passage à une agriculture commerciale et à une production agricole régionale haut de gamme. Elle permettrait également une utilisation plus efficace des économies d’échelle dans l’agriculture de la région. De plus, la mise en place de ce type d’institutions répondrait à la nécessité d’arriver à des normes communes dans les secteurs agricoles, lesquelles tiendraient compte des capacités et aptitudes des secteurs agricoles des pays arabes et ne constitueraient pas de barrières pour les petits exploitants. Proposition 8 Dispositions spéciales pour créer une valeur ajoutée dans les services fournis au titre du mode 4 Compte tenu de l’ampleur des avantages potentiels devant être obtenus à travers la libéralisation au titre du mode 4 des services, les négociations actuellement en cours pourraient être alignées sur les efforts visant à réaliser cette valeur ajoutée. Ces efforts pourraient être présentés sous la forme d’un régime permettant une migration temporaire légale vers l’Europe, reflétant le type d’approche adoptée dans le cadre de l’« approche globale sur la question des migrations » prônée par l’UE depuis 2005. En effet, cette approche globale sur la question des migrations’ prône une nouvelle démarche pour résoudre le dilemme de la migration en Europe, tout en se concentrant sur le partenariat et le dialogue avec les pays non membres de l’UE. Dans ce contexte, l’UE définit une stratégie de gestion de la migration par la coopération, combattant le passage irrégulier des frontières dans la Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 67 région méditerranéenne et encourageant une approche globale à travers divers mécanismes en place, y compris les mécanismes EuroMed et la politique européenne de voisinage (59). Ainsi, le régime proposé viserait à matérialiser ces approches en renforçant les discussions dans les deux sens sur les politiques du travail, en impliquant activement les pays émetteurs de migrants. A ce jour, ce domaine politique n’a connu que des discours unilatéraux, avec une faible implication des PPM dans la définition des avantages liés à la corrélation de la migration et des politiques de développement. Une telle approche pourrait être étudiée par un Comité spécifique mis en place pour gérer les questions de libéralisation au titre du mode 4, y compris l’accès aux marchés du travail aux travailleurs qualifiés, un « traitement pour admission » favorable et une mise en correspondance de l’offre et de la demande en main-d’œuvre. Ce comité serait composé de personnes impliquées dans les discussions sur la migration, le développement et les questions commerciales. Dans ce contexte, les discussions entre les pays méditerranéens sur les questions et politiques communes en matière de travail devraient être renforcées, surtout entre les pays arabes (dans le cadre des négociations régionales en cours entre les pays arabes sur le secteur des services). Proposition 9 Evaluations d’impact intégrées ex-ante et ex-post sur les droits de l’homme des négociations ZLEEM Les évaluations d’impact ex-ante et ex-post, axées sur des approches fondées sur les droits de l’homme (y compris les droits économiques et sociaux comme le droit au travail), sont nécessaires pour identifier les moyens de bénéficier des accords commerciaux, notamment sur le front du développement humain. La SIA avait noté, à juste titre, la nécessité de mette en place un mécanisme de suivi, de reporting et de diffusion des informations sur l’évolution future de la ZLEEM et son impact sur le développement durable. S’agissant de l’emploi, un tel mécanisme pourrait intégrer le suivi du droit au travail et l’impact du changement des structures et capacités d’emploi des divers secteurs couverts par la ZLEEM. Ces évaluations basées sur les droits de l’homme devraient être cohérentes et relever de la responsabilité d’un mécanisme régional intégré dans les mécanismes déjà en place du PEM (avec possibilité de regroupement avec le comité intersectoriel abordé ci-dessus). Elle bénéficierait d’une relation formelle (59) La ‘Global Approach to Migration : Rhetoric or Reality?' par Elizabeth Collett ; le European Policy Center. La Commission s’est penchée sur les ‘migrations circulaires et partenariats pour la mobilité entre l’Union Européenne et les pays tiers’, en examinant de manière générale deux nouveaux concepts du lexique migratoire de l’UE. Les partenariats pour la mobilité visent à fournir le cadre de gestion de la migration avec certains pays émetteurs, sur la base de leur coopération en matière de migration irrégulière et de réadmission. 68 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… entre les organes conjoints CE-PPM chargés du suivi des plans d’action au titre de la politique de voisinage, tel que noté par l’étude SIA (60). Ainsi, ses conclusions pourraient plus facilement être appliquées au niveau politique. Ces mécanismes de suivi régionaux devraient refléter une approche participative, et comprendre les représentants des gouvernements et de la société civile. Ces processus de consultation commenceraient également aux niveaux nationaux. Il serait judicieux que ces mécanismes participatifs développent une méthode de suivi de la cohérence des politiques de l’emploi et commerciales dans le cadre de la ZLEEM et le PEM en général. Une telle contribution méthodologique bénéficierait des nombreuses parties prenantes à la ZLEEM, dès lors qu’elle établirait des directives d’évaluation consensuelles dans ce domaine. Ces directives garantiraient l’uniformité des processus d’évaluation menés dans les différents pays et par de nombreux acteurs, qu’il s’agisse de gouvernements ou d’organisations de la société civile. La méthodologie proposée61 pourrait être le fruit d’un travail commun des experts des domaines du commerce et du travail et impliquer des groupes de la société civile des différents pays de la région ZLEEM. Elle répondrait à l’appel lancé par le projet « EuroMed Emploi » (62) sur l’importance de créer un système de suivi et d’évaluation multilatéral pour la situation économique et sociale dans la perspective des droits. Proposition 10 Fonds destiné à atténuer les pertes d’emplois dues à la mise en œuvre des accords de libre-échange Ce Fonds serait axé sur la région EuroMed et traiterait de cette question dans les pays de la rive sud et de la rive nord participant à la ZLEEM. Son objectif ne serait pas d’offrir un filet de sécurité afin d’adapter l’impact de la libéralisation du commerce sur les travailleurs, si l’on part de l’hypothèse que cette libéralisation est un processus préalablement défini et qu’il ne peut, par conséquent, pas être adapté. Ainsi, il n’aurait pas un effet d’esthétique, destiné uniquement à rehausser l’image de la ZLEEM et des gouvernements concernés. En revanche, il viserait des interventions à court terme, axées sur la mise en œuvre d’ALE pour lesquels une évaluation adéquate de l’impact sur l’emploi n’a (60) La SIA a indiqué que la CE et chaque gouvernement des PPM devraient mettre en place un comité directeur interministériel similaire à celui établi par la CE pour la SIA, pour superviser sa participation dans le mécanisme de suivi. (61) Plusieurs groupes de la société civile se sont embarqués dans des exercices similaires, comme le projet de WWF et la fondation Heinrich Böll sur l’élaboration et la mise à l’épreuve d’un manuel pour évaluer la mise en œuvre de plans d’action dans le domaine de l’environnement (2008). (62) Renvoie à la note de bas de page 55 Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 69 pas été réalisée. Les interventions du fonds ne se limiteraient pas à une simple indemnisation, dès lors qu’il serait actif et chercherait des possibilités d’emploi alternatives et adéquates pour les citoyens touchés. Ce Fonds ne serait pas une solution indépendante ; il accompagnerait un changement général de l’approche des questions de l’emploi sur le front du commerce dans le partenariat EuroMed. Ainsi, il complèterait les processus de création de mécanismes, de législations et de réglementations adéquats, susceptibles de gérer les implications éventuelles de la ZLEEM sur le développement humain. Un tel mécanisme serait mis en place avant le démarrage des négociations sur les biens et marchandises objets de la libéralisation du commerce. Le budget du Fonds serait dédié au financement rapide de projets destinés à créer et à maintenir des emplois dans les industries ou secteurs touchés. Il permettrait ainsi de réduire les impacts des restructurations associées aux accords de commerce. Outre ces services de soutien, le Fonds serait chargé de documenter les cas d’employés perdant leur emploi suite aux processus de libéralisation du commerce liés à la ZLEEM, lesquels seront utilisés pour les évaluations ex-post et pour mieux comprendre l’impact des mesures commerciales sur les tendances et structures des marchés. La direction du Fonds engagerait des représentants des syndicats et du patronat, qui participeront à l’élaboration des critères d’admissibilité. Son objectif sera de limiter les frais administratifs ; il pourrait ainsi être hébergé par les administrations déjà engagées dans des processus liées à la ZLEEM comme les ministères de l’économie et du commerce ainsi que la DG Commerce de la Commission. 70 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Annexes Tendances de croissance des pays – Agriculture, chasse, sylviculture et pêche Agriculture, chasse, sylviculture, pêche Croissance en pourcentage Période Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie 15 3,1 12,4 – 44 – 9,9 1996 23,9 3,4 2,4 78 29,5 1997 – 13,4 3,6 – 0,8 – 26,5 3 1998 11,4 3,5 8,4 27,9 –1 1999 2,7 3,4 1,9 – 16,7 11 2000 –5 3,7 0 – 15,7 –1 2001 13,2 3,6 – 3,2 27,6 –2 2002 – 1,3 4,9 – 0,8 5,6 – 11 2003 19,7 3,3 3 18 21,5 2004 3,1 4,8 5 1,9 10,1 2005 1,9 6,9 1 – 17,7 –7 2006 5 6,9 0 26 2,8 2007 3,7 7,1 2 – 0,6 3,9 1995 Source : UN Stats ; http://unstats.un.org/unsd/default.htm 100 Pourcentage croissance 80 60 40 20 0 – 20 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 – 40 – 60 Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie 71 Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 Tendances de croissance des pays – Secteur manufacturier Période Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie 1995 – 1,4 7,5 5,3 3,7 4,4 1996 – 8,7 8,4 12,6 2,9 2,7 1997 – 3,8 7,8 1,2 3,4 7,5 1998 8,4 9,7 8 2,1 4,3 1999 1,6 7,9 – 3,4 2,7 5,6 2000 1,1 4,5 0 3,5 6,6 2001 2 4 4,9 4,2 6,9 2002 2,9 1,9 – 2,5 3,3 1,8 2003 1,4 3,7 3 3,7 1 2004 2,6 5,6 5 3 4,9 2005 3,3 6,3 – 4,1 2,6 1 2006 4,2 7,1 3,5 7,8 3,7 2007 3,8 7,2 1,4 2 4,2 Source : UN Stats ; http://unstats.un.org/unsd/default.htm 72 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Bibliographie Abugattas, Luis ; « Trade and Industrial Policies for Human Development in the Arab Region » ; Programme des Nations Unies pour le Développement. 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Saif, Ibrahim et Farah Choucair (Mai 2009) ; « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic Crisis », Carnegie Endowment. « Etude d’impact de durabilité relative à la zone de libre-échange euroméditerranéenne », rapport final du projet SIA-ZLEEM, septembre 2007 ; consultable à l’adresse : http://www.sia-trade.org/. UN-DESA (2006), « International Migration in the Arab Region », UN/POP/2006/14. Banque mondiale (2007), « Economic Developments and Prospects ; Job Creation in an Era of High Growth ». Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen (état des lieux, actions et propositions) Souad Triki Introduction La question de l’emploi () des femmes est cruciale et actuelle. Elle ne représente plus la seule préoccupation des seules populations féminines et des féministes. Elle n’est plus considérée comme une question sectorielle, mais comme une problématique transversale qui se hisse aux niveaux des questions prioritaires dans l’agenda du développement durable de la communauté internationale et d’un nombre croissant de nations. Une nouvelle cible a été, en effet, ajouté récemment à l’OMD1 qui est celle d’atteindre le plein emploi productif et décent pour tous, y compris les femmes et les jeunes. Quatre principaux indicateurs d’emploi y ont été retenus, et qui tiennent compte d’une analyse en termes de genre. Hormis le fait que la question des droits au travail des femmes constitue une question de principe de droits humains, une question d’égalité, d’équité, et sur laquelle le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) a pris des engagements clairs, ce qu’il faut souligner, par ailleurs, c’est que le contexte actuel de crise et de récession, en acculant les responsables du développement à la recherche de nouvelles sources de productivité et à réduire les niches de gaspillage des ressources humaines et naturelles, fait de plus, de cette question, un problème prioritaire d’efficacité économique et sociale. Or, comme l’indiquent plusieurs études, il s’avère de plus en plus, que le potentiel inexploité des femmes et leur faible participation à la population active représente un coût économique, non seulement pour ces femmes, mais aussi un manque à gagner pour l’ensemble de la société, au niveau des revenus des ménages, du PNB et du revenu national. Or, dans la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient), cette participation féminine à la population active a le niveau le plus bas dans le monde et il devient urgent de planifier pour l’augmentation des taux d’activité des femmes dans la () Entendu au sens du BIT 2008, à savoir : Les termes « travaille(nt)/travaillai(en)t » ou « au travail » rendent compte de toutes les personnes employées selon la définition du BIT, qui comprend les travailleurs autonomes, les employés, les employeurs ainsi que les travailleurs familiaux non rémunérés. Ainsi, il n’existe aucune distinction entre l’emploi dans le secteur formel et celui dans le secteur informel. Les termes et expressions « employés », « au travail », « travaillant » et « ayant un travail » sont utilisés comme synonymes (Tendances mondiales de l’emploi des femmes 2008, BIT). 76 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… région. Cet impératif devra représenter l’une des priorités de la planification du développement durable et humain, pour les États membre de la région mais aussi dans le cadre du PEM. Dans ce contexte, notre questionnement porte sur le positionnement du PEM sur la question de l’emploi des femmes dans les pays de la rive Sud et Est de la méditerranéen, face aux nouvelles mutations sociétales et aux nouvelles revendications des femmes sur la question. Il porte aussi sur la distance qui séparent les attentes des femmes et les engagements des États d’une part, et entre les engagements et les réalisations d’autre part. Notre propos dans cette contribution, s’articulera ainsi, autour de trois axes : − Tout d'abord, sur un état des lieux de la situation de l'emploi des femmes dans les pays de la rive sud de la Méditerranée. − En deuxième lieu on se penchera sur la portée des engagements et des réalisations du Partenariat depuis la Déclaration de Barcelone en matière de consolidation de la position des femme sur le marché du travail et en matière d'empowerment économique. − Et en dernier lieu on consacrera la dernière section pour la formulation de propositions et d'actions, dans le cadre du PEM pour la promotion du travail des femmes et leur empowerment économique dans les Pays partenaires méditerranéens (PPM), pour la lutte contre la discrimination de genre au niveau de l'accès et dans le marché de travail. I. État des lieux sur l’emploi des femmes dans les PPM Pour étudier la question de l’emploi féminin dans les Pays partenaires méditerranéens, on commencera par la situer dans le contexte des tendances générales de l’emploi des femmes dans le monde, pour pouvoir saisir sa spécificité. a. Au niveau mondial Des avancées, mais des lenteurs, et on est loin de l’égalité entre les hommes et les femmes Le tableau de bord des tendances mondiales de l’emploi des femmes, durant la dernière décennie, peut être décrit à partir des statistiques essentielles et significatives que nous présente le rapport 2008 du Bureau international du travail (BIT). Sur le nombre des femmes qui travaillent dans le monde, on enregistre durant la dernière décennie, une augmentation de 18,4 %. En revanche, le nombre des femmes sans emploi dans le monde a, pour la même période, progressé, passant de 70,2 millions à 81,6 millions. En 2007, cela correspond à moins de 67 femmes économiquement actives sur 100 hommes actifs, sur les marchés du travail, au niveau mondial. Le ratio emploi- population des femmes, représente 49,1 % en 2007 ; ce qui correspond à Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 77 la proportion des femmes qui sont employées, parmi celles qui sont d’âge actif (15 ans et plus), alors que ce ratio représente 74,3 pour cent, pour les hommes soit une fois et demie celui des femmes. Généralement, la différence entre les sexes pour les jeunes (de 15 à 24 ans) à la recherche d’un travail, n’est pas importante, le taux de chômage des jeunes femmes est de 12,5 % contre 12,2 % pour les jeunes hommes de cette cohorte. Mais la probabilité d’une personne jeune d’être au chômage continue d’être trois fois supérieurs à celle d’une personne adulte. Au plan du chômage, le taux de chômage des femmes au niveau mondial représente 6,4 %, et il est supérieur à celui des hommes 5,7 %. Mais, souvent le travail des femmes est plus précaire, car elles se trouvent plus que les hommes dans les secteurs moins protégés, dans le travail à temps partiel ou saisonnier, où la couverture sociale fait défaut et où les rémunérations sont plus faibles et où elles ont, par voie de conséquence, moins de chance d’avoir accès à un travail décent. Plusieurs facteurs interviennent dans l’explication de la discrimination des femmes sur le marché du travail, et ce n’est pas tant le propos de ce travail de s’y attarder, mais de signaler juste que les motivations « du choix des femmes » de ne pas travailler, sont variables selon les contextes sociaux économiques et culturels. Certaines femmes, dans les pays développés, qui ont les moyens de rester sans travail choisiraient librement de rester au foyer. Mais pour la majorité des femmes dans des régions du monde moins développées, rester sans travail à l’extérieur n’est pas un choix. « Ces femmes choisiraient de travailler s’il était socialement et culturellement admissible de le faire », autrement dit si les us et coutumes, les normes juridiques et sociales le permettaient, d’une part, et si d’autre part elles pouvaient être relayées dans leurs travaux domestiques, de prise en charge du groupe familial. Ce qui ne signifie pas que les femmes au foyer sont oisives. Mais ces travaux des femmes dits invisibles, parce non marchands et non rémunérés ne sont pas reconnus socialement, ni comptabilisés économiquement. Seuls certains pays développés du Nord, ont fait des progrès à ce niveau en instituant la régularité des enquêtes Budget-temps qui permettent d’estimer le nombre d’heures de travaux domestiques non rémunérés effectués généralement par les femmes et de les valoriser en comptabilisant la part de la contribution du travail non rémunéré dans le PIB. Et si le fait de comptabiliser et de valoriser ce travail gratuit est en soi un progrès, il n’en demeure pas moins que ce travail reste sans rémunération pour les femmes. Les analystes de la question de l’emploi féminin déduisent des études de régression portant sur 108 pays et sur trois dates (1980, 1990, et 2000) () que l’éducation, la fécondité et la pyramide des âges de la population sont d’importants déterminants de la participation des femmes à la population active, et expliquent ainsi les tendances mondiales de l’évolution de cette participation dans les différentes () Inégalité entre les sexes et développement au Moyen Orient et en Afrique du Nord, Banque Mondiale, 2004. 78 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… régions du monde. Or ces trois facteurs, représentent eux aussi, la résultante des caractéristiques culturelles sociales et économiques du pays concerné. b. Au niveau des PPM Les tendances les moins performantes dans le monde Les pays de la région MENA enregistrent les plus faibles taux d’activité des femmes dans le monde et les niveaux les plus élevés des taux de chômage globaux et féminins en particulier. A l’intérieur de la région il existe de grandes différences en ce qui concerne les taux de participation des femmes à la population active. Ces différences reflètent la diversité des économies de la région, des contextes socioculturels et politiques et des structures des ménages. On classe, néanmoins, les Pays partenaires méditerranéens en deux catégories : ceux d’une part, qui ne disposent pas de ressources énergétiques, souvent exportateurs de mains-d’œuvre et qui sont les premiers à s’engager dans un partenariat avec l’UE (Tunisie, Maroc, Jordanie...), et d’autre part, les pays exportateurs d’hydrocarbure, importateurs de main-d’œuvre quand ils sont faiblement peuplés comme les pays du Golfe, et plutôt pays d’émigration comme l’Algérie, l’Egypte et l’Irak. Cependant, si cette typologie est pertinente pour rendre compte des différences, du non uniformisme et de la complexité des PPM, l’approche de ce travail demeure essentiellement dans la dimension régionale et géopolitique, avec le découpage le plus normalisé de la région à savoir le Maghreb d’un coté et le Moyen Orient de l’autre. – Pour le Maghreb Le changement au niveau de l’instruction des femmes, au Maghreb en termes quantitatif et qualitatif a beaucoup influencé leur comportement au niveau de la nuptialité et de leur fécondité (). Le recul de l’âge moyen au mariage pour les filles (environ la trentaine par exemple en Tunisie), et la baisse de l’indice synthétique de fécondité, qui de 7 à 8 en 1966 est tombé actuellement entre 2 et 2,5, représentent des facteurs de corrélation positive de la participation des femmes à la population active. En dépit de ces avancées socio-démographiques, et malgré une croissance soutenue dépassant les 6 % au cours des cinq dernières années, les évaluations récentes par les indicateurs du marché du travail pour les femmes au Maghreb révèlent que ce marché ne suit toujours pas les rythmes d’évolution des caractéristiques des pays de la région, en matière d’éducation, de fécondité et de structure démographique, ni celui de la croissance économique. () Le travail des maghrébines, l'autre enjeu, Collectif 95 égalité, GTZ, 2006. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 79 Les principales tendances en 2007 de l’emploi des femmes dans cette région se résument ainsi (BIT, 2008) : − Un ratio population-emploi le plus faible du monde et plus faible que pour le Moyen Orient, avec seulement 2 femmes sur 10 en âge de travailler (21,9 %) ont un emploi, contre 7 hommes sur 10 (69,1 %). − Un écart considérable entre les hommes et les femmes pour la participation au marché du travail. Pour 100 hommes économiquement actifs en Afrique du Nord, on ne trouve que 35 femmes dans la même situation, ce qui représente l'écart entre les sexes le plus élevé du monde 65 % contre 43 % d'écart au niveau mondial. − Le nombre de jeunes femmes qui travaillent est encore plus faible : seulement 1,5 sur 10 femmes (14,7 %) âgées de 15 à 24 ans sont employées. Ceci est particulièrement préoccupant dans la mesure où les efforts d’investissement accomplis pour l’éducation des filles ne sont pas rentabilisés par un taux d’employabilité des jeunes femmes, ce qui dénote d’une certaine inefficacité et d’une faiblesse de la capacité de l’économie à absorber la demande croissante de l’emploi féminin. − Pour le chômage, la situation est particulièrement préoccupante pour les femmes dans la région. Le taux de chômage des femmes représente 16,2 % contre 9 % pour les hommes. La situation la plus difficile est celle des jeunes femmes avec un taux de chômage de 32,3 %, allant jusqu’à 38 % pour les jeunes femmes diplômées en Tunisie. Pour celles qui recherchent un emploi ce processus reste long et difficile et rarement couronner de succès. − Ce chômage particulièrement élevé dans la région s'explique par les distorsions entre l'offre et la demande de l'emploi féminin : du coté de la demande l'attitude des employeurs affiche une certaine préférence aux hommes, pour les emploi qualifiés, notamment, et une ségrégation professionnelle, voir une certaine discrimination à l'égard des femmes, surtout celles qui sont mariées ; du coté de l'offre, les femmes de plus en plus instruites, acceptent de moins en moins, des emplois qui ne correspondent pas à leur niveau éducatif et culturel. En effet, les étudiantes représentent plus de 50 % des inscrits à l'université dans les pays du Maghreb, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie (où 59 % sont des étudiantes). − En fait certains employeurs préfèrent en revanche embaucher des femmes mais les emplois qui leur sont proposés sont peu qualifiés et mal rémunérés. certaines femmes préfèrent rester au chômage en attendant de trouver le « bon » emploi, tandis que la plupart des femmes qui n'ont qu'un choix très limité sortent de la population, active, c'est ainsi qu'on peut comprendre le taux élevé d'inactivité des femmes qui peut atteindre 73,9 %. − Les projections pour 2015 indiquent que la proportion de jeunes dans la population d'âge actif de la région atteindra encore plus de 25 % de la population d'âge actif total. Étant donné le degré élevé de gaspillage affiché par la région en termes de perte de contribution économique des jeunes femmes, on peut prévoir 80 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… que cette situation ne sera pas tenable à long termes (Tendances mondiales de l’emploi, BIT 2008). − Par rapport à la répartition sectorielle, le tiers des femmes occupées le sont dans l'agriculture, c'est la seule région où la proportion des femmes travaillant dans l'agriculture a augmenté durant la dernière décennie, surtout au Maroc. Dans l'industrie, la proportion des femmes s'est réduite de 19,1 % à 15, 2 % entre 1997 et 2007 Et les services emploient plus que la moitié des femmes de l'Afrique du Nord (52,2 %). – Pour le Moyen-Orient En dépit du climat politique et social marqué par des tensions politiques et des conflits, les pays du MO ont enregistré, en moyenne, une forte croissance de 4,5 %, entre 1997-2007, et de 6 % entre 2003-2007, et cette croissance s’explique dans une large mesure par les hausses des prix de pétrole. Mais les tendances du marché du travail se sont révélés assez hétérogènes entre les pays pétroliers du Golf et ceux orientés vers l’exportation de la main-d’œuvre. Par rapport à ces moyennes régionales les disparités demeurent importantes entre les États du Golf producteurs de pétrole et les pays comme le Liban, la Palestine et d’autres. La région a vu considérablement augmenter son ratio emploi-population au cours de ces 5 dernières années passant de 46,0 % à 50,1 % en 2007. L’augmentation viendrait pour une bonne part, de la hausse de plus de 7 points de pourcentage pour les femmes (BIT, 2008). Mais les inégalités entre les hommes et les femmes sont si fortes qu’en dépit de cette augmentation, on enregistre sur 10 jeunes femmes, deux seulement qui travaillent effectivement, et à peine plus de quatre jeunes hommes sur 10. Selon les projections du BIT, si cette tendance se confirme, la région atteindra la moyenne mondiale en une génération. Les emplois vulnérables restent pour l’essentiel le lot des femmes, en 2007, ils représentent 43,2 % pour les femmes et 28,2 % pour les hommes, et dans le groupe des travailleurs familiaux non rémunérés, les femmes représentent 25,3 % contre 5,2 % pour cent pour les hommes. Néanmoins, il est important de souligner le paradoxe en matière de chômage, où on observe un chômage durable des ressortissants nationaux malgré un taux d’emploi assez élevé. L’une des particularités de la région notamment dans les États du Golf, est qu’un bon nombre des emplois générés par la croissance va aux travailleurs migrants (en particulier dans le bâtiment mais aussi dans bien d’autres secteurs économiques). Le nombre de chômeurs en 2007 est d’un tiers de plus qu’il y a 10 ans, et le chômage des femmes a augmenté de 50 %. Presque 2 femmes sur dix et un homme sur 10 ne trouvent pas d’emplois. Le chômage des jeunes est plus préoccupant, il est 3 fois supérieur à celui des adultes. 81 Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen Néanmoins, les taux de chômage mesurés sous estiment probablement la sous utilisation de la main-d’œuvre féminine car si les hommes ont tendance à continuer à chercher du travail, les femmes sont plus susceptibles de se considérer comme femmes au foyer alors même qu’elles iraient travailler si elles trouvaient un emploi. C’est ce qu’on appel « les travailleuses découragées » () qui ne sont pas visibles dans les statistiques du chômage. La part de l’extrême pauvreté au travail a presque doublé entre 1997-2007 elle représente 4,2 % en 2007. La part des travailleurs pauvres (2§/J) représente 19,3 % en 2007. Tableaux sur les tendances mondiales de l’emploi des femmes (BIT, 2008) Indicateurs mondiaux du marché du travail, 1997 et 2007 Femmes Hommes Total 1997 2007* 1997 2007* 1997 2007* Main-d’œuvre (millions) 1 071,7 1 267,7 1 625,0 1 895,3 2 696,7 3 163,0 Emploi (millions) 1 001,6 1 186,1 1 530,3 1 787,0 2 531,9 2 973,1 Chômage (millions) 70,2 81,6 94,6 108,3 164,8 189,9 Taux d’activité ( %) 52,9 52,5 80,4 78,8 66,7 65,6 Ratio emploi-population ( %) 49,5 49,1 75,7 74,3 62,6 61,7 6,5 6,4 5,8 5,7 6,1 6,0 Taux de chômage ( %) () Par exemple en 1997 en Égypte, les taux de chômage étaient de 7 % pour les hommes et de 21 % pour les femmes. On a identifié chez les hommes 2 % supplémentaires qui se trouvaient en dehors de la population active, car s'ils voulaient travailler, ils ne pensaient pas pouvoir trouver du travail et donc ils ne se donnaient pas la peine de chercher. Parmi les femmes 11 % relevaient de cette catégorie des « travailleurs découragés ». Si le taux de chômage tenait compte de cette catégorie de travailleurs découragés on comptabiliserait comme chômeuses 21 + 11 = 32 % des femmes (Banque Mondiale, 2004). 82 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Taux d’activité des hommes et des femmes, 1997 et 2007, et écart entre les sexes des femmes économiquement actives pour 100 hommes, 2007 Nombre des femmes économiquement actives pour 100 hommes Taux d’activité des femmes ( %) Taux d’activité des hommes ( %) 1997 2007* 1997 2007* 2007* Monde 52,9 52,5 80,4 78,8 66,9 Economies développées et Union européenne 51,3 52,7 70,8 68,2 82,0 Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et CEI 50,7 49,7 70,9 69,8 80,5 Asie de l'Est 70,9 67,1 84,5 81,4 78,9 Asie du Sud-Est et Pacifique 57,4 59,1 82,8 82,8 73,2 Asie du Sud 36,6 36,2 83,8 82,0 41,7 Amérique latine et Caraïbes 47,2 52,9 81,8 79,1 70,5 Moyen-Orient 25,6 33,3 77,5 78,3 38,7 Afrique du Nord 23,8 26,1 75,5 75,9 34,8 Afrique transsaharienne 64,1 62,6 87,4 86,1 75,0 Taux de chômage des hommes et des femmes, total et pour les jeunes, 1997 et 2007 Taux de chômage ( %) Femmes total Hommes total 1997 2007* 1997 2007* 1997 2007* 1997 2007* Monde 6,5 6,4 5,8 5,7 12,3 12,5 12,0 12/02/09 Economies développées et Union européenne 8,1 6,7 6,9 6,2 15,0 12,5 14,4 13,8 10,9 8,3 10,6 8,7 21,4 17,9 19,8 16,9 Asie de l’Est 3,1 2,7 4,2 3,8 6,3 5,8 8,7 7,9 Asie du Sud-Est et Pacifique 4,2 6,9 3,9 5,6 10,2 16,7 9,8 16,0 Asie du Sud 5,3 5,8 4,4 4,8 10,9 9,9 9,9 9,8 Amérique latine et Caraïbes 10,7 10,9 6,3 6,9 19,3 21,6 11,9 14,0 Moyen-Orient 18,6 15,6 11,3 10,3 33,5 29,5 23,4 21,1 Afrique du Nord 16,5 16,2 10,1 9,0 30,3 32,3 22,2 21,2 9,6 9,1 7,7 7,5 14,9 13,9 14,5 13,6 Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et CEI Afrique subsaharienne Jeunes femmes Jeunes hommes 83 Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen Ratio emploi-population des hommes et des femmes, total et pour les jeunes, 1997 et 2007 Ratio emploi-population ( %) Femmes total Hommes total 1997 2007* 1997 2007* Jeunes femmes 1997 2007* Jeunes hommes 1997 2007* Monde 49,5 49,1 75,7 74,3 42,5 40,1 58,3 55,1 Economies développées et Union européenne 47,2 49,1 65,9 64,0 42,1 42,8 48,0 45,6 Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et CEI 45,2 45,6 63,4 63,8 30,9 29,8 41,0 42,0 Asie de l’Est 68,7 65,2 80,9 78,4 69,8 64,5 66,8 61,6 Asie du Sud-Est et Pacifique 55,0 55,1 79,6 78,1 45,0 40,3 58,5 53,7 Asie du Sud 34,7 34,1 80,1 78,1 27,4 26,2 60,2 57,2 Amérique latine et Caraïbes 42,1 47,1 76,6 73,7 34,3 35,3 60,9 53,4 Moyen-Orient 20,8 28,1 68,7 70,3 15,3 19,5 42,3 44,3 Afrique du Nord 19,9 21,9 67,8 69,1 15,4 14,7 42,1 39,8 Afrique subsaharienne 58,0 56,9 80,6 79,7 50,4 49,0 64,8 63,5 – Pour les économies industrialisées et l’UE Le contexte au niveau des économies de la rive Nord et de l’UE contraste avec celui des PPM. Là, la situation des femmes dans l’emploi en comparaison de celle du Sud est significativement plus évoluée, avec près de 6 femmes sur 10 qui participent activement au marché du travail. Parmi toutes les femmes au travail, 88 % (contre 82,1 % des hommes) accèdent à des emplois rémunérés et salariés, 3,9 % sont des employeurs (contre 7,9 % des hommes), et 5,8 % des femmes travaillent à leur compte (contre 9,3 % des hommes) et 2,3 % des femmes contribuent à une activité familiale (contre 0,8 % des hommes) (OCDE, Perspectives de l’emploi 2007). Néanmoins, avec seulement 6 personnes sur 10 participant activement au marché du travail, il existe encore un potentiel important inexploité si on mettait en place les politiques appropriées (OCDE, 2007). Mais les différences sont de taille entre les pays du Nord et ceux du Sud, si on compare les potentiels des femmes qui ne sont pas mises à contribution dans le procès de production, ici et là. La situation dans les pays de la rive Sud Est de la Méditerranée révèle qu’il est urgent de trouver des solutions à la faible participation des femmes à la population active des femmes, aux taux de chômage trop élevés et aux inégalités de genre sur le marché du travail. C’est urgent parce que l’emploi des femmes ne peut plus être considéré, dans ce pays, comme jadis, comme une « variable conjoncturelle et sans influence » sur les sentiers de croissance des taux d’activité globaux et des taux de chômage globaux. 84 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Conclusion Aujourd’hui, si les taux d’activités globaux dans la région sont les plus bas du monde, si les taux de chômage globaux sont les plus élevés, c’est bien parce qu’ils sont tirés par les taux respectifs des jeunes et des femmes en particulier. Ces indicateurs sexo-spécifiques décrivant la situation des femmes, au niveau du marché du travail, dans ces pays, les classent en dernières positions dans le monde. Ils se répercutent par ailleurs, directement dans leurs indicateurs économiques et sociaux globaux, et se traduisent dans le retard et le déclassement général (Gender Gap report 2009). Mais au delà de cet aspect comparatif au niveau international, il est admis aujourd’hui par plusieurs études théoriques et empiriques (), que la discrimination en général et entre les sexes en particulier a un coût. Et les coûts de la discrimination, dans ces pays se répercutent dans plusieurs domaines de la vie sociale et économique. De ce fait, les PEM, et cela en dépit de leurs différences et des spécificités qu’ils présentent, ne peuvent plus se permettre de considérer aujourd’hui la question de l’activité économique des femmes et celle des inégalités entre les sexes comme un problème marginal et secondaire dans les stratégies du développement durable. II. Place du travail des femmes dans le Partenariat euroméditerranéen Plusieurs évaluations ont été réalisées au cours de la dernière décennie pour rendre compte de la place des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes, dans les politiques du PEM. A Cet égard, on citera les principaux rapports suivants qui vont nous permettre d’appréhender l’évolution du positionnement du PEM par rapport à l’emploi féminin et aux droits des femmes de manière générale : – Le rapport sur « L’intégration des droits des femmes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans le Partenariat euro-méditerranéen », en mai 2003 réalisé par Mme Rabéa Naciri, avec Mme Isis Nusair. – Le rapport d’information sur « Rôle des femmes dans la vie économique et sociale et leur intégration dans le marché du travail », dont le rapporteur est la Présidente du Comité de suivi EuroMed de 2002 à 2004 du Comité économique et social européen, Giacomina Cassina. – Le rapport sur « Les droits des femmes dans le PEM », en 2005, réalisé en 2005 par le CES en France – Le rapport sur « Les femmes en tant que participantes à part entière à la communauté euro-méditerranéenne d’États démocratiques », réalisé en 2006 par EuroMeSco. () A titre indicatif on rappel les théories de G. Becker et d'autres sur les coûts de la discrimination, ainsi que toutes les études sur les discriminations salariales et les coûts qu'elles impliquent. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 85 – Le dernier rapport du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) : « Du plan d’action à l’action ? », (octobre 2009), Rapport parallèle sur la mise en œuvre du Plan d’Action d’Istanbul. – Il y a aussi d’autres évaluations plus récentes qui ont été effectuées, tantôt par des agences gouvernementales tantôt par la société civile, notamment par le Réseau euro-méditerranéen des droits humains REMDH à l’occasion de la Conférence EuroMed des Femmes Barcelone +10 et suite à la Conférence d’Istanbul en 2006 et les conférences qui l’ont suivi. Il ressort de ces différentes évaluations que la position du Partenariat a évolué tout au long du processus de Barcelone. Alors que la question des femmes n’était que timidement et marginalement abordée au début de ce processus, elle commence depuis la Conférence EuroMED + 10 de 2005 et de la Conférence d’Istanbul, a être de plus en plus prise en charge dans ses différents aspects, politique, économique et culturel. Au début du processus La question des femmes place marginale Le PEM ne réserve qu’une place discrète à la question de la femme, aussi bien dans le premier que dans et les deux volets. L’évaluation du CES de France indique en effet, que La seule mention directe des femmes dans le texte même de la Déclaration de Barcelone se trouve au niveau du partenariat économique et financier, dans l’une des dispositions relatives à la coopération et à la concertation économique, les participants « reconnaissent le rôle des femmes dans le développement et s’engagent à promouvoir la participation active des femmes dans la vie économique et sociale et la création d’emplois ». Dans le volet politique et de sécurité, la place faite aux droits des femmes n’est qu’indirecte, un point affirmant l’engagement des participants à « respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales » (…) « sans aucune discrimination exercée en raison de la race, la nationalité, la langue, la religion et le sexe ». Madame Rabéa Naciri, qui en 2003 a soulevé l’absence de la question femme dans le Partenariat, explique que malgré le fait que « les activistes et organisations féministes de la région MENA qui avaient suivi étroitement le processus d'établissement du PEM, et ont accueilli favorablement le Partenariat et ses potentialités de promotion des droits des femmes, la mise en place des instruments politiques, institutionnels et financiers du PEM à Barcelone en 1995 a été réalisée en l'absence des femmes, et plus particulièrement celles de la rive sud de la Méditerranée. Cette absence de représentation des intérêts des femmes lors de l'établissement du PEM s'est reflétée, à son tour, dans l'absence de la question des femmes à la fois dans la Déclaration et dans les Accords d'association ». « Sept ans après le début du processus de partenariat, peu d’initiatives en termes d’études et de bases de données sont disponibles sur les femmes des pays de la région MENA. D’une façon générale, persistent les clichés et les stéréotypes qui perçoivent les 86 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… femmes de la rive sud de la Méditerranée comme des êtres uniformes, résignées à leurs conditions de vie. Les compétences et les expertises féminines du sud sont également méconnues et, par conséquent, peu associées à l’élaboration et au suivi des programmes et projets du Partenariat… » (Rabéa Naciri). Quelques initiatives positives d’intégration des droits des femmes dans le PEM commencent à être enregistrées en 2001 et 2002. Après une recommandation de la Réunion euro-méditerranéenne des ministres des Affaires étrangères en novembre 2001, relative à la prise en compte des principes de l’égalité des chances dans tous les aspects du Partenariat, cette question a, pour la première fois, été inscrite à l’ordre du jour de la réunion du Comité d’association UE-Maroc, tenue en mars 2002. L'importance de l'intégration des genres a également été soulignée en ce qui concerne la coopération bilatérale à l'intérieur du PEM. Sous la présidence belge, il a été demandé à la Commission européenne d'évaluer les programmes du Partenariat euro-méditerranéen du point de vue de l'égalité, pour estimer dans quelle mesure ils impliquent des programmes relatifs aux femmes et l'effet que les activités menées ont pu avoir sur la vie de ces dernières. Il s'agit donc d'évaluer les programmes du PEM à travers l'intégration des genres. Il résulte de la quasi-absence de mention des femmes dans la Déclaration de Barcelone et dans les accords d’association, que les projets relatifs aux droits des femmes n’ont reçu qu’un financement modeste de la part des programmes MEDA. Bien que les engagements MEDA I et MEDA II aient tous deux prévu des fonds spéciaux pour la promotion des droits des femmes. Le Programme régional MEDA I sur le renforcement du rôle des femmes dans la vie économique, en 2004, très modeste (5 millions d’euros). Le règlement MEDA I (1995-99) faisait déjà en principe une place à l’égalité hommes femmes dans le cadre de projets spécifiques centrés : sur l’éducation (accès des filles à l’éducation de base, intégration et maintien des filles dans le système scolaire) ; sur l’accès des femmes à la santé, notamment maternelle et infantile, quelques actions de promotion du planning familial s’y ajoutant ; sur des activités génératrices de revenus pour les femmes (la première génération de fonds sociaux pour le développement prévoyait des micro crédits ayant pour objet de favoriser l’accès au financement et le renforcement des capacités à gérer, notamment en Égypte et en Jordanie). Mais dans cette première génération de programmes, hormis le caractère parcellaire et éclectique des projets, en dehors de toute stratégie de cohérence, il était extrêmement difficile de discerner la part des fonds ayant effectivement bénéficié aux femmes. Les organisations de défense des droits des femmes, surtout sur la rive sud de la Méditerranée, ont souvent une base institutionnelle fragile et ont beaucoup de difficultés à accéder à l'information sur les procédures et structures de l'UE, ce qui rend difficile l'accès au financement de l'UE (R. Naciri). Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 87 Barcelone + 10 Rattraper l’écart entre les attentes et la réalité Dix ans après les débuts du partenariat, la situation des femmes apparaît donc pas assez avancée, au niveau de la rive sud et pas seulement dans le domaine du travail mais dans bien d’autres domaines dont principalement, la participation des femmes à la décision et à la vie publique et politique. La Conférence EuroMed de Femmes Barcelone + 10 a été créée dans le but de rattraper l’écart entre les attentes générées il y a 10 ans et la réalité actuelle, surtout en ce qui concerne les droits de la femme. La conférence a souligné que les principaux instruments pour changer cet état de choses sont : l’accès au travail et à une juste rétribution, la lutte contre l’analphabétisme et la hausse du niveau d’instruction des femmes. De plus, elle a proposé que soit insérée une clause explicite pour la promotion des droits des femmes dans les accords d’association ainsi que pour la politique européenne de voisinage et tous les autres accords qui s’intéressent à la relation entre les deux rives. En 2006 le rapport EuroMeSCo attire l’attention au fait que les Etats du PEM ont adopté une approche unidimensionnelle du rôle des femmes dans le processus du développement économique, reflétant la perspective qui a prédominé pendant une décennie. Ils auraient donc échoué à reconnaitre que la pleine réalisation des droits socio-économiques étaient indissociable de celle des droits civil et politique et que l’établissement d’un cadre pour la réalisation de tous les droits fondamentaux nécessitait l’interdépendance et l’indivisibilité des droits. La Conférence d’Istanbul, 2006 Les progrès de l’égalité des sexes… avaient été lents et difficiles C’est pourquoi, réunis à Istanbul en 2006, les Ministres euro-méditerranéens en charge de la condition féminine ont tenu une conférence sur le renforcement du rôle des femmes dans la société. Le Processus d’Istanbul instaure une dynamique entre l’Europe et ses neuf partenaires méditerranéens (l’Algérie l’Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Palestine, Tunisie). Ensemble, les Ministres ont élaboré un Plan et un cadre d’action pour cinq ans (PAI) avec pour objectif de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans les domaines politiques, civils, sociaux, économiques et culturels. En conséquence, ils s’engagent à combattre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il ressort de l’évaluation la plus récente que fait le REMDH à travers, son dernier rapport parallèle sur la mise en œuvre du Plan d’Action d’Istanbul, « Du plan d’action à l’action ? », (octobre 2009), que jusqu’alors, les progrès de l’égalité des sexes et les initiatives relatives aux droits de la femme au sein du PEM avaient été lents et difficiles. On souligne, à juste titre, que la Conférence d’Istanbul a marqué une étape importante dans l’histoire des droits des femmes au sein du PEM. Onze ans après la déclaration de Barcelone, un mécanisme régional, pour la promotion et la 88 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… protection des droits des femmes et de l’égalité des sexes a été mis en place pour la première fois par les 35 représentants des membres de l’UE et ses partenaires méditerranéens… Le PAI a fait naître de grands espoirs, dans les organisations de la société civile quant aux possibilités que créerait ce nouveau mécanisme pour améliorer la situation des femmes dans les pays du PEM. Toutefois, les domaines clés abordés par l’évaluation du REMDH, ne comptaient pas la question de l’emploi des femmes parmi ces domaines (). Cinq rapports préliminaires pour faire un état des lieux préliminaire, afin de présenter les progrès réalisés entre 2006 et 2008. Ces rapports concernent le Mashreq, le Maghreb, l’Égypte, la Turquie, et le dernier relatif à l’Europe répondant à des termes de référence légèrement différents. Pour le rapport Européen, en plus du cahier des charges, une note d’orientation spécifique a été émise et validée. Celle ci identifie la participation des femmes dans la vie politique, l’égalité professionnelle (salaire et accès à des responsabilités) et la violence domestique comme des points majeurs (REMDH, 2009). Programme régional sur le « Rôle de la Femme dans la Vie Économique » La présidence belge a également présenté le premier Programme régional euroméditerranéen sur le renforcement du rôle des femmes dans la vie économique. Le Programme sur « le Rôle de la Femme dans la Vie Économique » du partenariat EUROMED, RWEL, avait pour but d’accroître la participation économique de la femme dans la société. Il avait en ligne de mire la mise en valeur du rôle que les organisations méditerranéennes gouvernementales et non gouvernementales jouent pour faciliter et développer les opportunités de participation féminine dans l’économie et l’autonomisation de la femme. Le Programme tri annuel (2006-2009) couvrant 10 pays dans la région MEDA, est financé par la Commission Européenne et géré par le British Council (agence culturelle britannique) en partenariat avec l’Institut Méditerranéen pour les Études de Genre, situé à Chypre. La mise en œuvre du projet a démarré en 2008. Les activités exécutées jusqu’ici, mettant l’accent sur 3 composantes essentielles du projet : 1. Le suivi et l’assistance technique des projets de l’initiative « Renforcement des Opportunités de la Femme dans la Vie Économique » (EOWEL). Pour la plupart, ce sont des organisations de développement orientées vers le service et centrées sur le développement des petites et micro entreprises, des crédits et des capacités. Certains partenaires intègrent les réseaux féminins en incorporant une approche plus penchée sur les droits, d’autres travaillent avec les instituts de recherche, les chambres de commerce et d’industrie et les organisations médiatiques. () Ces domaines clés sont : – le respect des engagements des conventions internationales, en particulier la CEDAW ; – les droits des femmes dans les législations nationales ; – la participation des femmes à la vie civile et politique ; – les violences faites aux femmes. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 89 2. Les études et la base de donnés relatives aux politiques de l’intégration du concept genre dans les pays méditerranéens. Au cours de l’an 2006/2007, 2 études principales ont été effectuées dans les pays méditerranéens touchés par le Programme EUROMED : a. Évaluation des mécanismes nationaux pour la promotion des femmes tout en examinant d’une manière particulière leur capacité d’aborder les législations discriminatoires relatives au genre. b. Analyse de la situation économique de la femme, en y intégrant une analyse des multiples facteurs critiques influençant la participation économique féminine, tels que les codes de la famille et du travail. Un autre séminaire régional a été organisé pour avoir lieu en Jordanie le 30 juin/1 juillet afin de toucher plus des acteurs concernées de la participation de femme et son autonomisation et qui servira comme un catalyse pour promouvoir les recommandations et conclusions de séminaire 3. Sensibilisation, diffusion des informations et communication en vue d’appuyer l’intégration du concept du genre. La troisième composante du programme fournit un forum de liaison et de formation. Avec un bagage de conceptions générées par les projets de l’initiative EOWEL et les études effectuées, cette composante contribue à la mise en valeur de la responsabilité et de la réceptivité des organisations publiques de la région MEDA quant aux droits économiques des femmes. Un court métrage documentaire sur l’autonomisation économique de la femme dans la région du MEDA est en train d’être finalisé. Il dépeint la contribution de la femme aux différentes sphères des activités économiques et met en exergue les questions majeures liées aux politiques proposées par le Programme de la « Femme dans la Vie Économique » (RWEL) pour promouvoir l’autonomisation économique de la femme dans la région du MEDA. Conclusion Les différentes évaluations indiquent que la prise en charge des questions des femmes par le PEM, notamment sur le plan économique reste un phénomène assez récent. Et lorsqu’on regarde de près les programmes, sur la participation économique de la femme, cités plus haut et en dépit des différentes actions entreprises, on ne trouve guère d’actions particulièrement significatives à même d’engager des politiques d’envergure nationale et des programmes nationaux qui seraient axés sur l’emploi des femmes dans les PEM et sur leur travail décent, tout en étant réellement en mesure d’aider à trouver les solutions au grand déficit de l’emploi féminin et de la participation des femmes à la population active. Néanmoins, l’impact même de ces programmes reste à évaluer au niveau des PEM. Une nouvelle initiative a aussi été lancée par le biais du nouveau Programme régional pour les pays du Sud de la PEV « Améliorer l’égalité entre les hommes et 90 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… les femmes dans la région euro-méditerranéenne » (2008-2011). Ce programme doit être suivi et évalué. Le Programme régional EuroMed Égalité Hommes-Femmes (EGEP) () s’inscrit dans le cadre du suivi de la Conférence d’Istanbul. Il a pour objectif de renforcer les dynamiques égalitaires existantes, tout en repérant les lacunes afin d’y remédier. Il s’inscrit dans la foulée du Programme régional sur le rôle de la femme dans la vie économique (RWEL) qui a pris fin en 2009. III. Pour une Stratégie globale et cohérente du PEM, au service de l’accroissement de la participation des femmes à la population active et la lutte contre la discrimination dans le travail dans les PSM Argumentaire et orientations préalables à la stratégie Au vu du tableau brossé sur la question de l’emploi des femmes dans la rive sud-est Méditerranée, partant d’un état des lieux préoccupant et du positionnement du PEM par rapport à la question et des actions entreprises, nous proposons la formulation de 5 Actions programmes dans le cadre d’une stratégie globale sur l’emploi féminin. Ces propositions seront précédées par les éléments d’un argumentaire et d’orientations préliminaires et préalables à ces actions. • Les femmes, sans emploi, et de plus en plus éduquées Une masse critique de gaspillage et une tare réelle à la marche du développement. Sachant qu’il est de plus en plus admis que les marchés du travail constituent le principal mécanisme de transmission permettant de faire bénéficier les groupes défavorisés des avantages de la croissance. L’accès aux marchés du travail et plus précisément à l’emploi décent, est de ce fait essentiel dans le processus vers une plus grande égalité entre les hommes et les femmes. Le travail décent des femmes est également une condition préalable au développement économique dans la mesure où sur le long terme, les économies ne peuvent se permettre d’ignorer une ressource inexploitée telle que celle pouvant être offerte par le travail des femmes. Le renforcement de la position des femmes sur le marché du travail visant leur autonomisation économique, dans la rive Sud-Est, serait un pilier central dans la stratégie globale. La consolidation du pouvoir économique des femmes est une condition nécessaire à la promotion de leur droit et à leur liberté. Sans emploi et par conséquent sans pouvoir économique, les femmes des PEM ne pourront se () La mise en œuvre du Programme régional EuroMed Égalité Hommes-Femmes (EGEP), financé par la Commission européenne, a été confiée à un consortium de deux organismes, situés sur l’une et l’autre rive de la Méditerranée : le cabinet conseil Transtec et le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche, CAWTAR. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 91 défaire de leur subordination masculine ni accéder à leur citoyenneté ni à leur liberté, ni contribuer selon leur capacité au développement. Avec les progrès dans l’éducation, les femmes sans emploi, constituent de plus en plus une masse critique de gaspillage de l’investissement dans le capital humain par l’éducation notamment, consenti par les générations précédentes et futures. Et par voie de conséquence elles constitueraient une tare réelle à la marche du développement. • Une cohérence des actions, Pour une stratégie globale Nous venons de voir que le positionnement du PEM, et notamment dans sa forme actuelle par rapport à la question des droits des femmes et le renforcement de leur rôle économique et social a évolué depuis la Déclaration de Barcelone, et s’il y a lieu de se féliciter de ces progrès, il faudrait par ailleurs, souligner avec force, que le bilan dans les PEM est tel que la conception et les moyens notamment financiers mis en place, restent largement en deçà des exigences de la situation et de son évolution dans le domaine du travail des femmes comme le montrent les développements précédents. Les besoins et les attentes des femmes, et les engagements pris par les États du PEM à cet égard, demeurent bien loin des réalisations dans la cadre du Partenariat. Et le gaspillage par la non utilisation du potentiel et des ressources humaines que représente le travail des femmes, risque de devenir, par ces temps de récession, un phénomène non soutenable, non seulement, du point de vue de l’exigence des droits des femmes et du principe d’égalité de genre, mais aussi, du point de vue de la croissance et du développement durable. Ce qui manque en particulier aux différents programmes précédents, c’est une cohérence globale un sens fort aux actions et une vision stratégique. En somme, ce qui donnerait de l’efficacité et de l’élan à ces actions c’est un cadre cohérent et stratégique globale qui intègre les stratégies transversales et particulières liées aux différents domaines des droits des femmes et de l’Égalité de genre, à l’instar de la Feuille de route de l’UE qui intègre tous les aspects liés à la question de l’égalité. Parce que la construction du Partenariat EuroMed ne peut s’inscrire que dans un processus de convergence et non de strabisme ou de parallélisme, que le Programme d’action sur l’activité économique des femmes des PEM ne peut être conçu de manière isolé des autres programmes de partenariats ni sans l’implication active des partenaires et des femmes du Nord. • Des moyens financiers appropriés En matière d’instruments financiers, la part des crédits apparaît assez dérisoire pour les besoins et les attentes des femmes dans la région. Les évaluations relèvent pour MEDA II, que le volume de 24 millions d’Euros sur 5,2 milliards d’Euros ce qui représente une proportion quasiment négligeable est en contradiction totale avec les engagements des États du PEM et les objectifs des programmes. 92 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Cette limite financière est révélatrice de la sous représentativité des associations féministes et des femmes en général qui sont sensibilisées à l’intégration des droits des femmes dans le PEM et particulièrement dans les PSM. • Des mécanismes, d’évaluation et de suivi Ce qui apparaît comme l’expression la plus évolutive des programmes dans les PSM c’est le cadre du PAI. Or ce qui ressort des dernières évaluations notamment du REMDH () c’est que ce cadre comme les programmes qui l’ont précédé souffrent d’une absence de mise en cohérence des mécanismes de mise en œuvre, et d’opération d’évaluation et de suivi. En raison du manque de visibilité et de connaissance du PAI, les acteurs pertinents, y compris les gouvernements et les organisations nongouvernementales, ne se sont quasiment pas engagés dans sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation. Deux ans ont passé depuis l’adoption du PAI, et beaucoup d’acteurs concernés ne le connaissent toujours pas, ni s’y sont engagés à quelque niveau que ce soit. Deux éléments principaux, essentiels pour suivre sa mise en œuvre, font défaut. Premièrement, il faudrait mettre en place des procédures permettant d’identifier des objectifs clairs et de développer des indicateurs mesurables. Deuxièmement, il faudrait un mécanisme pour s’assurer qu’il existe un véritable processus de suivi. Les deux dernières années ont confirmé les inquiétudes du REMDH concernant l’absence d’un Mécanisme de suivi et L’absence d’une définition claire des responsabilités en ce qui concerne la mise en œuvre. Cela a également été confirmé dans le rapport publié par la Commission européenne sur la mise en œuvre des résultats de la Conférence d’Istanbul 2006-2007. La séparation du PAI du reste des mécanismes relatifs au Partenariat euroméditerranéen, qu’ils soient liés aux accords de partenariat ou aux politiques de voisinage. Cette séparation réduit l’impact du PAI. Par ailleurs, les accords de partenariat conclus avec plusieurs pays de la région n’incluent pas la question des standards relatifs au genre et ne mentionnent pas l’impact qu’ils ont sur les femmes. • Les femmes et la société civile, partie prenante dans la conception, l’élaboration et la mise en œuvre des actions La partie non gouvernementale, la société civile, et principalement les femmes et les associations féministes doivent être partie prenante dans la conception, l’élaboration et la, mise en œuvre de cette stratégie, c’est-à-dire réellement associées à ce processus, notamment au niveau du PAI, dans sa conception, dans sa réalisation, sa mise en œuvre et dans le suivi de ce processus. () L'égalité entre les sexes n'est pas encore au cœur du Partenariat euro-méditerranéen ou de la Politique européenne de voisinage (PEV), et demeure absente de l'Union pour la Méditerranée. Il convient d'accorder plus d'importance à cette question dans les dialogues politiques et les programmes. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 93 – Une capitalisation et une coordination entre ce qui se passe au niveau des programmes de la Feuille de Route Européenne et des Programmes de la stratégie dans les PSM. Les écarts de situation des femmes, entre les deux rives de la Méditerranée, concernant le marché du travail notamment, ne doivent en aucun cas conduire à des stratégies complètement séparées et dissociées qui s’ignorent entre le Nord et le Sud. Ce qui semble être malheureusement le cas pour les question de l’emploi et de la ségrégation professionnelle. – Il ne faut pas oublier que les inégalités entre les sexes persistent au Nord et au Sud. Les différences se situent au niveau de l’ampleur de ces inégalités et de leurs écarts par rapports aux législations des droits économiques et sociaux qui se trouvent plus accentués dans la rive sud-est. On ne peut prétendre de construire un Partenariat dans le strabisme, même si les niveaux de développement économique, sociaux culturels et politiques sont différents. – Le PEM a besoin d’un édifice intégré et cohérent basé sur des partenariats de la société civile Sud-Sud et Nord-Sud, à même d’imaginer des stratégies, de produire des programmes et de dresser les ponts de négociations avec les États du PEM. L’initiative de la Plate-forme EuroMed de part ses objectifs tente de s’inscrire sur cette voie. Les échanges d’expérience bilatéraux et multilatéraux dans le partenariat Sud-Sud et Nord-Sud doivent être à cet effet consolidés. Une stratégie cohérente et globale pour l’emploi des femmes La problématique générale La discrimination dans le travail des femmes est tout d’abord une atteinte aux droits des femmes et aux Droits Humains en général. La faible participation des femmes à la population active représente un coût économique et social pour les femmes de manière direct ainsi que pour les ménages et pour l’économie et la société dans son ensemble. Elle s’oppose ainsi, aux objectifs et aux impératifs de développement durable. L’idée essentielle de cette problématique passe par une double entrée : – le coût économique et social pose le problème de l’efficacité et l’efficience économique et social ; – le coût humain pose les questions de droits humains, de justice sociale et de non discrimination de genre. Or, les engagements des États du PEM pour un développement équilibré et durable sont basés fondamentalement sur l’efficacité et l’efficience économique et social, et sur la démocratie le respect des droit de l’homme et l’égalité entre les sexes. L’égalité entre les hommes et les femmes est considérée comme un facteur de développement pour la société entière. Ces pays la considèrent comme un vecteur de démocratie et de paix, dans une région qui aspire au vivre ensemble, à la stabilité et à la prospérité (d’après les documents fondateurs du PEM). 94 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Proposition 11 ACTION (1) : Un Plaidoyer et une Campagne – pour une Division Égalitaire du Travail (PDET) – pour la réduction des écarts de 20 % entre taux d’activité féminins et masculins pour 2015 La première proposition d’action A(1) porte sur l’élaboration d’un plaidoyer sur la base de l’ argumentaire à double entrée, consolidée par des études et des recherches approfondies sur la mesure du coût économique, social et humain de l’inégalité dans l’emploi et l’estimation du manque à gagner par les femmes et par la société dans son ensemble. a. Justifications et objectifs • Le coût économique et social Les études de simulation montrent que la faible participation des femmes à la population active, entraîne un coût élevé pour l’économie et pour la famille, si le taux de participation à la population active passaient de leurs niveaux réels à leurs niveaux prédictibles () (qui sont calculés en fonction des niveaux existants d’éducation des femmes de leur fécondité et de la pyramide des âges), le revenu du ménage augmenterait de 25 %. Au niveau Macroéconomique, les études des statistiques comparatives indiquent qu’un pays atteint des niveaux plus élevés de revenu par habitant, lorsque les femmes participent davantage à la population active, et cela peut contribuer à accélérer la croissance économique. Si les taux de participation des femmes avaient été à leurs niveaux prédictibles, les taux de croissance du PIB par habitant auraient été plus élevés de 0,7 %, par an durant () Les résultats de la décomposition par les experts de la Banque mondiale de l'évolution de la participation des femmes à la population active dans les pays de la région MENA indiquent que la croissance des taux de participation entre 1980 et 2000 s'expliquent pour 21 % par le progrès de l'éducation des femmes et pour plus de 37 % par la baisse du taux global de fécondité. L'effet global de l'évolution de la pyramide des âges a représenté près de 15 % de l'augmentation de la participation des femmes, sur cette augmentation, 18 % ne s'explique ni par les effets de l'éducation, ni par ceux de la fécondité, ni par ceux de la répartition des âges. Dans la région MENA, les taux observés de participation des femmes à la population active sont plus faibles – souvent d'une marge substantielle – que ce que l'on aurait pu attendre en fonction des autres caractéristiques de la population féminine en âge de travailler. Cette observation indique que le potentiel d'intégration des femmes dans l'économie de la région déterminé par l'investissement passé dans l'éducation des femmes et par les tendances récentes en matière de fécondité réalisé est très grand. Si la tendance générale pour déterminer l'offre de la main-d'œuvre féminine que les analystes de la BM ont trouvé au niveau du monde s'appliquent à la région MENA, les ratios des taux réels sur les taux prédictibles, devraient être proche de 1 pour les pays de la région, or ils sont tous inférieurs à 1. Toutefois, dans les pays où la comparaison dans le temps pouvaient être faites, les ratios ont connu une progression entre 1980 et 2000 sauf en Tunisie, mais ils restent tous inférieur à 1 (Banque mondiale 2004). Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 95 les années 90, Cette perte en terme de potentiel est significative, compte tenu d’une croissance annuelle du revenu moyen par habitant de 1,9 % sur la décennie (Banque mondiale (10), 2004). La faiblesse de la participation des femmes à la population active, se traduit par une moindre efficacité et une faible rentabilité de l’investissement dans l’éducation des femmes, ce qui représente un gaspillage des dépenses publiques consenties par la communauté nationale à l’éducation estimées à 5,3 % du PIB. • Le coût en droits humains La faible participation des femmes pose par ailleurs, le problème de l’inégalité de traitement dans le domaine du travail. Les femmes sont confrontés à la discrimination dans l’accès au marché du travail, leurs chances sont plus faibles que celles de leurs homologues masculins comme le témoigne les taux de chômage féminins qui sont beaucoup plus élevés que les taux masculins. Mais elles rencontrent encore la discrimination dans l’exercice de leur profession notamment par le blocage de leur carrière par ce qu’on appelle « le plafond de verre » et au niveau des conditions de travail. La discrimination se situe aussi dans l’inégalité des salaires, et dans la précarité accentuée des emplois féminins. Il devient urgent de sortir la question de la participation des femmes à la population active de sa banalisation et de sa marginalité et de sa pseudo normalité, et de rompre avec la division sexuelle traditionnelle du travail, l’homme dans le travail rémunéré et la femme dans le travail domestique gratuit, et de renforcer l’autonomisation économique des femmes. Il s’agit à travers ce plaidoyer de FAIRE UN TRAVAIL SUR LES MENTALITES : – d’une part, par la démonstration de ce que comporte la division sexuellement de travail, comme injustice – et d’autre part, par la mesurer du coût économique et social qu’elle provoque. b. Partenaires de l’action et population bénéficiaire Un partenariat tripartite dans les PSM entre : i) les associations des droits des femmes, des droits humains et du développement, des PEM ; ii) les institutions ; iii) des représentants du PEM. Ce plaidoyer doit être approprié par la société civile, les institutions, le secteur privé, les partis politiques, les syndicats, les parlementaires, les associations de femmes, mais aussi l’école qui forme les nouvelles générations doit avoir un volet consistant sur l’éducation à l’égalité et à la citoyenneté. (10) Inégalité entre les sexes et développement au MO et en AN, Banque mondiale, 2004. 96 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… c. Stratégie d’élaboration et de dissémination du PDET : i) Atelier régional d’élaboration et de conception de la stratégie et du (PDET), précédée par des travaux de commissions des points focaux par pays. ii) Atelier régional méthodologique des études sur le coût économique et social de la faible participation des femmes à la population active (confection des indicateurs de mesure, d’évaluation et de suivi). iii) Réalisation et publication des études nationales et régionale sur la mesure du coût économique et social et humain de la faible participation des femmes. iv) Conception de l’argumentaire du plaidoyer et publication du Plaidoyer PDET. v) Rencontres nationale, et régionale pour la dissémination des résultats des études et du plaidoyer (ateliers d’information, de sensibilisations, formation, tables rondes, séminaires). Proposition 12 ACTION (2) : Des Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin (P.A.E.F.) Justifications et objectif Les taux d’activité des femmes dans le Maghreb et le Mashreq nous l’avons vu sont les plus bas du monde, et leurs taux de chômage sont les plus élevés, malgré des avancées aux niveaux de leur éducation et de la maîtrise de leur fécondité. Les écarts entre les taux masculins et les taux féminins sont encore très levés. Cependant, les politiques de développement en général, et les politiques d’emploi en particulier, ne traitent pas la question de l’emploi des femmes de manière spécifique et ciblée. Comme si l’emploi était une seule variable compacte et indivisible. D’abord, il faut indiquer que les politiques d’appuis à l’emploi dans les PEM étudiés sont généralement faiblement élaborées et peu développées à l’exception du Maroc et de la Tunisie. L’objectif de rectifier le tir dans des tendances de l’emploi des femmes dans la région, exige aujourd’hui plus que jamais la mise en œuvre de Politiques d’Appui à l’Emploi Féminin (PAEF) qui ciblent les besoins spécifiques des femmes et des jeunes femmes diplômées en particuliers qui ont les taux de chômage les plus élevés, et ce pour réduire le chômage féminin, promouvoir l’activité des femmes et l’entrepreneuriat féminin et solidaire. L’entrepreneuriat féminin plus que l’entrepreneuriat masculin est créateur d’emplois féminins comme cela a été établi récemment par le dernier rapport du BIT. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 97 Pour chaque pays, ces Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin seront basées sur les sous actions suivantes : Sous-action (2.1) : Un Observatoire Contre la Discrimination de l’Emploi des Femmes. C’est un Mécanisme de veille, d’observation et de lutte contre la discrimination des femmes lors de l’accès au marché de l’emploi. Sous-action (2.2) : Un Programme de renforcement des capacités des jeunes femmes diplômées dans leur recherche d’un emploi décent, par des actions de formations, d’information, de coaching, d’estime de soi. La conception et la réalisation de ces programmes seront ouvertes à la contribution de la société civile (11) et les associations de femmes habilitées à le faire. Sous-action (2.3) : Un Programme d’encouragement et de promotion de l’Entrepreneuriat Féminin solidaire (12) et d’égalité d’accès aux ressources (crédits, propriété foncières, services, marchés, égalité successorale). Proposition 13 ACTION (3) : Stratégie de lutte contre la discrimination salariale (SLDS) Justification et objectifs Les femmes dans le monde entier sont moins biens payés que les hommes, les raisons de cet écart s’explique en partie par la différence de qualification et de compétences entre les deux sexes et en partie par la discrimination sexiste. Même lorsque la législation du travail est égalitaire, ce qui est souvent le cas, la discrimination salariale et l’inégalité à l’embauche persiste avec des écarts importants. Les études de la Banque Mondiale pour les années 2000 indiquent le pourcentage de hausse des salaires des femmes si la discrimination disparaissait. Cette hausse des salaires est estimée en moyenne à 25 % pour les pays industrialisés, et serait la plus élevée pour la région MENA avec 32 % du manque à gagner dans les salaires féminins. La réduction des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, au delà de la contribution à la mise en place d’une société plus juste et égalitaire, s’avère tout à fait sensée sur le plan de l’efficience économique et social. L’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes génère une rentabilité accrue de l’économie dans son ensemble. (11) Il s'agit d'initier des expériences inédites et aussi de renforcer les expériences pilotes qui existent par exemple les maisons des femmes qui ont des projets sur l'empowerment économique des femmes en, Algérie, au Maroc et en Tunisie (AFTURD). (12) La construction d'un concept qu'on dénommera « entrepreneuriat solidaire » se réfère de notre point de vue aux principes de solidarité qui sont à la base de ce qu'on appelle l'économie solidaire fondée sur l'élimination de l'exploitation du travail par le capital. 98 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… D’ailleurs, une communication adoptée par la Commission Européenne en 2007 analyse les causes de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et propose une série d’actions pour palier à ce problème. Nous proposons pour la stratégie de lutte contre la discrimination salariale les sous actions suivantes : Sous-action (3.1) : La Feuille de route pour l’Égalité dans les PEM Dans le cadre du PEM, il s’agit de travailler dans la coordination avec les partenaires du Nord sur la base de la Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010, et plus particulièrement à la lumière des actions prioritaires autour desquelles elle s’articule. Ces priorités étant dans la cohérence totale avec le PAI (13). L’une de ces priorités vise à mettre les femmes et les hommes sur un pied d’égalité en termes d’autonomie économique. L’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes constitue l’une des pierres angulaires de cette priorité. La Feuille de route souligne la nécessité d’une action collective en vue de l’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Sous-action (3.2) : La création d’un Réseau pour la Réduction des Écarts des Salaires entre les hommes et les femmes, au niveau des PSM qui sera constitué des représentant(e)s des associations des droits des femmes et des droits humains, des syndicats du patronat, des institutions des parlementaires et des experts et des délégués européens de la Feuille de route pour l’égalité. La Mission du Réseau : 1. Renforcer les législations nationales par des Directives contre la discrimination et pour l’obligation de l’égalité salariale. (13) La Feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010 a été adoptée le 1er mars 2006. Elle s'inspire de l'expérience de la stratégie cadre pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2001-2005. Elle associe le lancement de nouvelles actions au renforcement des activités existantes qui ont fait leurs preuves. Elle réaffirme également la double approche de l'égalité qui consiste en la prise en compte de la dimension de genre (la promotion de l'égalité entre les sexes dans tous les domaines et activités politiques) et en l'adoption de mesures spécifiques pour le sexe sousreprésenté. La Feuille de route représente l’engagement de la Commission à faire progresser la politique d’égalité entre les femmes et les hommes en partenariats avec les Etats membres et d’autres acteurs. La Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes met en avant six domaines prioritaires pour l’action de l’UE relative à l’égalité : • une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes ; • la conciliation de la vie privée et professionnelle ; • une représentation égale dans la prise de décision ; • l’éradication de toute forme de violence fondée sur le genre et de la traite d’êtres humains ; • l’élimination des stéréotypes de genre ; • la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de développement. La Feuille de route prévoit l’amélioration de la gouvernance pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour chaque domaine, elle identifie des objectifs prioritaires et des actions. Elle fera l’objet d’un rapport sur l’état d’avancement en 2008 et d’une évaluation accompagnée d’une proposition de suivi en 2010. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 99 2. Inscrire les Directives de salaire égal à travail égal pour les hommes et les femmes dans les Programmes des Politiques Actives d’Emploi des gouvernements et dans l’agenda des patronats. 3. Accomplir un travail de normalisation sur les méthodes et les normes de mesure des écarts de salaire entre les sexes et observation annuelle de l’évolution des écarts dans les différents secteurs. 4. Estimation de ces écarts pour chaque pays et mesure des impacts sur les revenus des ménages (études). 5. Sensibilisation des syndicats et des patronats sur la question. 6. Rejoindre le combat des femmes de la rive Nord pour la réduction des écarts des salaires. Proposition 14 ACTION (4) : Stratégie du caring (garde des enfants) Justification et objectifs La plupart des études réalisées dans les pays industrialisés, vont dans le sens du principe selon lequel, le fait de disposer davantage de possibilités attractives de gardes des enfants entraîne une hausse de l’emploi des mères (par exemple l’étude de Gornick, Meyers et Ross. 1996 cité par la Banque mondiale). Dans certains pays industrialisés, comme l’Allemagne la manière de résoudre un des grands problèmes de développement pourrait s’appliquer aux cas de la région sud-méditerranéene. En 2000, le taux de fécondité des femmes allemandes était de 1,36 enfants, un taux des plus faibles d’Europe. Le faible taux de natalité affecte la dynamique économique et risque de provoquer dans l’avenir des problèmes de financement des soins et des retraites. Un certain nombre de jeunes femmes ont le sentiment qu’entre les enfants et leur carrière, elles sont obligées de choisir. Tant que les parents qui travaillent n’auront pas de solutions pour la garde de leurs enfants, la participation des femmes à la population active devrait rester limitée aux dépens de la croissance économique du pays. Consciente des risques à venir l’Allemagne prévoit de grandes dépenses pour la garde des enfants et pour les écoles ouverte toute la journée, pour trouver un équilibre entre le nombre des décès et de celui des naissances. Il s’agit d’une rupture volontaire avec la conception selon laquelle il faudrait choisir entre le porte document et le landau (Banque mondiale, 2004). Pour favoriser le changement dans les rôles traditionnel des hommes et des femmes et afin de promouvoir une nouvelle division sexuelle du travail où les femmes puissent devenir autonomes et actives, il devient urgent de planifier pour les relayer dans la tâche qui leur incombe dans la prise en charge des enfants et des autres membres dépendants de la famille. 100 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Ce travail dit domestique auquel on ne donne généralement aucune valeur monétaire ni aucune valeur comptable n’est ni reconnu socialement ni économiquement. Et pourtant ce travail a un coût, il a par conséquent une valeur, et de ce fait il est offert au secteur privé comme au secteur public aux entreprises gratuitement, sans tenir compte de ce coût dans la rémunération du travail, puisque les prestations sociales et les allocations familiales deviennent très faibles dans les PSM (exemple de la Tunisie où l’allocation familiale n’a pas évolué depuis plusieurs décennies). Si les journées de ces femmes sont remplies par le travail domestique pour nourrir, prendre soins des enfants et des personnes âgées, et que si rien ni personne ne soient prévus ni programmés pour le faire à leur place, si au cas où elles veulent sortir travailler ce qui serait de plus en plus le cas avec l’éducation scolaire des filles et leurs nouvelles aspirations à leur autonomisation, elles ne pourraient de toute évidence échapper à cette besogne. Les femmes ont généralement la volonté de travailler surtout celles qui se sont investies dans la scolarisation et l’enseignement secondaire et supérieur. Jeunes et célibataires elles se mettent à travailler lorsqu’elles finissent par trouver un boulot, mais dès qu’elles se marient et font des enfants, leur travail pour plusieurs d’entre elles passera après sa vie familiale d’où les taux très faibles d’activité des femmes mariées. Dans cette Action il s’agit donc, de prévoir, Programmer la RELEVE pour les femmes, dans les tâches domestique, et la garde des enfants et des personnes âgées, afin de leur permettre de travailler hors du foyer moyennant une rémunération : Sous-action (4.1) : Des Programmes nationaux d’accueil et de garde des enfants avec une politique familiale de subvention des familles pour ces services. Sous-action (4.2) : Création d’un Fonds du « home care » (de garde et des soins pour les enfants) suite à des réformes fiscales et budgétaires) par l’État, le secteur privé et les ménages... Créer un fonds public pour le financement de la maternité. Sous-section (4.3) : Des Programmes de formation d’Auxiliaires de vie pour les personnes âgées et handicapées à domicile et pour les services de proximité et de soins. Sous-section (4.4) : Programme d’éducation et de sensibilisation « Pour le partage des tâches domestiques entre les sexes et entre les âges ». Proposition 15 ACTION (5) : La Budgétisation Sensible au Genre au service de l’égalité dans l’emploi Objectifs et justificatifs La BSG fait partie des bonnes pratiques budgétaires depuis les premières initiatives mi-80 à 90 par l’Australie et l’Afrique du Sud, pionniers dans ce domaine. Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 101 Depuis, ces exemples ont été suivi par un nombre de plus en plus grands de pays partout dans le monde, la BSG est devenue ainsi un mouvement. Tous les pays ne sont pas au même point d‘état d’avancement, certains sont plus avancés que d’autres. En Afrique, les pays comme le Maroc, le Sénégal ont eu des initiatives et sont à une étape plus ou moins avancée dans la mise en œuvre de la BSG. Haïti, le Mali, la Côte d’Ivoire, la Sierra Léone, le Bénin et le Burkina Faso sont en bonne voix. D’autres pays comme la Guinée Bissau, le Cape Vert et la Gambie ont déjà demandé le soutien de l’UNIFEM à cet effet. Les demandes proviennent soit du Gouvernement, du Parlement, de la Société Civile, des Agences du SNU ou même des autres partenaires au développement en appui aux pays en développement. La BSG signifie (14) l’introduction d’un outil d’analyse genre dans le processus de programmation et d’élaboration/exécution/évaluation du budget. La BSG : – reconnaît les façons dont les femmes contribuent à la société et à l’économie par leur travail non rémunéré ; – reconnaît l’intersection entre les politiques budgétaires et le bien-être des femmes ; – étudie les effets de répartition des recettes et des dépenses des hommes et des femmes ; – veille à répondre de manière équitable aux besoins pratiques et stratégiques des femmes et des hommes de différentes couches de la société ; – vise à réduire les inégalités socio-économiques entre ces couches et à considérer les principes de l’équité et de l’égalité. Dans un contexte de discrimination et d’exclusion basées sur le genre, la BSG constitue un outil pour garantir que : – les priorités des femmes pauvres sont reflétées non seulement dans les politiques, plans et programmes, mais aussi dans les allocations budgétaires, dépenses et revenus ; – les acteurs, organisations, systèmes et processus budgétaires reflètent mieux les intérêts des femmes pauvres et fournissent un espace à la voix des femmes, la transparence et la responsabilité envers les engagements sensibles au genre. Dans le contexte des PSM, il y a le Maroc qui est le plus avancé, son initiative de BSG a commencé depuis près de cinq ans, il est soutenu par l’UNIFEM. Il serait intéressant, que l’expérience du Maroc se généralise à l’ensemble des PEM. Notre proposition dans ce cadre consiste dans les sous actions suivantes pour chaque PSM. Sous-action (5.1) : Réaliser une Réforme Budgétaire introduisant la BSG. Sous action (5.2) : Un Appui Institutionnel à la Comptabilité Nationale pour la prise en compte du travail non rémunéré des ménages et l’élaboration d’un compte satellite ménage de la production non marchande. Sous-action (5.3) : Généraliser les Enquêtes Budget temps dans tous les PSM. (14) Définition de l'atelier sur la BSG (UNIFEM, Rabat 2009) ; S. Saïdi et Fazouane. 102 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Références Banque mondiale, 2004, Inégalité entre les sexes et développement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. BIT, 2008, Tendances mondiales de l’emploi, Genève BIT, 2008, Rapport sur le travail dans le monde, les inégalités de revenu à l’épreuve de la mondialisation. CES en France, 2005, « Les droits des femmes dans le PEM », France. Collectif 95 égalité et GTZ, 2006, « Le travail des Maghrébines, l’autre enjeu », Rabat. Euromesco, 2006, « Les femmes en tant que participantes à part entière à la Communauté euro-méditerranéenne d’États démocratiques ». Forum économique des femmes, 2008, « The Global Gender Gap », World Economic Forum, 2008, The Global Gender Gap. Cassina, Giacomina, « Rôle des femmes dans la vie économique et sociale et leur intégration dans le marché du travail », Comité économique et social européen. OCDE, Perspectives de l’emploi 2007. Naciri, Rabéa et Isis Nusair, 2003, « L’intégration des droits des femmes au Moyen Orient et de l’Afrique du nord dans le Partenariat euro-méditerranéen ? », REMDH. REMDH, 2009, Rapport parallèle sur la mise en œuvre du plan d’action d’Istanbul, « l’égalité des sexes dans la région euro-méditerranéenne : du plan d’action à l’action ? » Nations Unies, 22-10-2009, document internet de la deuxième commission de l’AG, sur l’autonomisation économique des femmes. UNIFEM, 2008-2009, Qui est responsable devant les femmes ? UNIFEM, atelier Budgétisation sensible au Genre, Rabat 2009 Site RWEL. Programme EuroMed : rôle des femmes dans la vie économique est le premier Programme régional de la Commission européenne axé sur l’autonomisation économique des femmes. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi, de migrations et de politiques sociales au sud et à l’est de la Méditerranée Erwan Lannon * Introduction Cette étude porte au sens large sur les questions socio-économiques des relations euro-méditerranéennes et plus particulièrement sur la Politique européenne de voisinage, les questions des migrations et des politiques d‘emploi et de formation et les perspectives dans le domaine social au sens large. Il s’agit de faire un état des progrès réalisés dans ces domaines pour ensuite faire une série de propositions concrètes. L’accent est mis sur les programmes ou initiatives menées dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage (PEV) telles que mise en place progressivement ces dernières années. Les propositions sont de nature opérationnelle. C’est la raison pour laquelle cette analyse se focalise sur les Programmes Indicatifs Nationaux (PIN) et les Documents Stratégie Pays (DSP) des partenaires méditerranéens dans la mesure où il s’agit précisément de document à vocation opérationnelle. La PEV doit être lue aujourd’hui au travers les déclarations issues du sommet de Paris pour la Méditerranée du 13 juillet 2008 et de la réunion des ministres euro-méditerranéens des affaires étrangères de Marseille des 3 et 4 novembre 2008. C’est dans ce nouveau contexte que vont se développer certaines des futures initiatives socio-économiques prévues dans le cadre des propositions de PIN qui seront analysées dans le cœur de cette étude. Au niveau de la déclaration conjointe de Paris, les chefs d’Etat ou de gouvernement font directement référence à la question de l’emploi, que « la volonté résolue des partenaires de favoriser le développement des ressources humaines et l’emploi, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement ». La « promotion des droits économiques, sociaux », est aussi évoquée et il faut rappeler que parmi les projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée (UpM) figure « l’Enseignement supérieur et recherche, université euro-méditerranéenne ». Il est souligné à ce propos qu’« une attention particulière devrait être accordée à l’amélioration de la qualité et à l’adéquation entre la formation professionnelle et les besoins du marché du travail ». * Université de Gand, Collège d’Europe et Institut d’Etudes et de Sécurité de l’UE. 104 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Autre projet prioritaire de l’UpM qui touche directement les questions socioéconomiques : ‘l’initiative méditerranéenne de développement des entreprises’ qui vise « à aider les entités des pays partenaires qui apportent déjà un soutien aux micro-entreprises et aux petites et moyennes entreprises en évaluant les besoins de ces entreprises, en définissant des solutions stratégiques et en fournissant à ces entités les ressources nécessaires sous la forme d’une assistance technique et d’instruments financiers ». La Réunion des ministres euro-méditerranéens des affaires étrangères de Marseille des 3 et 4 novembre 2008, outre les précisions apportées au niveau de la nouvelle structure institutionnelle de l’UpM (), a permis aux ministres d’adopter un ambitieux programme de travail pour 2009. Diverses réunions ayant un impact direct ou indirect sur l’emploi ont ainsi été prévues () mais les ministres soulignent surtout que la première conférence des ministres de l’emploi et du travail, « sera une occasion unique de définir une véritable dimension sociale dans le partenariat, fondée sur une approche intégrée associant croissance économique, emploi et cohésion sociale ». L’ordre du jour de cette conférence est précisé à cette occasion. Concernant les « migrations », les ministres ont aussi réaffirmé qu’ils s’engagent à « faciliter la circulation légale des personnes ». Conformément à la Déclaration de Marseille et faisant suite à deux réunions préparatoires (), la première Conférence euro-méditerranéenne des ministres de l’emploi et du travail de Marrakech (9 et 10 novembre 2008) a débouché sur l’adoption d’un cadre d’action qui devrait contribuer à l’intégration d’une véritable dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen. Les ministres de l’emploi et du travail ont notamment proposé : i) la mise ne œuvre d’une « approche intégrée combinant de manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale, sociale et environnementale ainsi que la politique d’éducation et formation » () ; () Un système de Sommets bisannuels des Chefs d’États et de Gouvernement ; – un système de coprésidences qui s’appliquera à tous les sommets, à toutes les réunions ministérielles et aux réunions de hauts fonctionnaires ; – Un Comité renforcé de hauts fonctionnaires (traitant tous les aspects de l’initiative, préparation les réunions ministérielles et soumissions des propositions de projets ; – programmation annuelle) ; – Un Comité permanent conjoint (basé à Bruxelles) apportera son concours aux réunions des hauts fonctionnaires et fera le suivi ; – un Secrétariat sera chargé de l’identification et du suivi des projets de l’UpM, de la promotion de nouveaux projets et de la recherche de fonds et de partenaires pour leur mise en œuvre. () 1re réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur les projets de développement durable, la 2e réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, la 2ème réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur le renforcement du rôle des femmes dans la société, et enfin la 1ère réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur le développement humain. Les ministres détaillent avec précision les autres domaines de coopération pour 2009 et mentionnent dans le cadre de la coopération sociale, humaine et culturelle (point III. D), la nécessité de « définir une véritable dimension sociale ». () La conférence euro-méditerranéenne sur le dialogue social, tenue à Berlin en mars 2007 et l’atelier euromed sur l’emploi des 12 et 13 décembre 2007. () Point 11. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 105 ii) la mise en place d’une approché inclusive avec les plans et stratégies existants au niveau « interne » de l’UE (stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi, Stratégie européenne de l’emploi) et la promotion du « travail décent pour tous dans les relations extérieures de l’UE, surtout dans le cadre de sa politique européenne de voisinage (PEV) et du processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée » ; iii) la promotion de l’application des normes et des cadres politiques internationaux établis au sein de l’OIT et de l’ONU dans les domaines de l’emploi, du travail décent et du développement durable » () ; iv) la création d’un cadre d’action euro-méditerranéen dans le domaine de l’emploi, de l’employabilité et du travail décent. Reste maintenant à vérifier si ces objectifs se retrouvent au niveau opérationnel. L’étude qui suit est de nature prospective. Elle s’appuie donc essentiellement sur les « concept notes » qui servent de base de réflexion pour la période 20112013 et qui doivent donc prendre en compte les objectifs de dernières réunions intergouvernementales euro-méditerranéennes. Il faut préciser que sont étudiés ici les concepts notes de la Tunisie, du Maroc, de l’Algérie, de la Syrie, de l’Egypte, de la Jordanie et du Liban. Celle des territoires palestiniens n’était pas, au moment ou ce policy paper a été rédigé, disponible et la situation socio-économique d’Israël fait que ce pays est intégré dans la catégorie des pays développés et donc les actions de coopération se limitent à des domaines très spécifiques. La Turquie qui est toujours membre du Partenariat EuroMed-Union pour la Méditerranée ne bénéficie pas de l’IEVP mais des fonds dévolus à la stratégie de pré-adhésion. I. Les « Concepts notes » Les concepts notes sont des instruments non-juridiquement contraignant qui permettent à la Commission européenne de préparer les futurs programmes indicatifs nationaux. A. L’objectif des « Concepts notes » L’objectif des « concept notes » est d’entamer une réflexion au sein de la Commission européenne en vue de la préparation des PIN de 2011-2013. Les PIN indiqueront, en effet les secteurs et programmes prioritaires de la coopération de la Commission pour la période 2011-2013 pour l’ensemble des pays araboméditerranéens. Les organisations de la société civile doivent jouer un rôle important dans le cadre de la PEV notamment au niveau du suivi de la mise en œuvre des plans d’action. Ceci est particulièrement important en termes de co-appropriation et de bonne gouvernance. () Point 14. 106 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… La révision des DSP se fait donc en consultation avec des acteurs tels que les administrations nationales, des partenaires locaux et des organisations de la société civile le processus étant mené par la DG RELEX de la Commissions européenne et les délégations dans les pays partenaires (). B. La Concept Note Tunisie Programme Indicatif National 2011-2013 1. Le DSP Tunisie 2007-2013 Le DSP 2007-2013 a identifié pour la coopération de l’UE avec la Tunisie un certain nombre de secteurs dont : i) Le développement de conditions propices à l’investissement privé, au développement d’entreprises compétitives (PME), la croissance, la résorption du chômage et le développement rural durable ; ii) Le développement de conditions propices aux trois volets du développement durable (environnemental, social, économique) ; iii) Le développement de l’éducation et de la formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ; iv) Le renforcement des programmes sociaux tout en maintenant les équilibres budgétaires. La panoplie d’initiatives envisageables est assez vaste. Elles doivent également prendre place dans un contexte particulier. 2. Le contexte socio-économique Le document de la Commission européenne souligne qu’en qui concerne les événements qui ont eu une influence sur la situation socio-économique tunisienne, il faut noter : i) la hausse du prix des produits agricoles et du prix des produits pétroliers ; ii)la flambée des prix des produits alimentaires. Ceci a limité les marges de manœuvre en matière de politique fiscale et de financement public de l’investissement. La crise financière et économique a un impact indéniable sur l’économie réelle. Pour la Commission européenne ceci « renforce la nécessité d’un approfondissement de l’intégration économique tunisienne à l’UE (notamment dans les secteurs des services et des produits agricoles). L’importance de l’appui aux politiques sociales et la production alimentaire, qui restent une priorité pour la Tunisie, totalement partagée par l’UE, pourraient être prise en compte dans le PIN 2011-2013 (). () The Mid-Term Review of ENPI Strategy Papers and Indicative Programmes, Information Note for Civil Society Organisations. () Concept note, Tunisie, page 3. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 107 Il faut également relever que la migration en provenance de la Tunisie mérite plus d’attention, même si « le gouvernement a développé une politique de lutte contre la migration illégale et d’accompagnement de la migration légale » (). 3. Les évolutions de la Tunisie En ce qui concerne les « changements dans le pays », la Commission constate que : i) Malgré le niveau élevé du chômage et l’augmentation des prix alimentaires, le Gouvernement considère qu’il pourra maintenir la stabilité sociale ; ii) Le taux de chômage reste une préoccupation fondamentale pour le Gouvernement, surtout en ce qui concerne les jeunes diplômés, notamment en cette période de récession économique ; iii) Le Gouvernement est déterminé à poursuivre des politiques visant à alléger ces tensions, vu que la stabilité sociale est la base essentielle du consensus politique () ; iv) Les autorités cherchent également à promouvoir le développement régional afin de réduire des disparités socio-économiques tunisiennes, surtout par les aides à l’investissement mais aussi à renforcer le commerce régional intra-med (Accord d’Agadir, Cumul PanEuroMed) ; v) La définition d’une « feuille de route » euro-méditerranéenne sur le commerce à l’horizon 2010 et au-delà permettra de réaliser les trois objectifs principaux suivants : (i) diversifier et améliorer les échanges commerciaux, (ii) encourager l’intégration économique et industrielle régionale et (iii) promouvoir les investissements européens ; vi) Les transferts des Tunisiens travaillant à l’étranger ont augmenté fortement ces dernières années à un milliards d’euros en 2008 (10). 4. La coopération financière et les problèmes rencontrés par la Commission En ce qui concerne la coopération financière la Commission européenne précise que parmi les secteurs dans lesquels la coopération communautaire est la plus effective figure l’éducation et formation, des réformes économiques et de l’appui au secteur privé. Par contre la « mise en œuvre des programmes concernant la démocratie et droits de l’homme, État de droit et gouvernance s’est révélée parfois difficile » d’autant plus que l’IEVP, « sous-entend une plus forte responsabilisation du pays partenaire ». La participation de la société civile (au sens large) dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes et projets est restée jusque là faible et est à développer (11). () Concept note, Tunisie, page 3. () Concept note, Tunisie, page 5. (10) Concept note, Tunisie, page 6. (11) Concept note, Tunisie, page 6. 108 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… 5. Les priorités et les problèmes clés susceptibles d’être réglés Parmi les possibles principaux axes du PIN 2011-2013 figurent notamment : i) la gouvernance économique et la compétitivité des entreprises, notamment dans le secteur industriel et dans le secteur des services ; ii) l’emploi et la protection sociale, notamment la modernisation des systèmes de retraite, des amortisseurs sociaux, des requalifications des chômeurs suite à des restructurations d’entreprises pour une lutte accrue contre le chômage structurel qui demeure élevé. Ceci s’inscrirait dans la continuité des interventions du passé (assurance maladie, enseignement supérieur, éducation secondaire, formation professionnelle, adéquation éducation-emploi). Il est souligné que la lutte contre le chômage ainsi que la création de l’emploi sont des priorités très importantes pour le gouvernement. 6. Conclusions Contrairement à d’autres concept notes la Commission européenne ne fournit pas de ventilation budgétaire moyenne annuelle par secteur prioritaire. Ceci pose un problème pour effectuer une analyse comparative (V. tableau à la fin de l’étude) et pour affiner l’analyse. On peut toutefois constater le lien important entre la stabilité politique et la situation socio-économique qui est mentionné par la Commission européenne. La protection sociale et la lutte contre le chômage demeurent des priorités essentielles qui prennent en compte les priorités nationales de la Tunisie. Il faut toutefois aussi noter que la Commission européenne souligne que la « participation de la société civile (au sens large) dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes et projets est restée jusque là faible et est à développer ». Les initiatives concernant les questions migratoires ne sont pas très visibles. C. La Concept Note Maroc Programme Indicatif National 2011-2013 1. Le DSP Maroc 2007-2013 et le statut avancé Il faut tout d’abord remarquer que parmi les 5 grands axes prioritaires du DSP 2007-2013 figure le « le développement des politiques sociales » ; et la « la modernisation économique ». La Commission européenne précise que parmi ces priorités identifiées dans le DSP, des programmes en cours (ou en préparation) au cours de la période 20072010 notamment dans « les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice, de la formation professionnelle » seront prolongés pendant la période couverte par le PIN en préparation. De plus, il est souligné que le Conseil d’association UE/Maroc a adopté le 13 octobre 2008 le « statut avancé » qui « représente une feuille de route pour le développement des relations entre l’UE et le Maroc au cours des prochaines La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 109 années ». Ce dernier fixe en effet de « nouveaux objectifs dans de nombreux domaines » (12). 2. La liste préliminaire des programmes et projets qui pourraient être mis en œuvre durant la période 2011-2013 La « concept note » du Maroc contient liste préliminaire de programmes et projets qui pourraient être mis en œuvre pendant la période 2011-2013. Il faut retenir à cet égard : i) Au niveau des politiques de développement des politiques sociales : – Programme de soutien et de modernisation du marché de l’emploi et du dialogue social (programme sectoriel ; appui nécessaire pour accompagner ce chantier de réforme notamment la modification en cours du cadre législatif et sa mise en œuvre) ; – Prévention de l’habitat insalubre (Suite du programme « résorption et prévention de l’habitat insalubre » qui vient à échéance et a eu des résultats positifs ; objectifs : lutte contre la pauvreté en milieu urbain ; équilibrage socio-économique) ; – Programme de développement rural intégré dans le Nord (Aspect social, migration, environnement, régional ; approche projets) ; ii) En ce qui concerne la Modernisation économique – Programme complémentaire de soutien à la réforme agricole (en ce compris un volet SPS) (Réforme prioritaire pour le pays ; viendrait en complément du programme de 2010). 3. Conclusions Il y a de toute évidence une volonté de poursuivre les programmes en cours sur les priorités traditionnelles du Maroc même si la Commission européenne mentionne clairement les nouveaux objectifs du statut avancé sans toutefois élaborer sur ce sujet ce qui paraît regrettable car au plan opérationnel le statut avancé semble avoir, en tous cas pour l’instant peu d’impact. Ici aussi il n’y a pas d’indications en ce qui concerne la ventilation des enveloppes annuelles moyennes par secteur. D. La Concept Note Algérie Programme Indicatif National 2011-2013 Pour ce qui est de l’Algérie il faut tout d’abord préciser que ce pays ne fait pas partie intégrante de la PEV. Ceci signifie qu’il n’y a pas de plan d’Action PEV pour l’Algérie. (12) Concept note, Maroc, page 1. 110 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les relations euro-algériennes se fondent donc sur l’Accord d’association et une « Feuille de route » (13) agréé avec l’Algérie qui établit, à l’instar d’un plan d’action, des objectifs et priorités par rapport à des secteurs d’intérêt commun. 1. Coopération financière – Enseignements de la coopération passée La Commission européenne précise à ce sujet que parmi les projets menés avec succès figurent : Appui aux PME ; Education ; Appui aux associations algériennes de développement (ONG I et ONG II) ; et Modernisation de la Police Algérienne ; Modernisation et Assistance à la Reforme Administrative (MARA). La Commission souligne toutefois que « tous les programmes restent essentiellement en modalité « projet » ce qui, non seulement demande un effort accru de gestion, mais pose également des limites en termes de déboursement et de pérennisation des résultats ». C’est pourquoi la Commission envisage pour 2011-2013 de mettre en place un « dispositif d’acheminement de l’aide plus efficace et qui permettrait d’accroire l’appropriation de l’Algérie et l’implication d’autres bailleurs de fonds » (14). 2. Premières orientations pour 2010 et 2011-2013 i) Pour 2010 La Commission entend se concentrer sur des programmes à caractère économique (Programme d’appui au secteur des travaux publics ; Programme d’appui aux dispositifs nationaux de contrôle sanitaire et phytosanitaire des produits agricoles et de la pêche ; Programme d’appui à la mise en place d’un système statistique dans le secteur de l’habitat et l’urbanisme, Programme de contractualisation entre la Sécurité sociale et les établissements publics de la santé). ii) Les premières orientations du PIN 2011-2013 Trois programmes sont envisagés par la Commission dans le cadre du PIN 2011-2013 : – 2011 : Un vaste programme « Environnement » Un Programme ONG III pourrait pérenniser et propager les acquis des programmes antérieurs ; – 2012 : Un Programme « Diversification de l’économie II, plus axé sur le Patrimoine » (restauration des sites, gestion et formation des guides), en continuité avec DIVECO I, volet tourisme, dans la perspective de l’exploitation touristique. Les sujets économiques évoqués (environnement des affaires, exportations hors (13) « Le 1er Comité d’association UE-Algérie s’est tenu à Alger le 16 septembre 2008. Conformément au mandat du Conseil d’association UE-Algérie du 10 mars 2008, une « Feuille de route d’accompagnement de l’Accord d’association » a été adoptée lors de cette réunion. » Concept note Algeria, p. 1. (14) Concept note Algérie, p. 5. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 111 hydrocarbures et concurrence) se prêteraient plutôt à être pris en charge de façon continue et flexible par le P3A. Plus peut être un Programme « Transports II » (y inclus l’aérien). – 2013 : Un P3A III, Programme d’accompagnement de la Feuille de route, plus, peut être, un Programme « Diversification de l’économie/Douanes » avec le Ministère des Finances qui prendrait tout son sens dans le cadre du démantèlement tarifaire et qui pourrait également contribuer au développement des services électroniques des moyens de paiement du même Ministère. 3. Conclusions Les priorités sont ici un peu floues. La Commission européenne se réfère plutôt à des programmes. Ceci semble résulter de l’absence de plan d’action PEV qui a justement pour objectif de définir clairement les priorités de la coopération. La feuille de route semble donc ne pas combler ce vide. D’autre part il faut signaler que la question des migrations internationales a fait l’objet d’un paragraphe assez développé. La concept note souligne en effet que l’Algérie vient d’adopter « une nouvelle loi le 25 juin 2008 réformant les règles concernant la gestion des frontières, la concession des visas, le traitement des migrants clandestins et les demandeurs d’asiles » et que l’UE « est très intéressée à coopérer avec l’Algérie dans tous les aspects de la migration d’une manière articulé et équilibré, conformément à sa politique de l’Approche Globale sur la migration, ainsi qu’aux délibérations des conférences d’Albufeira et de Lisbonne » (15). E. La note conceptuelle du Programme indicatif national syrien 20112013 (Avril 2009) 1. Les objectifs stratégiques de l’UE pour les années 2011-2013 Trois actions prioritaires ont été identifiées pour la durée de 2007 à 2013 : i) soutien aux réformes politiques et administratives ; ii) soutien aux réformes économiques ; iii) soutien aux réformes sociales. Comme l’a rappelé la Commission Européenne, le Document stratégie pays (CSP) s’inspire des dispositions du « projet d’Accord d’Association dont la signature est en attente depuis 2004. Cet accord vise à préparer le pays à une pleine participation dans la Politique Européenne de Voisinage à moyen terme (16) ». (15) Concept note Algérie, p. 8. (16) Note conceptuelle de Syrie, p. 1. 112 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… 2. Principaux défis ou obstacles Plusieurs défis sont identifiés au niveau de la réforme de l’administration, de la poursuite du processus de décentralisation, du renforcement de l’Etat de droit, d’une participation accrue de la société civile et du respect des droits de l’Homme. L’économie syrienne doit faire face à plusieurs « sérieux » défis, dont : – la mise à niveau des entreprises syriennes (un programme financé par la CE va prendre en charge cette questions en 2010) ; –l’ouverture à d’autres marchés (la Chine, les accords de libre échange avec la Turquie et le Conseil de Coopération des Pays du Golfe) ; – les effets de la crise financière mondiale. – les perspectives de l’entrée en vigueur de l’Accord d’Association entre l’UE et la Syrie pour les industries syriennes ; – les insuffisances en matière de compétitivité et de capacité d’exportation des entreprises (17). Au niveau social, les « effets sociaux de la transition économique et de la crise mondiale demeurent un défi majeur ». Ce problème est d’autant plus critique dans les zones rurales (18). A ce jour, la plupart des interventions de la CE ont ciblé les réformes au niveau national et se sont focalisées sur les zones urbaines. 3. Perspectives offertes par le nouvel Accord d’Association Dans le domaine du soutien aux réformes politiques et administratives, la Commission élaborera un programme d’appui à la mise en œuvre du futur accord. De même, des instruments tels que le Jumelage et le TAIEX, seront utilisés pour la construction institutionnelle et l’approximation légale et pour s’attaquer aux insuffisances en matière de conception et de mise en œuvre des réformes (19). Concernant le soutien aux réformes économiques, la Commission mettra l’accent sur : i) l’amélioration du climat des affaires ; ii) l’appui aux petites et moyennes entreprises et la mise à niveau des entreprises ; iii) la compétitivité des entreprises syriennes et l’élargissement du champ de soutien en vue de l’étendre à d’autres secteurs ou à de nouveaux secteurs de l’économie. S’agissant de l’appui aux réformes sociales, la CE signale qu’elle a financé « un certain nombre de programmes dans les domaines de la santé, de l’éducation (17) Note conceptuelle de Syrie p. 1. (18) « La sécheresse des deux années passées a sérieusement affecté le secteur agricole, principale source de revenu dans ces régions. » (19) Note conceptuelle de Syrie, p. 3. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 113 et de la formation professionnelle pour mieux adapter la demande du marché de l’emploi à l’offre. » Ainsi, « dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle, de la protection sociale et de la santé », les programmes se poursuivront jusqu’en 2012 ou 2013. Toutefois, l’accent « pourrait être dirigé au cours de la prochaine période vers les problèmes des disparités régionales et de pauvreté, à travers des interventions ciblées et intégrées dans les zones les plus pauvres et les zones rurales ». 4. Priorités d’interventions envisageables entre 2011-2013 Il est prévu que la « subvention annuelle de la CE pour la Syrie soit égale ou supérieure à la moyenne annuelle actuelle de 32,5 millions € ». Les domaines d’intervention pour 2011-2013 peuvent être choisis parmi les priorités suivantes : i) Soutien aux réformes politiques et administratives L’enveloppe bilatérale pour cette priorité devrait atteindre les 30 % (comparée aux 23 % des années 2007-2010). Il est prévu : – d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord d’Association ; – de renforcer les capacités des organisations de la société civile pour une meilleure participation au processus de réforme et de développement. ii) Soutien aux réformes économiques L’enveloppe bilatérale pour cette priorité devrait atteindre les 50 % (comparée aux 38 % des années 2007-2010) Les programmes suivants sont envisagés : – deux programmes déjà inscrits dans le Programme indicatif national de 2007- 2010 sur l’amélioration du commerce et la simplification du climat des affaires vont accompagner le processus de libéralisation du commerce ; – en 2010 un programme vise à promouvoir le développement des affaires, y compris la transformation des entreprises appartenant à l’Etat en sociétés ; – un programme visant à promouvoir la compétitivité et la productivité des entreprises (notamment les PME) va stimuler l’entreprenariat, le développement des compétences, la promotion de l’innovation, la recherche et développement, la diversification de la production et le développement des marchandises à grande valeur ajoutée ; – la Commission pourrait appuyer un programme pour aider les autorités syriennes à élaborer une stratégie énergétique globale à long terme (20). (20) Ce programme pourrait être basé sur « un cadre législatif et réglementaire approprié comprenant des mesures visant à promouvoir l’efficacité énergétique, destiné à tous les secteurs de l’économie et l’utilisation ou le développement des sources d’énergie renouvelable. Ces interventions devront être coordonnées avec les projets régionaux actuels et programmés de la CE dans ces domaines et avec les bailleurs de fonds et les IFI qui opèrent dans ces domaines ». Note conceptuelle de Syrie, p. 4. 114 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… iii) Soutien aux réformes sociales : L’enveloppe bilatérale pour cette priorité devrait atteindre les 20 % (comparée aux 31 % des années 2007-2010). La Commission pourrait soutenir un programme visant à encourager le développement durable des zones rurales et lutter contre la pauvreté à travers le renforcement de la compétitivité de l’agriculture, une meilleure gestion des ressources naturelles, la croissance économique et la diversification (21). 5. Conclusions Il semble qu’il existe ici une réelle volonté de réorienter la coopération vers les zones rurales et d’anticiper l’entrée en vigueur de l’Accord d’Association. Toutefois, on ne sait pas avec certitude quand cet accord sera finalement signé étant donné le contexte actuel. Les priorités sont clairement identifiées. Pour la dimension socio-économique y compris la société civile, la pauvreté est une préoccupation majeure. Toutefois, on devrait noter la baisse de la part de l’enveloppe financière accordée au soutien aux réformes sociales (20 % comparée à 31 % pour 2007-2011). Une augmentation de cette part serait très bénéfique pour les réformes économiques, politiques et administratives. F. La note conceptuelle du Programme Indicatif National de Jordanie 2011-2013 1. Objectifs et stratégie de l’UE pour 2011-2013 Selon la Commission Européenne, les quatre objectifs stratégiques du CSP 2007-2013 formeront la base de la nouvelle programmation : 1.Réformes politiques et bonne gouvernance ; 2.Promotion du commerce et de l’investissement ; 3.Durabilité du processus de développement ; 4.Construction institutionnelle, stabilité financière et appui à l’approximation régulatrice. 2. Principaux défis et obstacles Les problèmes suivants ont été identifiés par la Commission Européenne dans le domaine socio-économique : i) Les niveaux de pauvreté et de chômage demeurent élevés et l’écart entre riches et pauvres continue de croître ; (21) Le programme « veillera à ce que les préoccupations environnementales et les questions liées aux changements climatiques ainsi que l’élaboration de normes de production de qualité et de commercialisation dans le secteur agricole soient prises en considération. » Note conceptuelle de Syrie, p. 4. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 115 ii) Le taux de femmes économiquement actives demeure très bas comparé à la population active totale et stagne aux environs de 14,5 %. iii)Les programmes d’enseignement ne sont pas bien adaptés à la demande du marché du travail ; iv)La Jordanie est fortement dépendante des importations pour satisfaire ses besoins en énergie et demeure l’un des quatre pays au monde les plus pauvres en ressources hydriques v) Le secteur public en Jordanie a besoin de renforcer ses capacités à élaborer et mettre en œuvre des stratégies. 3. Priorités pour 2011-2013 La Commission Européenne prévoit une allocation minimale de 66,25 millions € par an. Les priorités identifiées à ce jour sont les suivantes : i) Réformes politiques et bonne gouvernance : 10 à 15 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité (comparés aux 6 % pour 2007-2010). Un appui pourrait être accordé aux thèmes de « bonne gouvernance » (22) et aux questions de « justice et de sécurité ». ii) Développement du commerce et de l’investissement 20 à 25 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être accordés à cette priorité (comparés aux 29 % pour 2007-2010) Deux principales initiatives ont été identifiées : – le soutien à la Facilitation du transport et du commerce se poursuivra, particulièrement dans le contexte du Plan d’Action régional sur le Transport pour la Méditerranée et la possibilité pour la Jordanie de choisir d’engager des négociations en vue de parvenir à un accord de libre échange profond et exhaustif avec l’UE ; – concernant le secteur privé et le développement des exportations, la Commission se propose de mettre l’accent sur la promotion de la recherche et de l’innovation, la création d’un climat des affaires plus compétitif, l’amélioration des normes de qualité et l’établissement de liens avec l’Europe (par exemple à travers le réseau européen des entreprises « Enterprise Europe Network »). iii) Durabilité du processus de développement 25 à 30 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité (comparés aux 24 % pour 2007-2010). (22) Développement de la société civile, démocratisation, promotion et protection des droits de l'Homme. 116 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Un appui pourrait être accordé : – à la création d’un effet de bien-être de la croissance économique dans la mise en œuvre des stratégies et des lois jordaniennes en matière d’énergie, de gestion de l’eau, de réduction de la pauvreté, de développement local et de sécurité sociale ; – au développement des ressources humaines, tout en continuant à intégrer des éléments de sécurité sociale ; – dans le domaine du développement local, la Commission prévoit de soutenir le rôle et les capacités des parties prenantes locales dans la définition et la mise en œuvre des plans de développement local en vue d’aider à la mise en place de la stratégie du gouvernement de réduction de la pauvreté et de son programme de décentralisation ; – selon la Commission, le développement des énergies renouvelables pourrait être accru d’une manière significative. iv) Construction institutionnelle, stabilité financière et soutien à l’approximation régulatrice : – 35 à 40 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité (comparés aux 40 % pour 2007-2010). Il est prévu : – de continuer à soutenir la mise en œuvre du Programme de Plan d’Action et d’augmenter son enveloppe financière. Les domaines d’intervention pourraient comprendre la gestion du secteur de l’eau et les réglementations techniques de l’UE et les normes harmonisées ; – d’appuyer la réforme de la gestion des finances publiques à la lumière de la situation budgétaire précaire continue et de la nécessité d’améliorer les mécanismes de contrôle interne. 4. Conclusions Le volet social n’est pas suffisamment développé en tant que tel, mais plutôt traité à travers la priorité de la « durabilité du processus de développement » qui tirera profit d’une légère augmentation de l’enveloppe financière ; des questions telles que la sécurité sociale, la pauvreté et les parties prenantes locales seront traitées dans ce cadre. G. La note conceptuelle du Programme Indicatif National du Liban 2011-2013 1. Objectifs et stratégie de l’UE pour 2011-2013 D’après la Commission Européenne, les principaux objectifs de la stratégie de la CE au Liban pour 2011-2013 demeurent : – l’appui aux réformes politiques au Liban ; – l’appui aux réformes sociales et économiques ; – l’appui à la reprise et à la redynamisation du pays. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 117 2. Principaux défis et obstacles Parmi les nombreux défis identifiés par la Commission, il y a lieu de relever : i) Le renforcement de l’autorité de l’État et de la règle de droit ; ii) La capacité de l’administration centrale à élaborer et mettre en œuvre des politiques au niveau national (23) ; iii) La fonction publique rencontre des difficultés pour attirer des fonctionnaires jeunes et qualifiés ; iv) Le jumelage demeure sous-utilisé et il est nécessaire de déployer davantage d’efforts pour lancer des opérations budgétaires ou d’appui aux secteurs ; v) Les réformes politiques, sociales et économiques en souffrance représentent un défi majeur pour le pays ; vi) Les disparités sociales et régionales s’aggravent ; vii) Plusieurs cas de « clientélisme » et de corruption continuent d’être signalés ; viii)Le renforcement d’un système judiciaire indépendant et efficace est crucial pour le succès de nombreuses réformes ; ix) Le pays doit encore faire face à des défis majeurs liés à la préservation de ses ressources naturelles et au développement de politiques d’efficacité énergétique ; x) La faible coordination entre les institutions constitutionnelles ou entre les agences gouvernementales affecte la mise en œuvre des réformes. 3. Priorités Pour la période entre 2011 et 2013, pas moins de 50 millions € par an devraient être réunis pour soutenir les priorités spécifiques au titre du second PIN. Trois priorités ont été identifiées : i) Soutenir les réformes politiques au Liban 10 à 15 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité (comparés aux 12 % pour 2007-2010). Les domaines prioritaires sont : – la démocratie, la bonne gouvernance, les droits humains ou la protection des populations vulnérables par le biais de projets mis en œuvre par la société civile et en coopération avec l’administration centrale ; – la sécurité et la justice : une assistance pourrait être apportée à des activités visant à réformer le secteur de la sécurité, tout en renforçant l’indépendance et la qualité du système judiciaire ou en appuyant la stratégie de gestion des frontières libanaises. (23) Il y a une carence dans l'approche de programmation en matière de structures, de procédures et de ressources humaines consacrées à l’élaboration et à la coordination des stratégies de réforme à moyen et long terme. 118 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… ii) Soutien aux réformes sociales et économiques dans des domaines tels que : 50 % à 60 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à ce secteur (comparés aux 46 % pour 2007-2010) Cet appui vise à : – soutenir les politiques stimulant la croissance, augmenter la compétitivité de l’économie libanaise et promouvoir l’innovation ; – soutenir la réforme de la politique de l’éducation et de la recherche (y compris la formation professionnelle). iii) Soutien à la reprise et à la redynamisation du pays : Une part variant entre 30 % et 40 % pourrait être allouée au prochain PIN (comparée à 42,5 % pour 2007-2010). Cependant, une double priorité demeure : – soutenir le développement régional et s’attaquer aux disparités régionales à travers la mise en place de stratégies de développement régionales et locales (24) ; – aborder les problèmes de l’environnement et des changements climatiques à travers des activités ciblant la protection de l’environnement (en impliquant la société civile) ou en apportant une assistance aux réformes sectorielles et au développement des infrastructures (énergie, eau ou transport). 4. Conclusion Il faut saluer ici la volonté de protéger les populations vulnérables par des projets mis en œuvre par la société civile, une légère augmentation de l’enveloppe pour le soutien aux réformes sociales et économiques, mais qui manquent d’une dimension sociale stricto sensu et une baisse potentiellement plus importante de l’enveloppe pour soutenir la reprise et la redynamisation du pays. Il faut également souligner l’absence d’une dimension sociale et migratoire à proprement parler. G. La note conceptuelle du Programme Indicatif National d’Egypte 2011-2013 1. Objectifs stratégiques de la coopération UE-Égypte pour 2011-2013 Le PIN pour 2011-2013 sera élaboré en référence aux objectifs du Document Stratégie Pays : i) Soutenir les réformes de l’Égypte dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et de la justice ; (24) Y compris la mise en œuvre du Schéma Directeur d'Aménagement du Territoire en ciblant le développement durable des zones rurales. La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 119 ii) Développer la compétitivité et la productivité de l’économie égyptienne ; iii) Assurer la durabilité du processus de développement grâce à des politiques sociales, économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des ressources naturelles. De nouveaux éléments seront pris en considération, tels que les changements climatiques, la migration ou la crise économique. Le prochain PIN sera appelé à soutenir et à être « étroitement aligné sur les stratégies et programmes nationaux de développement, et particulièrement le sixième plan quinquennal égyptien de 2008-2012 (25) ». 2. Principaux défis ou obstacles à la réalisation de ces objectifs Les principaux défis identifiés par la Commission Européenne qui pourraient être potentiellement traités dans le cadre du programme 2011-2013 et qui sont d’importance pour l’analyse actuelle sont les suivants : Compétitivité et productivité de l’économie égyptienne : – Inverser la tendance au ralentissement de la croissance économique et à la hausse du chômage ; – Développer davantage les liens commerciaux au plan régional et mondial ; – Faire en sorte que les réseaux de transport et d’énergie réussissent à satisfaire la demande croissante. Durabilité du processus de développement à travers des politiques sociales, économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des ressources naturelles – Réduction des seuils de pauvreté – Adaptation du système de l’éducation pour répondre aux besoins du marché du travail ; – Protection des droits des travailleurs ; – Inverser la tendance à la dégradation de l’environnement et des changements climatiques. 3. Les priorités devant être prises en charge durant le PIN 2011-2013 Il est prévu que l’aide bilatérale annuelle allouée à l’Égypte pour 20112013 soit similaire au montant alloué au cours de la période de 2007-2010, soit 142 millions €. (25) Ce programme insiste sur : la stimulation de la croissance économique et l'amélioration du niveau de vie des citoyens, la participation citoyenne, la préservation des richesses naturelles et la rationalisation de leur usage, le développement de la compétitivité de l'économie égyptienne, les réformes politiques, l'approfondissement de la démocratie, la réalisation de la stabilité sociale et l'amélioration du climat des investissements. 120 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… i) Soutenir les réformes de l’Égypte dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et de la justice. Une part de 5-10 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être consacrée à ce secteur (comparée à 7 % pour 2007-2010). – Appuyer les institutions, les politiques et les programmes de réforme qui contribuent à enraciner les droits fondamentaux de l’homme et les libertés, y compris les droits des femmes et des minorités ; – Soutenir la tenue d’élections libres et honnêtes et aider la société civile à participer activement dans les processus politiques et à contribuer au processus législatif ; – Promouvoir la protection des demandeurs d’asile politique et des catégories vulnérables de migrants ; – Soutenir la rationalisation et le renforcement des capacités dans l’administration publique et promouvoir la déconcentration des pouvoirs au plan local en appuyant la réforme de la décentralisation ; – Appuyer la réforme de l’appareil judiciaire en cours et promouvoir la culture du respect des droits humains dans les services de police et dans les prisons. ii) Promouvoir la compétitivité et la productivité de l’économie égyptienne Une part de 40 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être allouée à ce secteur (comparée à 39 % pour 2007-2010). – Soutenir l’établissement d’un environnement institutionnel et régulateur favorable aux affaires qui encouragerait l’innovation et le développement des PME. – Renforcer les normes de productivité et de qualité du secteur agricole dans le cadre de la politique du développement rural durable. – Renforcer les capacités d’exportation en soutenant le marché lié au commerce et les réformes régulatrices et en encourageant les échanges commerciaux au plan régional. – Continuer à appuyer les réformes en cours dans le secteur du transport afin de réaliser une plus grande mobilité des personnes et des biens, promouvoir la sécurité dans les transports et une plus grande intégration de l’Egypte dans le système de transport euro-méditerranéen et les connections avec le réseau du transport transeuropéen ; – Soutenir la mise en œuvre du protocole d’accord UE-Égypte sur l’énergie à travers la mise en place d’une stratégie énergétique nationale, l’accompagnement de la réforme du cadre législatif et le renforcement de la coopération énergétique régionale. iii) Assurer la durabilité du processus de développement à travers des politiques sociales, économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des ressources naturelles. Une part de 50-55 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être consacrée à ce secteur (comparée à 54 % pour 2007-2010). La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 121 – Mettre l’accent sur les mesures en faveur des pauvres dans les programmes de réforme afin d’aider à réduire les seuils de pauvreté et soutenir le développement régional et rural. – Continuer à appuyer la réforme de l’éducation, en mettant l’accent en particulier sur l’enseignement primaire et à soutenir les programmes d’apprentissage et de formation continus à l’esprit d’entreprise pour aider les chercheurs d’emploi à adapter leurs aptitudes pour mieux répondre aux besoins du marché du travail. – Soutenir le développement du marché du travail en vue de promouvoir l’emploi formel, les « emplois de qualité » et des systèmes appropriés de protection sociale. – Encourager le développement durable en soutenant les politiques et les investissements qui garantissent un usage rationnel des ressources, promouvoir la protection de l’environnement et s’attaquer aux changements climatiques. 4. Conclusion La part de l’enveloppe financière demeurera plus ou moins la même. Les principaux volets sociaux figurent dans la troisième priorité intitulée « Assurer la durabilité du processus de développement au moyen de politiques sociales, économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des ressources naturelles ». La réduction de la pauvreté et le soutien au développement du marché du travail en vue de promouvoir l’emploi formel, des « emplois de qualité » et des systèmes appropriés de protection sociale sont clairement décrits comme étant des questions prioritaire. La volonté de continuer à soutenir la réforme de l’éducation qui vise à soutenir les programmes d’apprentissage et de formation à l’esprit d’entreprise en vue d’aider les chercheurs d’emploi à adapter leurs aptitudes en vue de mieux répondre aux besoins du marché du travail. Il y a une absence d’initiatives dans le domaine de la migration, particulièrement depuis que la migration est considérée comme l’un des objectifs stratégiques de la coopération UE-Égypte au cours de la période 2011-2013. Priorité 1 pour PIN 2011-2013 Pas de plan d’action PEV (V. feuille de route) Concentration sur des programmes à caractère économique. Politiques de développement des politiques sociales. La gouvernance économique et la compétitivité des entreprises, notamment dans le secteur industriel et le secteur des services. Développer la compétitivité et la productivité de l’économie égyptienne 40 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 39 % pour 2007-2010). Développement du commerce et de l’investissement 20-25 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 29 % pour 2007-2010) ; – Soutien à la facilitation du transport et du commerce ; – Développement du secteur privé et des l’exportations. Soutien des réformes sociale et économique dans les domaines tels que : 50-60 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 46 % pour 2007-2010). – Soutien aux politiques qui contribuent à stimuler la croissance – Soutien à la réforme de l’éducation et à la politique de la recherche (y compris la formation professionnelle). Soutenir les réformes économiques 50 % (comparés aux 38 % pour 2007-2010). Pays Algérie Maroc Tunisie Égypte Jordanie Liban Syrie Soutenir les réformes sociales 20 % (comparés aux 31 % pour 2007-2010) Durabilité du processus de développement 25-30 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 24 % pour 20072010). – Créer un effet de bien-être issu de la croissance économique ; – Appui de la CE aux ressources humaines (intégration des éléments de sécurité sociale) ; – Développement local :la Commission entend renforcer le rôle et les capacités des parties prenantes locales (stratégie gouvernementale de réduction de la pauvreté et son programme de décentralisation). Soutien à la reprise et à la redynamisation du pays 30-40 % pourraient être alloués au prochain PIN (comparés aux 42,5 % pour 2007-2010). – S’attaquer aux disparités régionales à travers l’élaboration de stratégies de développement régional et local - Activités visant la protection de l’environnement (en impliquant la société civile). Assurer la durabilité du processus de développement par des politiques sociales et économique efficaces 50-55 % de l’enveloppe bilatérale (comparée aux 54 % pour 2007-2010). L’emploi et la protection sociale, notamment la modernisation des systèmes de retraite, des amortisseurs sociaux, des requalifications des chômeurs et la lutte croissante contre le chômage structurel qui demeure à un taux élevé. Modernisation économique. Pas de plan d’action PEV (V. feuille de route) Concentration sur des programmes à caractère économique Priorité 2 pour PIN 2011-2013 Tableau 1 Priorités PIN 2011-2013 au niveau socio-économique et ventilation budgétaire 32,5 millions € 50 millions € par an 66,25 millions € 142 millions € ? ? ? 2011-2013 122 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 123 Tableau 2 Programmes liés aux questions sociales Pays Programmes liés au champ de l’étude : récent ou envisagé pour le prochain PIN (non exhaustif) Algérie i) 2012 Programme « Diversification de l’économie II, plus axé sur le Patrimoine », en continuité avec DIVECO I, volet tourisme, dans la perspective de l’exploitation touristique ; ii) programme mise à niveau FP/emploi (2001-2008, 60 millions €) ; iii) Programme de contractualisation entre la Sécurité sociale et les établissements publics de la santé. Maroc i) Programme de soutien et de modernisation du marché de l’emploi et du dialogue social (programme sectoriel - appui nécessaire pour accompagner ce chantier de réforme notamment la modification en cours du cadre législatif et sa mise en œuvre) ; ii) Prévention de l’habitat insalubre (Suite du programme « résorption et prévention de l’habitat insalubre » qui vient à échéance et a eu des résultats positifs ; objectifs : lutte contre la pauvreté en milieu urbain ; équilibrage socio-économique) ; iii) Programme de développement rural intégré dans le Nord (Aspect social, migration, environnement, régional ; approche projets) ; iv) Programme complémentaire de soutien à la réforme agricole (en ce compris un volet SPS) (Réforme prioritaire pour le pays ; viendrait en complément du programme de 2010) ; v) mise à niveau FP secteurs du textile, du tourisme et des NTIC (2003-2009, 50 millions €). Tunisie i) Mise à niveau FP (1997-2006, 45 millions €) ; ii) Appui sectoriel FP (2005-2008, 30 millions €) ; iii) Création d’emploi (1999-2009, 6 millions €). Egypte i) Réforme enseignement/formation technique et professionnelle (2002-2009, 33 millions €). Jordanie i) Modernisation de l’enseignement technique et professionnel (2004-2008, 21 millions €). Liban i) Modernisation de la formation pour l’emploi (5 millions €) ; ii) programmes prévus pour appuyer les politiques d’encouragement à la croissance, d’amélioration de la compétitivité de l’économie libanaise et de promotion de l’innovation ; iii) programmes prévus pour appuyer la réforme de l'éducation et la politique de la recherche (y compris la formation professionnelle). Syrie i) Modernisation de l’enseignement technique et professionnel (2004-2008, 21 millions €). ii Deux programmes de promotion du commerce et d’amélioration du climat des affaires ; iii) en 2010, un programme est prévu pour promouvoir la création d’entreprises, iv) programme visant à renforcer la compétitivité et la productivité des entreprises v) programme d’appui au développement durable des zones rurales et de lutte contre la pauvreté dans ces zones à travers l’amélioration de la compétitivité, une meilleure gestion des ressources naturelles, la croissance économique et la diversification 124 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… II. Conclusions générales et propositions 1. Sur les concepts papers Proposition 16 Développer des « concept papers type » Une uniformisation et une amélioration de la qualité des « concept papers » est souhaitable dans le sens d’une plus grande clarté et pour obtenir un meilleur impact. En effet, dans certains, cas les ventilations budgétaires par secteurs ne sont pas mentionnées ou pas suffisamment détaillées. Les enveloppes financières globales annuelles ne sont pas non plus systématiquement mentionnées. Certains concepts notes sont plus détaillés que d’autres. Il est donc nécessaire de définir plus clairement, au niveau de la Commission des « concept papers type », plus détaillés, plus précis et basés sur un même modèle similaire afin de pouvoir effectuer des analyses comparatives. Les projets terminés, dans le pipeline, en cours ou prévus ne sont pas systématiquement référencés ce qui nuit à l’efficacité de l’analyse et donc de la programmation et de la consultation de la société civile. Proposition 17 Création de sous-comités « société civile » dans le cadre des accords euro-méditerranéens Il faut se poser la question de savoir dans quelle mesure, dans certains pays, la société civile est vraiment en mesure de répondre aux sollicitations de la Commission européenne pour qu’elle participe effectivement à l’élaboration à la mise en œuvre et au suivi des programmes et projets. L’institutionnalisation de l’association de la société civile par la création de sous-comités « société civile » dans le cadre des accords euro-méditerranéens peut combler un certain déficit à cet égard. Proposition 18 Diffuser les réponses et les propositions de la société civile en réaction à la publication des concept papers, dans un vrai processus de consultation et d’information publique Il faut finalement noter qu’il existe des différences claires pour des pays ne bénéficiant pas de plans d’action comme la Syrie ou l’Algérie qui ne sont pas partie La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 125 prenante à la PEV. Les priorités sont moins claires que pour de pays bénéficiant de plans d’action PEV. Il conviendrait de remédier à cet état de fait en améliorant les feuilles de route. 2. Sur l’emploi, les normes sociales et l’immigration Les programmes concernant l’emploi en général et la formation en particulier demeurent encore dans certains cas trop peu nombreux alors qu’ils figurent clairement en tant qu’objectifs du partenariat notamment dans la Déclaration de Barcelone. Il existe donc un décalage entre le discours et les instruments opérationnels. Il convient donc de veiller à résoudre ce décalage (26). La question de l’impact social des réformes entreprises par les partenaires et la formation pour l’emploi est devenue progressivement un élément pris en compte au niveau opérationnel de même que les questions de « l’insertion sociale » ou les politiques sociales d’accompagnement. Il conviendrait de renforcer cette tendance. Il existe toutefois, au niveau des accords Euro-méditerranéens, une forte différenciation en faveur des pays du Maghreb (Maroc et Tunisie), dans la mesure où les dispositions des plans d’action PEV en matière de coopération sociale s’appuient directement sur les dispositions contractuelles des accords euro-méditerranéens d’association. Les dispositions sociales des accords conclus avec les trois pays du Maghreb sont plus développées en la matière. D’autre part, dans certains cas, il n’y a pas de plan d’action (Algérie) ou d’accord d’association (Syrie) ceci se reflète au niveau opérationnel et il convient de remédier à cet état de fait. Les catégories prioritaires (migrants, jeunes, femmes) ne sont pas systématiquement évoquées notamment en ce qui concerne leur accès à de nouveaux emplois durables. Il faut donc remédier à cette situation. Proposition 19 (27) Généraliser les programmes portant sur la modernisation du marché de l’emploi et le dialogue social Il y a eu une série d’actions gérées par la Commission en ce qui concerne la « formation professionnelle » et les « politiques du marché de l'emploi » mais elles demeurent trop limitées. Il faut donc renforcer un volet crucial dans le contexte économique actuel et généraliser les programmes portant sur la modernisation du marché de l’emploi et le dialogue social. (26) Voir une revue des déclarations et initiatives dans le domaine social dans Erwan Lannon (2010) : Védémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes, Fondation Friedrich Ebert, Rabat. (27) Voir aussi les précisions contenues dans la proposition dans le même sens, sous le numéro 19 (voir page 138), formulée dans la contribution d'Iván Martín ci-dessous. 126 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Proposition 20 Création d’un programme « EuroMed normes sociales » La protection sociale et la lutte contre le chômage demeurent des priorités essentielles et le lien est parfois réalisé entre la stabilité politique et la situation socio-économique des partenaires (Tunisie). Il convient donc de renforcer cette dimension des droits sociaux fondamentaux au niveau opérationnel. La création d’un programme « EuroMed normes sociales » doit promouvoir l’introduction et l’application effectives des normes sociales internationales et européennes. Très peu d’éléments sont mentionnés au niveau des droits sociaux fondamentaux et il convient, à travers cette proposition de programme, de contribuer à la diffusion de l’information en matière de normes sociales et de créer des mécanismes de suivi de l’intégration, par les partenaires, des normes sociales dans leurs dispositifs juridiques nationaux et de veiller à l’application effective de ces normes sur le terrain. Proposition 21 Programmes liant les questions migratoires à celle de l’emploi et des normes sociales Le lien entre les questions sociales et l’emploi avec les politiques d'immigration n’est pas toujours réalisé. Il convient donc de créer des synergies en la matière en créant un ou des programmes liant les questions migratoires à celle de l’emploi et des normes sociales. Ce ou ces programmes doivent avoir une dimension transversale (emploi et normes sociales) et intégrée (dimension EuroMed et politiques européennes internes). Au niveau des migrations la situation varie beaucoup d’un partenaire à l’autre. Il y a toutefois la volonté apparente de prendre en compte les migrations légales et pas seulement les migrations illégales ce qui est fondamental dans le contexte actuel. 3. Sur les dimensions externes des politiques internes européennes et l’espace social euro-méditerranéen Il faut développer systématiquement les synergies avec les dimensions externes de l’Union européenne (questions intégrées). Ces dernières années des avancées ont été obtenues en la matière. La première Conférence euro-méditerranéenne des ministres de l’emploi et du travail de Marrakech de novembre 2008 a souligné la nécessité de mettre en œuvre une « approche intégrée combinant de manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale, sociale et La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 127 environnementale ainsi que la politique d’éducation et formation » (28). D’autre part il est prévu de mettre en place une approché inclusive avec les plans et stratégies existants au niveau « interne » de l’UE (stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi, Stratégie européenne de l’emploi). Le principe de la création de synergies avec les dimensions externes des politiques de l’Union européenne, qui doit encore être consacré, doit se fonder progressivement sur des mécanismes opérationnels permettant de mettre en pratique cette exigence. A cet effet il est proposé d’intégrer cette dimension dans le cadre des futurs « concept papers ». Il serait alors envisageable de faire un état des lieux de la prise en compte de ces politiques européennes internes au niveau de la phase opérationnelle des relations euro-méditerranéennes. De manière plus globale, il conviendrait de développer les propositions mentionnées ci-avant dans un cadre global et en ayant une vision à moyen-long-terme quant à la création progressive d’un véritable « espace social euro-méditerranéen ». Proposition 22 (29) Le lancement d’études prospectives sur la faisabilité d’un « espace social euro-méditerranéen à l’horizon 2020 » et un « Programme régional cadre » sur « l’espace social euro-méditerranéen » Le lancement d’études prospectives sur la faisabilité d’un « espace social euroméditerranéen à l’horizon 2020 » doit également être pris en compte en tant que première étape vers la création d’un tel espace. Ces études doivent être par nature interdisciplinaires, comparative et prospective. Elles doivent également inclure la dimension externe des politiques internes de l’UE. Le développement d’un « programme régional cadre » sur « l'espace social euro-méditerranéen » peut contribuer à la cohérence et à la meilleure efficacité des programmes et projets socio-économiques touchant à l’emploi aux questions sociales y compris migratoires. Fruit d’une importante collaboration inter-services au sein de la Commission européenne et en coopération avec les ministères compétents des partenaires ce « programme régional cadre » pourrait constituer l’armature administrative du programme de réformes socio-économiques nécessaire à la mise en place d’un véritable espace social euro-méditerranéen. Il s’agirait finalement de préparer un « livre Blanc en vue de la création d’un espace social EuroMed d’ici 2020 » à l’image de celui qui a conduit à l’édification du Marché intérieur. (28) Point 11. (29) Voir aussi la proposition dans le même sens, également sous le numéro 22 (voir page 146), contenue dans la contribution d'Iván Martín ci-dessous. 128 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Tableau 3 Synthèse des propositions opérationnelles I. Sur les concepts papers et la consultation de la société civile i) Développer des formats type de concept papers afin de faciliter l’analyse et les synergies avec les sociétés civiles (intégrer systématiquement les ventilations budgétaires précises, la liste des projets terminés, en cours et prévus etc.) ; ii) Diffuser les réponses et les propositions de la société civile en réaction à la publication des concept papers ; iii) Institutionnalisation de l’association de la société civile par la création de sous comités « société civile » dans le cadre des accords euro-méditerranéens ; II. Sur l’emploi, les normes sociales et l’immigration i) Généraliser les programmes portant sur la modernisation du marché de l’emploi et le dialogue social ; ii) Créer un programme « EuroMed normes sociales » pour promouvoir l’introduction et l’application effectives des normes sociales internationales et européennes ; iii) Développer les programmes liant les questions migratoires à celle de l’emploi et des normes sociales. III. Sur les dimensions externes des politiques internes européennes et l’espace social euro-méditerranéen i) Développer systématiquement les synergies avec les dimensions externes des politiques internes de l’Union européenne en instituant des mécanismes opérationnels au niveau des concepts papers ; ii) Lancement d’études sur la faisabilité d’un « espace social euro-méditerranéen à l’horizon 2020 ». iii) Développement d’un « programme régional cadre » sur « l’espace social euroméditerranéen » et élaboration d’un « Livre Blanc en vue de la création d’un espace social EuroMed d’ici 2020 ». Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité Iván Martín * La Déclaration de Barcelone, ayant établi le Partenariat euro-méditerranéen (PEM), en 1995 a mentionné parmi ses objectifs de coopération économique et financière « accélérer le rythme de développement socio-économique durable », « améliorer les conditions de vie des populations, augmenter le d’emploi et réduire les écarts développement dans la région euro-méditerranéenne ». Parallèlement, les Accords euro-méditerranéens d’association entre l’Union Européenne et les Pays arabes méditerranéens (PAM) déclarent que leur objectif principal est le développement économique et social des pays partenaires (). Les défis socio-économiques en Méditerranée Il est difficile en effet d’exagérer l’amplitude des défis sociaux dans les Pays arabes méditerranéens qui représentent la région qui fait face au problème d’emploi le plus aigu dans le monde dans les dix à vingt années à venir. Les taux officiels d’activité sont les plus bas au monde (moins de 46 % de la population en âge de travailler en comparaison avec la moyenne mondiale de 61,2 %), qui est la conséquence du taux d’activité féminin le plus faible au monde (moins de 25 %, en comparaison avec une moyenne mondiale de 42 %). Malgré cela, les taux moyens de chômage (légèrement en dessous de 15 % de la force de travail, soit un total de 7 millions de personnes, et cela avant la crise économique globale) sont plus élevés que dans toute autre région, à l’exception de l’Afrique sub-saharienne. Dans leur ensemble, ces chiffres signifient qu’une personne seulement sur quatre parmi ses 280 millions d’habitants possède un travail, et ce chiffre ne reflète pas la réalité selon laquelle près de la moitié de ces emplois sont informels. Les perspectives démographiques pour les dix à quinze années à venir prévoient des scénarios encore plus sombres. Selon une récente étude (), en ajoutant les besoins estimés des nouveaux emplois calculés d’après des estimations * Instituto Complutense de Estudios Internacionales (Madrid). () Pour une explication exhaustive des dispositions sociales des Accords d’association avec les PAM, veuillez consulter Erwan Lannon (2009) : Vadémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes. 1995-2009, Friedrich Ebert Stiftung, Rabat, http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/ vademecum/Vad.pdf. () Iván Martín (2009) : Labour Markets and Migration Flows in Arab Mediterranean Countries. A Regional Perspective. Robert Schuman Centre for Advanced Studies, Institut Universitaire Européen de Florence. http://www.eui.eu/Documents/RSCAS/Research/LMM/LMM-ExecutiveSummary.pdf. 130 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… conservatrices, les Pays arabes méditerranéens auront besoin de plus de 1 500 000 emplois supplémentaires par an au cours des dix prochaines années, pour fournir des opportunités de travail aux nouvelles entrants dans le marché de l’emploi et garder inchangé le nombre actuel des sans emploi, et ce selon l’hypothèse (à peine réaliste) selon laquelle les taux d’activité resteront constants (la proportion des personnes qui travaillent ou qui sont à la recherche d’un emploi au sein de la population en âge de travailler). Les 15 millions de nouveaux emplois requis au cours des dix prochaines années signifient qu’il faut une augmentation de 30 % par rapport à la situation actuelle de l’emploi total dans ces pays, et qu’il faudra créer de 1/3 à 2/3 de plus d’emplois par année que ceux créés tout au long des cinq dernières années dans la région, une période marquée par une prospérité économique notable. Par conséquent, en termes de politiques d’emploi et de modèles de développement, le statu quo risque de faire peser des pressions sur le tissu social à travers des tensions dans le marché du travail, affectant fortement la cohésion sociale et la stabilité dans la région. Les taux actuels de chômage parmi les jeunes risquent également de causer des conséquences nuisibles permanentes aux perspectives de développement de ces pays, au point de décourager les jeunes de s’engager dans le marché du travail et voir ainsi leurs compétences stagner ou se détériorer tandis que l’économie informelle se propage (emploi informel se traduisant par des salaires en dessous des normes – le salaire minimum a tendance à jouer le rôle de plafond de salaire pour le secteur informel variant entre 102 euros par mois en Egypte et 256 euros par mois au Liban – et absence de toute forme de protection sociale, tout cela représente déjà entre 35 et 55 % du total de l’emploi non agricole de la région). En ce qui est de l’évolution comparative des niveaux de salaires et de revenus en termes de parité de pouvoir d’achat (PPA), la même étude indique que dans les cas du Maroc, de l’Algérie (avec une augmentation annuelle moyenne négative des salaires PPA de -1,7 % en 1996-2006, contrairement à l’augmentation annuelle de 3 % dans les 15 pays de l’UE), de la Tunisie, de la Syrie et de la Jordanie, nous remarquons une divergence entre les salaires moyens par rapport à ceux de l’UE, ce qui implique une détérioration croissante des conditions de vie relatives de ceux qui possèdent un emploi dans les Pays arabes méditerranéens. Ainsi, la bonne performance macroéconomique de la plupart des PAM au cours des dix dernières années, qui s’est traduite par une progression du PIB par tête, ne s’est pas accompagnée d’une amélioration correspondante de la distribution des revenus ou des salaires, ni d’une tendance claire à la convergence vers les niveaux de revenus de l’UE. Finalement, cela remet en question la viabilité à long terme du modèle économique actuel, et la crise économique mondiale actuelle ne fait qu’empirer les choses (). Dans ce contexte, la migration est devenue une alternative de plus en plus attrayante. Plus de 10 million de citoyens des Pays arabes méditerranéens résident déjà dans d’autres pays. Ils représentent plus de 8 % de leurs populations en âge de travailler, avec des niveaux moyens de taux d’activité, d’emploi et de qualification () Voir la contribution d’Adallah Khattab ci-dessus. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 131 plus élevés que ceux qui existent dans les marchés nationaux de l’emploi. Il s’agit d’une part considérable de la force de travail des Pays arabes méditerranéens, aussi bien du point de vue quantitatif que qualitatif, même si dans les pays du Mashreq, contrairement aux pays du Maghreb, la plupart des femmes s’abstiennent de migrer jusqu’ici. Si ce ratio de migration venait à se maintenir grâce à une migration durable, la croissance des populations en âge de travailler dans les PAM se traduirait par un flux migratoire annuel de 200.000 personnes entre 2010 et 2020 (c’est-à-dire 2 millions de nouveaux migrants des PAM au cours de cette période). Mais il existe des éléments fort probants de l’augmentation des taux de migration dans les PAM au cours de la dernière décennie (23 % en Tunisie, presque 100 % au Liban), de sorte que ce flux pourrait facilement tripler pour atteindre 6 millions de nouveaux migrants au cours des dix prochaines années si les taux migratoires venaient à atteindre le niveau de 24 % conformément à des indications récentes. Ces chiffres pourraient facilement se multiplier si les limites actuelles à l’activité – et à la migration – des femmes étaient assouplies. L’ampleur du défi de l’emploi dans les Pays arabes méditerranéens au cours des 10 à 15 années à venir est si prononcée qu’aucun scénario possible de migration ne pourrait résoudre ce problème. Or, dans les deux décennies à venir, les PAM fourniront un groupe de jeunes travailleurs instruits dans lequel les marchés de l’emploi de l’UE pourraient investir leur demande croissante en travailleurs migrants ayant des qualifications moyennes et élevées. Toutefois, cette synergie dépend de la mise à niveau effective et immédiate des compétences de la main-d’œuvre des Pays arabes méditerranéens (ce qui devrait constituer une priorité pour la coopération économique entre l’UE et les PAM) et de l’instauration d’un climat favorable pour la migration légale vers l’UE, ce qui contribuerait effectivement à attirer les migrants qualifiés. Mais les instruments actuels de la politique migratoire de l’UE, y compris la « Carte Bleue » récemment approuvée, ne semblent pas aller dans ce sens. Pourtant les nouvelles stratégies régionales euro-méditerranéennes définies dans le domaine de la migration et l’emploi suite aux premières conférences ministérielles euroméditerranéennes dans ces domaines (les premières conférences ministérielles euro-méditerranéennes sur la migration en novembre 2007 et sur le travail et l’emploi en novembre 2008) ont créé un cadre régional qui pourrait aboutir à une stratégie globale couvrant toute la région sur la migration de travail – à condition que soient adoptés des outils politiques appropriés et des plans efficaces de mise en œuvre. La projection du modèle social européen A côté de ces réalités, du point de vue théorique et de l’élaboration des politiques, l’Agenda Social Européen adopté en 2005 prévoit une « dimension externe de l’emploi, de la politique sociale et du travail décent » qui pourrait donner lieu à des évolutions particulièrement intéressantes dans ce contexte, notamment en ce qui concerne l’interaction entre la mondialisation, le commerce et le développement social dans un cadre de dialogue politique entre l’UE, l’OMC, l’OIT et les Nations-Unies, ainsi que l’engagement de la Commission Européenne 132 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… à rechercher une coopération à ce sujet « avec les pays candidats, les pays voisins et d’autres pays tiers » (). Les Etats membres de l’Union européenne s’engagent à promouvoir les normes fondamentales du travail, et de manière plus générale, le « développement social » en conformité avec les droits fondamentaux prévus dans la Charte de Nice adoptés en décembre 2000, ce qui « confirme l’objectif européen de promouvoir et d’intégrer les droits fondamentaux – y compris les normes fondamentales du travail – dans toutes ses politiques et actions ». Ces développements font suite à la Communication de la Commission intitulée : « La dimension sociale de la mondialisation – comment la politique de l’UE contribue à en étendre les avantages à tous » () adoptée en réaction au rapport final de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation réalisé par l’OIT et publié en avril 2004 (). Dès le début, la Commission a souligné que « l’UE doit également s’assurer qu’elle met en oeuvre ses politiques extérieures d’une manière qui contribue à l’optimisation des avantages de la mondialisation pour tous les groupes sociaux dans tous ses pays et régions partenaires. Ses politiques extérieures ont toujours été marquées par une dimension sociale importante, par exemple en matière de soutien de l’accès universel aux services sociaux de base dans les pays en développement ». Selon la Commission, l’UE promeut, depuis un certain temps déjà, l’efficacité et la cohérence de la gouvernance mondiale, à travers des institutions internationales, pour garantir que les politiques commerciales et les relations bilatérales avec les régions et les pays apportent un plein soutien au développement social et que le développement et la coopération extérieure contribuent à optimiser les conséquences sociales positives et à minimiser celles négatives de la mondialisation. L’analyse du contexte menée par la Commission Européenne est claire : les normes fondamentales du travail et le dialogue bipartite et tripartite constituent des composantes essentielles du cadre qui assurera une mondialisation juste. L’objectif final devrait être la mise en œuvre d’un progrès social dynamique capable de promouvoir le travail décent pour tous. Au niveau des accords bilatéraux et régionaux (point 5.1.1 de la Communication), la Commission européenne précise que : i) La plupart des accords incluent aussi un chapitre social qui, pour certains d’entre eux, doit encore être pleinement exploité. ii) Depuis 1992, le respect des principes démocratiques, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit fait parti des éléments essentiels de tous les accords conclus […]. La société civile et les partenaires sociaux font également partie de ce processus. iii) Il est donc important que les dispositions existantes en matière de normes fondamentales du travail soient effectivement mises en œuvre. () Commission européenne (2005), Communication de la Commission sur l’Agenda social, COM(2005)33, p. 5, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM :2005 :0033 :FIN :FR :PDF. () Communication de la Commission COM(2004) 383 finale, 18 mai 2004, http://eur-lex.europa.eu/ LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM :2004 :0383 :FIN :FR :PDF. () Rapport final de le Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation (CMDSM), disponible sur http://www.ilo.org/public/french/wcsdg/. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 133 iv) La Commission s’est également engagée à effectuer des évaluations de l’impact des négociations bilatérales sur le développement durable. C’est ainsi que seront évalués, entre autres, les retombées sur le développement social dans l’UE et dans ses pays partenaires, ‘a l’aide d’un large éventail d’indicateurs et d’une consultation à grande échelle des acteurs tels que les associations du secteur privé, les syndicats et la société civile au sens large. v) La CE La CE étudiera de nouveaux mécanismes communs au sein des accords bilatéraux pour examiner et surveiller les aspects pertinents de la dimension sociale de la mondialisation. Une possibilité réside dans la création d’ »Observatoires » bilatéraux communs pour surveiller les développements et offrir un forum d’échanges de vues entre les gouvernements, le Parlement européen, les partenaires sociaux et la société civile au sens large, tout en impliquant pleinement les organisations et organismes internationaux. Au sujet du « dialogue politique au niveau régional » (point 5.1.2.), la Commission Européenne a identifié les initiatives de dialogue sur les questions sociales entamées jusqu’à présent. Il est à remarquer que le Processus de Barcelone n’a pas été mentionné dans ce cadre, mais un chapitre spécifique a été consacré à la Politique européenne de voisinage (point 5.1.3.) dans lequel la Commission européenne précise que la coopération sur la dimension sociale comprendra en particulier le développement régional, l’emploi, le développement social, la politique sociale et les réformes structurelles. En ce qui concerne le développement régional, l’UE encouragera les programmes des gouvernements partenaires visant à stimuler la décentralisation, réduire les disparités régionales, créer des emplois et promouvoir les normes fondamentales du travail et le dialogue social. Les politiques de réduction de la pauvreté et d’amélioration des systèmes nationaux de protection sociale bénéficieront également d’un soutien. De même, l’UE encouragera les gouvernements partenaires à accroître l’efficacité de l’assistance sociale, à mettre en œuvre des stratégies visant à donner un essor à la croissance économique et à soutenir le développement des petites et moyennes entreprises, ainsi qu’à lutter contre la pauvreté infantile et à garantir un libre accès des garçons et des filles à l’enseignement primaire et secondaire, en particulière dans les campagnes. Le point 5.2 de la Communication traite en particulier du développement et la coopération externe. Les principes de l’approche communautaire ce qui concerne la dimension sociale de la coopération « est considérée comme faisant partie intégrante du processus démocratique et de stabilisation et comme un élément indispensable pour garantir un minimum d’acceptation et de soutien à l’égard des grandes mutations économiques et sociales auxquelles les pays partenaires sont confrontés. Elle contribue à amortir le choc des conséquences sociales de la transition et participe ainsi à la création d’un environnement plus durable pour les entreprises et le commerce ». Plus particulièrement, une attention accrue doit être accordée aux futurs programmes d’aide au développement en vue d’aider les pays moins avancés à intégrer le commerce dans leurs stratégies de réduction de la pauvreté et à maîtriser l’impact social de la libéralisation du commerce, notamment par le biais de la création de mécanismes de protection sociale et d’un socle socio-économique sur lequel la réforme commerciale devrait 134 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… être fondée. Selon la Commission, ceci devrait garantir un environnement plus favorable à l’investissement et à la création d’emplois dans l’économie formelle et un partage plus équitable des avantages de la croissance. Dans le même sens, le point 5.3, intitulé « S’assurer que la politique commerciale soutient pleinement le développement social », contient un élément qui garantit la promotion du « développement social par le biais de l’accès au marché pour les pays en développement », ce qui pourrait facilement être relié à la libéralisation (unilatérale) des marchés agricoles de l’UE. Suite à cette Communication de la Commission, le Conseil européen tenu en décembre 2005 a souligné l’importance de la dimension sociale de la mondialisation. Ainsi, un programme d’action très éclairé dans ce domaine a été adopté par l’UE qui attend d’être mis en œuvre et évalué. L’examen de la Stratégie décennale de Lisbonne qui devrait arriver à son terme au cours du premier semestre de 2010, avec l’adoption de la nouvelle Stratégie Europe 2020 sous la Présidence espagnole, est une bonne occasion d’associer d’une certaine manière les pays partenaires méditerranéens en les intégrant progressivement dans les stratégies de compétitivité et d’emploi de l’UE. Blocs de construction de la dimension sociale du PEM En effet, des progrès ont été réalisés durant les quatre dernières années. Jusqu’en 2005, l’emploi et les politiques d’emploi n’étaient pas un domaine d’action directe dans la coopération de l’UE avec les Pays partenaires méditerranéens (). Les nouvelles perspectives qui ont émergé résultent de : i) la conscience croissante de la nécessité de s’attaquer à la question de l’emploi si l’on veut préserver la crédibilité du Partenariat euro-méditerranéen, ainsi que de la gravité et de l’urgence du problème de l’emploi pour l’avenir des Pays arabes méditerranéens ; ii) au niveau bilatéral, la mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage depuis 2005 ; et iii) au niveau multilatéral, l’importance nouvellement accordée à la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen (notamment depuis la Conférence euro-méditerranéenne des Ministres des Affaires étrangères tenue à Marseille en novembre 2008, qui a préconisé la définition d’une « véritable dimension sociale », « fondée sur une approche intégrée associant croissance économique, emploi et cohésion sociale », et la Première Conférence euro-méditerranéenne () Voir Samir Aita (ed.), Iván Martín (dir.) et alia (2008) : Emploi et droit du travail dans les pays arabes méditerranéens et le Partenariat euroméditerranéen, Fundación Paz y Solidaridad Serafín Aliaga, Madrid, 205 pp., http://www.ccoo.es/comunes/temp/recursos/1/216520.pdf ; ainsi que Barreñada, I. and I. Martín (2005), « L’emploi et la protection sociale dans le Partenariat Euroméditerranéen. Bilan, perspectives et propositions pour l’action », dans Evénement civil Barcelone + 10. Proposition de la société civile pour relancer le Partenariat euroméditerranéen, Plate-forme non gouvernementale EuroMed, p. 29-33, http://library.fes.de/ pdf-files/gurn/00024.pdf. () Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, Conférence ministérielle, Déclaration finale, Marseille, 3-4 novembre 2008, www.ambafrance-gr.org/france_grece/IMG/pdf/Declaration_finale_04_ Nov_2008_FR.pdf. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 135 des Ministres de l’emploi et du travail tenue à Marrakech plus tard au cours de du même mois) (). La première Conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur l’emploi et le travail, tenue à Marrakech les 9 et 10 novembre 2008 a tout particulièrement examiné « des initiatives et des propositions concrètes visant à promouvoir la création d’emplois, la modernisation des marchés du travail et le travail décent », en approuvant un « cadre d’action qui contribuerait à l’intégration d’une véritable dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen ». Par ailleurs, les ministres ont souligné « la nécessité d’une meilleure adéquation entre les besoins -actuels et futurs- du marché du l’emploi et le développement des compétences nécessaires, ainsi que grâce à des réformes aux niveaux national et régional concernant le cadre des qualifications et des compétences, tout en soulignant les avantages qui découlent de la coopération euro-méditerranéenne dans ce domaine. Les Ministres ont également admis que, en plus de taux élevés de croissance économique, la situation appelle à un plus grand investissement dans le capital humain, la formation et l’employabilité, ainsi qu’à des mesures concrètes de création d’emplois et à l’amélioration du climat politique pour ces investissements. Ils ont également souligné l’interdépendance de l’emploi, l’éducation et la formation, la cohésion sociale, le développement économique et la croissance et le développement durable et ont appelé à adopter une approche intégrée combinant de manière indissociable les politiques économique, fiscale, social et environnemental et d’emploi, ainsi que les politiques d’éducation et de formation. Le cadre régional d’action reposait sur les objectifs suivants : i) créer davantage d’emplois, y compris à travers des politiques actives d’emploi ; ii) améliorer l’employabilité et le capital humain ; iii) créer de emplois de meilleure qualité et des possibilités de travail décent ; iv) promouvoir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; v) intégrer davantage de jeunes dans des emplois décents ; vi) élaborer une stratégie intégrée pour transformer l’emploi informel en travail formel, et vii) gérer la migration de la main-d’œuvre en tenant compte des besoins des marchés de travail des deux côtés de la Méditerranée. Un ensemble d’objectifs plut concrets a été formulé pour chacun de ces axes de politique. Finalement, les Ministres ont mis en place un mécanisme de suivi pour surveiller la mise en œuvre du cadre d’action, consistant en un groupe de travail chargé de recueillir « des informations et des données sur les tendances nationales et l’évolution des politiques, procédera à l’inventaire et à l’échange des meilleures pratiques et examinera les questions qui se poseront lors de la mise en oeuvre du cadre d’action. Les pays partenaires fourniront au groupe les informations nécessaires pour élaborer, en 2010, un rapport de suivi sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du cadre d’action ». Ce rapport sur l’état d’avancement sera basé, en ce qui concerne les pays partenaires méditerranéens, sur les plans () Conclusions : http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/conf/employment_health_conclusions_ 1108_fr.pdf. 136 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… d’action nationaux et les rapports sur les progrès accomplis au niveau national, qui devront être présentés avant 2009, et en ce qui concerne les Etats membres de l’UE, sur les rapports soumis dans le cadre de la stratégie de Lisbonne de l’UE adoptée en 2000 et renouvelée après l’examen à mi-parcours en 2005 et devant expirer et être revue en 2010. Une fois de plus, sur le papier cela va bien au-delà de ce que les partenaires sociaux les plus optimistes avaient demandé il y a seulement deux ans. A présent, le défi est de maintenir cet élan, donner de la consistance à ce cadre d’action et de le transformer en un plan opérationnel de création d’emplois dans la Méditerranée, dans la perspective d’élaborer une véritable stratégie pour l’emploi à l’échelle de la région euro-méditerranéenne (10). Toutefois, la lenteur enregistrée dans la mise en place du mécanisme de suivi donne un mauvais signal au niveau des priorités et de l’urgence perçue de la question : il a fallu au Groupe de travail plus d’une année pour se réunir la première fois (les 26-27 novembre 2009), il fonctionnera principalement sur la base de trois rapports élaborés par la Fondation européenne pour la formation (sur l’employabilité), le FEMISE (sur la création d’emplois) et l’OIT (sur le travail décent), alors que l’implication et l’engagement des responsables des gouvernements nationaux n’est pas encore claire. Propositions Proposition 23 Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi (SEME) Dans le même esprit et avec le même niveau de mobilisation des instruments et des ressources que la Feuille de route pour la création de la Zone euroméditerranéenne de libre-échange en 2010 et au-delà adoptée en 2005, pour faire face aux défis de l’emploi dans la région méditerranéenne il est nécessaire de chercher à définir une véritable Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et non pas un simple cadre d’action, c’est-à-dire un ensemble d’objectifs spécifiques et quantifiés pour la région dans son ensemble et pour chaque pays à part, en déterminant les engagements, les plans et les instruments destinés à les réaliser et en élaborant des lignes directrices communes qui pourraient être régulièrement revues sur la base d’un ensemble d’indicateurs communs définis sur une base consensuelle. Dans sa première phase, le modèle à suivre serait celui du processus de la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) mis en place depuis 1999 (au titre de la méthode ouverte de coordination – voir la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous). La Stratégie européenne pour l’emploi est un programme annuel de (10) Voir les propositions à ce sujet dans Aita, Martín et alia 2008, mentionnées dans la note de bas de page 7, et dans Martín 2005, mentionnées dans la note de bas de page 25. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 137 planification, suivi, examen et réajustement des politiques mises en place par les Etats membres de l’UE en vue de coordonner les instruments qu’ils utilisent pour traiter la question du chômage. La Stratégie européenne pour l’emploi est fondée sur quatre composantes : • les lignes directrices intégrées pour la croissance et l’emploi (depuis 2005, les lignes directrices sont présentées conjointement avec les lignes directrices pour les politiques macroéconomiques et micro-économiques de l’UE pour une période de trois ans) ; • les programmes nationaux de réforme pour chaque pays ; • le rapport annuel de la Commission sur la croissance et l’emploi qui analyse les 27 nouveaux programmes nationaux de réforme présentés par les Etats- membres ; • toutes recommandations adoptées par le Conseil. A une étape ultérieure, une intégration complète dans une stratégie unique commune à l’UE et aux Pays partenaire méditerranéens pourrait être envisagée. La Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi (SEME) devrait être fondée sur une série de principes : a. La coresponsabilité. Cette responsabilité partagée est la conséquence logique de l’identification d’une « question d’intérêt commun » donnant lieu à la « méthode ouverte de coordination » (11). Il est difficile de questionner que l’emploi et les conditions sociales dans les Pays arabes méditerranéens ainsi que la politique européenne de l’immigration soient, en fait, des questions d’intérêt commun tant pour l’UE que pour les Pays partenaires méditerranéens. L’existence de telles questions d’intérêt commun mène à un « droit à l’information », c’est-à-dire le droit de tous les partenaires d’être informés sur les politiques des autres partenaires. L’étape suivante est, bien entendu, la recherche de solutions communes à ces problèmes communs, c’est-à-dire la définition de stratégies conjointes. La mise en œuvre de ces stratégies nécessite la mobilisation et la mise en commun des ressources. b. La cohérence. La Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi devrait être étroitement liée aux plans d’action de la PEV12 qui devraient prévoir des mesures concrètes pour la mettre en œuvre au niveau national. c. L’information. La nécessité d’un système d’indicateurs pour assurer le suivi de la performance des politiques, dans le cadre de la Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et dans celui des plans d’actions de voisinage, présuppose la mise en place d’un système intégré de statistiques et d’information sociales sur les politiques d’emploi pour alimenter un système de monitoring à l’échelle de la région (13). (11) Décrite dans la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous. (12) Voir la contribution de Erwan Lannon ci-dessus. (13) Voir la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous. 138 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les composantes minimales de la Stratégie SEME devraient être les suivantes : a. La formation. Renforcement des systèmes d’éducation et de formation dans toute la région. Reconnaissance des diplômes. b. Promotion ciblée de l’emploi des jeunes et des femmes (voir les propositions ci-dessous à cet effet) et un suivi spécifique de ces questions. L’examen et la mise à niveau des politiques nationales d’intervention sur les marchés du travail devraient être une priorité. c. Mesures pour faciliter « l’émergence » de l’emploi informel (entre 35 et 55 % d’emplois non-agricoles dans les Pays partenaires méditerranéens) et transformation des emplois informels en emplois décents. d. Introduction de systèmes étendus d’assurance-chômage dans les PPM (dont la plupart n’en possèdent aucun et ceux qui en possèdent, comme l’Algérie et la Tunisie, offrent une couverture très limitée – couvrant généralement moins de 10 % de la population active). Proposition 19 (14) Un programme euro-méditerranéen pour le suivi et la mise à niveau des politiques nationales d’emploi dans les Pays partenaires méditerranéens Dans d’autres régions voisines, comme les Balkans, l’UE a en effet entrepris des projets pour examiner, évaluer, assurer le suivi et coordonner les politiques nationales d’emploi et les services publics d’emploi (tel que le Processus de Bucarest lancé en 2003 dans le cadre du Pacte de stabilité pour 9 pays de l’Europe du sud-est, qui pourrait servir de modèle ; le point de départ de ce processus était la décision des ministres chargés de l’emploi de pays partenaires de traiter les problèmes de l’emploi de façon collective avec l’appui et les conseils de l’Organisation Internationale du Travail et du Conseil de l’Europe (15)). Ceci devrait faire partie intégrante du cadre d’action approuvé lors de la première Conférence euro-méditerranéenne des Ministres de l’emploi et du travail. La mise à niveau des politiques nationales de l’emploi devrait constituer une priorité pour les nouveaux instruments de la Politique européenne de voisinage, tels que les jumelages, TAIEX, SIGMA, etc. qui ciblent l’assistance technique, le renforcement des capacités, l’évaluation… Tout particulièrement, un système devrait être mis en place pour soutenir les politiques nationales d’intervention sur les marchés du travail qui contribuent au recyclage et à la réinsertion professionnels dans le marché du travail à travers des emplois durables, décents et de qualité, y compris le renforcement des capacités administratives et le soutien financier. (14) Cette proposition se recoupe largement avec la Proposition 19, formulé par Erwan Lannon dans sa contribution ci-dessus dans le contexte de la Politique européenne de voisinage. (15) Voir la description du Processus au site : http://www.stabilitypact.org/edeg/Bucharest %20Process. ppt. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 139 Eléments : – Examen des politiques nationales de l’emploi suivant un modèle commun dans l’ensemble des Pays arabes méditerranéens – Renforcement institutionnel des Ministères de l’emploi et de leurs compétences en matière d’élaboration des politiques. – Renforcement institutionnel des Agences nationales de l’emploi en tant qu’intermédiaires sur le marché du travail. – Assistance technique. Proposition 24 Programme EuroMed pour l’accès des jeunes à l’emploi (AJE) La génération de jeunes la plus importante de toute l’histoire des Pays arabes méditerranéens est confrontée à une équation sans solution dont les variables principales sont : i) les perspectives d’emploi sont essentiellement limitées au secteur informel (avec des salaires et des conditions de travail misérables qui ne constituent nullement un emploi décent) (16) ; ii) un désir d’émigrer de plus en plus répandu ; et iii) une éducation et une formation inadéquates qui ne correspondent pas aux demandes du marché du travail (dans leur pays comme en Europe). Le défi de l’emploi dans les Pays arabes méditerranéens est avant tout un défi de l’emploi des jeunes, étant donné que 80 % des chômeurs dans la région sont des jeunes âgés de 15 à 34 ans (17). En relation avec l’emploi des jeunes, les conclusions de la Conférence euroméditerranéenne des Ministres de l’emploi et du travail ont fixé comme objectif d’« ’intégrer davantage de jeunes dans des emplois productifs et formels », notamment par le biais de mesures qui : i) garantissent l’égalité d’accès à une éducation de qualité à tous les niveaux pour les étudiants de sexe masculin et féminin d’ici 2015 ; ii) tiennent compte de la Déclaration du Caire sur l’enseignement supérieur ; iii) réduisent l’inadéquation entre l’éducation et les aspirations professionnelles des jeunes (notamment envers le secteur public) et les besoins actuels du marché du travail ; et iv) à cet égard, donnent la priorité à l’amélioration de la qualité de la formation professionnelle et rendent celle-ci plus attrayante pour les jeunes. C’est ainsi qu’est fixé le cadre du Programme régional pour l’accès des jeunes au travail (AJE). (16) Voir Middle East Youth Initiative (2009), Missed by the Boom, Hurt by the Boost, Making Markets Work for the Young People in the Middle East, 36 p. Dubai School of Government et le Centre Wolfensohn pour le Développement à Brookings, http://www.shababinclusion.org/files/1352_Dossier_MEYI_Rapport final.pdf. (17) Voir Iván Martín (2009) : « L’emploi des jeunes dans les pays arabes méditerranéens : la clé du futur » dans Med.2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 247-250, Fundació CIDOB et IEMed, Barcelone, http://www. iemed.org/anuari/2009/farticles/fr247.pdf. 140 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les composantes de ce programme devraient être entre autres : – Orienter les agences de promotion de l’emploi des Pays partenaires méditerranéens vers la promotion de l’emploi des jeunes, en particulier pour promouvoir l’entreprenariat et l’emploi des jeunes non qualifiés. Il existe plusieurs expériences de projets de coopération qui renforcent ces agences dont un projet au Liban financé dans le cadre du programme MEDA (18). – Un système régional pour diffuser les offres d’emploi dans la région EuroMed en vue d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emplois. – Un programme euro-méditerranéen de stages au sein des entreprises destiné aux diplômés et aux étudiants en formation professionnelle (l’actuel Programme Erasmus Mundus se limite à des échanges d’étudiants universitaires). Proposition 25 Une Stratégie euro-méditerranéenne de mobilité Tout modèle viable d’intégration économique régionale dans la Méditerranée devrait inclure un modèle de mobilité de la force de travail (Sud-Nord et SudSud). La logique économique et géopolitique conduit à l’intégration des marchés du travail à travers la Méditerranée en vue de s’attaquer aux déséquilibres démographiques (au Nord comme au Sud), minimisant par la même occasion l’impact négatif des flux migratoires (en termes de fuite des cerveaux et des compétences, par exemple). Là aussi, les déclarations des réunions ministérielles euro-méditerranéennes sont très éclairées, mais les politiques actuelles en sont très éloignées. Le Programme quinquennal adopté lors du Sommet de Barcelone (28 novembre 2005) a déjà appelé à une coopération renforcée dans les domaines de la migration, l’intégration sociale, la justice et la sécurité à travers une approche globale et intégrée, avec un ensemble de six objectifs dont : « Améliorer les possibilités de migration légale (la facilitation de la circulation légale des personnes étant entendu qu’elles ouvrent des perspectives de croissance économique ; encourager les politiques de traitement équitable et d’intégration en faveur des immigrés en situation régulière ; faciliter le flux des transferts financiers effectués par les migrants et prendre en compte le phénomène de la « fuite des cerveaux »). » Peu après, le Conseil européen a convenu en décembre 2005 d’une nouvelle « Approche globale sur les questions de la migration ». Dans ses conclusions, le Conseil européen a souligné que le Programme de travail en matière de migrations et de développement sera renforcé par une amélioration de la cohérence entre les différentes politiques de (18) Renforcement institutionnel du ministère du Travail et de l’Agence nationale de l’emploi au Liban, http://ec.europa.eu/comm/europeaid/tender/data/d13/AOF31713.htm. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 141 l’UE, y compris les instruments financiers correspondants, en vue de s’attaquer aux causes profondes des migrations (19). » Par conséquent, la première Conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur la migration tenue à Albufeira (Algarve) le 19 novembre 2007 (20) a adopté une série de conclusions politiques et opérationnelles à cette fin. La facilitation de la circulation légale a été considérée comme l’un des éléments clés de la coopération. A cet effet, il a été propose d’« d’analyser les possibilités visant à faciliter et simplifier les procédures de migration légale pour les demandeurs d’emploi, dans le but d’améliorer les canaux légaux de migration ». Ces efforts devraient se concentrer sur « les différentes catégories de travailleurs légaux incluant aussi différentes formes de mobilité telle que la migration circulaire et temporaire, en tenant compte des besoins des marchés du travail des pays méditerranéens ainsi que leurs besoin en terme de développement » Toutefois, contrairement à ces déclarations ambitieuses, les mesures concrètes adoptées jusqu’ici sont trop étroites ou se limitent à l’étape de préparation et de discussion. La coopération dans les domaines de la justice, la sécurité et la migration se trouve en tête de l’agenda de la PEV. A titre d’exemple, la Commission européenne, dans sa Communication de 2006 « relative au renforcement de la Politique européenne de voisinage » (21), a identifié les deux les « lignes d’action » suivantes en termes de « mobilité et de migration » : – Assouplir les procédures en matière de délivrance de visas et supprimer les obstacles aux voyages effectués pour des motifs légitimes (notamment à des fins commerciales, éducatives, touristiques et officielles). – Agir dans le cadre d’une approche globale assurant une bonne gestion de la mobilité et des migrations, en s’employant à régler les questions de la réadmission, de la coopération dans la lutte contre l’immigration clandestine et d’une gestion efficace des frontières. Dans sa communication de 2007 « Une politique européenne de voisinage forte » (22) la Commission européenne a signalé que « la promotion de la mobilité ira de pair avec l’engagement de nos partenaires d’accroître la sécurité, la justice et la lutte contre la migration clandestine, avec les efforts visant à renforcer la capacité de nos voisins de traiter les flux migratoires entrants et avec la sécurité des documents ». A l’autre extrémité de l’Europe, le document fondateur du Partenariat Oriental entre l’UE et les pays voisins de l’est de l’Europe et du Caucase établi en mars 2009 (23) donne quelques informations sur ce qui pourrait être considéré (19) Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (14/15 décembre 2006) « Politique européenne globale en matière de migrations » http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/ pressdata/fr/ec/92224.pdf. (20) Conclusions de la première réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur la migration, 19-11-2007 http://www.eu2007.pt/UE/vEN/Noticias_Documentos/20071119Conclusoeseuromed.htm. (21) COM(2006)726 final, 4 décembre 2006, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com06_726_en.pdf. (22) COM(2007) 774 fin, 05/12/2007,http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com07_774_fr.pdf. (23) Voir les conclusions du Sommet du Conseil européen des 19-20 mars 2009, http://europa.eu/rapid/ pressReleasesAction.do?reference=DOC/09/1&format=HTML&aged=0&language=ES&guiLanguage=en 142 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… comme un programme minimum de la première phase d’une Stratégie euroméditerranéenne de mobilité. Dans ce contexte, l’UE et ses partenaires d’Europe de l’Est ont prévu avec beaucoup de prudence « des mesures progressives sur la voie d’une libéralisation complète du régime des visas, dans une perspective à long terme, pour différents pays partenaires et au cas par cas, pour autant que les conditions relatives à une mobilité bien gérée et en toute sécurité soient en place ». De plus, la Commission s’est engagée à lancer une étude « pour mesurer les coûts et bénéfices pour l’UE et les partenaires à l’égard de la mobilité du travail et des mesures possibles de mise en adéquation de la main-d’œuvre », dans la perspective de « rechercher une ouverture ciblée du marché du travail de l’UE pour les citoyens des pays partenaires ». Rien de semblable ne figure ni dans le cadre du PEM, ni de celui l’Union pour la Méditerranée ou dans le Statut avancé du Maroc. Ainsi, les éléments constitutifs minimales de la Stratégie euro-méditerranéenne de mobilité devraient être : – la facilitation du visa en vue d’une libre circulation des personnes à travers la zone euro-méditerranéenne ; – des régimes de migration circulaire légale (qui ne s’adressent pas uniquement à la migration qualifiée, comme c’est le cas de la « carte bleue » récemment approuvée) ; – une étude des obstacles légaux, administratifs et techniques à la libre circulation et mobilité (Nord-Sud et Sud-Sud) des travailleurs dans la zone euro-méditerranéenne devrait être la pierre angulaire de cette Stratégie. Proposition 26 Un système de compensation pour la fuite des cerveaux dans les Pays arabes méditerranéens L’instauration d’un système de compensation pour une éventuelle fuite des cerveaux résultant de la migration de travailleurs hautement qualifiés des Pays arabes méditerranéens vers l’UE est la conséquence logique de la reconnaissance de la nécessité de s’attaquer à la « fuite des cerveaux » dans le Programme quinquennal adopté en 2005, la référence aux « besoins des pays d’origine en terme de transfert des compétences et d’allègement des conséquences de la fuite des cerveaux que la migration peut générer » figurant dans les conclusions de la première Conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur la migration et l’objectif fixé par l’Approche globale de l’UE sur les questions de la migration pour « réduire au minimum les effets négatifs de l’immigration de personnes hautement qualifiées et à en maximaliser les effets positifs sur les pays en développement pour transformer la « fuite des cerveaux » en « gain de cerveaux » (24). (24) Voir la Directive du Conseil 2009/50/EC du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié (Directive sur la « Carte bleue »). Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 143 Ce système de compensation pourrait prendre la forme d’un fonds de coopération pour le développement des compétences, dont la valeur serait calculée en fonction du nombre de migrants qualifiés qui partent des Pays arabes méditerranéens vers l’UE pour une certaine durée (par exemple, les dix dernières années). Ce fonds pourrait être constitué à partir de contributions volontaires des Etats membres destinataires. Il serait affecté à des programmes de coopération visant à i) améliorer les compétences des diplômés résidant dans le pays, ii) améliorer la qualité des programmes universitaires dans le pays, iii) augmenter le nombre de diplômés formés dans le pays (grâce à des bourses d’étude), et iv) encourager le retour des migrants hautement qualifiés vers leur pays d’origine. Ce système de compensation de la fuite des cerveaux ne devrait pas être compris comme un système de « formation à la migration », mais simplement comme une manière de compenser les pays d’origine pour les ressources qu’ils perdent à travers la migration, d’atténuer l’impact négatif de ces pertes et de s’assurer qu’en fin de compte, la migration n’est pas préjudiciable au capital humain du pays. Pour le réapprovisionnement de ce fonds, deux options pourraient être envisagées : a) des contributions provenant des gouvernements des Etats membres de l’UE qui bénéficient de l’immigration des diplômés (proportionnellement au niveau de la migration qualifiée qu’ils accueillent), et/ou 2) un pourcentage des dépenses dans les budgets nationaux de l’UE et des Etats membres affectées à la gestion des frontières et aux mesures de sécurité en vue de prévenir l’immigration irrégulière (telles que FRONTEX et d’autres). Ceci permettrait de démontrer, de manière très concrète, l’engagement réel de l’UE et de ses Etats membres à l’égard des principes de l’Approche globale sur les questions de la migration. Proposition 27 Établissement de mécanismes de consultation sociale PEM et de la PEV Comme point de départ, il est à noter que le Partenariat euro-méditerranéen et les accords d’association qui en ont résulté sont inscrits, dès le tout début, dans une logique intergouvernementale. Seuls les acteurs publics ont été impliqués dans les processus de négociation. En règle générale, les institutions euro-méditerranéennes ont restreint la participation, assez limitée de toute façon25, de la société civile au troisième volet relatif au « partenariat social, culturel et humain », l’excluant des questions liées au dialogue politique, la sécurité et la coopération économique et financière. Cependant, il est paradoxal que l’Union européenne ait signé des accords d’association qui visent à encourager le développement et la consolidation de la démocratie dans les PPM et qui représentent une transformation économique et (25) Voir Martín, I. (ed.) (2005) : Rendre le Partenariat euro-méditerranéen plus proche des citoyens. 35 propositions pour engager la société civile dans le Processus de Barcelone. Fondation Friedrich Ebert, (http:// www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/propositions_35/prop_35 %20frc.pdf ). 144 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… sociale de grande importance pour les décennies à venir à la suite d’un processus qui, dans la majorité des cas, n’envisageait aucune sorte de consultation ou de concertation sociale interne/nationale. De même, l’introduction de réformes institutionnelles, politiques et économiques technocratiques prêtes à porter, sans un large débat politique et social préalable dans les PPM eux-mêmes – un débat qui puisse servir à internaliser ces réformes et dégager un consensus autour de la vision et du projet social qui les sous-tend, risque de tenir les sociétés des PPM à distance du Processus euro-méditerranéen et mettre en danger leur pérennité, en ce sens que la société elle même n’aura pas le sentiment de s’identifier à ces réformes ou d’y être engagée à l’avenir (Cf. Proposition 1 dans l’Introduction). En effet, lors de la première Conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et de l’emploi, « les ministres ont souligné le rôle essentiel que le dialogue social devait jouer dans la gestion des transformations économiques dans la région euro-méditerranéenne ». Au niveau du Partenariat euro-méditerranéen même, abstraction faite des consultations obligatoires du Comité économique et social européen, les institutions euro-méditerranéennes n’ont jusqu’ici mis en place aucun mécanisme efficace en vue d’une consultation sociale effective. Il est assez significatif et inquiétant qu’au cours des quatorze années du processus les acteurs sociaux n’aient pas été impliqués dans la discussion ou la mise en œuvre des accords du PEM ou dans les Plans indicatifs nationaux, ou encore plus récemment dans les Plans d’action de voisinage. D’après l’expérience européenne, la fonction consultative des acteurs sociaux et économiques a été une pièce maîtresse de la démocratie participative. Les acteurs sociaux de la région ont montré une volonté claire de promouvoir cette pratique dans le cadre du PEM. Grâce aux efforts multiples, des progrès ont pu être réalisés depuis 1995 ; des organes consultatifs ont été créés dans plusieurs pays (Palestine, Jordanie), mais beaucoup d’autres pays n’en possèdent pas encore (Maroc, Egypte, Syrie). De manière générale, le dialogue social est encore sous-développé. Les rares initiatives entreprises dans ce domaine, quoique parfois soutenues par des fonds régionaux MEDA, tel le Forum syndical EuroMed ou les quinze sommets euroméditerranéens successifs des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires, l’ont été par les acteurs sociaux eux-mêmes. Cependant, il faut admettre que le Partenariat euro-méditerranéen a progressivement élargi le champ du processus de consultation qu’il entreprend, depuis les Forums civils EuroMed organisés depuis 1995 (d’une façon plutôt informelle et irrégulière au début) jusqu’à l’Assemblée parlementaire euroméditerranéenne créée en 2004 et, plus récemment l’accord de créer une Assemblée locale et régionale EuroMed en vue de se concerter avec les gouvernements locaux et régionaux. Sur le plan des déclarations, la Conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et de l’emploi a, pour la première fois, « souligné l’importance cruciale que revêt un véritable dialogue social pour renforcer l’emploi, l’employabilité et le travail décent dans les pays euro-méditerranéens. Le dialogue tripartite entre les partenaires sociaux et les gouvernements est Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 145 décisif à cet égard. Parallèlement, il convient de renforcer les efforts déployés en ce qui concerne le dialogue bipartite entre les employeurs et les syndicats, afin de renforcer leur contribution à la gestion des transformations économiques et sociales. Dans nombre de pays partenaires, il y a lieu de renforcer la capacité des partenaires sociaux. Dans ce contexte, il convient d’intensifier la coopération entre partenaires sociaux dans la région euro-méditerranéenne ». De façon plus concrète, « les ministres ont invité des représentants des employeurs et des syndicats à apporter leur contribution par le biais d’un « Forum euro-méditerranéen de dialogue social », qui discuterait des positions des partenaires sociaux en vue de la consultation desdits partenaires pendant le processus de suivi, et dont l’objectif serait de promouvoir le dialogue social dans chacun des pays euro-méditerranéens et dans la région » ce qui n’a pu se réaliser que 16 mois après. En tout cas, de même qu’on ne peut estimer qu’il existe un seul marché unique du travail dans la zone euro-méditerranéenne, on ne peut non plus affirmer qu’il existe un système structuré de dialogue social avec des partenaires sociaux clairement identifiés (les syndicats et les employeurs des Pays arabes méditerranéens ne jouent pas, loin de là, le rôle de représentation qu’ils jouent dans la plupart des pays européens). Ainsi, il est donc logique de créer un système inclusif, comprenant les syndicats et les employeurs, mais également les comités économiques et sociaux et la société civile organisée, dans le cadre d’un processus unique d’information et de consultation, mais pas de négociation collective toutefois. Une façon possible de le faire, c’est de créer un Comité économique et social euro-méditerranéen élargi (26). Au niveau national, le dialogue sur la politique social prévu dans le cadre de la Politique européenne de voisinage ouvre un vaste champ de possibilités pour les acteurs économiques et sociaux de l’UE et des PPM à travers des institutions de consultation ou des mécanismes ad hoc. En effet, le renforcement du dialogue et de la coopération dans le cadre d’une dimension sociale (politiques sociales, emploi, développement socio-économique et réformes structurelles) était déjà prévu dans le premier document stratégique de la PEV, ainsi que la mise en œuvre de politiques actives contre la pauvreté et l’exclusion (27). Cependant, l’absence (26) Voir la proposition à cette fin dans Martín 2005, citée dans la note 25 ci-dessus. (27) La mesure dans laquelle la PEV est perçue comme bénéfique dépendra de son incidence sur le niveau de vie. (…). Un dialogue renforcé doit être mis en place par l’entremise des sous-comités concernés et par le biais des dialogues économiques. (…). Le renforcement du dialogue et de la coopération sur la dimension sociale couvrira en particulier le développement socio-économique, l’emploi, la politique sociale et les réformes structurelles. L’UE encouragera les efforts consentis par les gouvernements partenaires pour réduire la pauvreté, créer de l’emploi, promouvoir les normes fondamentales du travail et le dialogue social, réduire les disparités régionales, améliorer les conditions de travail, renforcer l’efficacité de l’aide sociale et réformer les systèmes nationaux de protection sociale. L’idée est d’engager un dialogue concernant la politique de l’emploi et la politique sociale afin d’analyser et d’évaluer la situation, d’identifier les principaux défis à relever et de promouvoir les réponses qui peuvent y être apportées au niveau de l’action des pouvoirs publics’’ (Commission européenne, Politique européenne de voisinage, Document d’orientation, COM(2004)373, p.15, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/strategy/strategy_paper_fr.pdf ). ‘Il conviendrait d’intensifier le dialogue sur l’emploi et la politique sociale afin de recenser les principaux défis à relever dans ce domaine et de favoriser la définition de politiques pour y faire face’’ (ibid., p. 25). 146 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… totale actuelle de consultation avec des acteurs sociaux au niveau national va à l’encontre de la logique de la PEV (convergence législative et l’adoption des pratiques de l’UE) en refusant une pratique aussi bien établie dans l’UE comme c’est la consultation sociale. Les procédures d’information publique initiées par la Commission début 2009 sollicitant les commentaires des parties intéressées sur les avant-projets partiels des nouveaux programmes indicatifs nationaux 2011-2013 ne peuvent être qualifiées de processus de consultation. En effet, la consultation des partenaires sociaux devrait devenir une partie intégrante de tout le processus de prise de décision euro-méditerranéen. C’est notamment le cas dans les questions sociales et celles relatives à l’emploi aux niveaux multilatéral, bilatéral et national, conformément au modèle social européen. Comme cela a déjà été indiqué plus haut, l’Agenda social européen (février 2005) prévoit « l’intégration du modèle social européen dans le dialogue et l’action externes, aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral », et la Politique de voisinage offre le cadre institutionnel requis pour cet objectif. Le Forum de dialogue social prévu à la Conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et de l’emploi ne doit pas être un évènement unique, mais un premier moment qui marque un nouveau début dans ce domaine. Sur un niveau plus structurel, il est nécessaire de créer des espaces stables de dialogue et de coordination au niveau du Partenariat euro-méditerranéen… avec la possibilité de créer des « Sous-comités société civile » dans le cadre des Accords d’association euro-méditerranéens tels qu’il est suggéré dans la Proposition 17 plus haut. Proposition 22 (28) Préparation d’une « feuille de route » pour aller vers un « Espace social euro-méditerranéen » dans le cadre de la Politique européenne de voisinage Au niveau européen, l’Agenda de Lisbonne (2000) qui avait par objectif faire de l’Europe une économie plus compétitive a été rapidement complétée par à l’Agenda social européen adopté en 2005. Cette approche équilibrée n’a pas été suivie dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen, et sa dimension sociale n’a commencé à se manifester peu à peu que dans les quelques derniers mois. Un contenu social et d’emploi innovateur des plans d’action du voisinage avec les PPM devrait constituer un élément central dans la coopération euroméditerranéenne et sa mise en œuvre effective devrait être assurée par des ressources suffisantes, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Les plans d’action devraient devenir des instruments efficaces pour favoriser la convergence législative des PPM vers le modèle social européen, renforcer les politiques nationales d’emploi, promouvoir le dialogue social au sein de chaque pays et le (28) Cette proposition recoupe largement la Proposition 22, formulée par Erwan Lannon dans sa contribution ci-dessus dans le contexte de la Politique européenne de voisinage. Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 147 dialogue politique entre l’UE et les PPM sur les politiques sociales, et veiller à la ratification, la conformité et la mise en œuvre des conventions fondamentales de l’OIT et des normes internationales fondamentales du travail. Ce processus devrait tendre et finalement aboutir à la création d’un véritable « espace social euro-méditerranéen » s’ajoutant à la zone de libre-échange euro-méditerranéenne prévue en 2010. Dans le but de garantir la cohérence du processus et suivre son état d’avancement, une « feuille de route » pour la création de ce « espace social euro-méditerranéen » devrait être élaborée, probablement dans le cadre de la conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et de l’emploi. Un Agenda social euro-méditerranéen serait le corollaire logique d’un tel processus. Bien que le droit du travail fût, dès le début, absent de l’agenda régional du Processus de Barcelone, à l’avenir l’élaboration des fondements de l’établissement graduel d’un « code euro-méditerranéen du travail » basé sur un corpus juridique commun n’est pas à écarter. Ceci va dans le sens de la création d’une zone économique commune et de la convergence législative prévue dans le cadre de la Politique européenne de voisinage. Ce corpus juridique pourrait être constitué : – de dispositions sociales et de dispositions concernant les travailleurs dans le cadre des Accords d’association euro-méditerranéens ; – de la mise en œuvre effective des composantes socio-économiques des plans d’action de la PEV ; – de la transposition de l’acquis socio-économique de l’UE dans les législations nationales des pays du Maghreb à travers l’exportation du modèle de l’UE. Il reste à voir si la réalité évolue dans cette direction. L’établissement d’un véritable ‘’espace social euro-méditerranéen’’ tel que proposée par le Parlement européen en 2000 pourrait être l’étape finale de ce processus, et pourrait venir compléter la zone euro-méditerranéenne de libre échange prévue pour 2010 qui a, jusqu’ici été la principale priorité du Partenariat euro-méditerranéen. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen Larabi Jaidi * Le pari du Partenariat euro-méditerranéen consiste à parvenir à enclencher une dynamique vertueuse : l’ouverture commerciale appelle des réformes institutionnelles d’accompagnement pour renforcer le dynamisme du tissu productif local et, de facto, la compétitivité du pays ; ces évolutions commerciale et institutionnelle renforcent l’attractivité de la zone pour les investissements ; cet ensemble de facteurs concourt à la compétitivité de l’économie et in fine à l’amélioration des conditions sociales. Le Partenariat euro-méditerranéen s’inscrit dans la perspective de contribuer de manière active à la promotion des idéaux de la démocratie et des droits de l’homme, de la participation de la société civile, du développement durable, sur lesquels le Processus de Barcelone est bâti. Il est évidemment attendu de la nouvelle « politique de voisinage » de l’Union européenne qu’elle donne une plus grande signification à ce Partenariat en accroissant la portée de sa dimension sociale. La crainte est toujours présente de voir les accords d’association conduire à une détérioration de la situation socio-économique dans le Sud et que les instruments économiques et financiers mis en place ne suffisent pas à pallier les déséquilibres commerciaux dans la région. A cet égard, il est largement reconnu qu’aucun partenariat n’est réellement possible sans que la dimension sociale ne soit renforcée dans toutes les politiques du PEM, avec les mesures en découlant, et que le dialogue social soit encouragé dans chaque pays dans des dispositions associant pleinement la société civile. La région méditerranéenne est marquée par : – Une pauvreté largement répandue, puisque 30 % de la population des pays du Sud vivent avec moins de deux dollars US par jour, et par des développements économiques dont la conséquence est d’aggraver la situation économique de certaines parties de la population. – Des perspectives préoccupantes concernant l’emploi, notamment pour les femmes, les jeunes et les personnes ayant des besoins spécifiques. Il y a une nécessité de créer un nombre d’emplois suffisant pour absorber la population * Université Mohammed V, Rabat. 150 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… active croissante, mais aussi pour répondre à l’accroissement attendu du taux d’activité des femmes, et réduire les taux de chômage déjà élevés. Le passage du risque d’instabilité à l’aubaine démographique repose donc sur la capacité des pays partenaires méditerranéens à relever le défi de la création massive d’emplois et à mettre en place des politiques et instruments d’urgence visant à redresser la situation du chômage. – Une détérioration de la situation des droits de l’homme dans les huit dernières années, et il existe un besoin urgent d’établir, de renforcer et de garantir l’égalité hommes-femmes, la dignité et la participation de la femme. – Un faible intérêt accordé au développement durable comme objectif du Partenariat euro-méditerranéen. Bien que le concept revienne dans de nombreuses déclarations politiques, la réalité va dans un sens opposé. La société civile EuroMed a exprimé, en maintes occasions, son souhait de jeter des ponts de solidarité dans une région qui appelle des réformes urgentes, susceptibles de changer réellement la vie des gens. Elle a aussi exprimé son aspiration à ce que le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) aille au-delà des changements superficiels jusque là apportés et à se dégager des contraintes et des pressions adverses causées par les politiques unilatérales de libéralisation des marchés. L’objectif de cette communication est de s’interroger sur la possibilité de mettre en place un dispositif de monitoring (suivi) permettant d’accompagner la mise en œuvre de la dimension sociale du Partenariat euromed. Elle explore la démarche de coordination des politiques sociales poursuivie en Europe dans la perspective de définir des objectifs sociaux communs aux pays membres de l’Union européenne et d’établir un cadre de coordination entre ces pays. En effet, depuis le sommet de Lisbonne de 2000, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont adopté une « méthode ouverte de coordination » destinée à organiser la convergence des systèmes nationaux de protection sociale vers la réalisation d’objectifs communs dans le domaine de la cohésion sociale. Des indicateurs sociaux publiés régulièrement permettent de mesurer les progrès de l’Union en ce sens dans les domaines suivants : emploi, inclusion sociale, pensions et soins de santé. La finalité de cette démarche exploratoire est d’analyser dans quelle mesure et sous quelles conditions peut-on s’inspire des dispositifs et indicateurs de cette méthode en vue de les appliquer à la région euro-méditerranéenne. 1. Le Système de Monitoring des politiques sociales européennes : quelle méthode et quels indicateurs ? La construction européenne exerce une pression sur l’harmonisation des systèmes de protection sociale. Pendant très longtemps, l’harmonisation des systèmes de protection sociale est restée un vœu pieux, chaque pays gérant comme il l’entendait sa protection sociale. Mais les effets négatifs et les risques à long terme de ce « chacun pour soi » sont devenus évidents et à la fin des années 1990, les institutions de l’Union européenne ont compris la nécessité de la coordination réelle des politiques sociales. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 151 Les premières mesures on visé la politique de l’emploi. Celle-ci ne concerne pas directement la protection sociale mais, en fait, elle lui est très liée : en effet, la protection sociale repose pour partie (et parfois une très grande partie) sur l’activité professionnelle. De la coordination des politiques de l’emploi, on est ensuite passé à une coordination concernant d’autres domaines de la politique sociale. C’est dans le Traité d’Amsterdam (1996) que l’on trouve pour la première fois une référence explicite à une politique européenne de l’emploi, celle-ci devant tendre au plein emploi. La coordination effective des politiques nationales de l’emploi se développera ensuite dans le cadre du « processus de Luxembourg » (fin 1997) par le biais de définition d’orientations communes et par l’obligation pour chaque pays de communiquer aux autres chaque année les mesures prises pour atteindre les orientations communes et d’en faire une évaluation commune. A partir de 2000, la « méthode ouverte de coordination » est étendue à d’autres domaines concernant la protection sociale : retraites, systèmes de santé, etc. Il y a donc une définition en commun d’objectifs de protection sociale, ce qui correspond à peu près à la construction de normes européennes. Ces normes doivent guider les réformes, considérées comme nécessaires (en particulier à cause des questions financières). L’idée générale est que les systèmes doivent privilégier l’emploi, en visant à augmenter significativement le taux d’emploi européen. Les mesures prises dans les pays doivent donc s’intégrer dans ce cadre. 1.1. La politique de protection sociale : les contraintes de la coordination Le système de protection sociale qui s’est mis en place dans les pays européens surtout depuis la seconde guerre mondiale a clairement comme objectif de donner à chaque citoyen des droits sociaux qui lui permettent, quels que soient les aléas de son existence, de continuer à se sentir membre de la société. On peut noter cependant que les systèmes mis en place, les risques couverts, peuvent être très différents de pays à pays, la place laissée à la solidarité familiale ou à l’assurance, par exemple, étant plus grande dans certains pays que dans d’autres. Ainsi : – On observe un écart substantiel entre l’Irlande où les dépenses de protection représentent 14,1 % du PIB, et la Suède où elles en représentent plus de 32 %, soit une proportion plus de 2 fois supérieure. Cette diversité dans l’importance quantitative accordée à la protection sociale va rendre la convergence des systèmes de protection sociale difficile. – La diversité touche également les risques couverts. Si dans tous les pays la part des prestations sociales consacrées à la vieillesse est la plus importante, on voit qu’elle est cependant très variable selon les pays (moins de 40 % au Danemark, plus de 60 % en Italie). Les différences sont encore plus manifestes pour d’autres risques : l’Italie consacre moins de 4 % de ses prestations sociales aux prestations familiales alors que le Luxembourg y consacre plus de 16 %, soit 4 fois plus proportionnellement. L’Italie consacre 0,2 % de ses prestations à la lutte contre l’exclusion et au logement social alors que le Danemark y consacre plus de 6 %. 152 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… – La diversité concerne également les modes de financement : des pays ont choisi de financer leur protection sociale pour l’essentiel par des impôts (le Danemark, par exemple) alors que d’autres font reposer leur système sur les cotisations professionnelles, c’est-à-dire que la protection sociale est rattachée à l’activité professionnelle (l’Allemagne et la France, par exemple). Ces différences signifient que ces pays n’ont pas la même conception de la protection sociale. La diversité dans la façon de couvrir les différents risques pose problème quand il s’agit, au sein de l’Union européenne, de discuter d’une éventuelle harmonisation des politiques de protection sociale. Cette diversité dans le financement amène, elle aussi, des difficultés quand il s’agit de faire converger les systèmes de protection sociale. L’harmonisation des systèmes de protection sociale est souvent présentée comme une nécessité, cette nécessité permettant de justifier des réformes présentées comme « inévitables ». La réalisation du Marché unique met en concurrence des espaces nationaux aux réglementations parfois très différentes. Les entreprises vont donc réclamer des charges équivalentes d’un pays à un autre de manière à préserver la libre concurrence, le risque étant, si cette égalité de traitement n’était pas réalisée, que les entreprises délocalisent leurs activités dans les pays de l’Union où les charges liées à la protection sociale seraient les moins élevées (l’Irlande, par exemple). Dans le même ordre d’idées (les idées libérales), on avance souvent l’argument de la nécessaire flexibilisation de la main-d’œuvre, donc de la diminution des garanties sociales systématiquement accordées aux salariés. Enfin, la nécessité de réaliser les critères de Maastricht pour entrer dans l’Union monétaire et le maintien de l’obligation de respecter ces critères depuis imposent aux Etats une stricte limitation de leurs déficits publics. 1.2. La stratégie européenne de l’emploi : des lignes directrices En matière d’emploi, la montée continue du chômage dans les Etats-membres de l’Union européenne (UE) a fait prendre conscience de la nécessité d’y consacrer une politique spécifique. Durant ces dernières années, l’importance accordée par les européens à la politique sociale et de l’emploi a considérablement augmenté. De nombreuses politiques dans le domaine de l’emploi et des affaires sociales sont principalement du ressort des Etats membres. Elles sont donc fonction des conditions politiques et économiques nationales et peuvent ainsi différer considérablement d’un pays à l’autre. Cependant, parallèlement à l’intégration économique, l’Union européenne développe un cadre de plus en plus solide dans l’objectif de compléter les actions nationales menées pour relever les défis sociaux et de l’emploi. Le Traité de Rome (1957) ne comportait que peu d’articles visant la politique sociale de manière spécifique. Les dispositions dans ce domaine concernaient essentiellement la mise en œuvre de la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement dans le cadre du marché commun. L’Acte unique européen (1986) Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 153 a consacré une place plus importante à la politique sociale, notamment dans le domaine de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, du dialogue avec les partenaires sociaux et de la cohésion économique et sociale. Le volet social avance avec le Traité de Maastricht, et plus particulièrement le protocole sur la politique sociale. Quant à l’emploi, c’est le Traité d’Amsterdam qui est venu insérer la promotion d’un « niveau d’emploi élevé » dans les objectifs de l’UE. Bien que relevant avant tout de la compétence des Etats membres, la politique de l’emploi constitue désormais une « question d’intérêt commun » (article 2 du Traité CE). Ainsi, l’UE dispose d’un outil juridique permettant de coordonner les politiques de l’emploi des Etats membres au sein d’une stratégie commune. Elle doit également soutenir les actions des Etats membres et au besoin les compléter (). L’Union européenne a pour ambition de promouvoir « un niveau d’emploi et de protection élevé », « un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques », « l’égalité entre les hommes et les femmes », « une croissance durable et non inflationniste », « un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques », « le relèvement du niveau et de la qualité de vie », et « la cohésion économique et sociale » (article 2 du Traité CE). Plus précisément, en matière d’emploi, « les États membres et la Communauté s’attachent (…) à élaborer une stratégie coordonnée pour l’emploi et en particulier à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, formée et susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie » (article 125 TCE). La stratégie suppose que les Etats membres de l’UE mettent en œuvre les grandes orientations des politiques économiques. Depuis son lancement en 1997, la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) a joué un rôle clé dans la coordination des politiques de l’Union en vue de créer des emplois de meilleure qualité pour tous. Ce rôle a d’ailleurs été souligné à maintes reprises par le Conseil européen et la SEE est devenue un instrument essentiel permettant de répondre à l’une des principales préoccupations des citoyens européens : une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi. La stratégie européenne pour l’emploi (SEE) a été créée en vue d’orienter et de coordonner les priorités d’emploi auxquelles les États membres ont adhéré à l’échelon de l’Union européenne (UE). En 1997, les États-membres se sont engagés à mettre en place une série de cibles et d’objectifs communs pour leurs politiques d’emploi et à assurer leur suivi dans le cadre d’une procédure annuelle fixée dans le nouveau Traité d’Amsterdam. () De plus, l'emploi fait partie de l'ensemble des politiques communautaires. C'est-à-dire qu'il doit en être tenu compte, dans chaque action qu'entreprend l'UE. De nombreuses politiques contribuent de fait au développement de l'emploi : politique d’éducation et de la formation, politique régionale, politique de la recherche et du développement technologique, politique de soutien à l’utilisation des nouvelles technologies de la société de l’information, mobilité des travailleurs... 154 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Les États-membres disposent toujours de la compétence dans le domaine de la politique de l’emploi, mais le traité renforce le rôle du Conseil et de la Commission et leur confie de nouvelles responsabilités, tandis que le Parlement européen est intégré plus étroitement dans le processus de décision. Les responsabilités des partenaires sociaux sont également accrues grâce à l’introduction du protocole social dans le traité. La SEE fait partie intégrante d’un plus vaste ensemble d’instruments mis au point par les institutions de l’UE pour soutenir les politiques de l’emploi à l’échelon européen. C’est aussi un important outil pour la réalisation de l’objectif de Lisbonne consistant à créer « un plus grand nombre d’emplois de qualité », ainsi qu’un élément du dialogue social européen. La SEE utilise également le Fonds social européen pour aider les États membres à mettre en œuvre les politiques de l’emploi qui ont été adoptées. Avant le Traité d’Amsterdam, la politique de l’emploi relevait exclusivement de la responsabilité des États membres, le rôle de la Commission étant limité à promouvoir la coopération à l’échelon de l’UE. Inspiré par le Livre blanc de Jacques Delors sur la croissance, la compétitivité et l’emploi publié en 1993, le Conseil européen d’Essen a adopté des objectifs clés en décembre 1994, mais cette initiative était fondée sur des conclusions non contraignantes. C’est lors du sommet européen sur l’emploi de Luxembourg, en novembre 1997 que le Conseil Européen a lancé la stratégie européenne pour l’emploi (SEE). Le contexte était marqué par des taux de chômage élevés. Cette stratégie devait permettre aux États membres et à la Commission d’atteindre des cibles et objectifs communs, grâce à la coopération et à l’échange d’expériences, et créer ainsi davantage d’emplois et de meilleure qualité en Europe. En mars 2000, lors du Conseil européen de Lisbonne, l’Union européenne se fixait un nouvel objectif stratégique pour la prochaine décennie : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. La SEE, axée jusqu’ici sur la réduction du taux de chômage, allait désormais donner la priorité au rétablissement de conditions propices au plein emploi. La SEE devait donc permettre à l’Union de réaliser les conditions du plein emploi (taux d’emploi total de 70 % et de 60 % pour les femmes) et de renforcer la cohésion sociale d’ici à 2010. En mars 2001, le Conseil européen de Stockholm ajoutait à ce corpus des objectifs intermédiaires pour 2005 et un objectif supplémentaire : porter à 50 % le taux d’emploi des aînés d’ici à 2010. En mars 2002, le Conseil européen de Barcelone appelait à un report de cinq ans de l’âge de la retraite d’ici à 2010 et fixait des objectifs pour la garde et l’accueil des enfants, notamment en vue de faciliter l’emploi des femmes (33 % pour les enfants de moins de 3 ans, 90 % entre 3 ans et l’âge de la scolarité obligatoire). En outre, le Conseil européen de Barcelone a demandé le développement d’une série d’indicateurs européens dans le domaine de l’éducation et de la formation, qui ont été adoptés en mai 2003. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 155 À la demande des chefs d’État ou de gouvernement réunis au Conseil européen de printemps en 2003, la Commission a mis en place une task-force européenne pour l’emploi, en vue d’un examen de la SEE. La Commission et le Conseil ont intégré les résultats du rapport de la task-force dans leur rapport conjoint sur l’emploi, en vue du sommet du printemps 2004. Ce rapport a confirmé la nécessité d’une action résolue de la part des États membres conformément aux orientations de la task-force. L’accent a ainsi été mis sur l’amélioration de la capacité d’adaptation des travailleurs et des entreprises, l’insertion et le maintien dans l’emploi d’un plus grand nombre de travailleurs, l’accroissement des investissements dans le capital humain et l’amélioration de la gouvernance. En 2005, le Conseil européen et la Commission ont estimé que la stratégie de Lisbonne devait être recentrée sur la croissance et l’emploi. La relance de la stratégie de Lisbonne a mis en évidence en recentrant les efforts stratégiques vers la réalisation de deux objectifs, une croissance durable et plus soutenue et un plus grand nombre d’emplois de qualité. La procédure de la SEE a été revue en conséquence. L’UE s’appuie par ailleurs sur les collectivités régionales et locales, ainsi que sur les partenaires sociaux et la société civile, en soutenant les initiatives de développement local. A partir de 2005, la mise en œuvre de la SEE est intégrée dans le cycle de gouvernance de Lisbonne. Avec l’adoption des nouvelles lignes directrices intégrées en juillet 2005, un nouveau cadre SEE couvrant une période de trois ans (2005-2008) a été lancé. La SEE utilise différents instruments à l’échelon de l’UE et au niveau national pour coordonner les politiques de l’emploi des États membres. En résumé : Le Conseil européen adopte une série de lignes directrices intégrées. Cellesci exposent des priorités communes pour les politiques des États membres. Les premières lignes directrices intégrées ont été proposées par la Commission en avril 2005 et adoptées en juillet 2005 par le Conseil (voir encadré). Au début de l’automne, les États membres rédigent un programme, le programme national de réforme, qui décrit comment les lignes directrices seront mises en œuvre à l’échelon national. La Commission, sur la base de son évaluation des programmes nationaux de réforme, adopte le rapport de situation annuel de l’UE en vue du Conseil européen de printemps. Parallèlement à cela, la Commission envisage des initiatives paneuropéennes pour soutenir les actions nationales. La Communication de la Commission de juillet 2005 « Actions communes pour la croissance et l’emploi : le programme communautaire de Lisbonne » décrit le programme communautaire de Lisbonne. S’il y a lieu, la Commission peut identifier de nouvelles actions pour la révision du programme communautaire de Lisbonne et proposer des recommandations nationales spécifiques. Le chapitre « Emploi » du rapport de situation annuel est adopté par le Conseil et intégré au début de l’année suivante dans le rapport conjoint sur l’emploi. 156 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Priorités et lignes directrices pour l’emploi 2005-2008 17. Appliquer des politiques de l’emploi visant à atteindre le plein emploi, à améliorer la qualité et la productivité du travail et à renforcer la cohésion sociale et territoriale. Attirer et maintenir un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail et moderniser les systèmes de protection sociale. 18. Favoriser une approche fondée sur le cycle de vie à l’égard du travail. 19. Assurer des marchés du travail qui favorisent l’insertion, renforcer l’attrait des emplois et rendre le travail financièrement attrayant pour les demandeurs d’emploi, y compris les personnes défavorisées et les personnes inactives. 20. Améliorer la réponse aux besoins du marché du travail. Améliorer la capacité d’adaptation des travailleurs et des entreprises. 21. Favoriser la flexibilité en la conciliant avec la sécurité de l’emploi et réduire la segmentation du marché du travail en tenant dûment compte du rôle des partenaires sociaux. 22. Assurer une évolution des coûts du travail et instaurer des mécanismes de fixation des salaires qui soient favorables à l’emploi. En février 2005, la Commission européenne publiait le nouvel Agenda Social. Cet agenda sert de guide à la modernisation de la politique sociale européenne, en vue de mieux l’adapter à un monde caractérisé par une concurrence internationale croissante, des avancées technologiques et des données démographiques fluctuantes. Cet agenda avait deux priorités : l’emploi (et la modernisation du marché européen de l’emploi), et la lutte contre la pauvreté et la promotion de l’égalité des chances. L’Agenda Social a été publié au même moment que la révision de la Stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi au sein de l’Union européenne. Cette stratégie coordonne les politiques des Etats membres dans les domaines de l’économie, de l’emploi, de la protection sociale et de l’intégration sociale. Elle présente une série de lignes directrices qui se concentrent sur le plein-emploi, une meilleure qualité du travail et une productivité accrue, ainsi qu’une meilleure cohésion sociale et territoriale (). Mais la politique sociale européenne ne se limite pas à des stratégies et des lignes directrices. L’Union européenne investit pour la promotion de l’emploi et l’amélioration des conditions sociales. Le Fonds Social Européen (FSE) est le principal instrument financier pour le développement de l’emploi et des ressources humaines. Il aide les personnes à améliorer leurs compétences, et par conséquent leurs perspectives d’emploi. () Pour une vue d’ensemble des politiques européennes sociales et de l’emploi, consulter : http ://ec.europa.eu/employment_social/index_fr.html. Sur la Stratégie européenne de l’emploi, communément connue sous le terme de Stratégie de Lisbonne, voir : http ://ec.europa.eu/employment_social/employment_strategy/index_fr.htm. Pour plus d’informations, voir http ://ec.europa.eu/growthandjobs/index_fr.htm. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 157 1.3. Le cadre et les outils du monitoring La stratégie européenne pour l’emploi repose sur la méthode ouverte de coordination, définie par les articles 125 et 128 du Traité instituant la Communauté européenne. Cette méthode garantit la définition d’objectifs globaux pour l’Union européenne, l’établissement d’indicateurs et de statistiques qui soient comparables dans les Etats membres, le suivi périodique, l’évaluation des progrès accomplis, ainsi que l’échange de bonnes pratiques entre Etats membres. Elle suppose également que les Etats membres de l’UE mettent en œuvre les grandes orientations des politiques économiques. L’UE s’appuie par ailleurs sur les collectivités régionales et locales, ainsi que sur les partenaires sociaux et la société civile, en soutenant les initiatives de développement local. La « méthode ouverte de coordination » est fondée sur les principes clés de la subsidiarité (qui répartit les compétences entre l’Union européenne et les États membres), de la convergence (action concertée), de l’apprentissage mutuel (échange de bonnes pratiques), de l’approche intégrée (les réformes structurelles s’étendent aux politiques sociales, fiscales, régionales, d’éducation et des entreprises) et de la gestion par objectifs. La « méthode ouverte de coordination » Cette méthode, dénommée « méthode ouverte de coordination » (MOC), prévoit des processus d’échanges d’expériences et d’identification des meilleures pratiques qui doivent permettre progressivement une convergence des systèmes nationaux de protection sociale vers la réalisation d’objectifs communs dans des domaines de compétences principalement nationaux. Cette méthode comporte quatre phases distinctes : • dans une première phase, les États membres s’accordent sur les thèmes sur lesquels mettre en œuvre ces échanges d’expérience, et, pour chacun de ces thèmes, sur les objectifs communs qu’ils jugent essentiels dans l’application des politiques sociales nationales ; • les progrès des États membres dans la voie des objectifs ainsi déterminés font l’objet d’un suivi à l’aide d’indicateurs statistiques qui sont également déterminés en commun ; • les États membres présentent tous les trois ans des rapports sur leurs stratégies en matière d’inclusion et de protection sociales ; ceux-ci doivent comporter la fourniture des indicateurs communs de suivi ; • la Commission européenne établit un rapport de synthèse dans lequel, s’appuyant sur les rapports nationaux, elle souligne les expériences les plus porteuses d’enseignements pour l’ensemble des États membres, adresse à chacun d’eux des recommandations pour améliorer leur contribution au progrès de l’Union européenne dans son ensemble, et suggère les enjeux à approfondir dans les phases ultérieures du processus. La mise en œuvre de la MOC dans le champ social est assurée par une instance spécifique rattachée au Conseil européen : le Comité de la protection sociale, qui regroupe des hauts fonctionnaires des ministères chargés de la santé et des affaires sociales des vingt-cinq États membres. En son sein, le sous-groupe « Indicateurs », qui englobe également des représentants des ministères sanitaires et sociaux des États membres, est plus particulièrement chargé d’élaborer les indicateurs pertinents pour le suivi des progrès réalisés vers les objectifs sociaux communs. 158 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Pour mettre en œuvre ce dernier principe, la stratégie utilise des mesures et des objectifs de référence quantifiés afin d’assurer un suivi et une évaluation approfondie des progrès accomplis. Dans ce contexte, les indicateurs sont utilisés pour examiner les performances et les efforts des États membres en matière d’emploi et servent à l’analyse des programmes nationaux de réforme. Ils seront également utilisés pour l’élaboration du rapport de situation annuel de l’Union européenne, qui servira de base au rapport conjoint sur l’emploi. La méthode de coordination ouverte doit permettre une convergence des systèmes nationaux de protection sociale vers la réalisation d’objectifs communs. Le sommet de Nice, en décembre 2000, a arrêté quatre thèmes d’application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion sociale : inclusion sociale, pensions, attractivité financière de l’emploi et soins de santé. Les travaux ont débuté en 2000 et atteint une première étape significative à la fin de l’année 2003 par l’adoption d’un premier ensemble d’indicateurs d’inclusion sociale et de pensions par le Comité de la protection sociale. Depuis lors, le contexte de la mise en œuvre de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion sociale a connu de profondes transformations, lesquelles ont entraîné une révision importante du portefeuille d’indicateurs. Les processus d’établissement des grandes orientations de politique économique (GOPE) et des lignes directrices emploi ont été intégrés dans le cadre de l’évaluation à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne. Parallèlement, le nombre d’indicateurs retenus pour comparer les stratégies nationales d’inclusion et de protection sociales a été réduit. Ainsi, le Conseil européen du printemps 2006 a adopté trois grands objectifs transversaux pour chacun des thèmes : •promouvoir la cohésion sociale et l’égalité des chances pour tous à travers des systèmes de protection sociale et de politiques d’inclusion sociale adéquats, accessibles, financièrement viables, adaptables et efficients ; •interagir de manière étroite avec les objectifs de Lisbonne visant au renforcement de la croissance économique et à l’amélioration quantitative et qualitative de l’emploi, ainsi qu’avec la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable ; •améliorer la gouvernance, la transparence et la participation des parties intéressées à la conception, à l’exécution et au suivi de la politique. Pour illustrer ces trois objectifs, le Comité de la protection sociale a adopté le 22 mai 2006 une liste de treize indicateurs permettant de couvrir ces trois grands objectifs, mais aussi les trois grands thèmes – inclusion sociale, pensions et soins de santé – sur lesquels la méthode ouverte de coordination a été mise en œuvre. Ces indicateurs transversaux sont articulés avec d’autres indicateurs thématiques, illustratifs des sous-objectifs définis en commun dans ces trois domaines. Un premier groupe de trois indicateurs porte sur les indicateurs monétaires de pauvreté et d’inégalités : le premier indicateur est le taux de pauvreté monétaire, soit la proportion d’individus vivant dans des ménages dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie du ménage médian ; le deuxième indicateur mesure la proportion de personnes qui vivent sous un seuil de ressources égal, en Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 159 2005, au seuil de pauvreté monétaire (60 % du niveau de vie médian) ; le troisième indicateur est relatif aux inégalités de niveau de vie. Quatre indicateurs portent ensuite sur des situations défavorisées particulièrement représentatives : l’état de santé : il s’agit de l’espérance de vie sans incapacité ; les faibles niveaux d’études, en tant que handicaps pour l’insertion sociale et professionnelle des individus ; la proportion d’individus qui vivent dans des ménages dans lesquels aucun membre n’occupe d’emploi ; la pauvreté laborieuse : il s’agit de la proportion d’individus qui occupent un emploi – alternativement, l’ensemble des actifs occupés ou seulement les salariés – et qui vivent dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté (60 % du niveau de vie médian). Deux indicateurs portent spécifiquement sur les pensions : le premier porte sur le caractère adéquat des pensions, c’est-à-dire sur la capacité des pensions offertes par les régimes de retraite à répondre aux besoins des retraités ; le second porte sur le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 59 ans et de 60 à 64 ans. Un indicateur est destiné à illustrer les obstacles à l’accès aux soins. Il s’agit de la proportion de personnes qui déclarent, dans l’enquête harmonisée sur les revenus et les conditions de vie, avoir renoncé à se faire soigner par un médecin. Enfin, trois indicateurs illustrent des enjeux transversaux aux différents thèmes. L’un porte sur la cohésion régionale et consiste dans le coefficient de variation (rapport entre l’écart type et la moyenne) des taux d’emploi régionaux. Le deuxième porte sur le taux d’activité – proportion de personnes occupant un emploi ou à la recherche d’un emploi dans l’ensemble de la population. Enfin, le dernier indicateur illustre l’enjeu de la soutenabilité financière des systèmes de protection sociale (). Deux compléments sont ajoutés à cette liste : d’une part, le Comité de la protection sociale a prévu de réserver un indicateur supplémentaire relatif aux soins de santé ; d’autre part, une liste préliminaire d’indicateurs de contexte, destinés à faciliter l’interprétation des treize indicateurs ci-dessus, a été adoptée (). Définir des objectifs communs d’emploi implique qu'il faut définir des indicateurs communs permettant de comparer les meilleures pratiques et de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs. En ce sens, les indicateurs communs ne sont pas synonymes de politiques communes. () Il s’agit des projections à l’horizon 2050 de la part dans le produit intérieur brut des dépenses sociales liées à la structure par âge de la population (retraites, soins de santé, soins et services aux personnes âgées, éducation et indemnisation du chômage) réalisées par les États membres selon une méthodologie et des hypothèses communes. () Elle comprend neuf indicateurs : la croissance du produit intérieur brut, les taux d’emploi, de chômage et de chômage de longue durée, décomposés par genre et âge, l’espérance de vie à la naissance et à 65 ans, le ratio, en valeur courante et projetée, entre les personnes âgées de 65 et plus et les personnes âgées de 18 à 64 ans, la répartition des ménages par type – couples, familles monoparentales, ménages complexes et collectifs, selon le nombre d’enfants, la dette publique en part du produit intérieur brut, en valeur courante et projetée, la ventilation des ménages sans emploi par type de ménage, enfin les indicateurs de « trappes » à chômage, inactivité et bas salaires, illustratifs de l’attractivité financière de l’emploi. 160 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Le cadre méthodologique global consiste en une liste d'indicateurs primaires et secondaires constituant un portfolio transversal et couvrant les trois grands thèmes de l’emploi et du chômage. Les indicateurs primaires se composent d'un nombre restreint d'indicateurs principaux couvrant les dimensions essentielles des objectifs définis. Les indicateurs secondaires soutiennent ces indicateurs principaux en fournissant une idée plus précise de la nature du problème. Ces indicateurs sont utilisés dans les Rapports nationaux ainsi que dans le rapport conjoint. L'utilisation d'indicateurs définis d'un commun accord pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs communs est un élément essentiel du processus de coordination des politiques MOC. Dans ce contexte, les indicateurs ont été définis sur la base d'une approche consensuelle et d'une série de critères comprenant la comparabilité reposant sur des données harmonisées et solides de l'UE, la réactivité aux politiques, une interprétation normative claire, l'accent sur les résultats, etc. Depuis le lancement de la Stratégie européenne pour l'emploi en 1997, les indicateurs ont été utilisés pour évaluer les progrès des États membres dans la mise en ouvre des lignes directrices pour l'emploi. Les indicateurs permettent de mesurer les effets des initiatives politiques et d'améliorer la transparence des résultats. Ils sont utilisés pour examiner les performances et les efforts des États membres en matière d'emploi et servent à l'analyse des programmes d'action nationaux pour l'emploi et à l'élaboration du rapport de situation annuel de l'UE qui servira de base au rapport conjoint sur l'emploi. Les indicateurs sont adoptés chaque année par le Comité de l'emploi. Le groupe de travail sur les indicateurs du Comité de l'emploi assiste le Comité pour le choix et la mise au point des indicateurs nécessaires au suivi des lignes directrices pour l'emploi. La Commission (DG Emploi et affaires sociales) et les États membres travaillent ensemble dans ce groupe sur les indicateurs. La mission essentielle du groupe est de définir, de réviser et d'améliorer l'ensemble des indicateurs à la lumière des progrès statistiques et des nouvelles priorités politiques. Les indicateurs sont classés en indicateurs de contrôle et indicateurs d'analyse et suivant l'ordre des lignes directrices 2005-2008. Le travail continue également au sein du groupe pour améliorer la comparabilité, la fiabilité et la mise à jour des bases de données dans ces domaines. La DG Emploi et affaires sociales coopère de façon étroite avec Eurostat, l'office statistique des Communautés européennes. Selon les évaluations de l’UE, la stratégie a permis d’aboutir à des résultats concrets, répondant ainsi aux principales préoccupations sur l’emploi. Ainsi, depuis 1997, les taux d’emploi des travailleurs âgés et des femmes, de même que les taux d’emploi moyens, ont progressé de manière significative, tandis que le chômage et le chômage de longue durée affichaient une tendance inverse (avec une diminution de près d’un tiers pour le chômage de longue durée). Même si ces avancées ne peuvent pas être entièrement attribuées à la SEE, celle-ci y a apporté une contribution essentielle : en effet, si les résultats en matière d’emploi se sont améliorés, c’est parce que les États membres sont en mesure de mieux mettre en Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 161 œuvre leurs politiques d’emploi et d’échanger avantageusement leurs expériences pour réaliser des objectifs communs. Malgré les progrès réalisés au cours de ces dernières années, l’UE a encore un très long chemin à parcourir pour réaliser le plein emploi, pour améliorer la qualité du travail et renforcer la cohésion sociale et territoriale. La relance de la stratégie de Lisbonne, décidée en 2005, vise à encourager l’action aux niveaux national et européen, en mettant l’accent sur la croissance et l’emploi. La SEE, soutenue par le Fonds social européen, est un pilier central du nouvel agenda de Lisbonne. Elle doit permettre d’améliorer les performances dans le domaine de l’emploi, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre des politiques par le biais d’une meilleure gouvernance et de l’apprentissage mutuel. L’agenda de la politique sociale de l’UE vise à promouvoir et à diffuser, jusqu’audelà de ses frontières, ses valeurs communes ainsi que l’expérience d’un modèle de développement associant croissance économique et justice sociale. La Commission a développé les échanges politiques et la coopération à l’échelon multilatéral et bilatéral avec des organisations internationales, dont l’OCDE, l’Organisation mondiale du travail et le G8, ainsi qu’avec divers pays dont les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Inde. Depuis la fin des années 1990, un des objectifs de la Commission a été de s’assurer que les pays qui étaient candidats définissent des politiques d’emploi susceptibles de les préparer à l’adhésion à l’Union (). L’idée étant que ces pays ajustent peu à peu leurs institutions et leurs politiques à la Stratégie européenne pour l’emploi, afin de pouvoir mettre pleinement en œuvre le titre « Emploi » du traité et ce dès leur adhésion. 2. Le système de monitoring des politiques sociales européennes peut-il être « transférable » dans la zone euromed ? Promouvoir la dimension sociale du Partenariat figure parmi les engagements clés des accords d’association et de la Politique européenne de voisinage (PEV). Les échanges internationaux permettant de déterminer comment mettre en œuvre au mieux les différentes facettes de la politique de l’emploi, tant au niveau technique que sur le plan politique sont également au programme. Dans cette perspective, aujourd’hui et quatorze ans après son lancement, le système de monitoring des politiques sociales européennes peut-il être un point de repère, un réel modèle dans le domaine de suivi des politiques sociales et des politiques de l’emploi dans la région euro-méditerranéenne ? Dans les documents de référence de la politique euro-méditerranéenne, il est fait souvent état du suivi du développement social et des questions de l’emploi. Mais ce suivi est resté lettre morte. Cette insuffisance du suivi des politiques sociales est d’autant plus préjudiciable que le processus de divergence entre les deux rives () Au moment de l’élargissement, une première fois à 25 membres en 2004 et ensuite à 27 en 2007, la procédure de préparation élaborée et approfondie à l’adhésion à part entière à la SEE – au travers des plans d’action conjoints – a réellement facilité l’intégration des nouveaux États membres. 162 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… de la Méditerranée semble s’approfondir. Il est donc nécessaire de renforcer le cadre de la coopération et du Partenariat en mettent en place un dispositif et des indicateurs de suivi qui contribueraient à harmoniser les politiques sociales et à examiner leurs effets sur le moyen et long terme. En effet, depuis quelques années, et après période de croissance lente et heurtée, les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM) connaissent des taux de croissance du PIB réel de près de 6 % en moyenne contre 3,6 % sur la décennie 1990. Dans les prochaines années, la région risque de souffrir de la crise financière. Le ralentissement américain et européen pèsera sur les exportations de la région. Mais à long terme, les projections de la Banque mondiale, comme celles du CEPII, misent sur une progression du PIB de 3,5 % à 4 % par an en moyenne d’ici 2030 (). Toutefois, cette progression, même si elle se situera à un niveau moyen plus élevé que celui de la zone euro, ne conduira pas nécessairement à une convergence des niveaux de vie entre les deux rives de la méditerranée. 2.1. Le processus de convergence-divergence dans la zone EuroMed La question des liens entre la mise en œuvre de la politique euro-méditerranéenne et la convergence des niveaux de vie entre les deux rives est l’une des plus controversées qui soit, parce que s’opposent des visions simplistes au gré desquelles l’insertion internationale serait, pour l’une, la garantie du développement, et pour l’autre l’assurance de la paupérisation. La réalité est plus nuancée. Elle est surtout plus complexe, pour deux raisons. La première est qu’il est artificiel de vouloir résumer par quelques indicateurs simples un ensemble de trajectoires nationales. Les avocats de la thèse de la convergence mettent en avant les succès des pays qui sont parvenus à effectuer un léger rattrapage économique ou plutôt une réduction des écarts de niveau de vie. Au fait le nombre de ces pays est réduit pour ne pas dire limité à un ou deux pays (Tunisie, Jordanie). Les critiques de cette thèse de la convergence mettent en exergue l’appauvrissement d’autres pays qui ont vu leur revenu stagner ou baisser. Les uns et les autres ont raison. L’observateur objectif doit relever que le rattrapage est soumis à un ensemble de conditions touchant à l’épargne, à l’effort d’éducation, à la qualité des institutions nationales, ou à la distribution du revenu, que beaucoup de pays en développement ne remplissent pas. Plusieurs éléments vont dans le sens d’une convergence des deux rives, d’autres vont dans le sens de la divergence : •Une certaine modernisation des structures politiques, administratives et économiques au Sud ; ces pays ont dans l’ensemble réussi à maîtriser leur inflation et stabilisé leurs cours de change ; ils connaissent un début de décentralisation, par exemple au Maroc. () Ces projections se fondent sur une croissance potentielle calculée sur l’hypothèse d’une forte dynamique démographique, d’une faible hausse de la productivité, d’une accumulation un peu plus soutenue de capital physique (investissements) et enfin d’un rattrapage technologique (capacité à utiliser des technologies modernes) moins rapide que celui des zones émergentes. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 163 •Une croissance significative du PIB depuis 50 ans, qui aura évité un trop grand décrochage du Sud vis-à-vis de la rive nord. Désormais, la vraie discontinuité économique oppose moins le Nord et le Sud de la Méditerranée que le Nord et le Sud du Sahara. •Les indicateurs sociétaux de la rive sud (espérance de vie, fécondité…) se rapprochent rapidement de ceux du Nord. •Pour un grand nombre d’indicateurs des flux commerciaux, financiers et de personnes, la région atteste un fort degré d’intégration intra zone. Au Sud de la Méditerranée, la part de l’Europe occidentale dans le tourisme, le commerce, les IDE, les créances bancaires (celles sur les PPM sont majoritairement ouest européennes, jusqu’aux deux tiers dans le cas du Maghreb), ou dans les remises migratoires, est toujours de l’ordre de 50, 60, et même 70 % par exemple pour ce qui concerne le commerce extérieur des pays du Maghreb. L’influence américaine est infiniment plus faible, sauf en matière de vente d’armes, d’IDE dans les hydrocarbures et d’aide publique. •Les firmes du Nord sont en train de comprendre l’intérêt d’un système productif Nord-Sud : agriculteurs, industriels, services (call centers…) nouent des partenariats débutants. •Le processus de Barcelone a créé de réelles habitudes de travailler ensemble, et a produit des diagnostics partagés sur l’état de la région. C’est déjà une base importante. D’autres éléments vont plutôt dans le sens de la divergence : • L’écart entre les deux rives s’accroît dans le domaine de la formation. Le Sud retarde ainsi son entrée dans l’économie de la connaissance En comparaison avec l’Amérique latine et l’Asie orientale en développement, la faiblesse de la formation est le grand point faible des pays sud méditerranéens. •Si l’on excepte les toutes dernières années pour les pays producteurs d’hydrocarbures, la croissance économique de la rive sud s’est ralentie depuis les années 1980. Le différentiel de PIB par habitant s’accroît entre les deux rives. Certains domaines sensibles comme les dépenses de santé atteignent un différentiel non soutenable. •La modernisation du secteur privé (notamment Algérie, Syrie, Libye mais pas seulement) n’a pas suffisamment accompagné les politiques d’ajustement et de désétatisation de l’économie. •En dépit du récent mouvement d’investissement vers le Sud, les retards de la réforme au Sud et la vision insuffisamment stratégique du Nord vis-à- vis de son voisinage méditerranéen, se traduisent par une grande faiblesse des investissements transméditerranéens et notamment du Nord vers le Sud. Or la modernisation du système productif passe par le transfert de technologies et de méthodes modernes qui elles-mêmes doivent passer par les investissements transnationaux. 164 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… •Les secteurs d’investissement et les bases du revenu au Sud restent dominés par les secteurs de rente (hydrocarbures et autres matières premières, tourisme, immobilier…). •Ces pays gardent dans l’ensemble des régimes autoritaires, qui organisent le partage des rentes du pays, s’appuient sur des élites nationales qui ont tout intérêt au statu quo, à l’absence de transparence et d’Etat de droit, ainsi que sur des partenaires européens (publics ou privés) qui contribuent à perpétuer un système dont ils tirent un certain parti alors mêmes qu’ils professent la démocratie et la transparence comme des « universels ». Toujours est-il que si l’approche de la convergence/divergence est complexe, l’observation de l’évolution des taux de croissance par tête d’habitant sur la période 1995-2007 montre que le gap entre les pays du Nord et les pays du Sud se creuse (). 2.2. Le monitoring dans la politique euro-méditerranéenne : des annonces non suivies de dispositifs pertinents Dans les documents de référence de la politique euro-méditerranéenne, il est fait souvent état du suivi du développement socio-économique et des questions de l’emploi. Mais ce suivi est resté lettre morte. Ainsi, le Programme de travail quinquennal de Barcelone mentionne dans plusieurs points, la nécessité de l’appui de l’UE aux politiques de l’emploi et de la formation dans les PSEM, parfois même avec des objectifs concrets : « Dans le but de favoriser dans l’ensemble de la région la création d’un plus grand nombre d’emplois pour le nombre croissant de jeunes et de réduire les niveaux de pauvreté régionaux et les écarts de prospérité, ainsi que d’augmenter les taux de croissance du PIB, les partenaires euro-méditerranéens prendront des mesures visant à : a) créer un climat plus favorable aux entreprises et en particulier aux PME, notamment en allégeant les entraves réglementaires et administratives à la création et à l’exploitation d’une entreprise, ainsi qu’en réduisant le délai nécessaire pour créer une nouvelle entreprise ; b) faciliter l’accès du secteur privé au crédit bancaire en consolidant et en libéralisant le secteur financier, en renforçant la surveillance financière et en facilitant la coopération entre les institutions financières ; c) améliorer la gestion et renforcer les institutions publiques ; d) consolider la stabilité macroéconomique et améliorer la gestion des finances publiques ; e) renforcer les systèmes de protection sociale afin de garantir un niveau de vie minimal pour les plus vulnérables ; () Voir CREMed (2009) : « Convergences et divergences économiques des pays du Sud de la Méditerranée avec l'Union européenne » dans Med 2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 117-126, IEMed et Fondatió CIDOB, Barcelone, http ://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr117.pdf. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 165 f ) développer les capacités nationales en matière de recherche et d’innovation scientifique et technique afin de mettre en place une société fondée sur la connaissance grâce à une coopération accrue avec les institutions et les programmes européens concernés et à un accès renforcé à ceux-ci ; g) améliorer l’intégration socio-économique, notamment afin de faire face aux conséquences sociales des restructurations sectorielles ; h) augmenter sensiblement le pourcentage de femmes exerçant un emploi dans tous les pays partenaires EuroMed ; i) améliorer la productivité de la main-d’œuvre en élargissant l’accès à la formation professionnelle et technique et favoriser les transferts de technologie depuis les pays partenaires européens ; renforcer le rôle du secteur privé dans le financement et la formation sur le lieu de travail ; j) accroître l’investissement national dans la région, ainsi que sa part de l’investissement étranger direct à l’échelle mondiale, en particulier dans les secteurs non pétroliers, en améliorant entre autres le climat d’investissement dans la région et en appuyant les efforts déployés pour attirer des investissements étrangers et nationaux qui contribuent à la création de nouveaux emplois dans la région ; k) augmenter le pourcentage de travailleurs occupés dans le secteur privé ; l) intensifier, grâce à une assistance financière dans des domaines d’intérêt commun, la coopération régionale ou sous-régionale nord-sud et sud-sud Afin de favoriser la réalisation de ces objectifs, les partenaires euro-méditerranéens : a) augmenteront sensiblement le financement affecté à l’enseignement dans la région méditerranéenne, à travers des programmes d’assistance de l’UE et les programmes nationaux des partenaires méditerranéens, et feront de l’éducation un secteur prioritaire dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat ; b) porteront les taux d’inscription à un niveau plus élevé en ouvrant de nouvelles écoles et en remettant à niveau les écoles existantes, ainsi qu’en adoptant des mesures visant à stimuler la demande et notamment à accroître la participation des communautés locales ; c) élargiront et amélioreront, dans l’ensemble de la société, les programmes d’élimination de l’analphabétisme et d’éducation des adultes, en accordant une attention particulière aux femmes ; d) élargiront et amélioreront les possibilités de formation des jeunes filles et des femmes, qui constituent un droit fondamental ; e) amélioreront la qualité de l’enseignement primaire et secondaire, ainsi que l’adéquation de cet enseignement au marché du travail, en rendant le système scolaire plus efficace, en mettant l’accent sur les aptitudes, l’innovation et l’auto-apprentissage, en assurant une formation continue du personnel enseignant, en veillant à un usage judicieux du matériel pédagogique, des technologies de l’information et de l’apprentissage en ligne, et en contrôlant l’assurance de la qualité, notamment au travers d’un soutien à la participation aux évaluations organisées à l’échelle internationale (3e étude internationale sur les mathématiques et les sciences – TIMSS – par exemple) ; f ) soutiendront les réformes de l’enseignement technique et de la formation professionnelle pour tenir compte du marché, ainsi que la participation des entreprises du commerce et de l’industrie et la rationalisation des qualifications ; g) renforceront les capacités des universités et des établissements d’enseignement, supérieur, y compris en encourageant leur mise en réseau dans la région euroméditerranéenne, et amélioreront l’adéquation de leurs programmes aux besoins du marché du travail et à la société de la connaissance ; 166 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… h) instaureront une norme de qualification en matière de formation universitaire reconnue dans l’ensemble de la région euro-méditerranéenne, encourageront l’enseignement à distance, ainsi que les communications électroniques, et favoriseront les échanges d’étudiants ; i) élargiront l’accès à Internet et constitueront une bibliothèque virtuelle afin de mettre les manuels, les ouvrages de référence, les publications et les documents à la disposition du plus grand nombre, y compris en langue arabe originale et au moyen de traductions de l’arabe vers les langues européennes et inversement. » Par ailleurs, dans le document de stratégie reprenant la communication de la Commission sur la Politique Européenne de Voisinage (), la Commission met en exergue que la PEV apporte une valeur ajoutée, allant au-delà de la coopération existante, tant pour les pays partenaires que pour l’UE. Cette valeur ajoutée prend plusieurs formes, entre autres : • La mise en œuvre de la PEV entraîne avec elle la perspective de s’acheminer, au-delà de la coopération à un degré important d’intégration. Elle permettra également d’éviter tout sentiment d’exclusion qu’aurait pu susciter l’élargissement et donner l’occasion d’en partager les bénéfices. • La PEV permettra d’encourager les réformes qui apporteront des avantages en termes de développement économique et social. La convergence de la législation économique, l’ouverture des économies partenaires les uns aux autres, et la réduction continue des barrières commerciales stimuleront l’investissement et la croissance et réduire le chômage. Les documents d’orientation de la Politique européenne de voisinage mettent l’accent sur : • La démocratie, le pluralisme, le respect des droits de l’Homme, des libertés civiles, de l’État de droit et des normes fondamentales du travail comme conditions préalables à la stabilité politique ainsi qu’à un développement socio-économique pacifique et durable. • La nécessité de réduire la pauvreté et de créer un espace de prospérité et de valeurs partagées fondé sur une intégration économique accrue, des relations politiques et culturelles plus intenses, une coopération transfrontalière renforcée et un partage des responsabilités entre l’UE et ses partenaires en matière de prévention des conflits. • La subordination de l’offre d’avantages concrets et de relations préférentielles formulés par l’UE aux progrès réalisés par les pays partenaires en matière de réforme politique et économique et l’inscrire dans un cadre différencié. • Une approche en matière de réforme conditionnée, différenciée et progressive, fondée sur des plans d’action nationaux et régionaux dotés d’objectifs et de critères de référence clairs et publics, définissant ce que () European Commission (2004), European Neighbourhood Policy Strategic Paper, COM(2004)373 final, Bruxelles 12.5.2004. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 167 l’UE attend de ses partenaires. Ces critères comprennent la ratification et la mise en œuvre d’engagements internationaux démontrant le respect des valeurs communes et, plus particulièrement, des valeurs codifiées dans la Déclaration des droits de l’Homme des Nations unies ainsi que dans les normes de l’OSCE et du Conseil de l’Europe. Ces plans d’action pourraient être complétés par des programmes sectoriels plus détaillés. • La nécessité de développer une société civile florissante afin de favoriser les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression et d’association. • La lutte contre la corruption, le renforcement de l’État de droit et l’indépendance du système judiciaire. • L’objectif à long terme de la libre circulation des personnes ; la nécessité d’envisager l’extension des régimes d’exemption de visa. Les Plans d’action devaient définir des priorités et des points focaux pour la mise en œuvre des accords existants. Les Plans d’action couvrent deux grands domaines : premièrement, les engagements dans des actions spécifiques qui confirment ou renforcent l’adhésion à des valeurs communes et à certains objectifs dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, d’autre part, les engagements dans des actions qui rapprocheront les pays partenaires à l’UE en un certain nombre de domaines prioritaires. Ces plans d’action devaient définir des actions-clés dans un nombre limité de domaines qui doivent être traités comme une priorité particulièrement élevé, ainsi que des actions dans un large éventail de domaines, correspondant à la portée des accords bilatéraux en vigueur. Ces priorités d’action seront aussi précises que possible, compte tenu du thème abordé et constitueront dès lors des critères de référence qui peuvent être surveillés et évalués. Dans ces Plans d’action, le renforcement du dialogue et de coopération sur la dimension sociale devait couvrir en particulier le développement socio-économique, emploi, politique sociale et les réformes structurelles. L’UE encouragera les efforts consentis par les gouvernements partenaires pour réduire la pauvreté, créer des emplois, la promotion des normes fondamentales du travail et du dialogue social, réduire les disparités régionales, améliorer les conditions de travail, renforcer l’efficacité de l’aide sociale et réformer les systèmes nationaux de protection sociale. L’idée est d’engager un dialogue sur l’emploi et la politique sociale en vue de développer une analyse et une évaluation de la situation, d’identifier les principaux défis et de promouvoir des réponses politiques. Lorsque le processus de suivi fait état de progrès significatifs dans la réalisation des priorités qui ont été réglés, ces incitations pouvaient être révisées, en vue de prendre de nouvelles mesures sur la voie à une plus grande intégration avec le marché intérieur et d’autres politiques clés de l’UE. Le suivi de la politique de voisinage devait se faire au sein des organes mis en place dans le cadre du Partenariat et des accords de coopération ou d’association. Celles-ci ont l’avantage de réunir des représentants des pays partenaires, les États membres, la Commission européenne et le secrétariat du Conseil. Le suivi dans ce contexte devrait renforcer l’appropriation commune. Les pays partenaires devaient être invités à fournir des informations détaillées en tant que base de cet exercice de suivi conjoint. Les 168 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… sous-comités, chargés de mettre l’accent sur des questions spécifiques, ainsi que les dialogues politiques, devaient être particulièrement utiles pour le suivi. La Commission s’est engagée à établir des rapports périodiques sur les progrès et les domaines nécessitant des efforts supplémentaires, compte tenu des évaluations faites par les autorités du pays partenaire. « Les plans d’action seront réexaminés et peuvent être adaptés à la lumière des progrès accomplis vers la réalisation des priorités d’action. Il est suggéré qu’un rapport d’évaluation à miparcours soit établi par la Commission, avec la contribution du Haut représentant pour les questions liées à la coopération politique et à la PESC, dans les deux ans suivant l’approbation d’un plan d’action et un nouveau rapport dans les trois ans. Ces rapports peuvent servir de base au Conseil de décider de la prochaine étape dans les liens contractuels avec chaque pays partenaire. Ces dernières pourraient prendre la forme d’accords européens de voisinage dont la portée sera définie à la lumière des progrès réalisés dans le respect des priorités énoncées dans les plans d’action ». A la lecture des rapports de la Commission Européenne sur la mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage, on constate que la démarche de monitoring proposée par la Commission est restée lettre morte. Ces rapports se limitent à prendre acte des évolutions de la politique de l’emploi et de la politique sociale dans les pays partenaires. A titre d’exemple, le rapport sur la Tunisie de 2008 se limite à faire un suivi de quelques aspects de la politique sociale en relevant des faits ou des décisions qui ont traits au domaine social. Ainsi, le document en question fait référence à une série de dispositions dont notamment : • La tenue de la réunion du groupe de travail sur les affaires sociales, tout en relevant les interruptions qui ont caractérisé les réunions de cette instance. Ce qui signifie par ailleurs, que le dialogue sur les grands chantiers de réforme sociale n’est pas régulier. • La poursuite de la lutte contre la pauvreté en soulignant la création d’infrastructures de base dans les zones rurales et très défavorisées, le soutien à la création d’entreprises ainsi que la promotion de l’investissement dans ces régions défavorisées. • Les efforts déployés en vue de résorber le chômage : modernisation du système éducatif afin de juguler le chômage des jeunes et jeunes diplômés, (phénomène qui reste prépondérant : plus de 25 % pour certaines catégories de diplômés) et l’annonce des réformes approfondie de la politique de l’emploi afin de mieux répondre aux besoins du marché, ainsi qu’un programme de formation des demandeurs d’emplois. • L’entrée en vigueur de la deuxième étape de la réforme de l’assurance- maladie concernant la prise en charge des soins ambulatoires. Un autre exemple, celui du rapport consacré à la mise en œuvre de la politique de voisinage au Maroc (2008) confirme que le suivi de l’application de cette politique reste rudimentaire. Tout au plus, le relevé des mesures sociales prises Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 169 par le Maroc est suivi de commentaires laconiques sur l’ambition des politiques sociales, une allusion aux obstacles auxquelles elles sont confrontées et une appréciation, tout aussi rapide sur le niveau et l’efficacité de la coopération. Ainsi est-il souligné dans ce rapport que « Le gouvernement marocain a continué à appliquer une politique volontariste et ambitieuse en matière sociale et de réduction des déficits sociaux ». Le rapport note que la situation sociale demeure préoccupante malgré une diminution du taux de pauvreté à 9 % (2,8 millions de personnes) et que le Maroc doit faire face à un climat social difficile. Ce constat est suivi de quelques suggestions : la nécessité d’une réflexion sur la réforme de la caisse des compensations et un meilleur ciblage des subventions afin de lutter efficacement contre la pauvreté. Ces appréciations sur la chronique conjoncturelle de la situation sociale est suivi d’une appréciation générale sur les politiques mises en œuvre avec le soutien de la Commission européenne, notamment l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), tout en soulignant au passage que la réduction de la pauvreté reste encore trop fragmentée et souffre d’un manque de convergence entre les programmes sectoriels. En matière d’emploi, le rapport de suivi égrène les dernières données statistiques sur l’emploie et le chômage, précisant, par ailleurs, que le « Maroc reste confronté au sous-emploi des jeunes, y compris des jeunes diplômés, ce qui entraîne une fuite des cerveaux. » Un relevé des mesures prises en matière de dialogue social, de protection et d’inclusion sociale et de développement durable est présenté sans aucun commentaire sur leur nature Le même constat peut être fait à la lecture des rapports consacrés à la Jordanie ou à l’Egypte. La démarche de ces rapports est la même pour tous les pays partenaires. La consultation du rapport de suivi de ces pays frappe aussi par leur « indigence », sinon leur faiblesse en matière de suivi de la coopération dans le domaine de l’emploi et de la politique sociale. Pourtant la Commission européenne a non seulement défini un cadre de suivi mais elle a déployé des efforts notables pour sa mise en œuvre dans le domaine des droits de l’homme. En effet, le 21 mai 2003, la Commission européenne a publié une communication au Conseil et Parlement européen sur « Les orientations stratégiques pour donner une nouvelle impulsion aux actions menées par l’Union européenne (UE) dans le domaine des droits de l’Homme et de la démocratisation, en coopération avec les partenaires méditerranéens ». Le document traite des droits de l’Homme dans le cadre du processus de Barcelone sous un angle bilatéral et régional et contient une série de recommandations concrètes pour que l’UE agisse afin d’améliorer la situation. Il s’agit notamment de l’inclusion systématique par l’UE des questions liées aux droits de l’Homme et à la démocratie dans tous les dialogues qui se déroulent sur une base institutionnelle. Pour veiller à la réalisation effective de cet objectif, un monitoring a été mis en place à travers : • L’établissement, dans le cadre des accords d’association et plus tard des accords de voisinage, de groupes de travail sur les droits de l’Homme 170 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… traitant des réformes juridiques et des cadres juridiques régissant le fonctionnement des ONG et d’autres acteurs non étatiques en tant qu’élément inhérent à ces accords. • La rédaction d’un « état des lieux » dans chaque pays sur la base d’une grille d’analyse standard, régulièrement mis à jour au moyen de rapports périodiques. Cette analyse serait destinée traduite en propositions concrètes dans les divers cadres de dialogue. • Une approche plus cohérente ainsi que le renforcement de la coordination entre les partenaires impliquant, en particulier, un rôle plus actif de l’UE dans la mise en œuvre des résolutions et des recommandations des Nations unies dans le domaine des droits de l’Homme. • Le dialogue avec la société civile au niveau national à travers l’organisation d’ateliers réguliers. • L’élaboration de plans d’action nationaux pour les droits de l’Homme concernant notamment les réformes du cadre légal et administratif, la mise en œuvre des traités relatifs aux droits de l’Homme, l’adhésion aux instruments internationaux et le renforcement de la participation et des capacités des ONG. Ces plans devraient comporter des points d’action spécifiques accompagnés de critères de performance mesurables, d’échéances claires et déterminer les ressources financières nécessaires. • L’élaboration de plans d’action régionaux ou sous-régionaux lorsque deux partenaires au minimum souhaitent approfondir la coopération, par exemple dans le domaine des droits des femmes ou de la justice. • L’intégration plus étroite de la promotion de la bonne gouvernance, des droits de l’Homme et de la démocratie dans les programmes MEDA Une mesure d’incitation financière (pas nécessairement liée directement aux droits de l’Homme) pourrait être réservée aux partenaires mettant en œuvre de tels programmes. • Un soutien, au niveau régional, à la promotion des droits de l’Homme et la participation de la société civile ainsi qu’un soutien en faveur d’un impact accru des réunions du Forum civil EuroMed. • Le renforcement de la stratégie régionale de l’IEDDH afin d’accroître les capacités de la société civile au niveau régional et d’améliorer la complémentarité entre MEDA et l’Initiative pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (IEDDH). Ce dispositif de veille et de suivi pourrait être dupliqué dans les domaines des droits humains en l’étendant aux domaines sociaux couverts par la politique euro-méditerranéenne. Cela exige d’élaborer une méthodologie de suivi pertinente et un ensemble d’indicateurs de suivi de ces politiques. C’est en ce sens où l’expérience de la méthode de coordination ouverte mise en place dans le cadre du processus d’harmonisation des politiques sociales européennes peut être une source d’inspiration pour la conception d’un dispositif de suivi de ces politiques dans le cadre du Partenariat. Toutefois, la réussite de cette démarche est liée à la capacité des acteurs à lever des contraintes à sa mise en œuvre. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 171 3. Les contraintes à la mise en œuvre d’une stratégie de monitoring à l’échelle méditerranéenne L’élaboration des indicateurs euro-méditerranéens de suivi des politiques d’emploi implique la nécessité de se pencher sur une contrainte méthodologique qui ne peut être ignorée dans le contexte euro-méditerranéen : celle de la comparabilité. 3.1. La contrainte de la comparabilité et la nature des indicateurs Cette contrainte implique de considérer deux propriétés des indicateurs : leurs caractères empirique et normatif. La distinction des finalités des indicateurs a des répercussions importantes sur les indicateurs significatifs des politiques d’emploi car chacun de ces groupes d’indicateurs s’ancre dans un contexte normatif spatial, socio-politique et légal différent (l’Union européenne et les États partenaires) ce qui a des implications notamment sur le niveau de comparabilité que l’on peut leur attribuer. Etant donné l’absence actuelle d’un système de statistique sociale qui soit généralement reconnu sur un plan conceptuel toute liste d’indicateurs est à un certain degré d’un caractère purement conventionnel. Le format (domaine, structure) d’une telle liste reflète plus la vision et la compréhension qu’ont ses auteurs des statuts, actions et processus sociaux et dés lors détermine la définition des domaines pertinents et du détail des informations permettant de caractériser des comportements. La question se pose donc : quand un indicateur peut-il être considéré comme réellement comparable ? Par indicateur l’on entend généralement un nombre unique qui représente plus ou moins valablement sous un angle statistique un certain champ de la réalité sociale ou économique, du moins idéalement. Il s’agit de définir des « indicateurs clés » qui sont par essence supérieurs aux indicateurs communs grâce à la concentration du pouvoir d’information qu’ils portent en raison de leur provenance de contextes plus systématiques. Cette vision idéalisée doit cependant être tempérée par certains traits qui sont propres aux indicateurs et au contexte de leur utilisation. En replaçant ces indicateurs dans le contexte qu’ils sont supposés éclairer par leur pertinence un certain nombre de caractéristiques propres peuvent être déterminées quant à leurs finalités. D’une manière générale en termes d’indicateurs, une distinction s’établit en fonction du niveau d’utilisation de l’indicateur, c’est-à-dire du pouvoir informatif qu’il représente. Les indicateurs utilisés dans le contexte national sont déterminés par chaque Etat partenaire en fonction de ses objectifs propres à chacun d’eux et des objectifs communs. La dualité des objectifs poursuivis implique deux contextes différents à l’utilisation de l’information apportée par l’indicateur : – d’une part, un contexte national où il s’agit de disposer d’indicateurs apportant l’information pertinente pour évaluer la situation de l’emploi 172 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… dans le pays ainsi que pour évaluer l’efficacité des politiques mises en œuvre dans le plan national de lutte contre le chômage ; – d’autre part, un contexte euro-méditerranéen pour lequel il faut également déterminer un groupe restreint d’indicateurs qui apportent de l’information sur la situation du pays dans l’espace euro-méditerranéen et sa progression dans la réalisation des objectifs communs. A cette distinction des contextes d’information il faut rajouter une distinction d’objet s’appliquant à chacun de ces contextes. Dans chacun d’entre eux il est question d’information sur la situation relative en la matière et d’information servant à l’évaluation des politiques. Il convient donc de faire la différence entre les indicateurs à vocation scientifique ou descriptive, fournissant des informations permettant de mieux comprendre les phénomènes de la pauvreté et l’exclusion sociale dans leurs multiples dimensions et dynamiques, et les indicateurs utilisés à des fins d’évaluation des politiques sociales menées pour lutter contre l’exclusion ou favoriser l’inclusion. Ces deux types d’indicateurs, ou plutôt ces deux valeurs différentes de l’interprétation de l’information, sont distincts en termes de finalités mais ils sont néanmoins hautement complémentaires. Les indicateurs scientifiques, outre la caractérisation et la compréhension des situations en jeu, tendent à définir une typologie de groupes sociaux qui, caractérisés par leurs positions respectives par rapport à certaines variables-clés utilisées pour distinguer la population des pauvres et/ou précaires des non pauvres, à savoir essentiellement dans la pratique courante le revenu et la position sur le marché du travail, sont en situation ou présentent une vulnérabilité à la pauvreté et l’exclusion sociale. Les indicateurs « politiques » utilisent les groupes sociaux mis ainsi en évidence pour déterminer les cibles privilégiées des politiques à adopter pour la lutte contre l’exclusion, ventilées selon les niveaux de compétences des administrations concernées par les domaines d’action de la politique sociale, mais aussi pour évaluer l’effet de ces politiques en fonction de l’accroissement ou de la diminution du nombre d’individus présents ou susceptibles d’entrer dans ces groupes particuliers du corps social. Deux options nous ramenant à la distinction entre indicateurs scientifiques et politiques peuvent être considérées dans l’usage qui est fait des indicateurs : • soit il s’agit uniquement d’utiliser l’indicateur pour des raisons d’information descriptive à caractère scientifique, alors la distinction du caractère normatif ou empirique importe peu si l’indicateur est ressenti comme significatif, notamment parce qu’il repose sur des définitions ; • soit il est utilisé pour des raisons pratiques liées à des mesures politiques et alors il doit être examiné sous l’angle de son homogénéité interne, de sa dépendance par rapport à ses éléments constituants, notamment afin de démontrer sa stabilité suffisante dans le temps. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 173 Donc le diagnostic d’un certain état du marché du travail par exemple n’est pas une information suffisante, elle peut même être trompeuse, c’est le niveau des composants impliqués dans la construction de l’information que reflète l’indicateur qui doit être pris en compte en ce qu’il explique ce qui en sort, le résultat, chacun des composants étant homogène en soi. En d’autres termes c’est le niveau auquel une action de l’indicateur est attendue qui est le bon pour la comparaison, son niveau d’action pratique, or ce niveau est souvent très dépendant du contexte qui génère l’indicateur. L’efficacité d’une politique sociale est tributaire du contexte légal et structurel dans lequel elle s’inscrit, et ce contexte est actuellement exclusivement national, voire régional. Si l’Euro-Méditerrannée était une entité dotée d’un ordre légal uniforme soustendu par une culture sociale et des valeurs homogènes d’une extrémité à l’autre de son étendue il n’y aurait pas lieu de se poser de telles questions. En réalité à ce stade il n’y a pas un système normatif euro-méditerranéen qui est mise en place, surtout pour ce qui est de l’ordre social. Les indicateurs politiques peuvent donc difficilement être extraits de leurs contextes, sauf s’ils reposent sur des normes et définitions communes largement acceptées par tous les acteurs impliqués dans le processus de comparaison. Ils sont acceptables comme point de départ mais qui ne peut tirer sa légitimité qu’en combinaison avec d’autres informations nécessaires pour regarder sous la surface de l’indicateur, profondeurs faites de données numériques et méthodologiques sur les ramifications conceptuelles de cet indicateur. De cette façon la comparabilité prend une signification allant au delà de simples ajustements de définitions. De telles difficultés méthodologiques dans la comparabilité sont généralement laissées au bord de la route du pragmatisme, qui incite à ignorer ce type de considérations. Les indicateurs qui sont ou qui seront retenus comme utilisables dans un processus de benchmarking contiennent partiellement ou complètement des composants normatifs sans prise en considération véritable des conséquences de ce caractère normatif, notamment en termes de comparabilité à l’échelle euroméditerranéenne. Les étalons ou benchmarks sont subjectivement définis et présentés dans le contexte régional comme purement empiriques et ne contenant pas d’éléments normatifs (c’est notamment le cas de manière évidente pour les variables de chômage) ou impliquant que ce contenu normatif ne présente plus de différences voire n’a plus de signification aujourd’hui (dans beaucoup de variables sociodémographiques), contournant ainsi l’épineux problème de la normativité sans vraiment pouvoir le résoudre. Toutefois l’on pourrait considérer que cette normativité s’exprime constamment dans la pratique courante au niveau des Etats membres de l’utilisation de normes et indicateurs différents selon qu’ils s’expriment au niveau national ou européen. Le problème se pose à plus forte raison dans le cadre Euro-Méditerranéen. Il faut donc garder un point de vue relatif sur la comparabilité réelle des indicateurs, tout comme il convient de garder à l’esprit qu’ils ne sont bien souvent 174 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… que des approximations relatives et variables selon les sources utilisées et leurs qualités et défauts intrinsèques. Un autre point qu’il est nécessaire d’évoquer car il conditionne l’attente en termes d’indicateurs est celui de l’orientation conceptuelle largement économique sous tendant le processus de Benchmarking et qui n’est pas sans poser problème lorsqu’il s’agit de l’appliquer au domaine social, et spécialement au champ de la pauvreté et l’exclusion sociale. Le décalage pouvant exister au niveau de la perception et de la méthodologie retenue entre cette vision économique, en termes de comparaison de « performances » et d’« objectifs » s’appuyant sur des indicateurs communs issus d’une relativement longue pratique commune, et son application au domaine social est évident. Les statistiques sociales sont bien souvent balbutiantes, particulièrement pour l’emploi, elles doivent encore parcourir une grande partie du long chemin de convergence qui a mené à une certaine standardisation consensuelle de la statistique économique. La demande pressante d’indicateurs sociaux existant à l’heure actuelle s’appuie sur l’attente, légitimée par les méthodes et processus ayant guidé la convergence économique, de pouvoir assez rapidement définir des indicateurs communs provenant de sources fiables et à périodicité rapide. Or l’état des sources et systèmes statistiques concernant l’information sur l’emploi est loin d’en être au point atteint par la statistique économique. De grandes attentes pour les statistiques sociales se fondent sur l’évolution rapide que connaissent les possibilités de mise en relation des sources informatisées. Se pose aussi le problème de la définition des pays ou ensembles de référence pour établir l’étalonnage. A qui se comparer pour l’aspect du social et non plus seulement de l’économique ? Il est certain que la comparaison des performances se fera prioritairement entre les États partenaires. Mais la diversité des conceptions en matière de social entre les États partenaires actuels rend les comparaisons difficiles. 3.2. La contrainte institutionnelle du monitoring La Stratégie européenne de l’emploi s’appuie sur un dispositif institutionnel qui lui assure une crédibilité. Elle s’appui tout d’abord sur un consensus politique qui s’est fait jour, dans les années 90, pour désigner la nature structurelle du problème de l’emploi en Europe et la nécessité d’accroître l’intensité de la croissance de l’emploi. De plus, la politique de stabilisation monétaire, visant à ouvrir la voie à l’Union économique et monétaire (UEM), ainsi que la nature commune des défis en matière de taux d’emploi et de diminution du chômage, appelaient à une meilleure coordination des efforts de la politique de l’emploi à l’échelon européen. Le débat qui s’est ouvert dans le cadre de la négociation du Traité de Maastricht (1992), qui a renforcé la dimension sociale du modèle européen à travers un Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 175 protocole social, a conduit, lors du Conseil européen d’Amsterdam (1997) à un accord sur de nouvelles dispositions en matière d’emploi dans le traité. Tout en confirmant la compétence des États membres dans le domaine de la politique de l’emploi, cette matière a été déclarée question d’intérêt commun à l’article 126 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) et les États-membres ont été invités à élaborer une stratégie de l’emploi coordonnée à l’échelon de l’UE. Largement inspiré par les dispositions du traité relatives à la coordination des politiques économiques et par la coordination des politiques de l’emploi lancée lors du Conseil européen d’Essen en 1994, le nouvel article 128 du TCE a mis en place un cadre pour l’élaboration de politiques nationales d’emploi sur la base de priorités et d’intérêts européens partagés. La mise en œuvre de la SEE a permis une série d’approches diversifiées et a préconisé la participation de tous les acteurs concernés, notamment au niveau de gouvernements nationaux, des institutions européennes, des partenaires sociaux, de la société civile et des milieux académiques, etc., et ce conformément à la grande diversité des structures institutionnelles et des pratiques de dialogue social au niveau national. Cette ouverture du processus de coordination a notamment abouti à inviter les partenaires sociaux au niveau national et européen à élaborer des actions spécifiques et des initiatives destinées à développer la participation au niveau régional et local. Depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, le Parlement européen et les autres institutions communautaires, ainsi que le comité de l’emploi ont également pris une part active dans l’élaboration des lignes directrices pour l’emploi. Anticipant l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, le sommet de Luxembourg sur l’emploi (novembre 1997) a lancé la mise en œuvre de la nouvelle méthode ouverte de coordination inscrite à l’article 128 du traité en adoptant les premières lignes directrices pour l’emploi. Ces dernières ont été présentées dans quatre volets d’action intégrés, les piliers des lignes directrices pour l’emploi : la capacité d’insertion professionnelle, l’esprit d’entreprise, l’adaptabilité et l’égalité des chances. Ces actions constituent une réponse globale aux défis de l’emploi en intégrant les mesures essentielles axées sur l’offre et la demande. Si le Traité d’Amsterdam ne modifiait pas le principe de base de la compétence exclusive des États membres dans le domaine de la politique de l’emploi, il a toutefois renforcé le rôle du Conseil et de la Commission européenne, dotant ces deux institutions de nouvelles missions et d’instruments efficaces. Il a par ailleurs associé plus étroitement le Parlement européen au processus décisionnel. L’inclusion du protocole social dans le traité a aussi donné aux partenaires sociaux davantage de responsabilités, leur permettant de renforcer leur participation au processus. Il a souligné que l’emploi est une question « d’intérêt commun ». Les États membres se sont engagés à coordonner leurs politiques de l’emploi à l’échelon européen. En outre, la façon dont les mesures en faveur de l’emploi sont mises en œuvre dans un pays influence inévitablement les paramètres de la politique de l’emploi d’autres États membres. 176 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Il a contraint les États membres et l’Union à œuvrer en faveur d’une stratégie coordonnée en matière d’emploi et en particulier à promouvoir le développement d’une main-d’œuvre qualifiée, bien formée et adaptable, et d’un marché de l’emploi réactif au changement économique. Il a souligné le principe clé de l’intégration de la politique de l’emploi dans toutes les politiques et pratiques. L’article 127 du traité impose en effet la prise en compte de l’impact de l’emploi dans toutes les politiques communautaires. Il a créé un cadre pour une procédure de surveillance des États membres (article 128). Les politiques de l’emploi des États membres sont examinées par le biais du Rapport annuel conjoint sur l’emploi préparé par la Commission et le Conseil. Par ailleurs, la Commission propose chaque année des lignes directrices pour l’emploi pour les États membres, adoptées ensuite par le Conseil. Cette procédure rappelle celle utilisée dans le domaine de la politique économique et monétaire. C’est sur base de ces lignes directrices que les États membres élaborent des plans d’action nationaux pour l’emploi. Enfin, le Conseil peut adopter, sur proposition de la Commission, des recommandations spécifiques pour les États membres. Mais surtout il a mis en place des structures institutionnelles permanentes, consacrées par le traité (article 130, comité pour l’emploi), qui permettent un débat visible, continu et transparent sur l’emploi et d’autres questions de politique structurelle à l’échelon européen. Il a en outre amélioré la préparation des délibérations du Conseil. Il a mis en place un cadre juridique pour l’analyse, la recherche, l’échange de bonnes pratiques et la promotion de mesures d’encouragement en matière d’emploi (article 129) ainsi que d’autres actions menées par la Commission à l’échelon communautaire dans ce domaine, qui n’existaient pas auparavant. La surveillance multilatérale a constitué un point fort du processus de Luxembourg. Basée sur un système de rapports annuels et d’indicateurs comparables, elle a permis d’épingler les Etats ayant eu la meilleure performance de l’UE. Les rapports annuels et le suivi ont permis de développer et d’intensifier les échanges d’information entre les États membres, tandis que le processus d’évaluation par les pairs mis en place pour évaluer la transférabilité des bonnes pratiques a ouvert la voie à des évaluations plus approfondies. De nombreux États-membres ont intensifié leurs contacts bilatéraux et se sont inspirés, pour leurs approches, des autres pays de l’Union. La création du Comité de l’emploi, qui réunit régulièrement de hauts fonctionnaires nationaux en charge de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques d’emploi nationales, a facilité quant à elle l’intensification de ces échanges. La SEE a reconnu le rôle clé des partenaires sociaux dans un grand nombre de domaines touchant à l’emploi. Alors que les premières lignes directrices faisaient intervenir les partenaires sociaux dans leur domaine spécifique – à savoir la capacité d’adaptation – leur rôle plus général a été reconnu après le sommet de Lisbonne. La Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 177 participation des partenaires sociaux à la préparation des Plans d’action nationaux n’a cessé de s’améliorer. Quant aux partenaires sociaux européens, ils se sont engagés dans un processus de mise en œuvre spécifique pour des questions clés telles que l’apprentissage tout au long de la vie. La SEE a soutenu le développement d’une dimension territoriale pour les politiques d’emploi, comme l’a montré l’émergence de plans d’actions territoriaux. Les autorités locales et régionales, qu’il s’agisse de prestataires de services sociaux ou d’employeurs locaux, se sont de plus en plus associés à la mise en œuvre des politiques d’emploi, essentiellement par le biais du Fonds social européen, dont les priorités ont été alignées sur celles de la SEE en 2000. À l’échelon européen, la coopération institutionnelle s’est renforcée entre différentes formations du Conseil (notamment le Conseil ECOFIN et le Conseil EPSCO des ministres de l’emploi et des affaires sociales) et les comités correspondants, ainsi qu’entre les services de la Commission en charge de la conception et du suivi des actions dans le domaine de l’emploi (par exemple dans les domaines de l’éducation et de la formation, de la politique économique, de la taxation ou de l’esprit d’entreprise). La coopération entre la Commission et le Conseil, notamment via le Comité de l’emploi, s’en est trouvée renforcée. Le Parlement européen a été quant à lui étroitement associé au processus d’examen annuel, contribuant ainsi au développement de la stratégie, les apports d’autres institutions se révélant également précieux. Les services publics de l’emploi, regroupés en un réseau actif à l’échelon européen, se sont également mobilisés autour de ces nouvelles priorités européennes. C’est cette mécanique institutionnelle avec ses aspects de concertation et d’engagements réciproques qui a donné de la crédibilité à la stratégie européenne de l’emploi. La question qui se pose est celle de savoir si les dispositifs institutionnels existants dans les relations bilatérales ou multilatérales euro-méditerranéennes peuvent être activés dans la perspective de mise en œuvre et de suivi des politiques de l’emploi dans la rive sud. Il ne semble pas a priori imaginable de confier la responsabilité du suivi des indicateurs élaborés aux Conseils d’association. Cette fonction ne peut être confiée non plus à la Commission européenne, sachant qu’une « gestion » paritaire doit être mobilisée à cet effet. Sur le plan multilatéral la question est encore plus complexe, vue l’inexistence d’instance de concertation et à plus forte raison de coordination. Deux pistes de réflexion viennent à l’esprit pour examiner à quelle instance confier cette tâche : – soit au Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée appuyée par à un réseau d’experts qui dispose d’une technicité dans ce domaine tout en coiffant ce réseau par une instance de validation politique ; – soit au réseau des Conseils économiques et sociaux de la région méditerranéenne, appuyé par une cellule spécifiquement dédiée à l’élaboration et la mise en application du mécanisme du monitoring des politiques sociales de la région. 178 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… Propositions Proposition 28 Établir un système euro-méditerranéen de monitoring de l’emploi • Définir des objectifs euro-méditerranéens de protection sociale et d’emploi et définir des indicateurs communs permettant de comparer les meilleures pratiques et de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs. En ce sens, les indicateurs communs ne sont pas synonymes de politiques communes. • Elaborer un cadre méthodologique global qui consiste en une liste d’indicateurs primaires et secondaires constituant un portfolio transversal et couvrant les trois grands thèmes (emploi, pauvreté, éducation et soins de santé). Les indicateurs primaires se composent d’un nombre restreint d’indicateurs principaux couvrant les dimensions essentielles des objectifs définis. Les indicateurs secondaires soutiennent ces indicateurs principaux en fournissant une idée plus précise de la nature du problème. • Retenir un ensemble d’indicateurs communs destinés au suivi de la dimension sociale du processus EuroMed. Il consisterait en un portfolio d’une dizaine d’indicateurs transversaux conçus pour refléter les objectifs généraux récemment fixés (a) la lutte contre la pauvreté et (b) l’emploi, (c) l’accès aux services, (d) l’éducation ; et en deux portfolio thématiques sur l’inclusion sociale et les soins de santé. On pourrait convenir d’une nouvelle typologie d’indicateurs établissant une distinction entre ceux qui peuvent être directement utilisés à des fins de comparaison, et ceux qui permettent uniquement d’effectuer le suivi des progrès dans un pays particulier. • Elaborer des rapports nationaux utilisant ces indicateurs sur les différents thèmes sociaux, ainsi qu’un rapport régional présenté par aux institutions européennes et aux pouvoirs publics des pays partenaires. Proposition 29 Constituer un Comité de suivi de la dimension sociale du Partenariat • Constituer un Comité de suivi de la dimension sociale du partenariat qui en s’appuyant sur les indicateurs définis d’un commun accord pourrait suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs communs est un élément essentiel du processus d’interpellation des décideurs. Dans ce contexte, les indicateurs devraient être été définis sur la base d’une approche consensuelle et d’une série de critères comprenant la comparabilité reposant sur des données harmonisées et solides des statistiques sociales, la réactivité aux politiques, une interprétation normative claire, l’accent sur les résultats, etc. Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 179 Annexe 1 Exemple de lignes directrices dans la Stratégie Européenne de l’Emploi avec ses indicateurs Ligne directrice 17 : Appliquer des politiques de l’emploi visant à atteindre le plein emploi, à améliorer la qualité et la productivité du travail et à renforcer la cohésion sociale et territoriale Ces politiques devraient aider l’Union européenne à atteindre en moyenne un taux d’emploi total de 70 %, un taux d’emploi des femmes d’au moins 60 % et un taux d’emploi des travailleurs âgés (55 à 64 ans) de 50 %, d’ici à 2010, et à réduire le chômage et l’inactivité. Les États membres devraient envisager de fixer des objectifs nationaux en matière de taux d’emploi. Indicateurs pour le monitoring. Ligne directrice 17 17.M1 – Taux d'emploi – Taux d'emploi par classe d'âge 17.M2 – Emploi – Ecart à un an 17.M3 – Taux de chômage – Taux de chômage par classe d’âge 17.M4 – Taux d'activité – Taux d’activité par classe d’âge 17.M5 – Croissance de la productivité du travail 17.M6 – Taux d'emploi par province – Taux de chômage par province Indicateurs pour l’analyse 17.A1 – Taux d'emploi en équivalent temps plein 17.A2 – Croissance réelle du produit intérieur brut 17.A3 – Population active – Ecart à un an 17.A4 – Mobilité par statut d'activité – Mobilité par statut d'activité – Données administratives 17.A5 – Disparités régionales – Coefficient de variation des taux d'emploi – Disparités régionales – Coefficient de variation des taux de chômage Liste des abréviations AFTURD AN ANND BIT BM BSG CAWTAR CE CEDAW CEPII CES CIDOB CIS DG DSP ECOFIN EGEP EOWEL EPSCO EuroMeSco FEMIP FES FMI FSE GOPE GTZ IDDH IDE IEMed IEVP INDH LE MEDA Association de la Femme Tunisienne pour la Recherche et le Développement Afrique du Nord Réseau des ONG Arabes pour le Développement (Arab NGO Network for Development) Bureau International du Travail Banque Mondiale Budgétisation Sensible au Genre Centre de Formation et de Recherche pour les Femmes Arabes (Center for Arab Women Training and Research) Commission Européenne Comité sur l’Elimination de la Discrimination des Femmes (Committee on the Elimination of Discrimination Against Women) Centre des Etudes Prospectives et de l’Information Internationale (Centre of Prospective Studies and International Information) Conseil Economique et Social Centre des Relations Internationales et des Etudes de Développement (Center for International Relations and Development Studies) Communauté des Etats Indépendants Direction Générale Document Stratégie Pays Conseil Economique et Financier de l’UE Programme EuroMed de l’Egalité Hommes Femmes (EuroMed Gender Equality Programme) Enhancing Opportunities for Women in Economic Life Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs (Conseil Européen) Euro-Mediterranean Study Commission Facilité Euro-Méditerranéenne d’Investissement et de Partenariat Friedrich Ebert Stiftung (Fondation Friedrich Ebert) Fonds Mondial International Fond Social Européen Grandes Orientations des Politiques Economiques Agence de Coopération Technique Allemande (Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit) Initiative pour la Démocratie et les Droits de l’Homme Investissement Direct Etranger Institut Européen de la Méditerranée Instrument Européen de Voisinage et de Partenariat (ENPI en anglais) Initiative Nationale du Développement Humain (Maroc) Livre égyptienne MEsures D’Accompagnement (1995-2006) 182 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat… MENA MO MOAN MOC MSAR OCDE OMT OMD ONG ONU PAEF PAI PAM PDET PESC PEM PEV PIB PIN PME PMS PMSE PNB PNR PPM RELEX REMDH RWEL SAPP SEE SLDS SP TAIEX TIMSS TUE UE UEM UNIFEM UPM ZLEEM Moyen-Orient et Afrique du Nord (Middle East and North Africa ; MOAN en français) Moyen Orient Moyen Orient et Afrique du Nord Méthode Ouverte de Coordination Modernisation et Support de la Réforme Administrative (Modernisation and Support to the Administrative Reform) Organisation de Coopération et de Développement Economique Organisation Mondiale du Travail Objectifs du Millénaire pour le Développement Organisation Non Gouvernementale Organisation des Nations Unies Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin Plan d’Action Istanbul Pays Arabes Méditerranéens Pour une Division Egalitaire du Travail Politique Etrangère et de Sécurité Commune Partenariat Euro-Méditerranéen Politique Européenne de Voisinage Produit Intérieur Brut Programmes Indicatifs Nationaux Petites et Moyennes Entreprises Pays Méditerranéens du Sud Pays Méditerranéens du Sud et de l’Est Produit National Brut Programme National de Réforme Pays Partenaires Méditerranéens Relations Externes (DG RELEX de la Commission européenne) Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme Rôle des Femmes dans la Vie Economique (The Role of Women in Economic Life) Support pour l’Implémentation du Programme du Plan d’Action (Support for Implementation of the Action Plan Programme) Stratégie Européenne de l’Emploi Stratégie de Lutte contre la Discrimination Salariale Stratégie Pays Programme d’Assistance Technique et d’Echange d’Informations (Technical Assistance and Information Exchange) Tendances dans l’Etude Internationale des Mathématiques et des Sciences (Trends in International Mathematics and Science Study) Traité sur l’Union Européenne Union Européenne Union Economique et Monétaire Fonds de Développement des Nations Unies pour la Femme Union pour la Méditerranée Zone de Libre-Échange Euro-Méditerranéenne