~ Échocardiographie - Doppler ~ 1 Échocardiographie - Doppler S. Lafitte, M. Lafitte, P. Réant, R. Roudaut C.H.U. de Bordeaux ~ Hôpital Cardiologique du Haut Lévêque Pessac ~ France Insuffisance Cardiaque et Pronostic Généralités Le pronostic des patients en insuffisance cardiaque reste particulièrement sévère, comme l’avait montré le registre Framingham avec des chiffres de mortalité entre les années 1950 à 1980 allant de 30% à 1 an et de 60% à 5 ans mais également, plus récemment, avec des valeurs peu améliorées de 25% à 1 an et 50% à 5 ans entre les années 1990 et 2000. La baisse de mortalité dépend de la mise en place de stratégies thérapeutiques spécifiques comme les IEC, ARA 2, et bêtabloquants, avec par exemple l’étude CIBIS II et la démonstration de l’efficacité du bisoprolol. Cependant, il faut admettre que malgré les recommandations, il existe toujours une adhésion insuffisante aux différentes thérapeutiques avec une responsabilité partagée entre un malade non observant et un médecin parfois peu motivé dans l’obtention des posologies maximales nécessaires. Dans l’évaluation du pronostic des patients en insuffisance cardiaque, l’examen clinique reste fondamental. Il est cependant limité comme l’a démontré Capomolla puisque ce dernier ne retrouvait que 17% de concordance clinique chez les patients pour lesquels la PTDVG était augmentée contre 81% de concordance échocardiographique chez ces patients. L’identification des patients à risque afin d’optimiser leur prise en charge passe par différentes évaluations, dont l’étiologie de l’insuffisance cardiaque, l’évolution clinique, le dosage du BNP, l’épreuve d’effort Vo² max et bien sur l’échocardiographie. Échocardiographie et Pronostic de l’IC L’évaluation ultrasonore permet de stratifier les patients en insuffisance cardiaque en s’appuyant sur leur fonction systolique, mais en intégrant également d’autres paramètres, comme la morphologie ventriculaire gauche, la fonction diastolique, le retentissement sur le cœur droit, la présence d’une insuffisance mitrale, d'un asynchronisme, d'une réserve contractile… C’est cette approche multi-paramétrique qui sera appliquée au cours de l’examen échographique chez le patient IC afin de mieux stratifier son risque et évaluer son pronostic, ce qui permettra d’adapter une stratégie de prise en charge spécifique. Fonction systolique Débutons avec la fonction systolique en replaçant ici l’intérêt majeur de la fraction d’éjection dans le pronostic de ces patients insuffisants cardiaques. Ceci avait clairement été démontré par l’étude CHARM sur un suivi à 38 mois de patients insuffisants cardiaques avec un seuil de 32% en-dessous duquel on notait un doublement du taux de mortalité par décompensation aiguë. Dans cette étude, le seuil à 22% paraissait également significatif avec, ici encore, une mortalité multipliée par 2. Le mode Bidimensionnel avec le calcul des volumes par la méthode Simpson est la technique de référence pour appréhender cette fraction d’éjection. Elle reste cependant entachée d’une variabilité intra/inter observateur significative de l’ordre de 10 à 15% (cf cours fonction systolique). Des techniques plus récentes sont à disposition pour améliorer la fiabilité des mesures comme l’échographie de contraste permettant une réduction de cette variabilité entre 4 et 7% ou encore ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 1/4 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 2 l’échographie tridimensionnelle. La fonction systolique du ventricule gauche peut être également appréhendée par la mesure de la dP/dt sur un enregistrement Doppler continu du flux de régurgitation mitrale. Connaissant la variation de pression entre les points 1 et 3 m/s, la mesure du temps entre les 2 points en phase de contraction iso-volumique permet de calculer la dP/dt. La valeur normale chez le sujet sain est de l’ordre de 1200 mmHg/s mais nous retiendrons ici dans le cadre de l’évaluation du risque des patients insuffisants cardiaques la valeur de 600 mmHg/s endessous de laquelle on note une réduction de plus de 50% de la survie des patients sur un suivi de près de 2 ans. Morphologie ventriculaire gauche Le deuxième élément à prendre en considération dans la stratification du risque des patients insuffisants cardiaques concerne la morphologie du ventricule gauche avec le phénomène de remodelage qui se traduit par la sphérisation de la cavité quelle que soit l’origine de la cardiopathie. Dans cette étude portant sur 144 patients porteurs de cardiomyopathie dilatée avec un suivi de 5 ans et s’appuyant sur des critères durs, les facteurs pronostiques retrouvés en analyse multivariée étaient l’hypertension artérielle pulmonaire supérieure à 40 mmHg, la fraction d’éjection en-dessous de 25% et enfin la mesure télédiastolique du ventricule gauche supérieure à 75 mm. Ainsi, à côté de la fonction ventriculaire et des pressions droites, la morphologie du ventricule gauche prend une place significative dans l’évaluation du risque des patients insuffisants cardiaques. Fonction diastolique La fonction diastolique et les pressions de remplissage qui lui sont liées jouent un rôle fondamental dans la stratification du risque des patients en insuffisance cardiaque. Dans cette large étude publiée par Redfield incluant plus de 2000 patients, il a été démontré un lien très étroit existant entre la mortalité et la présence d’une dysfonction diastolique modérée, avec un odd-ratio à 8 et à fortiori en cas de dysfonction diastolique sévère, avec un odd-ratio supérieur à 10, en comparaison aux patients sans dysfonction diastolique. L’évaluation échocardiographique de la fonction diastolique fait l’objet d’un chapitre à part entière (cf cours fonction diastolique) mais il possible dans le cadre de l’IC de retenir des éléments pronostiques spécifiques. Dans cette approche pronostique via la fonction diastolique, le premier paramètre à retenir est le temps de décélération de l’onde E comme cela a été montré dans l’étude Best. Le temps de décélération est la mesure du temps entre le pic de l’onde E et le croisement de la ligne de base de la même onde E. Dans cette étude ayant inclus 336 patients présentant une MCD avec un suivi à 42 mois, un temps de décélération inférieur à 150 ms permettait de prédire les patients les plus à risque d’événements cardiovasculaires. Dans le même ordre d’idée, c’est le rapport E/E’ supérieur à 15 qui serait discriminant en termes de survie à 24 mois avec une mortalité proche de 50% dans le groupe de patients ayant des pressions de remplissage élevées selon ce critère. Les effets des différentes thérapeutiques engagées peuvent être appréciés et jugés au travers de la réversibilité de l’anomalie mesurée initialement, ce qui signe en général un meilleur pronostic. C’est le cas de la réversibilité du profil mitral dans l’étude de Pinamonti. Réévaluée à 3 mois, un profil transmitral fixé, ou flux restrictif irréversible, permettait d’identifier des patients pour lesquels la survie à 36 mois s'avérait très limitée. ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 2/4 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 3 La taille de l’oreillette gauche est un marqueur d’élévation chronique des pressions de remplissage. La technique de mesure basée sur la méthode Aire Longueur, ou Simpson Biplan, permet de retenir une valeur normale de 22 +/- 6 ml/m². Ce paramètre possède une valeur pronostique dans l’insuffisance cardiaque avec un seuil à 32 ml/m² qui était retrouvé, dans cette étude, sur 1160 patients, avec un suivi de 4 années et au delà duquel le nombre d’événements était significativement plus élevé. A ce stade de l’évaluation du pronostic des patients insuffisants cardiaques, la recherche du meilleur critère pronostique est à éviter. Il faut au contraire préférer une approche globale multi paramétrique associant les différents paramètres comme l’état clinique, la fraction d’éjection et les paramètres de fonction diastolique comme ici dans l’étude d’Hillis le temps de décélération et le rapport E/E’> 15. Sur cette figure on note la meilleure association aux évènements cardio-vasculaires quand l’ensemble de ces paramètres sont positifs. Ceci a été confirmé par l’étude de Liang associant de surcroit dans son algorithme le volume de l’oreillette gauche. Cœur droit Le cœur droit est également un élément fondamental dans le pronostic des patients en insuffisance cardiaque. A ce jour, appréhender la fonction VD par la fraction d’éjection échocardiographique reste difficile. L’estimation des pressions pulmonaires est plus fiable et on retiendra la valeur des 40 mmHg de PAPS comme seuil pronostic significatif. Toujours en Doppler mais cette fois tissulaire, la valeur de l’onde S systolique à l’anneau tricuspidien a été récemment proposée. Le seuil discriminant de 11 cm/s permet d'identifier les patients dont le pronostic à 6 mois est plus péjoratif. Insuffisance mitrale Un mot concernant l’insuffisance mitrale en rappelant l’étude de Grigioni qui s’est intéressée aux patients porteurs d’une IM dans le post infarctus au delà du 16ème jour. Dans cette large population, l’insuffisance mitrale a été identifiée comme facteur prédictif indépendant de mortalité. On retiendra la valeur seuil de la surface de l’orifice régurgitant supérieure à 20 mm² comme paramètre discriminant. Il est important de noter que cette valeur ne constitue pas un paramètre de gravité de l’insuffisance mitrale en termes de quantification mais réellement un paramètre de gravité dans le pronostic de ces patients. Asynchronisme L’asynchronisme peut également apporter son lot d’informations en matière de stratification du risque des patients insuffisants cardiaques. Dans ce domaine ce n’est pas l’asynchronisme inter ventriculaire qui est porteur d’informations pertinentes mais l’asynchronisme intraventriculaire mesuré par le délai électro-mécanique (DEM). Les patients ayant un DEM > 40 ms présentent un pronostic plus sévère à 12 mois. ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 3/4 ~ Échocardiographie - Doppler ~ 4 Réserve contractile Enfin, mais plus difficile à mettre en œuvre en pratique clinique principalement en raison des bétabloquants, l’étude de la réserve contractile sous faible dose de Dobutamine en se basant sur le pourcentage de variation du volume systolique à plus de 15%, permet de discriminer les patients pour lesquels la survie est meilleure dans un suivi à 13 mois. Analyse de déformations En termes de perspectives beaucoup d’espoirs sont portés actuellement sur l’analyse des déformations avec, d’ores et déjà, un certain nombre de publications validant cette nouvelle méthode d’analyse de la contraction myocardique. Plusieurs études qui restent à confirmer démontrent l’intérêt supérieur des paramètres de déformation comparativement à la fraction d’éjection dans le pronostic des patients en insuffisance cardiaque. Conclusion Ainsi, en s’appuyant sur une approche morphologique, fonctionnelle et hémodynamique complète, l’échocardiographie permet une évaluation du pronostic des sujets en insuffisance cardiaque. L’utilisation dans cette analyse de critères courants, simples et fiables lui confère une réalité pratique au quotidien. L’intérêt majeur de cette approche est la stratification de ces patients fragiles afin d’optimiser au mieux leur suivi et leur prise en charge médicamenteuse. -----o0o----- ~ © 2010 DCAM ~ Université Victor Segalen Bordeaux 2 ~ France 4/4