BIOLOGIE CLINIQUE Apport de la biologie clinique dans l’exploration étiologique et le suivi de l’urolithiase Contribution of the clinical biology in etiological exploration and follow-up of urolithiasis F. Cotton1,2, F. Wolff 1,2, I. Simon2,3, M. Idrissi2,4, C. Tielemans5, M. Vanden Bossche2,4, T. Roumeguère2,4 et A. Pozdzik2,3 1 Service de Chimie médicale, 2Centre de traitement et de prévention de la lithiase urinaire, 3 Service de Néphrologie et 4Service d’Urologie, Hôpital Erasme, 5Dienst Nefrologie, UZ Brussel - VUB RESUME ABSTRACT L’urolithiase est une maladie dont la prévalence, déjà très élevée, augmente constamment dans les pays industrialisés, récidivant dans un cas sur deux, avec un risque de complications non négligeable. Dans ce contexte, l’apport du laboratoire est essentiel dans la détermination de l’étiologie, ainsi que dans le suivi thérapeutique du patient lithiasique. L’analyse morphoconstitutionnelle du calcul est l’élément le plus important de l’investigation étiologique. Elle comprend l’examen minutieux de la morphologie du calcul à la loupe binoculaire et la détermination simultanée de sa composition cristalline. Cette dernière peut se faire par différentes techniques mais la spectrophotométrie infra-rouge est la plus performante. L’analyse chimique doit quant à elle être définitivement proscrite. L’analyse de la cristallurie, comprenant la recherche, l’identification et le comptage des cristaux sur les urines fraîches du matin, est utile au diagnostic, mais surtout au suivi thérapeutique. Enfin, le bilan biochimique urinaire et sanguin, en première intention ou en fonction de la composition du calcul, est un volet important dans l’exploration des causes sous-jacentes et l’évaluation du traitement. Urolithiasis is a frequent pathology with a constantly increasing prevalence in industrial countries. The relapse frequency is around 50 % with a risk of complications. The laboratory input is essential in the determination of the etiology and in the therapeutic monitoring. The morphoconstitutional analysis of the stone is the most important element. It comprises the examination of the stone with binocular loupes and the simultaneous analysis of its crystalline composition. This can be done by different techniques but infrared spectrophotometry is the most powerful. The chemical analysis should be definitely proscribed. The analysis of crystalluria includes the search, the identification and the counting of crystals in fresh morning urines. It is useful for the diagnosis and for the patient follow-up. Finally, the biochemical analyses in urine and serum, in first line or on the basis of the stone composition, are an important part of the etiological exploration and therapeutic monitoring. Rev Med Brux 2014 ; 35 : 243-9 Key words : clinical biology, urolithiasis Rev Med Brux 2014 ; 35 : 243-9 Rev Med Brux - 2014 243 INTRODUCTION L’urolithiase est une maladie dont la prévalence, proche de 10 %, est en constante augmentation dans les pays industrialisés, avec un taux de récidive d’au moins 50 %1-3. La lithiase touche les deux sexes mais les hommes sont plus souvent affectés. Toutefois, la prévalence semble augmenter plus rapidement chez les femmes, ce qui pourrait être expliqué par l’augmentation de la lithiase urique, liée à l’expansion de l’obésité et du diabète4-5. En cas de récidives, les obstructions répétées et les infections sont des complications fréquentes qui peuvent causer une dégradation de la fonction rénale6. Le calcul n’est pas seulement un obstacle, parfois douloureux, sur les voies urinaires justifiant un geste urologique d’urgence pour rétablir leur perméabilité. C’est avant tout le symptôme de pathologies cristallogènes ou de déséquilibres urinaires d’origine nutritionnelle dont la récidive est la règle si la cause n’en a pas été correctement identifiée. Il est donc recommandé, dans l’intérêt du patient, d’analyser le calcul ou ses fragments pour en déterminer la composition et la structure, l’une et/ou l’autre orientant vers la pathologie en cause. La majorité des calculs relève de mauvaises habitudes alimentaires mais cer tains sont la conséquence de maladies métaboliques génétiques ou acquises dont l’identification précoce est indispensable pour éviter la récidive mais surtout pour proposer rapidement des solutions thérapeutiques adaptées afin de ralentir ou d’éviter la survenue des complications rénales, osseuses ou cardiovasculaires qui font toute la gravité de ces maladies. La détermination de l’étiologie est donc primordiale afin de prendre les mesures préventives adéquates. LITHOGENESE La lithiase est causée par un excès de substances promotrices (calcium, oxalate, phosphate, urate, sodium, protéines, ammonium…) et/ou un déficit de certains inhibiteurs (citrate, pyrophosphate, zinc, magnésium…) dans les urines. Les causes sousjacentes peuvent être métaboliques, nutritionnelles, environnementales ou infectieuses7. La formation du calcul implique d’abord la sursaturation des urines, la nucléation (germination cristalline), la croissance et l’agrégation des cristaux, leur rétention, l’agglomération en calculs et enfin la conversion cristalline (transformation de la nature chimique au cours du temps). Des corps étrangers (sondes, ligatures…) et des anomalies anatomiques (malade de Cacchi-Ricci…) constituent des facteurs de risque. Les plaques de Randall, lésions papillaires constituées par des dépôts phosphocalciques sous-épithéliaux affleurant parfois à la surface de la papille, peuvent servir de point d’ancrage à des cristaux (d’oxalate de calcium, le plus souvent) dans une urine sursaturée8, formant progressivement un calcul qui montrera l’empreinte de la papille, appelée ombilication papillaire (figure 1). Ces plaques peuvent être détectées chez plus de 50 % des patients lithiasiques. 244 Rev Med Brux - 2014 Figure 1 : Typage morphologique de quelques calculs. a) Calcul de type Ia (whewellite) : surface mamelonnée, brune, présentant par ailleurs une ombilication papillaire avec plaque de Randall (flèche) et un voile grisâtre, témoignant de l’activité de la lithiase ; b) Calcul de type IIa (weddellite) : surface spiculée avec cristaux quadratiques aux angles et arêtes vifs ; c) Sonde urinaire avec concrétion de type IVc (struvite) : surface pseudo-spiculée, faite de cristaux non quadratiques enchevêtrés, beige ; d) Calcul de type IVd (brushite) : surface pommelée en chou-fleur, beige ; section concentrique et radiale, à convergence excentrée, beige ; e) Calcul de type Va (cystine) : surface bosselée, d’aspect cireux, brun-jaune ; f) Calcul de type VIa (protéines) : surface hétérogène rugueuse, craquelée, écaillée, brun-noir. APPORT DE LA BIOLOGIE CLINIQUE A côté de l’interrogatoire, l’imagerie permet le diagnostic aisé de lithiase et précise la localisation du calcul et le retentissement éventuel d’amont sur l’arbre urinaire. Mais l’aspect radiologique ne renseigne pas de manière fiable sur la composition du calcul : un calcul radio-opaque peut être composé de whewellite (oxalate de calcium monohydraté), de weddellite (oxalate de calcium dihydraté), de carbapatite (phosphate de calcium carbonaté) ou de brushite (phosphate acide de calcium dihydraté) dont les étiologies sont très différentes. Un calcul radiotransparent n’est pas nécessairement composé d’acide urique potentiellement soluble par une simple cure de diurèse alcaline, mais peut être constitué d’urate de sodium ou d’ammonium, insoluble en urine alcaline. Le laboratoire apporte ainsi des éléments fondamentaux dans la prise en charge de la maladie lithiasique. L’analyse morphoconstitutionnelle du calcul est l’examen qui apporte le plus d’informations sur la pathologie. L’étude de la cristallurie est également utile au diagnostic et surtout au suivi thérapeutique. Enfin, l’exploration biochimique du sérum et des urines aide à affiner le diagnostic, à mettre en évidence des facteurs de risque et à effectuer le suivi du patient9. Analyse du calcul Le calcul constitue l’expression concrète de la maladie lithiasique et son analyse est donc l’élément central de l’investigation. Idéalement, chaque calcul récupéré doit être analysé car les étiologies peuvent évoluer, notamment en cas de prise en charge thérapeutique, tandis que certains facteurs de risque persistent. L’approche la plus complète et la plus informative est l’analyse morphoconstitutionnelle développée depuis 30 ans par le Dr Michel Daudon (Hôpital Tenon, Paris), basée à la fois sur la morphologie du calcul, sa composition chimique et cristalline et la répartition de ses constituants. Elle permet, compte tenu du contexte clinique et des autres éléments diagnostiques, de proposer une orientation étiologique relativement précise10-11. Morphologie du calcul L’analyse morphologique du calcul consiste en l’examen à la loupe binoculaire (grossissement 10 à 40 x) de la surface et, après fragmentation, de la section du calcul. L’architecture observée fournit de nombreuses informations sur la nature des cristaux, la vitesse de formation du calcul et l’activité de la lithiase. Elle met en évidence certains mécanismes de la lithogenèse (empreinte, ombilication papillaire, plaque de Randall, faces d’accolement…). Enfin, elle permet de détecter des compositions différentes révélant des étapes successives dans la formation du calcul qu’il conviendra d’approfondir par une analyse séquentielle. En effet, il n’est pas rare qu’un calcul soit formé d’un noyau enrobé de couches de compositions différentes. Dans ce cas, il est essentiel de déterminer les constituants centraux, à l’origine de la formation lithiasique. Daudon a établi une classification morphologique basée sur la surface du calcul (aspect, texture, couleur, particularités) et de sa section (aspect, texture, couleur). Elle per met de déter miner une composition présomptive, confirmée et précisée ensuite par l’analyse constitutionnelle, et d’orienter vers une ou plusieurs étiologies potentielles (tableau 1). Composition du calcul Plus de 70 espèces chimiques (dont au moins 25 d’origine médicamenteuse) ont été identifiées dans la composition de calculs urinaires (tableau 2). Les plus fréquentes sont les oxalates de calcium, les phosphates de calcium, les phosphates ammoniaco-magnésiens, les protéines, les acides uriques, l’urate d’ammonium, la cystine, les carbonates de calcium et l’urate de sodium. Ces différentes espèces peuvent cristalliser sous différentes formes associées à des conditions distinctes et donc à des étiologies différentes. Ainsi, l’oxalate de calcium existe sous trois formes cristallines : la Tableau 1 : Classification morphologique des calculs Type Composition Orientation étiologique (simplifiée) Ia Ib Ic Id Ie whewellite whewellite whewellite whewellite whewellite hyperoxalurie, Cacchi-Ricci, plaque de Randall hyperoxalurie, stase, conversion cristalline hyperoxalurie primaire hyperoxalurie + confinement anatomique + lithiase multiple hyperoxalurie absorptive IIa IIb IIc weddellite weddellite + whewellite weddellite hypercalciurie hypercalciurie + hyperoxalurie, stase hypercalciurie + confinement anatomique + lithiase multiple IIIa acide urique anhydre IIIb IIIc IIId acide urique anhydre + acide urique didydraté urates alcalins urate d’ammonium pH acide, hyperuricurie modérée, stase, adénome de prostate défaut ammoniogenèse rénale, synd. métabolique, diabète, hyperuricurie, diarrhées hydro-électrolytiques, candidose urinaire, synd. myélo- et lympho-prolifératifs et leur traitement hyperuricurie + alcalinisation (infectieuse ou thérapeutique) hyperuricurie + hyperammoniogenèse, carence phosphorée, diarrhées, abus de laxatifs, malnutrition, anorexie IVa1 IVa2 IVb IVc IVd carbapatite carbapatite carbapatite (+ struvite) carbapatite + struvite brushite infection urinaire chronique, hyperparathyroïde primaire, acidose tubulaire secondaire acidose tubulaire distale, Cacchi-Ricci, infection urinaire hyperparathyroïdie primaire, infection urinaire chronique infection urinaire chronique à germes uréasiques hypercalciurie + hyperphosphaturie, hyperparathyroïdie primaire, sarcoïdose, diabète phosphaté, acidose tubulaire distale Va Vb cystine cystine cytinurie-lysinurie congénitale cystinurie-lysinurie + alcalinisation thérapeutique insuffisante VIa VIb VIc protéines protéines + médicaments protéines (+ whewellite) pyélonéphrite chronique protéinuries, hématuries, lithiases médicamenteuses Insuffisance rénale terminale + supplément Ca/vitamine D Rev Med Brux - 2014 245 Tableau 2 : Substances entrant dans la composition des calculs rénaux. Minéraux Organiques Médicaments phosphates carbapatites (hydroxyphosphates de calcium carbonaté) hydroxyapatite (hydroxyphosphate de calcium) PACC (phosphates amorphes de calcium carbonaté) OCP (phosphate octocalcique pentahydraté) brushite (hydrogénophosphate de calcium dihydraté) whitlockite (phosphate mixte de calcium et magnésium) struvite (phosphate ammonicomagnésien hexahydraté) dittmarite (phosphate ammoniacomagnésien monohydraté) hannayite (hydrogénophosphate ammoniacomagnésien octahydraté) newbéryite (hydrogénophosphate de magnésium trihydraté) bobierrite (phosphate de magnésium octahydraté) phosphate de magnésium pentahydraté hopéite (phosphate de zinc tétrahydraté) carbonates calcite (carbonate de calcium anhydre) aragonite (carbonate de calcium anhydre) vatérite (carbonate de calcium anhydre) hydroxycalcite (carbonate de calcium monohydraté) sulfates gypse (sulfate de calcium dihydraté) hexahydrite (sulfate de magnésium hexahydraté) silicates opale (silice opanile) oxalates whewellite (oxalate de calcium monohydraté) weddellite (oxalate de calcium dihydraté) caoxite (oxalate de calcium trihydraté) purines acide urique anhydre acide urique monohydraté acide urique dihydraté urate acide d’ammonium anhydre urate acide de sodium monohydraté urate double de potassium et de sodium urate acide de potassium anhydre urate acide de calcium hexahydraté urate acide de magnésium hexahydraté acide méthyl-1-urique dihydroxy-2,8-adénine xanthine hypoxanthine acides aminés cystine, tyrosine, leucine protéines albumine, β2-microglobuline, ostéopontine, lysozyme, fibrine, mucine, hématine, hémoglobine, … lipides triglycérides cholestérol et esters de cholestérol stéarate et palmitate de calcium polysaccharides acide hyaluronique, sulfates de chondroïtine, sulfate d’héparane, sulfate de kératane, sulfate de dermatane autres acide homogentisique polymérisé, orotate de sodium, indigo sulfamides N-acétylsulfadiazine et sulfadiazine, N-acétylsulfaméthoxazole, N-acétylsulfaguanidine aminopénicillines ampicilline, amoxicilline, ceftriaxone quinolone acide oxolinique, fluméquine, ciprofloxacine, norfloxacine aminoquinoléines glafénine, antrafénine, floctafénine divers indinavir triamtérène et métabolites trisilicate de magnésium silice colloïdale phénazopyridine oxypurinol whewellite (oxalate de calcium monohydraté, cristallisant dans des conditions d’hyperoxalurie), la weddellite (oxalate de calcium dihydraté, s’observant en cas d’hypercalciurie avec oxalurie normale ou élevée) et la caoxite (oxalate de calcium trihydraté). 246 Rev Med Brux - 2014 Des exemples similaires existent pour les formes de phosphate de calcium ou d’acide urique. Au plan préanalytique, le calcul doit être conservé au sec et à température ambiante. En cas d’extraction chirurgicale, il est préférable de le laver à l’eau du sang qui pourrait le contaminer. Plusieurs méthodes sont disponibles pour déterminer la composition du calcul mais celle de choix est la spectrophotométrie infrarouge. L’analyse chimique, utilisée historiquement, est à proscrire. Elle est peu sensible, ne détecte pas certains constituants et ne distingue aucune forme cristalline. Des techniques reposant sur la diffraction des rayons X ont également été utilisées. Néanmoins, les difficultés de mise en œuvre et leur faible sensibilité pour les composés en faibles quantités ou non cristallisés leur fait préférer la spectrophotométrie infrarouge. En effet, cette méthode est rapide, sensible et capable d’identifier simultanément des constituants cristallins et amorphes, de nature minérale, organique ou médicamenteuse. Cette qualité est particulièrement importante car la plupart des calculs sont composés de plusieurs constituants en quantités significatives, qu’il convient de détecter. En spectrophotométrie infrarouge, chaque substance présente des spectres caractéristiques comprenant des pics spécifiques qui permettent sa détection et sa quantification. Des bibliothèques spectrales et des logiciels spécialisés peuvent aider à l’interprétation. La figure 2 illustre l’intérêt de l’analyse mor phoconstitutionnelle. Situation en Belgique D’avril 2007 à avril 2014, le laboratoire de chimie médicale de l’Hôpital Erasme a effectué l’analyse morphoconstitutionnelle de plus de 5.200 calculs. Les résultats des 1.572 analyses réalisées entre avril 2007 et juin 2010 sont présentés au tableau 3. On constate que la whewellite et la weddellite sont de loin les espèces les plus fréquentes en tant que constituant principal, suivies de l’acide urique et des phosphates calciques. Il faut néanmoins souligner que certains constituants, tels que la carbapatite, le PACC (phosphate amorphe de calcium carbonaté) ou les protéines, sont rencontrés beaucoup plus fréquemment en tant que constituants minoritaires (mais reflétant un éventuel processus infectieux), tout comme l’urate de sodium, fréquemment rencontré mais toujours minoritaire. En effet, la grande majorité des calculs sont composés de plusieurs espèces en mélange. Tableau 3 : Résultats d’analyse de 1.572 calculs à l’Hôpital Erasme entre avril 2007 et juin 2010. Patients hommes (âge médian) femmes (âge médian) Echantillons calcul simple calculs multiples fragments de calcul autres 72 % (49 ans) 28 % (46 ans) 56 % 8 % 31 % 5 % Composition Espèces 1 2 3 4 5 Figure 2 : Analyse morphoconstitutionnelle d’un calcul. a) L’examen morphologique du calcul révèle une surface de type IIIa (orange, concentrique, finement rugueux), tandis qu’après fragmentation, la section montre un type IIIa en périphérie mais un noyau de type Ia (brun, concentrique à cristallisation radiale). Une analyse séquentielle par spectrophotométrie infrarouge confirme l’observation et révèle un noyau composé de whewellite (b) enrobé d’un mélange d’acides uriques anhydre (90 %) et dihydraté (10 %) (c). La cause initiale de la lithiase est donc une hyperoxalurie ayant donné naissance à un petit calcul de whewellite qui a secondairement été recouvert d’acide urique dans un contexte d’urines acides et d’hyperuricurie. 26 % 34 % 35 % 4 % 1 % Espèce principale whewellite weddellite acide urique anhydre acide urique dihydraté urate d’ammonium carbapatite brushite PACC OCP struvite whitlockite cystine protéines polysaccarides/lipides médicaments hommes 58,9 % 22,8 % 7,8 % 1,4 % 0,1 % 3,0 % 1,3 % 0,3 % 0,1 % 1,0 % 0,1 % 1,0 % 1,3 % 0,3 % 0,4 % femmes 51,2 % 18,9 % 6,3 % 0,0 % 0,4 % 16,9 % 0,4 % 0,4 % 0,4 % 2,8 % 0,0 % 1,6 % 0,0 % 0,8 % 0,0 % En comparaison avec une étude belge publiée en 1994, la proportion d’espèces liées à l’infection est en diminution, tandis que celle de la lithiase urique est plus élevée12. Cette tendance, observée dans d’autres études, reflète probablement la meilleure prise en charge des infections urinaires d’une par t et l’augmentation de la prévalence du syndrome métabolique d’autre part. Rev Med Brux - 2014 247 Etude de la cristallurie La présence de cristaux dans les urines n’est pas nécessairement pathologique. Néanmoins, elle témoigne d’une sursaturation de l’urine, l’une des premières étapes de la lithogenèse et, chez le patient lithiasique, d’un risque important de récidive13-15. Elle est donc un outil très intéressant dans le suivi thérapeutique d’un patient. Par ailleurs, lorsque le calcul n’est pas disponible, l’identification des cristaux urinaires permet souvent de déterminer l’étiologie de la maladie lithiasique. La présence de certains cristaux (cystine, 2,8-dihydroxyadénine, struvite…) révèle toujours une pathologie. Il est recommandé d’effectuer la recherche de cristallurie sur la première urine du matin, conservée moins de 2 h à 20 °C avant analyse. La conservation au frais est à éviter car elle provoque la précipitation de certaines substances. La prolifération bactérienne peut induire la production d’ammonium et modifier le pH. Au laboratoire, l’urine est homogénéisée et examinée au microscope dans une cellule de Malassez, sous lumière polarisée. Celle-ci permet d’examiner la réfringence et la polychromasie des cristaux, indispensables à leur identification correcte. La mesure du pH avec une précision de 0,1 unité de pH (pH-mètre ou papier pH à double échelle) est très importante. De nombreuses espèces cristallines sont pH-dépendantes et ne se rencontrent que dans certaines limites. Les cellules, cylindres et microorganismes sont enregistrés. Plus de 40 espèces cristallines peuvent être détectées dans les urines, sous différents faciès (75 en tout), fournissant très souvent des informations utiles. Ainsi, par exemple, la weddellite cristallise classiquement sous for me octaédrique mais la présence de formes dodécaédriques indique une forte hypercalciurie. L’utilisation d’une cellule de Malassez permet la quantification de la cristallurie et la mesure de la taille des cristaux, ce qui permet le calcul d’un volume cristallin global qui, chez le patient lithiasique, est corrélé au risque de récidive16. Le nombre et la taille des cristaux eux-mêmes fournissent certaines informations utiles. Ainsi, par exemple, un nombre supérieur à 500 cristaux de whewellite par mm3 suggère une hyperoxalurie primaire tandis que des cristaux de weddellite supérieurs à 25 µm indiquent une hyperoxalurie associée à une hypercalciurie et un risque lithiasique élevé. Enfin, la présence d’agrégats de cristaux de weddellite suggère une hypocitraturie associée. et dans les conditions alimentaires habituelles. Il comprend une récolte des urines de 24 h (diurèse, créatinine, calcium, sodium, urate, urée), une collecte des urines du matin à jeun (pH, densité, cristallurie), le recueil d’un échantillon urinaire frais (examen cytobactériologique) et une prise de sang (créatinine, calcium, glucose, phosphate, urate). Les analyses plasmatiques pourront mettre en évidence une diminution du débit de filtration glomérulaire, une hypercalcémie ou un syndrome métabolique / diabète à investiguer. En fonction de la composition du calcul, les dosages de 25-hydroxycholecalciférol (vitamine D) et de parathormone présentent également leur intérêt, compte tenu de la possibilité d’hyperparathyroïdie primaire avec calcémie normale. Le tableau 4 reprend les principales analyses urinaires du bilan, les seuils de risque et leur interprétation sommaire. Nous y avons ajouté le dosage de l’oxalate, du phosphate et du citrate urinaires, également très utiles 18 . Ces examens permettent d’évaluer les principaux facteurs lithogènes (hypercalciurie, hyperoxalurie, hypocitraturie, pH anormal…) et les habitudes alimentaires (apports en protéines et en sel). En cas d’anomalie (hypercalcémie, hyperphosphaturie, pH urinaire extrême, cristallurie positive…) ou de composition particulière du calcul (cystine, 2,8-dihydroxyadénine, struvite…), un bilan approfondi doit être effectué. Un suivi semestriel la première année puis annuel (biochimie + cristallurie) est recommandé. Tableau 4 : Bilan biologique urinaire de première intention et interprétation. Analyse Seuil de risque Interprétation Calcium > 0,1 mmol/kg/24 h > 3,8 mmol/l hypercalciurie de débit hypercalciurie de concentration Oxalate > 0,3 mmol/l hyperoxalurie Phosphate > 24 mmol/l hyperphosphaturie Citrate < 1.500 µmol/24 h hypocitraturie Urate > 5 mmol/24 h > 2,5 mmol/l hyperuricurie de débit hyperuricurie de concentration Urée > 5 mmol/kg/24 h apport en protéines > 1 g/kg/j Sodium > 150 mmol/24 h apports en sel > 9 g/j Diurèse < 2 l/24 h dilution insuffisante Densité (urines du matin) > 1.015 g/l diurèse nocturne insuffisante pH > 6,5 acidose tubulaire distale, lithiase phosphocalcique, lithiase d’infection lithiase urique ou oxalo-urique Exploration biochimique du sérum et des urines < 5,2 Le bilan biologique a sa place chez tout patient, après le premier événement lithiasique, ainsi que pendant le suivi. Le Comité Lithiase de l’Association Française d’Urologie (CLAFU) a récemment mis ses recommandations à jour 16 . Le bilan de première intention doit être effectué à distance (4 à 6 semaines) de l’épisode clinique et de l’intervention thérapeutique 248 Rev Med Brux - 2014 CONCLUSIONS L’évolution épidémiologique de l’urolithiase et de ses causes représente un enjeu de santé publique. L’analyse biologique du calcul est une approche simple et rapide, y compris pour détecter, suspecter ou au contraire exclure une pathologie métabolique ou génétique. Par la nature des espèces cristallines qui le composent, le calcul oriente le clinicien vers les principales anomalies biochimiques urinaires qui ont conduit à sa formation, y compris lorsque la cause de la lithiase est simplement un déséquilibre nutritionnel et/ou un défaut de diurèse. Le calcul apparaît comme un élément essentiel du diagnostic étiologique des maladies lithiasiques qui permet d’optimiser la prise en charge thérapeutique. Des collaborations multidisciplinaires sont nécessaires pour améliorer encore notre compréhension des processus de biocristallisation, leur identification à l’échelle individuelle, offrant ainsi la possibilité d’une meilleure prévention primaire ou de la récidive. Conflits d’intérêt : néant. BIBLIOGRAPHIE 1. Pak CYC : Kidney stones. Lancet 1998 ; 351 : 1797-801 2. Sakhaee K, Maalouf NM, Sinnott B : Kidney stones 2012 : pathogenesis, diagnosis, and management. J Clin Endocrinol Metab 2012 ; 97 : 1847-60 3. Knoll T : Epidemiology, pathogenesis, and pathophysiology of urolithiasis. Eur Urol Supp 2010 ; 9 : 802-6 4. Keddis MT, Rule AD : Nephrolithiasis and loss of kidney function. Curr Opin Nephrol Hypertens 2013 ; 22 : 390-6 5. Strohmaier WL, Wrobel BM, Schubert G : Overweight, insulin resistance and blood pressure (parameters of the metabolic syndrome) in uric acid urolithiasis. Urol Res 2012 ; 40 : 171-5 6. 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