Journal de L’AFP (Association Française des Polyarthrites) octobre 2006 Qu’est-ce que la polyarthrite rhumatoïde ? Pr Bernard Combe, Immuno-Rhumatologie CHU Lapeyronie Montpellier La polyarthrite rhumatoïde est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques (entre 0.4 et 0.8 % de la population générale). C’est aussi le plus grave des rhumatismes notamment par le risque de développer des destructions articulaires irréversibles, des déformations articulaires et un handicaps parfois important. La polyarthrite rhumatoïde est considérée comme étant une maladie auto-immune, c’est-àdire une maladie présentant un dérèglement du système immunitaire entraînant une réaction de ce système contre certains constituants des cellules ou des organes et pouvant entraîner à ce niveau des lésions irréversibles. Un exemple des maladies auto-immunes est par exemple le diabète où le système immunitaire réagit contre les cellules du pancréas entraînant la désorganisation et la destruction de cet organe. Dans la polyarthrite rhumatoïde, le dérèglement du système immunitaire produit une inflammation et une prolifération de la membrane synoviale articulaire (membrane qui tapisse l’articulation). Cette inflammation est appelée synovite rhumatoïde et est responsable des premiers symptômes que sont la douleur, la raideur et le gonflement de l’articulation. Elle explique également l'augmentation de la vitesse de sédimentation globulaire et de la proteine-C-réactive souvent constatées dans les phases d'activité de la maladie. Secondairement, cette synovite en produisant de nombreuses substances toxiques pour les constituants articulaires va entraîner des érosions de l’os et une dégradation du cartilage qui tapisse les extrémités osseuses constituant l’articulation. Ces lésions de l’os (érosions) et du cartilage (chondrolyse) vont favoriser à terme la destruction de l’articulation et bien sûr le handicap qui peut être lui-même aussi induit par la douleur et le gonflement articulaire. Le dérèglement du système immunitaire peut produire également une réaction inflammatoire à distance des articulations, en particulier dans les parois des vaisseaux favorisant le développement de manifestations extra-articulaires tels que les nodules rhumatoïdes, des vascularites ou l’atteintes de certains organes. La polyarthrite rhumatoïde peut paraître à n’importe quel âge, avec un pic de fréquence entre 45 et 50 ans et une nette prédominance féminine (environ 3 femmes touchées pour un homme). L’origine de la polyarthrite rhumatoïde n’est pas parfaitement connue mais est due à un ensemble de facteurs qui ne sont pas toujours présents, tels que des facteurs génétiques, immunologiques, hormonaux, d’environnement et des facteurs psychologiques. Les facteurs génétiques et d’environnement semblent tout particulièrement impliqués pour influer le développement et l’évolution de la polyarthrite rhumatoïde. Parmi les facteurs génétiques, on connaît surtout les gènes liés au système HLA (HLA DRB*1 04 et 01) et parmi les facteurs d’environnement, le facteur favorisant le mieux connu actuellement est le tabagisme. Les facteurs d’environnement sur un terrain génétique prédisposé semblent pouvoir favoriser le dérèglement de la réponse immunitaire et donc l’inflammation des articulations ou d’autres organes. Parmi les cellules de l’immunité qui sont au centre du dérèglement du système immunitaire de la polyarthrite rhumatoïde, il faut surtout citer le lymphocyte T et le macrophage. Ces deux cellules entrent en contact et se stimulent respectivement pour d’une part activer d’autres cellules telles que le lymphocyte B, qui va être la cellule entraînant la production d’autoanticorps (anticorps dirigés contre des constituants du soi), et d'autre part produire des substances solubles appelées notamment les cytokines. Celles-ci vont favoriser les interactions entre les cellules, mais également favoriser la production de nombreux médiateurs solubles responsables de la réaction inflammatoire et de la destruction du cartilage et de l’os (par exemple, des enzymes toxiques). Ces cytokines vont notamment agir au niveau de l’articulation, sur les cellules de la synoviale (synoviocytes) qui vont pouvoir proliférer et entraîner la synovite rhumatoïde (véritable tumeur dans l’articulation). Ces cytokines vont activer également les cellules du cartilage (chondrocytes) et les cellules de l’os (ostéoclastes), entraînant ainsi des lésions articulaires caractéristiques de la polyarthrite rhumatoïde, que l’on voit habituellement sur les radiographies : érosions de l’os, pincement des articulations dues à la lyse du cartilage. L’activation du lymphocyte B que nous avons vue est responsable de la production d’anticorps dirigés contre les éléments du soi (auto-anticorps). Parmi ces auto-anticorps, deux sont particulièrement caractéristiques de la polyarthrite rhumatoïde : le facteur rhumatoïde qui est une immunoglobuline (protéine) dirigée contre une autre immunoglobuline et les anticorps anti-CCP (anticorps dirigés contre des protéines citrullinées) qui sont les plus spécifiques de la maladies. Ces auto-anticorps ont un rôle dans les mécanismes pathogéniques de la maladie mais sont également très utiles pour le diagnostic et pour formuler un pronostic. En effet, la sévérité de la polyarthrite rhumatoïde est très variable d’un patient à un autre. Certains ont des formes très bénignes, d’autres rapidement des formes très sévères avec destruction articulaire rapide. Les formes bénignes qui représentent près d’un tiers des cas auront souvent peu ou pas de lésions articulaires ou de déformations irréversibles. Les connaissances sur les mécanismes de la maladie que nous avons vus ont beaucoup progressé au cours des dernières années et ont permis d’identifier des cellules ou des substances chimiques solubles, responsables des dégâts observés dans cette maladie et pouvant donc devenir des cibles pour les traitements. Il en est ainsi des lymphocytes T et des macrophages, des lymphocytes B mais également des cytokines pro-inflammatoires, comme le TNF , l’interleukine 1 ou encore l’interleukine 6. Le développement de ces traitements dirigés contre des cibles identifiées comme intervenant dans les mécaniques de la maladie a permis des avancées thérapeutiques extrêmement importantes au cours des 5 à 10 dernières années avec le développement notamment des médicaments anti TNF (Enbrel, Humira, Remicade), des traitements dirigés contre le lymphocyte B ( rituximab-Mabthera) ou des molécules inhibant les relations entre les lymphocytes T et les macrophages ( abataceptOrencia). Les progrès sur les connaissances scientifiques de la maladie sont actuellement encore en train de progresser et de nouvelles thérapeutiques vont voir le jour dans l’avenir, permettant par exemple, de contrôler directement ou de prévenir les lésions osseuses ou cartilagineuses, en inhibant des substances intervenant directement sur l’activation des ostéoclastes ou des chondrocytes.