Les brûlures - L importance de la première heure

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DOSSIER
Les brûlures
>> DOSSIER
L’importance de la première heure
Focus
...
Incidence
annuelle
des brûlures
en France
• Brûlures toutes
formes : 500 000.
• Hospitalisations :
10 000.
• Hospitalisations
en centre spécialisé :
3 500.
• Décès : 1 000.
• Accidents
domestiques : 52 %.
• Accidents
de loisir : 10 %.
• Accidents
du travail : 18 %.
• Tentatives
de suicide : 5,6 %.
• Accidents
de circulation : 3 %.
• Incendies : 3 %.
• Agressions : 2 %.
Source :
CTB Percy 2003
Les premières heures d’évolution d’une brûlure grave engagent le pronostic futur. Le
malade est souvent admis dans le service d’urgence de l’hôpital de secteur, qui décide
de son évacuation. En fait, une proportion peu importante de brûlés est traitée dans des
centres spécialisés, d’où l’intérêt de connaître les processus d’urgence à tenir.
U
ne brûlure est plus ou
moins grave en fonction
de sa profondeur, de son
étendue et de sa localisation.
Trois degrés
La profondeur des brûlures permet
de les classer en trois degrés.
Les brûlures du premier degré,
les plus fréquentes et les moins
graves, intéressent les couches
superficielles de la peau et se traduisent par une simple rougeur
chaude et douloureuse. Elles guérissent généralement en quelques
jours, sauf si elles sont très étendues.
Les brûlures du deuxième degré
sont plus profondes. L’épiderme
(couche superficielle) se détache
du derme sous-jacent en formant
de grosses cloques remplies de
liquide qui risquent de s’infecter.
Correctement traitées, ces brûlures
guérissent en deux à six semaines.
Les brûlures du troisième degré
sont très graves, concernent toutes
les couches de la peau, qui est
alors blanche ou brune, sèche, cartonnée, puis qui noircit. Les organes sous-jacents, tels les terminaisons nerveuses, les vaisseaux
sanguins, les muscles, les tendons… sont également atteints.
Par ailleurs, une brûlure est d’autant plus grave qu’elle est étendue,
et impose l’hospitalisation si elle
atteint 9 % de la surface corporelle.
Certaines localisations comme les
yeux, le nez, la bouche, les mains
et les pieds sont redoutables. La
brûlure non traitée est aussi une
porte ouverte à l’infection.
Différencier les causes
Différentes causes sont à l’origine
de brûlures : elles sont le plus sou-
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 61 • janvier-février 2005
vent attribuables à la négligence.
Les brûlures domestiques sont les
plus fréquentes et atteignent le
plus souvent les enfants (surface
chaude, séchoir à cheveux, eau
bouillante, fils électriques, produits
caustiques.).
La brûlure thermique
La brûlure thermique représente
90 % des brûlures. La destruction
cutanée débute à 50 °C mais elle
nécessite une quinzaine de
minutes d’exposition à la chaleur.
La rapidité de survenue des lésions
croît ensuite de façon exponentielle
avec la température (70 °C = une
seconde...). La nécrose centre une
zone de souffrance cellulaire quelquefois récupérable, elle-même
entourée d’une zone inflammatoire
d’hyperhémie toujours viable.
Ce qui distingue la petite brûlure,
lésion cutanée, de la brûlure grave,
c’est la généralisation de la réaction inflammatoire. Celle-ci est liée
à la masse de tissus lésés (la brûlure est une lésion tridimensionnelle) ou à la coexistence d’une
autre cause d’inflammation aiguë
(inhalation de fumées, traumatisme associé, infection précoce ou
coexistante…). La réaction inflammatoire gagne les tissus non brûlés, où il existe une hyperperméabilité transitoire d’une durée de
6 heures environ ; le poumon, où
elle génère une modification des
rapports ventilation/perfusion, et le
myocarde, où apparaît une diminution de l’inotropisme.
La brûlure grave s’accompagne par
ailleurs d’une hémolyse, voire
d’une rhabdomyolyse. Il existe des
troubles précoces de l’hémostase
par dilution et consommation des
facteurs de coagulation.
La modification des circulations
locales est due à l’hypovolémie
mais aussi à la libération de
médiateurs vaso-actifs comme le
PAF-acéther. Il existe initialement
une ischémie splanchnique, rénale
et cutanée dont la traduction clinique est bien connue. La translocation bactérienne colique est
constamment retrouvée chez l’animal mais jamais prouvée chez
l’homme, chez lequel on ne
retrouve pas d’endotoxinémie.
Les lésions cutanées s’approfondissent du fait de l’hypoperfusion
et de la pérennité d’action de
l’agent en cause.
Il existe un risque d’hypervolémie
chez un patient en état d’antidiurèse. Les modifications endocriniennes, métaboliques, immunologiques et nutritionnelles prennent
toute leur amplitude vers la fin de la
première semaine. Elles sont entretenues par les agressions thérapeutiques auxquelles est soumise la
victime, et la survenue d’une infection précipite les événements.
La prise en charge des brûlés
graves nécessite des moyens
humains et matériels importants
qui ne sont réunis que dans un
centre spécialisé.
Une question d’urgence
Le refroidissement des lésions est
une question d’urgence car, pour
être efficace, il doit être instantané
et n’a plus d’intérêt passé 10 minutes. Il est sélectif des seules zones
brûlées. Il est d’autant moins prolongé que la victime est plus fragile
(pas plus de 3 à 5 minutes chez les
petits enfants) et doit être évité
chez les patients choqués, inconscients ou lors de conditions thermiques extérieures défavorables,
SOINS DES PLAIES
L’administration d’hydroxocobalamine est réservée aux victimes
d’incendie présentant un arrêt cardiaque, des troubles du rythme,
une grande instabilité hémodynamique. Avant l’injection du produit
(5 g chez l’adulte, 70 mg/kg chez
l’enfant) des prélèvements sanguins doivent être réalisés pour
dosage du CO, cyanures, enzymes...
Ils seront ensuite difficiles en raison de la coloration rouge des
liquides biologiques. Cette même
coloration des téguments est une
gêne à l’évaluation de la profondeur des brûlures.
Localisation de la brûlure
et lésions associées
Certaines localisations plus particulières sont à rechercher qui se
compliquent de problèmes vitaux,
fonctionnels ou esthétiques profonds (brûlures des mains et des
pieds). Les lésions associées sont
fréquentes et trop souvent méconnues. Quand il y a eu incendie
avec flammes et fumées, le risque
est alors celui d’une inhalation par
les fumées avec hypoxie. La recherche de toxiques est réalisée
chez tout patient inconscient.
Par ailleurs, les lésions traumatiques associées gardent leur priorité de traitement. L’association
fracture/brûlure est la plus fréquente. Pour que la brûlure puisse
être soignée sans gêne à la mobilisation, toute fracture doit donc être
fixée. Il n’y a pas d’obstacle à l’ostéosynthèse, sauf les délais d’intervention. Bien souvent c’est la fixation externe qui est choisie. Le
passage de la voie d’abord chirurgical à travers la brûlure est possible dans les premières 12 heures.
Ce n’est qu’après que l’escarre se
colonise en l’absence d’un traitement local efficace. En cas de
doute, il faut faire appel à la
séquence : excision de la brûlure,
abord chirurgical, fermeture et
greffe dermo-épidermique. La pratique d’une chirurgie précoce chez
un brûlé grave doit prendre en
compte les anomalies de coagulation précoces. Ces anomalies peuvent, lorsque l’intervention est
urgente, nécessiter la transfusion
de PFC, voire de plaquettes. Ce
risque est accru en cas d’utilisation
de quantités importantes d’hydroxyéthylamidon.
ALP
Source : Centre des grands brûlés de l’hôpital
Percy de Clamart (92)
Que faire
dans l’urgence ?
Tout service d’urgence doit avoir
prévu la prise en charge d’un
brûlé. La salle de réception est
propre et chauffée. Le malade
est déshabillé et manipulé avec
des gants par des personnes aux
mains lavées et vêtues de
propre. L’évaluation ne se limite
pas à celle de la seule surface
brûlée, mais détermine la profondeur de la brûlure. Il faut rechercher les localisations dangereuses et les lésions associées.
Cependant, il n’existe aucune
méthode scientifique validée
pour apprécier la profondeur
d’une brûlure. « Il paraît illusoire
de vouloir utiliser une échelle de
profondeur basée sur l’histologie
et qui entraîne un pourcentage
élevé d’erreurs même chez des
médecins spécialistes des brûlés », explique le Pr H. Cassin.
L’efficacité recommande d’essayer de distinguer les brûlures
qui guérissent spontanément de
celles qu’il faudra greffer.
Il faut pourtant se rappeler que
les brûlures qui guérissent se
caractérisent par une phlyctène,
la douleur très intense, l’aspect
exsudant, l’intégrité des poils,
une persistance de la décoloration-recoloration à la pression,
des tissus qui restent souples ;
les brûlures qui sont à greffer se
caractérisent par leur insensibilité, la perte de décolorationrecoloration, la perte de souplesse des tissus, l’absence
d’adhérence des phanères et un
aspect moins exsudant. Lorsqu’on hésite sur la profondeur, en
particulier dans les brûlures par
liquides, c’est l’évolution qui
tranchera et le diagnostic de profondeur ne sera pas fait avant le
10e jour.
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car l’hypothermie menace le brûlé
grave. En effet, il faut refroidir la
brûlure (et non le brûlé).
La mise en place d’une perfusion
s’impose dès que les lésions
dépassent 5 % de la surface d’un
nourrisson (5 paumes de main),
10 % de celle d’un enfant ou d’un
vieillard et 15 % de celle d’un
adulte. L’évaluation de la brûlure à
ce niveau, doit être rapide, qui est
obligatoirement inexacte : la règle
des 9 est, ici, largement utilisée. Le
débit de perfusion ne doit pas
répondre à des calculs compliqués mais être évalué sur le poids
du patient. Celui-ci doit recevoir
20 ml par kilo de poids de Ringer
lactate® pour la première heure et
bénéficier d’un ou de plusieurs
cathéters courts pour assurer un
tel débit.
La surveillance limitée évaluera la
tolérance du malade à sa lésion et
à sa réanimation par l’appréciation
de la pression artérielle (PAM > =
70 mmHg) et de la diurèse
horaire (0,5 à 1 ml/kg/h). Dès
que le transport menace d’être
long, la mise en place d’une
sonde urinaire s’impose car il faut
réanimer le brûlé. Si l’oxygénothérapie devient nécessaire chez ce
malade potentiellement choqué,
l’intubation et la mise sous respirateur doivent être réservées aux
victimes
inconscientes,
en
détresse respiratoire ou présentant des lésions majeures de la
tête et du cou qui évolueront
dans les minutes suivantes vers
une obstruction des voies
aériennes. Les lésions d’inhalation
de fumées patentes, même sans
détresse initiale, devront être intubées si le transport est long. Il est,
en revanche, inutile d’intuber de
principe un brûlé, victime potentielle d’une inhalation de fumées,
qui est conscient, respire normalement et pour lequel la place est
assurée rapidement dans un service proche vers lequel il sera
convoyé par une ambulance
médicalisée. Pour le Pr Cassin
(hôpital Percy), « les protocoles
trop stricts sont quelquefois une
insulte au bon sens ».
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