L’art de la démesure Le vingtième siècle aura été le siècle de la démesure. La démesure de la politique avec des guerres mondiales, des déportations et des camps d’extermination, qui a culminé avec deux bombes atomiques larguées sur des populations civiles. La démesure de l’homme, ensuite, puisque ces crimes ont été commis au nom d’idéologies abstraites qui, pour sauver l’humanité, ont sacrifié sans remords les hommes réels. Je vous présente L’Hybris (ou hubris). Le sens de la démesure qui semble être une fatalité depuis les Grecs anciens. Depuis quelques années l’art moderne se serait engagé à corps et à cri – ou plutôt à corps perdu – dans la démesure, la monstruosité. Et nous ne voyons rien à y redire. Jamais ne nous viendrait à l’esprit de remettre en cause l’Hybris tant la monstruosité en art nous est devenue familière. Le figuratif ? Vieillerie vulgaire ! La difformité ? Aimable, désirable, normal. Par quelles voies, la démesure, l’Hybris en art (mais pas seulement) , parvint-elle à tracer son chemin jusqu’à nous ? Tout d’abord une évidence : par-delà toute considération morale ou esthétique, l’art dit moderne fabriqua, en effet, du monstre en série depuis toujours de Goya à Redon, de Redon à Masson en passant par Dali ou Zeller…C’est le retour en force de la nef des fous (et des folles). C’est la revanche du cavalier sans tête. Le sacre de l’hystérie. Le carnaval des golems. La foire aux goules et aux ectoplasmes ! Comment expliquer ce phénomène ? Certain y voient la poussée de fièvre de la psychiatrie par contagion, d’autres le divorce consommé entre les sciences et l’art (on ne représente plus l’anatomie) mais la réponse se trouve aussi sûrement dans une autre question. L’art témoigne t-il de notre temps ? C’est une question à laquelle le philosophe Yves Michaud répond par l’affirmative. Notre société contemporaine s’exprime par le démesure, l’Hybris, notre art contemporain nous le révèle un peu plus jour après jour. Nietzsche avait clairement établi le diagnostic : « La mesure nous est étrangère, reconnaissonsle ; notre démangeaison, c’est justement la démangeaison de l’infini, de l’immense. ». Pourtant la démesure si elle est un penchant naturel de l’homme doit être combattue. Cette envie d’extrémisme, ce besoin de plus de violence dans les moyens d’expressions, cette brutalité de l’instant chez les grecs anciens déjà été chatiés par la némésis ou « destruction », le châtiment des dieux qui fait se rétracter l’individu à l’intérieur des limites qu’il a franchies. Hérodote l’indique clairement dans un passage significatif « car le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure. » Chez les libéraux aussi, force est de constater une certaine propension à la démesure dés que l’on évoque le rôle de l’Etat, la propriété ou même la monnaie mais pour rebondir sur les propos de Raymond Aron précédemment cité, le rôle d’un intellectuel (ou qui se prétend tel en tout cas) devrait être d’apaiser les tensions, pas de les créer. Sauf si le libéral n’est pas un intellectuel. Sauf si le libéral veut se prendre pour Dieu. Pour aller plus loin dans l’Hybris et l’art: -Hubris: La fabrique du monstre dans l’art moderne. Homoncules, Géants et Acéphale, Gallimard (22 mars 2012) -L’art reflet de la société » – Conférence de Yves Michaud http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs_au_lycee/l_art_reflet_de_la_societe_yv es_michaud.4275