la gouvernance économique mondiale depuis 1975

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M. PARCHEMIN – LYCÉE FRÉDÉRIC JOLIOT-CURIE – AUBAGNE
LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE MONDIALE DEPUIS 1975
Problématique
Comment la mondialisation des échanges, les crises, l’émergence de nouvelles puissances et les
contestations environnementales ou sociales ont-elles conduit à faire évoluer la gouvernance économique
mondiale depuis 1975 ?
Plan
I – L’effondrement du système de Bretton Woods hérité de la Seconde Guerre mondiale oblige les grandes
puissances à imaginer une nouvelle gouvernance (années 1970)
A – Un système économique instable dans les années 1970
B – Une économie désormais mondialisée
C – L'invention du G6 : une gouvernance sous le contrôle des pays riches
II – Le triomphe d’une gouvernance néolibérale (années 1980 et 1990)
A – Une révolution néolibérale dans les années 1980
B – La gestion des crises économiques selon le Consensus de Washington
C – La naissance de l’OMC
III – Les dé fis d’une gouvernance mondiale contestée et contrainte d’évoluer (depuis 1999)
A – Repenser la gouvernance dans un monde multipolaire
B – Intégrer la question environnementale
C – Répondre à la critique altermondialiste
Notions et vocabulaire
Mondialisation
Gouvernance mondiale
Dérégulation (= déréglementation)
Libéralisme économique (néolibéralisme dans les années 1980)
Plan d’ajustement structurel (PAS)
Consensus de Washington
Altermondialisme
Organisations
FMI, Banque mondiale, OMC
G6 (1975), G7 (1976), G8 (1998-2013)
G20 (depuis 2008)
BRICS
Forum social mondial (FSM)
ONG
GIEC
INTRODUCTION
Frise chronologique page 187, notions clés page 188, carte page 189.
Les années 1970 marquent une charnière dans le système économique mondial et tout
particulièrement pour le pays leader que sont les États-Unis : le dollar n’est plus convertible en or à
taux fixe à partir de 1971 et le choc pétrolier de 1973 met à mal son économie développée, le tout
dans un contexte de défaite morale (échec au Vietnam, scandale du Watergate). L’économie est
cependant de plus en plus mondialisée avec l’arrivée progressive des nations asiatiques sur le
devant de la scène. À défaut d’un gouvernement mondial, une forme d’organisation est nécessaire
pour accompagner cette mondialisation. La gouvernance se veut ainsi un ensemble de règles
internationales d’organisation du monde. Si les questions économiques viennent en premier à l’esprit
la gouvernance concerne également les domaines qui impliquent une vision globale : paix et sécurité
collective, démocratie et droits de l’homme, développement durable, etc. En effet pour ces questions
l’échelle de l’État-nation ne s’avère plus pertinent pour édicter des règles qui auront une incidence
suffisante pour résoudre le problème. Depuis les années 1970, cette gouvernance est surtout
économique car elle s’inscrit dans un quadruple contexte : la mondialisation des échanges ; des
crises économiques, boursières ou financières à répétition ; émergence de nouvelles puissances
économique et l’essor d’une critique altermondialiste et écologiste. Aussi nous allons tenter de
comprendre comment ces différents éléments ont conduit à faire évoluer la gouvernance
économique mondiale depuis 1975. Nous montrerons d’abord que c’est l’effondrement du système
de Bretton Woods qui a contraint les grandes puissances à mettre en place une nouvelle
gouvernance, puis que les années 1980 et 1990 ont vu le triomphe du gouvernance néolibérale. Pour
finir nous aborderons les défis d’une gouvernance mondiale contestée et donc contrainte d’évoluer.
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M. PARCHEMIN – LYCÉE FRÉDÉRIC JOLIOT-CURIE – AUBAGNE
I – L’effondrement du système de Bretton Woods hérité de la Seconde Guerre
mondiale oblige les grandes puissances à imaginer une nouvelle gouvernance
A – Un système économique instable dans les années 1970
En 1944, les accords de Bretton Woods organisent la stabilité des monnaies et créent le FMI et la
Banque mondiale. Selon ce système le dollar est convertible en or et les autres monnaies se
définissent en fonction du dollar. En 1947, les accords du GATT prévoient des cycles de négociation
pour faire baisser les services douaniers.
Ces deux accords constituent la base du sytème économique de l'après Seconde Guerre mondiale
qui a permet le développement de la mondialisation des échanges. Cette gouvernance ne concerne
alors qu'une partie de la planète puisque les pays communistes n'y participent pas et ces principes
ne sont même pas correctement respectées dans le bloc occidental (certains pays dévaluent leur
monnaie).
Les États-Unis importent de plus en plus des produits étrangers payant bien évidemment en dollars.
Or les partenaires commerciaux des États-Unis peuvent leur demander l'échange de ces dollars
contre de l'or. Pour éviter l'épuisement de leur stock d'or, les États-Unis décident en 1971 la fin de la
parité or-dollar. Le système de Bretton Woods prend donc fin puisqu'en 1976, un système de change
flottant est confirmé.
Les années 1970 sont donc bien une décennie cruciale pour les États-Unis :
– balance commerciale déficitaire
– fin de la parité or-dollar
– augmentation des investissements et délocalisations vers l'étranger
– choc pétrolier en renchérit le prix de l'énergie et achève de déstabiliser l'économie américaine.
B – Une économie désormais mondialisée
Mondialisation : mise en contact des territoires par des flux de toutes natures, ce qui implique une
diffusion du mode de fonctionnement capitaliste à l’ensemble de la planète.
Depuis les années 1970, le processus de mondialisation augmente considérablement grâce au
succès des accords du GATT et aux progrès des transports maritimes. La libéralisation de
l'économie ainsi que la révolution des transports facilite considérablement les flux de marchandises.
Les produits sont désormais fabriqués dans les pays qui présentent le meilleur avantage comparatif,
par exemple les pays du Sud pour tout ce qui nécessite beaucoup de main d'oeuvre. On assiste à
une véritable division internationale du travail. Certains pays profitent des délocalisations
qu'organisent les pays du Nord pour se développer : en premier lieu les « dragons », nouveaux pays
industrialisés d'Asie (NPIA) qui ont ainsi atteint le niveau de développement du Nord, puis les pays
émergents notamment la Chine.
La chute rapide et continue des droits de douanes ainsi que les transports rapides et bon marchés
permettent même de profiter de la spécialisation de chaque pays pour fabriquer des pièces d'un
même produit dans différents pays avant de le faire assembler dans un « pays atelier » à faible coût
de main d'oeuvre. Cette décomposition internationale du processus productif complexifie
considérablement les flux commerciaux.
Les flux financiers également ont été considérablement facilités par la dérégulation financière : la
libre circulation des capitaux est est encouragée par l'absence de règles fixées par les États. Les
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tendances à la privatisation des entreprises publiques ou à la délocalisation attirent ainsi des
investissements venant d'autres pays.
Cette facilité à déplacer les capitaux assure aux territoires prometteurs un financement assuré de
projets économiques qui permettent leur développement. Mais la dérégulation peut aussi avoir des
conséquences négatives comme la spéculation sur les matières premières (notamment agricoles ce
qui peut causer des famines) ou encore susciter des crises financières d'envergure.
Puisque l'économie mondiale fonctionne en réseaux et que le déplacement des capitaux est facilité,
une crise locale peut facilement se diffuser ce qui explique l'enchaînement des crises financières :
Mexique, Asie, Amérique latine, subprimes et crise de la dette : des crises financières en
cascade causées par la dérégulation
d'après Régis Bénichi, « La gouvernance économique mondiale depuis 1944 »,
Regards historiques sur la monde actuel, Nathan, 2012, pp. 321-324
Dans les années 1980, le Mexique est l'élève modèle du FMI : libéralisation de l'économie,
privatisation massive, abandon du protectionnisme ce qui attire massivement les investissements
notamment dans les maquiladoras. Mais en 1995, la révolte du Chiapas entraîne un brusque reflux
des placements au point que les États-Unis doivent prêter 50 milliards de dollars pour éviter
l'effondrement de son voisin.
Les capitaux retirés du Mexique sont déplacés vers l'Asie en pleine croissance. Mais la
surabondance de capitaux déposés dans les banques asiatiques les conduit à multiplier les prêts,
facilitant l'endettement des entreprises et des particuliers. En 1997, la Thaïlande annonce le
flottement de sa monnaie car elle ne peut pas faire face à cette fuite de devise entrainant toute la
zone dans la crise (sauf Vietnam, Taiwan et Chine). Les bourses asiatiques s'effondrent et l'activité
économique en Asie recule de 25 % ce qui fait chuter le prix des matières premières (en raison de
la contraction de la demande).
La crise se répercute en Russie qui perd des revenus dus à l'exportation des hydrocarbures puis au
Brésil et en Argentine. À chaque fois une aide du FMI est apportée en échange de réformes
structurelles très libérales (voir infra).
Les crises des années 1990 conduisent à ce que les milieux boursiers appellent une « fuite vers la
qualité », c'est-à-dire un reflux des capitaux vers les bourses occidentales jugées plus sûres avant
qu'une nouvelle chute des bourses se déroule en 2003. Dans les années 2000, la croissance
chinoise et indienne apporte de nouveaux capitaux à un rythme trop rapide. Pour freiner le
développement des marchés, les taux d'intérêts sont relevés en 2007 ce qui provoque la crise des
subprimes (prêts hypothécaires à taux variable qui permettaient à des personnes de revenu
modestes d'acheter leur logement). Face au risque d'effondrement du sytème bancaire occidentale,
les plans d'aide se multiplient. Les États s'endettent pour cela (et pour leur fonctionnement courant
car la croissance de l'économie réelle ne suffit pas à financer l'État providence) au point que les
milieux financiers qui détiennent ces dettes s'inquiètent des risques d'insolvabilité, relèvent leur
taux d'intérêt ce qui provoque la crise de la dette, d'abord en Grèce puis la crise de l'euro.
C'est ainsi que du Mexique à l'Asie, de l'Asie aux États-Unis et à l'Europe en passant par la Russie
ou l'Amérique latine, les crises se succèdent et se terminent toujours de la même manière : une
aide du FMI qui exige en échange une libéralisation accrue qui pourrait elle-même être porteuse de
nouvelles crises.
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C – L'invention du G6 : une gouvernance sous le contrôle des pays riches
→ Doc. 1 page 192
Suite à la déstabilisation du système de Bretton Woods et à l'impact du choc pétrolier, les principaux
États industrialisés de la planète décident d'organiser une réunion régulière des chefs d'État et de
gouvernement. La France qui est à l'origine de cette proposition accueille donc le G6 au château de
Rambouillet. Dès 1976, le Canada rejoint les États-Unis, le Japon, la France, la Grande Bretagne, la
RFA et l'Italie pour former le G7. À partir de 1977, la Commission européenne y est représentée par
son président.
Chaque année les dirigeants des grandes puissances se rencontrent donc pour coordonner leurs
politiques monétaires et commerciales ou discuter de sécurité collective. Mais le G7 est critiqué car il
est symbole l'inégalité du système international où quelques pays décident pour l'ensemble de la
planète, imposant évidemment une vision libérale sans dialogue avec les pays du Sud.
En 1998, la Russie est admise au sein du G8 dans un geste d'ouverture reconnaissant ainsi que ce
pays à un rôle à jouer dans la gouvernance mondiale. La crise ukrainienne conduit à son exclusion
en 2014. Comme à son origine, ce groupe redevient une réunion de pays uniquement occidentaux
auquel s'ajoute le Japon dont l'économie est anciennement liée à celle des occidentaux.
La création du G6 devenu G7 marque donc une volonté de reprise en main par le politique mais non
en désaccord avec les grandes organisations existantes : ces pays capitalistes défendent la même
idéologie libérale que le FMI dont ils représentent d'ailleurs 45 % des quote-parts (= part du
financement des aides et du nombre de voix lors des votes).
II – Le triomphe d’une gouvernance néolibérale
A – Une révolution néolibérale dans les années 1980
Si les organisations créées par les accords de Bretton Woods sont clairement libérales, elles ont tout
de même été créées à une époque marquée par la naissance de l'État-providence et en la croyance
dans un État entrepreneur, acteur à part entière de l'économie du pays.
Dans les années 1970, les économistes néolibéraux dénoncent le mode de gouvernance en place
depuis 1944 affirmant que la fiscalité et la réglementation freine la croissance. Ils dénoncent le coût
de l'État-providence, l'immobilisme des syndicats et l'inefficacité des politiques de relance
keynésiennes qui ne ferait que creuser le déficit sans réduire le chômage.
Dans les années 1980, Ronald Reagan et Margaret Thatcher sont au pouvoir aux États-Unis et en
Grande-Bretagne. Ils mettent en application ces programmes néolibéraux dans leurs pays respectifs,
mettant fin à l'État-providence, privatisant les entreprises publiques, dérégulant un maximum afin de
faciliter l'activité économique (en facilitant le licenciement, les investissements, etc.). Les
conséquences sont immédiates et considérables dans le monde du travail.
Ce néolibéralisme se diffuse dans tout le monde occidental et bien évidemment dans les grandes
instances internationales qui appliquent désormais des règles plus strictes afin de convertir
également les pays du Sud au libéralisme économique impliquant privatisation des entreprises d'État,
réduction des dépenses publiques et dérèglementation.
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B – La gestion des crises économiques selon le Consensus de Washington
Dans les années 1980, les deux organismes créés en 1944 sont mis à contribution pour résoudre la
crise dans certains pays d'Amérique latine notamment. Banque mondiale et FMI sont en effet
complémentaires :
La Banque mondiale a pour objectif de favoriser la croissance et de lutter contre la pauvreté dans
les pays du Sud. Elle accorde des prêts aux États pour financer des infrastructures. Son siège est à
Washington et son directeur est toujours un Américain.
L e Fond monétaire international (FMI) est garant de l'ordre monétaire mondial. Il intervient
uniquement en cas de crise grave aussi bien dans les pays du Nord (ex. en Grèce) que dans les
pays du Sud (ex. en Argentine). Son siège est à Washington mais son directeur est toujours un
Européen (dernièrement les Français Dominique Strauss-Kahn puis Christine Lagarde).
Pour obtenir les prêts de la Banque mondiale ou les aides d'urgence du FMI, ces deux institutions
réclament en échange des plans d'ajustements structurels (PAS). Les pays en question doivent
prendre des mesures très libérales de réduction du déficit budgétaire (et donc baisser leurs
dépenses publiques), de privatisations et de réduction des barrières douanières.
Cet ensemble de mesures très libérales est appelé à la fin des années 1980 « consensus de
Washington » puisque les deux organismes ont leur siège dans la capitale américaine et que le
gouvernement américain de Ronald Reagan est le principal inspirateur de ces politiques.
Ce traitement de choc est souvent accusé d'aggraver les difficultés des pays les pauvres et
d'augmenter les inégalités dans les autres. En effet, on demande aux pays ciblés de privatiser, de
déréglementer et surtout de réduire les services publics alors que la population en a le plus besoin.
Les PAS sont donc très critiqués par les altermondialistes mais aussi par beaucoup d'États du Sud
ce qui explique que Chine accorde des prêts sans conditions pour contrer l'influence américaine et
que les BRICS sont en train de créer la Nouvelle Banque de Développement pour concurrencer la
Banque mondiale.
C – La naissance de l’OMC
Les accords du GATT ont été efficace puisqu'entre 1947 et 1972 les droits de douanes sont passés
de 40 % du prix des produits importés à 10 % en moyenne. En 1995, un nouveau cycle de
négociation aboutit à la création de l'Organisation mondiale du commerce dont l'objectif est d'étendre
davantage le libéralisme notamment dans le domaine de l'agriculture et des services qui n'étaient
pas concernés auparavant.
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a pour objectif la libéralisation du commerce
mondial des biens et des services. Pour cela, des négociations sont menées pour réduire les droits
de douanes et les autres règles qui empêcheraient un produit de circuler librement (barrières nontarifaires, par exemples règles de sécurité, normes, etc.). Un Organe de règlement des différends
(ORD) permet aux États de régler pacifiquement les problèmes rencontrés dans leurs relations
commerciales. Le siège de l'OMC est à Genève et elle généralement dirigée par un Européen (le
Français Pascal Lamy de 2005 à 2013 mais le Brésilien Roberto Azevêdo depuis 2013).
Deux limites s'opposent à l'OMC :
– le risque de blocage est très important puisque l'OMC exige une double unanimité (la totalité
des 160 pays membres et la totalité du programme discuté)
– cette organisation est très critiquée par le mouvement altermondialiste qui lui reproche de trop
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libéraliser l'économie, de favoriser les entreprises et entrepreneurs des pays riches au dépend
des salariés et des pays pauvres. L'OMC peut alors être perçue comme un organisme aux
mains des puissants qui impose ses règles libérales au monde entier en un mot, un organisme
non démocratique.
En conséquent les négociations passées sont plutôt des échecs car les pays du Sud s'opposent
avec succès aux grandes puissances du Nord notamment sur la question de la libéralisation des
marchés agricoles.
III – Les défis d’une gouvernance mondiale contestée et contrainte d’évoluer
A – Repenser la gouvernance dans un monde multipolaire
Dans les années 1960 et 1970, les pays du Sud avaient tenté de se faire entendre avec la notion de
Tiers-Monde, la création d'un G77 (aujourd'hui 133 membres) et la réunion tous les quatre ans à
partir de 1964 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
(CNUCED). En 1974, un « nouvel ordre économique international » (doc. 2 page 194) avait été
proposé par ces pays du Sud qui demandaient plus d'égalité entre pays du Nord et du Sud et même
des avantages spécifiques pour éviter d'être défavorisés par les mécanismes d'échange (ex. acquérir
des technologies sans payer les brevets, exporter sans taxe et taxer les importations pour se
protéger, stabiliser le coût des matières premières, obtenir des prêts à long terme à des taux faibles).
Ces revendications ne débouchèrent pas (sauf pour les exportations à faibles droits de douane) mais
la situation change avec l'émergence de nombreuses économies du Sud parmi lesquels les pays
continent qui sont la Chine, l'Inde et le Brésil. L'intégration de ces puissances du Sud à la
gouvernance mondiale s'est fait à l’occasion des crises des années 1990 et 2000.
De la même manière que la crise des années 1970 avait suscité de la part des États les plus
puissants la volonté de s'organiser pour réagir, les crises des années 1990 puis des années 2000 ont
provoqué une prise de conscience sur la nécessité de réformer la gouvernance économique
mondiale.
Les puissances émergents du Sud prenant de plus en plus de poids dans l'économie mondiale, il
était de plus en plus difficile de laisser au seul G8 la responsabilité de fixer les grandes orientations.
À l'issue des crises financières des années 1990 (Mexique, crise asiatique, Russie, Brésil) le G20 est
créé, il rassemble chaque année à partir de 1999 les ministres des finances des principales
économies de la planète pour évoquer les questions financières et monétaires.
Après la crise des subprimes de 2008, le G20 prend une nouvelle dimension : chaque année se
réunissent les chefs de d'États et de gouvernements et les ministres des finances se réunissent trois
fois par an.
Ce groupe comprend les principales économies du monde (membres du G8 en gras) :
– Afrique : Afrique du Sud
– Amérique du Nord : Canada, États-Unis, Mexique
– Amérique du Sud : Brésil et Argentine
– Asie : Japon, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Arabie saoudite et Turquie
– Europe : France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Russie (et UE qui compte comme
vingtième membre)
– Océanie : Australie
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Depuis 2008, le G20 apparaît comme la principale réunion internationale où les puissances du Nord
et du Sud sont représentées en nombre équivalent ce qui en dit beaucoup sur les changements
économiques qu'a apporté la mondialisation.
Les pays émergents sont ainsi associés à la concertation et aux décisions même si certaines
critiques perdurent : la plupart des projets essentiels à une meilleure gouvernance n'avancent pas
(taxation des transactions financière, lutte contre le changement climatique, pression sur les paradis
fiscaux, meilleure prise en compte de la diversité internationale au sein du FMI et de la Banque
mondiale) et la majorité des États reste exclue de ces sommets (l'Afrique n'est représentée que par
un seul pays, l'Afrique du Sud).
En 2010, une réforme du FMI a donné un peu plus de poids aux pays émergents mais cela est
insuffisant au regard de leur poids réel. Selon l'économiste Joseph Stiglitz, très critique vis-à-vis de la
gouvernance néo-libérale fondée sur les plans d'ajustement structurels, une gouvernance
véritablement multipolaire ne peut se construire que dans le cadre de l'Organisation des Nations
Unies ou des institutions qui en dépendent (CNUECED, PNUD, OIT).
L'organisation du monde est d'autant plus multipolaire que les grandes zones économiques du
monde se sont organisées en organisations régionales sur le modèle de l'Union européenne
(MERCOSUR en Amérique du Sud, ALENA en Amérique du Nord, ASEAN en Asie, etc.). La
gouvernance économique mondiale doit donc désormais concilier trois échelles de prise de
décision : celle des États qui détiennent le souveraineté, celle des organisations régionales qui
organisent économiquement des régions de dimension continentale et enfin celle des organismes
internationaux tels que l'ONU, l'OMC, le FMI et la banque mondiale qui assurent le bon
fonctionnement du système-monde.
B – Intégrer la question environnementale
Les années 1970 ont également marquée un prise de conscience écologique. Dans son rapport Les
limites de la croissance, l'économiste Dennis Meadows montre en 1972 qu'il est impossible de
maintenir une croissance économique importante alors que les ressources sont en limitées. La
même année est organisé le Sommet de la Terre qui depuis lieu tous les dix ans.
L'édition de 1992 à Rio marque un tournant
avec la signatures de trois importantes
conventions internationales (sur les
changements climatiques, sur la diversité
biologique et sur la lutte contre la désertification
ainsi que le programme Agenda 21). En 2002 à
Johannesburg le sommet est centré sur la
notion de développement durable et montre
une prise de conscience généralisée.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature,
mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et
nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle
souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et
nous sommes indifférents. La Terre et l'humanité sont en
péril, et nous en sommes tous responsables. »
Jacques Chirac au Sommet de la Terre, 2 septembre 2002
En 1997 c'est le protocole de Kyoto qui avait suscité l'espoir en organisant une diminution des
émissions de gaz à effet de serre. Mais les pays émergents ne faisaient alors pas partie des
négociations, or c'est notamment leur croissance qui inquiète.
Depuis les années 1990 et la prise de conscience des dangers d'un changement climatique, une
gouvernance environnementale s'est donc ajoutée à la gouvernance économique. Mais la plupart
des conférences menées depuis celle de Johannesburg en 2002 ont été des échec pour l'opposition
forte des États-Unis et de la Chine.
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En 2015 aura lieu à Paris la Conférence sur les changements climatiques : l'ambition de la France
est d'y relancer un processus de limitation des gaz à effet de serre même si d'autres problèmes
importantes existent (déforestation, désertification, pollutions, etc.). La signature aussi important que
celui de Kyoto est possible car en novembre 2014, les États-Unis et la Chine ont signé un accord par
lequel les Chinois s'engagent à diminuer les émissions de GES à partir de 2030 tandis que les ÉtatsUnis promettent une réduction de 26 à 28 % de leurs émissions d'ici 2025 (par par rapport à 2005).
Du côté des militants écologistes, ces efforts sont insuffisants puisque le GIEC (Groupe d'experts
intergouvernemental sur l'évolution du climat) explique que pour limiter l'augmentation de
température moyenne à 2°C il faudrait réduire les émissions mondiales de 40 à 70 % d'ici 2050 par
rapport à 2010. Les écologistes rappellent ainsi que les États-Unis ont choisi 2005 car c'est l'année
où les émissions de GES ont le plus augmenter aux États-Unis. Ramenés à 1990, année de
comparaison internationale, les objectifs américains se limitent à -13,8 % soit -0,43 % par an trop
modeste pour être qualifié d'historique selon certains.
Si l'implication des États est importante, les écologistes soulignent également la responsabilité des
Firmes transnationales car elles vivent de la surconsommation des sociétés développées (voire la
provoquent) au détriment des espaces naturels, et des sociétés moins développées qui subissent les
conséquences écologiques de cette exploitation des ressources de la terre.
C – Répondre à la critique altermondialiste
La gouvernance néolibérale est fortement combattue par un grand nombre d'acteurs qui critiquent
son fonctionnement et les décisions prises. En effet, l'OMC tend à considérer à des marchandises
tous les secteurs y compris les biens vitaux comme l'agriculture, l'accès à l'eau, l'éducation et les
autres services publics. Dans le système libéral tous ces domaines doivent être privatisés et soumis
aux lois du marché.
Dans les années 1990 se structure le mouvement altermondialiste qui cherche des alternatives à la
mondialisation libérale perçue comme néfaste sur le plan économique, social et environnemental.
En 1999, le G8 à Seattle rencontre une première manifestation hostile et très organisée des
altermondialistes. Depuis 2001, ils organisent chaque année un Forum social mondial dans un pays
du Sud pour concurrencer le Forum économique mondial qui a lieu chaque année à Davos, une
station de luxe en Suisse et qui accueille patrons de FTN et hommes politiques de premier plan.
Le mouvement altermondialiste est cependant très divers, sans chef, même si quelques
personnalités (José Bové) ou associations dominent comme ATTAC (Association pour la taxation
des transactions financières et pour l'action citoyenne). Des ONG très connues se rapprochent de
leurs idées notamment dans le domaine environnemental (Greenpeace, WWF, etc.) ou social.
Après le crise de 2008, le paysage altermondialiste se voit renouvelé avec de nouveaux mouvements
citoyens qui réclament une gouvernance plus démocratique et qui contribue plus à augmenter les
inégalités. « Les Indignés » en Espagne et « Occupy Wall Street » aux États-Unis sont les exemples
les plus connus. Certains mouvements évoluent en partis politiques (Podemos en Catalogne créé en
2014) et des partis de gauche radicale se renouvèlent au contact du discours altermondialiste (Syriza
en Grèce, Nouveau Parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot ou Front de Gauche de Jean-Luc
Mélanchon en France).
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Conclusion
Rendue nécessaire par une déstabilisation du système économique dans les années 1970, la
gouvernance économique mondiale s'est adaptée aux nouveaux équilibres internationaux et aux
nouveaux enjeux. Réchauffement climatique, gaspillage des ressources, augmentation des
inégalités, exploitation des travailleurs les plus pauvres et déstabilisation des économies de la
planète par des crises récurrentes sont pour les altermondialistes des enjeux qui trouvent
précisément leur cause dans les pratiques néolibérales mises en place par la gouvernance mondiale.
Si les principaux organismes de la gouvernance mondiale (G20, OMC, FMI) tentent de faire plus de
place aux pays émergents, les puissances occidentales risquent de perdre leur prééminence s'ils
n'acceptent pas la réalité d'une monde multipolaire et susciter une réaction hostile des émergents
comme le montre la création de la Nouvelle Banque de développement par les BRICS en 2014.
Redonner un rôle économique majeur à l'ONU et ses institutions associées (CNUCED, PNUD, OIT)
comme le propose l'économiste Joseph Stiglitz seraient ainsi une solution qui ne semble cependant
absolument pas à l'ordre du jour.
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