SYMPOSIUM DU SAMEDI 15 OCTOBRE 2011 FLORE INTESTINALE, ALIMENTATION ET SANTÉ Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011 Le monde merveilleux du microbiote intestinal Prof. T. Van de Wiele Laboratory Microbial Ecology and Technology (UGent) Notre tractus gastro-intestinal héberge une population incroyablement diversifiée de micro-organismes. Le corps humain compte dix fois plus de cellules microbiennes que de cellules humaines. Le microbiome – les informations génétiques de ces nombreuses bactéries – contient même 100 fois plus d’informations que le génome humain. L’homme a évolué parallèlement à ses colonisateurs microbiens et a mis au point diverses stratégies pour vivre harmonieusement avec sa flore microbienne intestinale. L’organisme doit en effet non seulement pouvoir faire la différence entre les « bons » micro-organismes et les micro-organismes pathogènes, mais il doit aussi élaborer une réponse immunitaire appropriée en cas d’attaque de micro-organismes pathogènes. Outre les informations générales sur les micro-organismes qui peuplent les intestins, nous nous intéresserons dans cette présentation au microbiote muqueux. Ces microorganismes spécialisés ont pour particularité d’adhérer à la paroi intestinale ; ils sont donc en très étroite interaction avec l'organisme humain. Ces micro-organismes ont donc une importance stratégique car ils peuvent influencer la santé humaine dans la bonne direction. De nombreuses nouvelles technologies in vitro sont actuellement développées afin de permettre l’étude des micro-organismes de la muqueuse gastrointestinale et leurs interactions avec les cellules humaines. Ces études permettront d’améliorer les connaissances de base sur les interactions fragiles entre les microorganismes et l’organisme, une phase importante sur la voie de nouveaux développements en médecine mais aussi dans l'industrie alimentaire et pharmaceutique. L’objectif ultime est une gestion plus efficace de la flore microbienne intestinale en vue d’améliorer la santé humaine. Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011 Alimentation et microbiote :” the Good, the Bad, and the Ugly !” Pr B. Pot, Research Director, Institut Pasteur de Lille, Lille En dix ans, la compréhension de la « flore intestinale » (le microbiote comme l’appellent aujourd’hui les scientifiques) a profondément évolué. Désormais, nous appréhendons non seulement beaucoup mieux (la dynamique de) sa composition, mais nous comprenons aussi bien mieux les fonctions de cet écosystème complexe. L’on sait ainsi aujourd’hui que le microbiote joue un rôle majeur dans le bon fonctionnement du système immunitaire, que l’alimentation influence considérablement la composition du microbiote et qu’elle agit ainsi indirectement sur le système immunitaire. Cette relation triangulaire vous est expliquée ci-dessous à l’aide de quelques exemples. The good ! Pendant la présentation, nous reviendrons par exemple brièvement sur les effets potentiellement positifs de l’alimentation sur l’hôte, via la microflore : la synthèse de vitamines par exemple, ou la fabrication d’acides gras à chaîne courte, qui représente une importante source d’énergie pour le côlon. Il est tout à fait possible de mettre en pratique ces nouvelles connaissances : la consommation, via l’alimentation, de probiotiques déterminés, peut avoir un impact positif sur le métabolisme ou le système immunitaire. The bad ! À côté de cela, des facteurs externes peuvent avoir une influence négative sur la flore intestinale. À titre d’exemple, nous évoquerons l’effet nocif des antibiotiques, mesuré à l’aide des méthodes modernes de métagénomique. On est cependant loin de connaître aussi bien tous ces paramètres. Nombreux d’entre eux n’ont pas encore été étudiés. Pourtant, même si la complexité des interactions à ce niveau continuera d’occuper encore un bon moment les chercheurs, de nombreuses applications exploitent d’ores et déjà les connaissances disponibles… The ugly ! L’utilisation de techniques de transplantation de microbiote, par exemple, pourrait permettre, de manière audacieuse et éthiquement discutable, de modifier un profil de microbiote défavorable pour en faire un profil garantissant une meilleure qualité de vie. Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011 Les nouvelles méthodes utilisant l’ADN permettent par exemple d’identifier le dénominateur commun au niveau du microbiote d’un groupe de « patients » déterminés, ceci afin de cartographier l’influence d’un facteur externe dans le temps. L’analyse du microbiome promet d’être une aventure passionnante les effets médicaux, en termes d'alimentation, et même de comportement attribués à cet « organe » et la possibilité d’intervenir délibérément et de manière contrôlée à ce niveau doit permettre de mettre au point un large éventail de thérapies. Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011 Les entérotypes du microbiome intestinal de l’être humain Pr J. Raes, PhD Department of Molecular and Cellular Interactions VIB (VUB) Le corps humain fonctionne grâce à l’interaction complexe de processus et de « services » que nous rendent les 1000 milliards de cellules microbiennes que nous hébergeons. On sait qu’une perturbation de cette flore microbienne naturelle peut provoquer infections, maladies auto-immunes ou cancers mais la connaissance de notre composante microbienne est encore peu développée. Grâce à de récents progrès technologiques, comme la métagénomique et le séquençage de dernière génération, il est aujourd’hui possible d’étudier les divers microbiotes du corps humain comme nous ne l’avons encore jamais fait. Ces avancées ont permis de lancer le projet de recherche international portant sur le microbiome humain, qui vise à séquencer le génome de tous les microorganismes associés à l’être humain (le « microbiome »). Je présenterai ici notre travail sur la description de la flore intestinale de l’être humain qui s’appuie sur l’analyse de données méta-omiques de haut débit (la métagénomique, la métatranscriptomique, la métaprotéomique). Je montrerai comment on peut classer la flore intestinale saine en trois grands types (« entérotypes ») qui sont indépendants de la nationalité, de l’âge, de l’indice de masse corporelle et du sexe de l’hôte. Les entérotypes sont des constellations distinctes de microorganismes intestinaux présents simultanément. Leur découverte indique qu’en règle générale, la variation des microbiotes intestinaux est stratifiée et non continue. Ces états symbiotiques entre l’hôte et les microorganismes pourraient répondre de manières différentes au régime alimentaire et à la prise de médicaments et ils pourraient avoir une grande importance dans le diagnostic précoce de la dysbiose intestinale. Enfin, je montrerai comment la combinaison de techniques méta-omiques et de techniques de calcul dédiées peut conduire à la détection de marqueurs de diagnostic pour les propriétés de l’hôte et pour les maladies (par exemple dans la maladie inflammatoire de l’intestin et l’obésité), et aider à mieux comprendre comment les perturbations de la flore intestinales contribuent à ces pathologies. Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011 Modifications du microbiote intestinal par les pré- ou les probiotiques: impacts sur le syndrome métabolique Prof. P. D. Cani Université catholique de Louvain, Louvain Drug Research Institute, LDRI Actuellement, le surpoids, l’obésité et le diabète de type 2 ont atteint des proportions épidémiques. Parmi les pistes potentiellement novatrices et intéressantes, nous pouvons citer certaines données émergentes comme l’existence d’un microbiote intestinal (flore intestinale) différent entre les sujets obèses, diabétiques de type 2 et les sujets sains. En effet, ces dernières années, de nombreux travaux ont mis en exergue le rôle du microbiote intestinal dans les processus métaboliques tels que le contrôle de l’homéostasie du poids corporel et énergétique. En outre, notre équipe a contribué à la démonstration que le microbiote intestinal était à l’origine du déclenchement de l’inflammation et des désordres associés à l’obésité, travaux qui avaient permis de révéler pour la première fois, que l’alimentation riche en lipides était à l’origine d’une dysbiose (altération de la composition du microbiote intestinal). Plusieurs stratégies restent néanmoins envisageables pour modifier la composition et/ou l’activité du microbiote intestinal. À cet égard, nous pouvons citer par exemple, les prébiotiques et les probiotiques. Différents travaux ont montré chez des sujets sains ou obèses que modifier la composition du microbiote intestinal à l’aide de prébiotiques était associée à une diminution de la faim et une augmentation de la satiété. Un phénomène se soldant par une baisse significative de l’énergie ingérée. Nous avons mis en évidence que l’ingestion de prébiotiques augmente la production endogène de peptides anorexigènes comme le glucagon-like peptide-1 (GLP-1) et le peptide YY, et diminue les taux plasmatique d’une hormone orexigène la ghréline. Outre l’intérêt des prébiotiques dans la prise en charge de l’obésité, les probiotiques constitue également une piste attrayante. Néanmoins, le genre Lactobacillus spp. a récemment fait l’objet de controverses. Pourtant, il semble qu’une généralisation des effets du genre Lactobacilles sur l’homéostasie énergétique ne puisse pas être établie à ce jour. En effet, sous le nom « Lactobacilles » se cachent de très nombreuses espèces différentes. Parmi celles-ci, certaines pourraient être associées au métabolisme de l’homéostasie énergétique. Enfin, après une analyse minutieuse des résultats scientifiques disponibles, et au vu de la complexité majeure de ce genre bactérien, il est recommandé d’observer la plus grande prudence quant à l’interprétation des résultats lorsque ces derniers font références uniquement au genre Lactobacillus spp. et non aux espèces. En conclusion, le fait que le microbiote intestinal soit reconnu comme un acteur important de l’homéostasie énergétique, invite la communauté scientifique à reconsidérer cet « organe » dans le contexte de l’obésité. Les moyens permettant de modifier la composition du microbiote intestinal pourraient constituer un outil thérapeutique ou préventif permettant de réduire l’impact d’une alimentation inadéquate sur le développement des maladies métaboliques associées à l’obésité. Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011 Ciblage du microbiote intestinal par l’alimentation : une nouvelle voie en recherche et développement Delzenne, N.M Université catholique de Louvain, Louvain Drug Research Institute, Metabolism and Nutrition Research Group, Brussels, Belgium. Comme en attestent les différents thèmes proposés au symposium, le microbiote intestinal est sans conteste un élément clé de régulation de l’organisme hôte qui l’abrite, impliqué dans l’instauration des fonctions vitales à la naissance, et dans le maintien de l’état de santé au cours de la vie. On peut considérer que l’équilibre écologique bactérien est avant tout tributaire de la disponibilité des substrats utilisés comme source énergétique pour les bactéries. Ces nutriments côliques peuvent provenir des résidus cellulaires ou sécrétoires de l’hôte (ex : mucopolysaccharides), mais sont essentiellement issus des denrées alimentaires ingérées. Les glucides qui échappent à la digestion dans la partie haute de l’intestin, et qui sont fermentés par les bactéries saccharolytiques dans le côlon, sont considérés comme cruciaux pour le microbiote. Cependant, ce concept mérite d’être élargi. Des données récentes suggèrent que les bactéries présentes dans la partie haute de l’intestin, même si elles sont peu nombreuses, n’en sont pas moins métaboliquement actives et peuvent participer au maintien des fonctions clés de l’organisme. D’autre part, un engouement est né en recherche pour la découverte de molécules « biologiquement » actives, sécrétées par les bactéries, qui sont capables d’exercer des effets métaboliques dans le tractus gastro-intestinal, mais également à distance. Ceci nous amène à considérer comme « nutriment côlique », non seulement les probiotiques, ou les glucides à vocation prébiotique, mais également des polyphénols, lipides, ou peptides. On peut aujourd’hui parler d’un véritable dialogue métabolique établi, grâce aux nutriments, entre les bactéries et le système immunitaire, endocrine, ou le contrôle du métabolisme énergétique de l’hôte. Peut-être serait-il bienvenu de réviser le concept de « fibres alimentaires » au vu de ces données ? Les perspectives d’application des connaissances en nutrition, en relation avec le microbiote, sont nombreuses (gastro-entérologie, infectiologie, neurologie, endocrinologie….). C’est la qualité et l’ampleur des recherches poursuivies qui fera le lit de découverte de nouvelles cibles thérapeutiques et nutritionnelles. Symposium “ Flore intestinale, alimentation et santé” – Institut Danone – 15/10/2011