Cohomologie des groupes

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M2
2016/2017
Université Paris Diderot
Cours du 4 octobre 2016
Algèbre Homologique et Topologie Algébrique
Chapitre 3–Applications des foncteurs dérivés à certaines théories cohomologiques.
1
Méthodes pour obtenir des complexes projectifs
1.1
Modules libres
Les propriétés d’adjonction du produit tensoriel nous permettent d’énoncer la proposition suivante.
Proposition 1.1. Soient S et S 0 des anneaux. Le foncteur d’oubli S ModS 0 → Set admet un
adjoint à gauche
Set →
S ModS 0
X → S ⊗Z Z[X] ⊗Z S 0
Le S − S 0 -bimodule S ⊗Z Z[X] ⊗Z S 0 est le S − S 0 -bimodule libre engendré par X. Il vérifie la
propriété universelle suivante: pour toute application (d’ensembles) f : X → M où X est un
ensemble et M ∈S ModS 0 , il existe un unique morphisme de S − S 0 -bimodules f˜ : S ⊗Z Z[X] ⊗Z
S 0 → M tel que f˜ ◦ i = f où i : X → S ⊗Z Z[X] ⊗Z S 0 est l’application qui à x associe 1 ⊗ x ⊗ 1.
Remarque. Cas particuliers: si S = Z le S 0 -module à droite libre engendré par X est Z[X]⊗Z S 0 ;
si S 0 = Z, le S-module à gauche libre engendré par X est S ⊗Z Z[X]; si S = S 0 = Z, le groupe
abélien libre engendré par X est Z[X].
On remarque également que Z[X × Y ] ' Z[X] ⊗Z Z[Y ] (voir TD3 exercice 1).
1.2
Objets simpliciaux
Définition 1.2. On définit la catégorie ∆ comme suit:
1. Les objets de ∆ sont en bijection avec N. On note [n], n ∈ N un objet de ∆.
2. f ∈ ∆([n], [m]) si et seulement si f est une application croissante de {0, 1, . . . , n} dans
{0, 1, . . . m}.
La composition des morphismes est donnée par la composition usuelle d’applications.
Pour f ∈ ∆([n], [m]), on notera, par abus de notation, f = (f (0), . . . , f (n)) la suite croissante
de ses images. On peut montrer que les morphismes sont engendrés par les morphismes faces
ni : [n − 1] → [n], pour 0 ≤ i ≤ n et dégénérescences ηjn : [n + 1] → [n] pour 0 ≤ j ≤ n, au
sens où tout morphisme se décompose en composition de morphismes faces et dégénérescences.
On peut se référer au libre de Weibel, chapitre 8, pour la description des relations entre ces
morphismes. Par définition
ni = (0, 1, . . . , î, . . . , n),
ηjn = (0, 1, . . . , j, j, . . . , n)
Définition 1.3. Soit C une catégorie. Un objet simplicial dans C est un foncteur X : ∆op → C.
Un morphisme entre objets simpliciaux X et X 0 est une transformation naturelle entre X et
X 0 . Cela définit une catégorie que l’on note sC.
Proposition 1.4. La donnée d’un objet simplicial X dans C est équivalente à
1
• La donnée d’objets Xn de C pour n ∈ N.
• La donnée, pour tout n ∈ N, de morphismes appelés faces di = Xn → Xn−1 pour 0 ≤ i ≤ n
et la donnée, pour tout n ∈ N, de morphismes appelés dégénérescences sj : Xn → Xn+1
pour 0 ≤ j ≤ n satisfaisant
di dj = dj−1 di ,
i<j
si sj = sj+1 si ,


dj−1 sj ,
si dj = id,


sj di−1 ,
i≤j
si i < j
si i = j ou i = j + 1
si i > j + 1
La donnée d’un morphisme entre objets simpliciaux est équivalente à la donnée de morphismes fn ∈ C(Xn , Xn0 ) pour tout n ∈ N qui commutent aux applications di et sj .
Proposition 1.5. Si A est une catégorie abélienne, on a un foncteur
Ch(A)≥0 qui à
Pn (sA) →
i
tout objet simplicial X associe le complexe (Xn , d)) donné par d = i=0 (−1) di , et qui à tout
morphisme f : X → X 0 associe le morphisme de complexes de chaines fn : Xn → Xn0 .
2
Cohomologie des groupes
Dans toute cette section on se fixe un groupe G.
2.1
L’anneau de groupe Z[G]
Définition 2.1. On définit l’anneau Z[G] comme étant le groupe abélien libre muni de la multiplication donnée par
X
X
XX
(
ng · g)(
mh · h) =
ng mh · k,
ng , mh ∈ Z.
g
h
k gh=k
L’unité de l’anneau est donnée par eG .
Remarque. On remarque que cette multiplication est induite par l’application d’ensembles
G × G → G qui à (g, h) associe gh. En effet, par propriétés d’adjonctions, se donner une
application d’ensembles G × G → Z[G] est équivalente à se donner un morphisme de groupes
abéliens de Z[G] ⊗Z Z[G] → Z[G], qui est équivalent à se donner une application bilinéaire de
Z[G] × Z[G] → Z[G]. Donc la multiplication définie ci-dessus est bien distributive par rapport
à l’addition et est associative.
Proposition 2.2. Soit i : G → Z[G] l’application qui à g associe g. Le couple (G, i) vérifie la
propriété universelle suivante: pour tout anneau R pour toute application f : G → R multiplicative, c’est-à-dire f (gg 0 ) = f (g)f (g 0 ) et f (eG ) = 1R , il existe un unique morphisme d’anneaux
f˜ : Z[G] → R tel que f˜i = f .
Définition 2.3. Un groupe abélien A est un G-module à gauche (à droite) si A est un Z[G]module à gauche (à droite).
Remarque. Soit A un groupe abélien, on note Aut(A) l’ensemble des morphismes de groupes
abéliens f : A → A bijectifs. La donnée d’une structure de Z[G]-module à gauche sur A équivaut
à la donnée d’un morphisme de groupes G → Aut(A).
Lemme 2.4. On considère Z comme un G-module à gauche (à droite) trivial: g · α =Pα, ∀g ∈
G, α ∈ ZP( α · g = α, ∀g ∈ G, α ∈ Z.) Le morphisme d’augmentation : Z[G] → Z qui à g ng · g
associe g ng est un morphisme de G-modules à gauche (à droite).
2
2.2
(Co)homologie des groupes à coefficients dans un module
Définition 2.5. Soit A un G-module à gauche. On définit
H n (G, A) = ExtnZ[G] (Z, A)
Hn (G, A) = TornZ[G] (Z, A)
Pour calculer la cohomologie, il faut donc connaitre une résolution projective (ou libre) de
Z comme G-module trivial.
Exemple. On considère G le groupe à deux éléments G = {e, τ } avec τ 2 = e. Une résolution
libre de Z est donnée par le complexe
d−
d+
d− (e) = e − τ
et
d−
. . . → Z[G] → Z[G] → Z[G] → Z[G] → Z.
où
d+ (e) = e + τ.
Remarquons que ceci caractérise entièrement d− et d+ car ce sont des morphismes de Gmodules; comme Z[G] est le G-module libre engendré par e on obtient
d− (τ ) = d− (τ · e) = τ · d− (e) = τ e − τ τ = τ − e,
2.3
d+ (τ ) = τ + e.
La construction bar
On donne ici une méthode systématique pour construire une résolution libre de Z comme Gmodule trivial.
Définition 2.6. On considère le foncteur F : ∆op →
qui à f : [n] → [m] associe l’application
F (f ) :
Z[G] Mod
qui à [n] associe Z[G×n+1 ] et
Z[G×m+1 ] → Z[G×n+1 ]
(a0 , . . . , am ) 7→ (b0 , . . . , bn )
définie par bi = af (i−1)+1 · . . . · af (i) où par convention f (−1) = −1 et si f (i − 1) = f (i) alors
bi = eG .
Proposition 2.7. F est bien un foncteur. Il définit donc un objet simplicial dans la catégorie
des G-modules. On obtient
(
(a0 , . . . , ai · ai+1 , . . . , an ), si 0 ≤ i < n
di (a0 , . . . , an ) =
(a0 , . . . , an−1 ),
si i = n.
Remarque. Il faut montrer que
• F ([n]) est un G-module
• F (f ) est bien un morphisme de G-modules.
• F (id) = id, F (f ◦ g) = F (f ) ◦ F (g).
Cours du 7 octobre
P
Notation: On note Bn0 (G) = Z[G×n+1 ] et d = ni=0 (−1)i di .
3
Théorème 2.8. Le complexe B∗0 (G) est une résolution libre du G-module Z vu comme G-module
trivial. En particulier H n (G, A) peut être calculé en considérant le complexe
C n (G, A) = (HomSet (G×n , A), δ)
où
n
X
(δf )(g1 , . . . , gn+1 ) = g1 ·f (g2 , . . . , gn+1 )+ (−1)i f (g1 , . . . , gi gi+1 , . . . , gn+1 )+(−1)n+1 f (g1 , . . . , gn )
i=1
Proposition 2.9. On a H 1 (G, A) = Der(G, A)/ Ider(G, A)
2.4
Classification des extensions de groupes
Définition 2.10. Soit G un groupe, A un groupe abélien. Une extension du groupe G par A
est une suite exacte courte de groupes
E:
0→A→E→G→1
Lemme 2.11. Toute extension de G par A induit une structure de Z[G]-module sur A.
Définition 2.12. Soit A un Z[G]-module. On note E(G, A) l’ensemble des extensions de G par
A induisant la structure de G-module existante sur A. Deux extensions E, E 0 ∈ E(G, A) sont
dites équivalentes s’il existe un morphisme ϕ : E → E 0 qui fait commuter les diagrammes. On
note ∼ cette relation d’équivalence.
Remarque. Noter que si A est un groupe abélien et si E et E 0 sont deux extensions de G par
A équivalentes alors la structure de G-module induite sur A par E est la même que celle induite
par E 0 .
Théorème 2.13. L’ensemble E(G, A)/ ∼ est en bijection avec H 2 (G, A).
3
Cohomologie de Hochschild
Soit k un anneau commutatif et A une k-algèbre. On étend la notion de R − S-bimodules, où
R, S sont des anneaux à la notion de A − B-bimodules où A et B sont des k-algèbres. Plus
précisément un A − B-bimodule est un k-module M muni d’opérations λ : A ⊗k M → M et
ρ : M ⊗k A → M compatibles avec la multiplication de A et l’unité de A. Par abus de langage
on dira que M est un A-bimodule si M est un A − A-bimodule.
Définition 3.1. Soit A une k-algèbre et M un A-bimodule. L’homologie de Hochschild de A à
coefficients dans M est Hn (A; M ) = TorA−bimod
(A, M ). La cohomologie de Hochschild de A à
n
coefficients dans M est H n (A; M ) = ExtnA−bimod (A, M ).
De la même manière que pour la cohomologie des groupes, on construit un A-bimodule
simplicial donné par
Bn0 (A) = A ⊗k A⊗k n ⊗k A
di (a0 , . . . , an+1 ) = a0 ⊗ . . . ai · ai+1 ⊗ . . . ⊗ an+1 , 0 ≤ i ≤ n
sj (a0 , . . . , an+1 ) = a0 ⊗ . . . ai ⊗ 1A ⊗ ai+1 ⊗ . . . ⊗ an+1 , 0 ≤ i ≤ n
muni d’une augmentation donnée par la multiplication:
: B0 (A) = A ⊗k A → A
4
Théorème 3.2. Le complexe augmenté B̃ 0 (A) est contractile. Si A est un k-module libre alors
B̃ 0 (A) est une résolution libre de A dans la catégorie des A-bimodules.
Ainsi dans le cas où A est un k-module libre, on peut donner une description explicite d’un
complexe CH n (A, M ) qui calcule la cohomologie de A à coefficients dans M . On a
CH n (A, M ) = HomA−bimod (Bn0 (A), M ) = Homk−mod (A⊗n , M )
muni de la différentielle
(δf )(a1 ⊗ . . . ⊗ an+1 ) = a1 · f (a2 ⊗ . . . ⊗ an+1 )+
n
X
(−1)i f (a1 ⊗ . . . ⊗ ai · ai+1 ⊗ . . . ⊗ an+1 ) + (−1)n+1 f (a1 ⊗ . . . ⊗ an ) · an+1 .
i=1
Proposition 3.3.
H 0 (A, M ) = M A = {m ∈ M |∀a ∈ A, a · m = m · a}
H 0 (A, A) = Z(A)
4
La méthode des modèles acycliques
Soit C une catégorie. Un ensemble d’objets M de C est appelé modèle. Soit G : C → R Mod
un foncteur. La catégorie R Mod peut être remplacée par la catégorie R ModS pour R, S des
anneaux ou des k-algèbres.
Définition 4.1. On dit que G est libre relativement au modèle M si pour tout M ∈ M il existe
BM ⊂ G(M ) tel que G(X) est un R-module libre de base {G(f )(b)}b∈BM ,f :M →X . Autrement
dit, le morphisme de R-modules
L
R[BM × Hom(M, X)] → G(X)
M ∈M
7→ G(f )(b)
(b, f )
est un isomorphisme.
On dit qu’un foncteur G : C → Ch(R Mod) est libre relativement au modèle M si pour tout
j ∈ Z, le foncteur Gj : C → R Mod est libre par rapport au modèle M.
Lemme 4.2. Soit G : C → R Mod un foncteur libre relativement au modèle M et H : C → R Mod
un foncteur. L’application
Q
BM
Nat(G, H) →
M ∈M H(M )
τ
7→
τM |BM
est une bijection.
Corollaire 4.3. Soit G : C →
diagramme
R Mod
un foncteur libre relativement au modèle M. Tout
G
H
Φ
τ
/ H0
de transformations naturelles entre foncteurs satisfaisant ∀M ∈ M, ΦM est surjective admet un
relèvement τ 0 : G → H, à savoir Φ ◦ τ 0 = τ .
5
Définition 4.4. On dit qu’un foncteur G : C → Ch(R Mod) est acyclique relativement au modèle
M si pout tout M ∈ M le complexe G(M ) est acyclique.
Théorème 4.5. Soit C une catégorie munie d’un modèle M; soient G, G0 : C → Ch≥0 (R Mod)
et A, A0 : C → R Mod des foncteurs. On suppose qu’il existe des transformations naturelles
0 G0
0
: G0 → A, 0 : G00 → A0 telles que dG
1 = 0, d1 = 0. On note G̃ le foncteur C → Ch(R Mod)
0
0
obtenu à partir de G en ajoutant A en degré −1.
On suppose que G est libre relativement à M et G̃0 est acyclique relativement à M.
1. Pour toute transformation naturelle f : A → A0 , il existe une transformation naturelle
T : G → G0 telle que le diagramme suivant commute
T0
G0
/ G0
0
A
f
0
/ A0
2. Si T et T 0 sont deux transformations naturelles de G vers G0 faisant commuter le diagramme précédent, alors il existe une famille de transformations naturelles Sp : Gp →
G0p+1 vérifiant
0
dG S + SdG = T − T 0
6
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