Chapitre 9 : LES DESEQUILIBRES EXTERIEURS

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Chapitre 9 : LES DESEQUILIBRES EXTERIEURS
Introduction :
Qu’est-ce qu’un déséquilibre extérieur ? Qu’est-ce que la contrainte extérieure ?
I – L’analyse théorique des déséquilibres extérieurs
A – L’origine des déséquilibres
1- L’évolution du revenu national
2- L’inflation
3- Le manque de compétitivité
B – Les voies potentielles du rééquilibrage
1- Le protectionnisme
2- La dévaluation
3- La politique industrielle
C – Les obstacles à l’ajustement
1- L’élasticité-prix plus faible que l’élasticité-revenu
2- L’arbitrage marges contre parts de marché
3- La spécialisation de l’économie
4- L’effet d’hystérésis
5- L’asymétrie des monnaies
D – Le mythe de la balance commerciale excédentaire
1- Le mythe
2- Les origines du mythe
3- Les enjeux du mythe
II – L’analyse empirique des déséquilibres extérieurs depuis 1945
A – La balance commerciale ou le Sisyphe français
1- 1945-1972 : la recherche de l’équilibre commercial par la dévaluation
2- 1973-1983 : le cercle vicieux du pays à monnaie faible
4- 1983-2003 : la désinflation compétitive et le retour à l’excédent
5- 2003 à nos jours : le retour au déficit structurel
B – Allemagne et Japon : le cercle vertueux des pays à monnaie forte
1- Schéma général
2- le cas allemand : ordo-libéralisme et économie sociale de marché
3- le cas japonais : le rôle du système productif japonais
C – USA : de l’excédent au déficit chronique
1- 1945-1980 : une prise en compte lente de la contrainte extérieure
2- l’apparition des déficits jumeaux au début des années 1980
3- l’aggravation du déficit courant à partir des années 2000
Conclusion : le cas des pays émergents et le dollar.
Bibliographie :
Y. BAROU et B. KEIZER, 1988, Les grandes économies, Seuil.
P.H. BRETON et A.D. SCHOR, 1983, La dévaluation, PUF, coll. Que sais-je ?
P. KRUGMAN, 1998, La mondialisation n’est pas coupable, La Découverte, coll. Textes à
l’appui.
F. MILEWSKI, 1989, Le commerce extérieur de la France, La Découverte, coll. Repères.
P. SALIN, 1991, Macroéconomie, PUF.
Citations :
« Malgré tout l’amour qu’on me prête pour les statistiques, je n’hésiterais pas à
recommander, si l’on m’interrogeait, la suppression des statistiques du commerce extérieur,
étant donné tout le mal qu’elles ont fait dans le passé, qu’elles font et, je le crains fort,
qu’elles feront encore dans l’avenir ».
Jacques Rueff, 1933.
« Le libre-échange ne peut être mutuellement avantageux pour tous les pays participants que
si les taux de change correspondent à l’équilibre des balances commerciales ».
Maurice Allais, Le Figaro, 19/11/1996.
GLOSSAIRE
ABSORPTION : Capacité d’une économie à consommer sa production. L’absorption est égale
à la production domestique moins les exportations. La réussite d’une dévaluation suppose
que l’on puisse réduire l’absorption interne.
AIDE-LIÉE : Une part non négligeable des crédits et dons accordés à des pays en
développement ne peuvent être dépensés qu’en achats à des fournisseurs français. Les
autres pays pratiquent aussi l’aidée liée.
APPRÉCIATION : Augmentation de la valeur d’une monnaie par rapport aux autres devises.
C’est le symétrique de la dépréciation.
CAF-FAB : Les statistiques douanières françaises comptabilisent les importations CAF (Coût,
assurance, fret), c'est-à-dire tous frais à la livraison. En revanche, les exportations sont
considérées FAB (Franco à bord) : elles incluent les frais de chargement, mais ni les frais de
transport, ni d’assurance. Un coefficient de correction permet en principe de rétablir
l’équilibre entre les deux séries de chiffres.
DEPRÉCIATION : Perte de valeur d’une monnaie par rapport aux autres devises. En changes
fixes, la dépréciation ne peut normalement pas se produire ou du moins pas au-delà des
marges de fluctuation tolérées.
DÉVALUATION : Changement dans la définition légale de la monnaie soit par rapport à un
étalon, l’or ou une devise. Par rapport à la dépréciation, c’est un acte politique volontaire,
même s’il est le plus souvent commandé par les circonstances. La nouvelle valeur de l’unité
monétaire nationale est alors proclamée par décret.
DÉVALUATION CAMOUFLÉE : les taxes à l’importation et les primes à l’exportation
constituent des dévaluations camouflées.
DÉVALUATION DÉFENSIVE : dévaluation opérée par un pays affecté par une inflation élevée
et qui désire rapprocher ses prix de ceux de ses concurrents. L’opération est alors considérée
comme un remède ; elle est le constat d’échec de la politique économique antérieure. Les
dévaluations qui ont suivi les deux guerres mondiales ont été le plus souvent de ce type.
DÉVALUATION OFFENSIVE : le but recherché est de placer les exportateurs domestiques
dans une situation artificiellement avantageuse sur les marchés internationaux. Si elle se
produit en période de récession, ce qui souvent le cas, elle risque d’aggraver la crise et de
susciter un cycle de dévaluations concurrentes… comme dans les années 1930.
DÉVALUATION A CHAUD : Dévaluation pratiquée sous la pression des événements en
période de crise monétaire (spéculation et la fuite des capitaux). La dévaluation s’impose
d’urgence comme le dernier recours avant la catastrophe.
DÉVALUATION A FROID : Dévaluation pratiquée pour accompagner une politique de
redressement. Souvent pratiquée pour restaurer l’équilibre commercial.
PART DE MARCHÉ : rapport entre le volume des exportations d’un pays et la demande du
marché considéré (monde, Europe, pays).
RÉÉVALUATION : Opération consistant à donner une nouvelle définition légale de la monnaie
supérieure à la définition antérieure. La réévaluation est une mesure inverse de la
dévaluation.
RISQUE-PAYS : La COFACE (Compagnie française du commerce extérieur) établit une
évaluation pays par pays des risques encourus par les exportateurs français. Cette évaluation
tient compte des facteurs économiques, financiers, politiques, et servent à calculer les
primes d’assurance.
SURÉVALUATION : Une monnaie est surévaluée quand la parité officielle est supérieure au
taux de change sur le marché libre.
TAUX DE COUVERTURE : Ratio exportations/importations. S’il est égal à 100, les échanges
sont équilibrés ; s’il est inférieur à 100, il y a déficit ; s’il est supérieur, il y a excédent.
TAUX DE PENETRATION : Part des produits importés sur un marché donné.
Introduction :
La notion de « déséquilibres extérieurs »
La balance des paiements étant par construction équilibrée, les déséquilibres ne peuvent
concerner que les balances intermédiaires : la balance commerciale, la balance des
transactions courantes, la balance des capitaux.
La notion de déséquilibre englobe à la fois le déficit et l’excédent. Pourtant le terme
déséquilibre est généralement utilisé quant un pays connaît un déficit, ce qui est vu
négativement. A contrario, l’excédent commercial est en général vu positivement ; d’ailleurs
l’excédent commercial correspond à l’un des quatre sommets du carré magique de Kaldor.
Nous analyserons les causes de cette vision positive de l’excédent commercial dans ce
chapitre.
En matière de balance commerciale, courante ou des capitaux, l’équilibre est la règle et le
déséquilibre l’exception pour des raisons statistiques. En effet, le solde extérieur étant le
résultat d’un très grand nombre de transactions internationales, la probabilité pour que les
entrées et les sorties s’équilibrent parfaitement est très faible. Le tableau suivant montre
qu’aucun pays de l’OCDE n’équilibre ses échanges courants en 2009, 2010 et 2011.
Balance des opérations courantes, en pourcentage du PIB
Corée
2009
2010
2011
Luxembourg
3,9
2,9
2,4
7,0
7,9
7,7
-0,6
-0,3
-0,8
4,1
7,1
8,5
Australie
-4,2
-2,9
-2,3
Mexique
Autriche
2,7
3,0
1,9
Belgique
-1,7
1,3
-1,1
-2,6
-3,4
-4,2
Canada
-3,0
-3,1
-2,8
7,6
5,8
-5,2
Pays-Bas
NouvelleZélande
Norvège
11,7
12,4
..
Pologne
-4,0
-4,6
-4,3
-2,5
-3,7
-2,7
-10,7
-10,0
-6,7
3,5
5,5
6,5
-2,9
-2,6
-0,2
Estonie
3,4
2,9
1,9
Finlande
1,8
1,3
-1,3
11,0
10,9
13,8
-1,3
-1,6
-2,0
5,9
5,9
5,7
-11,0
-10,0
-9,8
Hongrie
-0,2
1,2
1,3
Islande
-11,7
-8,1
-6,9
Irlande
-2,3
1,1
3,7
Chili
République
tchèque
Danemark
France
Allemagne
Grèce
Israël (1)
Italie
Japon
Portugal
République
slovaque
Slovénie
Espagne
-4,8
-4,5
-3,5
Suède
7,1
6,9
7,0
Suisse
10,6
14,5
14,3
-2,1
-6,3
-9,8
-1,3
-2,5
-1,9
1,1
Turquie
RoyaumeUni
Etats-Unis
-2,7
-3,0
-3,1
3,9
0,5
OCDE total
-0,4
-0,4
-0,6
-2,0
-3,5
-3,2
2,9
3,7
2,0
Source : OCDE.
Les excédents sont mis en avant comme un témoin du succès des politiques économiques.
Les déficits servent d’argument pour expliquer les faibles marges de manœuvre de la
politique intérieure, le pays étant soumis à la contrainte extérieure.
La notion de contrainte extérieure :
La contrainte extérieure peut être définie comme la limitation des marges de manœuvre de
la politique économique d’un pays résultant de son ouverture. Elle se traduit par une
obligation de compétitivité pour les entreprises.
La France des années 1970 et 1980 était soumise à la contrainte extérieure. La politique
économique devait éviter un taux d’inflation élevé qui handicapait la compétitivité, une
relance qui creusait le déficit extérieur, de bas taux d’intérêt qui suscitaient une menace
pour le franc et des sorties de capitaux. C’est la sanction des marchés internationaux.
La contrainte extérieure augmente parallèlement au taux d’ouverture des économies =
1/2(exportations +importations de marchandises)/PIB. Ce taux a eu tendance à augmenter
depuis 1945 mais est beaucoup plus élevé en Europe qu’aux EU et au Japon :
1960
1979
1987
2012
USA
4.8
8.3
10.9
12.4
Japon
10.5
10.6
10.8
18.7
France
13.2
18
20.7
26.3
Allemagne
17.8
21.6
28.8
38.9
Source : comptes nationaux de l’OCDE pour 1960, 1979 et 1987 ; OMC et OCDE pour 2012.
La contrainte extérieure est plus forte quant le pays est petit et très ouvert aux échanges
commerciaux. Aux Etats-Unis, la contrainte extérieure est atténuée par la taille du marché
intérieur et le rôle international du dollar.
Cette notion ne doit toutefois pas cacher les aspects positifs de l’ouverture : des produits
moins chers et plus diversifiés pour le consommateur, des débouchés plus élevés pour les
entreprises, une politique économique soutenable à long terme.
Dans ce chapitre, lié au taux de change et à la balance des paiements, on analysera l’origine
des déséquilibres externes, les voies d’un retour à l’équilibre, les facteurs expliquant des
déséquilibres persistants dans certains pays. On essaiera de voir si les changes flottants ont
entrainé l’atténuation ou l’accentuation des déséquilibres externes.
I – L’analyse théorique des déséquilibres extérieurs
A - L’origine des déséquilibres
1) L’évolution du revenu national
Le volume des exportations est généralement considéré comme un facteur exogène puisqu’il
dépend de la demande dans le reste du monde. Graphiquement, les exportations sont
représentées par une droite horizontale car elles ne dépendent pas du revenu national. Les
exportations dépendent positivement du reste du monde. Lorsque le revenu étranger croit,
la demande pour les produits domestiques a tendance à augmenter, ce qui conduit à un
accroissement des exportations.
Evolution du solde commercial en fonction du revenu national
Exportations
Importations
Importations
Déficit
Exportations
Excédent
0
Revenu national
Le volume des importations est corrélé à la variation du revenu national. Les importations
croissent en fonction du revenu : elles sont nulles quand le revenu national est nul, elles
croissent à mesure que le revenu national augmente. La pente de la fonction d’importations
est appelée propension marginale à importer : m = ΔM/ΔY. Cette propension correspond à
la part de chaque unité de PIB supplémentaire consacré à l’importation.
Le graphique montre que la croissance peut être à l’origine d’un déséquilibre
commercial. A l’inverse, une mauvaise conjoncture entraine un ralentissement des
importations et peut induire un excédent commercial.
Les X et les M dépendent aussi du taux de change réel, des termes de l’échange, de la
compétitivité prix et hors prix et de la politique de marge des exportateurs. A moyen et long
terme, ces facteurs jouent un rôle plus important que le taux de croissance du revenu
national.
Pour être interprété positivement, un excédent doit être envisagé dans une perspective
temporelle longue ; en effet, l’apparition d’un excédent consécutif à la chute du taux de
croissance (qui implique de moindres importations de matières premières et de biens
d’équipement) ne constitue pas un signe de performance. De même, un déficit temporaire
lié à une forte croissance est signe de dynamisme économique et non de faiblesse.
2) L’inflation :
L’expansion entraine une hausse de la demande, les capacités de production
inemployées disparaissent et on s’approche du plein-emploi, la demande ne peut être
satisfaite que par les importations car la production est rigide, au moins à court terme.
Hausse des M alors que les X stagnent ou diminuent, le surplus exportable étant absorbé par
la demande nationale.
Même si l’offre n’est pas rigide, elle ne peut répondre instantanément à la demande.
Des goulots d’étranglement se forment entrainant des hausses sectorielles de prix et ensuite
une généralisation par le jeu des consommations intermédiaires. L’inflation par les coûts
s’ajoute à l’inflation par la demande, les prix domestiques croissent plus vite que ceux des
économies concurrentes, la compétitivité diminue.
Les 2 processus entraînent un déficit externe. La France de 1945 à 1957 est
caractéristique de cela : en 1954 et 1955, croissance dans la stabilité des prix ; la surchauffe
apparaît dès 1956, les X baissent de 7% alors que les M augmentent de 17%.
La structure du commerce extérieur est un facteur de sensibilité aux pressions
inflationnistes. Une nation dont les M sont peu substituables et dont les X sont peu
élastiques connaîtra une dégradation de sa balance commerciale même si la croissance est
mondiale. Car la demande d’importation va augmenter plus vite que celle pour ses propres
produits. Cela joue pour les PED dont les M sont souvent incompressibles alors que les X
(produits bruts) sont peu sensibles à la croissance.
3) Le manque de compétitivité :
Un manque de compétitivité a des effets néfastes sur le solde commercial d’un pays,
indépendamment du différentiel de croissance avec les autres pays.
La compétitivité est la capacité d’une entreprise ou des entreprises d’une nation à
satisfaire la demande mondiale.
Au niveau macroéconomique, la compétitivité se mesure par plusieurs indicateurs :
Le solde commercial : un excédent commercial est souvent considéré comme un
signe de compétitivité. Cela peut s’avérer trompeur, car il est influencé par l’écart de
conjoncture entre le pays et ses partenaires (Cf. point 1).
La part de marché du pays : soit les ventes du pays sur les ventes mondiales. Elle est
généralement exprimée en valeur, ce qui oblige à interpréter cet indicateur avec
prudence. Si le dollar baisse brutalement, la part des exportations US en valeur dans
le total des exportations mondiales diminue mais peut masquer le fait que les
entreprises US exportent plus en volume.
La compétitivité prix : une entreprise dont les prix augmentent plus vite que ses
concurrents risque de perdre des marchés. Mais les études empiriques montrent que
les écarts de prix ne suffisent pas pour expliquer les évolutions du commerce
extérieur. Il faut faire intervenir d’autres facteurs.
La compétitivité hors-prix : elle désigne toutes les caractéristiques du produit en
dehors du pris, c'est-à-dire la qualité, la différenciation des produits, le
renouvellement de l’offre, l’effort d’innovation, l’avance technique, le prestige, la
marque, le service après vente, le suivi des produits, les délais de livraison. La
compétitivité hors-prix est généralement étroitement liée à l’investissement
immatériel et aux dépenses de R&D.
Enfin, certains instituts publient des classements de compétitivité obtenus à partir de
critères macro-économiques et d’enquêtes auprès des chefs d’entreprises sur leur
vision de la performance des pays (efficacité de l’intervention publique, performance
du secteur financier, niveau d’infrastructure, gestion des entreprises, niveau
scientifique et technologique, qualité de la main d’œuvre).
Ainsi, les économistes sont un peu gênés pour définir la compétitivité. Pour P.
Krugman, la notion de compétitivité n’a de sens que pour des firmes, engagées dans une
lutte qui peut les faire disparaître. Alors que les performances des nations ne résultent que
de manière secondaire de leurs échanges et sont surtout liées à la productivité. "Il n'existe
pas de définition économique de la compétitivité", déplore l’économiste Gilles Le Blanc.
Pourtant, n'importe quel artisan ou entrepreneur sait quand il est compétitif :
1. ses produits se vendent
2. Il gagne de l'argent
Les mythes trompeurs du commerce international dénoncés par
Paul Krugman
Dans son livre « Pop Internationalism », Krugman dénonce des idées fausses. La
« pop » économie est une croyance populaire erronée, diffusée par des ténors médiatiques
et les experts télévisuels. Elle véhicule des clichés trompeurs, des inepties ; elle tend à
devenir cependant une norme de pensée dominante dans une période donnée.
- l’obsession de la compétitivité :
Il est faux de croire que la richesse d’un pays dépend d’abord de la compétitivité de ses
industries et de ses succès sur les marchés extérieurs ; elle dépend surtout de sa
productivité. La productivité des facteurs produisant des biens et surtout des services pour le
marché domestique est la source véritable de la richesse et du bien-être. On se focalise trop
sur la compétitivité et on néglige la productivité. C’est la productivité qui détermine le
niveau de vie des habitants d’un pays ; si la productivité est basse, les salaires aussi et il n’y
aura donc pas d’incidence sur l’échange. L’obsession de la compétitivité entraîne avec elle le
risque de guerre commerciale et du protectionnisme, alors qu’au contraire pour augmenter
la productivité il faut s’ouvrir à la concurrence. La compétitivité nationale, notion en ellemême sans portée analytique, n’est que la résultante principale de la productivité sectorielle
relative et du taux de change réel.
Idée à nuancer pour les petits pays car leur compétitivité pour des biens très demandés
internationalement agrandit la dimension du marché, permet des gains de productivité, des
économies d’échelle, des externalités positives et des gains d’échange.
- la foi dans l’excédent extérieur :
Une balance positive n’est que la conséquence de la supériorité de l’épargne interne sur
l’investissement.
- la fascination pour les secteurs à forte valeur ajoutée :
D’une part, il y a une confusion entre secteur à haute valeur ajoutée et secteur de haute
technologie. Une forte valeur ajoutée par travailleur apparaît dans les secteurs où le rapport
capital/travail est élevé, comme l’acier, l’automobile, les cigarettes, qui ne sont pas des
secteurs de haute technologie. A l’inverse, dans l’aéronautique et l’électronique, la
technologie est élaborée mais la valeur ajoutée faible.
D’autre part, le mythe de la valeur ajoutée peut justifier des subventions et un gaspillage de
ressources quand on ne tient pas compte des avantages comparatifs du pays.
B – Les voies potentielles du rééquilibrage :
La disparition de ces déséquilibres peut résulter soit d’ajustements automatiques,
c'est-à-dire l’ensemble de contre forces venant corriger spontanément et rapidement ces
déséquilibres. Il s’agit du mécanisme de rééquilibrage des balances par le taux de change
énoncé par Hume et Ricardo : l’excédent commercial entraine une appréciation de la
monnaie nationale qui freine les exportations et encourage les importations), soit de
corrections recherchées à partir de politiques commerciales, de modifications décrétées des
cours du change ou bien de la politique structurelle.
1) Le protectionnisme : une voie sans issue
Dès que le déficit commercial s’aggrave, la tentation protectionniste réapparaît. Le
gouvernement est prompt à répondre à la demande d’une industrie en crise par une hausse
des tarifs douaniers. La tentation grande pour le gouvernement car les bénéfices sont
visibles pour ceux menacés de perdre leur emploi, alors que les coûts sont disséminés sur
l’ensemble des acheteurs.
L’argument protectionniste a le bon sens pour lui : le protectionnisme ne va-t-il pas
diminuer les importations et rétablir l’équilibre commercial ? Pourtant le protectionnisme ne
permet pas s’atteindre l’objectif fixé. En effet, cet argument suppose que les deux variables
exportations (X) et importations (M) sont indépendantes l’une de l’autre, que l’on peut agir
sur l’une sans influencer l’autre. Par exemple, que l’on peut réduire les importations avec
des droits de douane ou des quotas en conservant le même niveau d’exportations, ou bien
augmenter les exportations avec des subventions en conservant le même niveau
d’importations.
Or l’exportation et l’importation sont 2 variables liées l’une à l’autre et le
protectionnisme a fort peu de chances de réussir à rétablir l’équilibre commercial.
Démonstration :
Soit Y = biens et services produits chaque année sur le sol national
M = importations
Y + M = ensemble des ressources dont dispose la nation
Ces ressources sont utilisées pour la consommation (C), l’investissement (I), les exportations
(X). Il vient : Y + M = C + I + X => Y = C + I + X – M (1)
De plus, Y est aussi le revenu dont disposent les nationaux (salaires, profits, loyers, rentes,
etc.). Ces revenus sont soit consommés, soit épargnés : Y = C + S (2)
Il s’agit d’équation de définitions, toujours vraies.
(1) et (2) => C + I + X - M = C + S => I + X – M = S => X – M = S – I
Par conséquent, le solde de la balance commerciale est égal à la différence entre
l’épargne et l’investissement. Il ne s’agit pas d’une théorie qu’il faudrait vérifier ; c’est une
identité comptable incontournable, une contrainte mathématique que toute théorie doit
respecter pour rester cohérente.
L’état de la balance commerciale dépend donc de la position relative de l’épargne visà-vis de l’investissement. Par exemple, le déficit américain est du au fait que les américains
épargnant peu, c'est-à-dire ont une préférence pour des biens présents par rapport aux
biens futurs. Or le protectionnisme ne touche ni à l’épargne ni à l’investissement, qui sont
hors de son domaine. On peut considérer S et I comme des données exogènes à notre
problème : au niveau algébrique ce sont des constantes ; leur différence est donc elle aussi
une constante. Appelons B cette constante : X – M = B où seuls X et M sont des variables.
L’exportation varie en fonction de l’importation et réciproquement. Un frein sur les
importations aboutit à freiner les exportations. Un encouragement aux exportations aboutit
à encourager les importations. Le solde commercial reste égal à lui-même.
Le seul résultat du protectionnisme est l’entrave de certains secteurs se trouvant
pénalisées. Il instaure un monopole ou une rente de situation pour les industries protégées.
Il incite à la constitution d’une industrie de substitution d’importation, qui entraîne le
détournement de ressources vers des secteurs où le pays n’a aucun avantage relatif.
2) La dévaluation : miracle ou mirage ?
a) Définition :
La dévaluation est la modification officielle à la baisse de la valeur d’une monnaie. La
dévaluation s’inscrit dans le cadre d’un système de parités fixes. L’âge d’or des dévaluations
a eu lieu sous Bretton Woods : les modifications de parités étaient prévues pour remédier à
un déséquilibre fondamental et le FMI devait être consulté auparavant.
Depuis 1973, certaines monnaies flottantes enregistrent des dépréciations –
modification de fait de la valeur de la monnaie - qui peuvent être, dans leurs conséquences,
analysées comme des dévaluations.
On peut établir de 2 manières le taux d’une dévaluation :
- si on rapporte la diminution de valeur de la monnaie à l’ancienne parité, le taux est dit
« en dedans »
- si on rapporte la diminution de valeur de la monnaie à la nouvelle parité, le taux est dit
« en dehors »
Exemple : le franc jusqu’en août 1969 valait 180 mg d’or ; après dévaluation 160.
Taux en dedans = 180 –160 /180 = 11.11%. Taux en dehors = 180 –160 / 160 = 12.5%.
On utilise plutôt le taux en dedans car il reflète la modification de parités envers les devises
étrangères.
b) Les causes et les motivations de la dévaluation :
Du temps de l’étalon-or, les soldes étaient réglés par des transferts internationaux
d’or, le rééquilibrage était automatique. Comme l’a expliqué David Hume, un déficit
commercial entrainait une baisse du stock d’or, une baisse de l’offre de monnaie, une baisse
des prix et des salaires dans le pays, ce qui aboutissait à terme à restaurer la compétitivité.
Aujourd’hui le processus d’ajustement est plus complexe et moins automatique. Les
monnaies ne sont plus garanties sur l’or, les pays en déficit procèdent généralement à des
dévaluations plutôt qu’à la baisse des salaires et des prix.
Soit une situation dans laquelle la balance globale est déficitaire, l’offre de monnaie
nationale est supérieure à l’offre de devises sur le marché des changes, il s’ensuit une baisse
du cours de la monnaie nationale. En changes fixes, les autorités sont tenues d’intervenir
pour soutenir le cours de la monnaie nationale en offrant des devises. Toutefois, les réserves
du pays ne sont pas inépuisables. Une dévaluation se produit si le déficit se maintient.
La dévaluation peut avoir d’autres objectifs que l’équilibre externe, par exemple un
objectif interne d’amélioration de l’emploi. Dans le cas du Royaume-Uni en 1931 et des
Etats-Unis en 1933, la balance commerciale était excédentaire et le chômage élevé. La
dévaluation permit une reprise économique et une baisse du chômage. Ces dévaluations
sont perçues comme agressives car elles visent à exporter du chômage. On compte sur le
débouché externe pour résoudre une crise interne, ce qui risque de la propager à
l’étranger….
Le grand effet de la dévaluation est de procurer un gain de compétitivité en rendant
les produits domestiques moins chers à l’étranger1. Un prix à l’exportation est le produit
d’un prix intérieur par un taux de change, selon l’équation :
Prix à l’exportation = Prix intérieur × Taux de change.
Soit un produit valant 3 000 francs en France.
Si 1 mark = 3 francs, soit 1 franc = 1/3 mark : le prix en Allemagne est 1 000 marks (3 000×1/3)
Si 1 mark = 6 francs, soit 1 franc = 1/6 mark : le prix en Allemagne est de 500 marks (3 000×1/6)
c) Les effets attendus de la dévaluation : la courbe en J
Quand le gouvernement dévalue, 2 effets apparaissent successivement :
- un effet prix (défavorable) : les importations coûtent plus cher et les exportations
rapportent moins.
- un effet quantité (favorable) : les quantités importées diminuent et les quantités
exportées augmentent.
Ainsi la dévaluation est un pari selon lequel l’effet quantité l’emportera sur l’effet prix.
Selon le modèle DMS de l’INSEE (1985), en moyenne, il faut un délai d’un an avant qu’une
amélioration apparaisse.
C’est la courbe en J.
Solde commercial
+
Temps
0
Effet volume
Effet prix
-
Le schéma est théoriquement inversé en cas de réévaluation ou appréciation de la
monnaie. Le solde se gonfle dans un premier temps, puis diminue. L’évolution a une forme
de courbe en crosse.
1
Symétriquement, la dévaluation rend les produits étrangers plus chers en monnaie nationale.
d) Exemple simplifié :
Hypothèses : la France n’échange qu’avec un seul pays, la RFA. Deux biens seulement sont
échangés, la France exporte des Renault 5 et importe des Volkswagen GOLF.
En To
•
•
•
•
•
le taux de change prévalant entre les 2 pays est : 1 DM = 3 francs
prix unitaire d’une R5 : 60 000 francs
quantité de R5 exportées : 10
prix unitaire d’une GOLF : 20 000 DM
quantité de GOLF importées : 15
En T1
Pour lutter contre le déficit commercial, le gouvernement français décide de dévaluer
le franc de 10%. Les autres données restent les mêmes qu’à la période To.
En T2
Le taux de change n’a pas bougé par rapport à T1. Les statistiques douanières
fournissent les informations suivantes : exportations de R5 : 15 ; importations de GOLF : 10.
des Valeur des Solde de la
Période Taux de Prix du bien Prix du bien Quantités Valeur
change
en francs
en marks
échangées exportations importations balance
en francs
en francs
commerciale
To
1DM=3F R5 = 60 000 R5 = 20 000 10
600 000
-300 000
Golf =60 000 Golf =20 000 15
900 000
T1
1DM=3,3f R5 = 60 000 R5 = 18 182 10
600 000
-390 000
Golf =66 000 Golf =20 000 15
990 000
T2
1DM=3,3f R5 = 60 000 R5 =18 182 15
900 000
+240 000
Golf =66 000 Golf =20 000 10
660 000
e) Les conditions de réussite d’une dévaluation :
La courbe en J se produit si plusieurs conditions sont réunies :
1- La dégradation initiale du solde commercial doit être due à une hausse des prix
supérieure à celle des pays étrangers et non à des causes structurelles comme un outil
de production obsolète, des investissements insuffisants.
2- L’offre domestique doit est flexible ; les capacités de production dans le pays
dévaluateur ne doivent pas être utilisées à 100% pour pouvoir répondre à la demande
étrangère en hausse.
3- Les entreprises doivent répercuter les variations de parité. Dans l’exemple chiffré
précédent, la Golf doit être vendue 66 000 francs et la Renault 5, 18 182 marks ce qui va
accroitre les ventes de voitures françaises. En réalité, les importateurs peuvent
comprimer leurs marges pour protéger leurs parts de marché (la Golf sera vendue en
France 60 000f et non 66 000f), alors que les exportateurs peuvent augmenter leurs
marges plutôt que de baisser le prix en monnaie étrangère (La Renault 5 sera vendue en
Allemagne 20 000DM et non 18 182DM). D’où l’inertie des volumes. L’amélioration des
performances escomptée en est réduite.
4- La dépense domestique soit réduite. C’est le théorème de l’absorption (Alexander19522). En effet, pour que les exportations augmentent, il faut qu’existe un surplus
exportable, c’est à dire que la demande domestique soit inférieure à l’offre.
Soit Y + M = C + I + G + X => Y = C + I + G + X – M
On désigne par B = X – M le solde de la balance commerciale
Il vient : Y = C + I + G + B
Ce que l’on désigne par l’absorption, c’est la somme de C + I + G + B = A
Il vient : Y = A + B d’où B = Y – A ce qui signifie que le solde commercial est égal à la
production nationale diminué de la demande nationale ou absorption.
Si nous raisonnons en variation, nous pouvons écrire : ΔB = ΔY - ΔA
Pour que le surplus exportable s’accroisse, il faut soit que la production s’accroisse, soit que
l’absorption diminue, soit que la production croisse plus vite que l’absorption.
La dévaluation est susceptible de provoquer mécaniquement une baisse de l’absorption car
la hausse des prix qu’elle provoque, si elle n’est pas suivie d’une hausse des salaires, tend à
modifier la répartition des revenus au détriment des salaires.
La réduction de l’absorption est facilitée par plusieurs facteurs :
une politique de rigueur réduisant la demande interne pour accroître la capacité
d’exportation : restriction du crédit, restriction des dépenses publiques, hausse de la
pression fiscale, encouragement à l’épargne.
une certaine illusion monétaire.
L’absence d’indexation des salaires sur les prix et notamment le taux de change Si les
agents indexent leurs revenus sur le change, il y a risque de cercle vicieux décrit par
le schéma suivant.
Dévaluation
Hausse du
prix des
importations
Perte de
compétitivité
Inflation
Hausse des
coûts
2
Hausse des
salaires
S. Alexander, “Effects of a devaluation on a trade balance”, in Staff Papers (IMF), New-York, 1952.
5- la demande doit être élastique aux prix. Selon le théorème de “Marshall-LernerRobinson” (1944), pour qu’une dévaluation soit efficace, il faut que la somme des
élasticités prix de la demande étrangère de produits nationaux et de la demande
nationale de produits étrangers prises en valeur absolues soit supérieure à 1. Il s’agit du
théorème des élasticités critiques. Ce théorème signifie simplement que la dévaluation
permettra de réduire le déficit commercial si les variations en volume sont plus
importantes que les variations de prix.
Le théorème des élasticités critiques
Appelons X le volume des exportations, Px l’indice des prix des exportations
Appelons M le volume des importations, Pm l’indice des prix des importations
BC désigne la balance commerciale
Le taux de change t = Pm/Px est le nombre d’unités monétaires nationales nécessaires pour
obtenir une unité monétaire étrangère.
BC = X.Px – M.Pm = Px(X – M.Pm/Px) = Px (X – t.M)
Analysons les effets d’une variation du taux de change (dt) sur la balance commerciale :
= Px ( –
–
) = Px ( –
– M) (1)
Introduisons la valeur des élasticités prix des exportations et des importations :
ƐX =
=
ƐM =
=
×
×
=>
=>
= ƐX ×
= ƐM ×
La relation (1) peut s’écrire :
= Px (ƐX × – t × ƐM ×
M) = Px.M (ƐX ×
– ƐM 1)
Si on suppose qu’au départ la balance commerciale est équilibrée :
X.Px = M.Pm => X = M.
=> X = M.t => = 1
On peut donc écrire :
= Px.M (ƐX – ƐM 1)
> 0 => (ƐX – ƐM 1) > 0 => (ƐX – ƐM) > 1
Or ƐM < 0 car quand t augmente (dévaluation), Pm/Px augmente et les importations diminuent.
En conclusion, pour que la balance commerciale s’améliore, il faut que |ƐX| + |ƐM|> 1
En pratique il est difficile de calculer les élasticités concernées, en particulier
l’élasticité de la demande étrangère d’exportation qui s’applique à tous les autres pays avec
lesquels le pays dévaluateur commerce.
Les dévaluations des PED connaissent souvent des effets pervers : les produits
primaires qu’ils exportent sont généralement l’objet d’une demande peu élastique tandis
que la demande des produits qu’ils importent est relativement rigide. C’est peut-être pour
cette raison que les PED ont tendance à appliquer l’autre mesure : le protectionnisme.
Pour les pays développés, on a longtemps considéré que cette condition était
respectée, comme le montrent les travaux de Houthakker & Magge et ceux de Gylfason.
Cependant, l’étude de Wu, plus récente, indique que cette condition n’est plus respectée
pour certains pays.
Etude de Houthakker et Magge3 :
Elasticité-prix des demandes d’exportations (ƐX) et d’importations (ƐM)
1951-1966
1972-1980
ƐX
ƐM
ƐX + ƐM
ƐX
ƐM
ƐX + ƐM
France
-2.27
-2.27
-1.25
-0.60
-1.85
Allemagne
-1.25
-0.24
-1.49
-1.41
-0.77
-2.18
Japon
-0.80
-0.72
-1.52
-1.61
-0.97
-2.58
Royaume-Uni
-1.24
-0.21
-1.45
-0.31
-0.75
-1.06
Etats-Unis
-1.51
-1.03
-2.54
-1.67
-1.06
-2.73
Etude de Gylfason, 1987, European Economic Review, sur des données de 1969 à 1981.
Elasticité de la demande Elasticité de la demande Somme (en
valeur absolue)
d’exportation
d’importation
Pays industrialisés
France
1.28
0.93
2.21
Allemagne
1.02
0.79
1.81
Italie
1.26
0.78
2.04
Japon
1.40
0.95
2.35
RU
0.86
0.65
1.51
USA
1.19
1.24
2.43
Moyenne
1.11
0.99
2.10
Pays en
développement
Argentine
0.6
0 .9
1.5
Brésil
0.4
1.7
2.1
Inde
0.5
2.2
2.7
Corée du Sud
2.5
0.8
3.3
Turquie
1.4
2.7
4.1
Moyenne
1.1
1.5
2.6
Etude de Yi Wu, de 20054 : 1960-1998 :
Elasticité prix
importations
France
-0.10
Allemagne
0.04
Japon
-0.34
Royaume-Uni
-0.23
Etats-Unis
-0.15
3
des Elasticité prix
exportations
-0.22
-0.33
-2.09
0.28
-1.40
des Somme
-0.32
-0.29
-2.43
0.05
-1.55
Houtkakker and Magee, « Income and price elasticities in world trade », Review of Economics and Statistics,
Vol. 51, mai 1969.
4
http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2005/wp0511.pdf
f) L’art de la dévaluation :
La dévaluation montre que l’ancien taux de change n’était pas ou plus réaliste. Elle
est un constat d’échec pour le pouvoir qui cherche généralement à en retarder l’échéance.
C’est un acte politique qui doit être manié avec précaution.
Par son caractère stratégique et pour éviter la spéculation, la modification de la
parité implique une préparation soignée et le secret jusqu’au dernier moment. Ainsi la
dévaluation française d’août 1969 (annoncée le 8 août) fut une surprise, bien qu’elle ait été
décidée en juillet par le Président de la République, le Premier Ministre et le ministre des
Finances. Les autres membres du gouvernement n’en furent pas informés et sa préparation
fut réservée à 5 hauts fonctionnaires. Le gouverneur de la Banque de France fut consulté
moins d’une semaine avant la décision officielle.
Pour avoir un effet positif, la dévaluation ne doit être ni trop faible, ni trop forte.
Les inconvénients d’une dévaluation trop faible :
- elle ne suffit pas à provoquer un détournement des flux commerciaux car le prix n’est pas
le seul critère des acheteurs et les courants d’échange sont relativement rigides (habitudes,
qualité, existence ou non d’un service après vente)
- elle ne permet pas de casser la spéculation et de rétablir la confiance
- la nouvelle parité risque de ne pas être considérée comme durable, nécessitant des
dévaluations ultérieures
Les inconvénients d’une dévaluation trop forte :
- l’effet prix peut être supérieur à l’effet volume de la courbe en J
- elle peut déclencher chez les partenaires commerciaux du protectionnisme ou des
dévaluations concurrentes, ce qui annihile les effets bénéfiques de l’opération
- elle peut porter atteinte à l’orgueil national. La dévaluation est souvent perçue comme un
échec : dévaloriser la monnaie, c’est dévaloriser l’image du pays ou plus prosaïquement
rendre plus coûteuses les vacances à l’étranger. Si le touriste se sent plus pauvre à
l’étranger, son pays l’est donc aussi, au moins symboliquement.
g) Bilan empirique :
M. Miles (1979) a étudié le cas de 14 pays ayant dévalué sur la période 1956-1972 et
constate une amélioration de la balance commerciale et de la BRI.
Le phénomène de courbe en J a été mis en évidence par les dévaluations de la livre
en 1967, du franc français en 1969, du dollar en 1971. La Suède et l’Espagne en 1982, la
Grèce en 1983.
Plus récemment, les dévaluations de l’Italie, la GB, et l’Espagne en 1992 sont
considérés comme des réussites.
Les dévaluations de 1992, un an après…
Italie
Royaume-Uni
Espagne
France
Production industrielle
3ème trimestre 1992…….
-0,5%
+1,5%
-1,6%
-0,1%
3ème trimestre 1993…….
-0,5%
+2,2%
-1,7%
-3,5%
5
Prix à la consommation
Septembre 1992……….
+5,5%
+3,6%
+5,7%
+2,6%
Septembre 1993……….
+4,2%
+1,8%
+4,3%
+2,3%
6
Solde commercial
1992……………………
-12 700
-9,1
-2 850
+22,8
1993……………………
+17 000
-8,5
-1 833
+59,3
5
6
En glissement annuel.
Neuf premiers mois, en monnaie locale et en milliards.
La lire italienne s’est dévaluée de 25% pendant que le gouvernement italien menait
une politique budgétaire restrictive et d’une politique des revenus rigoureuse (suppression
de l’échelle mobile des salaires). La balance commerciale s’est redressée de manière
spectaculaire. En GB, la dévaluation entre 15% vis-à-vis des monnaies européennes et 25%
vis-à-vis du dollar a permis une nette décrue des taux d’intérêt à court terme de 10% à 6%,
sans réveil de l’inflation. En Espagne, la dévaluation de la peseta de 19% a permis un
redressement des exportations mais sans retour à l’équilibre budgétaire car le
gouvernement a été incapable d’imposer une politique économique d’assainissement.
h) Les dangers de la dévaluation :
La dévaluation inefficace :
Imprimer sa propre monnaie pour faire baisser les taux de change et augmenter la
compétitivité ne peut pas marcher à moyen terme car cela entraîne une hausse symétrique
des prix intérieurs, donc la compétitivité n’augmente pas. Pour Pascal Salin, les
changements de parité n’ont aucun effet durable sur la balance commerciale.
La dévaluation immorale :
Il faut ajouter un point essentiel que personne ne met en lumière. Les dévaluations
pratiquées par le pouvoir politique sont immorales. La dévaluation imposée par les pouvoirs
politiques est une rupture de contrat et une atteinte à la propriété. La valeur des avoirs
monétaires en monnaie nationale diminue du % de la dévaluation, les titulaires d’encaisses
sont donc volés.
La dévaluation risquée :
La dévaluation un jour dans un pays pousse les autres pays à riposter souvent par du
protectionnisme et la course ne s'arrête ainsi jamais.
i) Pourquoi le jeu politique joue-t-il dans le sens de la dévaluation ?
La sous-évaluation d’une monnaie oriente les structures productives vers l’exportation.
Le flottement de la monnaie dans le sens de la hausse va nécessairement entraîner un effet
dépressif sur certaines activités économiques exportatrices. Quand une monnaie est
réévaluée, les exportateurs nationaux se plaignent de la diminution des débouchés tandis
que les autres agents ne disent rien, de telle sorte qu’il semble que la nation dans son
ensemble est hostile au réajustement.
C’est pour des raisons similaires qu’un pays peut être amené à pratiquer la sousévaluation de sa monnaie. Celle-ci favorise les exportateurs, groupe de petite taille
facilement organisable. Elle défavorise les consommateurs – groupe latent de grande taille –
qui vont payer plus cher les produits importés. La théorie des groupes de pression d’Olson
nous enseigne que les premiers sont plus influents que les seconds.
En conclusion, la dévaluation n’est pas une panacée, ni une recette qui pourrait
s’appliquer mécaniquement avec des résultats garantis et prévisibles. C’est une politique
pouvant plus ou moins réussir selon les mesures d’accompagnement et le contexte
économique. La dévaluation n’est ni un miracle, ni un mirage. Elle demeure un outil utile en
cas d’écart majeur de compétitivité-prix.
3) La politique structurelle :
a) La politique industrielle
Face à un déficit commercial récurrent, le gouvernement peut décider de favoriser la
compétitivité des entreprises. Pour cela, il dispose de plusieurs leviers. Dans une optique
libérale, il va favoriser la concurrence, censée entraîner la baisse des prix. Déréglementation,
ouverture de marchés, suppression des entraves au commerce et à la liberté
d’entreprendre, libéralisation du marché du travail sont les principales mesures possibles.
Dans une optique interventionniste, il va mettre en place une politique industrielle
chère aux colbertistes : promotion des champions nationaux, aide publique à la R&D,
subventions d’entreprises stratégiques, bonification d’intérêt pour certains secteurs
exportateurs. Dans tous les cas, le but est d’accroitre une offre compétitive.
Pour un gouvernement, il est politiquement risqué de faire des réformes
structurelles, celles qui font bouger les lignes et remettent en cause les acquis. Il est
tellement plus commode de dévaluer sa monnaie pour chercher la croissance à l'extérieur
en pillant "sans efforts" des parts de marché aux autres.
b) La désinflation compétitive
Le constat de départ est une compétitivité prix insuffisante des produits
domestiques. Là où la dévaluation proposait comme solution la baisse du taux de change, la
désinflation compétitive incite à la baisse des prix intérieurs, ou pour le moins une hausse
inférieure à celle des prix étrangers. Dans l’équation suivante, on va agir sur la première
partie du second membre :
Prix à l’exportation = Prix intérieur × Taux de change.
Il s’agit donc d’une politique différente de la dévaluation quant aux moyens mais
similaire quant à la philosophie.
La désinflation compétitive se traduit en pratique par l’abandon de l’indexation des
salaires sur les prix, une modération de la création monétaire, des taux d’intérêt à court
terme plus élevés, en un mot la rigueur monétaire.
Si le déficit commercial provient d’une inflation trop forte, la désinflation compétitive
peut être une solution en redonnant aux produits domestiques leur compétitivité. Si le
déficit est dû à d’autres causes (appareil de production vétuste, offre insuffisante en raison
de contrôle de prix ou autres réglementations, offre monopolistique limitant la production,
etc.), cette politique ne permettra pas de retrouver l’équilibre commercial.
C) Les obstacles à l’ajustement :
L’Allemagne et le Japon accumulent les excédents alors que les Etats-Unis et la
France ont des déficits récurrents. Force est de constater que les déséquilibres perdurent, en
raison de nombreux obstacles, allant même dans certains cas jusqu’à bloquer le processus.
1) L’élasticité-prix plus faible que l’élasticité-revenu :
Les flux commerciaux ne dépendent pas seulement des prix des produits mais aussi
de la croissance des revenus dans chaque pays. Si un pays dévalue, les importations
devraient baisser à cause de leur renchérissement mais elles peuvent aussi s’accroitre si les
revenus distribués dans le pays augmentent fortement. De même, si un pays dévalue ses
exportations devraient augmenter à cause de leur moindre coût, mais elles peuvent aussi
diminuer si les revenus à l’étranger diminuent.
Il est apparu que l’élasticité-revenu de la demande d’exportation et d’importation du
pays dévaluateur était sensiblement plus élevée que les élasticité-prix correspondantes.
C’est ce que montre l’étude de Yi Wu résumée par le tableau suivant. L’élasticité-revenu
correspond au poids des différentiels de croissance dans les ajustements externes. Donc les
flux commerciaux sont plus sensibles aux revenus qu’aux prix.
France
Allemagne
Japon
Royaume-Uni
Etats-Unis
France
Allemagne
Japon
Royaume-Uni
Etats-Unis
Etude de Yi Wu7, période 1960-1998 :
Elasticité prix des
Elasticité prix des
importations
exportations
-0.10
-0.22
0.04
-0.33
-0.34
-2.09
-0.23
0.28
-0.15
-1.40
Elasticité revenu des
importations
2.03
1.97
1.06
1.78
2.21
Elasticité revenu des
exportations
2.03
2.08
1.94
1.45
1.56
Somme
-0.32
-0.29
-2.43
0.05
-1.55
Somme
4.06
4.05
3.00
3.23
3.77
Ainsi en France les dévaluations d’octobre 1981 et de juin 1982 ont eu lieu dans un
contexte de forte progression des revenus distribués, entrainant une forte hausse des
importations alors que la dévaluation du franc aurait du les restreindre.
La dévaluation implique en effet une perte de pouvoir d’achat des agents intérieurs,
lesquels vont tenter d’éviter de payer ce transfert de pouvoir d’achat vers l’extérieur, les
conduisant à des revendications salariales plus fortes et donc à des hausses de revenus.
Les flexibilistes font trop confiance aux effets-prix et négligent les effets-revenus
(influence des taux de croissance sur le solde extérieur et sur le taux de change) ainsi que la
compétitivité structurelle (spécialisation, niveaux des investissements, politique
commerciale).
7
http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2005/wp0511.pdf
2) L’arbitrage marges contre parts de marché :
Pour que la dévaluation ait les effets escomptés, les producteurs nationaux doivent
répercuter intégralement les variations du change sur les prix de vente et non pas
reconstituer leur marge ; or ce n’est pas toujours le cas.
D’après une étude faite auprès d’entreprises françaises exportatrices en 1981 et
1982, plus de la moitié augmentaient leurs prix suite à une dévaluation. Le comportement
de marge est ici dominant alors que la hausse de part de marché nécessite la baisse des prix
en devises. Ce comportement peut être justifié par la hausse du prix des importations et
l’anticipation de dévaluations futures.
De même, une dévaluation réussie suppose que les exportateurs étrangers ne
diminuent pas leurs marges pour accroître ou conserver leur part de marché. Là encore, ce
n’est pas toujours le cas.
Après 1985, le dollar s’est déprécié par rapport au yen mais les exportateurs japonais
n’ont pas augmenté proportionnellement leurs prix en dollars pour ne pas perdre de parts
de marché. De février 1985 à novembre 1988 le yen s’est renforcé de 52% mais Honda n’a
augmenté le prix de ses voitures aux Etats-Unis que de 26,5%, baissant ses marges au profit
du maintien de la part de marché. Ce phénomène peut contribuer à expliquer le faible
rétablissement commercial américain.
3°) La spécialisation de l’économie :
Si les produits sont performants, peu concurrencés par d’autres pays, si les
entreprises sont price-makers, la demande étrangère est peu sensible aux prix et la
dévaluation aura peu d’effets bénéfiques. Par contre, si les exportateurs sont price-takers, ils
bénéficieront davantage de la baisse de prix en devises pour conquérir des marchés. Les
fluctuations de change ne peuvent compenser les écarts de compétitivité structurelle.
4°) L’effet d’hystérésis :
Une variable x provoque un effet d’hystérésis sur le solde extérieur quand, à la suite
d’une variation du solde extérieur causée par une variation de x, le retour de x à son niveau
initial n’entraine pas le retour du solde extérieur à son niveau initial.
En effet au début des années 1980 le dollar surévalué a incité les firmes étrangères à
faire des investissements importants pour faciliter leurs exportations vers les Etats-Unis :
réseaux de distribution, dépenses de lancement du produit. Ces investissements ne sont
rentables que si les exportations durent plusieurs années. Après 1985, quand le cours du
dollar a baissé, les exportateurs ne sont pas repartis et les importations ont continué.
5°) L’asymétrie des monnaies :
Certaines monnaies sont systématiquement recherchées car elles servent
d’instrument d’échange international ou de réserve de valeur. C’est le cas du dollar ; on
parle d’”habitat préféré”. D’autres sont fuies à cause d’un passé douteux, c’est à dire
inflationniste ; ces monnaies subissent une prime de risque, c’est à dire des taux d’intérêt
plus élevés.
Les monnaies bénéficiant d’un habitat préféré ont tendance à s’apprécier
systématiquement et les autres à se déprécier, toutes choses égales par ailleurs. Le taux de
change ne joue plus son rôle d’ajustement de la balance commerciale.
Par exemple, le dollar bénéficie d’un habitat préféré en raison de la puissance de
l’économie américaine, de la profondeur et de la liquidité de son marché financier, du
respect du droit de propriété dans ce pays. Le déficit courant américain justifierait la baisse
du dollar mais l’habitat préféré la freine.
D – Le mythe de la balance commerciale excédentaire et ses raisons
1 – Un mythe ancien :
Jadis, les mercantilistes se réjouissaient d’un excédent commercial, signe d’entrée
d’or dans le pays et donc, selon leur vision, de richesse accrue. Aujourd’hui, l’or n’est plus
utilisé comme moyen de règlement des échanges internationaux mais le jugement positif sur
l’excédent commercial demeure.
L’opinion s’imagine qu’il est bon d’exporter plus qu’on importe et elle est fière que
les produits nationaux soient désirés sur les marchés extérieurs. En effet, il existe un mythe
de l’exportation et du solde positif de la balance commerciale. La hausse des exportations
est censée entrainer une hausse de la demande globale, une hausse de la production et de
l’emploi. C’est un mythe mercantiliste toujours en vigueur.
La presse et le gouvernement ont l’habitude de se féliciter d’un excédent et de
s’inquiéter d’un déficit de la balance commerciale. Ils n’ont pas retenu les leçons de Bastiat8
qui montrait combien cette notion de commerce extérieur était artificielle, ambiguë et
arbitraire, et ne signifiait pas grand-chose, si ce n’est le contraire de ce qu’on croit
habituellement. On ne voit pas pourquoi on s’inquiéterait d’importations à bas prix. Tant
mieux si le consommateur trouve à l’étranger des produits moins chers.
Bastiat dénonçait le sophisme de l’excédent commercial. L’augmentation des
importations n’est pas un signe d’appauvrissement, mais bien d’enrichissement, d’une
capacité accrue des individus à satisfaire leurs besoins. Si nos exportations étaient nulles et
nos importations infinies, cela nous permettrait de jouir d’une infinité de biens. Le profit,
c’est quand on reçoit plus que ce que l’on donne. Se procurer des biens à meilleur marché
est une bonne affaire et non une catastrophe.
Par exemple, si on achetait des chaussures à 400 f sur le marché national, et qu’on les
trouve à 250 f grâce aux importations, cela représente 150 f d’économie qui peuvent servir à
acheter d’autres biens. Quant aux 250 f, ils n’ont pas disparu, et se retrouveront ici ou là en
achat en provenance de l’étranger puisqu’une entreprise étrangère les a reçus. Encore faut il
que nos entreprises ne soient pas bridées dans leur capacité de production.
C’est en ce sens, et en ce sens seulement qu’un déficit peut inquiéter : s’il est le fruit
d’une relance artificielle, d’une manipulation de la conjoncture par les gouvernants ou de
rigidités d’origine étatique. Mais si le commerce est libre, l’échange ne peut que bénéficier
aux deux parties, c'est-à-dire au pays qui importe et à celui qui exporte.
Le Royaume-Uni au XIXème siècle connaissait un déficit commercial, cela ne
l’empêchait pas d’être la première puissance économique mondiale. Idem pour les EtatsUnis depuis les années 1980.
D’une certaine manière, les statistiques du commerce extérieur peuvent avoir un
usage dangereux, elles peuvent servir à justifier tour à tour ou en même temps le
protectionnisme, les subventions, l’interdiction de voyager à l’étranger, etc. « Malgré tout
l’amour qu’on me prête pour les statistiques, je n’hésiterais pas à recommander, si l’on
m’interrogeait, la suppression des statistiques du commerce extérieur, étant donné tout le
mal qu’elles ont fait dans le passé, qu’elles font et, je le crains fort, qu’elles feront encore
dans l’avenir » écrivait Jacques Rueff en 1933.
8
Voir notamment Le capitaine au long cours.
-
-
2 – Les origines du mythe
Selon Pascal Salin, ce mythe repose sur éléments :
une habitude comptable : dans la balance des paiements, les importations sont
comptabilisées avec un signe – et les exportations avec un signe +
l’intérêt des groupes de pression : les exportateurs vont défendre leurs intérêts en
réclamant des aides à l’exportation payées par l’ensemble des contribuables (théorie des
groupes de pression d’Olson)
enfin les idées keynésiennes
Analysons en détail ce dernier point. Les keynésiens pensent que la hausse des
exportations permet d’augmenter la demande globale, donc la production va augmenter et
le chômage diminuer. Cette conception des choses est erronée selon Pascal Salin9, à qui
nous empruntons l’explication qui suit.
Soit l’équation de la demande globale :
DG = C + I + G + X – M
Au départ X = M ; ensuite les exportations augmentent suite à des subventions aux
exportations. Le solde extérieur positif aura comme contrepartie un solde négatif des titres :
la population achète plus de titres qu’elle n’en vend à l’étranger. Or les résidents ne peuvent
acheter des titres à l’étranger qu’en diminuant l’épargne disponible pour la consommation
et l’investissement. Dans l’équation de la demande globale, l’augmentation de l’excédent
commercial se fait au détriment de la consommation ou de l’investissement ; la demande
globale reste inchangée.
Les keynésiens pensent même que les exportations vont créer un effet de relance :
c’est le multiplicateur du commerce extérieur (Cf. encadré) théorisé par R. Harrod, The
Trade cycle, 1936, puis par J.J. Polak, « American Economic Review », décembre 1947.
L’effet multiplicateur des exportations :
Les exportations de biens et services produits sur le territoire national sont créatrices de
revenus pour l’économie nationale. Elles entraînent un effet multiplicateur sur l’activité
économique.
Démonstration : Y + M = C + I + X (1)
Puisque Y = C + S, nous pouvons écrire : C + S + M = C + I + X
Soit encore : S + M = I + X (2)
L’équation (2) signifie que les importations ont des effets identiques à l’épargne : elles ne
créent pas de revenus dans l’économie nationale mais dans le reste du monde.
Symétriquement, les exportations ont le même effet que l’investissement : elles créent des
revenus dans l’économie nationale.
En termes d’accroissement, l’égalité (2) devient :
ΔS + ΔM = ΔI + ΔX
Posons ΔI = 0 afin d’isoler l’effet des exportations sur le PIB.
ΔS + ΔM = ΔX
On divise chaque membre par ΔY :
∆S + ∆M ∆X
∆Y
1
=
===> ∆Y = ∆X .
===> ∆Y = ∆X .
∆Y
∆Y
∆S + ∆M
∆S / ∆Y + ∆M / ∆Y
9
Pascal Salin, Macroéconomie, Puf, 1991, p. 375.
Or ΔS/ΔY = propension marginale à épargner : s
ΔM/ΔY = propension marginale à importer : m
∆Y
1
1
=
Il vient : ∆Y = ∆X .
soit encore :
(3)
∆X s + m
s+m
Le rapport 1/s+m est le multiplicateur du commerce extérieur. Il signifie que tout
accroissement des exportations entraîne une hausse plus que proportionnelle du PIB. L’effet
multiplicateur est d’autant plus fort que les propensions à épargner et à importer sont
faibles.
Cependant il existe un facteur d’atténuation car la hausse du PIB va accroitre les
importations.
Le supplément d’importations induit par la hausse du PIB est égal à :
ΔM = m. ΔY ΔY = ΔM/m
En remplaçant la valeur de ΔY dans (3), on obtient :
∆M
1
m
=
===> ∆M =
.∆X
m.∆X s + m
s+m
Comme s et m sont >0 et <1, on en déduit que ΔM < ΔX. Les importations induites par
la hausse du PIB sont inférieures à la hausse initiale des exportations. Ce résultat doit
cependant être tempéré car il ne tient pas compte des variations relatives des prix des
exportations et des importations.
Mais il faut aller plus loin dans le raisonnement. Avoir un excédent commercial
signifie pour un pays qu’il transfère à l’extérieur plus de biens et de services qu’il n’en reçoit,
c’est à dire que la consommation et l’investissement (donc les possibilités futures de
croissance) sont diminués. Bien entendu, il reçoit en contrepartie des titres étrangers à plus
ou moins long terme, ce qui signifie qu’il recevra plus tard des recettes d’intérêt et de
remboursement qui lui permettront, s’il ne désire pas les placer à nouveau à l’étranger, de
consommer et d’investir davantage.
En ce sens, un excédent commercial représente seulement un choix en faveur d’une
consommation future aux dépens de la consommation actuelle, un déficit commercial un
choix en faveur d’une consommation présente aux dépens de la consommation future.
Il n’y a donc pas de raison a priori de dire qu’un pays donné doit avoir un solde positif
de sa balance commerciale.
Tout le monde considère comme normal que certains individus achètent à crédit,
c’est à dire dépensent une somme plus importante que leur revenu, donc s’endettent, et il
serait légitime dans ce cas de dire que leur balance commerciale est déficitaire. Si
globalement tous les agents économiques d’un pays ont des préférences telles qu’ils
désirent consommer ou investir plus qu’ils ne produisent, quitte à rembourser plus tard
leurs emprunts à l’étranger, il y a par définition un déficit commercial, mais on ne voit pas en
quoi cette situation serait regrettable.
3 – Les enjeux
a) Les ambigüités de la notion d’équilibre de la balance des paiements
Nous empruntons la démonstration suivante à Pascal Salin10. Supposons que dans un
pays A la monnaie n’existe pas et qu’il y a seulement des produits actuels et des produits
futurs (titres, obligations par exemple). Un individu choisissant entre le présent et le futur a
le choix entre deux possibilités : transformer lui-même les biens présents en biens futurs par
l’investissement propre ou échanger de l’épargne sur le marché, c’est à dire des biens
présents contre des biens futurs.
Imaginons que l’on passe d’une situation d’autarcie financière à une situation
d’ouverture financière, c’est à dire que les échanges de titres soient désormais possibles
entre habitants de pays différents. Si le taux d’intérêt sur le marché mondial de l’épargne
(rm) est différent du taux d’intérêt d’isolement, les habitants du pays A ont intérêt à faire des
échanges d’épargne avec les étrangers. A partir de la situation d’isolement, les habitants de
A peuvent renoncer à absorber (consommer ou investir) une unité de produit actuel pour
obtenir (1 + rm) unité de produit futur.
Au cours de la période 1, les habitants de A acceptent une baisse de leur
consommation ou de leur investissement car ils en espèrent un gain futur qui, à leurs yeux,
les dédommagera du sacrifice de la période 1. Il y a donc vente d’épargne au reste du
monde et achat de titres (obligations) pour un même montant.
Au cours de la période 2, les habitants de A reçoivent le remboursement de leur prêt
d’épargne, augmenté du paiement des intérêts. Il y a donc entrée d’épargne, c’est à dire de
produits et en contrepartie les habitants de A remettent leurs titres de créances à ceux qui
les avaient émis, c’est à dire qu’ils sont annulés.
En vendant de l’épargne – des biens présents contre des biens futurs – les individus
du pays A accroissent leur bien-être. Ils peuvent répartir leurs ressources dans le temps
d’une manière qui ne leur était pas possible en l’absence d’échanges internationaux de
titres.
Au cours de la période 1, les habitants de A vendent de l’épargne, les ventes de
produits supérieures aux achats de produits, donc excédent commercial. En contrepartie, il y
a un déficit de la balance des titres, c’est à dire que les importations (achats) de titres sont
supérieures aux exportations (ventes). L’excédent de la balance commerciale est
inséparable du déficit de la balance des titres, l’un et l’autre constituant les 2 parties
indissociables de l’échange. Dans la période 2, le déficit de la balance commerciale est
inséparable de l’excédent de la balance des titres. Parce qu’elle traduit l’équivalence entre
les achats et les ventes, la balance des paiements est toujours en équilibre.
La notion même d’équilibre de la balance des paiements est étrange car le terme
« équilibre » signifie « satisfaction ». Or, un compte ne peut pas être satisfait ou mécontent,
seuls les individus peuvent l’être. Il y a confusion entre une notion comptable (l’équilibre des
comptes) et une notion économique (la satisfaction des individus). Au sens comptable, la
balance des paiements est toujours équilibrée ; quant à l’équilibre des individus, il s’apprécie
à partir d’autres critères et n’implique en rien telle ou telle structure de la balance des
paiements.
On a coutume d’appeler « mouvements de capitaux » les mouvements
internationaux de titres. Dans le cas où il y a déficit de la balance des titres, on parle d’une
sortie de capitaux. Lorsqu’on parle de sortie de capitaux, on pense à la contrepartie du
mouvement de titres, à savoir le mouvement de biens réels, le capital. L’expression
« mouvements de capitaux » se réfère à la contrepartie des mouvements de titres, les flux
10
Pascal Salin, Macroéconomie, Puf, 1991.
de biens réels.
Si l’on ajoute maintenant la monnaie dans l’analyse, les transferts internationaux
d’épargne (les soldes commerciaux) peuvent avoir pour contrepartie non seulement des
échanges de titres mais aussi des échanges de monnaie. Si l’on suppose qu’un pays est
spécialisé dans la production de monnaie, il est probable qu’il vendra de la monnaie aux
habitants des autres pays en contrepartie de produits actuels ou futurs. Le pays B
enregistrera un excédent de la balance de la monnaie et en contrepartie un déficit de la
balance commerciale et/ou de la balance des titres.
b) Les mesures illusoires visant à modifier le solde commercial
Pour Pascal Salin, « c’est un non-sens complet de se donner des objectifs de commerce
extérieur ou de balance des paiements. Prenons un exemple : si les Japonais épargnent
beaucoup et s’il y a de bonnes occasions d’investir aux Etats-Unis, il est normal que des titres
américains partent vers le Japon et qu’en même temps les biens et services aillent du Japon
vers les Etats-Unis. Ce que l’on appelle – selon une terminologie regrettable – le « déficit »
commercial américain résulte de cette situation. Il est désirable pour tout le monde, puisqu’il
ne fait que refléter des échanges qui ont été voulus par les habitants des deux pays et leurs
choix respectifs entre produits actuels et produits futurs. Toute politique qui viserait à réduire
ce soi-disant « déficit » ne peut avoir que des effets nuisibles, si jamais elle réussissait à
transformer la structure de la balance des paiements.11 »
Le solde de la balance commerciale s’explique par les différences de préférence pour
le temps de tous les individus du monde. Le fait de subventionner les exportations ne
modifie en rien la cause du phénomène – désirs d’échange entre le présent et le futur –
donc le solde commercial désiré. Donc en subventionnant les exportations on subventionne
aussi les importations sans modifier le solde commercial.
Toutes les mesures visant à modifier le solde commercial sont donc inspirées par une
idée fausse consistant à penser que les importations et les exportations sont indépendantes.
Or elles sont étroitement liées comme le sont d’ailleurs les deux parties de toute
transaction, l’achat et la vente qu’on appelle justement importations et exportations.
Si les exportations sont inférieures aux importations, c’est parce que les habitants du
pays désirent payer une partie de leurs achats au moyen de titres (biens futurs) et non de
produits actuels. La politique de lutte contre le déficit commercial ne peut donc pas réussir
puisqu’elle se donne un objectif illusoire. Il vaut d’ailleurs mieux qu’elle n’y réussisse pas car
le déficit commercial est désiré. Mais cette politique entraine cependant un gaspillage pur et
simple de ressources (salaires des douaniers, frais dus au contrôle des changes, contraintes
diverses…).
c) Le risque de guerre commerciale
Tous les pays ne peuvent pas avoir en même temps en excédent. Par définition,
l’excédent des uns est le déficit des autres. Par conséquent, la politique nationaliste
d’excédent commercial aboutira tôt ou tard à des querelles commerciales, les pays en déficit
regardant avec jalousie les excédents des autres pays.
Il y a d’ailleurs une contradiction chez les penseurs keynésiens, celle même qui
existait chez les mercantilistes. Les keynésiens sont favorables à l’excédent commercial dans
leur pays mais ils fustigent les excédents commerciaux des autres pays, surtout en période
de crise. Le texte suivant de Martin Wolf12, éditorialiste au Financial Times, en constitue une
11
12
Pascal Salin, La vérité sur la monnaie, Odile Jacob, 1990, p. 272.
Le Monde, 9 décembre 2008.
illustration.
« Les pays à forts excédents commerciaux importent la demande du reste du monde.
En cas de récession grave, cela constitue une politique égoïste qui rend impossible la
nécessaire combinaison du rééquilibrage global et d’une demande générale soutenue. (…) Si
l’économie globale ne veut pas sortir de la crise en trop mauvais état, les pays excédentaires
solvables doivent augmenter leur demande intérieure par rapport à leur production
potentielle. (…) Certains affirment que les efforts déployés par les pays présentant un déficit
extérieur pour promouvoir une croissance fondée sur les exportations grâce à une
dépréciation du taux de change constituent une politique égoïste. C’est contraire à la vérité,
puisque c’est une politique visant à revenir à l’équilibre13. La véritable politique égoïste, c’est
lorsque des pays aux immenses excédents extérieurs laissent s’effondrer la demande
intérieure. Car alors ils exportent du chômage. Si les pays à forts excédents ne font rien pour
l’empêcher, qu’ils ne soient pas surpris si les pays déficitaires en viennent à recourir à des
mesures protectionnistes ».
De la même manière que M. Wolf, un keynésien français souhaitera un excédent
commercial pour la France (plus de demande globale adressée aux produits français, effet
multiplicateur des exportations) et considérer comme égoïste l’excédent commercial
allemand, signe d’une politique de rigueur outre-Rhin qui diminue la demande adressée aux
produits français. Mais un keynésien allemand pensera le contraire : l’excédent allemand est
positif, source de production supplémentaire et d’emplois en Allemagne.
La pensée keynésienne aboutit à des conclusions incohérentes car elle n’est pas
construite à partir de l’agir humain et de la rationalité de l’individu.
13
Souligné par nous. On voit ici le danger du terme équilibre qui peut justifier la dévaluation.
II – L’analyse empirique des déséquilibres extérieurs depuis 1945 :
1961-1970
1971-1980
1981-1990
1991-1997
Source : OCDE.
Allemagne
0.8
0.7
2.7
-0.8
France
0.3
0.2
-0.6
0.7
Royaume-Uni
0.0
-0.3
-0.6
-0.8
Etats-Unis
0.6
0.0
-2.0
-1.6
Japon
0.3
0.6
2.3
2.3
A- La balance commerciale ou le Sisyphe français :
1)
1945-1972 : la recherche de l’équilibre commercial par la dévaluation
Après la Seconde Guerre mondiale, la France connaît un déficit commercial du à une
demande élevée et à une forte qui freine les exportations. La part des produits
manufacturés dans les exportations passe de 67% en 1950 à 73,4% en 1958 grâce aux
progrès de la productivité dans l’industrie.
A partir de 1955, le solde commercial se dégrade fortement : en France, les prix à la
production augmentent de 18% alors qu’ils reculent de 8.5% en RFA. Pour retrouver
l’équilibre, le gouvernement français va dévaluer le franc.
La dévaluation de 20% de 1957 est un exemple de dévaluation non réussie. Le
gouvernement a relâché le contrôle des prix par suite de la hausse du coût des matières
premières et de la situation financière difficile de certaines banches. La libération partielle
des prix provoque une hausse de l’inflation qui compense presque complètement l’effet
positif de la dévaluation dont le taux pourtant élevé (20%) s’est avéré trop faible. Ainsi la
dévaluation de 28 décembre 1958 (15%) se produisit-elle moins de 16 mois après celle du 10
août 1957.
En revanche, la dévaluation de 1958 est un succès. Elle a bénéficié de la diminution
de l’absorption grâce à la mise en place d’une politique de rigueur.
• restriction du crédit
• restriction des dépenses publiques : - 3 milliards
• hausse de la pression fiscale : majoration des impôts sur le tabac, l’alcool, de l’impôt
sur le revenu, de l’impôt sur les bénéfices des sociétés
L’investissement a diminué à prix constants de 0,5% entre 1958 et 1959. La
consommation des ménages n’a cru que de 1,8% alors que la hausse du PIB lui était
supérieure. La modération de la demande interne a permis d’augmenter le surplus
exportable. On assiste à un redressement spectaculaire du commerce extérieur dans un
contexte de plus grande concurrence avec la CEE. En 1959, les exportations augmentent de
30% par rapport à 1958.
L’orientation coloniale du commerce extérieur accroit l’efficacité de la dévaluation.
En 1958, 27,6% des importations françaises s’effectuaient avec les pays de la zone franc. La
dévaluation rend les marchandises françaises plus compétitives à l’exportation hors zone
franc mais ne renchérit pas les importations en provenance de la zone franc.
Cependant, l’excédent est éphémère. Le taux de couverture (X/M) a tendance à se
dégrader pendant la décennie 1960 et descend aux alentours de 92%, alors qu’il était de plus
de 105% en 1959. Le différentiel d’inflation avec les autres pays en est la cause principale,
laquelle oblige le gouvernement Giscard à mettre en place un plan de stabilisation en 1963.
Prix de détail
Prix de gros
Hausse de l’indice des prix de 1958 à 1968 : (en %)
France
Italie
RFA
46,5
38
26,5
23
13,5
11
USA
20
9,5
A la suite des événements de mai 1968, les accords de Grenelle entraînent une
hausse de 35% du SMIG ainsi que des augmentations de salaires de 12% à 20%. D’où une
vive poussée de la consommation privée, de l’inflation et des importations, ainsi que des
sorties de capitaux et une baisse des réserves de change.
A l’automne 1968, un 1er plan de restrictions intervient : encadrement du crédit,
hausse des taux de TVA, économies budgétaires. Le taux de couverture continue de se
dégrader car la demande interne reste forte. Les importations de précaution se produisent
par anticipation d’une prochaine dévaluation, ce qui contribue à la précipiter.
Au début des années 1970, l’équilibre est restauré, notamment grâce à l’effet de la
dévaluation de 1969. Le franc est dévalué de 12.5% le 8 août 1969 avec en complément des
mesures monétaires restrictives (hausse du taux d’escompte de 7 à 8%), des économies
budgétaires, une majoration des impôts sur la vignette et l’alcool, un prélèvement
exceptionnel sur les bénéfices des banques, un blocage des prix du 08/08/1969 au
15/09/1969 puis ensuite régime de liberté surveillée, la mise en place des “contrats de
progrès” devant maintenir les hausses de revenus dans des limites compatibles avec les
hausses de productivité et la croissance du PIB.
La dévaluation de 1969 fut une réussite : en 1969 le déficit commercial est de 974
millions de $ ; en 1970 l’excédent de 300 millions de $. La croissance reste forte : 8% en 1969
; 6% en 1970. L’inflation ne s’est pas accélérée. La réévaluation du DM en octobre 1969 vient
renforcer la compétitivité des produits français. Les effets bénéfiques se font sentir jusqu’en
1972 dans un contexte de croissance mondiale. Le taux de couverture avec la CEE passe de
83 à 97% entre 1969 et 1973, de 89 à 96% avec le reste de l’OCDE.
Sur le plan de la structure des échanges, on peut noter les évolutions suivantes
pendant les années 1960.
- De 1958 à 1972, sous l’effet de l’entrée dans la CEE, le rythme d’accroissement du
commerce extérieur est 2 fois supérieur à celui du PIB, contre 1,5 fois auparavant.
L’entrée dans la CEE a stimulé les gains de productivité et la production.
- De 1958 à 1969, la part de la CEE dans les exportations françaises passe de 28% à 53% ;
la part de la CEE dans les importations de 32 à 56%.
Le poids des échanges intracommunautaires dans le commerce extérieur des Etats
membres de la CEE
(= exportations vers la CEE/exportations totales)
1958
1960
1965
1970
1975
1980
1985
France
28.6
36.5
47.8
54.8
49.9
51.9
48.7
RFA
35.8
38.5
43.8
47.4
44.8
49.1
47.3
CEE à 10 35.3
39
46.7
51.2
50.3
53.6
51.6
Source : Office statistique des Communautés européennes.
-
La contrainte agricole s’est allégée : le taux de couverture dans l’agriculture est passé de
21% en 1959 à 104% en 1973.
-
-
-
-
Les branches de biens de consommation courante (textile, habillement, cuir, chaussures,
bois, meubles, parachimie, pharmacie, presse édition) voient leur excédent commercial
se réduire : le taux de couverture de 130% en 1973 contre 400% en 1959.
En 1973, la France connaît toujours un excédent commercial dans l’industrie, même s’il
s’est réduit par rapport au milieu des années 1960. L’automobile est un point fort avec
un taux de couverture supérieur à 200% tandis que pour les biens intermédiaires
(métallurgie, chimie, verre, papier-carton, caoutchouc, matières plastiques), la
dégradation a été brutale.
Les marchés autrefois protégés des anciennes colonies s’ouvrent à la concurrence des
autres pays industrialisés. En 1969, seulement 11% des ventes leur sont destinées. Et
cette part va ensuite se restreindre au fil des ans. L’Algérie absorbait 17% des
exportations françaises en 1958, 3% en 1969. Le retrait progressif des pays de l’ancien
empire se fait au profit des autres PED qui deviennent fournisseurs de pétrole et de
matières premières.
Déficit avec les EU et le Japon, excédent avec les PED. La CEE représente 1/2 des
débouchés en 1972 contre 1/4 en 1958 ; les pays de l’OCDE les 3/4.
le taux de couverture se dégrade vis à vis de la CEE avec lequel il passe de 101% en 1959
à 82% en 1969.
La France s’est assez bien adaptée à la décolonisation et au Marché commun. L’avantage
compétitif des dévaluations de 1957-1958 y a contribué.
En 1973, la France a une spécialisation intermédiaire selon la formule de F. Vellas :
elle vend aux pays développés des produits banals et aux pays en développement des
produits plus sophistiqués.
Solde commercial rapporté au PIB (PIB = 1 000)
1959
-20.5
-0.2
-15.9
43.3
Agriculture
IAA
Energie
Produits
manufacturés
Total
6.8
1963
-13.3
0.4
-14.8
19.8
1969
-3.2
-0.3
-12.3
-1.4
1973
0.5
1.7
-15.9
7.6
1979
-0.5
1.6
-34.8
18.9
1983
3.4
1.9
-43.3
14.7
-7.9
-17.2
-6.0
-14.8
-23.4
2) 1973-1983 : le cercle vicieux du pays à monnaie faible
a) Les chocs pétroliers
En 1974 apparaît un gros déficit en raison du gonflement de la facture énergétique.
La part de l’énergie dans les importations passe de 12% en 1973 à 24% en 1984. 3% du PIB
français en 1974 a été transféré aux pays producteurs de pétrole. Facture énergétique : 1.5%
du PIB en 1973, 4% en 1985, 1.6% en 1987.
On constate un effet compensatoire des produits industriels dont le solde est positif :
automobile, aéronautique, armement, construction navale. Par contre, déclin des biens de
consommation : textile, habillement, chaussure, meubles. On assiste donc à un transfert vers
les industries capitalistiques, ce qui n’est pas sans effet sur le chômage.
Les exportations vers les PED s’accroissent, passant de 19% du total en 1973 à 28%
en 1982 (OPEP 5% et 11% respectivement) ; d’ailleurs le VIIème Plan (1976/1980) préconisait
la réorientation des exportations vers les PED. L’Etat a mis en place des dispositifs pour que
les entreprises s’engagent sur des marchés à hauts risque, en encourageant les grands
contrats, le développement des garanties de la COFACE, la bonification de taux d’intérêt, des
prêts aux clients étrangers, des avances en devises. Le montant des aides à l’exportation est
passé de 2.5 milliards en 1974 à 17 milliards en 1982. La charge budgétaire des crédits
bonifiés est passée de 1 milliard en 1974 à 13.4 milliards en 1982.
Cette politique commerciale active n’est pas nouvelle. 3 organismes d’aide à
l’exportation avaient été créés après 1945 : le centre français du commerce extérieur (CFCE),
la Banque française du commerce extérieur (BFCE), la Compagnie française d’assurance
pour le commerce extérieur (COFACE) qui elle établit une évaluation par pays des risques
encourus et accorde des garanties pour le paiement des exportations, elle assure contre le
risque de change, le risque de fabrication (arrêt de production, interruption de marché), le
risque de crédit (non paiement du client), le risque de hausse des coûts de fabrication.
Finalement, la France s’adapte assez facilement aux chocs pétroliers par
l’accroissement des grands contras d’équipement civil et militaire, parfois signés et financés
par l’Etat. Ils permettent aux firmes françaises d’engineering et de travaux publics de
s’implanter sur les nouveaux marchés porteurs (pays de l’OPEP, PED dynamiques).
Ces grands contrats civils de biens d’équipement concernent essentiellement les
complexes industriels (usines clés en main), les complexes énergétiques (terminaux
pétroliers, oléoducs, gazoducs), les infrastructures d’aménagement du territoire (routes,
ports, lignes ferroviaires, réseaux de distribution d’eau, et la vente de matériel ferroviaire
(métros) et aéronautique. Importance des accords bilatéraux avec les pays clients, sous
l’égide du gouvernement et de la diplomatie.
Cette politique est un succès à court terme : l’excédent commercial avec les PED
passe de 29 milliards de francs en 1974 à 128 milliards en 1984. L’excédent industriel a été
multiplié par six entre 1973 et 1978, il couvre cette année-là 80% du déficit énergétique.
Pourtant, cette politique n’est pas sans risque. « Nous avons transformé notre facture
pétrolière en un ensemble de créances sur (les) pays du tiers monde (…) dont la capacité
d’endettement n’est pas illimitée » pouvait-on lire dans le Rapport sur l’adaptation du
VIIème Plan, 1978. Autre problème : cela a pu retarder la restructuration industrielle
nécessaire pour affronter la concurrence des pays industriels
Le second choc pétrolier accroît la perte de compétitivité via la hausse des prix et
détériore durablement l’équilibre extérieur. 1978 sera la dernière année avec un excédent
de la balance des biens et services ; il faudra attendre 1986 pour en retrouver un.
La déspécialisation en biens de consommation se poursuit. La branche cuirschaussures est devenue déficitaire en 1976, la branche textile-habillement le devient en
1979.
b) La relance Mauroy
Dans ce contexte déjà détérioré, la relance Mauroy en 1981 va creuser le déficit
extérieur en 1982 et pousser le franc à la baisse. Cette relance a buté sur la contrainte
extérieure : le déficit commercial s’est creusé. L’excédent industriel est passé de 55 à 30
milliards de francs de 1981 à 1982.
Pour financer la balance de base, le gouvernement a recours aux emprunts à moyen
et long terme ainsi qu’aux réserves publiques en devises de la Bdf. La position monétaire de
la Banque de France s’est dégradée d’environ 30 milliards de francs de 1981 au 1er trimestre
1983. La gauche va modifier sa politique économique au début de 1983 vers une politique
de rigueur.
La relance Mauroy, en soi porteuse de déficit, se fait au pire moment, les politiques
restrictives menées dans les autres pays de l’OCDE ont comprimé le volume des
exportations.
De plus, la spécialisation sur des créneaux mal reliés conduit à relever fortement les
importations lors de toute relance d’activité. La stratégie de spécialisation par créneau
consiste pour une entreprise à se positionner sur un segment porteur du marché ; elle
caractérise la politique industrielle de Giscard de 1974 à 1981.
La spécialisation par créneau aboutit à la coexistence de positions hétérogènes à
l’intérieur même des branches. Des points forts et des points faibles existent dans presque
toutes les branches industrielles. Dans le textile, on trouve des points forts en amont, dans la
filature, et des points faibles en aval, dans la confection et la bonneterie. Les moteurs
d’avions sont un point fort mais les cellules et équipements pour les produire sont un point
faible. Cette forme de spécialisation entraîne une forme de dépendance vis-à-vis de
l’extérieur car les composants de certains produits considérés comme des points forts sont
importés. Cet affaiblissement de la cohérence interne des branches ne favorise pas les effets
d’entrainement entre secteurs de l’amont vers l’aval (baisse des coûts) ou de l’aval vers
l’amont (débouchés).
c) Les dévaluations de 1981-1983
Pour limiter le déficit extérieur et maintenir le franc dans le SME, 3 dévaluations
seront mises en œuvre en l’espace de 2 ans. La dévaluation de juin 1982 était accompagnée
du blocage des salaires et des prix pendant 5 mois, de la hausse d’un point du taux de TVA,
d’économies concernant la Sécurité Sociale. En mars 1983 la dévaluation est accompagnée
de mesures encore plus restrictives : hausse des impôts, forfait hospitalier, réduction du
besoin de financement aux entreprises publiques, encadrement du crédit, contrôle des prix,
incitation à l’épargne, contrôle des changes.
Ces dévaluations auront pour effet de limiter le déficit sans l’éliminer. Le déficit passe
de 93 milliards de francs en 1982 à 49 milliards en 1983 et 25 milliards en 1984. L’effet
potentiellement positif de la dévaluation est limité dans un premier temps (surtout en 1982)
par le différentiel de croissance, les partenaires commerciaux pratiquant une politique de
rigueur et subissant la récession.
1981
1982
1983
1984
1985
1986
Différentiel de croissance (en volume, en %)
France - RFA
France - OCDE
0.46
-0.95
2.76
2.11
-1.08
-1.84
-1.46
-2.94
-1.41
-1.95
-0.27
-0.37
De plus, plus de la moitié des entreprises françaises exportatrices ont eu un
comportement de marge en 1981-1982, c’est à dire ont augmenté leur prix suite à la
dévaluation du franc. L’avantage compétitif n’est pas répercuté, les prix en devises restent
les mêmes et la part de marché n’augmente pas.
L’amélioration constatée à partir de 1983 est due la faible hausse de la demande
interne qui limite les importations et à la reprise de la demande internationale qui stimule
les exportations. Le différentiel de croissance redevient favorable pour le solde commercial.
La France avait pris l’habitude de dévaluer en raison de l’orientation coloniale de son
commerce extérieur. La dévaluation rendait les marchandises plus compétitives sans
renchérir les importations en provenance de la zone franc. A partir des années 1970 le
commerce avec la zone franc devient insignifiant (9,4% des importations) et la dévaluation
est beaucoup moins efficace.
d) Le cercle vicieux des pays à monnaie faible
La France connaît alors le cercle vicieux des monnaies faibles. Les effets négatifs de
la dévaluation se produisent, mais pas les effets positifs.
La déprécation du franc accroit le coût des produits importés, or ces derniers jouent
un rôle croissant dans les consommations intermédiaires indispensables pour fabriquer les
exportations. D’où une hausse du coût des produits exportés qui lamine notre part de
marché. La hausse du prix des importations entraine la hausse générale des prix, des
revendications salariales, une hausse des salaires et des prix, et l’anticipation d’une nouvelle
dépréciation du change. La Banque centrale est la condition permissive de ce processus. On
aboutit à l’accroissement du déficit et de l’inflation, ce qui entraine une nouvelle
dévaluation, le gouvernement pouvant prétexter que la première dévaluation n’a pas été
assez forte.
De plus, la dévaluation entraîne souvent un comportement de marge, les entreprises
profitent de la dévaluation pour reconstituer leurs marges commerciales laminées par une
monnaie précédemment surévaluée. La dévaluation ne pousse pas à la modernisation en
procurant une apparence de compétitivité. Elle facilite la survie de production de produits
banalisés à faible valeur ajoutée, activités très concurrencées par les pays à bas salaires en
période d’internationalisation croissante. Les entreprises sont “price taker”.
Cercle vicieux des pays à monnaie faible
Déficit commercial
Dévaluation
Inflation importée
Hausse des dépenses
d’importation
Comportement de marge
Hausse des coûts de
production
Baisse de la compétitivité
prix
Faibles efforts de
productivité
Pas de gains de parts de
marché
Baisse de la compétitivité
prix
Spécialisation dans les
produits bas de gamme très
concurrencés
Baisse de la compétitivité
hors prix
La courbe en J ne fonctionne pas. La dévaluation conduit in fine à une augmentation
du déficit commercial, qui lui-même suscite une dépréciation de la monnaie, et donc une
nouvelle dévaluation. La courbe en J va se transformer en tôle ondulée
La courbe en tôle ondulée :
Solde commercial
+
Temps
-
« L’exemple de la Grande-Bretagne ou de l’Italie au début des années soixante-dix
montre en particulier que la correction d’un déficit externe par la baisse du taux de change
ne règle rien, si chaque dépréciation est interprétée par les agents économiques comme en
annonçant d’autres 14».
Pour donner une idée de la chute du franc à cette époque, un Mark valait 1,4 francs
en 1968, 3,5 francs en 1993. Or durant cette période, la France enregistre un déficit
commercial et l’Allemagne un excédent.
3) 1983-2003 : La désinflation compétitive et le retour à l’excédent
Si les gouvernements luttent contre l’inflation, c’est surtout à cause d’un un impératif
commercial : une inflation plus forte dans un pays qu’à l’étranger diminue la compétitivité prix des
produits nationaux. De manière générale, elle pénalise les exportations et favorise les
importations. D’où le choix du gouvernement français de la désinflation compétitive en 1983,
devant l’inefficacité des dévaluations.
La désinflation compétitive repose sur 4 piliers exposés en 1992 par Jean-Claude
Trichet, gouverneur de la banque de France :
1. politique monétaire plus stricte
2. politique budgétaire moins expansionniste
3. politique de maîtrise des coûts de production, portant essentiellement sur les salaires
4. politique structurelle visant à plus de concurrence (liberté des prix,
dénationalisations, etc.)
L’objectif est de permettre aux entreprises françaises de vendre moins cher que les
concurrents étrangers, dans une économie de plus en plus ouverte.
Elle s’oppose à la politique de dévaluation compétitive de plusieurs manières :
1. elle respecte l’adhésion au SME
2. elle fait reposer la compétitivité sur des ajustements réels et non monétaires
3. elle est liée à une politique de monnaie forte, qui permet d’importer à moindre
14
Henri Bourguinat (1997), Finance internationale, PUF, p. 517.
coût, ce qui renforce encore la compétitivité nationale
4. elle doit favoriser la réduction progressive des taux d’intérêt car une monnaie
forte attire les capitaux et incite à épargner (peu d’inflation)
Cette politique ne produit pas d’effets notables tout de suite. Il faut un certain temps
pour que l’excédent apparaisse.
La contre choc pétrolier et la baisse du dollar restaurent l’excédent en 1986 mais
ensuite le déficit revient jusqu’en 1992. Le solde énergétique passe de -180 milliards de
francs en 1985 à -90 milliards en 1986 tandis que le solde industriel hors énergie s’effondre :
+85 milliards en 1985 contre -6 milliards en 1987.
On assiste à une baisse des commandes des pays de l’OPEP et des autres PED touchés
par la baisse du prix du pétrole et la crise de la dette. La baisse du dollar fait reculer les
exportations vers les USA. La reprise économique à la fin des années 1980 accroit les
importations. Les avantages hors-coûts des firmes domestiques sont insuffisants, reflétant
l’adaptation insuffisante du système productif à l’évolution de la demande mondiale
(qualité, efficacité des réseaux de vente, avance technologique, fiabilité).
Dans les années 1980, la France connaît une déspécialisation et des pertes de parts
de marché dans la pharmacie, le textile-habillement, l’électronique. M. Debonneuil et M.
Delattre notaient déjà que la perte de parts de marché était due à la faiblesse relative de
l’investissement et l’existence de rigidités aux redéploiements des facteurs de production.
La dévaluation Balladur d’avril 1986 n’a pas l’efficacité escomptée. Le gouvernement
veut rétablir la compétitivité des entreprises mise à mal notamment par une inflation
supérieure à celle des pays concurrents. En avril 1986 le franc est dévalué de 5,8%/au DM,
mesure accompagnée d’une certaine rigueur budgétaire et monétaire, du gel des salaires
dans la fonction publique et les entreprises nationalisées, de la suppression du contrôle des
changes et de la liberté des transactions financières avec le reste du monde. Mais l’efficacité
est beaucoup plus faible qu’en 1969, peut être en raison des nouvelles contraintes :
concurrence étrangère accrue, appareil productif moins performant, contexte de recul des
marchés dans les PED.
15
Solde commercial
Inflation
Les effets de la dévaluation du franc en 1986
1985
1986
- 100
+ 60
+5.8%
+3.2%
1987
- 90
+2.8%
Selon Jean-Baptiste de Foucauld16, pendant des années le social a été le moteur de
l’économie qui, malgré le marché commun, se protégeait de l’extérieur par des dévaluations
successives. Ces mécanismes ne peuvent plus fonctionner aujourd’hui.
La France enregistre un déficit industriel de 10 milliards de francs en 1987. Seules les
activités bénéficiant ou ayant bénéficié du soutien de l’Etat (en tant que client ou via des
aides publiques) gardent de solides positions : centrales nucléaires, télécommunications,
aéronautique, armes, matériel ferroviaire. D’où la recherche de l’équilibre externe par une
monnaie forte.
15
En milliards de francs.
16
La fin du social-colbertisme, 1988.
De 1992 à 2002 : un éphémère excédent
Le franc fort n’est pas un obstacle au redressement du solde de la balance
commerciale, bien au contraire. Les branches excédentaires sont l’automobile et les
transports terrestres, l’agro-alimentaire, l’équipement professionnel (avions, lancements
spatiaux, construction navale, matériel électrique). L’énergie et les biens de consommation
sont déficitaires.
E. Balladur déclarait le 13 juin 1994: « Tout montre que la France est désormais
entrée dans une longue période d’excédent du commerce extérieur ». Elle ne durera que 10
ans.
Selon Elie Cohen17, les années 1990 ont été une décennie perdue. Les excédents
commerciaux (1992-2003) ont masqué les insuffisances de l’investissement physique et dans
le capital humain, la baisse de l’effort de R&D, le faible positionnement vers la haute
technologie, le manque de renouvellement du tissu des entreprises.
4) Le retour au déficit structurel depuis 2003
La France connaît des succès commerciaux dans les domaines suivants : énergie,
aéronautique, nucléaire, défense, construction ferroviaire, traitement des eaux et des
déchets, pharmacie, luxe, vins et spiritueux, agroalimentaire. Pourtant, depuis 2003, le
déficit commercial a tendance à s’accroitre et la part de marché de la France baisser dans les
exportations mondiales.
17
« Spécialisation : la décennie perdue », Alternatives économiques, n°232, janvier 2005, p. 62.
France
Allemagne
1980
6%
9.9%
Part dans les exportations mondiales
1990
1995
2008
6.5%
5.8%
3.9%
12.3%
10.6%
9.6%
2010
3.4%
8.3%
Certains accusent l’euro fort d’en être responsable. On peut en douter puisque la
majorité de nos exportations se font vers la zone euro et les Allemands, avec la même
monnaie, ont un excédent.
Bien entendu, les exportateurs sont sensibles à cet argument. Philippe Camus,
coprésident d’EADS : « Je n’ai aucune envie d’avoir un euro trop fort… Quand l’euro monte de
10%, cela représente 1 milliard de dollars de moins sur notre résultat net… A titre d’exemple,
1 milliard de dollars c’est le budget R&D pour le projet A380 consenti en 200318. ». L’euro fort
pénalise les firmes européennes ayant une base de coûts en euros et facturant en dollar.
Les causes du déficit sont nombreuses :
1- Un problème de spécialisation :
- une mauvaise spécialisation géographique : peu d’exportations vers les zones dynamiques
comme l’Europe de l’Est ou l’Asie
- une trop faible spécialisation dans les secteurs de haute technologie
- une offre bas de gamme concurrencée par les pays émergents
- une trop forte présence dans les activités les plus exposées à la concurrence globalisée et
aux délocalisations. 85% des résultats des sociétés du CAC 40 sont obtenus hors de France,
alors que les sociétés cotées américaines réalisent 85% de leur chiffre d’affaires aux USA.
- un manque de spécialisation : d’après Gilles Le Blanc19, plus que d’une mauvaise
spécialisation, la France souffre d’une spécialisation insuffisante. L’industrie française couvre
en effet presque tous les segments d’activité dans des proportions comparables à la
moyenne des pays industrialisés. Comme le montre le tableau suivant, elle s’inscrit dans le
groupe des pays généralistes, aux côtés des Etats-Unis et de l’Espagne, par opposition à des
pays réellement spécialisés comme le Japon, l’Allemagne et l’Italie.
Pays
Japon
Italie
Allemagne
Royaume-Uni
Espagne
France
Etats-Unis
Indice de spécialisation productive de sept pays en 1992 et 2002
1992
2002
1.38
1.52
1.26
1.52
1.32
1.44
1.25
1.24
1.07
1.08
0.93
1.05
0.95
1.93
N.B. : Un indice élevé (exemple : 1,5) identifie un pays dont l'industrie est composée de quelques
secteurs où il est très spécialisé. Un indice bas caractérise au contraire un pays « généraliste » :
l'économie y est tirée par un ensemble plus diffus de secteurs, auxquels ce pays ne consacre pas une
part du PIB plus importante qu'ailleurs.
18
19
Le Monde, 17 septembre 2003.
http://www.institut-entreprise.fr/index.php?id=883
2- Un manque de compétitivité prix
A cause du coût du travail, de la fiscalité et de diverses rigidités (35 heures). « La France a le
niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe et un temps de travail plus faible
que ses grands voisins européens. Ces deux facteurs pèsent mécaniquement sur la rentabilité
des entreprises françaises20 » affirme Denis Ranque, président du Cercle de l’Industrie.
En 2008, le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises était de 26.4% en France
contre 13% en Allemagne. (Cf. graphique)
30
Prélèvements
obligatoires sur
les entreprises, en
% de la valeur
ajoutée, en 2008
dont cotisations
sociales
25
20
15
10
5
0
France Italie
RU
All
3- une compétitivité hors-prix dégradée :
Erosion des positions françaises en matière de qualité, design, innovation produit, qualité du
service, des dépenses de R&D insuffisantes
4- des problèmes structurels :
- un tissu de PME insuffisant. Manque de PME exportatrices, la France ayant longtemps
privilégié une politique de grands travaux (type Airbus) ; les Allemands ont 3 fois plus de
PME exportatrices que la France ; peu de start-up atteignent la taille critique. On peut relier
cela à l’absence de business angels et aux effets de seuils dans les entreprises.
- une faiblesse de l’élasticité-revenu des exportations : 0,8, la plus faible des grands pays
industrialisés contre une moyenne de 2,1321. Les exportations françaises se trouvent
relativement abritées des chocs de demande mondiaux, ce qui constitue un avantage en cas
de crise, mais symétriquement un désavantage lorsque la croissance repart.
20
Entretien au Figaro, 26 mars 2012, p. 29.
La Lettre du CEPII, « Dynamique des exportations : une comparaison France-Allemagne », n°249, octobre
2005.
21
Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat au commerce extérieur, résume les faiblesses de la
France : « Le commerce extérieur français a des faiblesses bien connues : nos entreprises
exportent trop vers la zone euro, l’essentiel de notre balance commerciale dépend des grands
contrats et nous comptons trop peu de PME exportatrices ». Le Figaro, 2/12/2010. Il
rajoutait : « Notre appareil d’exportation est sous-dimensionné, trop concentré sur les
grandes entreprises et pas assez présent dans les pays émergents ». La Croix, 9/02/2011.
Les piètres performances de l’industrie française à l’exportation ne sont pas
nouvelles. Ainsi Michel Godet, Professeur de prospective industrielle au CNAM, écrivait en
1989 : « Comment expliquer les performances peu brillantes, et même parfois médiocres,
comparées à l’Allemagne, de l’industrie française à l’exportation ? Cette grande question ne
manque pas de soulever de multiples réponses souvent convergentes : qualité des
organisations, des produits et des services ; systèmes de formation ; spécialisation
industrielle ; intensité de la recherche. 22»
Les effets : aucun pour l’instant !
En 1982, le déficit commercial entrainait une dévaluation et la mise en place d’une
politique de rigueur. Aujourd’hui, rien de tout cela. Pourquoi ? D’une part, la globalisation
financière permet de financer des déficits sans peine et d’emprunter aisément dans le
monde entier. D’autre part, la monnaie unique a aboli le risque de change et amplifié les
effets de l’intégration financière entre les pays qui y participent. Pour Jean-Pierre Robin,
« L’euro a servi d’anesthésiant. Les déficits commerciaux ont cessé d’avoir un impact sur le
taux de change : finies les dévaluations humiliantes du franc ! 23».
Ce qui ne veut pas dire que le déficit n’a plus aucune importance. Il est d’abord un
indicateur de la compétitivité des producteurs installés en France. Il signifie ensuite que le
pays vit à crédit et qu’il devra transférer demain une partie de son revenu national à ses
créanciers et donc restreindre sa consommation demain.
22
23
Le Monde, 25 avril 1989, p. 40.
La Maison France dépense de 15 à 20% de plus qu’elle ne gagne, Le Monde, 3 octobre 2011,
B – Allemagne et Japon : le cercle vertueux des pays à monnaie forte
1- Le schéma général
L'intérêt d'une monnaie forte est triple.
D'abord, une monnaie plus forte réduit les frais à l'importation, et contribue ainsi à la
stabilité des prix. Le pétrole et autres matières premières deviennent moins chers. La
stabilité des prix entraine une modération salariale.
Ensuite, les producteurs de biens sont contraints d'augmenter leur productivité pour
rester compétitifs. L'amélioration des processus de fabrication par l'automatisation des
tâches et l'utilisation des technologies de pointes donnent, sur le long terme, de bien
meilleurs résultats que le recours à une main-d’œuvre bon marché. Dans la compétition
mondiale, les entrepreneurs sont conduits à l'excellence à la fois dans les décisions et dans
les investissements : c'est cette course à l'excellence qui crée la vraie richesse.
Une spécialisation sur la haute technologie permet aux entreprises d’avoir un marché
plus captif, de fixer le prix sans concurrence, d’être price maker. Les profits dégagés
permettent de financer les processus d’innovation qui donneront naissance à d’autres
filières compétitives. A l’inverse, une spécialisation sur des produits banals fait que les
producteurs sont davantage soumis à la concurrence par les prix.
Enfin, une monnaie forte donne aux acteurs économiques la possibilité de réaliser
des investissements à l'étranger dans des conditions favorables étant donné la force de la
monnaie nationale. Par exemple, le franc suisse – monnaie forte – a permis aux entreprises
suisses de devenir des géants mondiaux (pharmacie, horlogerie, agroalimentaire) sans payer
trop cher la place à conquérir. Ce point est essentiel car la richesse d'une nation repose
largement sur des investissements en capital bien conduits.
Une monnaie forte attire les capitaux étrangers et favorise l'épargne. Comme les
ménages détiennent leur épargne principalement dans leur devise nationale, ils deviennent
relativement plus pauvres lors d'une dévaluation et, à l'inverse, relativement plus riches lors
d'une réévaluation.
Le cercle vertueux des pays à monnaie forte
Excédent commercial
Monnaie forte
Désinflation importée
Baisse des dépenses
d’importation
Efforts de productivité
Maîtrise des coûts de
production
Compétitivité prix maintenue
Spécialisation haut de
gamme
Compétitivité hors prix
accrue
Hausse des recettes
d’exportation
2- L’Allemagne : ordo libéralisme et économie sociale de marché
En 1948 a lieu la réforme monétaire de Ludwig Erhard substituant le DM au reichsmark
au taux de 1 pour 10 et libérant les prix. L’ancienne monnaie, le Reichsmark, est démonétisée
et remplacée par le DM le dimanche 20 juin 1948. Chaque allemand reçoit 60 DM, les
entreprises 50 DM par employé comme fonds de roulement, les emprunts d’Etat sont
échangés au dixième de leur valeur, les dépôts dans les banques et les livrets d’épargne sont
dévalués de 94%. Pour la deuxième fois en une génération, les épargnants allemands sont
ruinés.
La dette publique accumulée par le régime nazi (500 milliards de Reichsmarks) est
quasi effacée. La RFA qui naîtra un an plus tard (1949) héritera de finances publiques sans
dette, et la masse monétaire est contrôlée par une banque centrale née avant l’Etat et
indépendante de lui. Fait rarissime : la monnaie a précédé l’Etat. Sur le plan interne, la RFA
aura une monnaie stable c'est-à-dire non inflationniste.
Sur le plan externe, la parité est de 4.2DM pour 1$. D’après D. Plihon, la Bundesbank
a mené une politique de sous-évaluation du mark pendant les années 1949-1965. La
politique de monnaie forte, c’est bien, mais à partir d’un certain niveau de développement.
Les excédents commerciaux apparaissent dès 1955 et durent pendant les années
1960. Le DM est réévalué 9.29% face au $ en 1969.
Dans les années 1970, le flottement des monnaies apparaît : le DM n’est plus sousévalué. Malgré la concurrence du Japon, des NPIA et les IDE à l’étranger (ex : Volkswagen
s’installe en 1978 aux EU), la balance commerciale reste excédentaire à cause du cercle
vertueux de la monnaie forte. En effet, une monnaie forte c’est une désinflation importée :
grâce au DM en hausse, les patrons allemands peuvent augmenter le pouvoir d’achat des
salariés sans augmenter proportionnellement les salaires. Cela impose de nombreuses
contraintes : efforts de productivité, compétitivité structurelle, créneaux haut de gamme.
Tout ceci étant lié à un système de relations professionnelles basé sur le consensus.
La réévaluation d'une monnaie handicape les exportations sur le court terme. Sur le
long terme, elle les favorise, car cela oblige les entreprises à améliorer leurs produits, à se
spécialiser dans les produits dits hauts de gamme, ceux pour lesquels ce n’est plus le prix qui
fait la différence mais la qualité, l’innovation, le service après-vente.
Les entreprises allemandes résistent d’ailleurs bien à l’envolée du DM. Pourquoi ? Les
géants mondiaux comme BMW ou Mercedes peuvent, dans une certaine mesure, imposer
leur prix sans qu’il y ait une forte baisse de la demande : les consommateurs recherchent ces
produits pour leur qualité. C’est ce que l’on appelle le pricing power.
La monnaie forte fonctionne bien en Allemagne grâce à l’ordo libéralisme, théorisé
par Eucken. La Bundesbank est indépendante du pouvoir politique et assure la stabilité des
prix. La loi sur les cartels (1957) assure le respect de la concurrence.
La RFA est aussi le pays de l’économie sociale de marché, caractérisée par la
cogestion et un système performant de formation professionnelle. Une loi de 1976 impose la
cogestion à toutes les entreprises de plus de 2 000 salariés.
L’Allemagne est le pays du consensus social. Le droit de grève est strictement
encadré en Allemagne, c’est le dernier moyen d’action quand toutes les voies de la
négociation ont échoué. La grève est autorisée seulement pendant la période de négociation
d’une nouvelle convention collective de branche, selon la formule « on ne revient pas sur les
engagements signés ». Elle ne peut entrer en vigueur que si au moins 75 des salariés
syndiqués votent – à bulletin secret – en faveur de la grève. Elle se termine dès que 25% des
salariés votent en faveur de la reprise du travail. Les fonctionnaires n’ont pas le droit de
grève en Allemagne.
La grève doit concerner les salaires ou les conditions de travail. La grève préventive
est interdite. Pour illustrer l’abyme avec la France, les cheminots français ont fait grève en
2003 pour protester contre une réforme des retraites qui ne les concernait pas mais qui
pouvait présager une éventuelle future réforme du même type qui pourrait les concerner.
Le graphique suivant montre que le nombre de jours de grève est relativement faible
en Allemagne.
Journées de travail perdues pour 1 000 employés, moyenne annuelle 2005-2009
Source: EIRO
Devant ses excédents récurrents, les autres pays du G7 demandent en 1978 à la RFA
qu’elle exerce un rôle de locomotive afin de relancer l’économie de ses partenaires. Mais les
autorités allemandes refusent de prendre le risque d’un dérapage inflationniste. La théorie
des locomotives est repoussée par la RFA au sommet de Bonn en juillet 1978,
Dans les années 1980 l’excédent demeure malgré les dévaluations de certaines
monnaies dans le SME (les ajustements se font toujours avec retard) et les délocalisations.
Les années 1990 se distinguent par l’apparition d’un déficit courant. Celui-ci est du à
une compétitivité en berne (le site de production allemand appelé Standort Deutschland est
de plus en plus cher) et à la réunification allemande de 1990.
Les ventes de l’ex-RFA vers l’ex-RDA, qui constituaient avant 1990 des exportations,
sont désormais considérées comme du commerce intérieur. La forte croissance du début des
années 1990 entraine des pressions inflationnistes une hausse des taux d’intérêt de 4% en
1989 à 8% en 1991, l’appréciation du DM et la perte de parts de marchés, accentuées par les
IDE dans les PECO. Résultat : déficit des paiements courants de 1.2% du Pib entre 1991 et
1995.
La balance commerciale est redevenue excédentaire depuis 2000 environ par la
politique de Schroder puis Merkel : gel des salaires, baisse des charges sociales et des impôts
sur les entreprises (coupes dans l’Etat providence), transfert de cotisations sociales vers la
TVA. L’Allemagne est considérée comme un champion à l’exportation. La comparaison avec
la Franc est éclairante :
Comparaison Allemagne/France 2011
Allemagne
France
Solde commercial
180 milliards
- 78 milliards
Taux de chômage
6%
9,3%
Taux d’emploi
72,6%
63,8%
Production automobile
5 300 000
2 000 000
Dépenses publiques / PIB
45,4%
56,1%
Evolution de l’EBE de l’industrie
+ 67%
- 14%
manufacturière de 2000 à 2007
Source : OCDE.
Les raisons du succès allemand :
Sa spécialisation industrielle dans des produits à fort contenu technologique,
notamment des biens d’équipement et de transport, très demandés dans les pays
émergents.
Son système d’apprentissage des jeunes.
La modération sévère des coûts salariaux
Evolution de salaire nominal par tête en 2010, base 100 en 1998 :
Allemagne : 115
Zone euro hors Allemagne : 140
L’allongement de la durée du travail
La notoriété et la fiabilité du made in Germany
La vitalité du Mittelstand, ce tissu de PME qui est le véritable moteur des
exportations. Par exemple, l’industrie mécanique allemande est constituée de 5 000
PME en situation de concurrence. La mécanique allemande pèse 4 fois la mécanique
française. C’est tout à la fois l’emploi qualifié, la décentralisation, la technologie,
l’exportation. On se réjouit des salaires élevés car ils forcent à fabriquer des mieux
des machines d’une qualité toujours plus haute.
L’Allemagne réalise 79% de son excédent commercial dans l’UE à 27 (2010).
La délocalisation d’une partie de la production dans les pays de l’Est a donné
naissance à un nouveau concept industriel : on est passé du « Made in Germany » au « Made
by Germany », ce qui a permis à l’Allemagne de capter l’essentiel de la valeur ajoutée,
conserver ses centres de recherche sur son sol et se protéger de la concurrence chinoise.
3- Le cas japonais : le rôle du système productif japonais
Après guerre, le Japon fait le choix d’un yen sous-évalué : 360 yens pour 1$ en avril
1949. D’après D. Plihon, les japonais ont pratiqué une politique systématique de sousévaluation du yen grâce notamment au contrôle des changes qui sera levé progressivement
à la fin des années 1980. La sous-évaluation systématique du yen est volontairement
entretenue par les autorités monétaires nippones qui en font une arme de protection de
leur marché et de conquête extérieure24. Les entreprises nipponnes bénéficient de
l’ouverture des autres pays industrialisés avec le Gatt.
Ensuite le yen va continuellement s’apprécier des années 1960 aux années 1990. Le
taux de change $/yen passe de 1$ pour 360 yens à 1$ pour 123 yens de 1967 à 1987 alors
que les prix évoluaient de manière quasi-identique pendant cette période. Cette hausse du
yen oblige à une stratégie de remontée de filière et nécessite un fort consensus social :
reconversion, délocalisations, formation sont les maîtres mots. Les excédents commerciaux
et la hausse du yen sont le reflet de la force de l’économie nippone. La force de la monnaie
est le reflet de la force du système productif.
Un yen plus fort permet aux producteurs d’importer des matières premières moins
chères. Un yen plus fort ne gêne pas les exportateurs car ils acceptent de baisser les prix à
l’exportation afin d’augmenter leurs parts de marché. Le rôle du MITI, des keiretsus et du
toyotisme ont été évoqués pour l’expliquer.
Le MITI (Ministère de l’Industrie et du commerce extérieur) met en place des
dispositifs d’aide (crédits, reports d’impôts...) qui permettent aux PME d’attendre la reprise,
de se restructurer et de se porter sur des créneaux nouveaux. Le MITI organise les fusions,
facilite l’introduction de nouvelles technologies. Le gouvernement japonais offre à ses
exportateurs des avantages fiscaux substantiels qui ne sont pas consentis au marché
intérieur.
La politique industrielle du Japon a consisté à sélectionner et à aider certains secteurs
industriels. Selon Peter Drucker, c’est un échec : pratiquement, toutes les industries que le
MITI (ministère du Commerce International et de l’industrie) avait choisies – par exemple les
gros ordinateurs et les produits pharmaceutiques – sont, au mieux, restés à la traîne. Les
entreprises japonaises qui ont réussi – comme Sony et les constructeurs automobiles, ont
été ignorées ou même combattues par le MITI. L’économie japonaise a su acquérir une
grande compétence en matière de miniaturisation, que le MITI a ignorée.
Les keiretsus sont des conglomérats regroupant sous le contrôle d’une holding des
activités industrielles, des banques, des assurances et des sociétés de commerce). Le
système de banque principale dans les keiretsus permet aux industriels de se procurer des
capitaux bon marché. Moins soumises aux impératifs des actionnaires, l’entreprise japonaise
va privilégier l’accroissement de la part de marché plutôt que le profit à court terme. C’est
une différence majeure avec le capitalisme anglo-saxon (Michel Albert). Les entreprises
nippones pratiquent une politique délibérée de prix et de profits élevés sur le marché
national protégé afin de dégager des ressources pour investir sur les marchés étrangers.
Le compromis toyotiste est basé sur 3 piliers :
l’emploi à vie qui offre une stabilité professionnelle
le salaire à l’ancienneté qui repose sur un salaire incluant des bonus déterminés par
l’âge et l’ancienneté
les syndicats maison structurés autour de l’entreprise
Signalons d’autres causes à l’excédent courant : la R&D et le protectionnisme. Le
Japon fait de gros efforts de recherche, il consacre près de 3,3% de son PIB à la R&D, contre
24
C. Sautter, Les dents du géant, le japon à la conquête du monde, Orban, 1987.
2,8% aux Etats-Unis. L’avance technologique des produits japonais est appréciée,
notamment dans le domaine électronique grand public (Sony, Toshiba, JVC).
Concernant les importations, le Japon est habile pour dresser des obstacles non
tarifaires : ententes, restrictions d’accès à la distribution, marchés publics fermés aux
producteurs étrangers. Ce sont des obstacles difficiles à cerner qui tombent rarement parmi
les pratiques susceptibles d’être encadrées par le GATT ou l’OMC. Le Japon apparaît ainsi
comme un pays d’accès difficile pour les biens et services étrangers.
Le choc pétrolier de 1973 est résorbé en 2 ans et l’excédent atteint 2.5% du Pib en
1978. Cet excédent va se réduire sous l’effet d’une relance demandée par les autres pays de
l’OCDE.
Dans les années 1980, l’excédent atteint en moyenne 2.3% du Pib ce qui permet au
Japon de devenir exportateur net de capitaux (achat de bons du Trésor US).
De 1980 à 1986, on assiste à une hausse de l’excédent commercial et courant en
raison de la surévaluation du dollar, de la relative fermeture du marché japonais et de la
faible consommation intérieure (forte épargne). Nous avons évoqué précédemment la
hausse du yen, pourtant selon les services de la CEE, le yen était sous-évalué de 15% par
rapport à la parité de pouvoir d’achat entre 1970 et 1985. La Banque du Japon intervenait
sur le marché des changes pour contenir la hausse du yen et contrôlait les flux de capitaux
afin de limiter les investissements étrangers.
La hausse du yen n’a pas entrainé de courbe en crosse pour le Japon car les
exportateurs japonais ont privilégié la conquête de parts de marché au détriment du profit
immédiat. Ainsi de février 1985 à mai 1987, le yen s’est apprécié de 39%, en termes de taux
de change effectif, pourtant le prix moyen en devises n’a augmenté que de 6%. Comment ?
Les producteurs ont réduit leurs marges à l’exportation. Les prix moyens à l’exportation,
exprimés en yens, ont diminué de 24% sur la période.
De 1987 à 1990, on assiste à une réduction partielle de l’excédent courant à cause de
l’appréciation du yen appelée endaka, des délocalisations vers les NPIA et vers les autres
pays industrialisés, et de la remontée de l’investissement à partir de 1986 alors que
l’épargne stagne (cf. graphique suivant).
Année
Epargne
Investissement
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
34.9
33.7
33.3
32.5
31.8
32.4
31.4
31.0
30.2
30.6
30.7
29.5
28.0
27.7
27.4
27.2
28.3
29.7
30.7
32.3
Solde
budgétaire
-3.8
-3.6
-3.6
-2.1
-0.8
-0.9
+0.5
+1.5
+2.5
+2.9
Solde courant
+0.4
+0.6
+1.8
+2.8
+3.6
+4.3
+3.6
+2.7
+2.0
+1.2
Source: World Economic Outlook, mai 1992.
Le fort excédent vis-à-vis des Etats-Unis donne lieu à de multiples discussions quant
au degré de protectionnisme japonais mais sans grand effet sur la balance courante
(ouverture lente des marchés publics). Dans les années 1990 le yen continue à s’apprécier ce
qui pousse aux délocalisations mais n’entame pas l’excédent toujours très élevé.
C) Les Etats-Unis : de l’excédent au déficit chronique
1) 1945-1980 : une lente prise en compte de la contrainte extérieure
a) les années 1950 :
En 1950 le degré d’ouverture n’atteint pas 5% mais le taux de couverture frôle les
200%. Par conséquent les USA ne ressentent pas la contrainte extérieure à l’époque. Les
termes de l’échange s’apprécient : le rythme de croissance des prix à l’exportation dépasse
de 15% celui des prix à l’importation entre 1950 et 1960. C’est positif à court terme mais à
long terme cela présage une perte de compétitivité.
La part des produits manufacturés dans les importations passe de 40 à 58% ; les
entreprises US réagissent par les IDE plutôt que par les exportations. Le stock d’IDE passe de
3,1 à 7,9 milliards ; le taux de chômage de 3 à 5%.
b) Les années 1960 :
Le maintien des parités de Bretton Woods entraîne une baisse de l’excédent
commercial de 1964 à 1971. Kennedy et Johnson préféreront utiliser la relance par le tax-cut
que modifier le taux de change du dollar, visiblement surévalué en raison de politique
monétaire américaine accommodante.
La croissance de la part des produits manufacturés dans les importations (71% en
1971) et des IDE (29,7 milliards en 1971) se poursuit. Le gouvernement soutient plus le dollar
que les exportations américaines (exception faite du Kennedy Round).
Balance commerciale
19
76
19
73
19
70
19
67
19
64
19
61
19
58
19
55
19
52
19
46
40
30
20
10
0
-10
-20
-30
-40
-50
19
49
Balance des paiements des Etats-Unis de 1946 à 1977 (milliards de dollars)
Balance courante
c) Les années 1970 : les EU prennent conscience de la contrainte extérieure
Pour la première fois depuis 1945, la balance commerciale est déficitaire en 1971 de
2,3 milliards de $ ; la balance des transactions courantes aussi pour la première fois depuis
1959. Nixon décide le 15 août 1971 l’inconvertibilité du dollar en or tout en bloquant prix et
salaires pendant 90 jours. Fin 1971, les USA dévaluent le dollar par rapport aux autres
principales monnaies et le laissent flotter à la baisse dans les années 1970. La dévaluation du
dollar puis sa dépréciation n’empêcheront pas la hausse du déficit américain.
Les USA prennent aussi des mesures commerciales pour encourager leurs
exportations. En 1974, la loi 301 sur le commerce permet des mesures de rétorsion
unilatérales en cas de commerce jugé déloyal.
2) L’apparition des déficits jumeaux au début des années 1980
Le déficit commercial devient récurrent et croissant jusqu’en 1987 (152 milliards de
$) notamment avec le Japon. Le gouvernement Reagan a une idéologie plutôt libreéchangiste mais va aider indirectement l’industrie via la recherche dans l’armement et par
une politique commerciale plus vigoureuse. On assiste à un retour du protectionnisme non
tarifaire, par exemple RVE vis à vis des Japonais.
Les causes de ce déficit sont nombreuses : la hausse du dollar, le déclin
technologique de certains secteurs, le déficit de la balance des revenus qui apparaît vers
1984, et la hausse du déficit budgétaire.
La dernière cause est essentielle, on attribue généralement le déficit extérieur US au
déficit budgétaire qui s’est creusé sous la première administration Reagan. Ce sont les
déficits jumeaux selon l’expression de Martin Feldstein. Pour le démontrer, partons de
l’égalité entre la somme des affectations du revenu national et la somme des sources de
dépenses : C+S+T = C+I+G qui devient en éco ouverte :
C+S+T = C+I+G+(X-M)
0 = (I-S) + (G-T) + (X-M)
(M-X) = (I-S) + (G-T)
Avec M-X = solde courant ; I-S = solde de l’épargne / à l’inv. ; G-T = solde budgétaire.
Selon cette approche, le déficit extérieur est la somme des deux déficits suscités. Cela
se comprend de manière intuitive car si le gouvernement augmente le déficit budgétaire, le
surplus de dépenses va se porter en partie sur les produits importés, sans effet sur les
exportations, creusant le déficit commercial.
L’augmentation des besoins de financement de l’Etat n’a pas eu pour contrepartie
une augmentation de l’épargne des agents privés, il a donc fallu financer le déficit
budgétaire grâce à l’épargne étrangère. La hausse des entrées nettes de capitaux est la
contrepartie du déficit des opérations courantes. Le déficit courant US peut aussi être
interprété comme le résultat des entrées de capitaux pour financer le déficit budgétaire US.
Année
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
Epargne
Investissement
19.1
18.2
19.4
15.8
18.7
15.9
19.5
18.9
18.2
17.6
16.9
16.8
16.1
16.5
16.4
16.2
15.8
16
15.4
14.5
15.6
12.8
Source : Economic Report of the President, 1992.
Solde
budgétaire
-1.0
-3.4
-4.1
-2.9
-3.1
-3.4
-2.5
-2.0
-1.5
-2.5
-3.0
Solde courant
+0.2
-0.4
-1.2
-2.6
-3.0
-3.4
-3.6
-2.6
-1.9
-1.6
-0.1
Ce tableau montre qu’entre 1981 et 1986, le déficit budgétaire et le déficit extérieur
ont augmenté de pair. Inversement de 1986 à 1989, ils ont diminué dans les mêmes
proportions.
Entre 1986 et 1991, la baisse du dollar a favorisé l’augmentation des exportations US
qui ont doublé tandis que les exportations allemandes et japonaises augmentaient de 20%.
Les USA obtiennent des succès dans l’aéronautique, les télécom, le matériel électrique,
l’équipement industriel, certaines productions sont rapatriées. Mais le déficit est toujours
présent : -65 milliards en 1991.
Koch et Rosensweig ont montré sur la période 1973-1986 que la baisse du dollar :
a- engendre une hausse du prix des importations en $, avec un décalage de 12 à 18 mois
b- ne provoque pas de réaction du volume des importations avant un délai de 19 à 42 mois
c- possède un effet positif mais faible sur le volume exporté
Ainsi la courbe en J n’apparaît que tardivement, rien ne se passe avant un an et tous les
effets n’ont pas lieu, les importations étant insensibles au taux de change.
Girardin et Marimoutou (1990) ont étudié sur la période 1973-1988 le commerce
Usa/Japon. Les effets négatifs d’une baisse du dollar ont lieu entre 6 et 18 mois et sont
faibles, les effets positifs sur les volumes exportés sont réels mais lents.
Dans les années 1990, le déficit courant tend à s’accroître, en partie à cause de la
forte croissance US. L’équilibre budgétaire a été atteint en 1998 donc à cette époque le
déficit courant provient d’un manque d’épargne.
Le président Clinton a imposé des droits de douane sur certains produits européens
pour protester contre l’interdiction européenne d’importer de la viande aux hormones et sur
l’acier laminé à chaud venant du Brésil et du Japon.
3) L’aggravation du déficit courant à partir des années 2000
a) Ses origines
Le gouvernement des Etats-Unis estime que le yuan sous-évalué est la principale
raison du déficit du compte courant américain. Washington accuse Pékin d'un "dumping"
monétaire, voulant signifier par là que la Chine a acquis ses grandes réserves monétaires en
faisant du commerce déloyal. L'influence des cours du change sur les exportations ne peut
être niée, néanmoins elle est généralement surestimée.
Depuis les années 1980, les multinationales ont construit leurs nouvelles unités de
production dans les pays destinataires des biens produits. Les firmes américaines ont
beaucoup délocalisé à l’étranger. Le chiffre d’affaires des filiales étrangères des groupes
américains est ainsi passé de 21% à 35% de 1986 à 2006 alors que celui des filiales
américaines des groupes étrangers ne progressait que de 7 points. Selon le Centre d’analyse
stratégique de 2008, si l’on ne comptabilisait plus le commerce intra firme comme du
commerce international, le déficit américain diminuerait d’un tiers.
De 2001 à 2011, le TWEX (comparant le dollar par rapport à un panier de devises) a
chuté de 31% et les exportations américaines ont augmenté de 45%. Néanmoins, la masse
salariale dans le secteur manufacturier a chuté d'un tiers de 16,4 à 11,7 millions, et la masse
salariale des sociétés américaines implantées à l'étranger a doublé, pour atteindre 10,5
millions (source : Bureau of Economic Analysis).
Il y a un manque de compétitivité des produits américains sur les marchés mondiaux.
Au début des années 2000, le déficit US avec pour contrepartie les excédents des
autres pays avancés (Japon, Allemagne). A la fin des années 2000, il a pour contrepartie les
excédents des pays émergents, dont les réserves sont largement investies en bons du Trésor
américain, palliant l’insuffisance de l’épargne américaine. Sans l’appétit des banques
centrales étrangères, notamment celles des pays émergents, pour les placements du Trésor
américain, le dollar aurait été beaucoup plus faible et les taux d’intérêt exigés auraient été
plus élevés. La mondialisation financière a permis aux USA de vivre au dessus de leurs
moyens depuis longtemps.
b) Est-ce un problème ?
Les opinions sont partagées. La croissance du déficit courant au début des années
2000 a été qualifiée de « concept dépourvu de signification » par Paul O’Neill, secrétaire au
Trésor des EU. Pour lui, ce déficit reflète le désir des non résidents de détenir des actifs en
dollars. Si ce désir se réduit, cela conduira une réduction de la demande interne ou du taux
de change.
Jusqu’à présent, le déficit courant n’a pas beaucoup inquiété les autorités
américaines. Ben Bernanke en a fait porter la responsabilité sur un excédent mondial
d’épargne (Global Saving Glut25) plutôt qu’un excès de consommation aux USA.
Le gouvernement américain en a souvent rejeté la faute sur ses voisins. Les boucs
émissaires tout désignés sont la Chine qui manipulerait son taux de change sous-évalué à
des fins mercantilistes, mais aussi la vielle Europe et le Japon, qui ne se reformeraient pas
suffisamment et donc ne croitraient pas assez. Lors de la réunion du G20 en 2010, les USA
ont proposé de limiter les excédents des comptes courants, visant principalement la Chine.
Toute autre est l’opinion de Eberhardt Unger pour qui : « Les déséquilibres dans
l'économie mondiale sont insupportables sur le long terme. Leur cause principale ce sont les
exorbitants déficits jumeaux américains. Ni la zone euro, ni la BCE, ni l'Allemagne, ni la
France ne peuvent faire quoique ce soit pour les réduire. Cet effort ne peut être fait que par
les Américains eux-mêmes. Mais, dans ce pays, la volonté politique d'un assainissement des
finances publiques existe-t-elle vraiment ? Les marchés des devises trancheront la question
par une dévaluation du dollar. 26»
25
Pour une critique de cette notion, voir : http://mises.org/daily/3556 et http://mises.org/daily/1882/
Eberhardt Unger, « La zone euro ne peut pas supprimer les déficits jumeaux américains », MoneyWeek,
24/11/2010.
26
c) Pourquoi la baisse du dollar ne réduit pas le déficit courant américain ?
a- les élasticités prix du commerce extérieur sont trop faibles et inférieures aux
élasticités revenus (liées à la croissance)
b- les entreprises étrangères préfèrent comprimer leurs marges plutôt que de récupérer
les mouvements de change, afin d’éviter de perdre des parts de marché aux EtatsUnis. Du même coup, la baisse du dollar est indolore pour le consommateur
américain qui ne change pas ses habitudes.
c- La spécialisation des industries américaines en biens d’équipement implique une
substituabilité imparfaite des produits importés et des biens produits localement :
pour de nombreux produits importés de Chine, il n’y a pas de produits de
substitution aux Etats-Unis
d- La dépréciation du dollar vis-à-vis de l’euro ne peut que très partiellement réduire le
déficit américain. Celui-ci est surtout lié au commerce avec l’Asie, et particulièrement
la Chine (le quart du déficit en 2003) ; le yuan étant arrimé au dollar, il baisse au
même rythme que le billet vert, ce qui empêche tout réajustement de la balance
sino-américaine par le biais du taux de change.
Le graphique ci-dessus montre que le déficit US se creuse depuis 1992 quelle que soit
l’évolution du dollar.
Signalons un point important du point de vue patrimonial. La dépréciation du dollar a
deux effets :
a- canal commercial : baisse du déficit courant
b- canal financier : augmentation mécanique de la valeur des actifs américains détenus
à l’étranger (libellés à 70% en monnaies étrangères) sans impacter la valeur des
dettes (libellées en dollar)
d) Les enjeux
Les Etats-Unis profitent des achats de bons du Trésor de la République populaire qui
finance une partie de leurs déficits budgétaires. De plus, les produits chinois bon marché
importés aux Etats-Unis leur permettent de contenir le taux d'inflation.
Les EU sont le pays le plus endetté du monde et de loin. Si les USA n’ont pas subi
(encore) les foudres des marchés financiers, c’est dû au privilège de posséder une devise clé.
Si les USA s’efforçaient de supprimer leur déficit, que se passerait-il ? La récession US
de 1990-1991, qui a réduit de ½ le déficit US, constitue un début de réponse : le
ralentissement des importations US a joué un rôle non négligeable dans la mondialisation du
marasme. Une autre voie est le protectionnisme qui aurait des effets fâcheux sur l’économie
mondiale.
Selon Jean Luc Buchalet, président de Pythagore Investissement (2009), les réserves
de change chinoises sont libellées à 80% en dollars. Si Pékin cherchait à les activer en
rapatriant des yuans, ce serait au prix d’une vente massive de dollars, qui ferait monter la
monnaie chinoise. La Chine, détentrice de nombreux bons du Trésor libellés en dollars US,
s'expose ainsi au risque de change.
PRINCIPAUX DETENTEURS ETRANGERS DE BONS DU TRESOR US27
(En milliards de dollars)
Chine
Japon
Banques centrales Caraïbes
Exportateurs de pétrole
Brésil
Avril 2013
1 265
1 100
273
272
252
Avril 2012
1 164
1 088
237
262
245
« La Chine et le Japon sont les banquiers de l’Amérique. Un banquier ne veut jamais
la mort d’un client, surtout un client à qui il a prêté beaucoup d’argent, mais, si le client
persiste à ne pas écouter, arrive un jour où le banquier coupe les lignes de crédit.28 », selon
Maurice de Boisséson, d’Octo Finances.
Américains et Chinois se tiennent mutuellement : les USA ne peuvent financer leurs
déficits jumeaux et continuer à vivre à crédit sans les achats massifs de bons du trésor par la
Chine ; celle-ci ne peut soutenir sa forte croissance sans un accès illimité au marché
américain. Signalons que le premier point est moins vrai depuis que la FED rachète les bons
du Trésor avec le quantitative easing.
Pour finir, laissons la parole à Bill Bonner qui nous donne une vision de long terme.
« Chaque empire est remplacé par son principal créditeur. Nous ne savons pas si c’est vrai,
mais nous aimons cette phrase. Les Etats-Unis étaient le principal créditeur de la GrandeBretagne. Aujourd’hui, la Chine détient plus d’obligations et de dollars US que quiconque. 29»
27
http://www.treasury.gov/resource-center/data-chart-center/tic/Documents/mfh.txt
« Les banquiers de l’Amérique », La Tribune, 17 novembre 2009.
29
Bill Bonner, Chronique Agora, 2/9/2011.
28
Conclusion :
Depuis plusieurs décennies, les excédents commerciaux allemands et japonais
perdurent, les déficits français et américains sont récurrents. Ce qui change au niveau
mondial est l’arrivée des pays émergents. Selon Goldman Sachs, l’excédent courant de 54
pays émergents est passé de 1,4% du PIB en 1995 à 4,7% en 2006. La hausse du cours des
matières premières leur a permis de dégager d’importants excédents commerciaux et de
réduire leur endettement (l’Algérie et la Russie ont remboursé par anticipation leur dette
vis-à-vis du Club de Paris). Ces pays sont en train de passer de débiteur à créditeur.
Concernant le déficit courant de la première puissance mondiale, les USA, l’avenir
dira à quel moment le dollar commencera à s’effondrer et perdre sa fonction de réserve
internationale en raison du manque de confiance devant le billet vert, devenu trop abondant
par la faute de la Fed.
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